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Laissons le Sénat étudier les projets de loi comme il se doit : sénateur Tannas

La Chambre temporaire du Sénat dans l’édifice du Sénat du Canada, vue depuis les tribunes du public.

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L’ouverture de la 45e législature en mai dernier a été suivie de cinq semaines de séance frénétiques qui peuvent être qualifiées de tout sauf normales. Le sentiment d’urgence palpable visant à relever des défis considérables s’est traduit par un vaste consensus quant au fait que le Parlement devait agir avec une rapidité exceptionnelle pour étudier des projets de loi et les faire adopter, le tout dans le but d’éliminer des obstacles au commerce intérieur et de bâtir des infrastructures nationales. 

L’élan visant à faire adopter rapidement les projets de loi du gouvernement pendant les premières semaines de la nouvelle législature contrastait nettement avec les derniers mois de la législature précédente, au cours desquels un blocage parlementaire avait interrompu la progression des projets de loi au sein des deux chambres.

Les défis auxquels le Canada est confronté continueront sans contredit d’obliger le Parlement à faire preuve d’agilité, mais l’expérience de l’année dernière (mesures urgentes et inaction prolongée) nous pousse à réfléchir à la façon dont le Parlement peut s’acquitter de ses responsabilités législatives de manière robuste et efficace. Compte tenu du rôle distinct que doit jouer le Sénat en tant que chambre du second examen objectif, il y a des principes de base du processus parlementaire que nous devons nous assurer de maintenir pour veiller à ce que la 45e législature fonctionne dans l’intérêt supérieur des Canadiens. 

Le premier principe de base consiste à suivre le processus législatif établi pour l’examen des projets de loi. Des circonstances exceptionnelles nécessiteront toujours des mesures exceptionnelles, comme nous l’avons vu avec le projet de loi C-5 le printemps dernier. Les gouvernements exerceront toujours des pressions pour que leur programme législatif soit adopté au Parlement le plus rapidement possible, et c’est bien compréhensible, mais la rapidité ne devrait pas nous écarter de notre processus législatif habituel. L’une des déviations préoccupantes, qui est de plus en plus répandue, est le recours aux études préalables dans le but d’accélérer la progression des projets de loi au Sénat. Au départ, les études préalables visaient à bonifier l’étude de projets de loi complexes de nature financière. Toutefois, au cours des dernières années, elles ont été appliquées à des projets de loi portant sur une vaste gamme d’enjeux de fond. L’étude parallèle de projets de loi à la Chambre des communes et au Sénat va à l’encontre d’un objectif clé de notre système bicaméral, dans le cadre duquel la seconde Chambre procède à un second examen des projets de loi. 

De plus, l’échéancier souhaité par le gouvernement pour l’adoption des projets de loi par le Parlement devrait permettre au Sénat de disposer du temps nécessaire pour terminer son examen législatif, et prévoir du temps pour que la Chambre des communes puisse étudier tout amendement du Sénat. Notre système bicaméral a délibérément été conçu pour que la représentation régionale et les intérêts des groupes minoritaires fassent partie intégrante du processus d’élaboration des lois. Le rôle du Sénat comprend un dialogue avec la Chambre des communes, mais trop souvent, dans la hâte de faire adopter les projets de loi avant les périodes d’ajournement, des pressions sont exercées sur les sénateurs pour qu’ils n’apportent pas d’amendements parce que les députés ont quitté Ottawa. C’est un problème particulièrement criant lorsque le gouvernement est minoritaire et que le spectre de la dissolution plane sur les projets de loi dont la Chambre est saisie. Les délais très serrés, notamment en juin et en décembre, empêchent trop souvent l’examen complet des projets de loi au Sénat.

Finalement, des sénateurs ont souvent soulevé le problème des projets de loi omnibus qui comprennent des mesures n’ayant rien à voir avec le budget. Toutes les lois proposées doivent être présentées de façon transparente, débattues délibérément et faire l’objet d’un vote en toute connaissance de cause. Malheureusement, les projets de loi d’exécution du budget sont devenus un moyen pratique pour les gouvernements de mettre des enjeux de fond (y compris des enjeux controversés) à l’abri d’un examen législatif complet. Dans l’histoire récente, des changements importants liés au droit à la protection de la vie privée et à la réforme de la concurrence, ainsi que des modifications au Code criminel, notamment, ont été inclus dans des projets de loi d’exécution du budget et ont rapidement été adoptés par le Parlement. Un budget est attendu dans les mois à venir, à l’automne, et toute mesure législative relative à son exécution devrait être axée sur les politiques économiques, qui sont, en soi, assez importantes et urgentes. 

En réalité, la première session de la 45e législature commencera en septembre et fera suite aux semaines agitées et inhabituelles qui ont suivi l’ouverture de la session au printemps dernier. La charge législative sera sans contredit considérable et aura une incidence sur la vie des Canadiens dans toutes les régions du pays. Revenons à l’essentiel en nous assurant que chaque projet de loi fait l’objet d’un examen distinct, approfondi et séquentiel.

Notre processus d’élaboration des lois, élaboré et maintenu au fil des siècles, revêt une importance capitale pour notre démocratie. La robustesse de nos institutions démocratiques est une partie importante de ce qui rend le Canada fort, et il incombe en fin de compte aux parlementaires de veiller à ce que les principes sur lesquels repose notre système soient dûment respectés.


Le sénateur Scott Tannas représente l’Alberta et agit à titre de leader du Groupe des sénateurs canadiens.

Cet article a été publié dans le journal The Hill Times le 20 aout 2025 (en anglais seulement).

L’ouverture de la 45e législature en mai dernier a été suivie de cinq semaines de séance frénétiques qui peuvent être qualifiées de tout sauf normales. Le sentiment d’urgence palpable visant à relever des défis considérables s’est traduit par un vaste consensus quant au fait que le Parlement devait agir avec une rapidité exceptionnelle pour étudier des projets de loi et les faire adopter, le tout dans le but d’éliminer des obstacles au commerce intérieur et de bâtir des infrastructures nationales. 

L’élan visant à faire adopter rapidement les projets de loi du gouvernement pendant les premières semaines de la nouvelle législature contrastait nettement avec les derniers mois de la législature précédente, au cours desquels un blocage parlementaire avait interrompu la progression des projets de loi au sein des deux chambres.

Les défis auxquels le Canada est confronté continueront sans contredit d’obliger le Parlement à faire preuve d’agilité, mais l’expérience de l’année dernière (mesures urgentes et inaction prolongée) nous pousse à réfléchir à la façon dont le Parlement peut s’acquitter de ses responsabilités législatives de manière robuste et efficace. Compte tenu du rôle distinct que doit jouer le Sénat en tant que chambre du second examen objectif, il y a des principes de base du processus parlementaire que nous devons nous assurer de maintenir pour veiller à ce que la 45e législature fonctionne dans l’intérêt supérieur des Canadiens. 

Le premier principe de base consiste à suivre le processus législatif établi pour l’examen des projets de loi. Des circonstances exceptionnelles nécessiteront toujours des mesures exceptionnelles, comme nous l’avons vu avec le projet de loi C-5 le printemps dernier. Les gouvernements exerceront toujours des pressions pour que leur programme législatif soit adopté au Parlement le plus rapidement possible, et c’est bien compréhensible, mais la rapidité ne devrait pas nous écarter de notre processus législatif habituel. L’une des déviations préoccupantes, qui est de plus en plus répandue, est le recours aux études préalables dans le but d’accélérer la progression des projets de loi au Sénat. Au départ, les études préalables visaient à bonifier l’étude de projets de loi complexes de nature financière. Toutefois, au cours des dernières années, elles ont été appliquées à des projets de loi portant sur une vaste gamme d’enjeux de fond. L’étude parallèle de projets de loi à la Chambre des communes et au Sénat va à l’encontre d’un objectif clé de notre système bicaméral, dans le cadre duquel la seconde Chambre procède à un second examen des projets de loi. 

De plus, l’échéancier souhaité par le gouvernement pour l’adoption des projets de loi par le Parlement devrait permettre au Sénat de disposer du temps nécessaire pour terminer son examen législatif, et prévoir du temps pour que la Chambre des communes puisse étudier tout amendement du Sénat. Notre système bicaméral a délibérément été conçu pour que la représentation régionale et les intérêts des groupes minoritaires fassent partie intégrante du processus d’élaboration des lois. Le rôle du Sénat comprend un dialogue avec la Chambre des communes, mais trop souvent, dans la hâte de faire adopter les projets de loi avant les périodes d’ajournement, des pressions sont exercées sur les sénateurs pour qu’ils n’apportent pas d’amendements parce que les députés ont quitté Ottawa. C’est un problème particulièrement criant lorsque le gouvernement est minoritaire et que le spectre de la dissolution plane sur les projets de loi dont la Chambre est saisie. Les délais très serrés, notamment en juin et en décembre, empêchent trop souvent l’examen complet des projets de loi au Sénat.

Finalement, des sénateurs ont souvent soulevé le problème des projets de loi omnibus qui comprennent des mesures n’ayant rien à voir avec le budget. Toutes les lois proposées doivent être présentées de façon transparente, débattues délibérément et faire l’objet d’un vote en toute connaissance de cause. Malheureusement, les projets de loi d’exécution du budget sont devenus un moyen pratique pour les gouvernements de mettre des enjeux de fond (y compris des enjeux controversés) à l’abri d’un examen législatif complet. Dans l’histoire récente, des changements importants liés au droit à la protection de la vie privée et à la réforme de la concurrence, ainsi que des modifications au Code criminel, notamment, ont été inclus dans des projets de loi d’exécution du budget et ont rapidement été adoptés par le Parlement. Un budget est attendu dans les mois à venir, à l’automne, et toute mesure législative relative à son exécution devrait être axée sur les politiques économiques, qui sont, en soi, assez importantes et urgentes. 

En réalité, la première session de la 45e législature commencera en septembre et fera suite aux semaines agitées et inhabituelles qui ont suivi l’ouverture de la session au printemps dernier. La charge législative sera sans contredit considérable et aura une incidence sur la vie des Canadiens dans toutes les régions du pays. Revenons à l’essentiel en nous assurant que chaque projet de loi fait l’objet d’un examen distinct, approfondi et séquentiel.

Notre processus d’élaboration des lois, élaboré et maintenu au fil des siècles, revêt une importance capitale pour notre démocratie. La robustesse de nos institutions démocratiques est une partie importante de ce qui rend le Canada fort, et il incombe en fin de compte aux parlementaires de veiller à ce que les principes sur lesquels repose notre système soient dûment respectés.


Le sénateur Scott Tannas représente l’Alberta et agit à titre de leader du Groupe des sénateurs canadiens.

Cet article a été publié dans le journal The Hill Times le 20 aout 2025 (en anglais seulement).

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