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Pour le vote des expatriés : Sénateur Dalphond

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En décembre dernier, le projet de loi C-76 qui modifiait la Loi sur les élections au Canada a été adopté. Donnant plein effet à l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés, il abroge une disposition introduite en 1993, qui privait du droit de vote la plupart des Canadiens qui résidaient à l’étranger depuis 5 ans et plus.

Cette restriction reposait sur le postulat suivant : si vous ne résidez plus au pays depuis 5 ans, vous n’êtes plus affecté par ce qui s’y passe et vous n’avez plus d’intérêt dans les politiques canadiennes.

La restriction de 1993 était aussi discriminatoire, puisqu’elle ne s’appliquait pas aux militaires, fonctionnaires (fédéraux et provinciaux) et employés des organisations internationales.

D’ailleurs, le 11 janvier 2019, la Cour suprême du Canada déclare inconstitutionnelle cette restriction, puisque rien ne la justifiait. Malgré ce jugement, certains apparatchiks se livrent à une campagne de peur, parlant du danger que le vote d’expatriés sans intérêt dans l’avenir du pays devienne critique dans le choix des gouvernements et, même, qu’il serve d’un moyen d’influence étrangère sur nos élections.

Avec égards, ils font fi des faits.

Tous les expatriés utilisent un passeport canadien et peuvent bénéficier des services consulaires canadiens. De plus, la plupart d’entre eux ont de la famille au pays et sont soucieux de leur avenir.

Nombreux sont ceux qui maintiennent des liens économiques avec le Canada et y paient des impôts. Ainsi, 186 200 sont bénéficiaires du RPC et 139 400 de la Sécurité de la vieillesse. Des milliers d’autres tirent des revenus d’investissements au pays. Plusieurs bénéficient d’avantages dans le pays hôte découlant d’ententes avec le Canada, comme la possibilité d’un permis de travail ou l’évitement de la double taxation.

De même, quel motif rationnel peut justifier d’exclure de notre vie démocratique les Canadiens qui vivent à l’étranger pour la promotion de sociétés d’ici, qui font des études supérieures, ou qui occupent des emplois qui n’existent pas au Canada et qui font le projet de revenir au pays sans en connaître la date exacte?

Ces critiques omettent aussi de souligner qu’un Canadien qui vit à l’étranger ne peut voter que s’il fait le nécessaire pour être inscrit au Registre national des électeurs et démontre avoir résidé, avant son départ, dans la circonscription électorale où il souhaite voter. De plus, pour exercer son vote, il doit compléter le bulletin spécial reçu d’Élections Canada et le retourner dans le délai prescrit. Ces démarches sont indicatives d’un intérêt réel pour notre vie démocratique.

Cela démontré, qu’en est-il du danger qu’ils influent sérieusement sur les résultats électoraux?

D’abord, peu d’expatriés se prévalent de leur droit. Lors de la dernière élection générale en 2015, 14 000 Canadiens résidant à l’étranger, incluant militaires et fonctionnaires, se sont inscrits. Uniquement 11 000 ont rempli le bulletin spécial, puis l’ont retourné à temps. Ensuite, ces 11 000 votes ont été dépouillés dans l’une des 338 circonscriptions du pays, où ils n’ont pas eu d’impact significatif.

Avec la fin de la restriction et la publicité qui l’entoure, il faut espérer que plus d’expatriés se prévaudront de leur droit de vote en 2019. Le directeur général des élections estime que 30 000 le feront. S’il y a entre 1 et 3 millions d’expatriés, cela représentera 1 à 3 % d’entre eux.

Avec le temps, ce nombre devrait augmenter, mais l’expérience chez nos voisins du sud révèle qu’environ 10 % des expatriés éligibles font le nécessaire, même aux présidentielles. Au vu de ces faits, prétendre que le choix des prochains gouvernements dépendra des expatriés tient de l’élucubration.

Quant à la menace d’une influence extérieure dans nos élections exercée par la manipulation des expatriés qui vivent dans des pays totalitaires, aucune preuve ne la supporte, même aux États-Unis. En réalité, la puissance étrangère qui souhaite influer visera les 99 % ou plus d’électeurs au pays, comme les trolls informatiques russes aux États-Unis l’ont démontré.

De toute façon, le risque que des expatriés puissent être manipulés dans un pays ne justifierait pas de pénaliser ceux qui habitent ailleurs dans le monde. Tout au plus, cela requerrait des mesures ciblées.

Le droit de vote est fondamental en démocratie. Cessons d’invoquer des prétextes pour le nier aux Canadiens résidant à l’étranger.

 

Le sénateur Pierre J. Dalphond représente la région De Lorimier au Québec.

Une version de cet article a été publiée le 24 janvier 2019 dans le journal Le Devoir.

En décembre dernier, le projet de loi C-76 qui modifiait la Loi sur les élections au Canada a été adopté. Donnant plein effet à l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés, il abroge une disposition introduite en 1993, qui privait du droit de vote la plupart des Canadiens qui résidaient à l’étranger depuis 5 ans et plus.

Cette restriction reposait sur le postulat suivant : si vous ne résidez plus au pays depuis 5 ans, vous n’êtes plus affecté par ce qui s’y passe et vous n’avez plus d’intérêt dans les politiques canadiennes.

La restriction de 1993 était aussi discriminatoire, puisqu’elle ne s’appliquait pas aux militaires, fonctionnaires (fédéraux et provinciaux) et employés des organisations internationales.

D’ailleurs, le 11 janvier 2019, la Cour suprême du Canada déclare inconstitutionnelle cette restriction, puisque rien ne la justifiait. Malgré ce jugement, certains apparatchiks se livrent à une campagne de peur, parlant du danger que le vote d’expatriés sans intérêt dans l’avenir du pays devienne critique dans le choix des gouvernements et, même, qu’il serve d’un moyen d’influence étrangère sur nos élections.

Avec égards, ils font fi des faits.

Tous les expatriés utilisent un passeport canadien et peuvent bénéficier des services consulaires canadiens. De plus, la plupart d’entre eux ont de la famille au pays et sont soucieux de leur avenir.

Nombreux sont ceux qui maintiennent des liens économiques avec le Canada et y paient des impôts. Ainsi, 186 200 sont bénéficiaires du RPC et 139 400 de la Sécurité de la vieillesse. Des milliers d’autres tirent des revenus d’investissements au pays. Plusieurs bénéficient d’avantages dans le pays hôte découlant d’ententes avec le Canada, comme la possibilité d’un permis de travail ou l’évitement de la double taxation.

De même, quel motif rationnel peut justifier d’exclure de notre vie démocratique les Canadiens qui vivent à l’étranger pour la promotion de sociétés d’ici, qui font des études supérieures, ou qui occupent des emplois qui n’existent pas au Canada et qui font le projet de revenir au pays sans en connaître la date exacte?

Ces critiques omettent aussi de souligner qu’un Canadien qui vit à l’étranger ne peut voter que s’il fait le nécessaire pour être inscrit au Registre national des électeurs et démontre avoir résidé, avant son départ, dans la circonscription électorale où il souhaite voter. De plus, pour exercer son vote, il doit compléter le bulletin spécial reçu d’Élections Canada et le retourner dans le délai prescrit. Ces démarches sont indicatives d’un intérêt réel pour notre vie démocratique.

Cela démontré, qu’en est-il du danger qu’ils influent sérieusement sur les résultats électoraux?

D’abord, peu d’expatriés se prévalent de leur droit. Lors de la dernière élection générale en 2015, 14 000 Canadiens résidant à l’étranger, incluant militaires et fonctionnaires, se sont inscrits. Uniquement 11 000 ont rempli le bulletin spécial, puis l’ont retourné à temps. Ensuite, ces 11 000 votes ont été dépouillés dans l’une des 338 circonscriptions du pays, où ils n’ont pas eu d’impact significatif.

Avec la fin de la restriction et la publicité qui l’entoure, il faut espérer que plus d’expatriés se prévaudront de leur droit de vote en 2019. Le directeur général des élections estime que 30 000 le feront. S’il y a entre 1 et 3 millions d’expatriés, cela représentera 1 à 3 % d’entre eux.

Avec le temps, ce nombre devrait augmenter, mais l’expérience chez nos voisins du sud révèle qu’environ 10 % des expatriés éligibles font le nécessaire, même aux présidentielles. Au vu de ces faits, prétendre que le choix des prochains gouvernements dépendra des expatriés tient de l’élucubration.

Quant à la menace d’une influence extérieure dans nos élections exercée par la manipulation des expatriés qui vivent dans des pays totalitaires, aucune preuve ne la supporte, même aux États-Unis. En réalité, la puissance étrangère qui souhaite influer visera les 99 % ou plus d’électeurs au pays, comme les trolls informatiques russes aux États-Unis l’ont démontré.

De toute façon, le risque que des expatriés puissent être manipulés dans un pays ne justifierait pas de pénaliser ceux qui habitent ailleurs dans le monde. Tout au plus, cela requerrait des mesures ciblées.

Le droit de vote est fondamental en démocratie. Cessons d’invoquer des prétextes pour le nier aux Canadiens résidant à l’étranger.

 

Le sénateur Pierre J. Dalphond représente la région De Lorimier au Québec.

Une version de cet article a été publiée le 24 janvier 2019 dans le journal Le Devoir.

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