Une Moldus entre dans la Chambre des Secrets et laisse la porte entrouverte : Sénatrice Simons
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Il n’y avait pas de hiboux. Pas de barques. Pas de Choixpeau magique.
Il y avait juste cette étrange sensation de vertige que j’ai ressentie lorsque j’ai prêté serment devant le Sénat du Canada. Ce sentiment que je venais de pénétrer dans un roman d’Harry Potter.
La Chambre du Sénat, avec ses gargouilles faux-gothique et son haut plafond doré, était comme un château médiéval. Pas étonnant que je me sois sentie comme Hermione Granger, une Moldus parmi les sorciers, lors de mon assermentation. J’avais l’impression d’avoir mis le pied dans la Grande salle de Poudlard et d’avoir été « répartie » dans ma maison.
C’était vraiment magique. Jusqu’à ce que je réalise que mon siège, situé tout près des grandes portes d’entrée, était traversé de forts courants d’air. Je portais des bas de nylon et des talons hauts pour mon grand jour, tout comme les autres nouvelles sénatrices, Patti LaBoucane-Benson et Josée Forest-Niesing. Personne ne nous avait mis en garde contre les rafales de vent froid qui rapidement se sont mises à nous fouetter les chevilles.
(C’est la dernière fois que j’ai porté des bas de nylon pour siéger dans l’ancienne Chambre du Sénat. Par la suite, j’ai plutôt mis des collants molletonnés. Patti a trouvé plus simple d’apporter une petite couverture à poser sur les genoux qu’elle gardait dans son bureau au Sénat.)
Mais je me suis rendu compte que le Sénat n’est pas la Grande salle de Poudlard, c’est la Chambre des Secrets. Lors d’un de mes premiers vols de retour à Edmonton, la femme assise à côté de moi m’a demandé pourquoi je me trouvais à Ottawa. En essayant de faire preuve de modestie (de fausse modestie, certes), je lui ai expliqué.
« J’ignorais qu’il y avait des sénateurs au Canada », a-t-elle dit. « Je croyais que les sénateurs étaient américains. »
Vraiment? Je m’attendais à rencontrer des gens sceptiques à propos du Sénat, mais je ne m’attendais pas à rencontrer des Canadiens qui en ignoraient même l’existence.
Une de mes amies d’Edmonton a essayé d’expliquer à son patron pourquoi je passais tant de temps sur Twitter. « C’est parce qu’elle est sénatrice », a dit mon amie. « Vraiment? » a répondu son patron. « Je ne savais pas que Twitter était doté d’un Sénat! »
Non — Twitter n’est pas doté d’un Sénat. Mais il peut compter sur moi, une sénatrice accro à Twitter, une sénatrice qui fait de son mieux pour utiliser les médias sociaux afin de partager avec les Canadiens son expérience en tant que sénatrice à ses débuts.
J’ai commencé par décrire les événements de ma nouvelle vie qui sortaient de la norme. J’ai, par exemple, publié des tweets sur ma rencontre avec la grand-mère et la tante de Connor McDavid dans la salle d’embarquement de l’aéroport d’Edmonton, ou sur ma recherche fébrile du meilleur shawarma à Ottawa.
Mais le débat d’urgence tenu en décembre pour mettre un terme à la grève rotative des employés des postes a changé la donne. Le Sénat était là, au beau milieu d’un débat qui aurait un impact direct sur la vie de tous les Canadiens. Mais ce débat n’allait pas être télévisé. Et comme c’était la fin de semaine, il n’y aurait pas beaucoup de journalistes dans les tribunes de la presse au Sénat.
Après toutes ces années passées à tweeter en direct pendant les réunions du conseil municipal, les réunions du conseil scolaire, et les débats à l’Assemblée législative de l’Alberta, il m’a semblé tout naturel, en tant que sénatrice indépendante et journaliste intégrée, de prendre place sur mon siège sénatorial traversé de courants d’air et d’utiliser les médias sociaux pour couvrir ce débat en temps réel.
Avais-je le droit de tweeter en direct depuis le Sénat? Pour être honnête, je ne le savais pas. Mais personne ne m’a dit que je ne pouvais pas. Et au fil du débat, des milliers de Canadiens m’ont suivie sur Twitter.
Pour bien des gens, il s’agissait de la première fois qu’on leur laissait entrevoir les mystères du Sénat. Et puis, j’ai eu ma propre petite révélation. Si nous, au Sénat, souhaitons gagner le respect et la confiance des Canadiens, nous devons leur montrer ce que nous faisons vraiment.
Dans l’univers d’Harry Potter, la Chambre des Secrets cache un basilic mortel, qui ne peut être vaincu que si vous détournez les yeux et refusez de le regarder de face.
Le Sénat a exactement le problème inverse. La meilleure façon de renouveler le Sénat, de lui redonner une certaine autorité politique et morale, c’est d’en exposer les rouages au grand jour. Surtout en ces temps où les sénateurs indépendants, qui dominent maintenant le Sénat, se demandent que faire de leurs nouvelles responsabilités.
Bientôt, nous commencerons à téléviser nos séances formelles pour la toute première fois. Et nous le ferons à partir de notre nouvelle demeure lumineuse et aérée, la magnifique vieille gare de style Beaux-Arts d’Ottawa. Le fait de passer à la télévision et de quitter la Colline du Parlement nous aidera peut-être à éclaircir certaines choses et à moins sembler comme si nous étions sous l’emprise du Département des mystères.
D’ici là, je fais ce que je peux pour lever le voile.
Il s’agit d’une entreprise pour le moins audacieuse. Il est fort à parier qu’un jour, un tweet ou un message Facebook irréfléchi va me mettre dans l’embarras. J’imagine que plus je suis ouverte, plus je me rends vulnérable sur le plan politique.
Une transparence radicale peut toutefois comporter certains avantages :
- Si je parviens à utiliser les médias sociaux pour faire la lumière sur la façon dont les décisions du Sénat sont prises;
- Si je parviens à communiquer directement avec les Canadiens des questions controversées, comme le projet de loi C-69, la nouvelle Loi sur l’évaluation environnementale;
- Si je parviens à bâtir des rapports humains authentiques, des rapports qui surpassent les inforobots et me permettent d’avoir de vraies conversations en tête-à-tête avec de vraies personnes, alors le jeu en vaudra la chandelle.
D’ici là, je m’efforcerai de rendre mes débats sur les politiques publiques et mes bavardages publics aussi divertissants que possible.
Demeurez à l’affût de ma prochaine aventure : Paula Simons et la quête de la nouvelle distributrice de collations du Sénat.
La sénatrice Paula Simons représente l’Alberta au Sénat.
Cet article a été publié dans l’édition du 25 février 2019 du Ottawa Citizen (disponible en anglais seulement) et dans d’autres journaux appartenant à Postmedia.
Il n’y avait pas de hiboux. Pas de barques. Pas de Choixpeau magique.
Il y avait juste cette étrange sensation de vertige que j’ai ressentie lorsque j’ai prêté serment devant le Sénat du Canada. Ce sentiment que je venais de pénétrer dans un roman d’Harry Potter.
La Chambre du Sénat, avec ses gargouilles faux-gothique et son haut plafond doré, était comme un château médiéval. Pas étonnant que je me sois sentie comme Hermione Granger, une Moldus parmi les sorciers, lors de mon assermentation. J’avais l’impression d’avoir mis le pied dans la Grande salle de Poudlard et d’avoir été « répartie » dans ma maison.
C’était vraiment magique. Jusqu’à ce que je réalise que mon siège, situé tout près des grandes portes d’entrée, était traversé de forts courants d’air. Je portais des bas de nylon et des talons hauts pour mon grand jour, tout comme les autres nouvelles sénatrices, Patti LaBoucane-Benson et Josée Forest-Niesing. Personne ne nous avait mis en garde contre les rafales de vent froid qui rapidement se sont mises à nous fouetter les chevilles.
(C’est la dernière fois que j’ai porté des bas de nylon pour siéger dans l’ancienne Chambre du Sénat. Par la suite, j’ai plutôt mis des collants molletonnés. Patti a trouvé plus simple d’apporter une petite couverture à poser sur les genoux qu’elle gardait dans son bureau au Sénat.)
Mais je me suis rendu compte que le Sénat n’est pas la Grande salle de Poudlard, c’est la Chambre des Secrets. Lors d’un de mes premiers vols de retour à Edmonton, la femme assise à côté de moi m’a demandé pourquoi je me trouvais à Ottawa. En essayant de faire preuve de modestie (de fausse modestie, certes), je lui ai expliqué.
« J’ignorais qu’il y avait des sénateurs au Canada », a-t-elle dit. « Je croyais que les sénateurs étaient américains. »
Vraiment? Je m’attendais à rencontrer des gens sceptiques à propos du Sénat, mais je ne m’attendais pas à rencontrer des Canadiens qui en ignoraient même l’existence.
Une de mes amies d’Edmonton a essayé d’expliquer à son patron pourquoi je passais tant de temps sur Twitter. « C’est parce qu’elle est sénatrice », a dit mon amie. « Vraiment? » a répondu son patron. « Je ne savais pas que Twitter était doté d’un Sénat! »
Non — Twitter n’est pas doté d’un Sénat. Mais il peut compter sur moi, une sénatrice accro à Twitter, une sénatrice qui fait de son mieux pour utiliser les médias sociaux afin de partager avec les Canadiens son expérience en tant que sénatrice à ses débuts.
J’ai commencé par décrire les événements de ma nouvelle vie qui sortaient de la norme. J’ai, par exemple, publié des tweets sur ma rencontre avec la grand-mère et la tante de Connor McDavid dans la salle d’embarquement de l’aéroport d’Edmonton, ou sur ma recherche fébrile du meilleur shawarma à Ottawa.
Mais le débat d’urgence tenu en décembre pour mettre un terme à la grève rotative des employés des postes a changé la donne. Le Sénat était là, au beau milieu d’un débat qui aurait un impact direct sur la vie de tous les Canadiens. Mais ce débat n’allait pas être télévisé. Et comme c’était la fin de semaine, il n’y aurait pas beaucoup de journalistes dans les tribunes de la presse au Sénat.
Après toutes ces années passées à tweeter en direct pendant les réunions du conseil municipal, les réunions du conseil scolaire, et les débats à l’Assemblée législative de l’Alberta, il m’a semblé tout naturel, en tant que sénatrice indépendante et journaliste intégrée, de prendre place sur mon siège sénatorial traversé de courants d’air et d’utiliser les médias sociaux pour couvrir ce débat en temps réel.
Avais-je le droit de tweeter en direct depuis le Sénat? Pour être honnête, je ne le savais pas. Mais personne ne m’a dit que je ne pouvais pas. Et au fil du débat, des milliers de Canadiens m’ont suivie sur Twitter.
Pour bien des gens, il s’agissait de la première fois qu’on leur laissait entrevoir les mystères du Sénat. Et puis, j’ai eu ma propre petite révélation. Si nous, au Sénat, souhaitons gagner le respect et la confiance des Canadiens, nous devons leur montrer ce que nous faisons vraiment.
Dans l’univers d’Harry Potter, la Chambre des Secrets cache un basilic mortel, qui ne peut être vaincu que si vous détournez les yeux et refusez de le regarder de face.
Le Sénat a exactement le problème inverse. La meilleure façon de renouveler le Sénat, de lui redonner une certaine autorité politique et morale, c’est d’en exposer les rouages au grand jour. Surtout en ces temps où les sénateurs indépendants, qui dominent maintenant le Sénat, se demandent que faire de leurs nouvelles responsabilités.
Bientôt, nous commencerons à téléviser nos séances formelles pour la toute première fois. Et nous le ferons à partir de notre nouvelle demeure lumineuse et aérée, la magnifique vieille gare de style Beaux-Arts d’Ottawa. Le fait de passer à la télévision et de quitter la Colline du Parlement nous aidera peut-être à éclaircir certaines choses et à moins sembler comme si nous étions sous l’emprise du Département des mystères.
D’ici là, je fais ce que je peux pour lever le voile.
Il s’agit d’une entreprise pour le moins audacieuse. Il est fort à parier qu’un jour, un tweet ou un message Facebook irréfléchi va me mettre dans l’embarras. J’imagine que plus je suis ouverte, plus je me rends vulnérable sur le plan politique.
Une transparence radicale peut toutefois comporter certains avantages :
- Si je parviens à utiliser les médias sociaux pour faire la lumière sur la façon dont les décisions du Sénat sont prises;
- Si je parviens à communiquer directement avec les Canadiens des questions controversées, comme le projet de loi C-69, la nouvelle Loi sur l’évaluation environnementale;
- Si je parviens à bâtir des rapports humains authentiques, des rapports qui surpassent les inforobots et me permettent d’avoir de vraies conversations en tête-à-tête avec de vraies personnes, alors le jeu en vaudra la chandelle.
D’ici là, je m’efforcerai de rendre mes débats sur les politiques publiques et mes bavardages publics aussi divertissants que possible.
Demeurez à l’affût de ma prochaine aventure : Paula Simons et la quête de la nouvelle distributrice de collations du Sénat.
La sénatrice Paula Simons représente l’Alberta au Sénat.
Cet article a été publié dans l’édition du 25 février 2019 du Ottawa Citizen (disponible en anglais seulement) et dans d’autres journaux appartenant à Postmedia.