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Sénateur David M. Wells: L’entente d’Hydro-Québec est-elle avantageuse pour Terre-Neuve-et-Labrador?

Des câbles électriques au-dessus d’un cours d’eau, qui relient deux tours situées sur des collines au loin.

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Terre-Neuve-et-Labrador doit prendre une importante décision qui déterminera l’avenir du projet hydroélectrique de Gull Island sur le cours inférieur du fleuve Churchill.

À l’heure actuelle, aucun autre enjeu n’est plus important pour l’avenir de notre province. Un protocole d’entente a été signé avec le Québec, mais de nombreux citoyens (probablement la plupart des citoyens) ne sont pas persuadés que ce qui est sur la table maximisera les bénéfices pour notre province à long terme.

Le gouvernement provincial sortant nous a dit que nous obtiendrons 225 milliards de dollars pendant la durée de l’accord. C’est beaucoup d’argent, il n’y a pas de doute.

On nous a dit que nous obtiendrons 5,9 cents le kilowattheure, au lieu des 0,2 cent que nous obtenons dans le cadre du mauvais accord de 1969.

Ce que le communiqué de presse du gouvernement libéral ne disait pas, c’est que le prix moyen actuel sur le marché québécois se situe autour de 7,8 cents, que Terre-Neuve-et-Labrador paie le double de cela (à 14,8 cents) et que le prix moyen actuel aux États-Unis (où Hydro-Québec vend une grande partie de notre hydroélectricité) s’élève à 15,22 cents le kilowattheure. C’est ce qui pourrait expliquer pourquoi le négociateur en chef d’Hydro-Québec a affirmé de façon imprudente qu’« en fin de compte, c’est le même accord qu’en 1969 ».

Le contrat de Churchill Falls de 1969 incite à la prudence et nous rappelle que des accords unilatéraux sur l’énergie peuvent rendre la province de Terre-Neuve-et-Labrador prisonnière d’un accord désavantageux pendant des décennies. Nous ne pouvons pas nous permettre de répéter cette erreur et nous ne pouvons pas nous permettre de prendre une décision à propos de ce protocole d’entente en nous basant sur la bonne foi des acteurs politiques, en l’absence de données montrant que c’est le meilleur accord pouvant être conclu. Je vous rappelle qu’en 1969 aussi nous nous sommes réjouis.

Le protocole d’entente avec Hydro-Québec n’est pas un contrat contraignant, mais il ne fait pas que déterminer le cadre des négociations qui définiront notre avenir économique pour les prochaines générations. C’est un jalon, mais des questions clés demeurent sans réponse. Quelles mesures de protection sont en place pour protéger nos intérêts? L’accord garantit-il une valeur juste à long terme pour notre province dans un monde avide d’énergie propre? Notre province est-elle la première à bénéficier de la hausse des prix de l’énergie pour une ressource qui lui appartient, ou sera-t-elle encore la dernière à en bénéficier? Pourquoi devons‑nous considérer Hydro-Québec comme notre seul partenaire ou client potentiel? Tous les scénarios et solutions de rechange raisonnables ont-ils été envisagés?

Ce ne sont pas des questions partisanes; ce sont des questions patriotiques. Cette décision aura une incidence sur nos enfants et sur les enfants de nos enfants. C’est la raison pour laquelle, avant de prendre tout engagement contraignant, il faut procéder à un examen non partisan et entièrement indépendant du protocole d’entente actuel (ou de tout autre cadre) et de ses avantages potentiels.

Le commentaire du négociateur en chef d’Hydro-Québec selon lequel « en fin de compte, c’est le même accord qu’en 1969 » devrait à tout le moins nous faire craindre de répéter une erreur monumentale.

Un véritable examen impartial effectué par des experts du secteur de l’énergie, des économistes, des juristes et des négociateurs intransigeants permettrait aux citoyens de connaître les faits dont ils ont besoin pour déterminer si cette voie est juste et durable, et si c’est la bonne voie à suivre.

Sans données rigoureuses et analyse indépendante, on risque de demander à la population de soutenir un projet ayant des conséquences majeures sans disposer de toute l’information requise, et sans envisager d’autres options dans un marché de l’énergie où tout évolue rapidement.

De plus, n’oublions pas qu’Hydro-Québec détient, maintenant et à jamais, 34,2 % du projet hydroélectrique du haut Churchill – même après 2041, lorsque l’actuel contrat relatif aux prix de l’électricité viendra à échéance.

Le protocole d’entente relatif au projet de Gull Island accorde à Hydro-Québec un pourcentage de propriété faramineux de 40 %. Avons-nous appris quelque chose?

Pour ceux qui ne le sauraient pas, Hydro-Québec appartient en totalité au gouvernement du Québec. L’ancien premier ministre Danny Williams, et c’est tout à son honneur, n’a donné aucune part de Muskrat Falls à qui que ce soit. C’est à nous. Pour toujours.

L’hydroélectricité est un des plus grands atouts de Terre-Neuve-et-Labrador. Selon une recherche de Goldman Sachs, les besoins en électricité pour alimenter les centres de données pourraient augmenter de 165 % d’ici la fin de la décennie, comparativement au niveau de 2023. Un chef de file mondial en intelligence artificielle m’a récemment indiqué que les entreprises d’IA comme Google, Nvidia, OpenAI, Meta et Microsoft, si elles disposaient de plus d’électricité, allaient combler l’écart entre l’offre et la demande. Les installations d’IA ont aussi besoin d’une très grande capacité pour refroidir leurs centres de données. La rivière Churchill peut faire cela aussi. Ces entreprises ont l’argent requis et doivent investir dans de telles infrastructures, qui sont essentielles pour leur propre croissance.

Si elle est gérée intelligemment, notre électricité peut stimuler la croissance, créer des emplois et fournir de l’énergie propre à nos propres projets à valeur ajoutée et à d’autres projets bien au-delà de nos frontières. Mal gérée, c’est ce qu’elle ferait pour le Québec. Nous ne pouvons pas nous permettre de nous faire duper une deuxième fois.

Nous allons sûrement aller de l’avant avec un projet hydroélectrique à Gull Island, mais avant de le faire, prenons une grande inspiration, évaluons le projet adéquatement et assurons-nous que tout accord se traduira par la prospérité que les citoyens de Terre-Neuve-et-Labrador méritent.

L’histoire nous rappelle que nous devons faire preuve de prudence.


Le sénateur David M. Wells représente Terre-Neuve-et-Labrador et est membre du Comité sénatorial de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Par le passé, il a été chef adjoint de la direction de la Régie Canada–Terre-Neuve-et-Labrador de l’énergie extracôtière.

Cet article a été publié dans The Telegram (en anglais seulement) le 30 septembre 2025.

Terre-Neuve-et-Labrador doit prendre une importante décision qui déterminera l’avenir du projet hydroélectrique de Gull Island sur le cours inférieur du fleuve Churchill.

À l’heure actuelle, aucun autre enjeu n’est plus important pour l’avenir de notre province. Un protocole d’entente a été signé avec le Québec, mais de nombreux citoyens (probablement la plupart des citoyens) ne sont pas persuadés que ce qui est sur la table maximisera les bénéfices pour notre province à long terme.

Le gouvernement provincial sortant nous a dit que nous obtiendrons 225 milliards de dollars pendant la durée de l’accord. C’est beaucoup d’argent, il n’y a pas de doute.

On nous a dit que nous obtiendrons 5,9 cents le kilowattheure, au lieu des 0,2 cent que nous obtenons dans le cadre du mauvais accord de 1969.

Ce que le communiqué de presse du gouvernement libéral ne disait pas, c’est que le prix moyen actuel sur le marché québécois se situe autour de 7,8 cents, que Terre-Neuve-et-Labrador paie le double de cela (à 14,8 cents) et que le prix moyen actuel aux États-Unis (où Hydro-Québec vend une grande partie de notre hydroélectricité) s’élève à 15,22 cents le kilowattheure. C’est ce qui pourrait expliquer pourquoi le négociateur en chef d’Hydro-Québec a affirmé de façon imprudente qu’« en fin de compte, c’est le même accord qu’en 1969 ».

Le contrat de Churchill Falls de 1969 incite à la prudence et nous rappelle que des accords unilatéraux sur l’énergie peuvent rendre la province de Terre-Neuve-et-Labrador prisonnière d’un accord désavantageux pendant des décennies. Nous ne pouvons pas nous permettre de répéter cette erreur et nous ne pouvons pas nous permettre de prendre une décision à propos de ce protocole d’entente en nous basant sur la bonne foi des acteurs politiques, en l’absence de données montrant que c’est le meilleur accord pouvant être conclu. Je vous rappelle qu’en 1969 aussi nous nous sommes réjouis.

Le protocole d’entente avec Hydro-Québec n’est pas un contrat contraignant, mais il ne fait pas que déterminer le cadre des négociations qui définiront notre avenir économique pour les prochaines générations. C’est un jalon, mais des questions clés demeurent sans réponse. Quelles mesures de protection sont en place pour protéger nos intérêts? L’accord garantit-il une valeur juste à long terme pour notre province dans un monde avide d’énergie propre? Notre province est-elle la première à bénéficier de la hausse des prix de l’énergie pour une ressource qui lui appartient, ou sera-t-elle encore la dernière à en bénéficier? Pourquoi devons‑nous considérer Hydro-Québec comme notre seul partenaire ou client potentiel? Tous les scénarios et solutions de rechange raisonnables ont-ils été envisagés?

Ce ne sont pas des questions partisanes; ce sont des questions patriotiques. Cette décision aura une incidence sur nos enfants et sur les enfants de nos enfants. C’est la raison pour laquelle, avant de prendre tout engagement contraignant, il faut procéder à un examen non partisan et entièrement indépendant du protocole d’entente actuel (ou de tout autre cadre) et de ses avantages potentiels.

Le commentaire du négociateur en chef d’Hydro-Québec selon lequel « en fin de compte, c’est le même accord qu’en 1969 » devrait à tout le moins nous faire craindre de répéter une erreur monumentale.

Un véritable examen impartial effectué par des experts du secteur de l’énergie, des économistes, des juristes et des négociateurs intransigeants permettrait aux citoyens de connaître les faits dont ils ont besoin pour déterminer si cette voie est juste et durable, et si c’est la bonne voie à suivre.

Sans données rigoureuses et analyse indépendante, on risque de demander à la population de soutenir un projet ayant des conséquences majeures sans disposer de toute l’information requise, et sans envisager d’autres options dans un marché de l’énergie où tout évolue rapidement.

De plus, n’oublions pas qu’Hydro-Québec détient, maintenant et à jamais, 34,2 % du projet hydroélectrique du haut Churchill – même après 2041, lorsque l’actuel contrat relatif aux prix de l’électricité viendra à échéance.

Le protocole d’entente relatif au projet de Gull Island accorde à Hydro-Québec un pourcentage de propriété faramineux de 40 %. Avons-nous appris quelque chose?

Pour ceux qui ne le sauraient pas, Hydro-Québec appartient en totalité au gouvernement du Québec. L’ancien premier ministre Danny Williams, et c’est tout à son honneur, n’a donné aucune part de Muskrat Falls à qui que ce soit. C’est à nous. Pour toujours.

L’hydroélectricité est un des plus grands atouts de Terre-Neuve-et-Labrador. Selon une recherche de Goldman Sachs, les besoins en électricité pour alimenter les centres de données pourraient augmenter de 165 % d’ici la fin de la décennie, comparativement au niveau de 2023. Un chef de file mondial en intelligence artificielle m’a récemment indiqué que les entreprises d’IA comme Google, Nvidia, OpenAI, Meta et Microsoft, si elles disposaient de plus d’électricité, allaient combler l’écart entre l’offre et la demande. Les installations d’IA ont aussi besoin d’une très grande capacité pour refroidir leurs centres de données. La rivière Churchill peut faire cela aussi. Ces entreprises ont l’argent requis et doivent investir dans de telles infrastructures, qui sont essentielles pour leur propre croissance.

Si elle est gérée intelligemment, notre électricité peut stimuler la croissance, créer des emplois et fournir de l’énergie propre à nos propres projets à valeur ajoutée et à d’autres projets bien au-delà de nos frontières. Mal gérée, c’est ce qu’elle ferait pour le Québec. Nous ne pouvons pas nous permettre de nous faire duper une deuxième fois.

Nous allons sûrement aller de l’avant avec un projet hydroélectrique à Gull Island, mais avant de le faire, prenons une grande inspiration, évaluons le projet adéquatement et assurons-nous que tout accord se traduira par la prospérité que les citoyens de Terre-Neuve-et-Labrador méritent.

L’histoire nous rappelle que nous devons faire preuve de prudence.


Le sénateur David M. Wells représente Terre-Neuve-et-Labrador et est membre du Comité sénatorial de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Par le passé, il a été chef adjoint de la direction de la Régie Canada–Terre-Neuve-et-Labrador de l’énergie extracôtière.

Cet article a été publié dans The Telegram (en anglais seulement) le 30 septembre 2025.

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