Avec l’inflation, l’emploi devrait être l’une des deux cibles de la politique monétaire du Canada : sénatrice Bellemare
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La politique monétaire a une importance énorme dans le monde réel et sur le marché de l’emploi. Elle influe sur le quotidien des Canadiens et des entreprises, et ses effets sur leurs sources de revenus peuvent se faire sentir bien longtemps. Elle a aussi des conséquences sur la productivité, le potentiel de l’économie pour l’avenir et la répartition des revenus.
Maintenant que la Banque du Canada et le gouvernement du Canada s’apprêtent à renouveler leur entente quinquennale sur le cadre de la politique monétaire de la banque centrale, je demeure convaincue que ce qu’on appelle le « double mandat » – axé à la fois sur l’inflation et l’emploi – est la solution d’avenir pour la politique monétaire du Canada. Je m’explique.
Tout d’abord, une politique à double mandat est la seule possibilité qui tient compte de la situation économique actuelle du Canada. La politique monétaire peut ainsi contribuer de façon soutenue à la relance économique après la pandémie de COVID-19, et cela, sans perdre de vue l’inflation.
Le climat économique au Canada a complètement changé depuis que la banque centrale et le gouvernement fédéral ont conclu leur première entente sur la politique monétaire du pays il y a 30 ans. Dans chaque nouvelle version de cette entente, l’objectif est essentiellement demeuré le même : stabiliser les prix. Or, l’inflation ne comporte plus les mêmes dangers qu’autrefois. Même si certains craignent une flambée des prix dans les prochains mois, la Banque du Canada ne voit pas de menace sérieuse à moyen terme.
Grâce à la mondialisation, aux progrès technologiques et à de nombreux autres facteurs, la hausse moyenne des prix est demeurée faible depuis les années 1990. Le chômage a été le problème le plus préoccupant au Canada sauf lorsque, pendant quelques années avant la pandémie, des facteurs démographiques comme le vieillissement de la population ont causé des pénuries de main-d’œuvre dans certaines provinces et certains secteurs. La crise du chômage est de nouveau au centre des débats sur les questions d’intérêt public, et la politique monétaire du Canada doit en tenir compte.
Ensuite, la solution du double mandat est la plus crédible parmi celles envisagées par la Banque du Canada, les trois autres étant : l’établissement d’une trajectoire cible pour le produit intérieur brut (PIB) nominal, le relèvement de la cible d’inflation et le maintien du statu quo. La crédibilité de la politique monétaire dépend, en partie, de la compréhension et des attentes des gens quant aux résultats de cette politique.
Pour cette raison, on devrait écarter l’idée de fixer une trajectoire cible pour le PIB. Même si cette solution tient compte des problèmes liés à la situation économique actuelle – y compris l’emploi – elle est plutôt difficile à expliquer et est donc peu crédible.
Comme l’idée précédente, celle de relever la cible d’inflation tient compte du facteur de l’emploi, mais est peu crédible. En effet, comment la banque centrale du Canada pourrait-elle faire comprendre à la population que le taux d’inflation doit monter, après avoir martelé pendant des années que l’économie a besoin d’une hausse plutôt modérée des prix? Elle aurait du mal à expliquer et à justifier une telle mesure.
Qu’en est-il du statu quo? Je suis convaincue que ce n’est pas une solution valable, car sa seule cible est l’inflation, tandis que les grands problèmes qui nous occupent actuellement ont trait à la croissance économique et à l’emploi.
En conséquence, le choix à faire est évident. Le moment est venu pour le Canada d’élargir le cadre de sa politique monétaire afin de viser non seulement la stabilisation des prix, mais aussi le plein emploi (ou emploi maximal), comme cela se fait dans des pays comme les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle‑Zélande. Bref, il est temps que la Banque du Canada adopte la pratique du double mandat.
Comme l’a souvent soutenu Pierre Fortin, économiste et professeur d’université au Québec, le double mandat adopté par les États-Unis pourrait être la raison pour laquelle ce pays a souvent affiché un taux de chômage inférieur à celui du Canada.
Une politique à double mandat est le choix le plus crédible pour bien amorcer les décennies à venir, surtout au regard des défis qui nous attendent (par exemple la croissance des risques liés aux changements climatiques et aux progrès technologiques) et de son caractère équitable, dû au fait qu’elle tient compte des préoccupations des personnes qui possèdent des actifs comme de celles qui doivent travailler constamment pour subvenir à leurs besoins.
De plus, je crois qu’un double mandat est une solution plus efficace. Une politique monétaire qui compterait l’emploi parmi ses objectifs pourrait indirectement améliorer la productivité, et ainsi amortir la hausse du coût de l’offre.
Un double mandat exigerait peut-être une meilleure coordination des politiques monétaire et fiscale, mais ce n’est pas là une exigence difficile à satisfaire, puisque la Banque du Canada et le ministère des Finances travaillent déjà régulièrement ensemble.
Le temps est venu pour la Banque du Canada et le gouvernement du Canada de choisir une politique monétaire qui reflète le climat économique actuel. Le double mandat est le meilleur moyen de développer le potentiel de l’économie canadienne, maintenant et à l’avenir.
La sénatrice Diane Bellemare représente la division d’Alma au Québec au Sénat.
Cet article est une adaptation d’un article (en anglais seulement) rédigé pour une conférence sur l’avenir de la politique monétaire du Canada tenue par l’École de politiques publiques Max Bell de l’Université McGill du 22 au 25 septembre 2020.
L’honorable Diane Bellemare a pris sa retraite du Sénat du Canada en octobre 2024. Visitez le site web Parlinfo de la bibliothèque du parlement et apprenez-en davantage sur son travail au Parlement.
La politique monétaire a une importance énorme dans le monde réel et sur le marché de l’emploi. Elle influe sur le quotidien des Canadiens et des entreprises, et ses effets sur leurs sources de revenus peuvent se faire sentir bien longtemps. Elle a aussi des conséquences sur la productivité, le potentiel de l’économie pour l’avenir et la répartition des revenus.
Maintenant que la Banque du Canada et le gouvernement du Canada s’apprêtent à renouveler leur entente quinquennale sur le cadre de la politique monétaire de la banque centrale, je demeure convaincue que ce qu’on appelle le « double mandat » – axé à la fois sur l’inflation et l’emploi – est la solution d’avenir pour la politique monétaire du Canada. Je m’explique.
Tout d’abord, une politique à double mandat est la seule possibilité qui tient compte de la situation économique actuelle du Canada. La politique monétaire peut ainsi contribuer de façon soutenue à la relance économique après la pandémie de COVID-19, et cela, sans perdre de vue l’inflation.
Le climat économique au Canada a complètement changé depuis que la banque centrale et le gouvernement fédéral ont conclu leur première entente sur la politique monétaire du pays il y a 30 ans. Dans chaque nouvelle version de cette entente, l’objectif est essentiellement demeuré le même : stabiliser les prix. Or, l’inflation ne comporte plus les mêmes dangers qu’autrefois. Même si certains craignent une flambée des prix dans les prochains mois, la Banque du Canada ne voit pas de menace sérieuse à moyen terme.
Grâce à la mondialisation, aux progrès technologiques et à de nombreux autres facteurs, la hausse moyenne des prix est demeurée faible depuis les années 1990. Le chômage a été le problème le plus préoccupant au Canada sauf lorsque, pendant quelques années avant la pandémie, des facteurs démographiques comme le vieillissement de la population ont causé des pénuries de main-d’œuvre dans certaines provinces et certains secteurs. La crise du chômage est de nouveau au centre des débats sur les questions d’intérêt public, et la politique monétaire du Canada doit en tenir compte.
Ensuite, la solution du double mandat est la plus crédible parmi celles envisagées par la Banque du Canada, les trois autres étant : l’établissement d’une trajectoire cible pour le produit intérieur brut (PIB) nominal, le relèvement de la cible d’inflation et le maintien du statu quo. La crédibilité de la politique monétaire dépend, en partie, de la compréhension et des attentes des gens quant aux résultats de cette politique.
Pour cette raison, on devrait écarter l’idée de fixer une trajectoire cible pour le PIB. Même si cette solution tient compte des problèmes liés à la situation économique actuelle – y compris l’emploi – elle est plutôt difficile à expliquer et est donc peu crédible.
Comme l’idée précédente, celle de relever la cible d’inflation tient compte du facteur de l’emploi, mais est peu crédible. En effet, comment la banque centrale du Canada pourrait-elle faire comprendre à la population que le taux d’inflation doit monter, après avoir martelé pendant des années que l’économie a besoin d’une hausse plutôt modérée des prix? Elle aurait du mal à expliquer et à justifier une telle mesure.
Qu’en est-il du statu quo? Je suis convaincue que ce n’est pas une solution valable, car sa seule cible est l’inflation, tandis que les grands problèmes qui nous occupent actuellement ont trait à la croissance économique et à l’emploi.
En conséquence, le choix à faire est évident. Le moment est venu pour le Canada d’élargir le cadre de sa politique monétaire afin de viser non seulement la stabilisation des prix, mais aussi le plein emploi (ou emploi maximal), comme cela se fait dans des pays comme les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle‑Zélande. Bref, il est temps que la Banque du Canada adopte la pratique du double mandat.
Comme l’a souvent soutenu Pierre Fortin, économiste et professeur d’université au Québec, le double mandat adopté par les États-Unis pourrait être la raison pour laquelle ce pays a souvent affiché un taux de chômage inférieur à celui du Canada.
Une politique à double mandat est le choix le plus crédible pour bien amorcer les décennies à venir, surtout au regard des défis qui nous attendent (par exemple la croissance des risques liés aux changements climatiques et aux progrès technologiques) et de son caractère équitable, dû au fait qu’elle tient compte des préoccupations des personnes qui possèdent des actifs comme de celles qui doivent travailler constamment pour subvenir à leurs besoins.
De plus, je crois qu’un double mandat est une solution plus efficace. Une politique monétaire qui compterait l’emploi parmi ses objectifs pourrait indirectement améliorer la productivité, et ainsi amortir la hausse du coût de l’offre.
Un double mandat exigerait peut-être une meilleure coordination des politiques monétaire et fiscale, mais ce n’est pas là une exigence difficile à satisfaire, puisque la Banque du Canada et le ministère des Finances travaillent déjà régulièrement ensemble.
Le temps est venu pour la Banque du Canada et le gouvernement du Canada de choisir une politique monétaire qui reflète le climat économique actuel. Le double mandat est le meilleur moyen de développer le potentiel de l’économie canadienne, maintenant et à l’avenir.
La sénatrice Diane Bellemare représente la division d’Alma au Québec au Sénat.
Cet article est une adaptation d’un article (en anglais seulement) rédigé pour une conférence sur l’avenir de la politique monétaire du Canada tenue par l’École de politiques publiques Max Bell de l’Université McGill du 22 au 25 septembre 2020.
L’honorable Diane Bellemare a pris sa retraite du Sénat du Canada en octobre 2024. Visitez le site web Parlinfo de la bibliothèque du parlement et apprenez-en davantage sur son travail au Parlement.