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Parlons franchement de la concurrence dans le secteur canadien du conditionnement du bœuf : sénatrice Simons

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Le discours sur l’état de l’Union prononcé ce mois‑ci par le président des États‑Unis, Joe Biden, n’a pas autant retenu l’attention des Canadiens que les autres années, probablement parce que la Russie venait d’envahir l’Ukraine et que la vie reprenait son cours à Ottawa après le départ du convoi de camionneurs. Il dénonçait pourtant en termes sans équivoque un problème touchant également le Canada et les États‑Unis : le manque flagrant de concurrence dans le secteur du conditionnement des viandes.

« Je suis un capitaliste, mais le capitalisme sans concurrence, ce n’est pas du capitalisme. Le capitalisme sans concurrence, c’est de l’exploitation qui fait grimper les profits. Quand elles n’ont pas de concurrence, les entreprises font plus de profits, et les prix à la consommation augmentent », a déclaré le président Biden.

« Petites entreprises, fermes familiales et ranchs — je n’apprendrai rien à mes amis républicains qui vivent dans ces États —, vous n’avez que quatre usines de conditionnement des viandes. Pas une de plus. Alors soit vous faites affaire avec elles, soit vous ne faites affaire avec personne – et vous payez beaucoup plus. »

Ce n’est pas la première fois que la Maison-Blanche attire l’attention sur les oligopoles qui dominent le secteur américain de la viande, et plus particulièrement du bœuf.

En tout et pour tout, quatre entreprises transforment 85 % du bœuf américain : Cargill et Tyson, qui appartiennent à des intérêts américains, et deux géants brésiliens, JBS et Marfrig Global Foods. Si on se fie à l’analyse publiée le 10 décembre 2021 par le National Economic Council, les profits de ces quatre entreprises ont grimpé de 300 % l’année dernière. Selon cette même analyse, leurs profits bruts ont augmenté collectivement de 120 % depuis le début de la pandémie, tandis que leurs revenus nets ont bondi de 500 %. Le rapport du National Economic Council, qui a été affiché sur l’un des blogues de la Maison‑Blanche (en anglais seulement), accuse ces quatre géants de se servir de leur mainmise sur le marché pour pousser le prix de la viande à la hausse et pour sous‑payer les agriculteurs et les éleveurs.

Les sénateurs républicains Mike Rounds, du Dakota du Sud, et Charles Grassley, de l’Iowa, ont uni leurs forces avec le sénateur démocrate Jon Tester, du Montana, pour présenter un projet de loi qui créerait un poste d’enquêteur spécial au sein du département de l’Agriculture des États‑Unis (USDA), lequel aurait pour mandat d’enquêter sur la concentration des entreprises et les pratiques anticoncurrentielles. Le USDA lui‑même affirme qu’il entend appliquer plus rigoureusement une loi vieille de 100 ans qui avait été créée précisément dans le but de protéger les agriculteurs et les éleveurs contre les pratiques commerciales déloyales. Il est aussi question de hausser les investissements de l’État afin que le pays puisse transformer plus de viande.

La situation au Canada pourrait bien être encore plus grave. Selon Agriculture Canada, 84 % de l’abattage de bœuf au pays se fait par seulement deux entreprises : JBS, dont l’usine est à Brooks, en Alberta, et Cargill, qui possède une usine gigantesque à High River, en Alberta, ainsi qu’une autre beaucoup plus petite à Guelph, en Ontario.

Si on ajoute la petite usine de l’entreprise Harmony, qui appartient à des intérêts canadiens et qui est située à Balzac, aussi en Alberta, on constate que seulement trois entreprises transforment 91 % du bœuf au Canada. Ce système est très avantageux pour les producteurs de bétail et les parcs d’engraissement, du moins ceux qui sont situés en Alberta. Mais une telle concentration pourrait s’avérer risquée pour le secteur canadien du bœuf si jamais il devait arriver quelque chose, comme une vaste éclosion de COVID‑19, une grève ou une rupture de la chaîne d’approvisionnement. Les producteurs de bétail et les consommateurs sont à la merci d’un système qui se révèle particulièrement vulnérable du fait qu’il ne dispose d’aucune marge de manœuvre.

Même quand le système tourne à plein régime, les producteurs de bétail et les consommateurs sont captifs d’un marché où il n’y a aucune concurrence. Selon les données du gouvernement de l’Alberta, le prix à payer pour abattre du bétail ou des veaux dans la province est demeuré à peu près inchangé (en anglais seulement) de janvier 2021 à janvier 2022. Pendant à peu près la même période, le prix de vente au détail du bœuf a grimpé de 15,4 % au Canada. Pendant ce temps, la consommation de bœuf aurait connu un déclin marqué depuis le sommet atteint en 2020, d’après l’indice développé par Statistique Canada.

Pourtant, même si les discours anticoncurrentiels se font de plus en plus entendre au sud de la frontière, au Canada, il n’est à peu près pas question des risques et des coûts que représente la concentration des entreprises dans le secteur du conditionnement du bœuf. Il serait peut‑être temps, pour le bien du secteur canadien du bétail — déjà éprouvé par les sécheresses et les ratés de la chaîne d’approvisionnement — et dans l’intérêt des consommateurs canadiens, qui ne demandent qu’à pouvoir acheter leur bifteck sans pousser chaque fois un soupir de découragement, de parler franchement des coûts et des conséquences que peut avoir le manque de concurrence dans le secteur du conditionnement du bœuf.

La sénatrice Paula Simons représente l’Alberta au Sénat. Elle est vice‑présidente du Comité sénatorial de l’agriculture et des forêts.

Cet article a été publié le 21 mars 2022 dans le journal The Hill Times (en anglais seulement).

Le discours sur l’état de l’Union prononcé ce mois‑ci par le président des États‑Unis, Joe Biden, n’a pas autant retenu l’attention des Canadiens que les autres années, probablement parce que la Russie venait d’envahir l’Ukraine et que la vie reprenait son cours à Ottawa après le départ du convoi de camionneurs. Il dénonçait pourtant en termes sans équivoque un problème touchant également le Canada et les États‑Unis : le manque flagrant de concurrence dans le secteur du conditionnement des viandes.

« Je suis un capitaliste, mais le capitalisme sans concurrence, ce n’est pas du capitalisme. Le capitalisme sans concurrence, c’est de l’exploitation qui fait grimper les profits. Quand elles n’ont pas de concurrence, les entreprises font plus de profits, et les prix à la consommation augmentent », a déclaré le président Biden.

« Petites entreprises, fermes familiales et ranchs — je n’apprendrai rien à mes amis républicains qui vivent dans ces États —, vous n’avez que quatre usines de conditionnement des viandes. Pas une de plus. Alors soit vous faites affaire avec elles, soit vous ne faites affaire avec personne – et vous payez beaucoup plus. »

Ce n’est pas la première fois que la Maison-Blanche attire l’attention sur les oligopoles qui dominent le secteur américain de la viande, et plus particulièrement du bœuf.

En tout et pour tout, quatre entreprises transforment 85 % du bœuf américain : Cargill et Tyson, qui appartiennent à des intérêts américains, et deux géants brésiliens, JBS et Marfrig Global Foods. Si on se fie à l’analyse publiée le 10 décembre 2021 par le National Economic Council, les profits de ces quatre entreprises ont grimpé de 300 % l’année dernière. Selon cette même analyse, leurs profits bruts ont augmenté collectivement de 120 % depuis le début de la pandémie, tandis que leurs revenus nets ont bondi de 500 %. Le rapport du National Economic Council, qui a été affiché sur l’un des blogues de la Maison‑Blanche (en anglais seulement), accuse ces quatre géants de se servir de leur mainmise sur le marché pour pousser le prix de la viande à la hausse et pour sous‑payer les agriculteurs et les éleveurs.

Les sénateurs républicains Mike Rounds, du Dakota du Sud, et Charles Grassley, de l’Iowa, ont uni leurs forces avec le sénateur démocrate Jon Tester, du Montana, pour présenter un projet de loi qui créerait un poste d’enquêteur spécial au sein du département de l’Agriculture des États‑Unis (USDA), lequel aurait pour mandat d’enquêter sur la concentration des entreprises et les pratiques anticoncurrentielles. Le USDA lui‑même affirme qu’il entend appliquer plus rigoureusement une loi vieille de 100 ans qui avait été créée précisément dans le but de protéger les agriculteurs et les éleveurs contre les pratiques commerciales déloyales. Il est aussi question de hausser les investissements de l’État afin que le pays puisse transformer plus de viande.

La situation au Canada pourrait bien être encore plus grave. Selon Agriculture Canada, 84 % de l’abattage de bœuf au pays se fait par seulement deux entreprises : JBS, dont l’usine est à Brooks, en Alberta, et Cargill, qui possède une usine gigantesque à High River, en Alberta, ainsi qu’une autre beaucoup plus petite à Guelph, en Ontario.

Si on ajoute la petite usine de l’entreprise Harmony, qui appartient à des intérêts canadiens et qui est située à Balzac, aussi en Alberta, on constate que seulement trois entreprises transforment 91 % du bœuf au Canada. Ce système est très avantageux pour les producteurs de bétail et les parcs d’engraissement, du moins ceux qui sont situés en Alberta. Mais une telle concentration pourrait s’avérer risquée pour le secteur canadien du bœuf si jamais il devait arriver quelque chose, comme une vaste éclosion de COVID‑19, une grève ou une rupture de la chaîne d’approvisionnement. Les producteurs de bétail et les consommateurs sont à la merci d’un système qui se révèle particulièrement vulnérable du fait qu’il ne dispose d’aucune marge de manœuvre.

Même quand le système tourne à plein régime, les producteurs de bétail et les consommateurs sont captifs d’un marché où il n’y a aucune concurrence. Selon les données du gouvernement de l’Alberta, le prix à payer pour abattre du bétail ou des veaux dans la province est demeuré à peu près inchangé (en anglais seulement) de janvier 2021 à janvier 2022. Pendant à peu près la même période, le prix de vente au détail du bœuf a grimpé de 15,4 % au Canada. Pendant ce temps, la consommation de bœuf aurait connu un déclin marqué depuis le sommet atteint en 2020, d’après l’indice développé par Statistique Canada.

Pourtant, même si les discours anticoncurrentiels se font de plus en plus entendre au sud de la frontière, au Canada, il n’est à peu près pas question des risques et des coûts que représente la concentration des entreprises dans le secteur du conditionnement du bœuf. Il serait peut‑être temps, pour le bien du secteur canadien du bétail — déjà éprouvé par les sécheresses et les ratés de la chaîne d’approvisionnement — et dans l’intérêt des consommateurs canadiens, qui ne demandent qu’à pouvoir acheter leur bifteck sans pousser chaque fois un soupir de découragement, de parler franchement des coûts et des conséquences que peut avoir le manque de concurrence dans le secteur du conditionnement du bœuf.

La sénatrice Paula Simons représente l’Alberta au Sénat. Elle est vice‑présidente du Comité sénatorial de l’agriculture et des forêts.

Cet article a été publié le 21 mars 2022 dans le journal The Hill Times (en anglais seulement).

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