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BORE

Sous-comité de la Forêt boréale

 

Délibérations du sous-comité de la
Forêt boréale

Fascicule 6 - Témoignages pour la séance du soir


TIMMINS, le jeudi 8 octobre 1998

Le sous-comité de la forêt boréale du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 19 h 10 pour poursuivre son étude de la situation actuelle et de l'avenir des forêts boréales au Canada.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, bienvenue à notre séance de ce soir. Notre premier témoin sera M. Chown, qui représente Abitibi Consolidated.

Monsieur Chown, veuillez nous résumer en quelques mots votre carrière et vous présenter.

M. R. David Chown, directeur de la production, Fibres, Abitibi Consolidated: Je travaille chez Abitibi Consolidated à Iroquois Falls. Je suis employé par cette entreprise depuis 1965. J'ai occupé différents postes dans les services forestiers de cette entreprise, tant en Ontario qu'au Manitoba. J'aborderai tous les domaines d'activités de l'entreprise, mais mes commentaires porteront principalement sur l'Ontario et plus précisément sur Iroquois Falls, qui relève actuellement de ma compétence.

Le président: Pouvez-vous me dire à quelle distance se trouve le territoire d'Iroquois Falls et quelle est sa superficie?

M. Chown: Oui. J'ai un rétroprojecteur qui vous permettra de vous y retrouver. Iroquois Falls se trouve à 45 milles de Timmins. Je pense que nous battions régulièrement Schumacher au hockey.

Le sénateur Mahovlich: Pas au football.

M. Chown: Je me propose de vous indiquer où nous sommes et qui nous sommes. Notre exposé sur la forêt boréale portera en partie sur nos activités d'homologation des terres forestières en Abitibi ainsi que sur notre rôle d'actionnaire concernant la forêt modèle du lac Abitibi. Je terminerai par quelques remarques en guise de conclusion.

Vous voyez ici la forêt d'Iroquois Falls. Elle se trouve à la limite du Québec. Cette forêt s'étend sur plus de 1,3 million d'hectares des deux côtés du lac Abitibi.

Le sénateur Mahovlich: Ça fait combien de milles carrés?

M. Chown: C'est 1,3 million d'hectares.

M. Rick Groves, chef des services forestiers, Division de Malette, Tembec: Divisez par 100 pour trouver en kilomètres carrés.

M. Chown: Ça correspond à 3 000 milles carrés. On pratique un roulement de 120 ans dans la forêt boréale, ce qui fait qu'on ne coupe que 1/120e de la forêt chaque année.

Je vous exposerai un certain nombre de nos investissements récents, mais n'oubliez pas que l'histoire de la forêt d'Iroquois Falls remonte à 1913. Nous avons pratiqué des coupes des deux côtés du lac et aussi le long d'une ligne de chemin de fer qui longe le couloir nord-est, approvisionnant ainsi au fil des années l'usine d'Iroquois Falls.

Abitibi a une installation à Thunder Bay et deux dans l'ouest de la province, à Kenora et à Fort Frances. Nous avons au total 19 usines. Abitibi est présente en Ontario, au Québec, à Terre-Neuve, aux États-Unis et en Angleterre, qui absorbe toute notre production de papier journal.

Depuis la fusion qui a eu lieu l'année dernière entre Abitibi-Price et Stone Consolidated, nous sommes devenus le plus gros fabricant de papier journal au monde. Nous produisons aussi du bois de construction, de la pâte à papier mécanique et des papiers spécialisés.

L'usine d'Iroquois Falls a évolué. J'ai remis à Mme Reynolds, la greffière du comité, des échantillons de notre production. À l'origine, notre usine produisait du papier journal. Nous avons ensuite évolué en même temps que les conditions et les exigences du marché. L'une de nos trois usines d'Iroquois Falls est une grosse usine de fabrication de papier journal et les deux autres fabriquent une multitude de produits. Ces deux usines fabriquent par exemple une grande quantité de papier pour le bricolage -- papeterie scolaire, destinée aux jeunes enfants -- et nous avons acquis une grande spécialité concernant les papiers de couleur. Nous avons un procédé spécial de fabrication de la pâte à papier qui fait que ces produits sont très recherchés par le marché.

Notre entreprise emploie 12 000 personnes et elle est très largement possédée par des Canadiens.

Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, la technologie a évolué, ce qui a fait changer notre gamme de produits. Sur nos quatre sites de l'Ontario, trois sont caractérisés par une mono-industrie. Les localités en question vivent surtout de notre industrie. Nous avons largement contribué à les faire vivre au fil des années.

Notre secteur fait largement appel aux capitaux et à la main-d'oeuvre. Pour nous développer, il nous faut pouvoir compter sur des approvisionnements sûrs, ce qui nous permet de réinvestir dans notre entreprise.

Le montant en dollars que vous avez devant vous correspond au montant total qui a été investi. À Iroquois Falls, notamment, nous avons investi plus de 200 millions de dollars au cours des quatre dernières années. Nous avons instauré un procédé de fabrication mécanique et thermique de la pâte à papier qui est à la pointe de la technique. Nous avons mis en place des mesures de contrôle de l'environnement dans l'usine et nous avons construit par ailleurs une nouvelle salle d'entreposage des bois pour mieux utiliser, selon le diamètre et l'essence, le bois qui parvient à l'usine.

Nous avons trois installations de production d'électricité à Iroquois Falls et sur la rivière Abitibi. Nous avons aussi investi pour améliorer ces installations.

Nous avons pris de grandes responsabilités vis-à-vis de la forêt. À l'heure actuelle, nous reboisons tous les secteurs dans lesquels nous faisons des coupes. Nous avons été la première entreprise à signer en 1980 une EGA en Ontario. Lorsque le gouvernement fédéral a lancé le concours sur les forêts modèles, nous avons été l'un des participants à Iroquois Falls. Nous avons obtenu du succès, ce qui a attiré de nombreux intervenants dans notre région. Je précise aussi, pour vous donner une idée de l'intérêt que porte Abitibi à la gestion des forêts et de l'ampleur de sa participation, que sur les 10 forêts modèles prévues à l'origine, quatre se trouvaient en Abitibi. À l'époque, nous possédions aussi l'usine de Pine Falls, au Manitoba.

Toutes nos activités font l'objet d'une planification rigoureuse pour que les licences et les permis nécessaires puissent être obtenus. Nous avons déclaré notre intention de respecter ou de surpasser tous les critères et toutes les normes d'exploitation s'appliquant à nos activités forestières et à nos opérations de fabrication.

L'opinion publique se préoccupe de plus en plus dans le monde entier de la façon dont les forêts sont exploitées. Nous avons décidé cette année d'appliquer un système de mesure parmi les deux ou trois qui sont disponibles. L'Association canadienne de normalisation est en train d'élaborer une norme. Une autre organisation, le Forest Stewardship Council (FSC), homologue elle aussi les activités forestières. Elle a certaines ramifications dans le monde entier.

Nous avons choisi la norme ISO pour marquer les progrès de notre organisation. Nous l'avons choisie parce qu'elle est assez bien connue. Elle est complémentaire des procédés de fabrication qui eux aussi font l'objet d'une homologation ISO. Il sera ainsi possible de mettre davantage de choses en commun parce que nous chevauchons trois provinces. Les lois et les règlements provinciaux du Québec, de Terre-Neuve et de l'Ontario font que la norme ISO est mieux à même de s'appliquer à chacune des provinces. Nous avons l'intention d'être prêts pour une homologation ISO 14001 à la fin de l'an 2000.

Avant la fusion, Abitibi-Price procédait tous les deux ans à une vérification de son exploitation. De manière générale, la critique que l'on pouvait faire éventuellement, c'est que les activités de consignation des données et de communication n'étaient pas suffisantes, alors que c'est un élément clé de toute opération d'homologation. Du fait de sa rigueur, la norme ISO 14001 nous obligera à mettre en place un système de gestion de l'environnement nous amenant à produire une documentation très rigoureuse détaillant ce que nous faisons afin de nous assurer, une fois que tout aura été mesuré, que nous faisons bien ce que nous avons dit que nous ferions. En outre, il y aura un effet d'entraînement qui permettra de noter, année après année, les améliorations.

Outre l'homologation ISO, il a été demandé cette année en Ontario aux membres de notre industrie d'élaborer leurs propres plans de conformité et de contrôle, qui sont remis en même temps que les échéanciers de travail annuels afin d'être approuvés par le gouvernement. C'est ce que nous avons fait. Dans la pratique, comme nous nous contrôlons nous-mêmes, nous le faisons bien plus fréquemment. J'irais jusqu'à dire que nous sommes plus sévères envers nous-mêmes que ne l'était le gouvernement lorsqu'il procédait lui-même au contrôle.

Je le répète, nous avons notre propre programme de vérification de l'environnement. J'ai laissé à Mme Reynolds notre dernière publication indiquant où nous en sommes en matière de mesure de l'environnement dans nos usines et sur nos terres forestières. Elle sort juste de l'imprimerie et malheureusement nous n'en avons pas de nombreuses copies, mais je tenais à en laisser une au comité.

Aux termes de notre participation à la deuxième phase d'un programme sur cinq ans portant sur la forêt modèle du lac Abitibi, nous devons respecter les critères fixés dans le cadre du processus d'homologation. De plus, notre code de déontologie forestière en Ontario a été élaboré par un groupe plus large de parties prenantes au sein de la province et a été affiné au cours des années. Nous l'appliquons aussi à notre exploitation forestière.

Pourquoi faisons-nous tout cela? Nous devons savoir où nous en sommes pour savoir où nous allons. Nous avons besoin d'un instrument de mesure de nos progrès. Notre but est de faire ce travail sur le terrain et d'indiquer une amélioration constante d'une année sur l'autre, ce qu'un programme d'homologation va nous permettre de réaliser.

Vous voyez maintenant un modèle type de système de gestion de l'environnement dans le cadre d'une opération de fabrication. Nous commençons par établir la politique. Nous bâtissons nos projets en fonction de ce que nous voulons faire. Nous mettons en place notre exploitation. Un mécanisme de vérification permet de constater ce qui a été fait. Les données sont alors renvoyées à la direction pour qu'elle procède à leur examen. Une méthode améliorée est alors mise en place. C'est très semblable à une vérification financière. D'ailleurs, nos responsables des finances participent à l'opération de vérification pour s'assurer qu'elle fait preuve de rigueur. La vérification passe directement par un comité chargé de l'environnement au sein de notre conseil d'administration et les modifications, les ajustements et les correctifs font l'objet d'un suivi au niveau du conseil d'administration.

Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, nous avons commencé à fabriquer du papier à Iroquois Falls en 1913. Voilà donc maintenant 85 ans que nous sommes installés sur cette terre forestière. Nous avons investi et prévu d'y rester à l'avenir pendant une longue période. Pour y parvenir, nous estimons devoir nous assurer que la forêt sera gérée de manière durable, non seulement pour nos propres besoins, mais aussi au profit des nombreuses parties prenantes qui s'intéressent à la forêt. Nous n'utilisons pas toutes les espèces présentes dans la forêt boréale. D'autres entreprises de la région en font usage.

Notre exploitation est inexorablement liée à celle de M. Groves, notre collègue de Tembec. Nous nous assurons que les espèces et les dimensions des arbres concordent avec ce qui se fait dans ses usines avant que le bois n'arrive dans nos usines. Dans le nord-est de l'Ontario, les entreprises sont très étroitement alignées les unes sur les autres, peut-être davantage que dans d'autres régions du pays que vous avez visitées.

Nous cherchons à être les meilleurs. Nous nous conformerons toujours aux lois et aux règlements de notre pays. Depuis les trois dernières années, si l'une de nos divisions ne s'y conforme pas, le rapport sur l'environnement l'indique. Nous faisons part à la fois de nos bons coups et de nos mauvais coups au public. Nous continuons par ailleurs à affiner nos critères pour améliorer notre exploitation.

L'homologation ISO n'est peut-être qu'une première étape sur la voie d'autres mécanismes d'homologation, mais c'est celle que nous avons choisie pour l'instant. Il n'existe à l'heure actuelle que trois systèmes -- j'ai évoqué brièvement les deux autres. Les deux autres n'en sont encore qu'à leurs balbutiements et ne sont pas aussi bien compris que la norme ISO. L'homologation ISO a une audience internationale. Cela ne veut pas dire pour autant que nous n'adopterons pas un jour un autre système, surtout si les deux autres continuent à se développer.

Je crois savoir que vous avez eu certaines conversations au sujet du Réseau canadien de forêts modèles. Nous sommes très heureux de notre participation à la forêt modèle du lac Abitibi. Elle a fait intervenir de nombreuses parties prenantes à notre exploitation. Il y a eu d'excellentes retombées.

M. Litchfield va vous parler du mécanisme de planification de la gestion des forêts en Ontario.

La province institue des comités locaux de citoyens. Il se trouve que nombre des parties prenantes à la forêt modèle du lac Abitibi sont aussi membres du comité local de citoyens de notre région. Ces comités participent à l'élaboration de nos plans de gestion forestière. L'apprentissage a été bénéfique, les parties prenantes comprenant mieux comment opère la forêt et participant à différentes activités sur le terrain.

Au cours des cinq premières années d'application du programme de forêt modèle, on a reconnu l'intérêt de la recherche que nous avons entreprise et qui a de nombreuses applications dans tout le pays. Nous avons mis sur pied ce que nous avons qualifié de projet d'exploitation forestière prudent, qui s'applique précisément aux régions couvertes par la forêt boréale, étant donné l'état de développement inégal des divers peuplements d'épinettes noires. Nous ne coupons en couloirs qu'au-dessus d'une limite de 12 ou de 15 centimètres. On laisse ainsi en place une part significative de la forêt et on dispose d'un reboisement avancé, les arbres étant alors prêts à être exploités un peu plus tôt que dans le cadre du mécanisme de roulement de 120 ans prévu à l'heure actuelle.

Pendant cette période de cinq ans d'application de la forêt modèle, nous visons à élaborer les critères d'après lesquels viendront s'appliquer le programme d'homologation de la gestion des forêts. Ce sont là les deux domaines dont je voulais vous parler.

En guise de conclusion, je ferai une ou deux remarques qui risquent de vous choquer. Jusqu'à une date récente, nous avions effectivement des ententes fédérales-provinciales de cinq ans en matière forestière. J'étais au Manitoba à la fin des années 80 lorsque le SIG, le Système d'information géographique, a été institué dans le cadre du mécanisme de financement. Ce mécanisme de financement prévoyait aussi le développement de pépinières chez certaines Premières nations. Pour autant que je sache, aucune entente n'est en place pour l'instant. C'est décevant.

Le projet de forêt modèle était une initiative du gouvernement fédéral. Les crédits prévus pour la deuxième période de cinq ans ont été diminués de moitié. Que se passera-t-il à la fin de cette période de cinq ans? Étant donné que l'évaluation et la mise en place de méthodes de gestion durable des forêts ont acquis une renommée presque mondiale, il serait très regrettable que cela disparaisse.

Les opérations récentes de dessaisissement des provinces ont fait que la responsabilité de l'accès ou de la traversée des voies d'eau est retombée sur le gouvernement fédéral. J'en appelle au comité pour que certaines de vos recommandations ne se traduisent pas par un alourdissement de la réglementation. Prenez l'exemple de l'établissement des moyens permettant de franchir les voies d'eau. Ce fut strictement un exercice bureaucratique, les responsables du gouvernement impliqués n'étant même pas disposés à procéder à une étude sur le terrain. À partir du moment où l'on recommande une réglementation, il faudrait que cela aille de pair avec la volonté et la possibilité de disposer de suffisamment de crédits pour procéder à une étude sur le terrain.

Le président: Merci. Le témoin suivant représente E.B. Eddy, une entreprise dont l'histoire est intimement liée à celle d'Ottawa.

M. Martin Litchfield, directeur général, Ressources forestières, E.B. Eddy Forest Products Ltd.: J'ai obtenu en 1972 un diplôme forestier de l'Université du Nouveau-Brunswick. J'ai 26 ans d'expérience professionnelle dans le secteur des forêts, dont 19 dans l'industrie de la Colombie-Britannique, du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario. Je connais donc assez bien les différentes activités forestières du Canada. J'ai passé sept années au service du gouvernement, tant à Timmins qu'à Sault Ste. Marie, à titre d'agent forestier régional et de directeur de district.

Notre entreprise est celle d'E.B. Eddy. Je vais vous présenter des diapositives pour vous familiariser avec la structure de notre organisation. Nous sommes très fiers d'être installés en Ontario depuis plus de 150 ans. En tant que directeur général des services forestiers, j'ai pour mandat de garantir un approvisionnement durable en bois pendant les 150 ou les 300 années à venir. Nous sommes fiers de notre longévité et de notre durabilité en Ontario.

Mon exposé d'aujourd'hui portera sur les changements apportés à notre exploitation et sur les progrès que nous réalisons pour assurer l'avenir des forêts en Ontario.

Comme vous pouvez le voir, nous étions plutôt dans les premiers temps dans une phase de développement et d'exploitation, l'industrie se chargeant de créer l'infrastructure de nos villes, de nos chemins de fer, de nos hôpitaux et de nos écoles pour assurer le développement de l'Ontario.

Puis, au cours des années 50 et 60, notre industrie a assumé une responsabilité de gestion forestière, qui a vu les premiers projets de pépinières et de reboisement. En Ontario, cette tendance s'est infléchie en 1962, le gouvernement prenant une plus grande part de cette responsabilité. Au fil des années, on en est venu à reconnaître que ceux qui exploitaient la ressource devaient s'impliquer davantage dans ce secteur.

Comme l'a indiqué M. Chown, les premières ententes de gestion des forêts sont apparues au début des années 80. À l'époque, l'industrie a pris davantage de responsabilités en matière de planification de la gestion, de reboisement, d'aménagements routiers, et de protection contre les insectes et les maladies. Nous en sommes désormais à un stade encore plus avancé, qui consiste en Ontario à délivrer des permis d'aménagement forestier durable, le rôle de l'industrie et celui du gouvernement étant très clairement définis. Nous collaborons très étroitement à la réalisation de nos objectifs en matière d'exploitation durable.

Dans les brochures que je vous ai remises, vous trouverez des tableaux supplémentaires ainsi qu'une information de base concernant notre secteur et certaines de nos entreprises. Je les survolerai rapidement. Si vous avez des questions à me poser plus tard, je me ferai un plaisir d'y répondre.

E.B. Eddy a récemment été achetée par Domtar, qui opère principalement au Québec. Le groupe d'entreprises E.B. Eddy possède des usines à Ottawa et à Hull. Nous avons une grande usine de fabrication de pâte et papier à Espanola. Nous avons une usine de recyclage et de fabrication de papier spécialisé à Port Huron, au Michigan. Nous avons une usine de pâte à papier spécialisée à l'extérieur de Vancouver, à Delta, en Colombie-Britannique. Nous avons des scieries qui produisent du bois spécialisé, des placages et des copeaux destinés à nos usines de pâte à papier à Nairn, qui se trouve à l'extérieur d'Espanola, à Chapleau, à Timmins, à Elk Lake, dans la région de New Liskeard, et à Sault Ste. Marie. Nous sommes une assez grosse entreprise et nous couvrons un très grand territoire.

Comme l'a indiqué M. Chown au nom d'Abitibi, son entreprise occupe un territoire géographique étendu. Nous avons nous aussi un rôle de gestion sur un territoire très étendu en Ontario. Notre territoire va du lac Supérieur jusqu'à la frontière du Québec et du lac Huron jusqu'à la région de Timmins. La superficie que nous exploitons, directement ou indirectement par l'entremise de nos associés, est de 4,5 millions d'hectares, soit plus de 10 millions d'acres. C'est un grand territoire qui exige un fort engagement et une grande compétence en matière forestière de la part de l'entreprise.

Pour ce qui est de la durabilité et de la gestion durable des forêts, n'oublions pas que dans ce domaine il n'y a pas d'objectif définitif correspondant à un produit tangible. On ne peut pas dire: «J'ai désormais réalisé l'utopie de la durabilité.» C'est un principe; un idéal. La durabilité est toujours à recommencer; elle doit faire l'objet de constantes améliorations. À mesure que la science progresse, nous l'intégrons à nos programmes de durabilité. En notre qualité d'agents des forêts et de gestionnaires, nous voulons nous assurer de l'adéquation de notre consommation à notre production sur le plan des ressources.

Notre objectif majeur et notre raison d'être, c'est de gérer l'écosystème en garantissant son intégrité et en faisant en sorte qu'il soit florissant tout en faisant vivre les industries et les localités qui en dépendent. Il y a donc là un équilibre à maintenir en matière de durabilité, non seulement en fonction des forêts et des ressources, mais aussi au bénéfice des personnes et des localités qui en dépendent. Par l'entremise du Conseil canadien des ministres des Forêts, le gouvernement fédéral a fait un magnifique travail pour définir les principales caractéristiques de la durabilité s'appliquant au Canada. Des critères bien précis ont été arrêtés. Lorsqu'on parle de durabilité, il faut aussi prendre en compte les questions de conservation, de diversité biologique ainsi que de maintien et de développement des écosystèmes forestiers. C'est une chose qui a été acceptée dans tout le Canada. Nous intégrons à l'heure actuelle ces éléments bien déterminés dans nos plans de gestion, et ce sont eux qui constituent les critères de durabilité.

Comme l'a indiqué M. Chown, nous sommes en train de définir les indicateurs devant nous permettre de savoir qu'il existe un équilibre raisonnable en matière de diversité biologique. Ces indicateurs, qui seront intégrés à chacun de nos plans, nous aideront à déterminer les limites acceptables de la biodiversité. Ils contribueront à déterminer dans quelle mesure nous avons atteint nos objectifs. L'intervention du gouvernement fédéral a guidé l'action des provinces et de l'industrie.

Ce sont là les fondements de la durabilité qui ont été établis par l'Association canadienne de normalisation, et qui sont intégrés aux plans de gestion. Le gouvernement fédéral a joué un rôle essentiel de chef de file en matière de forêts. Il a montré à l'ensemble des provinces et des entreprises la voie à suivre pour oeuvrer dans ce cadre.

Pour ce qui est de la durabilité, sur toutes ces questions de santé de l'écosystème forestier, de biodiversité et de durabilité de l'approvisionnement en bois, nous ne nous contentons pas de belles paroles. Voilà 150 ans que nous sommes sur le terrain. Nous prenons des mesures permettant de faire état non seulement des quantités que nous allons couper demain ou dans cinq ans, mais aussi -- le chiffre de «T14» que vous voyez au bas de cette diapositive étant le résultat d'une progression dans le temps allant de 10 en 10 ans -- de prévoir notre approvisionnement dans 140 ans. Nous pouvons ainsi nous assurer que les mesures que nous prenons aujourd'hui seront garantes d'une durabilité à l'avenir. Nous les intégrons à nos plans et le public ainsi que nos pairs pourront en prendre connaissance pendant une période de cinq ans avec un renouvellement tous les cinq ans. Par conséquent, nous faisons constamment des prévisions pour l'avenir.

Vous voyez ici nos prévisions concernant le bois. La question est la suivante: comment les concilier avec les autres éléments? Il est évident qu'une société d'exploitation forestière s'intéresse au bois, mais nous voulons aussi connaître les conséquences sur l'habitat, sur les autres usagers des forêts; autrement dit, les effets sur les oiseaux, les orignaux, les grands pics et les populations de martres des pins.

Vous pouvez voir que nous cherchons à prévoir ce que sera la biodiversité de la faune dans 140 ou 150 ans. Ainsi, la toute première indication ici, c'est celle de la salamandre à points bleus. Nous nous penchons sur le sort des petits animaux de la forêt. Nous étudions la situation de la martre des pins, de la moucherelle du Nord, des orignaux, des lynx, de toutes sortes d'animaux.

Nous collaborons avec des biologistes et des écologistes professionnels qui se chargent de définir les territoires et nous aident à garantir que les exigences en matière d'habitat d'une multitude d'espèces, ainsi que les besoins de la jeune végétation, si l'on veut qu'elle arrive un jour à maturité, sont bien protégés en prévision de l'avenir.

Pourquoi vouloir un environnement durable? Nous estimons que nos forêts durables seront le garant de bonnes et saines pratiques commerciales. Nous savons que la durabilité est une exigence de la Loi sur la durabilité des forêts de la Couronne. Nos principaux clients nous disent que si nous voulons qu'ils achètent nos produits à long terme, il nous faut leur démontrer que notre exploitation est durable. Ils veulent être persuadés que nous faisons un excellent travail de gestion forestière. C'est ce que nous disent non seulement les principaux consommateurs de nos produits en Europe, mais aussi en Amérique du Nord.

Nous vendons nos produits à la société McDonald. Nous avons dû aller à Chicago lui démontrer que nos pratiques forestières étaient durables. McDonald compte parmi son personnel un biologiste spécialisé dans l'habitat de la faune, qui vient contrôler nos ressources et s'assurer que notre exploitation respecte les normes établies par ce client qui privilégie l'environnement. Non seulement nous prenons l'affaire au sérieux, mais dans sa majorité, le marché en fait autant.

Certains changements nous ont aidé à adopter cette nouvelle démarche en matière de gestion forestière, notamment une ou deux mesures prises par l'Ontario. Il y a eu tout d'abord l'évaluation de l'environnement forestier, qui non seulement a entériné le mandat et l'orientation principale de l'exploitation forestière en Ontario, mais a en outre explicité 115 critères et conditions de pratique forestière en Ontario. L'Ontario a mis la barre plus haute pour ce qui est de l'établissement des normes et de la définition des objectifs.

En 1994, la Loi sur la durabilité des forêts de la Couronne, qui a été ensuite mise en oeuvre en 1995, a modifié l'orientation de la production de bois pour s'aligner davantage sur la gestion des ressources d'un écosystème forestier en imposant à l'industrie davantage de responsabilités et des exigences plus vastes.

Comment avons-nous abordé cette situation? Que sommes-nous parvenus à réaliser aujourd'hui en Ontario? Nous avons un mécanisme plus ouvert, plus transparent, de planification de la gestion forestière. Les responsabilités en matière de gestion sont devenues celles de l'industrie dans le cadre de permis d'aménagement forestier durable. Celui qui pratique les coupes et qui exploite les ressources s'assure de leur renouvellement.

Comme vous l'a dit aujourd'hui M. Naysmith, l'Ontario a des fonds de reboisement -- ainsi par exemple, le Fonds de réserve forestier -- qui garantit aux exploitants forestiers professionnels que l'argent sera disponible à perpétuité pour la régénération. Il n'est pas question que quelqu'un vienne dire qu'il est désolé mais qu'il n'y a plus d'argent; on garantit que l'argent sera là.

Comme vous l'a dit le représentant d'Abitibi, les grandes entreprises s'engagent à faire enregistrer leur exploitation forestière ou à faire homologuer leur produit, que ce soit par l'intermédiaire de l'ISO, de l'ACNOR ou du FSC. Abitibi envisage une norme ISO. Notre entreprise cherche à obtenir une homologation de l'Association canadienne de normalisation pour l'une des forêts limitrophes d'Espanola, en Ontario. Il y a des changements en Ontario avec l'expansion du programme des parcs et des zones protégées au titre de la protection de la faune. M. Groves vous en dira éventuellement quelques mots.

Je voudrais rapidement résumer nos réalisations et nos objectifs pour l'avenir. Nous considérons que l'époque où nous étions de simples bûcherons est révolue. Nous sommes bien davantage aujourd'hui des «gestionnaires de l'écosystème». La collaboration avec le gouvernement de l'Ontario a été excellente, en ce sens qu'il est clair que c'est le gouvernement qui définit les politiques. L'industrie joue le rôle de planificateur et de gestionnaire; le gouvernement celui de l'élaboration des politiques et du contrôle de la conformité.

Nous ne faisons pas deux fois le même travail; nous ne nous marchons pas sur les pieds. Certains responsables du gouvernement nous disent à l'occasion: «Nous dirigeons le navire, vous êtes les rameurs.» Nous avons peut-être davantage de rameurs, il nous arrive de temps en temps de faire installer des moteurs, mais le système semble fonctionner. Le défi qui nous attend à l'avenir est de mériter l'appui et la confiance de l'opinion publique en lui démontrant que notre exploitation est durable.

J'ai fait figurer dans notre dossier un certain nombre de recommandations que nous voudrions que vous examiniez. Je ne vais pas les exposer en détail.

En Ontario, les choses se sont bien passées. Les rôles du gouvernement et de l'industrie ont été clairement définis. Nous devons en faire de même pour ce qui est des responsabilités fédérales s'agissant des forêts fédérales. Nous devons préciser ce que fait le gouvernement fédéral et où il est préférable qu'il intervienne.

À Kyoto, on a parlé de changements climatiques. De nombreux changements doivent être apportés concernant les dégagements de gaz carbonique, le piégeage du carbone, le rôle des forêts dans l'absorption d'une partie de ce gaz carbonique. À mon avis, le gouvernement et le service fédéral des forêts ont un rôle à jouer pour guider notre action dans ce domaine. J'ai exposé quelques idées à ce sujet.

Nous ne demandons pas l'aumône au gouvernement fédéral, mais il y a des choses que celui-ci peut faire pour nous aider. Il peut contribuer à faire en sorte que nous soyons concurrentiels face à nos amis des États-Unis et de l'Europe, qu'il s'agisse par exemple de la déréglementation du coût de l'énergie ou de la compétitivité des réseaux de transport par chemin de fer.

Nous aimerions que le rôle du gouvernement fédéral et des provinces soit précisé. Le domaine de la recherche me préoccupe tout particulièrement. Il y a des doubles emplois et des chevauchements entre le Service canadien des forêts, le ministère ontarien des Ressources naturelles et les universités. On ne coordonne pas suffisamment la recherche. Les responsables se marchent sur les pieds et, au lieu de collaborer, empiètent sur les compétences les uns des autres. Nous avons besoin d'un chef de file, d'un organisateur. Il nous faut mettre l'accent sur la recherche et faire en sorte que les gens collaborent, que le gouvernement fédéral joue son rôle, de même que la province, et que nous n'ayons pas deux circuits distincts, chacun travaillant dans son propre domaine, sans consulter son voisin.

Nous avons besoin dans ce domaine d'un chef de file qui donne le ton, comme cela s'est fait en matière d'exploitation durable. Si le gouvernement fédéral pouvait jouer ce rôle en orientant et en dirigeant la recherche forestière, cela nous aiderait beaucoup. Nous saurions dans quelle mesure le gouvernement se charge de l'élaboration des politiques et de la planification, notre rôle étant alors de mettre en application ces politiques, par exemple.

Le président: Notre prochain témoin est M. Groves, qui représente Tembec.

M. Groves: Vous devriez avoir devant vous une documentation dans laquelle figure ma biographie et mes principaux commentaires. Je suis sorti diplômé de l'Université de Toronto en 1979. Vous pouvez lire le reste dans la documentation.

J'indiquerai simplement ce qui suit: il n'y a pas très longtemps, je siégeais en tant que représentant de l'industrie. Je représentais l'industrie forestière à la Table ronde sur la forêt boréale dans l'Est dans le cadre de l'opération sur la protection de la faune. C'est agréable d'être pour une fois de ce côté de la barrière.

Je vais prendre quelques minutes pour vous parler un peu de Tembec parce que, contrairement à mes voisins de droite et de gauche, je représente une entreprise relativement jeune. J'évoquerai ensuite une question que l'on n'a pas abordé ce soir, soit celle des autochtones. Je vous parlerai plus précisément des politiques et des programmes qui doivent être mis en place si l'on veut respecter les intérêts et les droits des autochtones.

Tembec est devenue l'une des grandes sociétés forestières intégrées au Canada. Notre entreprise n'a que 25 ans. Nous sommes nés dans le Témiscamingue. Par la suite, nous avons étendu notre exploitation à presque toutes les forêts boréales du Canada. Nous avons des bureaux au Manitoba, en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick. La majeure partie de notre exploitation se fait dans le nord-est de l'Ontario et le nord-ouest du Québec. Dans les quatre provinces où elle a des bureaux, Tembec est désormais le plus gros consommateur de billots. Nous sommes passés d'une usine de pâte à papier au Témiscamingue à un assez grand conglomérat d'établissements. Uniquement en Ontario -- notre exploitation s'étend le long du couloir de la route 11 -- nous avons une scierie à Hearst, une usine de pâte et papier et une scierie à Kapuskasing, une autre usine de pâte à papier à Smooth Rock, une scierie à Cochrane, une scierie à Kirkland Lake et une autre à Timmins. Nous occupons une grande partie du nord-ouest de l'Ontario.

Chaque année, Tembec tire de la forêt boréale 4,7 millions de mètres cubes d'épinettes, de pins et de sapins baumiers, et 0,6 million de mètres cubes de peupliers et de bouleaux gris. Pour pouvoir exploiter ce bois, nous avons assumé la responsabilité de gérer la plus grande partie des terres qui produisent les fibres. Le reste de nos fibres nous provient d'entreprises comme Domtar et Abitibi Consolidated, grâce à des échanges nous garantissant que nous obtenons le bois qui convient dans les usines appropriées.

Tembec s'efforce d'obtenir le maximum de chaque mètre cube de bois tiré de la forêt. Pour ce faire, nous avons examiné toutes les facettes de notre exploitation.

Les usines de pâte à papier de Tembec dépendent essentiellement de la fourniture de copeaux. Ces copeaux sont le sous-produit de la production de bois d'oeuvre dans nos scieries ou dans nos installations de contreplaqué. Les usines de fabrication de papier étudient par ailleurs en permanence la possibilité de fabriquer de nouvelles qualités et de trouver de nouveaux débouchés. Tembec a trouvé des marchés pour des produits qui, il y a quelques années encore, étaient jetés au rebut. Tembec possède un département chimique qui tire parti des déchets de nos usines de pâte à papier pour fabriquer de nouveaux produits. Nous produisons désormais de l'éthanol, par exemple, qui sert dans la fabrication du maquillage, des sauces à salade et d'autres produits encore. Il y a de nombreuses années, ce n'était qu'un produit mis au rebut. Nous nous efforçons de trouver des marchés pour tous les produits.

Tembec s'efforce non seulement de dynamiser son exploitation dans le secteur des pâtes et papier, mais aussi dans celui de la production de bois. Tembec a eu l'une des premières usines de fabrication de contreplaqué à base de peupliers. Tembec s'efforce aussi de mieux mettre à profit les fibres. Nous construisons en ce moment même une installation d'aboutage à LaSarre, emplacement sur lequel se trouve aussi l'une de nos scieries d'épinettes, de pins et de sapins. Cette usine tirera parti des tombées dont on ne peut pas faire des longueurs standards dans nos autres installations et les transformera en pièces de bois de huit pieds et davantage. Voilà pour ce qui est de Tembec.

Que dire maintenant des collectivités autochtones dans le secteur de l'exploitation forestière?

Tembec fait preuve de progressisme en instaurant des relations positives avec les collectivités autochtones. Au départ, Tembec était la propriété de ses employés et avait des engagements vis-à-vis des collectivités dans laquelle elle était implantée. Elle a pour principe de travailler avec toutes les Premières nations dont le territoire traditionnel chevauche celui de son exploitation forestière. Notre entreprise a pour objet de créer des liens positifs et d'apporter des avantages sociaux, culturels et économiques à long terme à la région et à sa population, aux employés et aux actionnaires. La collectivité autochtone fait partie intégrante de la région et de sa population.

Dans ce but, Tembec a engagé des autochtones qui l'aident à acquérir une connaissance traditionnelle de l'écosystème forestier et à intégrer cette connaissance à son mécanisme de planification. Voilà qui paraît excellent. Comment cela se traduit-il dans la pratique?

Un autochtone nous aide à recueillir des données sur l'habitat des caribous. Où se trouvent-ils? Que mangent-ils? Comment se déplacent-ils? Les Premières nations vivent au contact de ces animaux depuis des centaines d'années. Nous avons besoin de recueillir cette information sur les caribous.

Nous savions que le caribou des forêts était présent dans le nord-est de l'Ontario, nous en avions déjà rencontré, mais nous ignorions quelle était l'importance du troupeau. Ce n'est que récemment que nous avons découvert que ce troupeau est bien plus grand que nous le pensions. Les autochtones qui se chargent de nous aider vont parler aux anciens de la tribu, recueillent l'information, la résument et nous en font part.

Lors d'une étape suivante, les autochtones oeuvreront de concert avec nos scientifiques et nos responsables de la planification forestière à l'intégration des connaissances scientifiques et des connaissances historiques traditionnelles. Nous pourrons ainsi intégrer ces nouvelles données à notre planification pour l'avenir. Nous n'avons pas le temps d'arrêter notre exploitation pour étudier un animal pendant des années, pour savoir ce qu'il fait, ce qu'il mange et où il va. Nous avons besoin d'intégrer un maximum de connaissances de ce type.

Dans un deuxième cas, un autochtone est chargé d'intégrer la connaissance traditionnelle du piégeage -- où vivent, par exemple, les animaux à fourrure -- à notre mécanisme de planification forestière. Quelles sont les incidences des coupes à blanc sur le piégeage, sur les animaux à fourrure qui font vivre les trappeurs?

Les deux autochtones dont je viens de vous parler sont donc chargés d'oeuvrer en compagnie de notre groupe de planification ainsi que d'autres groupes scientifiques et spécialisés dans la recherche.

Tembec a passé divers accords avec les collectivités autochtones des quatre provinces. Ces accords ont une très large portée. Au Manitoba, nous nous sommes lancés dans une entente détaillée de gestion à long terme avec une collectivité autochtone, qui prévoit la gestion d'une nouvelle partie du territoire faisant en sorte que la collectivité autochtone exploite une scierie qui nous fournira des copeaux. Dans d'autres secteurs, les accords prévoient la mise en place de contrats à court terme d'exploitation du bois, de plantation des arbres ou d'entretien divers des forêts.

La société Tembec s'est efforcée d'être créatrice et dynamique dans différents domaines, afin d'élaborer des relations personnalisées avec chacune des collectivités. Il faut y consacrer beaucoup de temps et d'énergies, mais les résultats peuvent être très prometteurs et très gratifiants.

Quelles sont les difficultés auxquelles nous nous heurtons lorsque nous cherchons à instaurer ces relations? Tembec se retrouve souvent prise entre les deux paliers de gouvernement et les collectivités autochtones, qui se disputent pour savoir qui est le véritable propriétaire des ressources. «C'est à moi ou à toi?», Tembec veut rester à l'écart de ce débat. Lorsque nous cherchons à développer la valeur économique d'une ressource, nous nous retrouvons souvent pris dans le débat qui consiste à savoir qui possède la ressource, avec qui il faut traiter et qui est habilité à nous accorder le droit d'exploiter le bois. Il est très difficile de développer des relations de cette manière.

Lorsqu'on cherche à développer la valeur économique d'une ressource, la politique intervient souvent, et à de nombreux niveaux. De quel territoire traditionnel s'agit-il? Qui doit intervenir dans le développement de la valeur économique liée à l'exploitation de cette ressource, la bande A ou la bande B? Est-ce que cela doit se passer entre la bande et le gouvernement? S'agit-il d'une décision interne de la bande? Est-ce que cela va se passer entre le chef et le groupement de développement économique? Voilà le genre de questions qu'il nous faut régler et qui font qu'il nous est difficile de nous réunir avec un interlocuteur et d'instaurer des relations commerciales dans le cadre d'un partenariat à long terme.

Il y a aussi la difficulté à intégrer les usages traditionnels à la nécessité d'exploiter les ressources naturelles de manière à en tirer une valeur économique. C'est aussi un très gros défi pour la plupart des collectivités des Premières nations. Comme dans toute communauté, les avis divergent. Une partie de la collectivité veut que la forêt soit réservée à des usages traditionnels. Une autre partie est en faveur d'un certain développement. Nous n'avons pas les connaissances suffisantes pour intégrer tout cela. Nous avons besoin d'avoir une base d'information et de développer nos connaissances à partir de cela. Nous devons le faire, parce que les collectivités veulent maintenir jusqu'à un certain point leur mode de vie traditionnel, mais ont besoin de pouvoir tirer un certain parti économique des ressources.

Quelles sont les solutions possibles? Il faut que les représentants des deux paliers de gouvernement, de l'industrie et des collectivités autochtones s'assoient autour de la table. Si une ou plusieurs des parties prenantes sont absentes, il est peu probable que les négociations réussiront. Si toutes ne sont pas présentes, on ne peut élaborer des solutions et la politique se met au travers des décisions. Lorsque nous négocions, nous avons besoin que le gouvernement fédéral s'assoie à la table des négociations, de même que le gouvernement provincial et les collectivités autochtones.

M. Litchfield a évoqué le rôle et les responsabilités du gouvernement fédéral et des provinces en ce qui a trait à la gestion des ressources. Les différents rôles doivent être clairs aux yeux de toutes les personnes présentes à la table des négociations. Est-ce que la condition 77 entre en jeu ici, pour ce qui est de l'apport d'une valeur économique? Dans l'esprit de certaines personnes au sein du gouvernement provincial, cette fonction incombe à l'industrie. Nous avons besoin de le faire préciser. Les Premières nations ont besoin de savoir avec qui elles traitent.

Enfin, il y a les solutions possibles. Nous avons besoin d'aide en matière de formation et d'enseignement, non seulement nous, mais aussi la collectivité des Premières nations et quiconque doit représenter les provinces et le gouvernement fédéral à la table des négociations. Il faut que toutes les parties puissent comprendre les enjeux pour chacune des autres ainsi que les valeurs qu'elles apportent à la table des négociations. Nous avons chacun un système de valeurs différent. Si aucun d'entre nous ne réussit à comprendre celui des autres, nous n'arriverons jamais à une négociation positive. Pour qu'une négociation puisse faire le bonheur de tout le monde, il faut que chacune des parties comprenne exactement quels sont les besoins et les valeurs de l'autre. C'est ainsi que l'on peut en arriver à une solution commune. Il faut dispenser une formation dans chaque cas, pour que tout le monde s'en rende compte.

Le sénateur Spivak: J'aimerais tout d'abord que les trois témoins me disent si leur société est cotée à la bourse.

M. Chown: Nous sommes une société publique. Nous sommes cotés à la Bourse de Toronto et à la Bourse de New York.

Le sénateur Spivak: Pouvez-vous me donner une idée de votre capitalisation sur le marché et du montant de vos bénéfices cette année?

M. Chown: Après la fusion, nous en sommes à plus de 160 millions de dollars de bénéfices à la fin mai.

Le sénateur Spivak: C'est sur une année?

M. Chown: Non c'est au bout de neuf mois, depuis la fusion.

Le sénateur Spivak: Quelle est votre capitalisation sur le marché?

M. Chown: Combien nous avons d'actions en circulation? Je ne pourrais pas vous le dire. Ce ne serait qu'une supposition, même si je suis moi-même actionnaire.

Le sénateur Spivak: Est-ce que vos sociétés à tous deux sont cotées en bourse?

M. Groves: Oui, nous sommes cotés en bourse.

Le sénateur Spivak: Par conséquent, l'information que je vous demande est publique.

M. Groves: Oui.

Le président: Elle figure probablement sur Internet.

Le sénateur Spivak: Oui, mais nous ne sommes pas sur Internet en ce moment.

M. Groves: J'aimerais pouvoir vous fournir une réponse exacte mais, comme dans le cas de M. Chown, ce ne serait qu'une supposition. Notre exercice se terminait la semaine dernière, de sorte que nous sommes en train de calculer les chiffres.

M. Litchfield: E.B. Eddy était une société privée. Elle n'est devenue publique qu'il y a deux mois. Les bénéfices annuels d'E.B. Eddy sont de l'ordre de 85 millions de dollars. Auparavant, il n'y avait qu'une seule action possédée par M. Weston.

Le sénateur Spivak: Autrement dit, vous êtes toutes des entreprises rentables.

Monsieur Chown, combien d'hectares de forêt contrôle Abitibi?

M. Chown: Notre entreprise possède 1,3 million d'hectares à Iroquois Falls.

Le sénateur Spivak: Est-ce vous, ou quelqu'un d'autre, qui a indiqué que son entreprise allait doubler la quantité de ressources qu'elle exploite?

M. Chown: C'est M. Litchfield. Il va augmenter sa base de ressources.

Le sénateur Spivak: Ma question s'applique néanmoins à vous. Si vous disposez d'un quota annuel de coupe, quel qu'il soit, pensez-vous qu'il va augmenter, diminuer ou rester le même au cours des 10 prochaines années?

M. Chown: Je le vois augmenter sur une période de 10 ans, principalement parce que nous allons pouvoir appliquer une partie des recherches effectuées lors de la première période d'exploitation de la forêt modèle, notamment pour ce qui est de la méthode d'exploitation sélective. Nous laissons sur place les arbres de petit diamètre. Cela s'apparente à l'ancienne méthode de débardage qui se faisait avec des chevaux au Canada. Nous envisageons de faire passer notre taux de roulement de 120 ans à, disons, 80 ans, ce qui fera gonfler nos coupes annuelles autorisées.

Le président: Entendez-vous par là que vous abandonnez les coupes à blanc?

M. Chown: Oui. Tout dépend comment on définit une coupe à blanc.

Le sénateur Spivak: Vous nous dites que vous allez en retirer davantage tout au long du cycle.

M. Chown: Nous allons réduire le cycle en laissant davantage d'arbres sur pied.

Le sénateur Spivak: Vous allez atteindre le double.

M. Chown: C'est la façon dont nous procédons dans la forêt boréale.

Le sénateur Spivak: Les gens d'E.B. Eddy vont doubler la production, c'est bien ça?

M. Litchfield: Je ne me souviens pas d'avoir dit que nous allions la doubler.

Le sénateur Spivak: C'est ce que je pense avoir vu dans ce graphique. Il semble que ça va presque doubler.

M. Litchfield: Lorsque les plantations et les investissements que fait aujourd'hui l'entreprise seront réalisés, il en sera effectivement ainsi. À l'heure actuelle, Domtar investit 24 millions de dollars par an pour assurer la croissance de la forêt à l'avenir. Nous n'enregistrerons une amélioration du rendement de ces forêts qu'en 2020, 2030 ou 2040, lorsque tous ces arbres auront atteint une taille suffisante pour être commercialisés.

Le sénateur Spivak: Il m'est difficile de comprendre, étant donné la nouvelle législation et le besoin d'assurer un développement durable, comment il vous est possible d'augmenter vos rendements tout en conciliant par la même occasion les autres besoins et usages de la forêt. Nous n'avons pas encore répertorié toutes les espèces qui se trouvent dans la forêt.

Nous avons pu voir ce matin combien il était difficile de gérer au niveau microéconomique toutes ces choses, de savoir où sont par exemple les nids d'aigle. J'ai un peu de mal à comprendre.

Vous avez tous des entreprises rentables, et pourtant vous voulez tous que le gouvernement en fasse encore un peu plus pour vous, que ce soit au niveau de l'amortissement ou autre. J'ai un peu de mal à le comprendre étant donné que vous utilisez les terres de la Couronne. Vous avez peut-être l'impression que les droits de coupe sont excessifs. Pouvez-vous me l'expliquer?

M. Litchfield: Je vais vous répondre en quelques mots. Oui, nous gagnons de l'argent mais, comme vous le voyez, il y a des investisseurs qui apportent 1 milliard de dollars. Quel doit être le rendement raisonnable d'un tel investissement? Combien de Canadiens investissent dans les forêts canadiennes à l'heure actuelle? Ils ne sont pas nombreux, parce que le rendement de nos capitaux investis dans nos usines pour assurer notre production n'en vaut pas la peine. Ils peuvent obtenir un meilleur rendement en investissant leur argent dans d'autres secteurs.

Le sénateur Spivak: Cette question m'intéresse en fait parce qu'on m'a déjà fait cette analyse. J'ai entendu dire que la rentabilité n'était pas très grande.

Le président: D'ailleurs, je pense que Conrad Black juge qu'il est plus rentable de se lancer dans la production de journaux -- ce qui va probablement dans votre sens.

Le sénateur Spivak: Est-ce que l'un d'entre vous veut ajouter quelque chose au sujet de la rentabilité?

M. Groves: J'ajouterai simplement deux mots. Si vous consultez notre rapport annuel, vous verrez que Tembec n'est pas une entreprise des plus rentables. Nous n'avons d'ailleurs pas fait de bénéfices ces dernières années et la plupart de nos actionnaires sont insatisfaits du rendement de nos investissements. Lors de la dernière assemblée des actionnaires, le débat a surtout porté sur le manque de rendement. Je ne pense pas que notre entreprise cherche systématiquement à ce qu'on lui fasse l'aumône. Nous nous occupons des ressources de la Couronne. Nous avons le sentiment de gérer les ressources de la Couronne au profit des véritables propriétaires des terres, qui en retirent beaucoup d'avantages, et nous payons largement ce privilège. Nous voulons que les différents propriétaires des terres nous aident à gérer ces ressources.

Le sénateur Spivak: C'est un argument valable.

Monsieur Litchfield, vous nous avez dit que la forêt était une ressource provinciale, mais que certaines lois fédérales s'appliquaient -- ainsi par exemple pour les oiseaux migrateurs -- ce qui pourrait entraîner un manque d'efficacité. Le pensez-vous sérieusement? Vous comprenez certainement à quel point une législation sur les oiseaux migrateurs, les poissons et les espèces en voie de disparition revêt une importance fondamentale pour la protection de ces différentes espèces.

M. Litchfield: Vous vous rendez bien compte que le chevauchement entre les compétences provinciales et les compétences fédérales est source de confusion.

Le sénateur Spivak: On vient juste de signer un accord d'harmonisation. De plus, la plupart des études dont j'ai pris connaissance ne font pas vraiment état d'un manque d'efficacité, mais d'un manque de contrôle et d'application.

M. Litchfield: Il ne s'agit pas du contrôle et de l'application mais de la responsabilité de la législation concernant les oiseaux, la faune, les espèces en voie de disparition. Où commence la compétence fédérale et où se termine celle des provinces? Nous aimerions savoir avec quel palier de gouvernement nous traitons. Nous avons ici certaines difficultés.

Le sénateur Mahovlich: Est-ce que les recherches des autres entreprises se poursuivent, ou est-ce que tout a été fait?

M. Litchfield: Il y a divers niveaux de recherche. Nous avons une recherche sur les marchés ainsi qu'une recherche sur les produits, qui porte sur les nouvelles machines de fabrication de pâte, les nouveaux papiers, les nouveaux types de bois et autres choses de ce genre. Nous faisons aussi une recherche sur les produits et l'industrie.

Le sénateur Mahovlich: Je parlais de la recherche en matière d'environnement.

M. Litchfield: En ce qui a trait à l'environnement, nous faisons de la recherche pure concernant les produits chimiques, les normes environnementales et les normes de contamination. Nous faisons aussi de la recherche en gestion forestière. Nous collaborons par exemple avec Abitibi à la mise au point d'indicateurs correspondant aux critères retenus. Ainsi, quelles sont les exigences en matière d'habitat de la salamandre à dos bleu? Quel en est le nombre? Nous allons poser à nos frais des récepteurs télémétriques.

Le sénateur Mahovlich: Le gouvernement ne vous aide pas du tout dans cette tâche?

M. Litchfield: Dans certains cas, oui. Dans d'autres, cependant, tout est à nos frais.

M. Chown: Les indicateurs déterminant les critères retenus en matière de gestion forestière sont un élément du programme des forêts modèles, et ce travail bénéficie donc de l'aide du gouvernement.

Le sénateur Mahovlich: Il y a donc une certaine aide.

M. Chown: Oui.

Le sénateur Mahovlich: Vous ne faites pas de coupes à blanc. Vous laissez les arbres comme les cerisiers, ceux dont vous ne vous servez pas, qui pourrissent et les produits chimiques restent dans le sol pour assurer la pousse d'arbres qui vous intéressent, tels que l'épinette. Si vous vous débarrassez de tous ces autres arbres, est-ce que le sol va rester sain pendant 100 ans?

M. Litchfield: Nous ne nous débarrassons pas de tous les autres arbres. Nous avons un programme, par exemple, qui s'adresse aux oiseaux. Il convient de laisser deux arbres par hectare pour les oiseaux.

La martre des pins est une petite belette qui vit dans la forêt. Elle mange des campagnols. Si nous laissons au sol une certaine quantité de débris, nous créerons ainsi un habitat pour les souris. Nous voulons qu'une partie de ces matériaux soient laissés en place.

Ce territoire se trouve à la frontière entre la forêt boréale et la forêt des Grands Lacs. Comme on vous l'a dit, nous assurons aujourd'hui une certaine protection de la forêt en procédant à un reboisement précoce ou à des coupes sélectives. Nous pratiquons aussi des coupes protégées en ne prélevant qu'une partie des arbres. Pour certains bois durs, tels que les érables, il n'y a pas de coupe à blanc. On pratique la sélection individuelle des arbres. Les décisions prises en matière de coupe, les pratiques sylvicoles, varient en fonction de certaines considérations écologiques. Si l'on pratiquait une coupe sélective des pins gris, les arbres ne repousseraient pas. Il leur faut la lumière du soleil et il convient donc de dégager le terrain jusqu'à un certain point.

Le président: Dans vos prévisions, avez-vous tenu compte d'une façon quelconque du réchauffement de la terre?

M. Litchfield: Non, c'est une chose que nous n'avons pas faite. C'est pourquoi j'ai dit que le service des forêts du gouvernement fédéral devait à mon avis jouer un rôle de chef de file en matière de changements climatiques. Nous avons évalué par le passé les changements de la composition du sol et nous continuons à le faire. Nous recensons les caractéristiques écologiques des sites s'appliquant aux éléments nutritifs et au degré d'humidité des sols de façon à ce que lorsqu'on constate un changement du degré d'humidité on a la possibilité de prévoir ce que cela entraîne.

Ainsi, lorsqu'en ma qualité d'exploitant forestier professionnel je dois prendre aujourd'hui des décisions en déterminant ce que sera la forêt dans 50 ou 80 ans, j'ai quelques difficultés. Quels sont les arbres que je vais planter? Qu'est-ce que je vais faire pousser? Vais-je faire pousser les mêmes arbres qu'à l'heure actuelle? Si un réchauffement de la terre se produit, il se peut que le climat soit trop chaud pour eux. Vous remarquerez qu'il n'y a pas d'érables ici dans le magnifique centre-ville de Timmins. La forêt ne rougeoie pas en automne. Nous avons des couleurs jaunes, celles des bouleaux et des peupliers. Ce sont là les essences d'arbres qui poussent ici. Nous n'avons pas un climat adapté aux érables. Si la terre se réchauffe au cours des 50 ou 100 ans à venir, il est possible que les érables poussent ici.

À Sarnia, il y a des noyers noirs et des noyers blancs d'Amérique. J'ai entendu dire qu'avec le réchauffement de la terre, ces essences d'arbres vont pousser ici. En tant qu'exploitant forestier, si je sais que dans 80 ou 100 ans la terre va être plus chaude, je ne vais pas planter ici des érables et des noyers noirs parce que dès le premier hiver ils vont mourir.

Le président: Ce n'est pas pris en compte à l'heure actuelle.

M. Litchfield: Ce n'est pas pris en compte. Nous nous fondons sur nos connaissances actuelles de l'infrastructure et du site. Nous procédons à des ajustements tous les cinq ans, de sorte que lorsque apparaît une nouvelle découverte scientifique, lorsque le climat de la terre change, nous avons la possibilité de revoir le projet et de réanalyser sa durabilité.

Le sénateur Whelan: Je suis stupéfait de voir que vous n'êtes pas en mesure de me dire combien d'argent vous gagnez ou vous perdez. Vous me rappelez tout un groupe de banquiers.

M. Litchfield: Nous sommes un groupe d'exploitants forestiers et nous pouvons vous dire combien d'arbres nous avons et où ils se trouvent.

Le sénateur Whelan: En tant qu'ancien agriculteur, je peux vous dire combien de boisseaux de blé je peux faire pousser et combien cela vaut. Un agriculteur du Québec pourra vous dire combien il a de porcs, quelle en est la valeur et quelle sera la perte encourue.

J'ai été le secrétaire parlementaire de Jack Davis, le ministre des Pêches et des Forêts, pendant deux ans et demi. J'ai trouvé le secteur des forêts très intéressant, notamment la recherche qui se faisait à l'époque. Je suis un très grand partisan de la recherche et de l'enseignement, même si je n'ai pas beaucoup fréquenté l'école.

Je me souviens d'avoir écrit à toutes les entreprises forestières pour leur demander de reprendre une école qui avait été abandonnée à New Liskeard. Je n'ai pas obtenu une seule réponse. J'avais été engagé pour essayer de trouver une quelconque institution susceptible de se servir de cette école. J'ai pensé que ce serait le lieu tout trouvé pour dispenser un enseignement en matière forestière. Je pense que vous faites actuellement de la recherche en agriculture dans une école française de cette région.

En dépit de ma carrière législative, je trouve que la législation fédérale en ce qui a trait aux forêts et à l'agriculture est très confuse. Auparavant, quand je traitais avec les 10 provinces et le gouvernement fédéral, les compétences étaient partagées 50/50. Lorsque j'avais affaire à notre immense voisin des États-Unis, un seul secrétaire à l'agriculture, qui représentait 265 millions de personnes, jouissait d'une compétence exclusive en matière d'agriculture et de forêt.

Nous parlons constamment chez nous de conférer davantage de compétences aux provinces. Pouvons-nous vraiment penser que 10 secrétaires provinciaux seront en mesure de traiter avec les États-Unis d'Amérique, notre principal partenaire commercial, le plus gros consommateur de vos produits?

M. Litchfield: Je pense que c'est là qu'est la confusion entre le rôle des provinces et celui du gouvernement fédéral.

Les gouvernements s'efforcent de confier aux provinces la responsabilité en matière forestière lorsqu'elles traitent avec l'industrie, mais le gouvernement fédéral a un rôle bien précis à jouer en matière de commerce international. Il faut que le gouvernement fédéral collabore avec les provinces pour s'assurer que nos intérêts sont bien défendus.

Le sénateur Whelan: J'ai une question à poser aux représentants de Tembec. J'ai visité à plusieurs reprises votre usine du Témiscamingue. Vous avez exporté en Russie. Avez-vous été payés?

M. Groves: C'était quand?

Le sénateur Whelan: Il y a plusieurs années. Nous avons essayé de négocier une entente, mais nous n'y sommes jamais parvenus.

Le sénateur Mahovlich: Voilà pourquoi ils ne savent pas combien ils gagnent.

M. Chown: C'est un compte à recevoir.

Le sénateur Mahovlich: En souffrance depuis longtemps.

Le sénateur Whelan: Fabriquez-vous de l'éthanol à partir du bois?

M. Groves: Oui.

Le sénateur Whelan: Est-ce que ce bois vient de l'Ontario et du Québec?

M. Groves: L'usine du Témiscamingue reçoit des fibres des deux provinces.

Le sénateur Whelan: Si le Québec se sépare, une grosse part de votre marché va alors se déplacer vers ma région, celle de H.J. Heinz company.

M. Groves: C'est exact.

Le sénateur Whelan: Nous parlons actuellement des frontières provinciales invisibles, mais il y a des normes et des règlements différents qui s'appliquent à l'exploitation forestière. Même les règles en matière d'environnement sont différentes d'une province à l'autre. Pensez-vous que la situation s'améliorerait s'il y avait une compétence unique?

M. Groves: Au point où nous en somme, il serait très difficile de revenir à une pratique commune étant donné l'évolution distincte des deux provinces ou les multiples façons dont elles ont évolué séparément. Il faudrait accepter certaines normes pour mettre en commun un minimum dans le cadre de la réglementation. La pagaille serait complète pour tout le reste en raison de la diversité actuelle.

Dans la plupart des cas, les règles ont évolué pour de bonnes raisons. Une entreprise comme la nôtre est «assise entre deux chaises», si je peux m'exprimer ainsi. Nous exploitons dans un comté, puis nous déménageons dans un autre, où nous trouvons un ensemble de règles distinctes, tout aussi difficile à comprendre. Si nous décidions aujourd'hui de nous convertir à un seul type de règles, à court terme, je nous vois mal essayer de gérer la forêt alors que vous entreprenez de changer l'ensemble des normes et des règlements. Les coûts qui en résulteraient seraient inimaginables.

Le sénateur Whelan: Voulez-vous dire par là que vous ne voudriez pas avoir à vous adresser au même type de responsable que votre principal partenaire commercial et que votre principal client dans le cadre de son exploitation?

M. Groves: Ce serait agréable d'avoir un peu plus d'uniformité et un seul responsable parlant au nom de toute l'industrie, mais l'établissement des normes et des règlements s'appliquant à la façon dont les choses se passent sur le terrain doit tenir compte des différentes situations.

Le sénateur Whelan: Pendant 11 ans, j'ai traité avec 10 ministres provinciaux et des administrations dirigées par quatre partis politiques différents. Ensemble, nous avons mis au point de nombreuses ententes. Les producteurs, les provinces et le gouvernement fédéral ont mis sur pied une industrie agricole qui est probablement l'une des meilleures au monde, dans des conditions climatiques particulièrement difficiles. Nous faisons pousser sur notre sol 55 p. 100 de nos produits plus au nord que tout autre pays au monde. Nous faisons aussi beaucoup de recherches, notamment celle qui consiste à faire pousser des récoltes dans la ceinture des terres argileuses.

Même dans l'ouest du Canada, on produit des arbres qui poussent dans les conditions les plus difficiles au monde. L'une des meilleures stations de recherche pour ce qui est des arbres ou de l'exploitation forestière se trouve à Indian Head, en Saskatchewan, et s'occupe du reboisement des fermes des Prairies. On parle de la fermer. Chaque année, elle donne des millions d'arbres devant servir d'écran contre le vent et permettre d'enrayer l'érosion des sols.

Que pensez-vous du fait que l'Ontario cesse de donner des arbres?

M. Groves: En ce moment, là où nous sommes et là où nous assurons notre exploitation, le programme de la Couronne qui consiste à donner des arbres n'a aucun effet sur nous, en bien ou en mal.

M. Litchfield: Je pense que le programme des pépinières a été un grand succès en Ontario. Au lieu de faire pousser lui-même les arbres, le gouvernement a confié cette charge au secteur privé. Notre entreprise passe directement des contrats commerciaux avec de petits entrepreneurs. Ce qui se passe ici à Timmins en est un des meilleurs exemples. Millson Nurseries s'est dotée de ses propres installations de culture des arbres dans des caissons. Nous avons actuellement des contrats de travail à long terme avec elle. Elle a engagé du personnel. Elle fait pousser les arbres et elle le fait très bien. C'est notre partenaire. Elle nous fournit la matière première et comme nous elle en retire un profit financier. Les arbres sont verts et en parfaite santé. Nous n'avons pas besoin que le gouvernement intervienne dans ce domaine précis. Nous avons pu instaurer dans ce domaine une relation commerciale. Nous savons ce que nous avons à faire et notre partenaire sait ce qu'il a à faire.

Nous avons besoin de la participation du gouvernement dans le domaine de la recherche et pour assurer une certaine coordination de la recherche à long terme qui va au-delà du mandat direct et à court terme d'une entreprise.

M. Chown: Nous avons fait la même expérience. Nous faisons désormais affaire principalement avec un pépiniériste, un homme d'affaires, qui a entrepris de faire des recherches considérables ces dernières années. Ses recherches sont axées sur l'apport de produits nutritifs dans le système radiculaire de l'épinette noire pour qu'elle pousse mieux dans un délai plus court et pour qu'elle ait davantage de chances de survivre sur le terrain une fois plantée. Nous constatons que les résultats sont bien supérieurs à ce qu'ils étaient par le passé.

Le sénateur Whelan: Je ne suis peut-être pas sur la même longueur d'onde que vous. Ce qui me préoccupe, c'est le fait que l'on néglige les arbres, qu'ils fassent partie ou non de la forêt boréale, en cas d'érosion par l'eau ou par le vent. Ce n'est pas nécessairement la faute du propriétaire des terrains. Je pense que le gouvernement a une responsabilité, qu'il fasse pousser les arbres lui-même ou qu'il les distribue d'une façon ou d'une autre. Je suis un ferme partisan d'un reboisement massif, non seulement ici dans le Nord, mais aussi dans d'autres régions de l'Ontario.

Le sénateur Stratton: Excusez-moi, monsieur Naysmith, si j'interprète mal vos paroles.

Je pense que vous nous avez dit qu'il y aura un hiatus pendant 15 ou 20 ans, si j'ai bien compris. Que comptez-vous faire dans votre domaine?

M. Litchfield: Ce hiatus varie selon les essences, les gammes de produits et les situations géographiques. Il n'y a pas de solution universelle parce que nous avons affaire à différents produits et à différents sujets de préoccupation. Voici le meilleur exemple que je puis vous donner. Pour ce qui est de la pâte de bois dur, nous faisons des coupes sélectives. Il n'y a pas de diminution. Il y a en fait une augmentation des quantités de fibres disponibles à mesure que le temps passe. Certaines personnes entrevoient une diminution pour les pins blancs et rouges. En réalité, les pins blancs et rouges enregistrent une augmentation, mais c'est pour les arbres de petite taille.

Le sénateur Stratton: C'est pour les arbres plus jeunes?

M. Litchfield: Oui. Il y a moins de bois franc et de bois de placage. Dans ce cas, la situation du bois franc et du bois de placage pourra changer. Notre réponse est éventuellement de reconfigurer les installations afin de pouvoir exploiter les arbres de plus petite taille.

En ce qui a trait aux épinettes, aux pins et aux sapins que nous utilisons ici dans cette ville à l'usine McChesney, on prévoit que l'approvisionnement en bois va diminuer en raison de la répartition naturelle des classes d'âge. Tout simplement, les arbres vieillissent et meurent avant que les plus jeunes puissent véritablement prendre leur place. Que faire? Nous cherchons à mettre en place un programme d'éclaircissage précommercial afin d'espacer les arbres et faire en sorte que ceux qui restent aient davantage de place pour pousser. C'est en association avec les opérations d'éclaircissage commerciales. Nous effectuons des prélèvements dans les bouquets d'arbres les plus jeunes afin d'obtenir du bois à pâte et de laisser suffisamment de place aux arbres restants pour qu'ils puissent pousser un peu plus vite.

Par conséquent, pour éviter ce hiatus, nous investissons dans des opérations d'éclaircissage commerciales afin que ces arbres puissent atteindre plus rapidement une taille commerciale exploitable. Voilà quelques exemples de ce qui se fait actuellement à Timmins et à Chapleau.

Dans notre plan de gestion, nous prévoyons des augmentations des opérations d'éclaircissage commerciales pour éviter cette solution de continuité. L'opération est légèrement plus onéreuse et les arbres sont un peu plus petits. Nous travaillons avec nos responsables de la fabrication afin de savoir dans quelle mesure cela aura des incidences sur l'usine, et avec nos responsables de la commercialisation pour savoir si nous pourrons vendre le produit. Nous nous demandons: Est-ce qu'il aura la même résistance? Nous produisons du bois dont la résistance est étalonnée à la machine. Doit-on trouver de nouveaux débouchés? Nous sommes donc placés devant différents types de changements au niveau de la commercialisation, de la fabrication et de l'exploitation forestière.

M. Chown: Un certain nombre de progrès techniques ont caractérisé les coupes forestières et la transformation des produits du bois dans notre usine d'Iroquois Falls. Nous tirons parti d'une part plus substantielle de l'arbre dans notre exploitation et nous en laissons une moins grande partie dans la forêt en raison des améliorations apportées à nos procédés.

Nous envisageons d'ajouter d'autres essences à notre gamme de produits. Ainsi, nous envisageons d'ajouter 10 p. 100 de peuplier faux-tremble à notre gamme pour ne pas dépendre entièrement de l'épinette noire dans notre production de papier journal. Nous avons un matériel différent mieux en mesure de s'adapter au sol très mou de la forêt boréale sans l'endommager pendant la saison de coupe. Nous sommes dotés d'un matériel à haute élasticité, qui nous permet d'exploiter une plus grande partie de la forêt que par le passé. La plupart des usines se sont converties à un procédé de fabrication de la pâte qui exige l'apport de copeaux. Cela se traduit par une gamme plus équilibrée de tailles, de diamètres et d'essences d'arbres traités dans l'usine, de même que par l'utilisation des résidus ou des copeaux provenant des scieries. Il y a là aussi une rentabilisation de la production forestière.

Les différents types de semences que nous faisons pousser ont subi de nombreux changements. La plupart d'entre nous ont vu dans des fermes pilotes des semences d'arbres améliorées qui poussent plus vite et survivent mieux. Ce sont là différentes réalisations qui sont susceptibles de contribuer à remédier au hiatus dont a parlé M. Naysmith et dont nous reconnaissons tous l'éventualité.

Le sénateur Stratton: Je crois savoir que la technologie s'est développée au point que les poutres à treillis remplacent désormais les solives courantes. Elles viennent remplacer les deux par douze ou les deux par dix.

M. Groves: Nous avons deux installations et vous verrez dans la brochure des exemples de ce que nous produisons. Il y a ce qu'on appelle le «bois de placage lamellé». Nous avons commencé par une usine de contreplaqué fabriquant des sous-planchers en peuplier devant être recouverts de linoléum. Nous avons transformé l'installation en usine de fabrication de bois de placage lamellé. C'est le même procédé de fabrication par couches, mais l'on peut les superposer et fabriquer ensuite des deux par quatre, des deux par huit, des deux par douze. La longueur est limitée par celle de la presse. Notre presse fait plus de 50 pieds de longueur, de sorte que nous pouvons produire de longues pièces. En outre, lorsqu'on utilise des planches à grain orienté, que nous produisons par ailleurs, il est possible de fabriquer des poutrelles en bois.

Dans notre propre entreprise, nous envisageons la possibilité d'avoir du bois dont la résistance est physiquement testée par une machine. Les ingénieurs ont la garantie que le bois a une résistance donnée, comme c'est le cas pour les poutrelles métalliques. Voilà les possibilités que nous étudions, sachant que nous n'aurons plus autant de billots disponibles. Toutes nos scieries se sont fixé pour objectif de produire la même quantité de bois avec une quantité de billots moindre.

Pour vous donner une idée des possibilités, il n'y a pas si longtemps, il nous fallait cinq mètres cubes et demi de bois pour produire 1 000 pieds de longueur, que ce soit des deux par quatre, des deux par trois, ou autres. Aujourd'hui, la plupart des scieries ont ramené cette quantité à cinq mètres cubes. La plupart d'entre elles se sont fixé un objectif de l'ordre de quatre mètres cubes et demi dans les deux ans qui viennent dans notre région. Nous employons un mètre cube de moins pour fabriquer 1 000 pieds de longueur et nous avons donc une production qui est la même, et qui est peut-être même supérieure, avec une quantité moindre ou égale de billots entrant dans la production. Voilà quelques-uns des moyens que nous employons pour nous adapter.

Dans certaines de nos installations, nous utilisions à un moment donné les copeaux des raboteuses pour le chauffage. La plupart du temps, nous essayons désormais de recycler ces fibres dans une usine de pâte à papier ou dans une autre installation de fabrication d'aggloméré. Nous chauffons au gaz naturel. Nous étudions tous les moyens de mettre à profit la moindre parcelle du matériau entre le moment où la scie attaque l'arbre et celui où le produit fini sort de nos usines.

Le sénateur Stratton: En prenant ces mesures, avez-vous l'impression que vous réussirez à éliminer ce hiatus, en tout ou en partie? Est-ce que ça va continuer à poser un problème, malgré tout ce que vous venez d'évoquer?

M. Litchfield: Ce sera un gros défi à relever, mais c'est possible. Il nous faudra recourir à tous les progrès de la science et aux meilleures méthodes de sylviculture. Si M. Naysmith en a parlé, c'est éventuellement parce que nous avons besoin de concevoir de nouvelles techniques. N'oublions pas non plus d'où viennent les investissements -- quelle sera la quantité en provenance des fonds de reboisement auxquels cotisent les entreprises et quelle sera la part provenant du fonds de réserve forestier. Ce sont là les questions qu'il vous faut envisager. Ce n'est pas une opération bon marché. Est-elle possible d'un point de vue biologique? Oui, nous le croyons. Nous estimons que l'on peut raisonnablement attendre des résultats.

Le sénateur Stratton: Merci, messieurs.

Le président: J'aimerais évoquer une question dont je ne vous ai pas entendu parler alors que vous faites tous les trois de la commercialisation. Dans l'Ouest, les gens se plaignent souvent des quotas et des droits à l'importation imposés par les États-Unis. On entend aussi des plaintes au sujet de la part du marché des États-Unis telle qu'elle est répartie entre l'Ontario et l'Ouest. Avez-vous des commentaires à faire?

M. Litchfield: Est-ce qu'on sert le petit déjeuner?

Le président: N'oubliez pas que la majorité des membres de notre comité sont originaires de l'Ouest. J'aimerais savoir quel est le message que vous voulez que nous transmettions à Ralph Klein.

M. Litchfield: La situation est très grave. L'ouest du Canada a été doublement frappé, tout d'abord par les quotas imposés par les États-Unis sur nos exportations dans ce pays. Je n'ai pas l'intention d'ouvrir le débat sur les raisons pour lesquelles la Colombie-Britannique a obtenu plus que la part qui lui revient, puisque je n'ai aucun moyen d'y remédier.

Le deuxième coup nous a été porté par la crise asiatique. Nombre de scieries de l'intérieur de la Colombie-Britannique exportaient au Japon. Ne pouvant plus exporter au Japon ni aux États-Unis, elles ont envoyé leur production par trains entiers à Toronto, à Montréal et à Halifax, villes qui constituent nos marchés traditionnels. Aujourd'hui, nous luttons contre les Weldwood et les Northwood de notre pays.

Le président: C'est du dumping en provenance de l'Ouest.

M. Litchfield: Que ce soit du dumping ou que ces scieries réorientent simplement leur production vers l'Est, le problème reste très grave. La question est la suivante: que pouvons-nous faire? Nous cherchons de nouveaux débouchés. Nous cherchons de nouveaux produits. C'est pourquoi nous nous sommes lancés dans la fabrication de bois dont la résistance est étalonnée à la machine. Je pense que la plupart des gens savent que l'on nous envoie des pièces semi-finies, l'emplacement des goujons étant pré-alésé. Notre entreprise s'intéresse aujourd'hui aux marchés spécialisés de moindre taille. Au lieu de nous diriger vers le secteur de la construction aux États-Unis, nous nous adressons aux marchés spécialisés des terrasses en bois, avec des pièces de longueur moindre. Nous faisons appel à des essences spécialisées et nous faisons le tri entre les épinettes et les pins. Nous en sommes revenus à des longueurs de 12 pieds. Cela pose des problèmes de fabrication, mais au moins nous pouvons vendre sur les marchés spécialisés de Montréal ou de Toronto.

Le président: Il semble que la plupart des terres boisées au Canada sont contrôlées par le gouvernement et que par conséquent c'est lui qui fixe les redevances des droits de coupe. Est-ce que les provinces coopèrent sur le marché du bois?

M. Groves: Je ne pense pas que les provinces coopèrent bien entre elles. À titre d'illustration, nous constatons souvent qu'entre le Québec et l'Ontario, toute initiative prise dans une province n'entraîne absolument aucune réaction positive et n'a aucun effet positif dans la province voisine.

La circulation du bois d'une province à l'autre est un enjeu important pour notre entreprise, surtout quand nous avons des installations des deux côtés de la frontière et qu'il nous est plus facile de le transporter jusqu'à une usine située dans l'autre province. Les provinces ne coopèrent pas suffisamment bien entre elles pour que la chose soit possible.

Le sénateur Whelan: Lorsque j'évoque la question du compost dans la forêt, cela me rappelle l'usage que l'on fait de l'urée pour accélérer le compostage. Cette opération accélère par ailleurs la croissance du produit. Est-ce que vous avez eu recours à ce genre de chose pour faire augmenter votre production?

On a évoqué tout à l'heure la question du réchauffement de la terre et nous sommes nombreux, je pense, à estimer que les arbres vont en conséquence pousser plus vite. Toutefois, comme vous l'avez dit, certaines espèces ne réagiront pas à l'élévation de la température.

M. Chown: Il n'y a pas de travaux qui sont réalisés concernant l'épandage sur les terres agricoles des produits solides tirés de nos usines de pâte à papier ou de notre fabrication. Le meilleur modèle est celui de l'usine Donahue dans le sud-est de l'Ontario. C'est un succès, mais j'imagine que certains participants ont éprouvé des difficultés.

Le sénateur Whelan: Vous voulez dire que Domtar le fait.

M. Chown: Nous le faisons un peu ici. Certaines études ont été faites sur la côte Ouest en ce qui a trait aux plantations forestières, aux plantations d'arbres. La principale difficulté que nous rencontrons dans notre région est celle des moyens d'accès. Nous n'avons pas les réseaux routiers nécessaires dans la forêt boréale. Le sous-sol est constitué principalement d'une couche d'argile d'une faible profondeur, allant jusqu'à sept pieds. Il en coûte ainsi 85 000 $ le kilomètre pour construire une route forestière dans un tel terrain. Cela limite l'utilisation du produit et nous empêche de faire de gros travaux dans cette zone.

Le sénateur Whelan: Pendant une partie des 28 ans qui viennent de s'écouler, j'ai habité sur une petite île de Red Cedar Lake, le long de la route 64 à l'endroit où elle rejoint la route 11, à Marten River. Monsieur le président, on parle de dépolluer l'environnement. Jusqu'à aujourd'hui, je n'avais jamais vu autant de grenouilles de différentes tailles sur cette île. On nous dit que c'est le signe que les conditions environnementales s'améliorent véritablement. Est-ce que vous vérifiez ce qui se passe dans les marais de nos forêts?

M. Litchfield: Oui, effectivement. Nous surveillons notamment les salamandres, qui nous servent d'indicateurs. On ne peut pas s'occuper de toutes les espèces. Nous avons oeuvré avec les biologistes à la mise au point d'indicateurs censés représenter les différents types de microhabitats.

Le sénateur Whelan: Dans notre pays, nous nous servons de l'indicateur de l'offre et de la demande pour contrôler les produits très périssables: le lait, les oeufs, les poulets, les dindes. Ça marche très bien. Un producteur efficace est payé en contrepartie de ce qu'il produit, mais il faut que ce soit un produit de grande qualité.

Je ne suis pas de ceux qui pensent que nous devons imposer toutes sortes de règlements dans chacun des secteurs de notre société, mais je suis préoccupé lorsque je vois que les agissements d'un secteur ou d'un groupe donné en détruisent d'autres, ou détruisent notre productivité. Ce sont des facteurs que nous devons prendre en compte. Les grosses entreprises s'engagent sur la voie de la mondialisation. Pour moi, c'est plutôt du phagocytage. Elles éliminent leurs concurrents en les rachetant. Est-ce cela que font E.B. Eddy, Abitibi ou Tembec? Cherchez-vous à contrôler l'offre d'une autre façon?

M. Litchfield: Nous cherchons à mieux concentrer nos forces. Nous ne voulons pas faire tout et n'importe quoi. Ainsi, notre entreprise fabrique des planches à grain orienté. Nous ne faisons pas de l'aggloméré. Nous ne fabriquons pas de planches à fibres de densité intermédiaire. Nous essayons de faire de notre mieux dans certaines gammes de produits et pour certaines essences. Nous mettons au point des papiers spécialisés de grande qualité. Nous ne faisons pas du papier courant. Nous nous connaissons et nous savons où nous allons.

Avons-nous grossi? Oui, en effet. C'est en partie dû aux synergies et à une plus grande rentabilité de notre exploitation. Il y a des synergies et des débouchés au sein de notre marché. Notre but n'est pas de devenir le numéro un dans le monde. Voulons-nous devenir un producteur efficace et rentable dans une excellente gamme de spécialités et de produits forestiers? Oui, effectivement.

Vous allez peut-être voir certains opérateurs échouer parce que l'industrie forestière impose aujourd'hui des coûts supplémentaires, et certaines petites exploitations familiales ne peuvent plus, par exemple, se permettre aujourd'hui de respecter les conditions des tableaux détaillés que je vous ai exposés et qui prévoient quel sera l'habitat de la faune dans 150 ans. Les petites scieries familiales qui doivent aujourd'hui assumer ces responsabilités n'ont pas l'infrastructure, les outils de conception informatique et tous les équipements nécessaires. Certaines de ces entreprises doivent abandonner la partie.

Le président: Je remercie les témoins d'être venus. Je suis particulièrement impressionné par la façon dont vous maîtrisez votre sujet. Nous avons par ailleurs apprécié cette sortie à la campagne. Nous avons passé une excellente journée.

Le comité lève la séance.


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