Le Canada a besoin de mesures de protection plus rigoureuses pour les travailleurs à la demande : sénateur Yussuff
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Dans la plupart des pays industrialisés, les emplois « atypiques » connaissent une croissance plus rapide que les emplois bien rémunérés, permanents et à temps plein chez un seul employeur. Le Canada ne fait pas exception. En 2017, le rapport de l’Examen portant sur l’évolution des milieux de travail en Ontario estimait qu’un peu plus de 30 % des travailleurs de la province occupaient un emploi précaire peu rémunéré d’un type ou d’un autre.
Souvent, mais pas toujours, les travailleurs qui occupent des emplois temporaires, occasionnels et à temps partiel, qu’il s’agisse d’un travail autonome en solo ou de plusieurs emplois, ont de la difficulté à joindre les deux bouts du fait qu’ils sont peu rémunérés et bénéficient de peu d’avantages sociaux. Ils ont un contrôle limité sur leur horaire et peu de sécurité d’emploi.
Certains sont plus vulnérables que d’autres au travail précaire. Il s’agit, dans une large mesure, de personnes ayant peu de scolarité, de parents célibataires ayant des enfants à charge, de nouveaux arrivants au Canada, de femmes, de jeunes et de personnes de couleur. La pandémie a fait ressortir ce fait, les membres des groupes marginalisés étant plus vulnérables à l’infection lorsqu’ils travaillaient à l’extérieur de leur domicile.
Bon nombre de ces travailleurs occupent des emplois dans l’économie à la demande, travaillant pour des entreprises de plateformes numériques comme Uber. Ces emplois peuvent être attrayants pour les travailleurs qui tentent de composer avec toute une série d’obligations. Cependant, la faible rémunération, l’absence d’avantages sociaux et le peu de mesures de protection contre les pertes d’emploi et les représailles rendent ce travail très difficile.
Le plus grand désavantage auquel ces travailleurs sont confrontés est peut-être qu’ils sont exclus des protections de base des normes d’emploi auxquelles ont droit les autres travailleurs. Les entreprises d’application comme Uber qui classent leurs travailleurs dans la catégorie des entrepreneurs indépendants plutôt que celle des employés n’ont pas à payer le salaire minimum, l’indemnité de congés payés, les heures supplémentaires, l’indemnité de départ, l’indemnité pour accident du travail ou les cotisations à l’assurance-emploi et au Régime de pensions du Canada. Cela signifie qu’il existe un avantage concurrentiel à priver les employés des droits auxquels ils ont droit en vertu de la loi.
La classification erronée des employés n’est pas un problème qui a émergé avec les services de voiturage ou la livraison de repas au moyen d’applications; il s’agit d’une tactique de longue date dans les industries de la construction et du camionnage de longue distance. La technologie et la pandémie n’ont fait qu’alimenter sa propagation. Comme le travail dans de plus en plus d’industries et de professions passe aux plateformes numériques, le modèle à la demande de classification erronée se répand à de plus en plus de catégories de travail et de professions, y compris les soins de santé.
Les décideurs commencent à envisager des moyens de soutenir les travailleurs à la demande. Certaines provinces, dont l’Ontario, ont lancé l’idée d’étendre les protections liées à la main-d’œuvre aux travailleurs à la demande. De plus, dans la compétence fédérale, qui représente environ 10 % de la main-d’œuvre canadienne, les travailleurs « contractuels » qui croient être des employés peuvent contester leur statut. Depuis 2018, il est interdit aux employeurs de mal classer les employés afin de se soustraire à leurs obligations. De plus, en cas de plainte faisant l’objet d’une audience, la charge de la preuve incombe à l’employeur qui doit démontrer que le travailleur n’est pas son employé.
Bien que cette approche soit bienvenue, elle ne changera malheureusement pas grand-chose. Le problème est que, dans la plupart des cas, les travailleurs vulnérables et peu rémunérés n’ont ni le temps ni les moyens de porter plainte et de faire un suivi contre un employeur au portefeuille bien rempli. Ils ne savent peut-être même pas qu’ils peuvent contester cette situation.
Ce qu’il faut vraiment pour arrêter la propagation des erreurs de classification, c’est commencer par la présomption qu’un travailleur est un employé, à moins qu’on puisse démontrer qu’il est un véritable entrepreneur indépendant. Un critère clair et relativement simple peut être établi pour déterminer si une personne est un entrepreneur légitime — c.-à-d. établit-elle ses propres prix, effectue-t-elle des travaux qui ne sont pas au cœur des activités de l’entreprise et a-t-elle sa propre entreprise qui effectue le même travail qu’elle commercialise de façon indépendante? — ou un employé mal classé.
La Californie a mis en œuvre cette approche en 2020. Au Canada, cette même approche a été recommandée en 2019 par un groupe d’experts sur les normes fédérales du travail. Il faudrait maintenant l’ajouter au Code canadien du travail, ainsi qu’à la Loi sur l’assurance-emploi et à la loi relative au Régime de pensions du Canada qui détermine si une relation d’emploi existe.
La pandémie a mis en évidence de nombreuses lacunes présentes dans notre société, en amplifiant certaines encore davantage. Le gouvernement fédéral peut prendre position contre la précarité et l’inégalité et éliminer les erreurs de classification qui feront une différence nette et positive dans la vie des travailleurs vulnérables.
Le sénateur Hassan Yussuff représente l’Ontario au Sénat.
Cet article a été publié le 28 février 2022 dans le journal Toronto Star.
Dans la plupart des pays industrialisés, les emplois « atypiques » connaissent une croissance plus rapide que les emplois bien rémunérés, permanents et à temps plein chez un seul employeur. Le Canada ne fait pas exception. En 2017, le rapport de l’Examen portant sur l’évolution des milieux de travail en Ontario estimait qu’un peu plus de 30 % des travailleurs de la province occupaient un emploi précaire peu rémunéré d’un type ou d’un autre.
Souvent, mais pas toujours, les travailleurs qui occupent des emplois temporaires, occasionnels et à temps partiel, qu’il s’agisse d’un travail autonome en solo ou de plusieurs emplois, ont de la difficulté à joindre les deux bouts du fait qu’ils sont peu rémunérés et bénéficient de peu d’avantages sociaux. Ils ont un contrôle limité sur leur horaire et peu de sécurité d’emploi.
Certains sont plus vulnérables que d’autres au travail précaire. Il s’agit, dans une large mesure, de personnes ayant peu de scolarité, de parents célibataires ayant des enfants à charge, de nouveaux arrivants au Canada, de femmes, de jeunes et de personnes de couleur. La pandémie a fait ressortir ce fait, les membres des groupes marginalisés étant plus vulnérables à l’infection lorsqu’ils travaillaient à l’extérieur de leur domicile.
Bon nombre de ces travailleurs occupent des emplois dans l’économie à la demande, travaillant pour des entreprises de plateformes numériques comme Uber. Ces emplois peuvent être attrayants pour les travailleurs qui tentent de composer avec toute une série d’obligations. Cependant, la faible rémunération, l’absence d’avantages sociaux et le peu de mesures de protection contre les pertes d’emploi et les représailles rendent ce travail très difficile.
Le plus grand désavantage auquel ces travailleurs sont confrontés est peut-être qu’ils sont exclus des protections de base des normes d’emploi auxquelles ont droit les autres travailleurs. Les entreprises d’application comme Uber qui classent leurs travailleurs dans la catégorie des entrepreneurs indépendants plutôt que celle des employés n’ont pas à payer le salaire minimum, l’indemnité de congés payés, les heures supplémentaires, l’indemnité de départ, l’indemnité pour accident du travail ou les cotisations à l’assurance-emploi et au Régime de pensions du Canada. Cela signifie qu’il existe un avantage concurrentiel à priver les employés des droits auxquels ils ont droit en vertu de la loi.
La classification erronée des employés n’est pas un problème qui a émergé avec les services de voiturage ou la livraison de repas au moyen d’applications; il s’agit d’une tactique de longue date dans les industries de la construction et du camionnage de longue distance. La technologie et la pandémie n’ont fait qu’alimenter sa propagation. Comme le travail dans de plus en plus d’industries et de professions passe aux plateformes numériques, le modèle à la demande de classification erronée se répand à de plus en plus de catégories de travail et de professions, y compris les soins de santé.
Les décideurs commencent à envisager des moyens de soutenir les travailleurs à la demande. Certaines provinces, dont l’Ontario, ont lancé l’idée d’étendre les protections liées à la main-d’œuvre aux travailleurs à la demande. De plus, dans la compétence fédérale, qui représente environ 10 % de la main-d’œuvre canadienne, les travailleurs « contractuels » qui croient être des employés peuvent contester leur statut. Depuis 2018, il est interdit aux employeurs de mal classer les employés afin de se soustraire à leurs obligations. De plus, en cas de plainte faisant l’objet d’une audience, la charge de la preuve incombe à l’employeur qui doit démontrer que le travailleur n’est pas son employé.
Bien que cette approche soit bienvenue, elle ne changera malheureusement pas grand-chose. Le problème est que, dans la plupart des cas, les travailleurs vulnérables et peu rémunérés n’ont ni le temps ni les moyens de porter plainte et de faire un suivi contre un employeur au portefeuille bien rempli. Ils ne savent peut-être même pas qu’ils peuvent contester cette situation.
Ce qu’il faut vraiment pour arrêter la propagation des erreurs de classification, c’est commencer par la présomption qu’un travailleur est un employé, à moins qu’on puisse démontrer qu’il est un véritable entrepreneur indépendant. Un critère clair et relativement simple peut être établi pour déterminer si une personne est un entrepreneur légitime — c.-à-d. établit-elle ses propres prix, effectue-t-elle des travaux qui ne sont pas au cœur des activités de l’entreprise et a-t-elle sa propre entreprise qui effectue le même travail qu’elle commercialise de façon indépendante? — ou un employé mal classé.
La Californie a mis en œuvre cette approche en 2020. Au Canada, cette même approche a été recommandée en 2019 par un groupe d’experts sur les normes fédérales du travail. Il faudrait maintenant l’ajouter au Code canadien du travail, ainsi qu’à la Loi sur l’assurance-emploi et à la loi relative au Régime de pensions du Canada qui détermine si une relation d’emploi existe.
La pandémie a mis en évidence de nombreuses lacunes présentes dans notre société, en amplifiant certaines encore davantage. Le gouvernement fédéral peut prendre position contre la précarité et l’inégalité et éliminer les erreurs de classification qui feront une différence nette et positive dans la vie des travailleurs vulnérables.
Le sénateur Hassan Yussuff représente l’Ontario au Sénat.
Cet article a été publié le 28 février 2022 dans le journal Toronto Star.