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Table des matières

CHAPITRE 4

LE CANADA ET L’ASIE-PACIFIQUE

A. Les liens commerciaux entre le Canada et l’Asie-Pacifique avant la crise
1. Les liens commerciaux Canada-Asie-Pacifique
2. Les liens d’investissements entre le Canada et l’Asie-Pacifique
3. Les liens d’immigration entre le Canada et l’Asie-Pacifique
4. Le Japon et la Chine, des pays clés pour le Canada
B. L’impact économique de la crise sur le Canada
1. Les effets commerciaux directs
2. Les effets sur les prix des marchandises
3. Effets indirects américains
4. L’impact sur le dollar canadien
5. Les conséquences régionales
6. Le tourisme
7. Les prêts asiatiques des banques canadiennes
C. Promouvoir le commerce et l’investissement en Asie-Pacifique : nécessité ou cause perdue?


LE CANADA ET L’ASIE-PACIFIQUE

A. Les liens commerciaux entre le Canada et l’Asie-Pacifique avant la crise

 

1. Les liens commerciaux Canada-Asie-Pacifique

Avant 1997, on parlait souvent du Canada comme d’un pays du Pacifique; pourtant, les modèles de commerce présentés aux figures 2 et 3 démontrent qu’au fil des ans, il est devenu de plus en plus un pays nord-américain. Les exportations de marchandises canadiennes aux États-Unis ont doublé de 1998 à 1996, totalisant 210,1 milliards de dollars US en 1996. Ainsi, la proportion des exportations de marchandises canadiennes destinées aux États-Unis est passée de 73 p. 100 du commerce total en 1988 à 81 p. 100 en 1996. Bien que la valeur absolue des exportations vers le bassin du Pacifique(54) ait augmenté dans les années précédant la crise, la part des exportations canadiennes destinées à cette région en croissance rapide est passée de 13 p. 100 de toutes les exportations de marchandises en 1988 à 9 p. 100 en 1996(55).

Graphique 2

Graphique 3

Source: Statistique Canada

 

Le tableau 3 montre les niveaux des exportations de marchandises canadiennes vers des marchés sélectionnés de l’APEC. Pendant presque 25 ans, le Japon a été le deuxième plus important partenaire commercial du Canada. En fait, la valeur des exportations du Canada au Japon en 1996 était supérieure à la valeur combinée des exportations du Canada vers ses sept plus importants partenaires commerciaux suivants dans la région et représentait presque la moitié de toutes nos exportations en Asie. De plus, M. Klaus Pringsheim (président, Conseil commercial Canada-Japon) a dit au Comité que les exportations du Canada au Japon ont dépassé les exportations combinées de notre pays au Royaume-Uni, en Allemagne, en France et en Italie.

 

Tableau 3
Exportations de marchandises canadiennes vers des économies sélectionnées de l’APEC
(en millions de dollars canadiens)

 

1996

Japon

10 377

Chine

2 707

Corée du Sud

2 676

Taiwan

1 362

Hong Kong

1 109

Indonésie

826

Thaïlande

503

Malaisie

500

Singapour

529

Philippines

258

Source: Statistique Canada, Le commerce international de marchandises canadiennes

 

Du côté des importations, le commerce canadien avec le bassin du Pacifique (Asie de l’Est et Océanie), particulièrement avec des pays autres que le Japon, augmente. Pourtant, les importations des États-Unis ont augmenté encore plus rapidement, de sorte qu’un peu plus des deux tiers des importations totales du Canada proviennent des États-Unis. À la suite des augmentations rapides du commerce canado-américain, la proportion des importations totales provenant du bassin du Pacifique en 1996 était légèrement inférieure au niveau enregistré en 1988.

Un certain nombre de témoins de la première phase de nos audiences ont dit au Comité que la part du Canada des marchés d’importation de l’Asie de l’Est avait diminué. M. William Saywell a souligné que la part du marché d’importation du Canada dans la région est passée d’environ 2 p. 100 quelques années plus tôt à environ 1,4 p. 100 en 1995. M. David Hecnar (analyste des politiques principal, Chambre de commerce du Canada) a signalé que « si vous examinez les chiffres du commerce du Canada dans ce groupe, il y a en réalité une certaine inquiétude parce que notre part du commerce diminue » (18 :25). Le tableau 4 confirme qu’à l’exception de Hong Kong et peut-être de l’Australie, les parts du Canada des marchés d’importation de la plupart des pays de l’Asie de l’Est et de l’Océanie étaient faibles et ont diminué.

Pourquoi la part des exportations canadiennes de ces marchés a-t-elle diminué? Ce résultat ne devrait pas étonner, étant donné la forte croissance du commerce canado-américain après l’adoption de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis en 1988 et l’adoption subséquente de l’ALÉNA. Une autre explication possible peut être la part croissante du commerce dans la région de l’Asie de l’Est. Le commerce intrarégional accru suppose proportionnellement moins de commerce avec des sources de l’extérieur. La part croissante du commerce à l’intérieur de l’Asie peut avoir reflété simplement l’importance accrue des économies de l’Asie de l’Est et le poids proportionnellement supérieur de leur commerce dans le système commercial mondial. Par contre, elle peut avoir reflété une appréciation croissante de la valeur du commerce à l’intérieur de l’Asie comparativement au commerce avec des économies de l’extérieur.

 

Tableau 4
Exportations de marchandises canadiennes
Part en pourcentage des marchés d’importation
de partenaires commerciaux sélectionnés de l’APEC

 

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

                 

Japon

3,1%

3,5%

3,7%

4,0%

4,1%

3,3%

3,3%

3,2%

Chine

5,4%

7,4%

2,7%

3,2%

1,8%

2,6%

1,3%

1,7%

Corée du Sud

2,0%

1,7%

2,0%

2,3%

2,7%

2,3%

2,1%

1,9%

Taiwan

n/a

1,5%

1,7%

1,7%

1,6%

1,5%

1,1%

1,2%

Hong Kong

0,6%

0,7%

0,7%

0,5%

0,5%

0,4%

0,5%

0,6%

Australie

2,6%

1,9%

2,0%

2,0%

2,4%

1,7%

1,7%

1,9%

Indonésie

0,8%

1,1%

2,0%

2,4%

1,9%

1,4%

1,4%

1,2%

Thailande

1,3%

1,4%

1,2%

1,2%

1,4%

0,9%

0,9%

0,6%

Malaisie

1,2%

0,9%

1,2%

1,0%

1,0%

0,8%

0,5%

0,5%

Singapour

0,5%

0,4%

0,3%

0,5%

0,5%

0,6%

0,4%

0,4%

Philippines

0,9%

0,8%

0,7%

1,4%

1,6%

1,3%

0,9%

1,0%

Nouvelle-Zélande

2,3%

2,2%

2,6%

1,9%

2,0%

1,6%

1,6%

1,7%

Source: Calculs basés sur le FMI, Direction des statistiques du commerce extérieur

Une autre raison de la perte de la part de marché d’importation du Canada dans ces économies peut avoir été que, traditionnellement, les exportations du Canada vers l’Asie de l’Est ont consisté en matières primaires et semi-traitées (bois, pâtes et papiers, céréales, fertilisants et minéraux). La part des ressources naturelles et des produits primaires dans le commerce mondial a diminué en raison de la chute des prix des marchandises et de la consommation d’énergie par rapport au PIB et à une substitution supérieure des matières synthétiques pour des produits naturels(56). En outre, les exportateurs de ressources naturelles canadiens ont fait face à une forte augmentation des efforts de concurrents traditionnels en Australie, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande ainsi que de nouveaux concurrents en Chine et dans les pays de l’ANASE(57).

Une étude déposée auprès du Comité constate que le Canada a eu des niveaux inexplicablement élevés d’exportations de ressources naturelles vers l’Asie de l’Est, même en tenant compte des sources d’avantage comparatif du Canada, notamment les importantes richesses naturelles du pays(58). Ce résultat indique aux auteurs que le Canada peut avoir une stratégie industrielle implicite cachée dans ses structures fiscales ou ailleurs, qui « peut avoir amené le Canada à une spécialisation inappropriée dans les industries primaires. Ce qui peut s’avérer nécessaire, c’est un nouveau modèle d’incitatifs industriels qui encourageraient les entrepreneurs canadiens à sortir des ressources naturelles et à entrer dans des industries technologiques à gros salaires axées sur la croissance »(59).

Peu avant la crise, les exportations du Canada de produits manufacturés comme la machinerie, le plastique, les avions et les pièces de précision vers l’Asie de l’Est ont augmenté progressivement. M. Dan Gaw (M. K. Wong & Associates Ltd.) a dit au Comité qu’afin de « redresser notre déséquilibre commercial avec la région, les Canadiens doivent mettre en marché plus agressivement des produits à valeur ajoutée dans la région de l’Asie-Pacifique » (19 :95). Selon M.  Gaw, c’est le cas de secteurs traditionnels comme les produits de l’agriculture et des pêcheries ainsi que de produits (par ex., les exportations d’avions) auxquels on attribue couramment une importante valeur ajoutée.

Pour ce qui est du commerce des services, les données sur la balance des paiements du Canada révèlent qu’au cours des 20 dernières années, le niveau regroupé des exportations de services du Canada a augmenté à peu près au même rythme que celui des exportations de marchandises. Toutefois, le commerce d’un groupe de services qu’on appelle les services commerciaux a augmenté plus rapidement que le commerce des marchandises. Bien qu’historiquement le Canada ait connu un déficit global du commerce des services commerciaux, nous avons obtenu un excédent des paiements dans le commerce de services comme l’architecture, le génie et d’autres services techniques. Cet excédent tend à confirmer la croyance que le Canada a un avantage comparatif dans le domaine des services d’architecture et de génie. Cependant, il faut se rappeler que la majeure partie de l’excédent dans cet élément du commerce est représentée par le commerce avec des économies autres que les États-Unis et l’Union européenne.

Selon l’Organisation mondiale du commerce, les économies de l’APEC représentaient 42 p. 100 des importations mondiales de services commerciaux en 1994, les membres de l’APEC en Asie achetant presque un quart du total mondial. Comme pour le commerce des marchandises, le commerce des services du Canada est lourdement axé sur les États-Unis, le Japon représentant le deuxième plus important partenaire commercial du Canada pour les services. La Corée du Sud, Hong Kong, l’Australie, Taiwan et les économies de l’ANASE occupent également un rang important dans le commerce des services canadiens.

Avant le début de la crise, on prévoyait que les économies de l’Asie de l’Est devraient dépenser quelque 1,5 trillion de dollars pour l’infrastructure au cours de la prochaine décennie. En outre, il a été démontré que la demande de services tend à augmenter avec des niveaux de PIB supérieurs. Cette élasticité positive de la consommation de services, combinée aux goulots d’étranglement dans les infrastructures, conduira probablement (après la crise) à une augmentation de la part des importations mondiales de services de l’Asie de l’Est. À long terme, ces développements peuvent offrir aux fournisseurs canadiens des débouchés pour les services d’architecture et de génie ainsi que pour certains autres types de services (financiers, éducatifs et environnementaux).

 

2. Les liens d’investissements entre le Canada et l’Asie-Pacifique

Il est dans l’intérêt du Canada d’attirer autant d’investissement direct étranger que possible de l’Asie. Toutefois, les investissements directs de l’Asie de l’Est(60) au Canada ont toujours été relativement modestes avant le début de la crise asiatique. À la fin de 1995, les investissements directs des pays du bassin du Pacifique au Canada représentaient 11,8 milliards de dollars, soit seulement 7 p. 100 des investissements directs étrangers au Canada (fig. 4 et 6).

 

Graphique 4

Graphique 5

 

Source: Statistique Canada

 

« […] l’investissement direct du Japon au Canada n’est pas dans l’immobilier mais dans des opérations industrielles et manufacturières qui créent de la richesse et de l’emploi. Les placements sont axés sur l’exportation plutôt que sur le marché intérieur, une quantité toujours croissante étant exportée ailleurs qu’au Japon .»

(M. Arthur Hara, président de Mitsubishi Canada Ltd.)

Plus de la moitié de l’investissement direct étranger au Canada du bassin du Pacifique (57 p. 100 ou 6,7 milliards de dollars) a été le fait d’investisseurs japonais. À la fin des années 1980, le Japon était la plus importante source mondiale d’investissement direct étranger. Au début des années 1990, l’instabilité financière du Japon, liée à une correction à la baisse du marché boursier japonais et à l’écroulement des valeurs immobilières internationales, a causé une réduction des sorties d’investissement du Japon. Néanmoins, le Japon est demeuré l’une des plus importantes sources d’investissement direct à l’étranger dans le monde.

Les investisseurs de Hong Kong représentaient pour leur part 27 p. 100 de l’investissement direct étranger au Canada du bassin du Pacifique. Une portion considérable du nouvel investissement de Hong Kong était attribuée aux immigrants de la catégorie des investisseurs qui doivent investir au moins 250 000 $ au Canada pour être admissible à l’immigration. L’investissement de l’Australie, de Singapour, de la Corée du Sud et de la Malaisie composait la majeure partie du reste de l’investissement direct étranger au Canada. Entre 1985 et 1995, la part de l’investissement direct au Canada représentée par les pays du bassin du Pacifique a doublé, passant de 3,5 à 7 p. 100.

En plus d’importer d’importants montants d’investissement direct étranger, les autres pays de l’Asie de l’Est sont également devenus d’importantes sources de sorties d’investissement direct étranger. En fait, la position du Japon comme plus importante source de sorties d’investissement direct étranger de l’Asie de l’Est a été dépassée par Hong Kong en 1993, en 1994 et, probablement, en 1995. Parmi d’autres importantes sources régionales de sorties d’investissement direct étranger, mentionnons Taiwan, la Chine, Singapour, la Corée du Sud et la Malaisie. Malgré les taux d’épargne élevés des pays de l’Asie de l’Est, la plupart demeurent des importateurs nets de capitaux à cause de leur forte demande de fonds d’investissement. Toutefois, à mesure que ces économies se développeront, elle passeront probablement d’importateurs nets à exportateurs nets de capitaux.

En résumé, avant la crise, l’investissement direct étranger au Canada de l’Asie de l’Est a augmenté, totalisant quand même moins de 12 milliards de dollars en 1995. De plus, il est évident que le Canada n’a pas obtenu sa « juste part » de l’investissement du Japon, un des plus importants exportateurs de capitaux du monde. Dans l’avenir, cette question pourra prendre de l’importance par rapport à d’autres pays de l’Asie de l’Est.

De l’autre côté du bilan de l’investissement, l’ensemble de l’investissement direct du Canada à l’étranger dans le bassin du Pacifique s’élevait à 14,7 milliards de dollars à la fin de 1997, soit environ 11 p. 100 du total (figures 5 et 7). L’investissement direct du Canada au Japon représentait 21 p. 100 de tout l’investissement direct à l’étranger dans la région, suivi de l’Australie (21 p. 100), de Hong Kong (17 p. 100), de Singapour (14 p. 100) et de l’Indonésie (8 p. 100). L’investissement direct canadien à l’étranger dans le bassin du Pacifique est passé de 4 milliards de dollars en 1985 à 14,7 milliards en 1995, de sorte que la part de l’investissement direct du Canada à l’étranger dans le bassin du Pacifique a augmenté de 7 à 11 p. 100 au cours de cette période. Il est évident que les entreprises canadiennes ont commencé à investir activement dans la région.

 

Graphique 6

Graphique 7

 

Source: Statistique Canada

 

Les données ne sont pas disponibles sur les mouvements d’investissement de portefeuille entre le Canada et les pays de l’Asie de l’Est, autres que le Japon. À la fin de 1995, les investisseurs japonais détenaient 32,5 milliards de dollars d’obligations canadiennes et 542 millions d’actions de portefeuilles canadiens. Ces montants représentaient 9,8 p. 100 et 1,7 p. 100, respectivement, des montants totaux appartenant aux investisseurs étrangers. À la fin de 1995, l’investissement canadien dans les obligations japonaises était de 1,1 milliard. L’investissement de portefeuille canadien en bourse japonaise s’élevait à 4 milliards à la fin de 1995. Ces investissements représentaient 5,7 p. 100 et 6,3 p. 100, respectivement, du total des obligations et des actions à l’étranger appartenant aux Canadiens.

 

3. Les liens d’immigration entre le Canada et l’Asie-Pacifique

« Un des principaux avantages stratégiques du Canada dans le renforcement de nos liens économiques avec les économies de l’Asie peut, en fait, résider dans nos liens humains croissants avec la région .»

(Asian Canadians : Canada’s Hidden Advantage, Fondation Asie Pacifique du Canada)

Cet examen des données globales sur le commerce et l’investissement canadiens indique qu’avant 1997, les liens commerciaux entre le Canada et l’Asie de l’Est, bien que croissants, n’étaient pas prédominants. La même conclusion s’applique aux liens d’immigration entre le Canada et l’Asie de l’Est qui, pendant un certain nombre d’années, ont été très solides. En 1996, quatre des dix principales sources d’immigration étaient des pays de l’Asie de l’Est, et les immigrants de ces pays représentaient plus d’un tiers de toute l’immigration au Canada en 1996.

Les liens du Canada avec la grande Chine (Hong Kong, Taïwan et Chine) ont augmenté particulièrement rapidement; les immigrants de la grande Chine représentaient plus du quart de toute l’immigration au Canada en 1996. Le chinois est maintenant à troisième langue maternelle la plus parlée au Canada. Hong Kong a été de loin la plus importante source d’immigration, représentant en moyenne 16 p. 100 de toute l’immigration canadienne au cours de la période de cinq ans se terminant en 1996. La majeure partie de l’immigration de Hong Kong peut s’expliquer par l’incertitude entourant la remise prévue de cette colonie britannique à la Chine en juillet 1997. Les niveaux d’immigration de Hong Kong dépendront, du moins en partie, de la souplesse avec laquelle le gouvernement chinois continuera de gouverner; on constate déjà une tendance au retour vers Hong Kong.

« L’arme secrète du Canada est sa société multiculturelle. Nous avons des ambassadeurs de bonne volonté probablement de tous les pays du monde. Si vous voulez vendre en Hongrie, en Pologne ou dans n’importe quel pays asiatique, notre arme secrète, ce sont ces personnes dans notre pays qui peuvent nous aider à combler les fossés culturels .»

(M. Bing Thom, directeur, Bing Thom Architects Inc.)

Outre sa contribution très réelle à la croissance économique et au tissu social du Canada, l’immigration de l’Asie de l’Est peut aider à renforcer les liens commerciaux et d’investissement de notre pays avec la région. Cela peut se produire de plusieurs façons. Un mécanisme permettant à l’immigration de contribuer aux exportations est de réduire les coûts de transaction associés aux affaires dans les marchés étrangers. Les immigrants de l’Asie de l’Est connaissent les marchés de leur pays d’origine; ils ont des liens commerciaux dans la région et ils possèdent les compétences linguistiques et culturelles nécessaires pour conclure des accords commerciaux. Si les immigrants de l’Asie de l’Est ont des préférences pour des marchandises produites dans leur pays d’origine, cela peut également accroître les importations de la région.

L’immigration peut aussi influer sur les mouvements de capitaux entre le Canada et l’Asie de l’Est. L’investissement étranger au Canada peut augmenter lorsque des immigrants de l’Asie de l’Est arrivent dans notre pays avec des capitaux à investir dans nos entreprises commerciales. Le Programme d’immigration des investisseurs (PII), lancé en 1986 et remanié en mars 1997, permet à des immigrants de satisfaire à certaines exigences de l’immigration en investissant un minimum de 250 000 $ ou 350 000 $ (selon la province) dans une entreprise commerciale admissible. En mars 1997, le gouvernement canadien estimait que, depuis son établissement, le PII a attiré 3,75 milliards de dollars de fonds d’investissement et créé plus de 33 000 emplois(61). La majeure partie de cet investissement était attribuable à des immigrants de pays de l’Asie de l’Est, notamment de Hong Kong.

De plus, l’immigration des pays de l’Asie de l’Est pourrait faciliter l’investissement étranger en améliorant la circulation de l’information entre le Canada et la région. Les immigrants ont des contacts locaux et une connaissance pratique des possibilités d’investissement dans leur pays d’origine. En même temps, ils peuvent fournir de l’information sur les possibilités d’investissement au Canada à des investisseurs éventuels de l’Asie de l’Est. Le Comité est d’avis qu’une promotion accrue des liens entre les deux régions pourrait être très avantageux.

M. Dan Gaw (M. K. Wong & Associates Ltd.) a insisté devant le Comité sur l’importance de l’immigration de l’Asie de l’Est, pour la Colombie-Britannique en particulier. Il a fait observer que bien que le PII ait réussi à stimuler l’économie de cette province, il est en même temps vrai que les immigrants de la catégorie familiale de la région deviennent des entrepreneurs qui réussissent, ce qui eut dire création d’emplois et investissement de capitaux. Selon M. Gaw, les secteurs qui bénéficient le plus des immigrants entrepreneurs sont les services, la vente en gros et au détail, et la fabrication. Les données sur l’immigration montrent que l’Ontario, le Québec et l’Alberta ont aussi reçu un grand nombre d’immigrants de l’Asie de l’Est. En fait, le recensement de 1991 révélait que Toronto avait plus d’habitants d’origine asiatique que Vancouver.

Le Canada pourrait faire un meilleur usage des compétences professionnelles, des connaissances et de l’expérience des Canadiens asiatiques. C’est le consensus qui se dégage de plusieurs tables rondes tenues partout dans le Canada par la Fondation Asie Pacifique du Canada. Ces discussions portaient sur les possibilités de commerce et d’investissement pour le Canada qu’offrent les marchés de l’Asie de l’Est, et sur la façon de capitaliser sur les ressources humaines est-asiatiques du Canada pour tirer le maximum de ces possibilités, particulièrement en encourageant une meilleure collaboration entre les gens d’affaires canadiens asiatiques et non asiatiques. Le rapport basé sur ces tables rondes présente 22 recommandations sous trois grandes rubriques :

  • jeter des ponts entre les milieux d’affaires canadiens asiatiques et canadiens non asiatiques;
  • partager l’information sur les possibilités de commerce et d’investissement dans la région de l’Asie de l’Est;
  • intensifier les efforts de développement du commerce canadien dans la région.

Plusieurs témoins ont insisté sur l’importance d’établir une communication transculturelle entre les cultures asiatiques et non asiatiques. Mme Tamako Yagai Copithorne (membre du Forum Canada-Japon 2000) a dit : « Les Canadiens doivent se renseigner davantage sur les gens avec qui ils commercent – leur langue, leurs valeurs, leurs cultures – afin de comprendre et d’apprécier leurs différences » (19 :70). Par exemple, Mme Copithorne a expliqué que la compréhension de la culture japonaise peut être essentielle pour concevoir des produits d’exportation qui répondent au sens de l’esthétique japonaise. M. Jan Walls (directeur du programme Asie-Canada de l’université Simon Fraser) a souligné le travail du programme Asie-Canada à son université et du David Lam Centre for International Communication pour aider les étudiants canadiens non asiatiques, les professionnels, les gens d’affaires et les représentants gouvernementaux à acquérir des connaissances sur les langues et les cultures asiatiques.

M. Bing Thom (directeur, Bing Thom Architects Inc.) a dit au Comité que le crédit pour l’obtention de l’énorme contrat d’urbanisme de la nouvelle ville de Dalian en Chine revient en grande partie à un immigrant récent au Canada qui est originaire de cette la région, M. Li. Son aide lui a permis de comprendre la culture et les subtilités locales en affaires.

4. Le Japon et la Chine, des pays clés pour le Canada

Le Japon est le deuxième grand partenaire commercial du Canada après les États-Unis, sa troisième grande source d’investissements directs étrangers (après les É.-U. et le R.-U.), et une importante source de placements de portefeuille et de recettes touristiques. En 1997, le commerce bilatéral de marchandises a dépassé 22 milliards de dollars canadiens, soit une augmentation de plus de 5 p. 100 par rapport au chiffre comparable pour 1996.

 

Tableau 5
Commerce de marchandises du Canada avec le Japon
(en millions de dollars canadiens)

 

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Exportations

7 490

8 496

9 741

12 054

11 160

10 760

Importations

10 762

10 723

11 367

12 096

10 444

12 508

 

Source: Basic Facts Ni-Ka Online

 

Le Japon est un important pays industriel ayant peu de ressources naturelles. Bien qu’il soit un marché sophistiqué et très concurrentiel, il compte beaucoup sur l’importation des matières nécessaires à ses divers procédés de fabrication. Depuis la fin de la Seconde Guerre, le Japon s’est donné une stratégie de diversification de ses sources d’approvisionnement à cet égard.

Ainsi, l’avantage comparatif du Canada dans les produits primaires a fait de nous un fournisseur naturel de produits comme le bois, le charbon, le blé, le canola et d’autres produits. En 1996, les exportations canadiennes les plus importantes au Japon étaient les produits forestiers, le charbon, les graines oléagineuses, le poisson et les produits agricoles, les produits manufacturés ne représentant que 5 p. 100 du total de ces exportations.

Le marché japonais commence également à présenter des possibilités d’exportation dans le domaine des aliments transformés, des produits de consommation, des technologies de l’information et d’autres secteurs de haute technologie ainsi que les services. Afin de profiter de ces possibilités et d’améliorer la relation commerciale bilatérale, le gouvernement fédéral a établi un plan d’action, axé sur un certain nombre de secteurs prometteurs : les produits alimentaires et le poisson, les produits de consommation et de construction, les technologies de l’information, le matériel et les appareils médicaux, et le tourisme. Déjà, le Canada est devenu un important fournisseur de produits de construction, de maisons préfabriquées et d’aliments transformés.

M. Yozo Yamagata (membre du Conseil consultatif canadien, Marsh & McLennan Limited) a dit au Comité que la valeur de l’investissement direct étranger japonais au Canada était de 6,7 milliards de dollars canadiens (4,9 milliards US) à la fin de 1995, comparativement à 108,6 milliards US aux États-Unis. Il a fait observé que le Canada n’a pas très bien réussi à attirer l’investissement direct japonais. D’après les tailles relatives des économies américaine et canadienne (environ 10 à 1), l’investissement direct étranger du Japon au Canada devrait être environ deux fois plus important que le montant enregistré en 1995. De plus, comme M. Yamagata l’a expliqué, la part du Canada des sorties d’investissement direct japonaises a diminué ces dernières années.

Pourquoi le Canada n’a-t-il pas réussi à attirer une part proportionnée des investissements directs du Japon ? M. Yamagata a fourni au Comité plusieurs raisons possibles. Premièrement, bien que la population du Canada soit de 30 millions, le marché est éparpillé géographiquement. Deuxièmement, les coûts de la main-d’œuvre ne sont pas faibles selon les normes internationales. Troisièmement, le Canada serait plus intéressé à protéger l’environnement qu’à encourager le développement industriel et commercial. Quatrièmement, lorsque les gouvernements des provinces changent, des changements soudains peuvent se produire dans la politique industrielle et la législation, particulièrement dans la législation du travail et de l’environnement. Cinquièmement, les taux d’imposition canadiens sont perçus comme étant supérieurs à ceux des États-Unis.

M. Arthur Hara (président, Mitsubishi Canada Limited) a expliqué que le marketing efficace des États américains est une autre raison pour laquelle ce pays a su mieux que le Canada attirer l’investissement direct étranger japonais. Il a dit au Comité que 36 États américains ont des bureaux à Tokyo qui servent à attirer l’investissement japonais. En outre, M. Hara estime que les États américains « amèneront les investisseurs japonais chez eux et les conduiront à travers les dédales réglementaires pour s’assurer que le gouvernement de l’État ouvre la porte complètement. Plus souvent qu’autrement, lorsque des investisseurs japonais sont invités au Canada ou dans les provinces, ils sont laissés à eux-mêmes pour trouver leur chemin dans le labyrinthe […]. Pour citer une anecdote, je me rappelle un investisseur japonais qui est venu à Vancouver, qui s’est découragé et est reparti parce qu’on lui a dit qu’il devait passer par 26 bureaux fédéraux, provinciaux et municipaux pour obtenir une autorisation » (19 :76).

Le Comité a reçu une étude sur la compétitivité des États américains et des provinces canadiennes pour attirer de nouveaux investissements japonais dans le secteur de la fabrication(62). L’étude examine la compétitivité relative des États et des provinces pour attirer l’investissement direct étranger japonais en fonction de certains critères : l’accès aux marchés intérieurs et d’exportation, les politiques gouvernementales qui influent sur l’investissement et la proximité d’autres fabricants, d’une main-d’œuvre spécialisée et de fournisseurs. On estime que la Californie – qui vient au premier rang – est cinq fois et demie plus susceptible que l’Ontario d’obtenir de l’investissement japonais dans la catégorie générale de la fabrication. L’étude montre que seule l’Ontario – au 13e rang – s’est classée parmi les 20 premiers endroits pour la fabrication dans les deux pays.

Un secteur où l’on voit déjà les avantages de l’investissement japonais au Canada est celui de l’automobile. Pourtant, en ce qui concerne l’investissement dans la fabrication de pièces automobiles, l’Ontario se classe au 7e rang comme point d’attraction de l’investissement japonais. En même temps, on estime que l’Indiana, le Michigan et l’Ohio sont, respectivement, 7,3, 5,7 et 5,5 fois plus susceptibles que l’Ontario d’obtenir de l’investissement japonais. Même dans la fabrication des pâtes et papiers, une industrie où le Canada devrait avoir un avantage comparatif, le Québec se classe seulement au 10e rang parmi tous les endroits des deux pays (la Colombie-Britannique vient au 12e rang et l’Ontario, au 14e). Ces résultats expliquent le témoignage cité plus haut sur l’importance des mouvements d’investissement direct étranger japonais aux États-Unis par rapport à ceux qui viennent au Canada.

Prenons maintenant la Chine. Ce pays compte près d’un quart de la population mondiale et une classe moyenne qui devrait atteindre 500 millions de personnes d’ici 2010(63). Il s’agit déjà de la septième économie du monde. Inutile de le dire, elle représente un marché énorme pour les produits et services et pourrait devenir le marché de consommation le plus important du monde, dans la mesure où le mode de vie occidentale entrera dans les moeurs.

En raison de sa population, de ses progrès économiques, de son importance dans le monde et de son potentiel pour les exportateurs canadiens, le gouvernement du Canada considère que la Chine est un élément clé de son programme de commerce international. Les récentes difficultés économiques en Asie n’ont pas modifié ce point de vue. Par exemple, pensant à la crise financière asiatique, le ministre du Commerce international du Canada (l’hon. Sergio Marchi) a qualifié la Chine d’« île de stabilité dans des eaux turbulentes ». Mme Margaret Huber (directrice générale du Bureau de l’Asie du Nord et du Pacifique, Affaires étrangères et Commerce international) a été encore plus explicite en soulignant au Comité que même si la Chine devait connaître un ralentissement économique, les efforts canadiens pour pénétrer les marchés chinois ne seraient pas affectés concrètement.

Le commerce ente la Chine et le Canada a plus que doublé au cours de la période de 1991 à 1997. En 1997, le commerce bilatéral total atteignait les 8,5 milliards de dollars canadiens, dépassant les résultats de 1996 (7,9 milliards) et de 1995 (8,1 milliards). Pour ce qui est de sa part du commerce canadien regroupé, la Chine représente à peine 1,5 p. 100 du total. Même si ce commerce bilatéral est encore à ses premiers balbutiements, la Chine est déjà le quatrième grand partenaire commercial du Canada (après les É.-U., le Japon et le R.-U.), et elle se classe troisième si on inclut Hong Kong. Par contre, le Canada ne vient qu’au seizième rang comme source d’importations chinoises.

Le déficit commercial du Canada avec la Chine a augmenté depuis 1993 en raison d’une diminution des exportations de blé (historiquement, les plus importantes) et d’autres produits ainsi que d’une augmentation importante des importations. Le déficit s’établissait à plus de 4 milliards de dollars canadiens en 1997.

Les importations totales de la Chine étaient évaluées à 6,3 milliards de dollars canadiens en 1997, bien au-dessus du chiffre des exportations de 2,2 milliards (CAN) cette année-là. Par catégorie générale, les principales importations de Chine au Canada comprennent les produits de consommation (3,4 milliards), la machinerie (1,7 milliard), les métaux et minéraux (0,3 milliard), et les matières premières et les produits chimiques (0,2 milliard).

Les exportations en Chine ont diminué en 1997 d’environ 26 p. 100. Ce déclin ne semble pas anormal par rapport à ce qu’ont vécu les principaux concurrents du Canada sur le marché chinois (États-Unis, Union européenne, Australie et Nouvelle-Zélande). Le déclin le plus prononcé est celui des marchandises. Les exportations de blé ont diminué l’an dernier à cause de la récolte record de 1996 en Chine et des difficultés de transport au Canada. Notre offre d’exportation s’est diversifiée considérablement dernièrement, les principaux groupes d’exportations comprenant maintenant les métaux, les minéraux et les produits chimiques (0,6 milliard de dollars canadiens), le matériel électrique (0,6 milliard), le bois et les produits du bois (0,4 milliard), et les céréales, principalement le blé (0,4 milliard). Le Canada profite également de nos exportations de services associés aux projets d’infrastructure chinois.

En 1994, le premier ministre Chrétien et le premier ministre chinois Li Peng se sont donné comme objectif d’atteindre 20 milliards de dollars canadiens de commerce bilatéral d’ici l’an 2000. Les difficultés financières en Asie ainsi que la transformation en cours de l’économie chinoise feront que la réalisation de cet objectif sera reportée.

On prévoit néanmoins que la Chine demeurera un marché potentiel considérable pour les produits et services canadiens. Pour pénétrer davantage ce marché, M. Marchi a dirigé une délégation commerciale de plus d’une centaine de personnes en Chine la première semaine d’avril 1998. Au total, les ententes commerciales signées au cours de cette tournée d’Équipe Canada atteignent presque 800 millions de dollars.

À l’automne 1997, le gouvernement fédéral a publié son plan d’action de commerce Canada-Chine, qui fournir des informations sur les possibilités sectorielles de commerce et d’investissement. Parmi celles-ci, trois retiennent l’attention : la construction et les matériaux de construction, l’agriculture et l’agroalimentaire, et la diversification des investissements chinois au Canada (comme dans les télécommunications, les technologies de l’information et l’agroalimentaire).

D’un point de vue canadien, un certain nombre de problèmes commerciaux importants ne sont pas encore résolus. On tente de les régler par les négociations (bilatérales et multilatérales) en cours concernant l’accession de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce. Parmi ces problèmes, mentionnons l’existence des tarifs à l’importation élevés en Chine, des obstacles non tarifaires comme les permis et les quotas d’importation, le recours à certaines normes chinoises comme obstacles déguisés au commerce, un manque de simplicité et de transparence dans le régime douanier chinois, l’absence d’uniformité en Chine quant à l’application des lois et des règlements (c.-à-d. un système juridique imprévisible) et des problèmes d’investissement comme la nécessité d’un traitement national des investisseurs étrangers, le statut de nation la plus favorisée (traitement équivalent des importations de différents pays)(64). De plus, la Chine a tendance à restreindre les prix intérieurs de nombreux produits pour lesquels le Canada a un avantage comparatif (produits alimentaires, matériaux bruts, produits manufacturés à base de matières premières).

Le Canada vise activement à atteindre l’intégration complète de la Chine aux institutions économiques et politiques du monde. En même temps qu’il réalise des progrès sur le plan commercial, le Canada appuie aussi activement la promotion des droits de la personne et des libertés religieuses en Chine. À cette fin, les deux pays ont entamé un dialogue sur les droits de la personne en avril 1997 par l’établissement d’un Comité mixte des droits de la personne, où ces questions seront officiellement discutées. En mai, les deux pays ont organisé conjointement un symposium multilatéral sur les questions juridiques liées aux droits de la personne.

L’investissement direct canadien en Chine a augmenté considérablement cette décennie, passant de 15 millions de dollars canadiens en 1991 à un total de 340 millions en 1996. Toutefois, notre part de 0,8 p. 100 de l’investissement direct étranger total en Chine est plutôt maigre.

Nos sorties d’investissement, visant à produire des biens et services pour le marché chinois, ont été généralement destinées au secteur de la fabrication. Toutefois, dernièrement, les autorités chinoises ont insisté sur l’importance de développer l’infrastructure. Les projets axés sur les ressources naturelles sont également devenus de plus en plus populaires auprès des investisseurs canadiens. Cependant, un certain nombre d’importants obstacles à l’investissement en Chine demeurent : la bureaucratie, la langue et la culture, les obstacles réglementaires et les changements fréquents de la réglementation (qui retardent souvent les investissements), les difficultés financières et les problèmes de ressources humaines.

Actuellement, l’investissement chinois au Canada se limite en grande partie aux ressources humaines et à l’immobilier dans l’économie canadienne. On ne prévoit pas que cet investissement atteindra des taux de croissance élevés dans un proche avenir.

 

B. L’impact économique de la crise sur le Canada

Quelles ont été les répercussions de la crise financière pour le Canada ? Il ne fait aucun doute que la « grippe asiatique » a frappé ici. Les prix en chute des marchandises et la demande affaiblie des exportations ont commencé à miner l’important secteur commercial du Canada et ont eu des répercussions négatives sur la valeur du dollar canadien, les gains des sociétés et nos perspectives de croissance économique. Par contre, la crise en Asie et l’augmentation correspondante des exportations de produits asiatiques à faible coût sur le marché nord-américain ont freiné les forces inflationnistes chez nous.

L’Asie de l’Est représentant seulement 8 p. 100 des exportations de marchandises canadiennes et ces exportations vers cette région ne représentant que 3 p. 100 du PIB (voir le tableau 6)(65), les impacts directs de la crise financière asiatique sur l’ensemble de notre pays peuvent être qualifiés de relativement mineurs(66). Toutefois, le faible prix des matières premières a affaibli d’importants secteurs de ressources naturelles du pays. De même, il y a d’importantes considérations régionales à prendre en compte, l’exposition du pays à la crise variant d’une province à l’autre. La Colombie-Britannique, avec la décroissance des marchés des matières premières et la perte de nombreux emplois, est de loin la province la plus touchée. Les retombées régionales de cette crise sont examinées ci-après.

Les événements en Asie ont déjà causé des révisions à la baisse – bien que relativement légères – des prévisions de la croissance économique du Canada en 1998. Dans Perspectives de l’économie mondiale de mai 1998, le FMI a abaissé sa projection de la croissance économique canadienne en 1998 à 3,2 p. 100 par rapport à sa prévision antérieure de 3,5 p. 100 – elle demeure la plus élevée des pays du G-7. Statistique Canada a signalé que la croissance du premier trimestre de 1998 a ralenti pour se fixer à 2,5 p. 100, sous les 3 p. 100 prévus pour toute l’année 1998. Pour leur part la Banque Toronto-Dominion et la Banque Scotia ont réduit leurs projections de croissance pour cette année, qui demeure quand même à un niveau respectable de 3,0 p. 100.

 

1. Les effets commerciaux directs

Les exportations de marchandises en Asie de l’Est ne représentant que 3 p. 100 du PIB du Canada (1996), il faudrait une importante réduction des exportations pour faire un impact significatif sur notre économie. Si les exportations canadiennes en Asie de l’Est devaient souffrir d’un déclin rapide, par exemple de l’ordre de 20 p. 100, l’impact direct sur la croissance du PIB serait limitée à 0,6 p. 100. Bien qu’il s’agisse d’une incidence non négligeable sur l’ensemble de l’économie canadien, un tel effet ne serait pas catastrophique, à moins naturellement qu’une contagion se produise et que la crise s’étende à d’autres régions, par exemple l’Amérique latine et l’Europe.

 

Tableau 6
Exportations de marchandises canadiennes vers les pays de l’Asie de l’Est, 1996

Pays

% du PIB

Japon

1,3

Chine

0,6

Corée du Sud

0,3

Hong Kong

0,1

Singapour

0,1

Malaisie

0,1

Thaïlande

0,1

Indonésie

0,0

Autres

0,4

Total

0,3

Source : John McCallum, « Asia Crisis – Consequences For North America And Europe », Econoscope, Banque Royale du Canada, 1998, page 5.

Pourquoi les exportations canadiennes diminueraient-elles ? La réponse à cette question est double. Premièrement, elles diminueraient à cause de l’effondrement économique dans la région asiatique car l’économie japonaise stagne et les économies des autres pays de l’Asie de l’Est se contractent. La demande de produits canadiens diminuerait naturellement à mesure que baissent les revenus des pays importateurs. Au Japon, cela se traduit par une demande inférieure de charbon et de produits forestiers canadiens.

Un deuxième facteur concerne l’importante dépréciation des diverses monnaies asiatiques. En rendant les importations beaucoup plus coûteuses, ces dépréciations ont fait qu’il est de plus en plus difficile pour les entreprises canadiennes de demeurer concurrentielles sur les marchés asiatiques. Les dévaluations monétaires en Asie de l’Est représentent effectivement d’importantes réductions des prix des produits manufacturés de ces pays, notamment les textiles, la chaussure, l’acier, les produits pétrochimiques ainsi que les semi-conducteurs et d’autres produits électroniques.

D’autre part, le dynamisme des dépenses et de l’investissement intérieurs au Canada ont entraîné une poussée subite d’importations dans notre pays. On prévoit que cette situation sera exacerbée par une inondation d’importations relativement peu coûteuses des pays de l’Asie de l’Est dont les monnaies ont subi un déclin soudain, à condition que les fonds de roulement pour financer une telle poussée d’exportations soient disponibles.

La bonne nouvelle dans ce cas est que la pression concurrentielle de l’Asie sert en quelque sorte de frein à l’inflation en Amérique du Nord et en Europe. Les consommateurs canadiens ne se plaindront certes pas, mais les producteurs du pays feront probablement face à une concurrence plus féroce à la suite des entrées d’importations à prix inférieur. Parmi les industries qui pourraient être touchées, il y a les ordinateurs, les produits électroniques grand public, le textile, le vêtement, l’acier et l’automobile(67).

Quant aux résultats réels, le rapport mensuel de juin 1998 sur le commerce de Statistique Canada indique que la crise asiatique a contribué à une diminution de l’excédent commercial global du Canada pour les quatre premiers mois de cette année, une baisse à 4,4 milliards de dollars canadiens par rapport aux 10,5 milliards de 1997(68). En avril seulement, l’excédent du commerce de marchandises a chuté de façon prononcée, de 600 millions à 1,2 milliard de dollars. La raison : la faiblesse constante des ventes de ressources naturelles (ex., blé, produits forestiers, particulièrement le papier journal et le bois d’œuvre, les métaux et les minéraux) et de produits industriels à l’Asie, particulièrement au Japon. En fait, les seules exportations au Japon dans les quatre premiers mois de 1998 ont été de 34 p. 100 inférieures aux niveaux de la période comparable en 1997, et les exportations vers les cinq principaux partenaires commerciaux du Canada en Asie (Japon, Corée du Sud, Hong Kong, Taiwan et Singapour) étaient en baisse de 41 p. 100.

Entre-temps, les importations de ces cinq pays ont augmenté de 18 p. 100 cette année, alors que celles du Japon ont augmenté de 20 p. 100. Si la tendance actuelle se maintient, le Canada pourrait afficher son premier déficit du commerce de marchandises en près de 25 ans.

 

2. Les effets sur les prix des marchandises

Les effets directs de la faible croissance en Asie ont été plus importants pour les pays à ressources naturelles comme le Canada, la Russie et ceux d’Amérique latine. Les effets commerciaux directs ne sont qu’un aspect du problème; il y a aussi à considérer des effets considérables sur les prix des marchandises. La crise asiatique a érodé la valeur des exportations canadiennes de ressources naturelles (et, par extension, des exportations totales(69)), principalement par un « effet prix », car les prix des marchandises ont diminué de façon prononcée partout et il n’y a pas encore eu de signe durable de reprise. En fait, l’effondrement des prix des marchandises que le Canada exporte s’est accentué, par suite des préoccupations quant à la détérioration des conditions économiques et financières au Japon et dans toute l’Asie de l’Est. Pour un exportateur de marchandises, une chute des prix des marchandises a pour résultat une perte réelle de richesse nationale. Si la chute consécutive de la valeur de la monnaie canadienne (voir ci-après) compense effectivement cette faiblesse des prix des marchandises, la compensation n’est que partielle.

Bien que la part des ressources naturelles dans la gamme des exportations du Canada ait été réduite de moitié depuis 25 ans (de 80 p. 100 à un peu moins de 40 p. 100), ce ratio est encore très important comparativement à celui des autres grandes économies. En outre, la part des exportations totales vers l’Asie constituées de produits à base de ressources n’a diminué que légèrement depuis trente ans. Dans son deuxième Canada Asia Review 1998, la Fondation Asie Pacifique soutient que l’incapacité du secteur privé à diversifier les exportations du Canada vers cette région en délaissant les produits à base de ressources touchera durement le Canada, car ce sont les exportateurs de ces produits qui souffrent le plus des marchés déprimés en Asie. « Les exportations de marchandises génériques sont plus sensibles aux fluctuations dans les niveaux globaux de l’activité économique que les produits distinctifs ou de marque des industries manufacturières. Non seulement la demande de la plupart des matières premières tombe de façon prononcée dans une récession, mais les marchés peuvent se perdre aux mains de concurrents dont les coûts sont faibles »(70). La Fondation critique le secteur privé pour n’avoir pas saisi les occasions que l’Asie offrait. Bien que par les missions commerciales de son Équipe Canada le gouvernement fédéral ait essayé d’accroître la part des exportations de produits manufacturés en Asie, au bout du compte, c’est le secteur privé qui effectue les échanges.

 

3.Effets indirects américains

Par rapport au Canada, les États-Unis dirigent un plus fort pourcentage (30 p. 100) de leurs exportations totales vers l’Asie et obtiennent une plus grande part des importations (39 p. 100) asiatiques. Par contre, le commerce y constitue une beaucoup plus petite fraction du PIB, de sorte que l’effet net est que les É.-U. dépendent à peine plus que le Canada des exportations vers l’Asie. Si les liens commerciaux directs du Canada avec la région asiatique ne sont pas très élevés, ses liens avec les États-Unis le sont, avec plus de 82 p. 100 de nos exportations destinées à ce marché.

Les exportations canadiennes aux États-Unis peuvent être touchées d’au moins deux façons. Premièrement, le déclin précipité de la valeur de notre monnaie rend nos produits plus concurrentiels au sud de la frontière. Toutefois, les exportations canadiennes peuvent également diminuer si la crise continue de toucher défavorablement les exportations américaines vers l’Asie de l’Est – le déficit du commerce de marchandises des États-Unis a grimpé de 33 milliards de dollars US au cours des quatre derniers trimestres – et de nuire à la croissance économique de ce pays. Un repli soutenu de la croissance au sud de la frontière touchera sans doute le rendement économique du Canada(71). Autrement dit, une faiblesse de l’économie américaine due à l’Asie pourrait réduire quelque peu nos exportations vers le marché américain. Le repli en Asie a déjà un impact sur les exportations des États-Unis, obligeant à réduire la production pour tenir les stocks au minimum. 

En outre, une inondation du marché américain par des produits asiatiques soudain peu coûteux pourrait conduire à une montée protectionniste au Congrès américain. « Certes, c’est l’Asie qui essuierait les coups de feu, mais le Canada subirait probablement des dommages collatéraux »(72). Les exportateurs canadiens dans ce marché-clé que sont les États-Unis feront également face à une concurrence accrue des produits asiatiques, étant donné de nouveaux avantages associés aux dévaluations des taux de change.

 

4. L’impact sur le dollar canadien

Le dollar canadien, dont la valeur a atteint son niveau le plus bas de tous les temps – 63,11 cents US à la fin d’août 1998 – a peut-être été la vraie victime de l’aggravation de la crise financière et économique en Asie. La monnaie canadienne vaut moins qu’à tout autre moment de son histoire de 140 ans, ayant perdu environ 7 p. 100 de sa valeur comparativement au dollar américain depuis juillet 1997. Le huart, tout en enregistrant une augmentation de 13,8 p. 100 de sa valeur en regard du yen japonais pendant la même période, a chuté de 6,6 p. 100 face à la livre britannique et de 3,1 p. 100 en regard du marc allemand. Après pondération selon les échanges, la valeur du dollar a diminué d’un peu plus de 5 p. 100 depuis juillet 1997.

Plusieurs causes sont en jeu. L’incertitude économique en Asie – par exemple, les nouvelles baisses du prix des marchandises, une dévaluation éventuelle de la monnaie chinoise et la stagnation et les développements politiques au Japon – a conduit à une course à la sécurité de la part des investisseurs, asiatiques et autres, cette sécurité étant rattachée au dollar américain. De même, la détérioration de la situation financière a conduit à une diminution de la demande asiatique de marchandises et, ainsi, à une chute précipitée de leurs prix. À mesure que la valeur des exportations canadiennes de ces produits diminuera, il en ira de même de la demande de dollars canadiens avec lesquels les payer. Ainsi, la monnaie canadienne a souffert du fait que le Canada est un important exportateur de marchandises. Enfin, la détérioration de notre balance des paiements au cours des quatre derniers trimestres, provoquée par les taux de croissance élevés des importations par rapport à ceux des exportations et à notre commerce en baisse avec l’Asie de l’Est, a également contribué à la faiblesse du dollar canadien.

On peut s’attendre à une reprise de la valeur du dollar canadien lorsque les marchés financiers asiatiques seront stabilisés, que la région commencera à sortir de la récession et que les prix des marchandises remonteront. Toutefois, pour l’instant, il y a peu de signes de reprise durable en Asie ou d’amélioration des prix pour les exportations des ressources naturelles canadiennes. Comme la Banque du Canada hésite à hausser les taux d’intérêt par crainte de freiner l’économie, les perspectives d’une reprise rapide de la valeur du dollar ne sont pas brillantes.

À court terme, le déclin de la valeur du dollar canadien par rapport au dollar américain devrait conduire à une augmentation des exportations, et plus particulièrement des exportations de « non-marchandises », qui n’ont pas fait l’objet des mêmes diminutions de prix. En ce sens, la faiblesse du dollar protégera notre secteur commercial contre le plein impact de la crise asiatique, donnant un élan à nos exportateurs sur le marché américain. Toutefois, cet avantage temporaire pourrait donner aux entreprises exportatrices un faux sentiment de sécurité et leur faire oublier la nécessité de continuer à prendre des mesures pour accroître la compétitivité, comme améliorer la productivité. À long terme, les chances de ces entreprises de continuer à soutenir la concurrence sur les marchés américains pourraient être menacées par une trop forte dépendance vis-à-vis d’un dollar moins cher comme source d’avantage concurrentiel. La valeur inférieure de la monnaie canadienne pourrait également entraîner une réduction des importations américaines à prix supérieurs, bien que les fabricants canadiens auront toujours besoin des technologies et des matériaux comme intrants dans leurs activités de production.

 

5. Les conséquences régionales

« Naturellement, au plan régional, on pense immédiatement à une province comme la Colombie-Britannique avec toutes ses ressources, particulièrement le secteur forestier, et la part beaucoup plus importante de son commerce avec l'Asie que toute autre province. Les difficultés de cette province sautent aux yeux de quiconque l'a visitée dernièrement. Il y avait là des difficultés avant le début des problèmes de l'Asie, à commencer par les exportations de bois d'œuvre au Japon, mais les problèmes se sont compliqués au cours des six à huit derniers mois .»

(M. Joshua Mendelsohn, vice-président principal et économiste en chef, Banque canadienne impériale de commerce)

L'effondrement rapide des économies asiatiques, avec la réduction correspondante de la demande asiatique, combiné à la chute actuelle des prix des marchandises, font courir des risques graves aux régions du Canada qui dépendent beaucoup des ventes de marchandises en Asie. On ne devrait pas s'étonner alors que la Colombie-Britannique soit la province la plus touchée par ce qui se passe en Asie, étant donné que c’est elle qui dépend le plus des marchés asiatiques et qu'elle est un important exportateur de marchandises. Alors que les exportations canadiennes totales en Asie représentent 3 p. 100 du PIB, celles de la Colombie-Britannique représentent 7,5 p. 100 de l'économie provinciale. Contrairement aux autres provinces et régions, elle ne sera pas en mesure de participer pleinement à la poursuite de l'essor économique; en fait, on croit que l'économie provinciale est en récession.

Ce rendement en déclin est en grande partie attribuable au fait que généralement, 36 p. 100 des exportations de la province sont destinées aux marchés asiatiques, la plus grande part allant au Japon. La détérioration des exportations de bois d'œuvre et de bois de pâte, qui constituaient traditionnellement 50 p. 100 du total de ses exportations, est particulièrement préoccupante. Les exportations de charbon et de métaux usuels sont également affectées par les développements en Asie. Une grande partie de l'activité de la province axée sur les ressources souffre d'une combinaison de la chute des prix des marchandises et de la réduction prononcée des exportations.

L'Ontario et le Québec sont moins directement exposés aux développements en Asie de l'Est. Les exportations réunies de ces deux provinces vers cette région constituent à peine 1 p. 100 du total de leurs exportations. Dans ces deux provinces, l’industrie de l'automobile devrait faire face à une concurrence légèrement plus forte à cause de la dévaluation des monnaies asiatiques; on prévoit aussi que les producteurs de métaux seront touchés par une réduction des prix. Les effets de la crise asiatique sur le bien-être économique des autres régions du pays axées sur les matières premières – Alberta, Manitoba, Canada atlantique – se situeront quelque part entre les extrêmes de la Colombie-Britannique et du centre du Canada (Ontario et Québec).

 

6. Le tourisme

Le tourisme asiatique a des retombées importantes pour l’économie canadienne; de fait, il représente un avantage non négligeable pour le Canada. Comme pour le commerce, une bonne partie du tourisme est le fait de visiteurs japonais, qui ramènent avec eux une impression favorable de notre pays.

L'industrie touristique du Canada sera aussi touchée par la perte de richesse en Asie et le pouvoir d'achat inférieur des monnaies asiatiques. La dépréciation de ces monnaies a fait qu'il est beaucoup plus coûteux pour les touristes asiatiques de visiter le Canada. Déjà, nous avons noté une diminution de la présence de touristes asiatiques au Canada, jusqu'à un tiers jusqu’ici en 1998.

7. Les prêts asiatiques des banques canadiennes

Les prêts des banques canadiennes en Asie de l'Est dépassent 40 milliards de dollars canadiens (Tableau 7). Un peu plus de la moitié du total concerne des opérations bancaires avec le Japon. Ces données couvrent toutes les formes d’opération telles que les prêts, les acceptations, les dépôts entre banques, les garanties ainsi que les dérivés et les autres formes d'activités hors bilan.

Bien que le total des prêts à la région en difficulté représente 91 p. 100 des actions ordinaires combinées de tout le secteur bancaire, il continue d'y avoir des raisons de croire que les pertes asiatiques des banques canadiennes ne seront pas excessives. Les prêts que les banques ont en Asie sont de grande qualité, au sens que le gros des opérations commerciales, y compris les dérivés, ont été faites avec les institutions financières les plus solides de ces pays ou les sociétés les plus fortes, ou que les transactions concernent le financement commercial. Un autre élément à souligner est que des pays comme le Japon, Hong Kong et Taiwan, où les prêts des banques canadiennes sont surtout concentrés, possèdent des ressources financières substantielles pour se relever de leurs difficultés financières actuelles. Il faudrait une sérieuse implosion de ces très riches pays pour ébranler les banques canadiennes. De plus, si un tel cataclysme devait se produire, l'économie mondiale entière serait gravement atteinte.

Cela étant dit, la crise en Asie de l'Est a été suffisamment grave pour que dès janvier 1998 un éminent analyste bancaire chez Nesbitt Burns en vienne à la conclusion que l'hypothèse de pertes de zéro en Asie était irréaliste(73). Pour l'ensemble du secteur bancaire, il a calculé une réserve de pertes de prêts de quelque 700 millions de dollars qui, en termes pratiques, se traduirait par un impact négatif de 250 millions de dollars sur le total des gains bancaires après impôt en 1998.

Un représentant du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a expliqué au Comité en février 1998 que la crise asiatique n'a pas encore eu un effet majeur sur le système bancaire canadien, mais que la nécessité de réserves pour prêts perdus pourrait augmenter dans l'avenir. Même là, selon lui, le secteur financier devrait être capable de répondre aux besoins supplémentaires. Naturellement, la situation financière s'est détériorée considérablement depuis que ces points de vue ont été exprimés.

 

Tableau 7
Prêts* des banques canadiennes en Asie de l’Est, 30 avril 1998
(en millions de dollars canadiens)

 

BCIB

Banque Scotia

Banque Royale

Toronto

Dominion

Banque de Montréal

Banque Nationale

Total

Japon

4 600

4 300

4 847

4 000

2 854

56

20 657

Hong Kong

2 300

1 200

915

150

123

120

4 808

Corée du Sud

615

1 100

899

169

934

56

3 773

Taiwan

900

300

1 052

450

350

15

3 067

Singapour

1 500

350

498

100

226

0

2 674

Chine

600

200

320

250

50

0

1 420

Indonésie

289

200

224

473

137

0

1 323

Thailande

294

450

208

35

56

3

1 046

Malaisie

222

650

46

2

36

0

956

Philippines

68

450

0

41

23

0

582

Autre

227

150

16

135

21

0

549

Total

11 615

9,350

9 025

5 805

4 810

250

40 855

En p. 100 des actions ordinaires

126%

112%

98%

81%

59%

10%

91%

* Couvre toutes les formes d’opérations telles que les prêts, les acceptations, les dépôts entre banques, les garanties et la contrepartie dérivée et d’autres formes d’activités hors bilan.
Source: Nesbitt Burns

 

C. Promouvoir le commerce et l’investissement en Asie-Pacifique : nécessité ou cause perdue?

« Nonobstant les récentes difficultés économiques dans cette partie du monde, il est prévu qu'au cours des 30 prochaines années, cette région connaîtra la croissance la plus forte dans le monde. C'est une région qui doit être d'un intérêt capital pour le Canada et les autres pays qui dépendent du commerce et de l'investissement .»

(M. Peter Sutherland, directeur général, Service des délégués commerciaux, Planification et politique, Affaires étrangères et Commerce international)

Peu de Canadiens ignorent que les exportations sont la pierre angulaire de l'économie canadienne. De tous les pays industrialisés du monde, le Canada est celui qui dépend le plus des ventes internationales pour l'emploi et la croissance. Un bon 40 p. 100 de son PIB (ce pourcentage était de 26 p. 100 en 1992) peut être attribuable aux exportations de produits et services. En outre, les exportations ont servi de véritable moteur de création de nouveaux emplois au Canada, ceux-ci représentant 39 p. 100 des nouveaux emplois créés dans la première moitié des années 90(74).

L'émergence de l'investissement direct étranger comme facteur de contribution importante à la croissance de notre économie est un autre développement intéressant. Les entrées d'investissement direct étranger représentent maintenant 30 p. 100 de l'emploi total, si l'on applique le ratio du MAECI de 45 000 emplois pour chaque milliard de dollars en exportations(75). Il vaut particulièrement la peine de mentionner le fait qu'avec le commerce qui suit de plus en plus l'investissement, un phénoménal pourcentage de 40 p. 100 des exportations canadiennes totales et 75 p. 100 des exportations de produits manufacturés découle de l'investissement direct étranger au Canada. Les avantages économiques attribués à l'investissement direct étranger comprennent la création d'emplois, la production économique accrue, une meilleure productivité, des salaires élevés et la stimulation de l'activité économique dans les industries de soutien.

Les attitudes face à l'investissement direct étranger ont changé de façon marquée depuis les années 60 et 70 lorsque certains gouvernements, préoccupés par le degré de propriété étrangère dans leur économie, ont établi des procédures élaborées d'examen de l'investissement étranger et des exigences quant au rendement. Dans les années 90, les gouvernements se sont fait une concurrence active pour attirer les investissements étrangers, particulièrement dans le cas de l'investissement en installations nouvelles dans le secteur de la fabrication. Le Comité est convaincu de l'importance de poursuivre la tâche de la promotion du Canada comme un bon endroit où investir.

Historiquement, le gouvernement fédéral a fait porter le gros de son effort de promotion du commerce et de l'investissement sur les États-Unis et l'Europe(76). Mais récemment, l'Asie est devenue le deuxième partenaire commercial du Canada en dehors des États-Unis, et quatre de nos dix grands partenaires se trouvent dans cette région. Alors que la région connaissait une expansion phénoménale et que le commerce du Canada avec la région s'élargissait, sa part du marché diminuait. Cette combinaison de forte croissance du marché asiatique et de diminution de notre part a conduit à des pressions sur le gouvernement pour qu'il intensifie ses efforts de promotion dans la région, ce qui s’est traduit par les importantes missions d'Équipe Canada dans la région.

Voici donc la grande question qui se pose: dans le sillage de la turbulence financière en Asie, et étant donné les conditions économiques actuelles dans certains pays asiatiques, le Canada devrait-il diminuer ses efforts de promotion dans cette partie du monde et revenir à des régions présentant moins de risques ? Ou la promotion est-elle devenue plus nécessaire que jamais ?

Évidemment, les réponses à ces questions dépendent du point de vue de chacun sur les perspectives économiques à plus long terme de la région. Si l'horizon à court et à moyen terme pour la région et pour le commerce et l'investissement du Canada avec l'Asie-Pacifique est plutôt couvert, il est tout à fait raisonnable de penser que dans 3 à 5 ans, la situation pourrait être très différente. En fait, on peut croire qu'à ce moment notre commerce avec l'Asie-Pacifique reprendra sa croissance à des taux supérieurs à notre commerce avec bien d’autres régions.

M. Terry Ursacki (professeur associé de l'école d'administration à l'université de Calgary) croit qu'il est essentiel « de veiller à ce que les entreprises canadiennes n’utilisent pas cette excuse pour abandonner le marché, parce que tôt ou tard, il va y avoir un repli et le Japon va connaître une reprise, le Canada sera alors mal positionné pour profiter du regain de prospérité qui pourrait en découler » (11:16). Les résultats d'une étude de la Chambre de commerce internationale semblent indiquer que le milieu des affaires tant canadien qu’international croit aussi que ce n'est pas le temps pour les entreprises de renoncer à leurs relations commerciales à long terme avec la région.

Pour sa part, le ministre fédéral du Commerce international, l'honorable Sergio Marchi, demeure optimiste face à l'Asie, soutenant que « les difficultés actuelles provoqueront éventuellement les redressements qui auront pour résultat des économies asiatiques plus fortes, plus robustes à moyen terme et à plus long terme »(77). Selon le Ministre, les entreprises canadiennes continueront de trouver des débouchés commerciaux dans de nombreux secteurs, notamment les télécommunications, les technologies de l'information, le transport, l'énergie, les industries de l'environnement et le développement des ressources humaines(78). Le gouvernement fédéral demeure engagé à promouvoir les débouchés commerciaux en Asie-Pacifique.

La taille éventuelle du marché asiatique ne pose certes aucun problème. Par contre, le Comité a entendu des témoignages sur la perte de la part de marché du Canada dans les marchés asiatiques. Des représentants commerciaux ont bien fait comprendre au Comité les difficultés qu'ils rencontrent pour pénétrer les marchés de l'Asie de l'Est, telles que l’incertitude des contrats commerciaux, un financement insuffisant, les coûts de transport élevés et une promotion inégale du commerce. Si l’Organisation de coopération économique Asie-Pacifique (APEC) est la tribune appropriée pour faciliter l'accès à ces marchés et que la SEE et les milieux bancaires assurent un financement commercial adéquat, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) a néanmoins un rôle important à jouer dans l'amélioration de la promotion du commerce.

Depuis la publication du rapport provisoire du Comité, le gouvernement fédéral a nettement amélioré son programme de développement du commerce international (DCI). L'élément central de ce programme est la fusion en octobre 1997 des services de promotion du commerce sous l'égide d'un seul organisme appelé « Équipe Canada Inc.». Ce nouveau réseau coopératif fédéral (MAECI, Industrie Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada), provincial et du secteur privé, qui simplifie l’accès aux services aux exportateurs, ne doit pas être confondu avec les prestigieuses missions commerciales d'Équipe Canada. Équipe Canada Inc. «vise à favoriser, simplifier et coordonner l'accès aux fournisseurs gouvernementaux de services d'exportation, que ce soit au niveau fédéral ou provincial. On veut aussi fournir un guichet unique aux exportateurs qui ont besoin d’information en matière de commerce, de statistiques de toutes sortes ou de programmes de formation, ou qu'il veulent consulter quelqu'un lorsqu’ils s’intéressent à un marché en particulier » (12:9). Le nouveau réseau présente les grandes caractéristiques suivantes :

  • un meilleur service d'information commerciale à guichet unique accessible en tout temps sur Internet par ExportSource (site de consultation en direct de l’information sur les exportations, conçu spécialement pour les petites et moyennes entreprises), ainsi que par un numéro sans frais reliant les centres commerciaux de tout le pays. Ce service vise à fournir un ensemble de renseignements ministériels liés aux exportations à trois types de clients : ceux qui n'ont pas jamais exporté, ceux qui sont novices et ceux qui veulent diversifier leur activité;
  • un nouveau guide d'exportation électronique pour les exportateurs de services (Une approche mondiale... Exportez vos services);
  • la création du conseil consultatif d'Équipe Canada Inc. pour offrir une orientation au programme de développement du commerce international;
  • l'établissement d'une équipe d'experts au sein du MAECI pour répondre aux besoins des petites entreprises, les PME;
  • le redéploiement progressif des délégués commerciaux sur le terrain : 30 p. 100 plus de délégués au cours des cinq prochaines années et éventuellement, 70 p. 100 en poste à l'extérieur du pays d'ici 2006 (50 p. 100 à l’heure actuelle). Le MAECI prévoit déployer dix délégués commerciaux de plus chaque année pour atteindre cet objectif. Au moment de l'annonce en octobre 1997, les intentions du ministère étaient de procéder à ce déploiement en Asie(79) et en Amérique latine ainsi que dans certains marchés à forte croissance en Europe et aux É.-U. À compter de l'été 1998, des postes de délégués commerciaux seront réaffectés des régions moins prioritaires aux régions plus prioritaires. Cette réaffectation des ressources vise à améliorer la capacité de collecte de renseignements commerciaux du ministère et à recentrer l'attention sur les mouvements des investissements, important moteur du commerce.

Lors de leur témoignage devant le Comité, les représentants de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs canadiens ont dit beaucoup apprécier ces initiatives d'Équipe Canada Inc. Pour renforcer l'effort du gouvernement fédéral pour rendre le programme de développement du commerce international plus efficient et efficace, les témoins ont suggéré qu'un effort considérable soit consacré par les divers gouvernements à la rationalisation de la prestation des services d'exportation aux entreprises. Cet effort assurerait « la prestation uniforme des programmes à l’échelle ministérielle », quelle que soit leur vocation géographique (12:17). Cette proposition lui paraissant très sensée, le Comité recommande :

Recommandation 6 :

Que le gouvernement fédéral, de concert avec les autres ordres de gouvernement, renforce et rationalise ses façons de fournir des services d'exportation aux entreprises canadiennes. À cette fin, il y aurait lieu de réduire le nombre de ministères fédéraux qui exercent des responsabilités dans ce domaine. Pour améliorer l’information sur les marchés locaux en provenance des ambassades canadiennes, le gouvernement devrait accorder une plus grande attention à ses initiatives de collecte d’informations commerciales.

Quant aux investissements, d'autres témoins ont indiqué que le Canada pourrait attirer plus d'investissements étrangers si l’on faisait mieux connaître le pays à l'étranger et si les processus réglementaires locaux et provinciaux étaient rationalisés. Nous n’avons par réussi à attirer autant d'investissements créateurs d'emplois que nous aurions dû, compte tenu de la mondialisation croissante de l'économie. Pourtant, le Canada a des atouts pour intéresser les investisseurs éventuels : il possède de solides avantages concurrentiels grâce à son accès aux marchés nord-américains, ses faibles coûts d'énergie et autres coûts commerciaux, une inflation et des taux d'intérêt peu élevés, une infrastructure humaine et physique développée et une forte croissance économique. « Le problème, semble-t-il, c'est qu'alors que nous avons un excellent produit – l'économie canadienne – nous avons moins bien réussi que nos concurrents à commercialiser ce produit »(80). Comme le faisait observer M. Peter Sutherland (directeur général, Service des délégués commerciaux, Planification et politique, Affaires étrangères et Commerce international), « il existe un écart entre cette réalité et la façon dont nous perçoivent les investisseurs potentiels outre-mer » (12:8).

Le problème tient peut-être au fait qu'historiquement, ces avantages canadiens étaient mal connu. Cette lacune a été corrigée par la publication de deux études récentes qui placent le Canada dans une position très enviable pour ce qui est d'attirer de nouveaux investissements. La première est une étude indépendante entreprise par la firme d'experts-conseils internationale KPMG sur les coûts d'établissement de nouvelles entreprises dans divers pays industrialisés (États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, France, Italie, Suède et Canada)(81). Le rapport de KPMG montre que dans les principales économies européennes et nord-américaines, le Canada possède les plus bas coûts de démarrage d'entreprise (le climat d'investissement le plus attrayant) pour huit importants secteurs manufacturiers. Le Canada jouit également de faibles tarifs pour les télécommunications, de bas taux d'intérêt et – ce qui a dû en surprendre plusieurs, le plus faible fardeau fiscal des sept pays étudiés.

Une autre étude, réalisée par l'Economist Intelligence Unit, un groupe de réflexion affilié au magazine The Economist, a classé le Canada au 11e rang sur 27 pays pour les coûts d'entreprise en général. Toutefois, seulement deux pays industrialisés (l'Espagne et Hong Kong) obtiennent un meilleur rang. Parmi les avantages cités, mentionnons les salaires modérés, le bas prix des maisons, des télécommunications de grande qualité et peu coûteuses, un réseau de transport efficace, des sources d'énergie peu coûteuses et relativement peu de corruption.

Devant la turbulence financière en Asie, qui a causé une rareté relative des capitaux d'investissement de cette région, il faut intensifier les efforts pour faire savoir aux décideurs de l'Asie-Pacifique que le Canada est un bon endroit où investir. Les études de KPMG et de l'Economist Intelligence Unit pourraient sans doute être utiles dans une nouvelle campagne dans la région pour promouvoir le Canada comme base d'affaires idéale pour pénétrer le marché de l'ALÉNA.

« Je dirais qu’il faudrait combiner ces deux éléments, à savoir l’idée de préserver nos relations, démontrer que nous ne sommes pas des lâcheurs, tout en choisissant certaines opportunités qui apparaissent à cause de la crise représente, et en faire les deux axes de l’action des entreprises et du gouvernement canadiens .»

M. Terry Ursacki, professeur agrégé, faculté de gestion, université de Calgary)

« Nous savons que la réussite du commerce et des investissements en Asie dépend de l’établissement de liens et de partenariats à long terme. Cela ne changera pas. De l’avis de nombreux investisseurs, en se retirant maintenant alors que des problèmes se posent, ils ne pourraient pas faire comprendre plus clairement à leur hôtes asiatiques qu'en réalité ce marché ne les intéresse pas vraiment. »

(M. Robert Keyes, premier vice-président, Affaires internationales, Chambre de commerce du Canada)

Indépendamment des difficultés économiques actuelles, le Comité est convaincu de l’importance économique à long terme de l’Asie. Nous croyons que le gouvernement fédéral doit continuer de considérer l’Asie comme une zone géographique prioritaire.

Le Comité fait siennes les observations de Mme Hall (directrice générale, Asie du Sud et du Sud-Est, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international) quant aux occasions que le crise asiatique représente pour les investisseurs canadiens désireux d’acquérir à bon prix des entreprises en Asie de l’Est. Le Comité recommande donc :

Recommandation 7 :

Que le gouvernement fédéral maintienne une présence active dans la promotion du commerce et de l'investissement en Asie-Pacifique, tant à court qu’à long terme. L'Asie devrait demeurer une des grandes priorités de la politique commerciale canadienne. À court terme, le gouvernement fédéral devrait s’occuper d’aider les entreprises canadiennes à investir dans des entreprises stratégiques et à prix abordables en Asie de l'Est. D’autre part, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international doit exercer l’importante responsabilité qui est sienne d’avertir les entreprises canadiennes que faire du commerce en Asie n’est pas sans risque. Les entreprises canadiennes ne devraient être encouragées à investir dans les pays durement touchés par la crise que si des réformes sérieuses des finances et des institutions ont été opérées.


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