Pour résoudre la crise de l’eau potable au Nunavut, il faudra innover et trouver des solutions ciblées : sénateur Patterson
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Sous le chaud soleil d’été à Ottawa, je me sers un verre d’eau et je songe au triste fait que l’accès à l’eau courante qui me permet d’étancher ma soif, de me doucher et de faire ma lessive est un privilège.
Le Canada possède près du cinquième des réserves mondiales d’eau douce, et pourtant, beaucoup de communautés autochtones et du Nord font face à d’importants problèmes d’infrastructure qui les empêchent d’avoir accès à une eau saine. En octobre 2021, une crise de l’eau à Iqaluit, ma ville natale, a privé ses 8 000 habitants d’eau saine pendant plusieurs mois.
Il a fallu plusieurs semaines pour retirer les particules de carburant qui s’étaient infiltrées dans le réservoir de la station de traitement de l’eau de la ville. Pendant ce temps, pour une semaine seulement, plus de 80 000 litres d’eau en bouteilles ont été livrés à la ville par avion.
Le 1er avril 2022, le gouvernement fédéral a annoncé un investissement de 214 millions de dollars pour améliorer le réseau d’approvisionnement en eau d’Iqaluit. À cause d’une gamme de facteurs, comme une diminution des précipitations et la croissance de la population, le réservoir qui alimente actuellement Iqaluit en eau ne suffit plus aux besoins des habitants. Il sera remplacé par un système relié à une nouvelle source d’eau potable qui aura un réservoir supplémentaire et un réseau de distribution. Ce système est essentiel à Iqaluit pour atténuer les effets du changement climatique, soutenir la croissance économique et répondre aux besoins actuels et futurs de ses habitants.
Je suis très heureux pour Iqaluit, mais je dois souligner que toutes les communautés du Nunavut ont des infrastructures déficientes et des ressources qui ne satisfont pas à leurs besoins en eau potable salubre.
Des infrastructures vieillissantes, une pénurie d’opérateurs d’installations de traitement de l’eau qualifiés et un sous-financement chronique continuent de perturber l’accès de tous les Nunavummiut à de l’eau potable.
L’approvisionnement en eau est du ressort des provinces et des territoires, mais il est important de reconnaître que le Nunavut ne génère pas assez de revenus pour résoudre un problème aussi grave; en effet, le budget de fonctionnement annuel du territoire est constitué à 90 % de transferts fédéraux. De plus, Iqaluit est la seule ville du territoire dotée d’une assiette fiscale; les autres communautés dépendent entièrement du gouvernement du Nunavut pour payer les frais de modernisation et d’exploitation de leurs installations.
Selon une analyse du problème (en anglais seulement) publiée par The Arctic Institute en mai 2022 : « Le sous-financement et le sous-investissement chroniques dont souffre l’infrastructure d’eau potable du Nunavut sont le reflet de l’inertie du gouvernement fédéral. » Même si le Conseil canadien des ministres de l’environnement appuie l’utilisation d’un système multibarrières pour filtrer l’eau potable, aucune des installations de traitement de l’eau du Nunavut n’en est équipée; la chloration est plutôt la méthode utilisée. Outre le mauvais état de l’infrastructure d’eau potable, les coûts d’exploitation et d’entretien des systèmes au Nunavut sont dix fois plus élevés que la moyenne nationale.
À la dernière assemblée générale de l’Association des municipalités du Nunavut, il y a eu consensus sur la nécessité d’accorder la priorité au dossier de l’eau. Kenny Bell, maire d’Iqaluit et président de l’Association, a décrit la situation actuelle comme une « bombe à retardement ».
L’Association des municipalités du Nunavut travaille avec l’entreprise Nunavut Tunngavik Inc. et le ministère des Services communautaires et gouvernementaux du Nunavut pour vérifier l’état de l’infrastructure de traitement de l’eau du territoire et déterminer ce qu’il en coûterait pour régler l’ensemble des problèmes d’accès à l’eau. Entre autres tâches, ils détermineront les municipalités qui ont l’eau courante et celles qui se font livrer de l’eau par camion; ils évalueront l’âge et la condition des camions de livraison, des canalisations et des installations de traitement; ils établiront la capacité des communautés à gérer et à entretenir leurs installations de traitement de l’eau; ils évalueront l’état des systèmes d’approvisionnement en eau; et ils dresseront la liste des besoins en infrastructure, y compris les garages à construire pour les camions de livraison.
Pour résoudre des problèmes multigénérationnels de grande envergure comme ceux que j’ai décrits, il faut des solutions novatrices. L’Association des municipalités du Nunavut étudie la possibilité d’offrir aux opérateurs d’installations de traitement de l’eau un programme de formation centralisé pour développer la capacité des municipalités et augmenter le nombre d’opérateurs agréés. Elle examine aussi des occasions pour les communautés de réduire leur dépendance aux communautés plus au sud dans les situations d’urgence, afin d’économiser temps et argent.
Au chapitre des investissements fédéraux dans ce domaine, il faut cesser d’improviser. L’élargissement, l’exploitation et l’entretien de l’infrastructure, les études de faisabilité et la formation coûtent tous de l’argent. Le gouvernement fédéral doit planifier ses investissements pour résoudre le problème dans son ensemble.
Il est inexcusable qu’un territoire entier du Canada n’ait pas accès en permanence à de l’eau potable salubre.
Le sénateur Dennis Patterson représente le Nunavut au Sénat.
Une version de cet article a été publiée le 13 juin 2022 dans le journal The Hill Times (en anglais seulement).
Avis aux lecteurs : L’honorable Dennis Glen Patterson a pris sa retraite du Sénat du Canada en décembre 2023. Apprenez-en davantage sur son travail au Parlement.
Sous le chaud soleil d’été à Ottawa, je me sers un verre d’eau et je songe au triste fait que l’accès à l’eau courante qui me permet d’étancher ma soif, de me doucher et de faire ma lessive est un privilège.
Le Canada possède près du cinquième des réserves mondiales d’eau douce, et pourtant, beaucoup de communautés autochtones et du Nord font face à d’importants problèmes d’infrastructure qui les empêchent d’avoir accès à une eau saine. En octobre 2021, une crise de l’eau à Iqaluit, ma ville natale, a privé ses 8 000 habitants d’eau saine pendant plusieurs mois.
Il a fallu plusieurs semaines pour retirer les particules de carburant qui s’étaient infiltrées dans le réservoir de la station de traitement de l’eau de la ville. Pendant ce temps, pour une semaine seulement, plus de 80 000 litres d’eau en bouteilles ont été livrés à la ville par avion.
Le 1er avril 2022, le gouvernement fédéral a annoncé un investissement de 214 millions de dollars pour améliorer le réseau d’approvisionnement en eau d’Iqaluit. À cause d’une gamme de facteurs, comme une diminution des précipitations et la croissance de la population, le réservoir qui alimente actuellement Iqaluit en eau ne suffit plus aux besoins des habitants. Il sera remplacé par un système relié à une nouvelle source d’eau potable qui aura un réservoir supplémentaire et un réseau de distribution. Ce système est essentiel à Iqaluit pour atténuer les effets du changement climatique, soutenir la croissance économique et répondre aux besoins actuels et futurs de ses habitants.
Je suis très heureux pour Iqaluit, mais je dois souligner que toutes les communautés du Nunavut ont des infrastructures déficientes et des ressources qui ne satisfont pas à leurs besoins en eau potable salubre.
Des infrastructures vieillissantes, une pénurie d’opérateurs d’installations de traitement de l’eau qualifiés et un sous-financement chronique continuent de perturber l’accès de tous les Nunavummiut à de l’eau potable.
L’approvisionnement en eau est du ressort des provinces et des territoires, mais il est important de reconnaître que le Nunavut ne génère pas assez de revenus pour résoudre un problème aussi grave; en effet, le budget de fonctionnement annuel du territoire est constitué à 90 % de transferts fédéraux. De plus, Iqaluit est la seule ville du territoire dotée d’une assiette fiscale; les autres communautés dépendent entièrement du gouvernement du Nunavut pour payer les frais de modernisation et d’exploitation de leurs installations.
Selon une analyse du problème (en anglais seulement) publiée par The Arctic Institute en mai 2022 : « Le sous-financement et le sous-investissement chroniques dont souffre l’infrastructure d’eau potable du Nunavut sont le reflet de l’inertie du gouvernement fédéral. » Même si le Conseil canadien des ministres de l’environnement appuie l’utilisation d’un système multibarrières pour filtrer l’eau potable, aucune des installations de traitement de l’eau du Nunavut n’en est équipée; la chloration est plutôt la méthode utilisée. Outre le mauvais état de l’infrastructure d’eau potable, les coûts d’exploitation et d’entretien des systèmes au Nunavut sont dix fois plus élevés que la moyenne nationale.
À la dernière assemblée générale de l’Association des municipalités du Nunavut, il y a eu consensus sur la nécessité d’accorder la priorité au dossier de l’eau. Kenny Bell, maire d’Iqaluit et président de l’Association, a décrit la situation actuelle comme une « bombe à retardement ».
L’Association des municipalités du Nunavut travaille avec l’entreprise Nunavut Tunngavik Inc. et le ministère des Services communautaires et gouvernementaux du Nunavut pour vérifier l’état de l’infrastructure de traitement de l’eau du territoire et déterminer ce qu’il en coûterait pour régler l’ensemble des problèmes d’accès à l’eau. Entre autres tâches, ils détermineront les municipalités qui ont l’eau courante et celles qui se font livrer de l’eau par camion; ils évalueront l’âge et la condition des camions de livraison, des canalisations et des installations de traitement; ils établiront la capacité des communautés à gérer et à entretenir leurs installations de traitement de l’eau; ils évalueront l’état des systèmes d’approvisionnement en eau; et ils dresseront la liste des besoins en infrastructure, y compris les garages à construire pour les camions de livraison.
Pour résoudre des problèmes multigénérationnels de grande envergure comme ceux que j’ai décrits, il faut des solutions novatrices. L’Association des municipalités du Nunavut étudie la possibilité d’offrir aux opérateurs d’installations de traitement de l’eau un programme de formation centralisé pour développer la capacité des municipalités et augmenter le nombre d’opérateurs agréés. Elle examine aussi des occasions pour les communautés de réduire leur dépendance aux communautés plus au sud dans les situations d’urgence, afin d’économiser temps et argent.
Au chapitre des investissements fédéraux dans ce domaine, il faut cesser d’improviser. L’élargissement, l’exploitation et l’entretien de l’infrastructure, les études de faisabilité et la formation coûtent tous de l’argent. Le gouvernement fédéral doit planifier ses investissements pour résoudre le problème dans son ensemble.
Il est inexcusable qu’un territoire entier du Canada n’ait pas accès en permanence à de l’eau potable salubre.
Le sénateur Dennis Patterson représente le Nunavut au Sénat.
Une version de cet article a été publiée le 13 juin 2022 dans le journal The Hill Times (en anglais seulement).
Avis aux lecteurs : L’honorable Dennis Glen Patterson a pris sa retraite du Sénat du Canada en décembre 2023. Apprenez-en davantage sur son travail au Parlement.