Cinquante ans plus tard, les musulmans ismaéliens continuent de donner au pays qui leur a rendu l’espoir : sénatrice Jaffer
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Ma réalité de musulmane ismaélienne est une partie très importante de mon identité. Si j’en ai parlé à de nombreuses reprises – au Sénat, comme conférencière, dans les médias –, c’est que je suis immensément redevable à la communauté ismaélienne et à Son Altesse l’Aga Khan, le chef spirituel de plus de 15 millions de musulmans ismaéliens dans le monde. Je crois que je dois mon succès, mes réussites et tous les honneurs et prix que j’ai reçus aux valeurs qu’on m’a inculquées en tant que musulmane ismaélienne.
Récemment, les musulmans ismaéliens du Canada ont marqué le 50e anniversaire de leur présence en nombre important au Canada. En effet, c’est en août 1972 qu’Idi Amin, qui était alors le président et le dictateur militaire de l’Ouganda, a annoncé que les 60 000 Asiatiques du sud qui habitaient le pays devaient quitter l’Ouganda dans les 90 jours. Des milliers ont perdu la vie ou vécu des traumatismes innommables sous son régime brutal. Mon père, Sherali Bandali Jaffer, ex-député, avait déjà dû s’enfuir, sa vie étant en danger. L’Aga Khan et le prince Sadruddin Aga Khan, alors Haut‑Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, sont venus à notre rescousse, avec l’aide de nombreux pays.
Avec 6 000 autres Asiatiques du sud de l’Ouganda, ma famille et moi avons pu demander l’asile au Canada. C’est la gentillesse et l’ouverture des Canadiens qui nous ont donné la chance de construire une nouvelle vie, malgré nos épreuves.
J’ai eu le privilège de pouvoir transformer l’adversité en réussite. Je suis devenue la première femme asiatique du sud à pratiquer le droit au Canada, j’ai été reçue comme conseil de la Reine (maintenant du Roi), et j’ai eu l’honneur d’être nommée au Sénat du Canada, dont j’ai été le premier membre musulman, le premier né en Afrique, et le premier d’origine asiatique du sud.
Mais pas le dernier. Mon histoire – faite de difficultés, de grands efforts mais aussi de progrès – est celle de milliers de Canadiens ismaéliens, et de combien d’autres nouveaux arrivants qui choisissent de s’établir au Canada.
Mais la générosité n’est pas à sens unique. Depuis 50 ans, les ismaéliens de tous les horizons travaillent inlassablement pour concrétiser leur reconnaissance envers le pays qui leur a tant donné. Citons par exemple l’ancien maire de Calgary, Naheed Nenshi; les présentateurs de nouvelles Omar Sachedina et Farah Nasser; le romancier M.G. Vassanji; ou la comédienne Iman Vellani, qui joue dans Ms. Marvel. Inspirés par les enseignements de l’Aga Khan, des milliers de Canadiens ismaéliens contribuent fermement et activement à la vie civile, culturelle et sociale de leur milieu.
Cette idée – qu’il faut donner de soi pour améliorer la vie des autres – est bien canadienne, et elle aide à ancrer solidement dans notre pays une mentalité nationale d’entraide et de responsabilité mutuelle.
L’Aga Khan est le 49e Imam du temps (chef spirituel) héréditaire des musulmans ismaéliens chiites. Dans l’exercice de sa charge, il fait beaucoup pour améliorer la situation de cette communauté : il met en lumière la pensée et l’art musulmans au Musée Aga Khan de Toronto, il réunit l’Orient et l’Occident au Jardin Aga Khan en Alberta et au Parc Aga Khan à Toronto, il lutte contre la pauvreté par l’entremise de la Fondation Aga Khan Canada, et il soutient la compréhension et le respect mutuels dans les sociétés grâce au Centre mondial du pluralisme à Ottawa, en partenariat avec le gouvernement fédéral.
Récemment, des membres de la famille de l’Aga Khan, notamment son frère, le prince Amyn, et ses enfants, la princesse Zahra et le prince Rahim, sont venus au Canada pour prendre part à des cérémonies de commémoration des 50 ans de présence des ismaéliens au Canada, ainsi que pour donner le coup d’envoi à des initiatives tournées vers les 50 prochaines années. À Toronto, on a remis à l’Aga Khan les clés de la ville pour son engagement dans la métropole et ses œuvres humanitaires dans le monde. À Edmonton, le nouveau pavillon Diwan propose un lieu de dialogue et d’engagement, conformément au mandat du Jardin Aga Khan. À Vancouver, le gouvernement de la Colombie‑Britannique et l’Ismaili Imamat ont solidifié leur partenariat par un accord de coopération visant la lutte contre les changements climatiques dans la province et dans le monde.
Toutefois, la vraie signification de tout cela ne réside pas dans les édifices, dans les accords ou dans les applaudissements qu’ils suscitent. Ce qu’il faut vraiment célébrer, c’est que, dans un monde marqué par le repli et le sectarisme, il existe des forces qui nous orientent vers la bienveillance et la gentillesse.
Rien ne me rend plus reconnaissante que d’être canadienne et ismaélienne, et j’ai la chance que ces deux aspects de ma vie puissent non seulement coexister paisiblement mais interagir activement et se renforcer mutuellement. Chaque jour, je dis merci pour ces identités multiples, mais aussi pour la tolérance du Canada et pour le combat qu’il ne cesse de mener en faveur de l’égalité des chances. Puisse le Canada demeurer pour tous une raison d’espérer.
La sénatrice Mobina Jaffer représente la Colombie-Britannique au Sénat.
L’honorable sénatrice Mobina Jaffer a pris sa retraite du Sénat du Canada en août 2024. Visitez le site web Parlinfo de la bibliothèque du parlement et apprenez-en davantage sur son travail au Parlement.
Une version de cet article a été publiée le 12 octobre 2022 dans le Ottawa Citizen (en anglais seulement).
Ma réalité de musulmane ismaélienne est une partie très importante de mon identité. Si j’en ai parlé à de nombreuses reprises – au Sénat, comme conférencière, dans les médias –, c’est que je suis immensément redevable à la communauté ismaélienne et à Son Altesse l’Aga Khan, le chef spirituel de plus de 15 millions de musulmans ismaéliens dans le monde. Je crois que je dois mon succès, mes réussites et tous les honneurs et prix que j’ai reçus aux valeurs qu’on m’a inculquées en tant que musulmane ismaélienne.
Récemment, les musulmans ismaéliens du Canada ont marqué le 50e anniversaire de leur présence en nombre important au Canada. En effet, c’est en août 1972 qu’Idi Amin, qui était alors le président et le dictateur militaire de l’Ouganda, a annoncé que les 60 000 Asiatiques du sud qui habitaient le pays devaient quitter l’Ouganda dans les 90 jours. Des milliers ont perdu la vie ou vécu des traumatismes innommables sous son régime brutal. Mon père, Sherali Bandali Jaffer, ex-député, avait déjà dû s’enfuir, sa vie étant en danger. L’Aga Khan et le prince Sadruddin Aga Khan, alors Haut‑Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, sont venus à notre rescousse, avec l’aide de nombreux pays.
Avec 6 000 autres Asiatiques du sud de l’Ouganda, ma famille et moi avons pu demander l’asile au Canada. C’est la gentillesse et l’ouverture des Canadiens qui nous ont donné la chance de construire une nouvelle vie, malgré nos épreuves.
J’ai eu le privilège de pouvoir transformer l’adversité en réussite. Je suis devenue la première femme asiatique du sud à pratiquer le droit au Canada, j’ai été reçue comme conseil de la Reine (maintenant du Roi), et j’ai eu l’honneur d’être nommée au Sénat du Canada, dont j’ai été le premier membre musulman, le premier né en Afrique, et le premier d’origine asiatique du sud.
Mais pas le dernier. Mon histoire – faite de difficultés, de grands efforts mais aussi de progrès – est celle de milliers de Canadiens ismaéliens, et de combien d’autres nouveaux arrivants qui choisissent de s’établir au Canada.
Mais la générosité n’est pas à sens unique. Depuis 50 ans, les ismaéliens de tous les horizons travaillent inlassablement pour concrétiser leur reconnaissance envers le pays qui leur a tant donné. Citons par exemple l’ancien maire de Calgary, Naheed Nenshi; les présentateurs de nouvelles Omar Sachedina et Farah Nasser; le romancier M.G. Vassanji; ou la comédienne Iman Vellani, qui joue dans Ms. Marvel. Inspirés par les enseignements de l’Aga Khan, des milliers de Canadiens ismaéliens contribuent fermement et activement à la vie civile, culturelle et sociale de leur milieu.
Cette idée – qu’il faut donner de soi pour améliorer la vie des autres – est bien canadienne, et elle aide à ancrer solidement dans notre pays une mentalité nationale d’entraide et de responsabilité mutuelle.
L’Aga Khan est le 49e Imam du temps (chef spirituel) héréditaire des musulmans ismaéliens chiites. Dans l’exercice de sa charge, il fait beaucoup pour améliorer la situation de cette communauté : il met en lumière la pensée et l’art musulmans au Musée Aga Khan de Toronto, il réunit l’Orient et l’Occident au Jardin Aga Khan en Alberta et au Parc Aga Khan à Toronto, il lutte contre la pauvreté par l’entremise de la Fondation Aga Khan Canada, et il soutient la compréhension et le respect mutuels dans les sociétés grâce au Centre mondial du pluralisme à Ottawa, en partenariat avec le gouvernement fédéral.
Récemment, des membres de la famille de l’Aga Khan, notamment son frère, le prince Amyn, et ses enfants, la princesse Zahra et le prince Rahim, sont venus au Canada pour prendre part à des cérémonies de commémoration des 50 ans de présence des ismaéliens au Canada, ainsi que pour donner le coup d’envoi à des initiatives tournées vers les 50 prochaines années. À Toronto, on a remis à l’Aga Khan les clés de la ville pour son engagement dans la métropole et ses œuvres humanitaires dans le monde. À Edmonton, le nouveau pavillon Diwan propose un lieu de dialogue et d’engagement, conformément au mandat du Jardin Aga Khan. À Vancouver, le gouvernement de la Colombie‑Britannique et l’Ismaili Imamat ont solidifié leur partenariat par un accord de coopération visant la lutte contre les changements climatiques dans la province et dans le monde.
Toutefois, la vraie signification de tout cela ne réside pas dans les édifices, dans les accords ou dans les applaudissements qu’ils suscitent. Ce qu’il faut vraiment célébrer, c’est que, dans un monde marqué par le repli et le sectarisme, il existe des forces qui nous orientent vers la bienveillance et la gentillesse.
Rien ne me rend plus reconnaissante que d’être canadienne et ismaélienne, et j’ai la chance que ces deux aspects de ma vie puissent non seulement coexister paisiblement mais interagir activement et se renforcer mutuellement. Chaque jour, je dis merci pour ces identités multiples, mais aussi pour la tolérance du Canada et pour le combat qu’il ne cesse de mener en faveur de l’égalité des chances. Puisse le Canada demeurer pour tous une raison d’espérer.
La sénatrice Mobina Jaffer représente la Colombie-Britannique au Sénat.
L’honorable sénatrice Mobina Jaffer a pris sa retraite du Sénat du Canada en août 2024. Visitez le site web Parlinfo de la bibliothèque du parlement et apprenez-en davantage sur son travail au Parlement.
Une version de cet article a été publiée le 12 octobre 2022 dans le Ottawa Citizen (en anglais seulement).