Comment les Français et les Anglais ont-ils façonné le Canada : rivalité, conquête et Confédération
Dans l’édifice du Centre de la Colline du Parlement, les peintures et sculptures racontent l’histoire du Canada. Cette histoire est celle, notamment, de la cohabitation des Français et des Anglais : l’histoire des siècles pendant lesquels leurs empires rivalisèrent d’efforts pour asseoir leur suprématie militaire et économique dans le Nouveau Monde, ainsi que la période où ils coopérèrent finalement pour construire la nation moderne qu’est le Canada.
Dans les années 1750, le régime des Français, qui durait depuis deux siècles, commença à faiblir. Le roi Louis XV est le dernier des neuf rois de l’Ancien Régime dont on trouve le portrait sur les murs du Salon de la Francophonie. Les monarques français ont gouverné la Nouvelle-France des années 1500 aux années 1700.
Le roi George III, dont le portrait se trouve dans le foyer du Sénat, est le premier des neuf monarques britanniques qui a succédé aux Français.
Lorsque Montréal, le dernier bastion de la Nouvelle-France, se rendit aux Britanniques en 1759, l’avenir prit une allure incertaine pour les 80 000 habitants francophones de la vallée du Saint-Laurent qui se demandaient ce que le nouvel accord de paix leur réserverait.
Ces cultivateurs, commerçants de fourrure, marchands et artisans francophones constituaient le poumon économique de la colonie.
Compte tenu du vent de révolution qui soufflait au sud, les Britanniques firent attention de ne pas alimenter de sentiments querelleux chez les 80 000 habitants francophones du territoire. Les Britanniques donnèrent ainsi aux habitants catholiques de langue française la garantie de leur liberté économique et religieuse.
En 1791, la colonie fut divisée en deux parties : le Haut-Canada anglophone et le Bas-Canada francophone. Quoique culturellement distinctes, les deux colonies avaient des préoccupations quotidiennes identiques et avaient une demande commune : la fin du gouvernement autoritaire qui ne rendait des comptes qu’à lui‑même, au gouverneur et à la Couronne plutôt qu’à la population qu’il gouvernait. Les mouvements de rébellion qui éclatèrent dans les deux colonies en 1837 furent rapidement et fermement réprimés.
Dans un rapport rédigé en 1839, John Lambton, mieux connu sous le nom de Lord Durham, reconnut la frustration des colons et demanda la réunification du Bas et du Haut‑Canada pour former la province du Canada, que l’on doterait d’un gouvernement élu et responsable devant son électorat. Si le chemin pour y arriver fut long, la pression publique continue mena finalement à l’instauration d’un gouvernement responsable en 1848.
C’est en 1857 que George-Étienne Cartier et John A. Macdonald formèrent une alliance pour explorer une solution proprement canadienne. Cartier s’exprima au nom des nombreux francophones qui le soutenaient et qui craignaient de voir leur influence réduite par l’immigration britannique croissante. Macdonald s’exprima quant à lui au nom des conservateurs anglophones, qui militaient pour l’instauration d’un gouvernement central fort et solidement ancré dans le principe de la représentation selon la population.
Le compromis auquel les deux hommes parvinrent avec d’autres délégués régionaux lors des conférences de Charlottetown et de Québec en 1864 fut l’instauration d’une fédération de provinces plutôt que d’une union législative unique comme en Grande-Bretagne.
On convint qu’il y aurait deux chambres de Parlement, comme en Grande-Bretagne. Toutefois, contrairement à la Chambre des lords britannique, la Chambre haute du Canada, constituée de membres nommés, constituerait la voix des régions et des minorités plutôt que celle d’aristocrates présents par tradition.
Ainsi, le Sénat du Canada fut pensé pour faire contrepoids à la Chambre des communes élue – il s’agissait d’une façon de garantir que le centre du Canada, très peuplé, ne marginalise pas les régions moins peuplées, et d’empêcher les groupes ethniques et culturels majoritaires de dicter le contenu du programme national.
Il en résulta un système parlementaire moderne, un système unique de par ses freins et contrepoids qui se révéla exceptionnellement efficace pour équilibrer les intérêts des Français et des Anglais, des villes et des régions, de l’Est et l’Ouest, ainsi que du Nord et du Sud.
La conférence finale qui se tint à Londres pour rédiger la proposition qui visait à obtenir l’approbation officielle de la reine Victoria mena la Grande-Bretagne à reconnaître le nouveau Dominion du Canada en 1867. Ainsi, après plus de 400 ans de relations parfois tendues, mais la plupart du temps cordiales, on assista à la naissance de la Confédération, soit le fruit d’une coopération réussie entre les Français et les Anglais.
Cet article est le second de deux textes sur les Anglais et les Français au Canada. Pour explorer l’art et l’architecture au Sénat et découvrir l’histoire des régimes français et anglais par les sculptures et les tableaux qu’on y trouve, faites la visite virtuelle du Sénat.