Cohabiter avec ses bourreaux : sénatrice McCallum
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L’homme était attaché à la grande roue, qui continuait de tourner sans fin. Au bas du cycle de rotation, les pointes métalliques, qui étaient fixées au sol, perforaient son abdomen. Au sommet du cycle de rotation, du sel était versé sur ses plaies. Les flammes intenses ronflaient près de la roue, chauffant le labyrinthe. Lorsque la roue atteignait le sol, le pichet d’eau se trouvait tout juste hors de la portée de l’homme, dont la soif était d’autant plus insupportable en raison de la chaleur intense [traduction].
— Mary Jane McCallum, « Bless me Father for I have sinned », tiré de l’ouvrage First Lady Nation, Volume II : Stories by Aboriginal Women, sous la direction de Linda Ellis Eastman.
Cette image de l’enfer, que je me suis imaginée enfant alors que je résidais au pensionnat autochtone Guy Hill, m’a valu le premier prix dans ma classe de religion. Cette peur de l’enfer ne m’a jamais quittée; encore aujourd’hui, je crois que je vais finir en enfer.
Pourquoi?
Parce que sir John A. Macdonald croyait, et avait le pouvoir de faire croire aux autres colons, que nous étions des sauvages, inférieurs aux humains. Il me l’a fait croire aussi, pendant un certain temps. Je croyais aussi qu’il représentait les civilisés. Quand on regarde l’état du monde aujourd’hui, est-ce de la civilisation?
Grâce à l’éducation fondée sur le territoire que j’ai reçue en tant que petite fille sur la ligne de piégeage et au camp de pêche, ainsi qu’aux enseignements sur les liens, les relations, la spiritualité et le but de la vie, j’étais solide. Comme Bob Seger l’a écrit, « Mes yeux étaient clairs et brillants, ma vie avait un but, mes pas étaient rapides et légers et je tenais fermement à ce que je savais être juste. » Pourtant, à l’âge de cinq ans, je suis devenue victime de bourreaux et j’ai été condamnée à fréquenter un pensionnat où l’on a remodelé mon identité pour en faire une basée sur la honte, la dépendance, l’obéissance aveugle et la peur.
Soixante-neuf ans plus tard, je suis toujours sur le chemin de la réconciliation avec cette enfant qui est entrée pour la première fois dans un pensionnat. Cette petite fille était déjà une véritable réussite et n’avait aucun défaut – c’était ma réalité et ma vérité.
Lorsque les gens me demandent aujourd’hui : « Pourquoi avons-nous encore cette conversation alors que cela s’est passé il y a plus de 100 ans », je réponds : « Je n’ai jamais rencontré John A. Macdonald, mais j’ai été activement contrainte de suivre sa politique et sa loi depuis ma naissance jusqu’à aujourd’hui. C’est le cas de mes enfants et de mes petits-enfants. Et les vôtres aussi. »
Que les Canadiens s’en rendent compte ou non, nous sommes tous colonisés. Le choix qui s’offre à nous est de savoir si nous continuons à être des colonisateurs.
La deuxième question que l’on nous pose est : « Pourquoi ne pas passer à autre chose? »
Si l’on vous déplaçait violemment et sans raison de l’endroit où vous vous trouvez aujourd’hui, sans aucun pouvoir de contestation, comment passeriez-vous à autre chose?
Si, enfant, vous étiez violemment et continuellement attaqué – physiquement, sexuellement, mentalement, émotionnellement, spirituellement et psychologiquement – par des étrangers qui étaient censés vous protéger et étaient « plus proches de Dieu », comment passeriez-vous à autre chose?
Lorsque vous avez été témoin de morts aux mains des serviteurs de Dieu dans ce monde « civilisé », comment passeriez-vous à autre chose?
Lorsque la vie devient alors une performance selon ces normes, selon un Dieu qu’ils ont créé à leur propre image – dur, froid et intransigeant – comment passeriez-vous à autre chose?
J’attends vos suggestions.
Les pensionnats étaient-ils un génocide ou une forme de persécution? Le traumatisme qu’il a créé pour moi et pour d’autres personnes a brisé le sens de nos vies et a entraîné la mort, le désordre, la déconnexion et la déresponsabilisation.
Pourtant, nous continuerons à raconter nos histoires pour recréer le sens et l’identité que nous connaissions autrefois, en tant qu’individus et communautés.
Voilà en quoi consiste la réconciliation.
La femme tenait le bébé, enveloppé dans une couverture, et s’est assise sur une chaise. La chaise se trouvait au sommet d’une roche noire, lisse et brillante, entourée d’eau, dans une caverne noire. L’obscurité était totale, mais une lumière éclairait la femme et l’enfant. Tout autour du rocher se trouvaient des créatures grises, gluantes et à quatre pattes qui regardaient l’enfant avec avidité. Elles tentaient de ramper plus près de la femme et de l’enfant. La femme s’est penchée vers les créatures et a affirmé : « Vous n’aurez pas ce bébé. » Elle a jeté autant d’amour qu’elle le pouvait, de son cœur et de son esprit, et les créatures ont reculé. Dans son rêve, elle a réalisé que « l’amour est l’arme la plus puissante… » [traduction].
— Mary Jane McCallum, « Bless me Father for I have sinned »
Lorsqu’elle était enfant, la sénatrice McCallum, deuxième à partir de la droite, a remporté le premier prix de son cours de religion pour sa description frappante de l’enfer. « La peur de l’enfer m’a accompagnée toute ma vie », écrit-elle.
Bien avant ses 16 ans, on avait fait croire à la sénatrice Mary Jane McCallum, au pensionnat, qu’elle était moins qu’humaine.
La sénatrice McCallum, au centre, tient une plume d’aigle alors qu’elle est assermentée au Sénat. Malgré tout ce qu’elle a accompli, elle reste marquée par ses expériences au pensionnat Guy Hill.
La sénatrice McCallum lève les yeux pendant qu’elle s’occupe d’un patient sur cette photo prise en 1978, alors qu’elle était infirmière dentaire.
La sénatrice McCallum obtient son diplôme de dentiste en 1990.
La pratique dentaire de la sénatrice McCallum l’a amenée dans les communautés autochtones au Manitoba, y compris dans sa réserve natale de la Première Nation de Barren Lands.
La sénatrice Mary Jane McCallum est une femme des Premières Nations d’origine crie qui, au cours de sa longue et brillante carrière, a fourni des soins dentaires dans les communautés des Premières Nations du Manitoba.
À propos de photos
Les photos que vous voyez représentent un voyage de réconciliation de mon identité, de ma culture et de ma communauté.
La première photo montre mon assimilation forcée au sein du pensionnat. La deuxième me montre à l’âge de 16 ans au secondaire où j’ai poursuivi une éducation occidentale. La photo où l’on me voit exercer le métier d’infirmière dentaire est le moment où j’ai commencé à considérer mon travail comme un service public, plutôt que comme un simple commerce. C’est là que mon point de vue a commencé à se tourner vers la décolonisation de ma façon de penser et de ma façon d’agir.
Cet effort de décolonisation s’est intensifié lorsque je me suis orienté vers la dentisterie, tout en continuant à remettre en question l’approche de la santé basée sur l’économie du marché au profit d’une approche plus centrée sur le patient.
La photo de moi dans ma réserve natale est emblématique de ma réconciliation continuelle avec la terre et la communauté. Ce processus de décolonisation est toujours en cours alors que je continue à faire entendre les préoccupations de Premières Nations au Sénat du Canada.
L’homme était attaché à la grande roue, qui continuait de tourner sans fin. Au bas du cycle de rotation, les pointes métalliques, qui étaient fixées au sol, perforaient son abdomen. Au sommet du cycle de rotation, du sel était versé sur ses plaies. Les flammes intenses ronflaient près de la roue, chauffant le labyrinthe. Lorsque la roue atteignait le sol, le pichet d’eau se trouvait tout juste hors de la portée de l’homme, dont la soif était d’autant plus insupportable en raison de la chaleur intense [traduction].
— Mary Jane McCallum, « Bless me Father for I have sinned », tiré de l’ouvrage First Lady Nation, Volume II : Stories by Aboriginal Women, sous la direction de Linda Ellis Eastman.
Cette image de l’enfer, que je me suis imaginée enfant alors que je résidais au pensionnat autochtone Guy Hill, m’a valu le premier prix dans ma classe de religion. Cette peur de l’enfer ne m’a jamais quittée; encore aujourd’hui, je crois que je vais finir en enfer.
Pourquoi?
Parce que sir John A. Macdonald croyait, et avait le pouvoir de faire croire aux autres colons, que nous étions des sauvages, inférieurs aux humains. Il me l’a fait croire aussi, pendant un certain temps. Je croyais aussi qu’il représentait les civilisés. Quand on regarde l’état du monde aujourd’hui, est-ce de la civilisation?
Grâce à l’éducation fondée sur le territoire que j’ai reçue en tant que petite fille sur la ligne de piégeage et au camp de pêche, ainsi qu’aux enseignements sur les liens, les relations, la spiritualité et le but de la vie, j’étais solide. Comme Bob Seger l’a écrit, « Mes yeux étaient clairs et brillants, ma vie avait un but, mes pas étaient rapides et légers et je tenais fermement à ce que je savais être juste. » Pourtant, à l’âge de cinq ans, je suis devenue victime de bourreaux et j’ai été condamnée à fréquenter un pensionnat où l’on a remodelé mon identité pour en faire une basée sur la honte, la dépendance, l’obéissance aveugle et la peur.
Soixante-neuf ans plus tard, je suis toujours sur le chemin de la réconciliation avec cette enfant qui est entrée pour la première fois dans un pensionnat. Cette petite fille était déjà une véritable réussite et n’avait aucun défaut – c’était ma réalité et ma vérité.
Lorsque les gens me demandent aujourd’hui : « Pourquoi avons-nous encore cette conversation alors que cela s’est passé il y a plus de 100 ans », je réponds : « Je n’ai jamais rencontré John A. Macdonald, mais j’ai été activement contrainte de suivre sa politique et sa loi depuis ma naissance jusqu’à aujourd’hui. C’est le cas de mes enfants et de mes petits-enfants. Et les vôtres aussi. »
Que les Canadiens s’en rendent compte ou non, nous sommes tous colonisés. Le choix qui s’offre à nous est de savoir si nous continuons à être des colonisateurs.
La deuxième question que l’on nous pose est : « Pourquoi ne pas passer à autre chose? »
Si l’on vous déplaçait violemment et sans raison de l’endroit où vous vous trouvez aujourd’hui, sans aucun pouvoir de contestation, comment passeriez-vous à autre chose?
Si, enfant, vous étiez violemment et continuellement attaqué – physiquement, sexuellement, mentalement, émotionnellement, spirituellement et psychologiquement – par des étrangers qui étaient censés vous protéger et étaient « plus proches de Dieu », comment passeriez-vous à autre chose?
Lorsque vous avez été témoin de morts aux mains des serviteurs de Dieu dans ce monde « civilisé », comment passeriez-vous à autre chose?
Lorsque la vie devient alors une performance selon ces normes, selon un Dieu qu’ils ont créé à leur propre image – dur, froid et intransigeant – comment passeriez-vous à autre chose?
J’attends vos suggestions.
Les pensionnats étaient-ils un génocide ou une forme de persécution? Le traumatisme qu’il a créé pour moi et pour d’autres personnes a brisé le sens de nos vies et a entraîné la mort, le désordre, la déconnexion et la déresponsabilisation.
Pourtant, nous continuerons à raconter nos histoires pour recréer le sens et l’identité que nous connaissions autrefois, en tant qu’individus et communautés.
Voilà en quoi consiste la réconciliation.
La femme tenait le bébé, enveloppé dans une couverture, et s’est assise sur une chaise. La chaise se trouvait au sommet d’une roche noire, lisse et brillante, entourée d’eau, dans une caverne noire. L’obscurité était totale, mais une lumière éclairait la femme et l’enfant. Tout autour du rocher se trouvaient des créatures grises, gluantes et à quatre pattes qui regardaient l’enfant avec avidité. Elles tentaient de ramper plus près de la femme et de l’enfant. La femme s’est penchée vers les créatures et a affirmé : « Vous n’aurez pas ce bébé. » Elle a jeté autant d’amour qu’elle le pouvait, de son cœur et de son esprit, et les créatures ont reculé. Dans son rêve, elle a réalisé que « l’amour est l’arme la plus puissante… » [traduction].
— Mary Jane McCallum, « Bless me Father for I have sinned »
Lorsqu’elle était enfant, la sénatrice McCallum, deuxième à partir de la droite, a remporté le premier prix de son cours de religion pour sa description frappante de l’enfer. « La peur de l’enfer m’a accompagnée toute ma vie », écrit-elle.
Bien avant ses 16 ans, on avait fait croire à la sénatrice Mary Jane McCallum, au pensionnat, qu’elle était moins qu’humaine.
La sénatrice McCallum, au centre, tient une plume d’aigle alors qu’elle est assermentée au Sénat. Malgré tout ce qu’elle a accompli, elle reste marquée par ses expériences au pensionnat Guy Hill.
La sénatrice McCallum lève les yeux pendant qu’elle s’occupe d’un patient sur cette photo prise en 1978, alors qu’elle était infirmière dentaire.
La sénatrice McCallum obtient son diplôme de dentiste en 1990.
La pratique dentaire de la sénatrice McCallum l’a amenée dans les communautés autochtones au Manitoba, y compris dans sa réserve natale de la Première Nation de Barren Lands.
La sénatrice Mary Jane McCallum est une femme des Premières Nations d’origine crie qui, au cours de sa longue et brillante carrière, a fourni des soins dentaires dans les communautés des Premières Nations du Manitoba.
À propos de photos
Les photos que vous voyez représentent un voyage de réconciliation de mon identité, de ma culture et de ma communauté.
La première photo montre mon assimilation forcée au sein du pensionnat. La deuxième me montre à l’âge de 16 ans au secondaire où j’ai poursuivi une éducation occidentale. La photo où l’on me voit exercer le métier d’infirmière dentaire est le moment où j’ai commencé à considérer mon travail comme un service public, plutôt que comme un simple commerce. C’est là que mon point de vue a commencé à se tourner vers la décolonisation de ma façon de penser et de ma façon d’agir.
Cet effort de décolonisation s’est intensifié lorsque je me suis orienté vers la dentisterie, tout en continuant à remettre en question l’approche de la santé basée sur l’économie du marché au profit d’une approche plus centrée sur le patient.
La photo de moi dans ma réserve natale est emblématique de ma réconciliation continuelle avec la terre et la communauté. Ce processus de décolonisation est toujours en cours alors que je continue à faire entendre les préoccupations de Premières Nations au Sénat du Canada.