Aller au contenu

Le projet de loi C-46 est constitutionnel, et le Sénat devrait donc l’adopter : Sénateur Gold

Étiquettes

Le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles mène une étude sur le projet de loi C-46, les modifications proposées par le gouvernement aux dispositions du Code criminel qui portent sur la conduite avec facultés affaiblies. À titre de membre de ce comité, et comme professeur de droit spécialisé en droit constitutionnel, en libertés civiles et en droit de la preuve, j’ai lu avec intérêt de l’article du 7 mars (en anglais seulement) Cristin Schmitz, dans lequel plusieurs membres du comité, y compris le président, se prononçaient sur la constitutionnalité du projet de loi.

Malgré le respect que j’ai pour les opinions de mes collègues et leur expertise, je crois que leurs conclusions sont prématurées, susceptibles d’induire en erreur et, selon moi, erronées en droit. Pour ces raisons, je me sens donc obligé d’y répondre.

Mes collègues ont tiré leurs conclusions trop tôt, puisque le comité n’a pas encore terminé son étude. Si de nombreuses personnes ont témoigné, d’autres n’ont pas encore comparu, par exemple plusieurs éminents universitaires qui nous ont écrit afin de soutenir la constitutionnalité du projet de loi. Le comité n’a pas eu l’occasion d’interroger ces témoins, et nous n’avons pas discuté de ces questions entre nous.

Les sénateurs cités dans l’article ne véhiculent pas non plus une image complète des témoignages entendus par le comité. À n’en pas douter, les représentants de la défense ont affirmé pendant leur témoignage que le projet de loi enfreignait la Charte. Leurs opinions sont fondées et méritent d’être prises en considération. Par contre, le comité avait également accès à un mémoire présenté par le Pr Hogg, un influent professeur de droit constitutionnel, dans lequel celui-ci a déterminé que le projet de loi était valide au titre de l’article 1 de la Charte. De plus, le comité a reçu un mémoire du doyen Chamberlain et du professeur Solomon, de la faculté de droit de l’Université Western Ontario, dans lequel les éléments de la Charte sont examinés de façon exhaustive. Le fait est que le comité possède des données qui étayent les deux opinions sur la question.

De plus, les sénateurs cités ne représentent pas l’ensemble des membres du comité. Je ne veux pas parler au nom de mes collègues du Groupe des sénateurs indépendants, mais je n’ai toutefois aucun doute que beaucoup estiment que le projet de loi C-46 est valable sur le plan constitutionnel.

Enfin, la conclusion du président, à savoir que le projet de loi est rempli de lacunes, qu’il va à l’encontre de la Charte, et que cela ne fait aucun doute, à mon avis, est erronée en droit.

Toutefois, rares sont ceux qui ne conviendraient pas que les alcootests aléatoires font entrer en jeu des droits garantis par la Charte. Cette question n’est pas à trancher. La question fondamentale de droit est plutôt de savoir si les alcootests aléatoires représentent une limite raisonnable au sens de l’article 1 de la Charte. D’après mon analyse des données et mon étude des travaux de recherche universitaires, j’en conclus que c’est le cas.

La Cour suprême a établi un critère en quatre parties permettant de déterminer si une limite exigée par la loi sera jugée raisonnable. Le projet de loi C-46 satisferait aux deux premières parties du critère, car nos tribunaux ont déjà conclu que la réduction des torts causés par la conduite avec capacités affaiblies est un objectif suffisamment important pour justifier que l’on restreigne des droits garantis par la Charte, et parce que les alcootests aléatoires ont évidemment un lien rationnel avec l’objectif du projet de loi, qui est de dissuader l’alcool au volant.

Viennent ensuite la partie du critère qui consiste à se demander si la loi porte atteinte au droit plus que ce n’est nécessaire pour atteindre cet objectif, et la quatrième partie, qui est celle de la proportionnalité. Il nous faut donc établir un équilibre entre la violation de la Charte et les avantages que vise le projet de loi. Je traiterai ces parties ensemble, puisque de nombreux érudits ont fait observer qu’ils abordent les deux mêmes aspects.

Le premier aspect est en soi la nature et l’étendue de violation de la Charte. Les partisans du projet de loi font valoir que la vérification aléatoire sur la route est rapide, non invasive et non stigmatisante, et qu’elle est comparable au contrôle aléatoire qui vise à vérifier si un conducteur possède un permis valide. Même si ses détracteurs contestent ces affirmations, je crois que les dérogations à la Charte sont relativement mineures dans le contexte d’une activité déjà fortement réglementée comme la conduite automobile.

L’article 1 requiert aussi une analyse qui permet de déterminer si les moyens adoptés par une loi sont nécessaires à l’atteinte de ses objectifs, et si ces derniers peuvent être réalisés de manière à moins enfreindre nos droits. Cela revient à évaluer l’efficacité des alcootests aléatoires comparativement à notre système actuel.

Selon les témoignages que le comité a entendus, les avantages des contrôles aléatoires ont été démontrés ailleurs dans le monde. Cependant, les opposants de ce projet de loi remettent en question la valeur qu’il faudrait accorder aux études en question, et affirment que l’effet prévu demeure hypothétique. Pour ma part, je crois que ces études tiennent adéquatement compte des différences entre les pays et fournissent un soutien factuel crédible à la décision stratégique du gouvernement.

De plus, on ne peut faire fi du fait que la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool est la principale cause de décès et de blessures d’origine criminelle au Canada, et que les statistiques semblent indiquer que jusqu’à 50 % des personnes qui conduisent en état d’ébriété échappent à la surveillance policière en vertu de notre système actuel. En tenant compte de tous ces facteurs, je conclus que l’instauration d’alcootests aléatoires ne restreint pas les droits prévus par la Charte plus que ce n’est nécessaire et offre une réponse proportionnelle à l’objectif de réduction des torts attribuables à l’alcool au volant.

Permettez-moi de conclure en parlant du rôle du Sénat.

Le Sénat a le devoir de s’assurer que les projets de loi respectent la Constitution et ses valeurs. À moins qu’un projet de loi ne viole la Constitution de façon claire et sans ambiguïté, le Sénat ne doit pas se substituer aux tribunaux. Si les choix du gouvernement en matière de politiques sont raisonnables et se fondent sur une preuve crédible, que sa position constitutionnelle s’appuie sur des analyses universitaires impartiales et brillantes, et qu’il a reçu le mandat d’édicter le projet de loi en question, alors le Sénat devrait s’en remettre aux décisions des élus de la Chambre des communes. Autrement, cela reviendrait à outrepasser notre rôle légitime d’institution législative indépendante et complémentaire.

Le sénateur Marc Gold est avocat, dirigeant d’entreprise, universitaire et dirigeant de la communauté juive. Il est considéré comme étant un spécialiste du droit constitutionnel. Il est actuellement professeur auxiliaire de droit à l’Université McGill.

Le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles mène une étude sur le projet de loi C-46, les modifications proposées par le gouvernement aux dispositions du Code criminel qui portent sur la conduite avec facultés affaiblies. À titre de membre de ce comité, et comme professeur de droit spécialisé en droit constitutionnel, en libertés civiles et en droit de la preuve, j’ai lu avec intérêt de l’article du 7 mars (en anglais seulement) Cristin Schmitz, dans lequel plusieurs membres du comité, y compris le président, se prononçaient sur la constitutionnalité du projet de loi.

Malgré le respect que j’ai pour les opinions de mes collègues et leur expertise, je crois que leurs conclusions sont prématurées, susceptibles d’induire en erreur et, selon moi, erronées en droit. Pour ces raisons, je me sens donc obligé d’y répondre.

Mes collègues ont tiré leurs conclusions trop tôt, puisque le comité n’a pas encore terminé son étude. Si de nombreuses personnes ont témoigné, d’autres n’ont pas encore comparu, par exemple plusieurs éminents universitaires qui nous ont écrit afin de soutenir la constitutionnalité du projet de loi. Le comité n’a pas eu l’occasion d’interroger ces témoins, et nous n’avons pas discuté de ces questions entre nous.

Les sénateurs cités dans l’article ne véhiculent pas non plus une image complète des témoignages entendus par le comité. À n’en pas douter, les représentants de la défense ont affirmé pendant leur témoignage que le projet de loi enfreignait la Charte. Leurs opinions sont fondées et méritent d’être prises en considération. Par contre, le comité avait également accès à un mémoire présenté par le Pr Hogg, un influent professeur de droit constitutionnel, dans lequel celui-ci a déterminé que le projet de loi était valide au titre de l’article 1 de la Charte. De plus, le comité a reçu un mémoire du doyen Chamberlain et du professeur Solomon, de la faculté de droit de l’Université Western Ontario, dans lequel les éléments de la Charte sont examinés de façon exhaustive. Le fait est que le comité possède des données qui étayent les deux opinions sur la question.

De plus, les sénateurs cités ne représentent pas l’ensemble des membres du comité. Je ne veux pas parler au nom de mes collègues du Groupe des sénateurs indépendants, mais je n’ai toutefois aucun doute que beaucoup estiment que le projet de loi C-46 est valable sur le plan constitutionnel.

Enfin, la conclusion du président, à savoir que le projet de loi est rempli de lacunes, qu’il va à l’encontre de la Charte, et que cela ne fait aucun doute, à mon avis, est erronée en droit.

Toutefois, rares sont ceux qui ne conviendraient pas que les alcootests aléatoires font entrer en jeu des droits garantis par la Charte. Cette question n’est pas à trancher. La question fondamentale de droit est plutôt de savoir si les alcootests aléatoires représentent une limite raisonnable au sens de l’article 1 de la Charte. D’après mon analyse des données et mon étude des travaux de recherche universitaires, j’en conclus que c’est le cas.

La Cour suprême a établi un critère en quatre parties permettant de déterminer si une limite exigée par la loi sera jugée raisonnable. Le projet de loi C-46 satisferait aux deux premières parties du critère, car nos tribunaux ont déjà conclu que la réduction des torts causés par la conduite avec capacités affaiblies est un objectif suffisamment important pour justifier que l’on restreigne des droits garantis par la Charte, et parce que les alcootests aléatoires ont évidemment un lien rationnel avec l’objectif du projet de loi, qui est de dissuader l’alcool au volant.

Viennent ensuite la partie du critère qui consiste à se demander si la loi porte atteinte au droit plus que ce n’est nécessaire pour atteindre cet objectif, et la quatrième partie, qui est celle de la proportionnalité. Il nous faut donc établir un équilibre entre la violation de la Charte et les avantages que vise le projet de loi. Je traiterai ces parties ensemble, puisque de nombreux érudits ont fait observer qu’ils abordent les deux mêmes aspects.

Le premier aspect est en soi la nature et l’étendue de violation de la Charte. Les partisans du projet de loi font valoir que la vérification aléatoire sur la route est rapide, non invasive et non stigmatisante, et qu’elle est comparable au contrôle aléatoire qui vise à vérifier si un conducteur possède un permis valide. Même si ses détracteurs contestent ces affirmations, je crois que les dérogations à la Charte sont relativement mineures dans le contexte d’une activité déjà fortement réglementée comme la conduite automobile.

L’article 1 requiert aussi une analyse qui permet de déterminer si les moyens adoptés par une loi sont nécessaires à l’atteinte de ses objectifs, et si ces derniers peuvent être réalisés de manière à moins enfreindre nos droits. Cela revient à évaluer l’efficacité des alcootests aléatoires comparativement à notre système actuel.

Selon les témoignages que le comité a entendus, les avantages des contrôles aléatoires ont été démontrés ailleurs dans le monde. Cependant, les opposants de ce projet de loi remettent en question la valeur qu’il faudrait accorder aux études en question, et affirment que l’effet prévu demeure hypothétique. Pour ma part, je crois que ces études tiennent adéquatement compte des différences entre les pays et fournissent un soutien factuel crédible à la décision stratégique du gouvernement.

De plus, on ne peut faire fi du fait que la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool est la principale cause de décès et de blessures d’origine criminelle au Canada, et que les statistiques semblent indiquer que jusqu’à 50 % des personnes qui conduisent en état d’ébriété échappent à la surveillance policière en vertu de notre système actuel. En tenant compte de tous ces facteurs, je conclus que l’instauration d’alcootests aléatoires ne restreint pas les droits prévus par la Charte plus que ce n’est nécessaire et offre une réponse proportionnelle à l’objectif de réduction des torts attribuables à l’alcool au volant.

Permettez-moi de conclure en parlant du rôle du Sénat.

Le Sénat a le devoir de s’assurer que les projets de loi respectent la Constitution et ses valeurs. À moins qu’un projet de loi ne viole la Constitution de façon claire et sans ambiguïté, le Sénat ne doit pas se substituer aux tribunaux. Si les choix du gouvernement en matière de politiques sont raisonnables et se fondent sur une preuve crédible, que sa position constitutionnelle s’appuie sur des analyses universitaires impartiales et brillantes, et qu’il a reçu le mandat d’édicter le projet de loi en question, alors le Sénat devrait s’en remettre aux décisions des élus de la Chambre des communes. Autrement, cela reviendrait à outrepasser notre rôle légitime d’institution législative indépendante et complémentaire.

Le sénateur Marc Gold est avocat, dirigeant d’entreprise, universitaire et dirigeant de la communauté juive. Il est considéré comme étant un spécialiste du droit constitutionnel. Il est actuellement professeur auxiliaire de droit à l’Université McGill.

Étiquettes

Encore plus sur SenCA+

Haut de page