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Le Parlement a échoué à protéger nos enfants : sénatrice Miville-Dechêne

Gros plan sur des mains tenant un téléphone intelligent.

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Je suis entrée en politique pour changer les choses. À la faveur de la pandémie, j’ai découvert l’omniprésence de la pornographie sur le Web et des plateformes pornos qui engrangeaient d’immenses profits en offrant gratuitement, sans filtre et sans vérifications dignes de ce nom, des millions de vidéos de femmes pas toujours consentantes et souvent même d’exploitation sexuelle d’enfants.

J’ai décidé de m’attaquer à un aspect de cet enjeu de société : les enfants, les ados, les mineurs qui étaient collés devant leurs écrans pendant la pandémie et qui absorbaient ces millions d’images d’une sexualité souvent violente, où les femmes étaient soumises. Bref, des performances troublantes pour de jeunes esprits qui ne connaissent souvent rien de la sexualité.

Pour moi, demander aux amateurs de pornographie de prendre quelques secondes pour confirmer qu’ils sont majeurs dans un site sécurisé me semblait un bien petit compromis pour protéger les enfants. Après tout, la liberté d’expression des amateurs de porno n’a rien d’absolu. La protection des plus vulnérables fait aussi partie de nos responsabilités de législateurs.

Et pourtant, les quatre années que j’ai passées à défendre le projet de loi S-210 furent remplies d’embûches. On m’a traitée d’évangéliste, de prude, d’agente de censure, d’idéaliste. Pourtant je suis féministe et progressiste. Les attaques sont venues à la fois des libertariens, à l’extérieur du Parlement, qui ne veulent aucune réglementation du sacro-saint monde virtuel, et de l’intérieur du Parlement. Pourtant, le projet de loi a été renforcé et amélioré tout au long du processus parlementaire au Sénat.

Quand mon projet de loi s’est rendu à la Chambre des communes, j’ai eu la mauvaise surprise de découvrir que le gouvernement minoritaire, donc les libéraux, avait donné la consigne à leur troupe de voter contre, sans offrir de solution alternative.

Pour moi c’était difficile à accepter, car des libéraux haut placés m’avaient dit que mon message avait été entendu et que le gouvernement agirait. Pourquoi donc cette volte-face et cette opposition?

Difficile à comprendre, mais j’ai quelques hypothèses:

  1. La pornographie est perçue par certains progressistes comme un symbole de la liberté sexuelle, et toute tentative de réglementation est apparentée à la droite morale;
  2. On ne voulait pas déplaire au lobby du travail du sexe dont le gagne-pain dépend de l’achalandage des sites pornos;
  3. Les minorités couraient trop de risques avec la vérification d’âge;
  4. Et finalement, c’était aux parents, et aux parents seuls de protéger les enfants. Pourtant, un sondage Léger montrait que 77 % des Canadiens étaient d’accord avec ce projet de loi, sans compter que plusieurs pays occidentaux ont déjà agi en ce sens.

Au moment de la prorogation, j’avais donc trois partis – le Bloc Québécois, les conservateurs, et les néo-démocrates – qui étaient favorables à ce projet de loi à l’étape du rapport avant la troisième lecture. Donc, il aurait pu être adopté, même si la plupart des libéraux votaient contre.

Le gouvernement en a décidé autrement en prorogeant le Parlement. C’est un gâchis, et cela veut dire qu’on aura échoué, comme législateurs, à protéger nos enfants.


La sénatrice Julie Miville-Dechêne représente la division québécoise d’Inkerman au Sénat.

Cet article a été publié le 16 janvier 2025 dans Le Journal de Montréal.

 

Je suis entrée en politique pour changer les choses. À la faveur de la pandémie, j’ai découvert l’omniprésence de la pornographie sur le Web et des plateformes pornos qui engrangeaient d’immenses profits en offrant gratuitement, sans filtre et sans vérifications dignes de ce nom, des millions de vidéos de femmes pas toujours consentantes et souvent même d’exploitation sexuelle d’enfants.

J’ai décidé de m’attaquer à un aspect de cet enjeu de société : les enfants, les ados, les mineurs qui étaient collés devant leurs écrans pendant la pandémie et qui absorbaient ces millions d’images d’une sexualité souvent violente, où les femmes étaient soumises. Bref, des performances troublantes pour de jeunes esprits qui ne connaissent souvent rien de la sexualité.

Pour moi, demander aux amateurs de pornographie de prendre quelques secondes pour confirmer qu’ils sont majeurs dans un site sécurisé me semblait un bien petit compromis pour protéger les enfants. Après tout, la liberté d’expression des amateurs de porno n’a rien d’absolu. La protection des plus vulnérables fait aussi partie de nos responsabilités de législateurs.

Et pourtant, les quatre années que j’ai passées à défendre le projet de loi S-210 furent remplies d’embûches. On m’a traitée d’évangéliste, de prude, d’agente de censure, d’idéaliste. Pourtant je suis féministe et progressiste. Les attaques sont venues à la fois des libertariens, à l’extérieur du Parlement, qui ne veulent aucune réglementation du sacro-saint monde virtuel, et de l’intérieur du Parlement. Pourtant, le projet de loi a été renforcé et amélioré tout au long du processus parlementaire au Sénat.

Quand mon projet de loi s’est rendu à la Chambre des communes, j’ai eu la mauvaise surprise de découvrir que le gouvernement minoritaire, donc les libéraux, avait donné la consigne à leur troupe de voter contre, sans offrir de solution alternative.

Pour moi c’était difficile à accepter, car des libéraux haut placés m’avaient dit que mon message avait été entendu et que le gouvernement agirait. Pourquoi donc cette volte-face et cette opposition?

Difficile à comprendre, mais j’ai quelques hypothèses:

  1. La pornographie est perçue par certains progressistes comme un symbole de la liberté sexuelle, et toute tentative de réglementation est apparentée à la droite morale;
  2. On ne voulait pas déplaire au lobby du travail du sexe dont le gagne-pain dépend de l’achalandage des sites pornos;
  3. Les minorités couraient trop de risques avec la vérification d’âge;
  4. Et finalement, c’était aux parents, et aux parents seuls de protéger les enfants. Pourtant, un sondage Léger montrait que 77 % des Canadiens étaient d’accord avec ce projet de loi, sans compter que plusieurs pays occidentaux ont déjà agi en ce sens.

Au moment de la prorogation, j’avais donc trois partis – le Bloc Québécois, les conservateurs, et les néo-démocrates – qui étaient favorables à ce projet de loi à l’étape du rapport avant la troisième lecture. Donc, il aurait pu être adopté, même si la plupart des libéraux votaient contre.

Le gouvernement en a décidé autrement en prorogeant le Parlement. C’est un gâchis, et cela veut dire qu’on aura échoué, comme législateurs, à protéger nos enfants.


La sénatrice Julie Miville-Dechêne représente la division québécoise d’Inkerman au Sénat.

Cet article a été publié le 16 janvier 2025 dans Le Journal de Montréal.

 

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