Des archéologues passent au crible des couches d’histoire pour découvrir les secrets de la Colline du Parlement
Avant qu’il n’y ait un Sénat, une Chambre des communes ou un édifice du Centre sur ce que nous appelons la Colline du Parlement, il y avait un camp militaire qui surplombait une énorme excavation qui allait devenir le canal Rideau à Ottawa.
Les archéologues qui fouillent le site avant les travaux de restauration prévus à l’édifice du Centre découvrent des objets remarquables, témoins du passé de la Colline avant la Confédération.
Les grands travaux de réhabilitation de l’édifice du Centre — allant du changement de la plomberie et des systèmes de ventilation à l’amélioration de l’accessibilité et à la mise aux normes antisismiques — sont les premiers du genre réalisés depuis la construction de l’édifice, il y a près d’un siècle.
Le Sénat a déménagé temporairement dans l’édifice du Sénat du Canada — lieu de l’ancienne gare centrale d’Ottawa construite en 1912; il y restera jusqu’à la fin des travaux, qui devraient durer au moins 10 ans.
Les archéologues ont commencé à fouiller le site de la Colline du Parlement en avril 2019. Ce qu’ils y découvrent est fascinant; ce sont les vestiges d’un complexe militaire composé de quartiers pour les soldats, de magasins de munitions et d’entrepôts, entouré d’une clôture en rondins de trois mètres de haut qui date des années où Ottawa s’appelait Bytown.
Les archéologues ont aussi mis au jour les fondations d’une caserne et d’un poste de garde du côté est de l’édifice du Centre, non loin de la Chambre du Sénat.
Les artéfacts découverts sur le site, comme des épinglettes, des boutons régimentaires et des insignes de casque, nous plongent dans ce que pouvait être la vie des militaires au milieu des années 1800.
Les archéologues ont également trouvé de la poterie, des dominos, des pièces d’échecs, des pipes en terre cuite, des pièces de monnaie, des bouteilles de liqueur et même un pot de chambre en céramique — autant d’objets qui nous renseignent sur le quotidien des occupants de ces lieux.
« Une fois les fouilles terminées, il est impossible de reconstituer le site tel qu’il était; il est donc primordial de tenir des dossiers détaillés pour chaque étape », a indiqué Stephen Jarrett, gestionnaire de projet en archéologie chez Centrus, un consortium qui dirige les travaux d’architecture et de génie sur le site pour le compte de Services publics et Approvisionnement Canada, le ministère qui gère la réhabilitation de l’édifice du Centre.
Jusqu’à 30 archéologues ont mesuré, cartographié et fouillé le site, couche après couche.
« Nous utilisons des outils comme des truelles, et grattons jusqu’à mettre au jour ce qui se cache sous la terre », a expliqué Becky Remmer, une des archéologues qui travaillent sur les fouilles. « Puis nous utilisons des tamis pour passer au crible ce que nous avons déterré. Tous les artéfacts sont enregistrés et étiquetés pour savoir exactement d’où ils viennent. C’est un processus laborieux. »
Entre 1827 et 1858, la Colline du Parlement s’appelait la Colline des casernes; c’est là qu’étaient installés les quartiers militaires des corps royaux britanniques des sapeurs et des mineurs.
La guerre de 1812 était terminée depuis plus d’une décennie, mais la menace venant des États-Unis était toujours présente. Le lieutenant-colonel John By, qui a donné son nom à Bytown, était chargé de construire un canal de 200 kilomètres reliant la rivière des Outaouais au lac Ontario, afin de permettre aux marchandises de circuler entre Montréal et Kingston en contournant la frontière américaine, où il y avait des tensions. Il y avait près de 4 000 ouvriers sur ce chantier, mais ce sont les 150 soldats qui avaient leur quartier général ici qui détenaient l’expertise essentielle en génie et en explosifs.
Le poste de garde, construit en 1827, remplissait plusieurs fonctions. Positionnés en face de l’entrée principale du camp militaire, les soldats ici pouvaient surveiller qui entrait et sortait du camp. Au rez-de-chaussée se trouvait ce qui fut la première prison d’Ottawa. L’étage supérieur a été transformé plus tard en hôpital.
Une fois la construction du canal terminée, le camp militaire a été démantelé. Bytown a été renommée Ottawa en 1855 et, en 1857, la reine Victoria l’a choisie comme capitale permanente de la Province du Canada. La plupart des bâtiments militaires ont été démolis au début de la construction des édifices du Parlement.
Les travaux de fouille au poste de garde et à la caserne devraient être terminés d’ici l’automne 2019. Les artéfacts trouvés sur place sont inventoriés et nettoyés puis identifiés en les comparant à ceux présentés dans des documents historiques ainsi qu’à des découvertes semblables. On s’attend à ce qu’ils soient exposés au public, peut-être au Centre d’accueil des visiteurs souterrain qui est prévu sur la Colline du Parlement.