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VETE

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du sous-comité des
Affaires des anciens combattants

Fascicule 3 - Témoignages pour la séance de l'après-midi


OTTAWA, le lundi 2 février 1998

Le sous-comité des affaires des anciens combattants du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 13 h 13, dans le but de poursuivre son étude sur toutes les questions ayant trait à l'avenir du Musée canadien de la guerre, incluant, sans s'y limiter, sa structure, son budget, son nom et son autonomie.

Le sénateur Orville H. Phillips (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous avons le quorum. Nous accueillons cet après-midi MM. Joe Geurts et Daniel J. Glenney.

Je crois comprendre que ces deux témoins vont présenter un exposé et qu'ils vont ensuite nous expliquer le projet d'agrandissement en utilisant la maquette qui est installée au milieu de la pièce.

Le sénateur Jessiman: Monsieur le président, est-ce que ces deux témoins sont les seuls représentants du Musée canadien des civilisations qui vont comparaître devant le comité? Est-ce qu'il y en a d'autres qui vont comparaître plus tard?

M. Daniel J. Glenney, directeur général intérimaire, Musée canadien de la guerre: Je crois comprendre que M. MacDonald, le directeur général, et Mme Clarkson, la présidente, vont comparaître vendredi après-midi.

Je tiens à dire en mon nom et en celui de mon collègue, M. Geurts, que c'est un grand plaisir et un honneur de prendre la parole devant le Sénat canadien. Cette démarche s'inscrit dans le processus démocratique et parlementaire canadien, et nous sommes très fiers d'y être associés.

Avant de vous présenter mon exposé, j'aimerais vous rappeler que tout ce que nous allons dire aujourd'hui se rattache au mandat au Musée canadien de la guerre, qui est:

De perpétuer le souvenir des Canadiens qui ont servi à la guerre ou qui ont péri en conséquence de la guerre;

D'analyser l'histoire militaire et para-militaire du Canada et ses conséquences sur le Canada et les Canadiens; et

De documenter la contribution militaire canadienne vis-à-vis du maintien de la paix et de la sécurité nationale et internationale.

Nous allons maintenant vous montrer quelques diapositives sur le Musée canadien de la guerre et vous expliquer le cheminement qu'a connu l'institution sur le plan de la programmation et muséologique. M. Geurts vous parlera de la situation financière et de la gestion du musée.

Mon diaporama débute à la fin de la Première Guerre mondiale. M. Peters nous a fait, plus tôt ce matin, l'historique de l'institution. On décida, en 1919, de doter le Canada d'un grand musée de la guerre, un musée comparable à celui qui était en train d'être construit en Australie. D'importantes oeuvres d'art furent commandées. Le conseil responsable des trophées de guerre se rendit à l'étranger et ramena toutes sortes d'artefacts militaires. On prévoyait construire un immense musée sur la Pointe Nepean. Quand les édifices du Parlement prirent feu, des fonds furent débloqués pour assurer leur reconstruction. À peu près au même moment, le Canada entra dans une récession économique.

On peut voir dans le coin droit inférieur l'Immeuble des trophées de guerre, qui se trouve tout près de l'endroit où s'élève aujourd'hui le Musée canadien de la guerre. On voit dans le centre des fontaines, des jardins et un grand musée.

Cette diapositive-ci montre le Musée canadien de la guerre à l'époque des beaux jours, à la fin des années 1970, quand il occupait l'édifice des archives publiques, situé à la droite. Du côté gauche, on voit l'Immeuble des trophées de guerre qui a ouvert ses portes en 1942. Les édifices sont entourés de grands espaces ouverts. Il y a un immense stationnement pour les visiteurs et les autobus.

L'Immeuble des trophées de guerre a été démoli pour faire place au nouvel édifice de la Galerie nationale du Canada, à la fin des années 1980. Nous avons perdu notre salle d'exposition où l'on pouvait montrer, par exemple, des chars d'assaut et des pièces d'artillerie.

La diapositive suivante vous donne un aperçu de la situation telle qu'elle existe aujourd'hui. Le Musée canadien de la guerre est maintenant entouré de l'Hôtel de la Monnaie et du Musée des Beaux-Arts du Canada. Le stationnement n'existe plus, ce qui nous cause plusieurs problèmes -- que je décrirai plus tard.

Les réaménagements des dernières années, comme la perte du terrain de stationnement, ont eu un impact négatif sur le nombre de visiteurs. Nous avons toutefois enregistré une augmentation du nombre de visiteurs en 1993, 1994 et 1995, année où nous avons célébré l'anniversaire du musée et organisé des événements commémoratifs pour marquer la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Les anciens combattants ont joué un très grand rôle dans nos expositions. Malheureusement, ils ne sont plus tellement en mesure de visiter et d'appuyer le musée.

La diapositive suivante montre le lieu de résidence des visiteurs. Vous pouvez voir qu'ils viennent de l'Ontario, de la région de la capitale nationale, de l'étranger, de partout. Notre musée accueille essentiellement les mêmes visiteurs que n'importe quel autre musée national à Ottawa.

Les anciens combattants ont, au fil des ans, de plus en plus de difficulté à se déplacer à cause, tout simplement, des ravages du temps. Leur représentation au sein des visiteurs diminue donc. Les anciens combattants comptent aujourd'hui pour environ 5 p. 100 des visiteurs. Les groupes scolaires, eux, représentent environ 45 p. 100 des visiteurs, le reste se composant de visiteurs occasionnels, de baby-boomers avec leurs enfants, de familles, ainsi de suite. Même si les anciens combattants ne représentent que 5 p. 100 de notre clientèle, ils demeurent sans aucun doute nos clients les plus importants avec lesquels nous voulons rester en contact pendant encore de nombreuses années.

Nous allons parler plus tard de la nouvelle aile qui sera ajoutée au Musée canadien de la guerre et qui augmentera l'espace d'exposition d'environ 70 p. 100. La partie en vert indique l'espace que nous avons actuellement, tandis que la partie en rouge indique l'espace que nous espérons avoir quand le nouveau musée ouvrira ses portes en l'an 2000.

On peut voir sur cette diapositive-ci l'actuel Musée de la guerre sur la promenade Sussex; il occupe le seul édifice des archives qui reste. En contre-bas se trouve l'entrepôt, sur l'avenue Champagne, à Ottawa. Nous allons parler plus tard des plans d'intégration de ces deux édifices.

Le Musée canadien de la guerre abrite des objets qui rendent compte de mille ans d'histoire militaire. Nous avons, par exemple, des objets fabriqués par les Iroquois qui, au cours de la guerre de 1812, ont combattu aux côtés des milices canadiennes et britanniques.

L'exposition sur la Seconde Guerre mondiale figure parmi les expositions les plus populaires. Cette diapositive-ci montre des Canadiens se mobilisant pour l'effort de guerre en 1939.

La Mercedes d'Adolf Hitler constitue un de nos artefacts les plus recherchés. Nous avons montré, dans une salle attenante, une petite exposition sur l'Holocauste. Seulement 5 p. 100 de nos visiteurs sont des anciens combattants. Bon nombre des visiteurs sont des jeunes qui ne connaissent pas grand-chose à la Seconde Guerre mondiale. J'ai entendu des enfants dire «quelle belle voiture», et aussi «quel bel uniforme» quand ils ont vu le portrait d'un officier SS. Quand ils font des remarques comme celles-là, nous les dirigeons rapidement vers l'autre salle et leur expliquons ce que représentaient ces gens -- la mort, la destruction, la race suprême, l'Holocauste, ainsi de suite. Cette salle occupe une place de choix dans notre programme.

Puisque le musée analyse l'histoire militaire et para-militaire, il est important de parler des conséquences de la guerre sur la société. J'invite les sénateurs à jeter un coup d'oeil sur ce diorama qui montre le rôle déterminant qu'ont joué les femmes durant la Seconde Guerre mondiale, l'impact que cela a eu sur la perception qu'a la société du rôle des femmes, et la contribution du Canada, en tant qu'un des principaux producteurs industriels, à l'effort de guerre. En 1943, le Canada a consacré 80 p. 100 de son PNB à l'effort de guerre.

J'invite également les honorables sénateurs à examiner ce canon Bofors qui a été fabriqué au Canada et manipulé par une équipe de la Marine royale canadienne.

Les Forces aériennes ont également joué un rôle important. Les avions de guerre appartiennent non pas au Musée canadien de la guerre, mais au Musée national des sciences et de la technologie. Toutefois, il nous arrive à l'occasion d'emprunter un avion pour une exposition.

La salle de l'Honneur est une pièce fort importante et j'aimerais vous en dire quelques mots. Lorsque le rapport du groupe de travail a été rédigé en 1991, le Musée canadien de la guerre n'avait pas encore eu l'occasion d'effectuer de nombreux changements. L'histoire militaire s'est arrêtée le jour J, en juin 1944. Il n'y a pas eu grand chose après cela. Grâce à l'aide accordée par la Corporation du Musée canadien des civilisations, nous avons pu établir la chronologie de l'histoire militaire canadienne depuis les premiers temps jusqu'à aujourd'hui. Nous sommes maintenant en mesure de présenter un tableau détaillé de notre histoire militaire, en mettant surtout l'accent sur le côté humain de la guerre.

On peut voir, sur cette diapositive-ci, la salle de l'Honneur. En 1990, nous avons mis en montre environ 4 000 médailles, et cette exposition a grandement suscité l'intérêt des collectionneurs. Toutefois, nous nous sommes vite rendu compte qu'environ 95 p. 100 des visiteurs ne comprenaient rien à ces médailles. Nous avons donc aménagé cette salle qui illustre la carrière militaire de Canadiens.

Par exemple, un module est consacré à Billy Bishop. On y trouve sa biographie où l'on explique comment il est devenu le plus grand pilote des forces alliées durant la Première Guerre mondiale, et comment il a obtenu la Croix de Victoria. On y voit également quelques artefacts importants.

À côté du module de Billy Bishop se trouve celui de Michael Ralph, un soldat exceptionnel. La plupart des Canadiens n'ont jamais entendu parler de lui. Il a été le premier soldat canadien à trouver la mort en Bosnie, en 1992. Au cours d'une des cérémonies les plus émotives auxquelles il m'ait été donné d'assiste, la veuve de Michael Ralph et ses deux jeunes filles ont remis son uniforme et ses médailles au musée.

Cette salle est consacrée aux héros canadiens, depuis les premiers temps jusqu'à aujourd'hui. Certains arborent la Croix de la Victoire, et le public les reconnaîtra, mais d'autres sont inconnus. Ils représentent les millions de Canadiens qui ont servi à la guerre et les 114 000 qui sont morts au combat.

Un des membres du comité a dit que nous devrions être en mesure de reconnaître nos héros. C'est ce que nous permet de faire cette salle.

Nous organisons des expositions temporaires pour montrer les quelque 500 000 artefacts qui font partie de notre collection incroyablement vaste. La collection d'art militaire comprend 11 400 objets. L'exposition Vimy, par exemple, est une rétrospective des 80 années qui ont suivi la bataille du Plateau de Vimy. Les médailles au centre sont celles qui ont été décernées à Lord Byng de Vimy. Elles nous ont été prêtées par un collectionneur qui en a fait l'acquisition récemment.

La composition des visiteurs change. Souvent, la moitié de nos visiteurs sont des enfants. Nous pouvons voir, sur cette diapositive, la Salle des découvertes, une salle touche-à-tout où les jeunes, accompagnés de leurs parents, apprennent à connaître notre histoire militaire, aussi bien passée que présente. Nous avons ce que nous appelons des «répliques». Ainsi, au lieu d'insister pour que les jeunes ne touchent pas aux objets, nous les encourageons, dans cette salle, à manipuler toutes les pièces d'équipement et tous les uniformes.

Nous organisons de nombreuses expositions spéciales et manifestations commémoratives. Cette diapositive montre un programme que nous avons mis sur pied l'été dernier, de concert avec la Défense nationale, et qui donne un aperçu de l'armée telle que nous la connaissons aujourd'hui. Cette exposition a permis de montrer le MDN sous un jour fort positif. Nous espérons poursuivre notre collaboration avec lui.

Nous organisons toute une gamme de manifestations commémoratives. Ces diapositives de 1995 montrent des défilés et autres événements qui ont été organisés pour souligner le 50e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Nous avons eu récemment le privilège de récupérer le DC-3 qui s'est écrasé en Birmanie. J'ai d'ailleurs fait le voyage pour assister aux funérailles. Nos planificateurs songent à organiser une exposition pour rendre hommage aux six hommes qui ont péri dans l'accident. Ce sont là des exemples des sacrifices qu'ont fait les Canadiens dans le Pacifique.

La Maison Vimy, qui est annexée au Musée de la guerre, abrite 11 400 oeuvres d'art militaire que nous exposons dans le cadre d'expositions itinérantes et permanentes. Toute visite au 330 Sussex ne saurait être complète sans un arrêt à la Maison Vimy. On peut faire toutes sortes de recherches dans la bibliothèque. Nous avons 18 000 ouvrages et 5 000 documents d'archives.

La diapositive suivante montre un de nos invités préférés, Hartland Molson, qui a été fort généreux envers le musée. Il est un de nos parrains et un ancien pilote d'Hurricane. Il nous a aidé à mettre sur pied notre nouvelle bibliothèque.

Le sénateur Cools: Pas d'un Hurricane, mais d'un Spitfire.

M. Glenney: Merci.

Nous avions l'habitude de garder nos gros objets sous clé dans l'entrepôt, mais nous avons mis en place un programme pour les rendre accessibles. Nous ouvrons les portes de l'entrepôt et y exposons entre autres des mitrailleuses et des armes lourdes.

La prochaine diapositive montre notre collection de camions de la Seconde Guerre mondiale qui ont été construits au Canada et fournis à tous les alliés.

Voilà un bref aperçu de la programmation du Musée canadien de la guerre. Lorsque je reviendrai plus tard cet après-midi, je vous donnerai une idée des espoirs que nous fondons pour l'an 2000.

Nous avons l'intention de bâtir sur les réussites du passé. Avec la collaboration de nos donateurs et des bénévoles, nous avons fait des progrès au cours des cinq dernières années. Nous espérons poursuivre sur notre lancée.

Je vais maintenant demander à M. Joe Geurts de vous donner un bref aperçu des aspects administratifs et organisationnels du Musée canadien de la guerre.

M. Joe Geurts, directeur administratif et vice-président principal, Société du Musée canadien des civilisations: Malheureusement je dois toujours livrer la partie aride de l'exposé, c'est-à-dire les chiffres. Ce n'est certainement pas aussi intéressant que ce dont vous a parlé M. Glenney.

Pour répondre à un certain nombre de questions posées la semaine dernière et à l'observation que j'ai entendue ce matin, j'ai remis aux honorables sénateurs un jeu de quatre tableaux qui analysent les budgets du Musée canadien de la guerre pour les années allant de 1990-1991 à 1997-1998. Je vais essayer de vous présenter, du point de vue du musée, le financement gouvernemental et certaines des autres questions entourant les décisions budgétaires.

Je vais tenter de vous expliquer trois des lignes de la première page du jeu de tableaux que nous vous avons remis. Je serai ensuite à votre disposition pour répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser relativement à l'un ou l'autre des documents que nous vous avons remis.

J'aimerais d'abord attirer votre attention sur le sous-total qui figure sous la ligne «Budgets du Musée canadien de la guerre». En 1990-1991, lorsque le Musée canadien de la guerre a été transformé en société, son budget se chiffrait à 3 096 800 $. En 1997-1998, il est de 3 013 415 $. Certains rajustements et certains changements ont été effectués pendant cette période.

Le sénateur Jessiman: S'agit-il de dollars courants ou de dollars de 1991?

M. Geurts: De dollars courants pour l'année où le budget a été attribué.

Plus bas, j'ai aussi indiqué qu'un certain nombre de changements viennent s'ajouter au budget de fonctionnement de base.

Comme l'a dit M. Glenney, vous remarquerez à la prochaine ligne que la société a ajouté 1,7 million de dollars de 1993-1994 à 1995-1996 pour aider le Musée de la guerre à remettre à neuf ses salles d'exposition ou à en rajouter. Sur un troisième graphique à l'arrière figure une ventilation des affectations de dépenses.

Je demanderais maintenant que nous passions à la prochaine diapositive.

Elle fait état, par année, de l'ensemble du financement gouvernemental depuis 1991 -- il s'agit encore une fois de dollars courants. En 1990-1991, lorsque nous sommes devenus une société, le montant total des crédits gouvernementaux versés à notre société étaient de 33 934 000 $. Ce chiffre figure à la première ligne sous la rubrique «Financement gouvernemental» à la première page des tableaux que nous avons remis. Vous remarquerez que pour l'exercice 1997-1998, le financement gouvernemental, à l'exclusion de l'argent que nous recevons maintenant pour nos propriétés, puisque que nous en assumons maintenant la responsabilité, est de 29 121 000 $. Ainsi, depuis 1991, la société a subi des compressions de plus de 30 p. 100 à l'égard du financement gouvernemental -- et nous en donnons une ventilation à la deuxième page du jeu de tableaux afin de vous signaler les chiffres individuels, dont nous pouvons discuter si vous le voulez, de même que la répartition par musée.

Dans ce graphique en particulier, je signale que sur les compressions globales de quelque 13 millions de dollars effectuées depuis 1991, 12,7 millions ont touché le MCC et 488 000, le MCG.

Le dernier point sur lequel nous pouvons attirer votre attention -- pour démontrer une fois de plus le point que je voulais faire valoir -- c'est que, en ce qui concerne le pourcentage que le Musée canadien de la guerre touche des fonds gouvernementaux en baisse constante, nous constatons que de 7,75 p. 100 qu'il était en 1990-1991, il s'élève à 10,3. p. 100 en 1997-1998.

Il s'agit-là d'un très bref aperçu de ces graphiques. Je le répète, les nombres s'expliquent toujours de façon très aride.

J'aimerais récapituler les trois points. Le budget actuel du Musée canadien de la guerre en ce qui a trait à son fonctionnement direct, sans déboursés uniques ou projets spéciaux, est pour ainsi dire le même qu'en 1990-1991. Cependant, comme le souligne l'honorable sénateur, il vaut de toute évidence moins aujourd'hui qu'à cette époque. En outre, depuis 1991, le budget de fonctionnement de base de la société a été amputé de quelque 30 p. 100. Pendant cette période, nous avons essayé de maintenir le Musée canadien de la guerre à son niveau élémentaire du fait que, comme nous l'avons signalé dans le plan stratégique à long terme que nous vous avons remis la semaine dernière et dans les plans directeurs que nous avons déposés au Parlement, la société croyait que le Musée de la guerre avait besoin d'appui et devait rester un de ses centres d'intérêt.

Nous avons essayé de faire de notre mieux compte tenu des compressions de 30 p. 100 dont je vous ai parlé.

Je termine là-dessus.

Le sénateur Jessiman: Merci de votre exposé. À supposer que nous agrandissions le musée selon vos plans, aurez-vous alors suffisamment d'espace pour exposer tout ce que qui se trouve présentement entreposé?

M. Glenney: Aucun musée n'expose tous ses objets en même temps. Le musée veut se garder une réserve afin d'être en mesure d'assurer un roulement des objets étant donné l'usure inhérente à l'exposition même.

Il y a deux éléments. Premièrement, l'espace d'exposition croîtrait de l'ordre d'environ 70 p. 100 sur la Promenade Sussex ce qui donnerait plus de place pour les gros objets de même que pour les objets délicats qui composent la collection d'art militaire. En même temps, nous avons ouvert au public notre entrepôt, la Maison Vimy. Nous ajoutons ainsi 30 000 pieds à l'espace d'exposition pour montrer les gros artefacts.

À l'heure actuelle, nous exposons un peu moins de 1 p. 100 de notre collection. De nombreux musées nationaux importants, par exemple l'Imperial War Museum, pourraient penser qu'ils s'en tirent très bien s'ils peuvent exposer entre 5 et 10 p. 100 de leur collection. Nous pourrons exposer davantage d'objets grâce à cet espace d'exposition supplémentaire et à ce que nous pouvons offrir à la Maison Vimy, sans compter des programmes comme les visites guidées spéciales dans des secteurs de la collection qu'il est difficile de rendre largement accessibles, par exemple la chambre forte. Il serait difficile de donner un pourcentage, mais en l'an 2000, le visiteur moyen pourrait voir beaucoup plus d'objets qu'e ce n'est le cas à l'heure actuelle.

Le sénateur Jessiman: Vous avez dit que le musée moyen montre environ 5 p. 100 de l'ensemble de ses oeuvres?

M. Glenney: Oui, 5 p. 100 au moins.

Le sénateur Jessiman: Vous en montrez à peu près 1 p. 100?

M. Glenney: À l'heure actuelle, sans tenir compte de la Maison Vimy.

Le sénateur Jessiman: Si vous augmentez la superficie pouvez-vous nous dire quel pourcentage de la collection vous pourrez montrer? Parle-t-on de 2 p. 100, 1,5 p. 100 ou que sais-je encore?

M. Glenney: Il est difficile de prévoir le pourcentage étant donné que nous exposerons les gros objets dans la Maison Vimy. Cent chars d'assaut et pièces d'artillerie occuperont un vaste espace alors qu'il se peut que nous ayons 3 000 médailles dans une chambre forte dont la dimension est du quart de cette pièce. Je pense que je peux dire en toute sécurité que nous exposerons facilement deux fois plus d'objets qu'à l'heure actuelle.

Le sénateur Jessiman: Environ 2 p. 100 donc?

M. Glenney: Peut-être 2 ou 3 p. 100. Le Musée de la guerre occuperait une place plus acceptable à l'échelle mondiale. Il est difficile de citer un chiffre étant sonné le problème que nous éprouvons à l'heure actuelle pour dessiner nos salles. Pour l'instant, nous exposons un avion Spitfire. Il s'agit d'un artefact. Si nous l'éliminions, nous pourrions alors exposer 30 toiles ou 100 médailles. Je vous donne aussi là une idée de l'ampleur de notre collection.

Le sénateur Jessiman: Vous avez parlé de l'avion qui s'était écrasé en Birmanie. Savez-vous si vous avez un objet quelconque concernant les quelque 60 hommes qui ont été tués à Ostende en 1944 à la suite de l'explosion qui a fait sauter environ 12 vedettes lance-torpilles, y compris huit ou neuf bâtiments canadiens?

M. Glenney: Nous n'avons rien là-dessus pour l'instant. Je ne sais pas si nous avons quelque chose dans notre collection qui s'y rapporte, mais cela semble de toute évidence un chapitre intéressant de notre histoire. J'aimerais en apprendre davantage à ce sujet.

Le sénateur Jessiman: Je sais de source sûre qu'il y avait seulement deux flottilles canadiennes de vedettes lance-torpilles. La première était la 65e Flottille, qui comportait huit bâtiments appelés «longs» en anglais et équipés de quatre torpilles chacun. La deuxième était la 29e Flottille, qui regroupait huit bâtiments équipés de deux torpilles chacun. À la fin de la guerre, tous ces bâtiments avaient disparus. Soit qu'ils ont été coulés par des mines ou par l'ennemi, soit qu'ils ont été atteints par des obus provenant de destroyers, de dragueurs ou que sais-je encore. J'ai essayé d'obtenir de l'information sur ces bâtiments. Je ne crois pas qu'il existe quoi que ce soit en ce qui a trait à ces flottilles.

M. Glenney: Il n'y a rien qui soit exposé. Nous pourrions vérifier dans la collection. Je pourrais peut-être m'entretenir avec vous à la pause pour obtenir des précisions.

Le sénateur Jessiman: Je suppose que vous avez beaucoup de renseignements sur les Corvettes.

M. Glenney: Oui.

Le sénateur Jessiman: Et sur les dragueurs de mines qui ont dragué la Manche avant le jour-J?

M. Glenney: Oui.

Le sénateur Jessiman: Et sur le seul porte-avions que nous avions?

M. Glenney: Nous avons une belle maquette du Bonaventure, monsieur. Elle est en montre au troisième étage.

Le sénateur Jessiman: Et, je suppose, sur d'autres petits bâtiments de défense littorale comme le Fairmiles?

M. Glenney: Ces choses sont en effet interprétées de temps à autre, monsieur.

Le président: Monsieur Glenney, je crois que vous venez tout juste de constater l'importance que revêt pour les anciens combattants l'histoire de leur unité. Comme vous pouvez le constater, le sénateur Jessiman a servi dans les escadrons auxquels il a fait allusion.

Le sénateur Kelly: Monsieur Glenney, je vous remercie de votre exposé. J'ai quelques questions au sujet de votre rôle. Vous êtes directeur général intérimaire?

M. Glenney: C'est exact.

Le sénateur Kelly: Vous êtes le guide principal pour ce qui est de la façon dont le Musée de la guerre s'acquittera de son mandat.

M. Glenney: Je serai comptable au président-directeur général et, par son entremise, au conseil d'administration.

Le sénateur Kelly: J'essaie de vous situer dans la hiérarchie. Vous êtes comptable au directeur général du Musée canadien des civilisations?

M. Glenney: Oui. Je suis chargé de tous les aspects du fonctionnement quotidien du Musée de la guerre. Je relève directement de M. George MacDonald, le président-directeur général de la Société du Musée canadien des civilisations. Mon collègue M. Geurts est notre directeur administratif. Il me donne des conseils techniques et m'est d'un grand secours. Nous sommes tous les jours en contact l'un avec l'autre. M. MacDonald est responsable de l'ensemble de tout cela auprès de notre conseil d'administration.

Le sénateur Kelly: Je comprends la hiérarchie. Je n'essaie pas de vous coincer. Je veux tout simplement comprendre.

Ce matin, on nous a donné une description du mandat du Musée canadien de la guerre. Si j'ai bien compris, il s'agit pour le musée de perpétuer le souvenir des Canadiens qui ont servi à la guerre, de présenter l'histoire militaire du Canada et de documenter la contribution militaire canadienne vis-à-vis du maintien de la paix.

M. Glenney: C'est sa mission fondamentale.

Le sénateur Kelly: Très bien. Lorsque vous essayez de rassembler des avis sur la façon dont ce mandat devrait être accompli -- et vous devez être une personne clé à cet égard -- à qui vous adressez-vous? Vous êtes jeune. Je ne crois pas que vous ayez servi dans l'une ou l'autre des grandes guerres.

M. Glenney: Je suis un baby-boomer.

Le sénateur Kelly: À qui demandez-vous conseil? Parlez-vous à des membres de la Légion ou à des anciens combattants des deux guerres?

M. Glenney: C'est une bonne question. Je suis assez nouveau dans ce poste. J'ai aussi occupé les postes de directeur des opérations de même que de directeur des collections et de la recherche au Musée canadien de la guerre.

Nous avons fait plusieurs choses au cours des dix dernières années. Premièrement, nous avons mis sur pied notre programme des Amis du Musée canadien de la guerre. Vous entendrez leur témoignage plus tard. Ce sont de bonnes personnes-ressources parce que certaines d'entre elles sont des anciens combattants et d'autres sont des gardiens de la paix modernes ou des soldats de l'OTAN. De plus, nous avons eu de bonnes relations spéciales avec diverses organisations comme la Légion royale canadienne et divers groupes d'anciens combattants.

Nous avons eu de bonnes relations avec certains anciens combattants, selon le projet. Par exemple, lorsque nous avons ouvert notre galerie sur la Guerre de Corée, nous avons organisé une importante cérémonie d'ouverture à laquelle nous avons invité tous les anciens combattants de la Guerre de Corée. Nous avions une relation plutôt ponctuelle avec eux jusqu'à ce moment-là. Plusieurs anciens combattants nous ont parlé et nous ont donné des souvenirs pour la galerie.

Le sénateur Kelly: Vous aviez parlé à certaines de ces personnes avant de préparer la manifestation?

M. Glenney: Oui. C'est une chose qui évolue aussi. Aujourd'hui, dans le monde des musées, la consultation est beaucoup plus organisée que par le passé. C'est une orientation que nous avons adoptée au cours des dernières années.

Le sénateur Kelly: Mais vous convenez que c'est important.

M. Glenney: C'est extrêmement important. Comme votre collègue l'a mentionné, il existe toutes sortes d'histoires que nous ne connaissons pas. Par exemple, un ancien combattant qui participait à notre atelier m'a donné un cours sur l'artillerie utilisée pendant la Seconde Guerre mondiale. L'autre jour, il m'a montré comment démonter complètement une mitraillette Thompson pendant mon heure de lunch.

Le sénateur Kelly: C'est formidable. J'aurais pu vous le montrer moi aussi.

En ce qui concerne les auditoires que vous voulez atteindre, convenez-vous qu'il faudrait cibler entre autre les jeunes?

M. Glenney: Je suis absolument d'accord. Les jeunes sont notre plus important groupe cible, pour plusieurs raisons. Tout d'abord -- et je dis cela avec le plus grand respect -- il y a le déclin rapide de la communauté des anciens combattants. Je dis cela avec beaucoup de respect et d'affection.

Le sénateur Kelly: Nous «devenons moins nombreux», nous ne sommes pas sur le «déclin»!

M. Glenney: Très juste.

Les enfants et les adultes autres que des anciens combattants représentent environ 95 p. 100 des visiteurs au musée. Nous devons adapter notre programme en fonction d'eux parce qu'ils ne connaissent pas bien notre histoire militaire. Pour beaucoup de nos visiteurs, la Seconde Guerre mondiale, c'est l'époque de leur grand-père. Pour eux, la Première Guerre mondiale et la Guerre des Boers pourraient tout aussi bien être la Guerre de 1812.

Si nous voulons offrir des programmes commémoratifs, nous devons d'abord informer nos visiteurs. Il ne suffit pas d'exposer un artefact. Il faut leur demander: «Savez-vous ce que c'est? Savez-vous que cet artefact a été fait au Canada et a été utilisé par les Canadiens, ici et là. Cela remonte à l'époque de votre grand-père, mais si vous êtes ici aujourd'hui, c'est grâce à cela.» Il faut donc faire tout un préambule avant de pouvoir présenter, dans certains cas, même le plus simple des artefacts. Si nous ne le faisons pas, le nombre de nos visiteurs continuera de diminuer, et les jeunes ne considéreront plus le musée comme un musée pertinent pour le XXIe siècle, et tous ces objets commémoratifs seront perdus à tout jamais. On n'enseigne pas cette histoire dans les écoles. Notre musée est l'un des rares endroits où ils peuvent l'apprendre.

Le sénateur Kelly: Je ne veux pas monopoliser tout le temps que nous avons ici, mais j'aimerais savoir dans quelle mesure vous êtes proactif. Si vous estimez que les jeunes sont une partie importante de notre collectivité et que vous constatez que les visites des écoles sont moins fréquentes, que pouvez-vous faire pour y remédier?

M. Glenney: Premièrement, il y a environ cinq ans, nous avons mis sur pied un programme de visites guidées où nos «Amis» ont aidé entre autres à offrir des visites guidées. Les enfants d'âge scolaire peuvent venir au musée parler à un ancien combattant ou à un membre des Forces armées modernes ou à un amateur d'histoire militaire. Il y a environ trois ans, nous avons mis sur pied un département d'éducation. Nous avons engagé d'anciens enseignants pour mettre au point un programme axé sur le Musée canadien de la guerre et fournir des conseils sur les programmes établis par le Québec et l'Ontario. De plus, nous avons notre propre site Web sur Internet, qui est très populaire auprès des jeunes. Nous sommes donc accessibles aux jeunes de partout au pays. Grâce aux visites scolaires, au musée, aux médias électroniques, nous sommes en train de cibler rapidement ce jeune auditoire. C'est l'une des choses les plus importantes que nous pouvons faire.

Le sénateur Prud'homme: Nous avons reçu un document qui déclare, en partie, que la Société du Musée canadien des civilisations, le Congrès juif canadien et les Anciens combattants juifs du Canada aimeraient faire une déclaration conjointe en réponse à la controverse.

Qui nous a envoyé ce document?

Le président: Cela ne fait pas partie de leur présentation.

Le sénateur Prud'homme: Le sénateur Cools et moi-même aimerions en savoir plus à ce sujet.

Le président: J'ai distribué ce document pour qu'on en discute plus tard. J'espérais qu'il pourrait être distribué à notre réunion à huis clos mais je ne l'avais pas à ce moment-là. Lorsque je l'ai reçu, je l'ai fait distribuer aux membres du comité.

Le sénateur Prud'homme: Cela modifie ma façon d'aborder cette semaine de débat concernant le musée. Je peux maintenant poser des questions à propos des autres aspects de cette question qui m'intéressent. Je suis heureux que vous m'ayez arrêté à temps.

Je suis heureux d'entendre que vous mettez l'accent sur les jeunes. La première chose que je fais lorsque j'accueille les enfants qui visitent le Parlement -- et cela fera 34 ans cette semaine -- c'est de les amener à la Chapelle du Souvenir. Je suis extrêmement solennel lorsque je le fais. J'exige le silence total. Je leur dis que c'est une chapelle et je leur explique ce qu'elle commémore. Je l'ai fait pour plus de 30 000 personnes. Comme vous l'avez dit, ils ne savent pas de quoi il s'agit.

Au Musée de la guerre, procédez-vous de la même façon que nous à la Chapelle du Souvenir -- c'est-à-dire en exigeant le silence et en expliquant que plus de 60 000 Canadiens sont morts durant la Première Guerre mondiale, plus de 45 000 durant la Seconde Guerre mondiale et plus de 526 durant la Guerre de Corée? Nous avons même réservé un coin pour Terre-Neuve qui n'était pas une province canadienne à l'époque. Après 1949, nous avons préparé un livre spécial pour les anciens combattants de Terre-Neuve. Nous avons maintenant la marine marchande. Nous expliquons l'importance de leur participation.

Des millions de nouveaux Canadiens ne savaient absolument pas que le Canada avait participé à la libération de l'Europe. Mon frère aîné a servi comme volontaire. Il a quitté l'école en 1939 et a servi en Europe jusqu'en 1945. Il n'est pas important que le nombre d'anciens combattants diminue. Certaines personnes les traitent de tous les noms, dont certains sont terribles. Bien entendu, ils sont en train de mourir et se font vieux -- certains avec grâce et d'autres avec beaucoup de difficultés. Cela n'est pas important, mais ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas s'y intéresser. Le Musée canadien de la guerre devrait apprendre aux visiteurs quel a été le rôle de ces anciens combattants et mettre l'accent sur le Canada et les Canadiens qui sont allés se battre pour la liberté.

Les nouveaux Canadiens -- et je le dis avec respect car la moitié d'entre eux sont mes électeurs -- doivent savoir quelle était notre position. Il faut savoir ce que cela signifie, lors de la Première Guerre mondiale, d'envoyer un million de soldats à l'étranger. C'est incroyable, compte tenu de la petite population du Canada à l'époque, qui n'était même pas de 15 millions.

On peut susciter l'enthousiasme des jeunes en piquant leur curiosité à propos de choses qu'ils ne connaissent pas. C'est ce sur quoi le musée devrait mettre l'accent. Vous avez fait une remarque à propos de cette fâcheuse voiture nazie. Si on ne donne aucune explication au sujet de cette voiture, il est évident que les enfants trouveront que c'est une belle voiture. Il faut qu'ils sachent que c'est la voiture d'un monstre.

Comment procédons-nous? Les moyens ne manquent pas. On n'apprend pas ce genre de choses aux enfants aujourd'hui. Ils ne sont pas au courant, et il faut les mettre au courant, il faut qu'ils sachent que la population du Canada a participé aux grandes guerres. Ils ne savent rien à propos de la participation des Canadiens français, des Indiens ou des Métis. Qui le leur apprendra? C'est tout ce que nous avons ici -- le Monument commémoratif.

Vous avez une grande responsabilité, celle de mettre l'accent sur la participation du Canada aux guerres mondiales afin que toutes les générations qui se succèdent soient au courant de cette participation.

J'ai vu des gens se rendre sur la Colline du Parlement chaque année pour lire les noms des morts dans le livre qui se trouve dans la tour de la Paix, et ils pleurent. Ce pourrait être les noms de votre grand-mère, votre grand-père, votre oncle ou votre père. Les noms des personnes mortes à la guerre sont inscrits dans ce livre, et chaque jour on tourne une page. Cependant, les enfants ne savent rien à ce sujet. Qui le leur dira? C'est la raison pour laquelle nous avons des musées.

Bien des gens vont voir l'exposition Rembrandt, par exemple, mais ceux qui le connaissaient personnellement sont de moins en moins nombreux, eux aussi. C'est ce que vous avez dit plus tôt. Les gens qui ont connu la guerre sont de moins en moins nombreux.

J'espère que d'ici la fin de cette semaine, vous constaterez que vous avez des gens qui vous appuient au Sénat. Notre travail est de suivre l'évolution de la situation.

Vous avez ce genre de programme. C'est ce que je voulais dire.

M. Glenney: Je suis tout à fait d'accord avec vous.

Dans ma prochaine présentation, plus tard cet après-midi, je vous en dirai plus à propos de notre nouvelle salle du souvenir et d'autres projets que nous avons pour notre nouveau Musée canadien de la guerre.

Lorsqu'un groupe d'enfants arrive, nous l'amenons d'abord dans notre aire d'orientation où nous avons des agrandissements de photos montrant des soldats canadiens qui ont participé à toutes les guerres mondiales. Il y a des slogans sur le mur de l'aire d'orientation. L'un d'entre eux dit, «Au cours du XXe siècle seulement, 114 000 Canadiens sont morts à la guerre». Un autre slogan dit, «La guerre touche tout le monde». Il y a une photo d'un soldat canadien qui aide un petit enfant français lors de la Première Guerre mondiale, par exemple. Il faut sensibiliser les enfants, leur dire qu'ils sont dans un endroit presque sacré. Je dis cela très sérieusement. Ils deviennent alors extrêmement attentifs lorsqu'on leur fait visiter nos différentes expositions.

Comme dans notre musée, toutes les guerres sont représentées jusqu'à aujourd'hui, ils ont assurément acquis de bonnes connaissances de base une fois la visite terminée.

Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit. C'est pourquoi nous sommes tellement enthousiastes au sujet de la possibilité d'agrandissement du musée, ce qui nous permettra de nous acquitter encore mieux de notre travail à l'avenir.

Le sénateur Forest: J'aimerais en savoir plus à propos de la diminution du financement du musée et de l'état de la collection. Cependant, simplement par curiosité, comment avez-vous obtenu la «belle» voiture?

M. Glenney: C'est une histoire très intéressante. Elle a été capturée par les Américains à la fin de la guerre. Elle avait été criblée de balles de petit calibre et de projectiles de canon de 20 millimètres. Elle a ensuite été expédiée aux États-Unis où un collectionneur privé l'a achetée et l'a ensuite vendue à un autre collectionneur privé qui l'a restaurée. Au début des années 1970, ce collectionneur en a fait don au Musée canadien de la guerre et cette voiture y est exposée depuis.

Le sénateur Forest: Je crois comprendre que vous ne pouvez exposer qu'une certaine partie de votre collection en même temps. Je me demandais quel est l'état de la collection qui n'est pas exposée. Vous avez parlé d'un plan d'entrepôt. Est-ce que la collection est en train de se détériorer à cause d'un manque de financement? Êtes-vous en mesure de la conserver dans un état qui permettra de l'exposer?

M. Glenney: Pour l'instant, les deux grandes priorités de la société sont l'agrandissement du musée sur Sussex et trouver de meilleurs locaux pour notre collection. À la Maison Vimy aujourd'hui, nous nous débrouillons. La chambre forte où se trouvent les oeuvres d'art, par exemple, est climatisée, même si elle est assez exiguë. Les gros artefacts sont conservés à l'entrepôt qui était autrefois un entrepôt pour autobus. Ils sont à l'abri des intempéries; leur état est stable.

Chaque année, un membre de notre personnel participe à une restauration majeure. Par exemple, une trentaine de nos véhicules lourds sont en état de marche, depuis une autochenille Ford 1936 jusqu'aux véhicules utilisés dans le cadre d'activités de maintien de la paix. Nous faisons un assez bon travail pour l'instant mais il est toujours possible de faire mieux. Dans un musée, on aimerait toujours pouvoir faire mieux.

Les artefacts ne courent aucun risque pour l'instant bien que la société ait nettement indiqué qu'elle veut trouver de meilleurs locaux pour que la collection survive au-delà du XXIe siècle et même jusqu'au XXIIe siècle.

M. Geurts: Pour l'information du comité, la société avait essayé de remplacer la Maison Vimy, comme nous l'appelons. En 1994, nous avions pris un engagement très solide à l'endroit du Musée de la guerre en préparant une présentation au Conseil du Trésor pour faire l'acquisition du Centre d'essais techniques (Terre), qui se trouve dans l'est de la ville. Malheureusement, c'est la GRC qui en a hérité puisqu'elle en avait les moyens. Cela pose un problème en ce sens qu'il faudrait compter entre 15 et 20 millions de dollars pour remplacer cet établissement.

Nous sommes en train de préparer une autre présentation pour examiner d'autres possibilités de remplacer l'établissement loué par un autre établissement loué, mais pas dans la gamme de 15 à 20 millions de dollars. Le coût pourrait être d'un million de dollars par année ou quelque chose du genre. Nous sommes en train d'étudier une autre option, pour voir si nous en avons les moyens. C'est aussi une priorité de la société.

Le sénateur Chalifoux: Qui vous conseille? Vous dites que vous faites appel de façon ponctuelle à des anciens combattants. Avez-vous examiné la PP Veterans Association ou l'Association des anciens combattants des fusiliers de la Reine?

Comme vous vous en doutez, je n'étais pas partisane de l'idée de changer les uniformes et de se débarrasser de toute notre fière histoire des régiments. Y a-t-il des expositions au musée sur nos différents régiments et sur le rôle que chacun d'eux a joué, comme le Royal Edmonton Regiment? La liste est longue. Et les Royal Winnipeg Rifles à Hong Kong? Avez-vous fait quoi que ce soit à cet égard?

M. Glenney: Pour le 50e anniversaire de la bataille de Hong Kong, nous avons ouvert une galerie spéciale -- une galerie permanente -- sur la bataille de Hong Kong. Les deux régiments -- le Royal Canadian Rifles et le Royal Winnipeg Rifles -- y sont mentionnés. Il y a quelques années, nous avons reçu un don qui nous a permis d'ajouter à cette exposition la Croix de Victoria du sergent-major de compagnie John Osborne, tué à Hong Kong.

D'autres régiments sont également représentés. Il y a quelques années, nous avons mis sur pied une exposition sur le thème «Tradition of Valour», qui souligne le rôle de la Princess Patricia's Canadian Light Infantery et du Royal 22e Régiment. À une autre occasion, nous avons mis l'accent sur l'art militaire de la cavalerie canadienne, le régiment Strathcona et d'autres régiments. Parfois, nous mettrons l'accent sur des régiments en particulier.

Nous avons des protocoles de coopération avec une quinzaine de musées et d'établissements militaires. Nous sommes également un élément important de l'organisation des musées militaires du Canada. Cela signifie que nous avons automatiquement accès à tous ces groupes. En fonction des priorités du moment, nous pouvons alors constituer une petite équipe.

Par exemple, lorsque nous avons organisé l'exposition «Tradition of Valour», nous avons constitué une équipe dont je faisais partie ainsi que d'autres membres du personnel du musée et des membres des deux musées de régiment. Nous avons mis en commun nos artefacts et nos programmes.

En plus des Forces canadiennes en général, le musée s'intéressera à l'Aviation royale du Canada. Comme je l'ai dit plus tôt, nous avions un programme à propos des pilotes de l'Aviation royale du Canada en Birmanie. Nous avons présenté une exposition sur la Marine royale canadienne. Nous tâchons de mettre l'accent sur ces groupes.

Comme nous avons l'avantage d'avoir 500 000 artefacts, nous pouvons alterner les expositions pendant des années et des années sans qu'elles deviennent répétitives.

Le président: J'aimerais débattre avec vous de l'utilité de la voiture d'Hitler, mais je préfère le faire en privé. J'ai déjà indiqué publiquement que je ne crois pas que cette voiture soit d'une grande utilité pour expliquer aux Canadiens la contribution des militaires.

Il y a quelques années, je visitais le musée en compagnie de mes deux frères qui sont des anciens combattants, l'un de la guerre de Corée. Dans la galerie consacrée à la guerre de Corée, il y avait un vidéo qui montrait le Princess Patricia's Canadian Light Infantery, accompagnée de quelques tanks, en train de gravir une colline. J'ai trouvé que c'était une excellente idée.

Devant nous, il y avait un groupe d'anciens combattants de la guerre de Corée qui a reconnu l'un des soldats dans le vidéo et a dit, «C'est Charlie». L'un d'entre eux a dit que Charlie serait étonné et heureux d'apprendre qu'on l'avait vu dans le vidéo. Quelqu'un d'autre a dit, «Non, il ne sera pas heureux parce que je vais lui rappeler qu'à l'époque il avait des cheveux et pas de bedaine».

Bien que les films ne présentent peut-être pas autant d'intérêt pour les anciens combattants, je pense que c'est un excellent outil d'apprentissage pour les élèves. Le sénateur Kelly a posé plus tôt une question sur les expositions que vous présentez lorsque vous faites des visites aux élèves. J'aimerais qu'il y en ait plus et je vous conseillerais d'utiliser les documentaires de l'époque. Il y a beaucoup de documentaires de la Première Guerre mondiale et de la Seconde Guerre mondiale. Surtout, je vous en prie, n'utilisez pas le film des frères McKenna.

Le sénateur Cools: J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins. Je tiens à appuyer ce que le sénateur Phillips a dit à propos du film La Bravoure et le Mépris. Le sous-comité, présidé par le sénateur Marshall, qui a étudié le traitement réservé aux anciens combattants dans le film des frères McKenna La Bravoure et le Mépris, avait conclu que l'opinion du sénateur Phillips demeure une opinion répandue chez de nombreux anciens combattants.

Ces derniers jours, nous avons constaté un énorme intérêt de la part des journaux pour ces audiences. Le sous-comité sénatorial des Affaires des anciens combattants tient de nombreuses réunions et on s'y intéresse rarement. Cependant, ce sujet suscite beaucoup d'intérêt. Toute la tribune des journalistes semble présente aujourd'hui, ce qui est assez inhabituel. Je leur souhaite donc la bienvenue et je les invite à revenir.

Ce matin, le sous-ministre adjoint intérimaire de Patrimoine Canada, M. Peters, a pris la peine de nous décrire les relations indépendantes qui existent entre les ministres et des sociétés de la Couronne comme la vôtre. Essentiellement, votre société est une société indépendante qui a une très grande marge de manoeuvre. Certains d'entre nous ne se mêlent de certaines choses que lorsqu'ils trouvent qu'elles vont terriblement de travers. Compte tenu de cette grande marge de manoeuvre et des ressources considérables dont vous disposez pour agir de façon indépendante, j'aimerais savoir en quoi consiste cette controverse. Vous dites que vous êtes un groupe indépendant. J'aimerais savoir pourquoi et comment cette controverse a surgi et comment vous prévoyez la régler.

M. Glenney: Je suis sûr que vous vous rendez compte qu'il s'agit d'une question très complexe. Je vais tâcher de vous donner une réponse satisfaisante.

Il y a un certain nombre de facteurs. Une partie du problème, c'est que chaque génération interprète l'histoire à sa façon et en tire les leçons qui lui conviennent. Une question qui pourrait sembler importante à une génération ne l'est peut-être pas autant pour une autre.

Il s'agit sans aucun doute de la survie du Musée de la guerre. J'ai été très heureux de constater toute l'attention accordée au musée car cela nous indique que tout le travail que nous avons fait au cours des dernières années n'a pas été en vain, que les gens tiennent au Musée de la guerre. Il faut aussi tenir compte du fait que dans notre pays, les anciens combattants ont souvent l'impression de n'être pas aussi bien connus que ceux d'autres pays. J'ai eu l'impression que les anciens combattants britanniques ou américains se sentent peut-être mieux accueillis dans leur propre pays. Au Canada, des hommes et des femmes sont allés à la guerre et se sont battus bravement et noblement pendant des années. Lorsqu'ils sont revenus chez eux et qu'ils ont enlevé leur uniforme, on a oublié leurs efforts. Comme la guerre s'est passée ailleurs, elle n'est pas aussi bien connue ici. À bien des égards, les histoires des régiments canadiens sont mieux connues en Hollande qu'ici.

Je pense que c'est parce que les anciens combattants et les historiens canadiens estiment que le Canada en général ne s'intéresse pas suffisamment à l'histoire militaire en général. On veut donc s'assurer que l'histoire militaire est présentée correctement et que tout ajout à notre programme et à notre mandat existant correspond à cette démarche.

Pour ce qui est d'expliquer comment et pourquoi cette controverse a surgi...

Le sénateur Cools: Vous pourriez peut-être nous dire exactement en quoi consiste cette controverse.

M. Glenney: Très brièvement, le Musée canadien de la guerre propose, par l'entremise de notre société, d'agrandir l'établissement situé sur la promenade Sussex et, dans le cadre de notre mandat actuel, d'élargir la portée de plusieurs programmes. D'après ce que j'ai pu en déduire, on se demande surtout si le musée est l'endroit approprié pour présenter la réalité de l'Holocauste, sous la forme proposée, et que j'expliquerai plus tard aujourd'hui.

L'Holocauste fait partie depuis huit ans de notre exposition sur la Seconde Guerre mondiale et cet élément a été bien accepté. Nous avons organisé une exposition spéciale sur Anne Frank qui a été bien accueillie. Lors de sondages récents, deux visiteurs sur trois ont indiqué qu'ils voulaient en savoir plus à propos de l'Holocauste dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale. Une partie du problème concerne peut-être la taille que devrait avoir l'exposition sur l'Holocauste. Notre société a un point de vue à ce sujet et d'autres gens ont une opinion différente. Je ne crois pas que l'on conteste la pertinence de l'Holocauste comme sujet. On se demande plutôt s'il devrait être présenté au Musée de la guerre et la superficie qui devrait y être consacrée.

En ce qui concerne l'aspect philosophique, les anciens combattants canadiens se sentent négligés dans ce pays, et avec raison. Le Canada ne leur accorde pas suffisamment d'attention comparativement à ce que font d'autres pays.

Quant à la façon dont la controverse a surgi, c'est que nous avons décidé de rendre public notre projet d'agrandissement au tout début du processus pour recueillir des commentaires. Nous n'avions pas beaucoup d'information sur la couleur des murs ou les artefacts qui seraient exposés parce que c'était trop tôt dans le processus. À l'heure actuelle, nous avons un comité d'universitaires chargé d'établir le fondement historique de la pertinence de l'Holocauste pour le Canada. Par conséquent, je ne peux pas vous dire exactement en quoi cette exposition consistera ou quels en seront les thèmes précis. Cela pose des difficultés pour certaines personnes qui veulent savoir exactement ce qui se trouvera dans la galerie sur l'Holocauste. Nous avons décidé de mettre le public au courant très tôt, avant d'avoir tous les renseignements. Il nous faudra donc attendre d'en savoir plus. Bien des gens aimeraient savoir immédiatement à quoi ressemblera la galerie mais pour l'instant, il nous est impossible de leur fournir cette information.

Nous prévoyons régler cette question par des séances comme celle-ci. Nous avons eu plusieurs séances d'information avec des groupes d'anciens combattants, des groupes muséologiques et d'autres groupes intéressés pour leur expliquer ce que nous sommes en train de faire et pourquoi, et pour leur demander leurs commentaires et leurs conseils.

À l'une des présentations, certaines personnes ont vivement critiqué le projet de galerie sur l'Holocauste. À une autre présentation, les personnes présentes étaient surtout préoccupées par la structure du toit parce que nous venions de subir la tempête de verglas. Les préoccupations des gens dépendent des groupes dont ils font partie et de ce qu'ils considèrent important.

Pour régler la question, nous devons accroître la communication et poursuivre nos recherches pour donner aux gens une idée de ce que nous proposons exactement. Ces séances font partie d'un processus logique et sain. Nous sommes en train de recueillir de l'information et des opinions. Je pense que le produit final sera satisfaisant.

Le sénateur Kelly: C'était une bonne réponse à une question très difficile. Cependant, j'aimerais examiner un peu plus votre réponse.

Vous reconnaissez que nous n'expliquons pas bien l'histoire militaire du Canada aux Canadiens, que peut-être le manque d'intérêt est attribuable non pas à la nature des Canadiens mais à la nature de l'effort ou à l'absence d'effort. Quoi qu'il en soit, l'élément de votre mandat est de perpétuer le souvenir des Canadiens qui ont servi à la guerre et de présenter l'histoire militaire du Canada, et nous avons des lacunes à cet égard.

Nul ne peut nier, ici ou ailleurs, à quel point il est important de garder intacte la mémoire de l'Holocauste et de cette page abominable de l'histoire mondiale. Cela ne fait aucun doute. Ma question ne vise pas à en diminuer l'importance, car elle va de soi.

Comme vous saviez clairement pouvoir améliorer la présentation de notre histoire militaire, comment avez-vous décidé, dans le cadre du projet d'agrandissement, qu'il serait préférable que l'Holocauste soit représenté dans ce musée plutôt que d'avoir son propre monument très important ailleurs?

Je sais que je plonge au coeur du débat, mais je n'arrive pas à faire le lien entre ces deux choses. Vous reconnaissez, depuis le début, l'importance de mieux présenter l'histoire militaire du Canada -- les gens qui se sont enrôlés, qui ont porté l'uniforme, qui sont allés se battre et qui ont fait tout ce qu'il fallait faire. Par contre, lorsque vous avez eu l'occasion d'approfondir la question, vous avez dit «Mettons cela de côté pour l'instant et occupons-nous de ceci qui est vraiment un sujet distinct».

M. Glenney: Pour préciser, lorsque j'ai dit que nous n'avons pas fait du bon travail, je voulais dire le pays. George Stanley a écrit un ouvrage intitulé Canada's Soldiers: The Military History of an Unmilitary People. C'est fondamentalement l'éthique dont je parle. Au Musée canadien de la guerre, nous avons amélioré la qualité de nos expositions. Nous allons élargir la portée du programme actuel. Nous allons prendre ce qui a fonctionné par le passé, garder le meilleur et insister davantage sur d'autres aspects -- par exemple, mettre davantage l'accent sur l'aspect commémoratif de notre interprétation de l'histoire militaire.

Dans le cadre de l'agrandissement du musée, nous avons pensé qu'il serait bon d'inclure une galerie sur l'Holocauste. L'idée n'est toutefois pas d'ajouter simplement une annexe au musée et d'y installer comme ça une galerie sur l'Holocauste; cela fait partie d'un plan d'ensemble.

Si vous allez au Musée de la guerre aujourd'hui, vous y verrez certains éléments dont vous vous souviendrez. Si vous y allez en l'an 2000 ou 2001, lorsque nous ouvrirons nos portes, vous y verrez les meilleurs de ces éléments recyclés et améliorés. Vous pourrez constater qu'on accorde plus d'importance à l'aspect commémoratif; vous y verrez la nouvelle galerie sur l'Holocauste qui permettra d'expliquer pourquoi il était si important que le Canada participe à la Seconde Guerre mondiale et à quel point les Nazis étaient l'incarnation du mal. Bien des jeunes ne sont pas au courant de cet élément d'information fondamental, la barbarie du régime nazi. Ils n'en ont jamais entendu parler. C'était l'objectif visé. Cela fait partie de l'amélioration du programme. L'objectif n'était certainement pas d'améliorer la galerie sur l'Holocauste et de laisser de côté la Première Guerre mondiale ou la Guerre des Boers.

Le sénateur Kelly: Ce que vous voulez dire, c'est que l'installation sur l'Holocauste est importante parce que les gens ne sont pas suffisamment au courant de cette page de notre histoire. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Cependant, vous dites vouloir agrandir votre fief pour être sûr de conserver cet élément, pour faire en sorte qu'il devienne de votre ressort. Or le problème, c'est que cela ne fait pas partie de votre mandat.

M. Glenney: En ce qui concerne notre mandat, je vous renverrai à la phrase «d'analyser l'histoire militaire et paramilitaire du Canada et ses conséquences sur le Canada...» Comme dans tous les pays civilisés, l'Holocauste a eu un incroyable impact sur notre pays. Il nous a forcés à examiner des choses comme les droits de la personne, à investir dans des politiques de lutte contre le racisme et ce genre de choses.

Cela fait partie de l'histoire mondiale, de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. Le nouveau musée devra peut-être présenter la situation en Russie à l'époque, pour situer les choses dans leur contexte. C'est un élément de la participation à une guerre mondiale.

Le sénateur Kelly: Monsieur Glenney, nous avons, vous et moi, joué les bâtisseurs d'empire -- moi dans les coulisses et vous au centre. Vous venez de décrire parfaitement le processus: débordons juste un peu du mandat de base et essayons de l'agrandir progressivement. En cours de route, vous brouillez les questions centrales qui se trouvent toutes mises dans le même sac. On se trouve alors avec un mélange de toutes sortes de choses, un peu comme un parc d'attractions. Ce n'est pas le rôle que le Musée de la guerre est censé jouer.

M. Glenney: La présentation que je ferai plus tard, où je vous montrerai le modèle de façon plus détaillée apaisera peut-être certaines de vos préoccupations. Nous vous montrerons la proportion et ce qu'un visiteur au musée verrait en l'an 2000. Je comprends ce que vous dites et c'est une observation valable. Les choses seront plus claires lorsque j'expliquerai comment tout cela s'intègre.

Le sénateur Cools: Peut-être à votre retour, monsieur Glenney, vous pourriez aborder plus en détail la question soulevée par le sénateur Kelly, à savoir le musée comme entreprise commerciale ou la fonction de bâtisseur de musée ou d'empire et la nécessité pour les ministères d'élargir leur mandat. Nous sommes bien au courant de ce genre de question ici, comme sénateurs. Peut-être à votre retour, pourriez-vous aborder directement cette question.

En ce qui me concerne, le rôle d'un musée consiste à relater l'histoire et il faut parfois faire des compromis très raisonnables entre ce que je considère être la vérité et l'opportunité.

M. Glenney: Oui.

Le sénateur Chalifoux: J'ai certaines réserves. Comme le sénateur Kelly l'a indiqué de façon si éloquente, une partie de votre mandat consiste à analyser l'histoire canadienne de la guerre. Or, rien n'a encore été dit à propos de la guerre de 1812, ni de la guerre des fourrures du Nord-ouest et de la terre de Rupert; et aucune mention n'a été faite des anciens combattants autochtones ou métis ou des questions concernant les anciens combattants autochtones et ce qui s'est passé lorsqu'ils ont perdu leur statut, leurs terres et leur identité parce qu'ils se sont battus pour le Canada. J'aimerais savoir si vous comptez aborder cet aspect.

M. Glenney: Oui. Je vous remercie d'en avoir parlé. Pour apporter des précisions à propos de l'une des diapositives que je vous ai montrées plus tôt, l'un des dioramas dont je suis très fier au Musée de la guerre à l'heure actuelle est le diorama d'un guerrier autochtone de la guerre de 1812, un guerrier iroquois qui s'est battu, comme des centaines d'autres, pendant la guerre de 1812.

À l'heure actuelle, au Musée de la guerre, vous pouvez parcourir toutes les galeries en commençant par les premiers contacts, lorsque les Vikings sont arrivés la première fois en Amérique du Nord, la guerre de 1812, la guerre de Sept Ans, et cetera. La période autochtone est une période qui m'intéresse beaucoup parce que j'ai fait ma thèse de maîtrise sur les Indiens et la guerre de 1812.

Le rôle des Autochtones du Canada est extrêmement important. Pour montrer la continuité de la participation autochtone, nous avons utilisé le même moule du guerrier iroquois de la guerre de 1812 pour le visage de l'un des soldats canadiens de la campagne d'Italie, représentés dans la galerie de la Seconde Guerre mondiale. De nombreux Canadiens autochtones se sont enrôlés et se sont distingués lors de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée.

Dans notre galerie sur la guerre de Corée, nous avons une photo merveilleuse -- j'utilise des exemples qui me viennent à l'esprit -- d'une équipe de tireurs d'élite composée du père et du fils qui sont tous deux des Autochtones du Canada. Le père est un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale; le fils a environ 19 ans. Dans la photo dont je vous parle, ils sont debout et regardent le fusil de tireur d'élite. Vous pouvez voir que le père est extrêmement fier d'être là avec son fils.

En ce qui concerne d'autres groupes canadiens, nous avons une photo très intéressante de Canadiens d'origine japonaise dans l'armée canadienne lors de la Seconde Guerre mondiale. Nous utilisons cette photo pour aborder la question de l'internement des Japonais lors de la Seconde Guerre mondiale et pour montrer qu'à la fin de la guerre, ils étaient intégrés dans l'armée et se sont en fait très bien débrouillés.

Ici encore, nous sommes limités par la superficie dont nous disposons. Même avec notre projet d'agrandissement, nous ne faisons qu'effleurer la surface. Cependant, je peux vous garantir, tant d'un point de vue personnel que muséologique, que c'est la chose à faire, qu'il faut présenter l'histoire tout au début, les guerriers autochtones et pas seulement l'histoire d'il y a 200 ans.

Le sénateur Chalifoux: Les Métis se sont heurtés à de la résistance lorsqu'ils se sont battus pour l'Ouest du Canada.

M. Glenney: Lorsque nous allons refaire nos galeries, nous allons améliorer celles consacrées à l'époque de 1885. Nous présenterons les deux points de vue, de façon objective et juste, je l'espère. Nous avons obtenu récemment des artefacts métis très intéressants qui remontent à 1885, entre autres une belle carabine Winchester avec des clous en laiton qui a été prise à Cut Knife Hill. Des artefacts de ce genre permettront de présenter les deux facettes de l'histoire. On peut les montrer à des jeunes et leur dire entre autres, «Cette carabine a été utilisée par un guerrier métis qui s'est battu pour ses convictions en 1885». C'est un aspect que nous considérons effectivement important.

Le sénateur Chalifoux: J'ai un fusil de cette époque.

M. Glenney: Nous nous parlerons plus tard.

Le sénateur Phillips: Merci beaucoup, monsieur Glenney. Nous vous reverrons cet après-midi.

Notre prochain témoin est le général Ramsay Withers du Groupe de travail sur les collections des musées d'histoire militaire au Canada. Nous lui avons demandé de limiter ses remarques au groupe de travail Southam de 1991. Je crois que le général Withers en faisait partie. Il a également présenté un mémoire à titre personnel. Si vous voulez bien commencer et nous parler du groupe de travail.

Général (à la retraite) Ramsay Withers, Groupe de travail sur les collections de musées d'histoire militaire au Canada: Monsieur le président, j'aimerais vous parler du groupe de travail. Dans le temps dont nous disposons, je pense que nous devons en donner un aperçu, après quoi nous verrons si vous avez des questions.

Je remonterai au moment qui a précédé sa création. Pourquoi ce groupe a-t-il été mis sur pied? Le point de départ, à mon avis, a été le Congrès national de la Légion royale canadienne qui s'est tenu en 1988 et au cours duquel une résolution très ferme a été adoptée déplorant l'état du Musée canadien de la guerre. J'aimerais vous demander combien d'entre vous ont visité le musée en 1988, c'est-à-dire les deux endroits, 330 Sussex et la Maison Vimy?

Le sénateur Phillips: Je n'ai pas vu la maison Vimy.

M. Withers: Je vais donc vous expliquer de façon plus précise pourquoi nous avons adopté cette résolution.

À l'époque, le Musée canadien de la guerre n'avait ni l'équipement ni le financement nécessaires pour préserver et présenter correctement notre patrimoine militaire. Au musée du 330 Sussex en 1988, l'histoire se terminait le jour J. Il n'y avait rien sur la campagne d'Italie, ni sur la force aérienne. Il n'y avait rien sur la bataille de l'Atlantique pas plus que sur la guerre de Corée. Il n'y avait rien sur les trois décennies de maintien de la paix, ni ce qui est devenue par la suite une activité plus fréquente des forces aujourd'hui, le rétablissement de la paix, dans des cas comme celui de la Bosnie qui ressemble beaucoup à une guerre conventionnelle.

De plus, en 1984, le musée a perdu environ 40 p. 100 de sa superficie d'exposition pour permettre la construction à côté du Musée des beaux-arts du Canada. Comme l'Immeuble des trophées de guerre a été démoli, il est devenu impossible de présenter de gros artefacts.

Le bâtiment au 330 Sussex n'avait pas les installations dont a besoin un musée. En 1988, il n'y avait pas d'endroit où faire asseoir les groupes d'élèves pour leur présenter certains des excellents documentaires qui existent. Cela était impossible au musée en 1988. Les présentations audio-visuelles étaient impossibles de même que les présentations ou les conférences d'interprétation. Il n'y avait même pas d'installations pour les visiteurs. Il n'y avait pas de vestiaire, mais il y avait des toilettes.

La Maison Vimy, où est entreposée la plus grande partie de la collection, et qui est en fait un garage recyclé de la Commission de transport régionale d'Ottawa-Carleton, était dépourvue des dispositifs de base de protection contre les incendies et de régulation du climat. Il était donc considéré comme un bâtiment à risque. La seule installation de conservation adéquate et climatisée dans l'édifice était la chambre forte où était conservée la collection d'art militaire canadien d'une valeur de 1,5 milliard de dollars, dont le Musée des beaux-arts avait décidé de se départir dans les années 1970.

Il ne faut pas oublier l'impact tout aussi négatif sur les employés du musée. En effet, sans le dévouement d'anciens combattants et d'anciens bénévoles ayant déjà servi dans les forces armées qui ont travaillé à rassembler la collection à la Maison Vimy, la situation aurait été plus désastreuse.

En 1988, les Musées nationaux du Canada, alors responsable du MCG, se concentraient sur deux projets de construction de grande envergure: le nouveau musée des beaux-arts et le site Laurier du Musée canadien des civilisations. Les Musées nationaux du Canada n'avaient ni temps ni argent à consacrer au Musée canadien de la guerre ou s'y intéressaient peu. Son conseil d'administration ne comptait pas parmi ses administrateurs d'anciens combattants ou des personnes ayant de l'expérience ou des intérêts dans le domaine militaire.

En outre, les gouvernements, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, n'ont pas vraiment accordé une grande importance au patrimoine militaire. En tant qu'ancien combattant de la guerre de Corée, j'en ai pour preuve que les années de la guerre de Corée, en l'occurrence 1950-1053, n'ont été inscrites sur le Mémorial national de guerre que 30 ans plus tard. Il a fallu attendre, le regretté honorable Georges Hees, ministre des Affaires des anciens combattants au milieu des années 80, pour recevoir ce bouton de libération suite à la guerre de Corée. Ce n'est qu'à la fin des années 80 qu'a été frappée la Médaille commémorative de service volontaire en Corée.

Telle était la situation en 1988 lorsque la ministre responsable, l'honorable Flora MacDonald, est intervenue en faisant nommer au sein du conseil d'administration un ancien combattant et en créant le comité consultatif du Musée canadien de la guerre.

Comme vous le savez, la Loi de 1990 sur les musées a donné naissance à quatre nouvelles sociétés d'État. Vous en avez entendu parler ce matin. La responsabilité du Musée canadien de la guerre a alors été confiée à la Société du musée canadien des civilisations. Parmi les administrateurs du premier conseil d'administration de la nouvelle société se trouvaient deux anciens combattants, le regretté Duncan Fraser, un universitaire de renom de la Nouvelle-Écosse et ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, et plus particulièrement de la campagne d'Italie -- et Duncan ne vous laissait jamais l'oublier -- et moi-même, un ancien combattant de la Guerre de Corée. Qui plus est, le président du conseil était M. Peter Herrndorf, le PDG actuel de TV Ontario, qui a passé son enfance aux Pays-Bas pendant l'occupation nazie. Il vivait dans une maison située à deux pas des quartiers généraux de la Gestapo.

Le conseil s'est immédiatement intéressé au sort du MCG. Il était bien conscient que, étant donné les sérieuses limites financières qui pointaient à l'horizon, des compressions s'annonçaient et qu'il faudrait définir de façon précise les besoins du musée sous une forme qui exigerait un engagement de la part des hautes instances gouvernementales. Ainsi, le conseil a recommandé que soit créé ce groupe de travail et qu'il soit sous l'égide des trois ministres les plus concernés -- ceux des communications, des anciens combattants et de la défense nationale.

Cependant, comme vous l'avez déjà constaté -- parce que l'on vous a remis, je crois, un exemplaire du rapport du groupe de travail -- le mandat a été sensiblement élargi. Il s'agissait d'examiner non seulement la question du MCG mais aussi l'histoire de toutes les collections des musées militaires au Canada. Vous avez vu les résultats. Je vais limiter cet après-midi mes observations à la partie qui porte sur le Musée canadien de la guerre. Je devrais dire aussi que ce rapport a aussi permis de répertorier les 160 collections qui existent d'un océan à l'autre.

Nous avons procédé à des recherches et à des consultations très approfondies à l'échelle du pays -- et cela inclut la visite de 89 sites, la tenue de 15 tables rondes, des rencontres en tête-à-tête avec un grand nombre de personnes de même que des entrevues avec des hauts fonctionnaires du gouvernement fédéral et des provinces, des représentants de la Légion royale canadienne, de l'Association des musées canadiens, des associations de musées provinciaux et ainsi de suite. Nous avons fait parvenir un questionnaire à quelque 2 000 personnes et avons obtenu 200 réponses. Un grand nombre de personnes nous ont fait parvenir des mémoires. Nous avons présenté notre rapport en 1991. Nos travaux auront duré sept mois au lieu des six qui nous avaient été accordés au départ. Il nous aura fallu un mois de plus.

Malheureusement, l'exercice s'est surtout soldé, je crois, par une importante séance de photo pour les trois ministres. L'engagement souhaité au plus haut niveau gouvernemental ne s'est jamais concrétisé. Il n'y avait pas d'argent frais pour donner suite aux recommandations. Il nous a semblé que persisterait l'opinion exprimée par le groupe de travail et selon laquelle le musée était un déshonneur pour les musées d'Ottawa et le fleuron miteux des musées possédant des collections de l'histoire militaire.

En fait, le régime de financement de la société dans son ensemble s'est détérioré. Au cours de l'exercice 1991-1992, les premières compressions ont été effectuées aux niveaux de référence. Une flopée de nouvelles compressions ont suivi. À la fin de mon mandat en 1995, le total cumulatif des compressions atteignait 7,5 millions de dollars. Soit dit en passant, à partir de ce moment, aucun ancien combattant ne siégeait au conseil et aucun de ses administrateurs n'avait servi longtemps au sein des forces armées. Le comité consultatif du Musée canadien de la guerre a cessé ses activités jusqu'à sa toute récente réinstauration. Il y a donc eu une période de battement de deux ou trois ans.

Cependant, il m'a plu de voir que, malgré les compressions budgétaires et le fait que ce rapport n'a pas vraiment donné lieu à des réalisations concrètes, ce sont les membres du conseil d'administration qui ont vraiment pris la chose à coeur. Malgré les compressions budgétaires, ils ont fait du Musée de la guerre leur principale priorité et n'ont pas dévié de leur objectif. Ainsi, même si les ressources sont beaucoup moindres que ce que nous avions espéré lors du dépôt de ce rapport, des progrès importants ont été accomplis à mon avis au bâtiment du 330 de la promenade Sussex. Aujourd'hui, si vous deviez vous rendre au musée, vous y verriez des expositions illustrant notre patrimoine militaire jusqu'en 1996. Il y est question de la campagne d'Italie -- Duncan Fraser s'en réjouirait -- et de la bataille de l'Atlantique, sans compter la guerre de Corée et les missions de maintien et de rétablissement de la paix.

En collaboration avec la société et ce, pour régler certains des problèmes de financement dont nous parlons ici, les Amis du Musée canadien de la guerre ont organisé une campagne de financement privée très ambitieuse intitulé «Passons le flambeau». Cette campagne s'achemine progressivement vers son objectif. La société a remplacé par ce dont nous vous avons parlé aujourd'hui ce que nous avions cru qui serait un projet beaucoup plus modeste sous la bannière de Passons le flambeau. Je n'ai pas besoin d'en dire davantage.

Parlons maintenant de la Maison Vimy. Depuis le dépôt du rapport du groupe de travail, la société a tenté à quelques reprises au fil des ans de trouver une solution de rechange à la Maison Vimy. Lorsque le ministère de la Défense nationale a annoncé la fermeture des Centres d'essais techniques à Orléans dans la région de la capitale nationale, nous y avons vu la possibilité d'un site parfait pour remplacer la Maison Vimy. Le CEET était une installation très moderne située, en plus, sur des terrains dont la superficie aurait permis d'exposer un grand nombre des véhicules de la collection. Comme celle-ci comporte des véhicules en état de marche de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, nous aurions pu faire de merveilleuses reconstitutions historiques.

Nous avons perdu la bataille auprès du Conseil du Trésor. La Gendarmerie royale du Canada, qui offrait plus d'argent, est sortie vainqueur.

Cependant, d'importantes améliorations ayant été apportées à la Maison Vimy, nous pouvons maintenant y accueillir le grand public. Elle peut jouer un rôle indispensable pour faciliter l'accès à notre patrimoine militaire.

Pour terminer, bien que je ne puisse qu'être déçu que ne se soient jamais concrétisés les grands espoirs que nous caressions il y a sept ans au sein du groupe de travail, deux choses m'encouragent: premièrement, depuis 1988 le MCG a été mis en valeur et témoigne de l'ensemble de notre patrimoine militaire jusqu'en 1996 et, deuxièmement, le modèle amélioré permettra enfin d'offrir, plus qu'adéquatement et pour la première fois, une salle réservée à l'art militaire ainsi qu'une salle convenable pour des présentations et des expositions didactiques éducatives à l'intention des générations présentes et futures. Enfin, il améliorera sensiblement la capacité du musée en ce qui a trait à la conservation.

J'espère, monsieur le président, que vous ferez tout ce qui est en votre pouvoir pour que ce nouvel objectif soit atteint par l'entremise des travaux de ce comité -- un objectif qui réalisera une bonne partie des espoirs que mes collègues et moi-même caressions lorsque nous avons produit ce rapport.

Le président: Merci, monsieur Withers.

Le sénateur Jessiman: Est-ce vrai, monsieur, que les recommandations qui avaient été faites étaient unanimes?

M. Withers: Oui, c'est vrai.

Le sénateur Jessiman: À la page 37 voici ce qu'on lit dans le rapport du groupe de travail:

... puisque le MCC a pour mandat de préserver et d'illustrer le panorama de la civilisation canadienne, ainsi que les objets provenant d'autres civilisations, nous croyons qu'il lui sera difficile, voire impossible, de bien situer notre patrimoine militaire, de le mettre en valeur et de l'interpréter efficacement.

Puis quelques lignes plus loin, on lit ce qui suit:

Bref, le statu quo administratif dans lequel est plongé le MCG nous paraît inacceptable. L'établissement doit obtenir l'autonomie s'il veut constituer un centre d'excellence au même titre que d'autres musées fédéraux.

Et enfin, voici ce que dit la recommandation 16:

Nous recommandons au ministre des Communications de déposer, en 1991, un projet de loi visant à assurer l'autonomie du MCG comme musée distinct relevant de son portefeuille.

N'êtes-vous pas d'accord, monsieur, qu'il s'agit d'un but que nous devrions tous essayer d'atteindre?

M. Withers: À plus long terme, oui. Je dis cela parce que je ne voudrais pas que rien nous écarte, en ce qui a trait aux ressources, du but que nous nous sommes fixé. La substance, en d'autres mots, de ce que nous pouvons obtenir et exposer au musée à l'intention de tous les Canadiens et utiliser pour enseigner aux jeunes Canadiens, est plus importante que n'importe quoi d'autre. Cette recommandation vise le plus long terme.

Le sénateur Jessiman: Vous avez dit que lorsque la Société du Musée canadien de la civilisation a été créée, il s'y trouvait deux administrateurs ayant certain passé militaire, en l'occurrence vous-même et Duncan Fraser. J'ai jeté un coup d'oeil très rapide à la liste actuelle des administrateurs. Je ne sais pas s'ils sont associés aux anciens combattants mais il n'y en a aucun, à coup sûr d'après ce que j'ai pu voir, qui a quelque chose à voir avec eux.

Les anciens combattants existent toujours. Ils sont plus âgés, mais ils sont toujours là. Vous avez recommandé l'autonomie du MCG comme musée distinct et ce, pourvu que les ressources soient disponibles. Vous le recommanderiez encore si vous aviez les ressources. Est-ce que je me trompe?

M. Withers: Laissez-moi revenir sur ce que j'ai dit plus tôt. J'ai dit que nous en avions trois. Nous avions deux administrateurs. Peter Herrndorf, le président, a grandi dans la Hollande occupée. Il y avait donc trois personnes -- y compris une personne assez importante, à savoir le président -- qui s'étaient donné pour tâche de faire tout ce qu'ils pouvaient pour le Musée canadien de la guerre. Ainsi, tenter de faire adopter une loi pour assurer l'indépendance du musée, dans un climat de fort resserrement budgétaire lorsque les hautes instances vous accordent leur appui, ne me semblait pas important.

En 1995, Peter Herrndorf n'était plus là; Duncan Fraser avait quitté ce monde et j'ai pris ma retraite. Mon mandat s'est terminé en 1995. À ce que je sache, aucun ancien combattant n'y a été nommé depuis. Pendant un certain temps, il n'y a pas eu de comité consultatif du Musée canadien de la guerre. Je crois comprendre qu'on l'a réinstauré récemment. Il y a donc eu une période de battement.

Le sénateur Jessiman: Je veux dire que, si le Musée canadien de la guerre disposait des ressources, il devrait avoir sa propre société et son propre conseil d'administration. La plupart des membres du conseil devraient avoir un lien avec les guerres passées ou celles qui se livrent aujourd'hui. N'êtes-vous pas d'accord avec cela?

M. Withers: Ce serait le meilleur de tous les mondes -- c'est-à-dire, si nous pouvions disposer des ressources. Le problème c'est que la volonté politique n'y est pas.

Le sénateur Jessiman: C'est la raison pour laquelle nous sommes ici.

M. Withers: C'est à cela que tout revient.

Le sénateur Jessiman: Nous sommes des politiciens et nous essayons de faire de notre mieux.

M. Withers: Eh bien! Bonne chance.

Le sénateur Forest: Je veux éclaircir un point. Je vous ai entendu dire que, pour le long terme, il serait préférable que le Musée canadien de la guerre devienne un groupe autonome?

M. Withers: Oui. Cependant, lorsque je dis cela, je soulève une autre question. Qu'en est-il du Musée national de l'aviation? Le mémorial de l'aviation y est situé. Certains sont d'avis que le Musée national de l'aviation a pour véritable mission de raconter l'histoire de l'aviation civile au Canada. J'opterais alors pour un nouveau Musée canadien de la guerre qui concilierait les deux. Je voudrais que certains changements soient apportés à la Société du Musée national des sciences et de la technologie. Je voudrais aussi que nous puissions faire davantage pour ce qui est de l'aspect maritime de l'histoire militaire canadienne, ce qui n'est pas facile ici, à Ottawa.

Idéalement, il faudrait effectivement une approche plus globale.

Le sénateur Forest: Ai-je bien compris ce que vous avez dit, que vous ne voudriez pas que quoi que ce soit compromette l'avenir de cet agrandissement, c'est-à-dire de ce dont vous parliez?

M. Withers: Je ne voudrais pas que le projet actuel soit menacé et je ne voudrais pas voir un sou qui pourrait être affecté à des expositions aller à l'administration.

Le sénateur Forest: J'appuie certes ce que vous dites au sujet de l'histoire navale, ayant moi-même été mariée à un ancien combattant de la Marine.

M. Withers: Le musée a signé d'excellents protocoles d'entente ou de coopération qui lui permettent de faire le plus possible avec les ressources limitées dont il dispose pour les deux musées situés sur nos côtes, c'est-à-dire le Musée maritime de Halifax et le Musée maritime de Victoria, en Colombie-Britannique.

Le président: Général Withers, votre recommandation de reporter à plus tard la mise en oeuvre complète de la recommandation 16, pour reprendre vos paroles, me laisse un peu perplexe.

Cette recommandation date de plus de sept ans. Vous, signataire de cette recommandation, venez maintenant nous dire que vous aimeriez effectivement qu'elle soit mise en oeuvre, mais plus tard. Cette contradiction me plonge dans la plus grande confusion. Si la recommandation était valable il y a sept ans, qu'est-il arrivé entre-temps pour vous faire changer d'avis et vouloir la reporter à plus tard? Pouvez-vous me l'expliquer?

M. Withers: C'est parfaitement clair. Il est également très clair qu'ils n'ont pas augmenté les ressources, non plus.

Pourquoi gaspiller notre énergie à une question administrative quand d'autres dossiers sont plus prioritaires? Si, comme le prévoyait notre principale recommandation, on s'était engagé à mettre sur pied un nouveau Musée canadien de la guerre comportant une Maison Vimy renouvelée, nous en aurions été très heureux. La recommandation 16 est une bonne recommandation qui est toujours valable, à condition que l'on donne une réponse concrète aux questions posées dans le rapport.

Le président: Vous m'intriguez quand vous parlez de «réponse concrète» aux problèmes réels décrits dans le rapport. Je l'ai lu plutôt attentivement. Je ne vous demanderai pas de nous décrire ces problèmes en détail, mais j'aimerais que vous les énumériez.

M. Withers: En ce qui concerne le Musée canadien de la guerre, la principale recommandation est la recommandation 15, voulant que le ministre recommande, d'ici 1995, que soit réaménagé et agrandi l'immeuble abritant le Musée canadien de la guerre sur la promenade Sussex de manière à pouvoir interpréter l'histoire militaire du Canada et à exposer la collection d'art militaire du musée et que soit construit un nouvel immeuble à proximité du Musée national de l'aviation, à Rockliffe, pour accueillir les collections de recherche et la bibliothèque du musée, de même que ses services de recherche, de conservation et d'administration. En somme, il s'agirait de remplacer la Maison Vimy. Ce sont-là les deux plus importantes recommandations de tout l'ouvrage.

Le président: Vous parlez de «construire» un nouvel immeuble. Plus tard, nous entendrons un particulier qui m'a communiqué par télécopieur son opinion, une fois le comité formé. Il a proposé que nous examinions la possibilité de loger le musée dans l'immeuble Connaught. Je ne vous demanderai pas de commenter avant qu'il n'ait témoigné, mais un autre immeuble, comme l'immeuble Connaught ou ce qui faisait auparavant partie des archives, sur la promenade Sussex, et qui est maintenant utilisé par le Conseil national de recherches, pourrait-il être utilisé en vue de minimiser le coût? Je prévois que nous serons aux prises avec ce problème pour quelques années encore.

M. Withers: Oui, monsieur. Le groupe de travail a examiné cette option. Un plan d'expansion avait été dressé pour le musée avant 1988. Dans ce plan, plusieurs emplacements éventuels avaient été examinés le long de ce que nous pourrions qualifier de Parcours d'honneur, c'est-à-dire au centre-ville d'Ottawa. Un de ces emplacements était l'actuel immeuble abritant les archives, sur la rue Wellington. Je ne crois pas que nous nous soyons arrêtés particulièrement à l'immeuble Connaught, mais nous avons certes étudié les possibilités de l'immeuble du CNRC.

Je soupçonne que, si nous examinons l'immeuble Connaught, nous en viendrons à la même conclusion que lorsque nous avons examiné l'immeuble du CNRC, c'est-à-dire que le coût du contrôle des conditions ambiantes et d'installation de tout le reste du matériel que les experts estiment essentiel à un musée -- le genre de choses qui ont été prévues au Musée des beaux-arts du Canada et au Musée des civilisations -- serait plus élevé que le coût de tout démolir et de reconstruire.

On me dit aussi qu'un élément du nouveau plan pour l'immeuble situé au 330 de la promenade Sussex exige de nouveaux travaux pour qu'une grande partie de l'immeuble achevé réponde aux normes environnementales. L'immeuble Connaught est convenable, mais sa rénovation serait très coûteuse. L'autre hic, c'est qu'il ne réglerait pas le problème de la Maison Vimy.

Le président: Qu'en est-il de l'immeuble du CNRC et du terrain qui l'entoure?

M. Withers: Il remplacerait en réalité l'immeuble de la rue Sussex. C'est l'immeuble que nous avons examiné, et nous avons conclu que le coût des travaux serait astronomique.

Le président: Mais qu'en est-il du terrain qui entoure cet immeuble, par opposition au terrain actuel autour du musée de la guerre?

M. Withers: Il est certes plus agréable à regarder. Il aurait peut-être aussi l'avantage de faciliter l'accès à la rivière des Outaouais, si le musée finissait par acquérir un bâtiment naval. Dans mon temps, le musée avait envisagé la possibilité d'acquérir un dragueur de mines, quand les bâtiments de la classe Bay ont été mis au rancart sur la côte Ouest. En fait, ce projet a monopolisé beaucoup d'énergie de l'amiral à la retraite Dan Mingie, qui s'était porté volontaire. Le plan était d'acheter le bâtiment de guerre et de l'exploiter ici, avec sa peinture de camouflage et son équipement d'origine, comme un bâtiment naval en service, un peu comme le NCSM Sackville à Halifax.

On a beaucoup travaillé à cette idée, et l'étude a été adoptée. Cependant, il a fallu y mettre un frein en raison du coût. Cela aurait été trop dispendieux. Dans la mesure où les Amis du Musée canadien de la guerre sont touchés -- et j'en suis membre --, nous éprouvons actuellement d'importantes difficultés à atteindre l'objectif de financement que nous nous étions fixé dans le cadre de notre projet «Passons le flambeau». Il est essentiel que nous l'atteignions si nous voulons respecter notre partie de l'entente intervenue dans ce dossier. Je suppose qu'il nous faudra renoncer à ce projet, mais ce serait une possibilité à cet emplacement. Il est, je crois, un peu plus près de l'eau.

Le président: Je crois qu'en tant que membre des Amis du Musée canadien de la guerre, vous avez été consulté concernant la planification des travaux d'agrandissement projetés au musée actuel?

Général Withers: En tant qu'amis de l'organisme, nous avons effectivement été consultés.

Le président: Je vous remercie de cet exposé des plus intéressants et francs. Nous accordons de la valeur à votre témoignage en raison de votre longue association avec le groupe de travail et le musée ainsi que de votre expérience.

M. Glenney et M. Geurts sont de retour. Je leur demanderais de bien vouloir prendre la parole.

M. Mark Muise, député de West Nova, s'est joint à nous. Nous lui souhaitons la bienvenue. De plus, les deux députés qui étaient présents ce matin et qui ont dû nous quitter pour assister à la période de questions ont eu la gentillesse de revenir.

M. Geurts: Je vous remercie beaucoup, monsieur. Nous aimerions vous donner un aperçu de l'évolution du programme que nous avons dévoilé en novembre, à Ottawa. Je vais commencer par vous faire une très brève description du cheminement que nous avons fait avant d'aboutir à ce modèle, après quoi Dan vous donnera les précisions sur le plan actuel de rénovation, c'est-à-dire sur les programmes et outils qui seront fournis. Je passerai rapidement en revue avec vous des diapositives, dont vous avez reçu copie.

De novembre 1993 à mars 1994, nous avons mené une première étude de faisabilité du programme prévu pour l'immeuble de la promenade Sussex en vue de déterminer s'il était possible d'ajouter une annexe. L'étude a confirmé que c'était effectivement possible. Plusieurs options, évaluées à 6 millions de dollars, ont été avancées.

Aux alentours de juillet 1994, nous avons commencé à évaluer le CEET comme solution de rechange pour la Maison Vimy. Nous avons rédigé une présentation au Conseil du Trésor à l'automne de 1994, mais le gouvernement a rejeté notre requête. Le même automne, les Amis du Musée canadien de la guerre ont commencé à planifier une levée de fonds en vue d'amasser 6 millions de dollars. On estimait à ce moment-là qu'il existait suffisamment d'appuis au sein des diverses collectivités et qu'il était possible de recueillir un pareil montant pour construire une annexe au 330 de la promenade Sussex.

À mesure que progressait la planification, en juin 1995 pour être exact, nous nous sommes rendus compte qu'il faudrait réviser cet objectif. Nous avons jugé, de concert avec les Amis du Musée canadien de la guerre, qu'il serait plus réaliste de viser un montant de 2 millions de dollars.

C'est alors que la société a pris l'engagement auprès des Amis du musée. Le conseil d'administration a adopté une résolution engageant la société à verser au moment opportun 4 millions de dollars de ses propres fonds à ce projet.

En janvier 1996, le Musée canadien de la guerre a commencé à planifier l'utilisation de ce nouvel espace. Je souligne le fait pour bien faire comprendre que la planification de cette annexe et de ces programmes n'a commencé qu'il y a deux ans.

En juin 1996, les Amis du musée ont officiellement lancé le programme «Passons le flambeau». La campagne a été des plus réussies. En cours officiellement depuis juin 1996 seulement, c'est-à-dire depuis quelque 20 mois, elle a permis d'amasser jusqu'ici 2,5 millions de dollars en dons et en promesses de don.

En septembre 1996, nous avons réalisé la première esquisse des plans d'étage pour la nouvelle annexe qui devait être construite à l'arrière. Certains d'entre vous ont eu connaissance de la demande de propositions faite en avril 1997 en vue de choisir un architecte pour la construction de l'annexe. Les plans d'étage figuraient dans cette demande. C'est à ce moment-là qu'ils ont commencé à voir le jour, en septembre 1996.

Le sénateur Jessiman: La demande sollicite-t-elle des propositions ou est-ce un appel d'offres?

M. Geurts: C'est une demande de propositions.

En avril 1997, nous avons en réalité lancé un appel d'offres national en vue de choisir un architecte pour l'annexe. Comme vous le savez tous, en juin 1997, le choix s'est porté sur l'architecte Jack Diamond. Après son intégration dans l'équipe, nous avons adopté un nouveau concept, élaboré de concert avec le Musée canadien de la guerre. Une rencontre avec l'équipe du musée et tout le personnel, de même qu'avec les Amis du musée, nous a portés à réévaluer l'objectif de la levée de fonds en fonction du programme qu'avait mis sur pied le musée de la guerre. Nous avons fixé à 12 millions de dollars le nouveau budget du projet, soit 5 millions amassés dans le cadre du programme «Passons le flambeau» et 7 millions de dollars versés par la société.

À nouveau, le conseil d'administration de la société a adopté une résolution. La société prenait officiellement l'engagement d'affecter un certain niveau de ressources au début et à la fin du projet.

Voilà, en bref, comment nous en sommes arrivés là. Je demanderais à M. Glenney de vous décrire les plans actuels concernant l'aménagement du nouvel immeuble.

M. Glenney: Sénateurs, avec votre permission, j'aimerais m'installer au milieu de la pièce pour vous faire cette description. Voici la maquette préparée par la firme Jack Diamond & Associates pour montrer, en trois dimensions, de quoi aura l'air le nouveau musée.

Je souligne qu'il s'agit d'une proposition de l'architecte. Il ne faut pas y voir une ébauche de conception détaillée. C'est une simple suggestion faite par l'architecte pour exécuter le projet. Elle est audacieuse, mais ce n'est qu'une idée, sans plus.

Nous tenons à souligner les deux rôles de ce nouveau Musée canadien de la guerre, soit l'élément commémoratif et l'élément éducatif. Au XXIe siècle, à mesure que s'estompera le souvenir de la guerre, la seule façon de le perpétuer sera d'éduquer le public.

Nous allons en quelque sorte visiter la maquette, comme un visiteur qui entrerait au nouveau Musée canadien de la guerre en l'an 2000.

Au fil des ans, le personnel au 340 de la promenade Sussex a travaillé très fort à surmonter plusieurs difficultés causées par l'architecture de l'immeuble. La première est le manque d'espace. Quand nous avons perdu l'immeuble où étaient exposés les trophées, nous ne pouvions plus exposer les gros véhicules ou l'artillerie lourde. Autre problème, l'immeuble ne permet pas de contrôler les conditions ambiantes. L'hiver, l'air est parfois si sec que l'on se croirait dans le désert alors que l'été, l'eau suinte le long des murs. Pareilles variations ne sont pas très bonnes pour bon nombre d'artefacts délicats.

Les fils électriques causent aussi des problèmes. Si une cérémonie d'ouverture ou une réception a lieu dans certaines de nos galeries, il faut éteindre les lumières pour faire bouillir de l'eau, sans quoi les plombs sautent. Le câblage date des années 20.

Le dernier problème est le manque de visibilité, sur la promenade Sussex. Quand la plupart des gens qui ne nous connaissent pas passent devant le musée, ils croient qu'il s'agit d'un immeuble à bureaux de la Monnaie royale ou d'un entrepôt quelconque du Musée des beaux-arts. Le musée est trop en retrait.

La promenade Sussex est un bon emplacement parce qu'elle fait partie du Parcours d'honneur. Comme l'histoire militaire canadienne a tant d'importance au Canada, il est tout à fait naturel que le musée se trouve sur le Parcours d'honneur, en plein coeur d'Ottawa. C'est aussi un bon endroit pour attirer les touristes, mais il n'est pas sans inconvénients.

Je vais vous dire pourquoi la proposition faite par Jack Diamond nous enthousiasme tant. Il nous a permis de travailler dans le cadre de notre mandat existant en vue d'améliorer nos points forts. Nous n'ajouterons pas de nouvelles attributions à notre mandat, parce que c'est inutile. Le mandat actuel nous permet de mettre sur pied de nouveaux programmes intéressants.

Le concept général prévoit la construction d'une seconde aile, en forme de L. Cette partie-ci de l'ancien immeuble qui abritait les archives publiques a été construite avant la Première Guerre mondiale et l'autre a été ajoutée dans les années 20. L'architecte voulait à l'origine construire une autre aile ici pour fermer la boucle. Malheureusement, c'était sans compter la crise économique des années 30 et la Seconde Guerre mondiale.

La proposition de Jack Diamond prévoit que nous construirons une aile sur le côté et une autre à l'avant. Ainsi, la cour extérieure, en avant, serait couverte par un toit de verre moderne. Cette conception offre de nombreux avantages, que je vous décrirai dans quelques instants.

Selon cette proposition, l'espace disponible pour exposer serait accru de 70 p. 100, ce qui permettrait de planifier par tranches de 12 mois. Le concept met aussi en valeur les caractéristiques patrimoniales de l'immeuble.

Tout d'abord, nous serons davantage présents sur la promenade Sussex. L'aile bâtie à l'avant aura, sur sa façade, une herse de bronze que vous pouvez voir ici.

J'attire votre attention sur le tableau à ma droite. Le Musée canadien de la guerre représente mille années d'histoire militaire canadienne. Nous aimerions que soit formé un comité artistique qui nous choisirait un emblème ou une sculpture qui nous identifierait instantanément, non seulement en tant que Musée canadien de la guerre, mais également en tant que musée national d'histoire militaire du Canada. Voici un exemple de ce dont pourrait avoir l'air la sculpture: un défilé de figures -- d'hommes et de femmes -- ayant marqué les mille années d'histoire militaire du Canada. Ce n'est que pour vous donner une idée de ce dont elle pourrait avoir l'air.

Vous pouvez voir l'important ouvrage de maçonnerie à l'avant. Une façon de souligner la valeur commémorative serait de faire graver les noms des 114 000 Canadiens tués au combat au XXe siècle. Nous pourrions aussi y ajouter les noms des hommes et femmes tués dans le cadre des opérations de maintien de la paix, ce qui rehausserait la fonction commémorative. L'équipement touristique comprendrait aussi une boutique, une aire d'accueil et une billetterie.

Si nous passons à la cour couverte d'un toit, nous disposons d'un certain nombre d'options. L'autre tableau montre comment un artiste conçoit que cette nouvelle terrasse couverte puisse permettre d'exposer 12 mois par année. Nous pourrions suspendre un aéronef au plafond. Nous pourrions exposer d'autres gros objets. On pourrait aussi initier le visiteur à l'histoire militaire. Nous pourrions y importer beaucoup des gros objets exposés à la Maison Vimy et dire: «Si vous avez aimé ce que vous avez vu ici, l'exposition de la Maison Vimy vous plaira sûrement».

En des occasions spéciales comme le 11 novembre, nous tenons des expositions spéciales pour commémorer l'événement. Ces journées-là, par exemple le 6 juin, la cérémonie pourrait avoir lieu à l'intérieur, sans crainte des intempéries.

L'immeuble gagnerait également d'avoir une nouvelle salle de projection de 200 à 250 sièges qui pourrait aussi servir à d'autres fins. L'avantage est que la salle se trouve au même niveau que la cour fermée, de sorte que les visiteurs peuvent facilement aller et venir pour assister, par exemple, à la cérémonie commémorative du 11 novembre.

Autre avantage de la salle, elle permettrait de faire visionner les nombreux films documentaires qui existent, de même que d'autres métrages comme les documents d'actualité produits par l'Armée durant la guerre.

L'Office national du film vient tout juste de découvrir 11 heures de métrage original portant sur la Première Guerre mondiale. Il existe aussi des images de la Guerre des Boers. Nous avons eu l'occasion d'organiser des conférences données par des savants et du personnel du musée. Grâce aux liens satellites contemporains, de même qu'à l'informatique, nous pouvons nous mettre en communication avec des écoles et des établissements de sorte qu'une conférence tenue à Ottawa pourrait être diffusée partout au Canada ou, peut-être, dans d'autres musées ou à partir de ceux-ci, par exemple du Australian War Memorial.

Sur un autre plan, nous construirons une chambre commémorative. Honorables sénateurs, nous parlions tout à l'heure du Livre du Souvenir. Nous sommes en train d'étudier une option que les Amis du Musée canadien de la guerre jugent intéressante, soit un Livre du Souvenir électronique dans lequel seraient consignés les noms des 114 000 Canadiens morts à la guerre et auquel nous pourrions ajouter leur photographie, leurs états de service et des détails sur les batailles auxquelles ils ont participé. Ce programme pourrait être continuellement amélioré afin d'offrir un témoignage vivant qui renseignerait les jeunes sur les missions auxquelles ont participé ces hommes et ces femmes, sur leur sacrifice. L'informatique nous permettrait d'en faire un témoignage frappant.

La Salle d'honneur que j'ai mentionnée plus tôt, qui accueillerait notre nouvelle exposition de médailles, serait aménagée à l'étage principal pour insister sur la valeur commémorative en relatant l'histoire des 42 Canadiens et leurs exploits. On renforcerait ainsi à la fois la valeur commémorative et la valeur éducative. Nous dirions que ce qu'ils ont fait est important pour le Canada -- voici ce qu'ils ont accompli, comment ils s'y sont pris et leur histoire.

Il y aurait aussi dans ce secteur, de même que dans le plus grand secteur, de l'espace pour des expositions temporaires. Nous pourrions donc exposer plus d'objets de la collection. La salle d'exposition consacrée à l'Holocauste se trouverait à l'étage principal de la vieille aile. Pour vous donner une petite idée, cela reviendrait à l'installer dans l'espace actuellement consacré à la Guerre de 1812 et aux Rébellions de 1837.

Pour en revenir au concept de l'Holocauste et pour préciser comment tout cela a commencé, soulignons qu'il y a environ huit ans, nous avons exposé certains objets liés à l'Holocauste à côté de l'automobile d'Hitler afin de montrer l'autre côté de la médaille, la face réelle du nazisme. L'idée a été bien accueillie par le public qui estimait important de le faire.

Nous avons organisé une exposition sur Anne Frank en 1992. Elle a été extrêmement bien reçue. Elle portait non seulement dans son journal, mais également sur l'Holocauste en général, voire sur des questions comme les préjugés raciaux.

Nous avons effectué des études selon lesquelles les deux tiers des visiteurs du musée souhaitent en savoir davantage sur l'Holocauste. Étant donné l'évolution de cette question, elle faisait essentiellement partie d'un programme que nous avions en place depuis de nombreuses années. Nous estimions que c'était un élément important qui contribuerait à commémorer encore mieux la Seconde Guerre mondiale, car il expliquait à quel point il était important que nous ayons combattu là-bas.

La Salle des découvertes que j'ai mentionnée plus tôt, la salle touche-à-tout pour les enfants, serait également installée au premier étage. On trouverait donc à cet étage des salles qui mettraient l'accent sur l'orientation générale du musée, les programmes de commémoration et d'éducation, l'importance d'avoir un musée militaire et de connaître l'histoire militaire canadienne. Le deuxième étage serait réservé aux salles d'exposition chronologiques.

Si vous êtes allé récemment au musée, vous savez que vous pouvez vous imprégner de mille ans d'histoire militaire, sauf que, pour le faire, vous devez franchir trois étages. Lorsqu'un guide fait visiter le musée à un groupe scolaire, il se rend d'abord au premier étage, oriente le groupe, le prépare mentalement, lui explique d'abord le premier conflit auquel a pris part le Canada, la guerre de Sept Ans, ensuite la guerre de 1812 et enfin la bataille du Plateau de Vimy. Le groupe se rend ensuite au deuxième étage, qui est réservé à la Seconde Guerre mondiale.

Le problème, c'est que vous perdez deux ou trois membres du groupe pendant la visite. Ils se chamaillent, se déconcentrent, et vous devez prendre quelques minutes pour les ramener à l'ordre. Même si vous êtes un visiteur occasionnel très intéressé, cela interrompt le fil de vos pensées.

Dans le nouveau musée, nous allons aménager les salles d'expositions chronologiques, par exemple, de la manière la plus efficace qui soit. Nous allons modifier leur conception, installer des systèmes électroniques modernes, exposer à tour de rôle les artefacts que nous avons acquis au cours des dernières années. Ces salles seront installées au deuxième étage. Ainsi, quand vous quitterez l'ascenseur, vous pourrez, en exécutant une boucle, vous imprégner de mille ans d'histoire militaire.

Au troisième étage, nous comptons installer une galerie d'art militaire où seront exposées, à tour de rôle, les quelque 11 000 objets que possède le musée. Notre collection comprend des tableaux du Groupe des Sept, des peintres qui ont peint des scènes de la Première Guerre mondiale, ainsi que des tableaux d'artistes comme Alex Colville, qui a peint des scènes de la Seconde Guerre mondiale. Nous serons en mesure d'exposer ces oeuvres à tour de rôle. Notre bureau et nos autres ateliers seront installés au troisième étage.

Il y aura, à l'arrière du musée, un jardin du souvenir où le public pourra assister à des reconstitutions. Les places de stationnement sont limitées, mais nous avons conclu des arrangements avec le Musée des beaux-arts du Canada, par exemple, ce qui devrait nous aider à résoudre ce problème.

En conclusion, nous voulons tirer le maximum de ce que nous avons, tout en continuant d'améliorer nos programmes d'éducation et de commémoration, afin de permettre aux visiteurs que nous accueillerons en l'an 2000 de se familiariser davantage avec notre histoire militaire, et de faire du musée une institution viable de renommée internationale qui est en mesure de soutenir la concurrence avec d'autres musées.

Le sénateur Jessiman: La voiture d'Hitler, l'histoire d'Anne Frank et l'Holocauste sont tous liés les uns aux autres. Il n'y a aucun doute dans mon esprit qu'ils devraient l'être. Toutefois, la question qu'il convient de se poser est la suivante: ne devraient-ils pas faire l'objet d'un musée distinct?

J'espérais, quand vous avez parlé de la voiture d'Hitler, que vous nous diriez qu'elle avait été trouvée par des Canadiens, pas par des Américains. Quelqu'un a eu la gentillesse de l'acheter et de nous en faire don.

J'aimerais voir l'information que vous avez sur l'Holocauste. Je suis certain que ce thème suscite beaucoup d'intérêt et qu'il continuera de le faire. Toutefois, il ne s'inscrit pas vraiment dans le mandat du musée.

M. Glenney: Si je puis me permettre, sénateur, votre argument est fort valable. Les générations qui ont vécu l'horreur de la Seconde Guerre mondiale connaissent et comprennent, d'instinct, le côté sinistre de l'ennemi auquel elles ont été confrontées à cette époque. Le problème, c'est que la génération à laquelle appartiennent mes enfants ne sait rien de tout cela. Elle ne comprend pas.

Si nous avions un Musée canadien de la guerre qui ne montrait que le côté canadien -- je vais utiliser un autre exemple, et je ne cherche pas à les mettre dans le même panier. Pour comprendre la guerre de 1812, nous devons comprendre ce que les Américains avaient en tête, la composition de leur armée, la formation qu'elle avait reçue, la façon dont elle était équipée. Si nous voulons arriver à comprendre une guerre -- il est vrai qu'il faut toujours mettre l'accent sur le Canada et ses forces militaires -- nous devons également chercher à comprendre l'ennemi.

Au fur et à mesure que nous nous éloignons de cette période, et comme ceux qui ont pris part à ces guerres ne sont plus en mesure de nous aider, nous devons compter de plus en plus sur les programmes éducatifs du musée.

Les générations passées comprendraient, se souviendraient, d'instinct, mais pas la génération à laquelle appartiennent mes enfants. Il faut les sensibiliser à tout cela. Ils ont besoin d'être renseignés parce que, pour eux, cela fait partie d'un passé lointain.

Le sénateur Jessiman: Il est vrai qu'il faut les sensibiliser à la question du racisme et de l'élimination d'une race. Cette salle pourrait être aménagée dans le Musée des civilisations ou un musée distinct. Cela s'impose, puisque certains Canadiens ont libéré certains des prisonniers qui étaient dans ces camps. Mais si cette salle doit occuper 15 ou 20 p. 100 de l'espace du musée, c'est trop.

M. Glenney: Permettez-moi de vous donner des précisions à ce sujet. Tout ce que nous avons fait, sur le plan de la conception, c'est de dire que nous aurions besoin d'environ 5 600 pieds carrés. Cela représenterait environ 6 p. 100 de l'espace que compterait le nouveau musée en l'an 2000. Nous n'avons jamais pensé en demander plus. Nous voulons beaucoup plus d'espace que cela pour les salles d'expositions chronologiques, pour la cour extérieure, les artefacts de grande dimension, ainsi de suite.

Le sénateur Jessiman: Ces chiffres sont beaucoup moins élevés que ceux que j'ai vus. J'espère que vous ne vous trompez pas. Je pensais qu'on parlait d'une superficie de 15, 20 ou 30 p. 100.

M. Glenney: Vous songez peut-être au Imperial War Museum, à Londres, en Angleterre, où les chiffres sont beaucoup plus élevés.

Le sénateur Jessiman: Non, mais j'en ai entendu parler.

M. Glenney: Il est question ici de 6 p. 100 de l'espace, et cela englobe les installations anciennes et nouvelles.

Le président: Je voudrais savoir, au nom du comité, quelle superficie occupera la salle de l'Holocauste, ainsi de suite. On avance toutes sortes de chiffres. Franchement, lorsque vous dites 6 p. 100, j'ai de la difficulté à le croire. J'aimerais avoir des précisions là-dessus.

M. Glenney: M. Geurts a d'autres chiffres en main.

M. Geurts: Je crois que cette feuille a été distribuée aux membres du comité il y a deux semaines.

Le président: Oui. Malheureusement, nous avons eu de la difficulté à obtenir ces renseignements à l'avance. Nous l'avons reçue ce matin, au début de la réunion, ce qui est un peu tard.

M. Geurts: Je crois comprendre que cette feuille figurait dans le cahier qui a été distribué à tous les sénateurs, la semaine dernière.

Ces chiffres se passent d'explications. M. Glenney a mentionné le chiffre de 560 pieds carrés. Ces chiffres-ci correspondent à des mètres carrés.

Le sénateur Jessiman: Je m'excuse, mais vous avez bien dit pieds carrés. Je trouve cela plus facile à comprendre.

M. Geurts: Il faut simplement multiplier par 10.

L'édifice actuel a une superficie de 38 000 pieds carrés. Il y a 3 000 pieds carrés qui sont réservés aux installations publiques, 22 300 aux salles d'expositions temporaires et permanentes, et 12 440 à l'administration, aux bureaux et autres choses de ce genre.

Une fois les travaux d'agrandissement terminés, nous aurons environ 60 000 pieds carrés au lieu de 38 000. C'est surtout la superficie réservée aux installations publiques, y compris la salle de projection, qui augmentera. Elle passera de 3 000 à 7 700 pieds carrés, soit plus que le double. M. Glenney a indiqué que l'ajout le plus important sera la salle de projection, qui pourra accueillir entre 200 et 250 personnes. L'espace d'exposition augmentera, passant de 22 000 à 32 600 pieds carrés. Ces chiffres s'appliquent non pas à la salle de l'Holocauste, mais aux salles d'expositions chronologiques, au deuxième étage, et à la galerie d'art militaire, au troisième. Nous n'avons pas à l'heure actuelle suffisamment d'espace pour exposer, à tour de rôle, nos oeuvres.

La superficie de la salle de l'Holocauste sera de 5 600 pieds carrés, ou 560 mètres carrés.

Le sénateur Jessiman: Pouvez-vous me dire à combien correspondra, en pieds, la superficie qui sera ajoutée?

M. Geurts: La superficie totale augmentera d'environ 22 000 pieds carrés.

Le sénateur Jessiman: Quelle est la superficie de l'édifice actuel?

M. Geurts: Environ 38 000 pieds carrés.

Le sénateur Jessiman: Le chiffre de 6 p. 100 que vous avez mentionné s'appliquait à l'ensemble de l'édifice.

M. Geurts: Dans le passé, on avait l'habitude de s'exprimer en termes bruts. En termes nets, le 560 représenterait, d'après mes calculs, environ 9 ou 10 p. 100.

Le sénateur Jessiman: Cela représente près de 25 p. 100 de la superficie qui sera ajoutée.

M. Geurts: À peu près.

Le sénateur Jessiman: Nous espérons que cela ne se produira pas, mais supposons qu'une salle de l'Holocauste soit aménagée. Qu'en est-il des Russes qui ont souffert à Leningrad et à Stalingrad? Qu'en est-il des habitants des autres régions du monde? Nous sommes un pays multiculturel. Ce qui s'est passé durant l'Holocauste est absolument déplorable. Toutefois, nous allons nous retrouver dans un véritable guêpier si nous allons de l'avant avec salle. Nous risquons d'avoir des problèmes avec d'autres groupes. Je suis certain que vous n'auriez aucune difficulté à recueillir des fonds si vous décidiez d'aménager cette salle dans le Musée des civilisations. Ce projet serait bien accueilli.

M. Glenney: Mais nous traitons également des génocides qui sont survenus ailleurs, comme au Rwanda, dans la salle réservée aux opérations de maintien la paix, où nous présentons une exposition sur le général Roméo Dallaire. Nous allons réunir une équipe de savants qui connaissent bien les questions touchant les Holocaustes, de même que les questions politiques et historiques à caractère international. Ils vont préparer une étude et nous dire comment ce phénomène se rattache au Canada, nous expliquer ce qu'il conviendrait de faire pour présenter cette réalité dans une perspective canadienne, parce que les Canadiens jugent cela important. Nous ne voulons pas calquer ce qui se fait déjà ailleurs. Nous voulons quelque chose d'unique.

Pour ce qui est de la superficie en pieds carrés et de l'interprétation de l'histoire militaire, il ne faut pas oublier que nous continuons toujours de rendre notre entrepôt plus accessible au public. Dès cet été, il sera ouvert cinq jours par semaine, de sorte que notre espace d'exposition augmentera de 30 000 pieds carrés. L'entrepôt est loin d'être moderne. La bâtisse est vieille, les planchers sont inégaux et de piètre qualité, mais les gens peuvent venir voir des pièces de grande dimension. Nous leur offrirons plus de services d'interprétation. Nous allons rendre hommage à l'École du Corps blindé royal canadien et aux travailleurs d'usine qui ont construit les camions qui figuraient parmi les meilleurs au monde. Ces 30 000 pieds carrés ne sont pas compris dans les chiffres que mon collègue a mentionnés. Nous offrons essentiellement de plus en plus de services. J'espère que ces précisions vous sont utiles.

Le sénateur Jessiman: Une fois les travaux terminés, allons-nous pouvoir rendre hommage à nos anciens combattants comme le font les Australiens?

M. Glenney: L'Australian War Memorial a été construit spécialement pour les anciens combattants. Il a l'avantage d'être situé dans un pays au climat doux et comporte des espaces intérieurs et extérieurs. Ce musée date de la fin de la Première Guerre mondiale. Il a coûté très cher. Toutefois, nos programmes éducatifs et commémoratifs sont aussi bons que les leurs. Ils ont un immeuble de prestige qui fait l'envie de tous. L'Imperial War Museum, lui, est aménagé dans un immeuble qui était jadis un asile d'aliénés. Ce n'est pas l'édifice le plus esthétique.

Nous avons décidé d'ouvrir notre entrepôt, tout comme les Australiens l'ont fait, et il est intéressant de voir les parallèles. En 1967, comme on l'a déjà mentionné, la collection d'avions a été transférée du Musée canadien de la guerre au Musée des sciences et de la technologie. Les Australiens possèdent eux aussi une collection d'avions. Ils ont également tous les documents d'archives militaires qui, au Canada, sont conservés par les Archives nationales du Canada.

Le sénateur Jessiman: Est-ce que la réponse est 25 p. 100 ou 50 p. 100?

M. Glenney: Nous nous rapprochons facilement du 50 p. 100, si ce n'est pas plus.

Le président: J'aimerais vous poser une autre question au sujet de l'espace. Est-ce que la cour fermée est prise en compte dans la superficie?

M. Glenney: Elle servira de lieu d'exposition et aussi de salle commémorative.

Le président: Elle représente quel pourcentage de l'espace additionnel total?

M. Geurts: Je suis en train de vérifier les chiffres pour voir si j'ai la réponse. Je ne l'ai pas. Je peux vous la fournir demain. Je n'ai pas les chiffres avec moi.

Le président: Nous aimerions bien les avoir dans les prochains jours.

M. Geurts: Je peux vous donner la superficie de l'esplanade même.

Le sénateur Kelly: Monsieur Glenney, j'aimerais vous féliciter pour votre exposé, qui était très clair et précis. Je retire ce que j'ai dit au sujet des travaux de rapiéçage. Vous avez une idée très claire de l'ensemble du projet.

Je partage les préoccupations du sénateur Jessiman concernant la salle de l'Holocauste, quoique pour une autre raison. Je crois que la réalité de l'Holocauste doit être bien présentée. Je ne sais pas si on peut le faire avec l'espace alloué. J'ai peur que vous ne soyez obligé, dans un an, deux ou trois ans, de trouver plus d'espace ou de l'aménager dans un autre endroit.

J'aimerais vous poser la question suivante: si cette salle était emménagée ailleurs, que feriez-vous avec l'espace ainsi libéré? Servirait-il à quelque chose?

M. Glenney: Absolument.

Le sénateur Kelly: Est-ce que cela faciliterait votre tâche pour ce qui est de créer un lieu commémoratif national pour les anciens combattants canadiens, ainsi de suite?

M. Glenney: Si, par exemple, cela devait se produire -- et ce n'est qu'une hypothèse -- nous pourrions y aménager une galerie d'art militaire où seraient exposés des objets du XIXe siècle, et créer une autre galerie au deuxième étage où seraient exposés des objets du XXe siècle. C'est une possibilité. Nous pourrions utiliser cette salle pour exposer d'autres oeuvres de notre collection. Si nous pouvions, par magie, avoir un musée quatre fois plus grand, je n'aurais aucune difficulté à le remplir. Même cet espace ne me suffirait pas.

Le sénateur Kelly: Je comprends cela. Toutefois, le fait est que vous comptez consacrer une partie de votre superficie à une salle de l'Holocauste. Si vous changiez d'avis, vous pourriez utiliser cet espace pour remplir les autres aspects de votre mandat.

M. Glenney: La question pourrait être envisagée sous un autre angle: nous avons fait l'acquisition de la collection d'art militaire au début des années 70. Si nous n'avions pas acheté cette collection, nous serions toujours en mesure d'utiliser cet espace qui sera maintenant réservé à la galerie d'art militaire. Je suis d'accord avec vous.

Si nous faisons tant de choses à la Maison Vimy, c'est pour faire connaître au public tout ce que nous avons à lui montrer; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous envisageons une nouvelle Maison Vimy qui nous permettra de nous agrandir et où nous pourrons faire marcher les véhicules. Le potentiel qui s'offre à nous est époustouflant.

Le sénateur Kelly: Monsieur le président, je tiens à saisir l'occasion pour dire que je ne voulais absolument pas laisser entendre que vous n'assumez pas vos responsabilités. Vous avez démontré clairement le contraire et vous faites un excellent travail. Je ne suis tout simplement pas d'accord avec vous.

Le sénateur Prud'homme: Je n'essaye jamais, en réalité, d'entretenir les meilleures relations possibles avec les journalistes, mais ils ont un travail à faire, tout comme moi. Avant votre rappel au Règlement au sujet de ce petit document, j'ai parlé avec un journaliste et je sais que cela dérange énormément les autres. On ne peut être plus ouvert que cela. Je présente mes excuses aux autres et je vais m'arrêter dès que vous imposerez l'embargo à ce sujet. Je suis ouvert et je tiens à m'excuser auprès de ceux qui pourraient se sentir offusqués.

Le sénateur Cools: Monsieur le président, vous devriez peut-être porter votre attention sur cette question, de même que le comité, collectivement.

Le président: C'est la raison pour laquelle je tiens à avoir une séance à huis clos.

Le sénateur Cools: Il ne faut pas oublier que plusieurs journalistes ici présents essaient de faire leur travail et se rendent compte qu'il se passe quelque chose; je crois donc que nous devrions traiter de cette question sans plus tarder.

Le président: Vous pourrez leur parler après la séance à huis clos, laquelle ne devrait pas durer longtemps. Je suis sûr, sénateur, qu'ils vous attendront.

Le sénateur Cools: L'un d'entre eux qui m'a déjà parlé craint que d'autres journalistes aient déjà vu ce document. Dans tous les cas, je voulais faire preuve de transparence.

Certains parmi nous qui trouvons ces questions très troublantes pensent que nous sommes moralement obligés de détendre l'atmosphère.

Vous avez dit qu'à l'automne de 1994, les Amis du Musée canadien de la guerre ont commencé à planifier une campagne de financement de 6 millions de dollars. Je suis soucieuse, messieurs, du fait que vous ne cessiez d'utiliser le mot «viabilité» en voulant parler de la viabilité du musée. Sachez que nous tenons à la viabilité du musée, ainsi qu'à sa réussite.

Pouvez-vous nous dire qui sont les Amis du Musée canadien de la guerre? Pouvez-vous nous donner la liste des particuliers et des organisations et indiquer au comité les montants d'argent réunis par les Amis, par groupe, par personne ou par organisation? Pouvez-vous nous communiquer ces renseignements?

M. Geurts: Je demande respectueusement à ne pas avoir à répondre à ces questions, car les deux témoins qui suivent sont Jerry Holtzhauer, président des Amis du Musée canadien de la guerre, et Murray Johnston, chef de la campagne Passons le flambeau. C'est à ces deux personnes que vous devriez poser vos questions. J'en connais les réponses, mais je crois que vous devriez aller directement à la source.

Le sénateur Cools: Un instant. Si vous avez la réponse à la question, vous êtes tenu de nous la donner et peu importe que je l'entende à deux reprises. Je suis prête à suivre la décision du président, mais les répétitions m'importent peu.

M. Geurts: Les Amis du Musée canadien de la guerre sont une organisation à but non lucratif qui existe depuis près de dix ans. Le témoin qui nous suit peut vous en indiquer exactement le nombre d'adhérents, lesquels participent depuis quelque dix années à la vie du Musée canadien de la guerre dans le cadre d'un programme de bénévoles. Comme nous l'avons indiqué dans notre exposé, les Amis se sont récemment engagés à participer encore davantage à la vie du musée et à réunir des fonds pour le Musée de la guerre seulement. C'est eux qui initialement ont lancé leur propre campagne de financement.

Le sénateur Cools: Vous nous avez dit qu'ils ont déjà réuni 2,5 millions de dollars.

M. Geurts: C'est exact.

Le sénateur Cools: Ce chiffre est connu avant même la parution du rapport.

M. Geurts: Grâce à leur coopération. Un groupe spécial les aide pour le reste. Ils ont fait un excellent travail et continuent d'appuyer le Musée canadien de la guerre. Il s'agit de tout un éventail de particuliers de groupes d'âge et de milieux divers. Je ne peux pas vraiment en parler, M. Holtzhauer étant bien mieux placé que moi pour répondre à cette question; je sais également qu'il a des chiffres à vous communiquer au sujet de la provenance de ces 2,5 millions de dollars -- par groupe -- et il sera certainement en mesure de répondre à ces questions.

Le sénateur Cools: Très bien.

Ces 2,5 millions de dollars sont-ils toujours entre leurs mains?

M. Geurts: Tout argent reçu, en espèces ou sous forme de chèque, est déposé dans les comptes bancaires de la société.

Le sénateur Cools: Par conséquent, la société a reçu une partie de ces fonds. Peut-être pourriez-vous nous donner les détails.

M. Geurts: Je n'ai pas ces chiffres, mais je peux vous les communiquer d'ici demain. Ces fonds qui sont déposés dans des comptes distincts de la société sont gérés à part et ne font pas partie des fonds de fonctionnement; ils ne peuvent être utilisés -- et ne le seront -- que pour la construction de l'annexe, conformément aux souhaits des donateurs. Nous avons une responsabilité à cet égard tant du point de vue juridique que bien sûr de celui du public.

Le sénateur Cools: Personne ne met en doute votre intégrité à cet égard. Nos intérêts sont purement politiques.

Le président: J'aimerais revenir à vos plans d'agrandissement. J'ai examiné votre document et fait quelques calculs en fonction de l'exposition permanente. J'ai l'impression, M. Glenney, que dans votre exposé, vous mélangez une chose à une autre; peut-être est-ce pour un peu distraire notre attention et je ne pense pas être injuste en le disant. Vous obtenez donc 950 mètres carrés de plus pour les expositions permanentes, n'est-ce pas?

M. Geurts: Pouvez-vous nous renvoyer aux chiffres? J'ai ici 346 mètres carrés qui représentent l'augmentation prévue pour les expositions permanentes et 681 mètres carrés pour les expositions temporaires, si bien sûr vous vous reportez à cette feuille.

Le président: Je m'appuie sur les documents. Peut-être me suis-je trompé. Pouvez-vous nous indiquer la superficie dont vous disposez pour les expositions permanentes?

M. Geurts: Voici les données dont je dispose: les expositions permanentes occupent actuellement 2 014 mètres carrés. Après l'agrandissement, la superficie prévue pour les expositions permanentes sera de 23 600 pieds carrés, soit 2 360 mètres carrés.

Le président: Je renvoie le reste du comité à la surface de plancher du Musée canadien de la guerre.

M. Geurts: C'est ce qui apparaît sur cette feuille.

Le président: Cela vous donne près de 900 mètres pour les expositions permanentes; sur ces 900 mètres, 560 mètres seront occupés par la salle de l'Holocauste, si bien que pour 12 millions de dollars, vous obtenez un total de 340 mètres carrés pour les expositions permanentes, n'est-ce pas?

M. Geurts: Je répondrais en disant tout d'abord que la conception de la salle de l'Holocauste quant aux expositions permanentes et temporaires n'est pas encore terminée. Il est possible que ces chiffres soient exacts, mais le fait est que pour 12 millions de dollars, on obtient 468 mètres carrés de plus et que ces nouveaux espaces serviront à des fins éducatives et seront ouverts au public. Vous avez 1 027 mètres carrés de plus consacrés aux expositions spécialisées; vous avez une salle de l'Holocauste de 560 mètres carrés que l'on prévoit ajouter au bâtiment; vous avez 120 mètres carrés d'espace administratif de plus. Cela donne un total de 2 175 mètres carrés; par conséquent, pour 12 millions de dollars, nous obtenons 21 000 pieds carrés.

Le président: D'après la façon dont vous répondez aux questions, je vois que ce n'est pas la première fois que vous comparaissez devant un comité parlementaire.

M. Geurts: Effectivement, monsieur.

Le président: Revenons à ma question. Si vous enlevez la salle de l'Holocauste de l'espace prévu pour les expositions permanentes, qu'est-ce qu'il reste?

M. Geurts: Si l'on tient compte des deux chiffres, c'est 350 mètres carrés de plus.

Le président: L'espace prévu pour les expositions permanentes que ce projet permet d'ajouter est donc en fait divisé entre la salle de l'Holocauste -- 560 mètres carrés -- et le Musée de la guerre -- 340 mètres carrés.

M. Geurts: Non, tout cela fait partie du Musée de la guerre, monsieur, selon notre définition.

Le président: Votre définition, pas la mienne.

M. Geurts: Oui et nous avons convenu de ne pas être d'accord à ce sujet.

Le président: Je voulais le souligner. Quelle superficie obtenez-vous en plus pour les salles d'expositions chronologiques?

M. Geurts: Il s'agit de 346 mètres carrés, soit 3 500 pieds carrés.

Le président: M. Glenney a déclaré vouloir présenter les diverses manifestations de l'ennemi; j'aimerais lui faire remarquer que d'après moi, les anciens combattants n'oublieront jamais les manifestations de leur ennemi, soit le tir d'artillerie, le tir antiaérien, les torpilles. C'est ce dont ils se souviennent.

Je trouve assez curieux que tout d'un coup, nous changions les manifestations de l'ennemi. Ce qui m'inquiète, c'est que l'on ouvre la porte à l'interprétation et au révisionnisme et j'aimerais mieux que votre exposé soit factuel plutôt qu'interprétatif.

M. Glenney: Avec tout le respect que je vous dois, au sujet des manifestations de l'ennemi qui seraient modifiées, comme je l'ai dit plus tôt, la réalité de l'Holocauste est présentée depuis au moins huit ans. Nous avons toujours eu des expositions sur les Nazis et sur certaines des atrocités qu'ils ont commises. J'aimerais citer un article du magazine Flap publié par la 39 Reconnaissance Wing de l'Aviation royale du Canada à l'occasion de la libération du camp de la mort de Belsen. Je cite:

Les hommes de la 39 Wing ne risquent pas d'oublier les horreurs du camp de concentration de Belsen. Si nous ne voulons pas que cette guerre ait été faite en vain, nous devons tout faire pour que les germes des préjugés et de l'intolérance ne se développent jamais parmi nous. On saura avec le temps si les Allemands ont tiré les leçons de Belsen. Nous devons nous aussi nous assurer d'avoir tiré les leçons de ce camp. De telles horreurs n'arriveront jamais plus si nous faisons preuve de vigilance et gardons les idées claires.

Cet article a été rédigé par l'Aviation royale canadienne en 1945. Nous ne cherchons pas à modifier notre vision. Avec le plus grand respect que je vous dois, je dirais que le Musée canadien de la guerre n'abrite pas d'historiens révisionnistes. Nous sommes fiers d'exposer les médailles de Billy Bishop, fiers que nos anciens combattants viennent visiter le musée et adhérons aux points de vue de ce rédacteur d'il y a 50 ans.

Le président: Je ne veux pas que vous reveniez sur des documents dont vous avez déjà parlé, car nous sommes pressés par le temps. Je vais simplement faire une observation au sujet de cette lettre que vous venez de lire. N'est-ce pas une coïncidence qu'elle ait paru dans les journaux ce matin?

De combien de mètres carrés les salles de la Première Guerre mondiale vont-elles être agrandies? Et celles de la Seconde Guerre mondiale?

M. Glenney: C'est ce qu'il va falloir décider pour la conception des nouvelles salles d'expositions chronologiques. Je peux vous dire que les salles des deux guerres mondiales vont être agrandies, tout comme celles de la guerre de 1812. Nous envisageons d'exposer plusieurs nouveaux objets, d'une salle à l'autre.

Par exemple, il se peut que nous enlevions la voiture de Lord Dorchester pour libérer de l'espace dans ce secteur. Reste à savoir si nous allons exposer la voiture de Hitler dans la cour, dans la salle de l'Holocauste ou dans les salles d'expositions chronologiques. Les possibilités d'exposition seront certainement bonnes étant donné la superficie dont nous disposons. Nous avons beaucoup d'espace, en termes de pourcentage, tant pour la Première Guerre mondiale que pour la Deuxième.

Le président: Je crois que vous m'avez déjà dit que nous n'allons pas avoir d'espace supplémentaire.

Le sénateur Jessiman: Je suis sûr que vous connaissez tous les deux M. Fred Gaffen. Est-il historien au Musée canadien de la guerre?

M. Glenney: Oui, c'est cela.

Le sénateur Jessiman: Est-il également le conservateur de la salle de l'Holocauste?

M. Glenney: Non, il n'est pas le conservateur. Fred Gaffen a fait beaucoup de recherches sur l'Holocauste et fera probablement partie de l'équipe qui mettra sur pied cette exposition, mais personne au musée n'a ce titre.

Le sénateur Jessiman: De qui relève-t-il?

M. Glenney: De moi, monsieur.

Le sénateur Jessiman: Lui avez-vous dit qu'il n'avait pas le droit de témoigner devant notre comité?

M. Glenney: Monsieur, je ne lui ai pas dit qu'il n'avait pas le droit de témoigner devant le comité. Je lui ai dit que la société avait décidé que M. MacDonald, Mme Clarkson, Joe et moi-même comparaîtraient pour traiter des divers sujets en fonction de notre expertise, et que si lui-même ou d'autres comparaissaient, ils diraient la même chose.

Le sénateur Jessiman: Nous avons reçu une lettre de lui dans laquelle il indique qu'on lui interdit de comparaître. J'imagine que vous êtes celui qui le lui a dit.

M. Glenney: Je lui ai bien fait comprendre qu'il ne lui était pas interdit de comparaître. Sans vouloir faire de jeux de mots, ce n'était pas le but recherché; en effet, on avait prévu que ce serait à la gestion de traiter des divers sujets.

Le sénateur Cools: Vous dites «traiter des divers sujets». Le comité a écrit à M. Gaffen à deux reprises pour l'inviter à comparaître, invitation qu'il a déclinée. De toute évidence, si le comité lui a écrit, c'est parce qu'il pense qu'il a quelque chose à dire. Vous en avez conclu que ce qu'il aurait à dire serait traité par vous-même et dans l'échange que vous avez eu avec lui, il a pensé que vous ne vouliez pas qu'il soit présent et a donc décliné notre invitation. J'aimerais bien savoir si vous lui avez conseillé de ne pas comparaître ou si vous le lui avez interdit. Peut-être pourrions-nous obtenir des éclaircissements, car c'est un point fort important.

Le sénateur Jessiman: D'après ce qu'il nous a écrit, on lui a interdit de comparaître à moins qu'il ne reçoive une assignation; il a également signé cette lettre en tant que conservateur de la salle de l'Holocauste.

M. Glenney: Désolé, je n'ai pas vu cette lettre.

Le sénateur Jessiman: Vous avez dit qu'il n'est pas le conservateur et pourtant, il pense l'être.

M. Glenney: On l'a mis au courant, nous en avons parlé; nous avons franchi de nombreuses étapes à propos de ce projet; nous en avons parlé très tôt avec Fred. Par la suite, nous avons décidé de procéder différemment et de ne pas retenir le titre de conservateur et de ce qu'il représente. La question des témoins a été débattue par Mme Clarkson, M. MacDonald et moi-même et nous avons convenu qu'il vaudrait mieux que ce soit moi qui représente le musée et parle au nom de Fred et des autres membres du personnel, lesquels nous avaient également demandé s'ils devaient comparaître.

Il n'y a eu aucune menace ou coercition. Nous avons simplement décidé que d'un point de vue opérationnel, il valait mieux que je prenne la parole, car je dispose de plus de données factuelles que lui.

Le sénateur Cools: Monsieur le président, avec la permission du comité, j'aimerais lire aux fins du compte rendu la lettre que nous avons adressée à M. Gaffen, ainsi que sa réponse. Peut-être pourrions-nous déposer la lettre qui est datée du 1er février 1998.

Monsieur Fred Gaffen, historien Musée canadien de la guerre 330, promenade Sussex Ottawa

Cette lettre est signée par T<#00F5>nu Onu, greffier du comité. Je cite:

Monsieur,

Par suite à ma lettre du 30 janvier 1998 dans laquelle je vous invitais à comparaître devant le sous-comité sénatorial des affaires des anciens combattants dans le cadre de son examen ayant trait à l'avenir du Musée canadien de la guerre, l'honorable Orville Phillips, président du sous-comité, m'a demandé de vous souligner de nouveau l'importance que le sous-comité accorde à votre comparution.

Je vous demande donc de me contacter le plus rapidement possible, au numéro 993-4874, de façon que nous puissions fixer la date de votre comparution devant le sous-comité.

Je vous remercie de votre coopération et vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes respectueuses salutations.

Le greffier, Tõnu Onu

M. Fred Gaffen nous a envoyé la réponse ci-dessous le 2 février 1998:

Monsieur,

On m'a interdit de parler au comité au sujet de nos extraordinaires anciens combattants et de leur contribution sans précédent lors de la Seconde Guerre mondiale, y compris le fait qu'ils aient libéré des camps, à moins que je ne reçoive une assignation à cet effet.

Je vous remercie de votre attention.

Un fier Canadien!

Le conservateur de la salle de l'Holocauste, Fred Gaffen, historien militaire

Je vous demande très clairement: lui avez-vous interdit de comparaître devant notre comité?

M. Glenney: Non. Comme je l'ai dit, je ne lui ai pas interdit. Je lui ai dit que je représenterais le musée et ferais part du point de vue de la gestion, puisque je possède une plus large vue d'ensemble que lui. Il n'y a pas eu coercition et je ne l'ai pas menacé de mesures disciplinaires ou d'autre chose du genre.

Le sénateur Cools: Je suppose que lorsque vous retournerez au musée, vous ne proférerez aucune menace et n'exercerez aucune contrainte à son égard, pas plus que vous ne désapprouverez son attitude.

M. Glenney: Fred est mon collègue depuis dix ans.

Le sénateur Cools: Monsieur le président, j'aimerais déposer cette lettre auprès du comité.

Le président: D'après vos réponses, monsieur Glenney, j'imagine que vous ne vous opposerez pas à ce que M. Gaffen comparaisse à une date ultérieure.

M. Geurts: J'aimerais que les choses soient claires. Comme l'a indiqué M. Glenney, on n'a pas interdit à M. Gaffen de comparaître devant le comité. Ce que M. Glenney a dit à M. Gaffen c'est que lui, M. Glenney, est beaucoup mieux placé pour répondre aux questions, puisqu'il dispose de davantage de données factuelles. Nous craignons que M. Gaffen émette des opinions sans se baser sur des faits. M. Glenney est beaucoup mieux placé pour répondre aux questions.

Le sénateur Cools: Je vais vous indiquer pourquoi j'ai soulevé cette question, messieurs. Chaque comité parlementaire a bien évidemment ce que nous appelons des pouvoirs inquisitoires et judiciaires. Nous pouvons faire venir qui nous voulons devant le comité; cependant, comme vous le savez, il est très rare que nous ayons recours à de tels pouvoirs. Tout se passe beaucoup mieux dans un climat de confiance et de coopération et il est à espérer qu'un tel climat existe entre les fonctionnaires et le Parlement. Personne ne tient à assigner M. Fred Gaffen à comparaître, mais nous serions heureux qu'il puisse se présenter. Vous pourriez peut-être lui faire savoir qu'il serait bon qu'il accepte notre invitation.

M. Geurts: Oui, effectivement.

Le sénateur Prud'homme: Monsieur Glenney, votre exposé est extrêmement bien fait. L'avez-vous déjà lu devant un comité parlementaire, ou est-ce en raison de la controverse que nous nous trouvons soudain dans une situation extrêmement difficile? A-t-on déjà eu un exposé ou une explication à ce sujet?

M. Glenney: Comme l'a indiqué M. Geurts, nous avons déjà donné une version de cet exposé.

Je vais remonter à l'automne de 1997. Les ministres Copps et Eggleton ont visité le Musée canadien de la guerre le 10 octobre 1997, lorsque la General Motors nous a fait don d'un million de dollars. La maquette leur a été présentée à ce moment-là, soit avant que la question ne devienne controversée. Lors d'une conférence de presse le 13 novembre 1997, nous avons présenté la maquette, ainsi que les divers points de vue sur les mesures prises et les raisons de ces mesures. Le 18 décembre 1997, nous avons présenté un exposé aux anciens combattants dont la plupart sont ici aujourd'hui. J'ai fait un exposé il y a plusieurs jours au comité du musée. Par conséquent, l'exposé a déjà été présenté, mais pas à des parlementaires.

Le sénateur Prud'homme: L'arrière-ban n'a donc pas été informé de quoi que ce soit et n'a pas pu donner son point de vue.

Nous sommes également témoins de cette triste controverse -- je tiens à dire carrément que ce n'est pas aux Américains de nous indiquer comment traiter avec le ministère de la Justice et la Gendarmerie royale du Canada. Je tiens à le déclarer officiellement avant mercredi.

Par conséquent, les membres de ce comité n'ont jamais vu ces renseignements, ne sont pas au courant des plans de l'annexe et ne peuvent donc donner leur point de vue.

M. Glenney: Les ministres Copps et Eggleton se sont déclarés d'accord et il y a eu très peu de débat.

Le sénateur Prud'homme: Ce que je ne comprends pas, c'est que, de mon point de vue, le génocide des Juifs représente bel et bien l'un des plus horribles crimes contre l'humanité. Si vous parlez à un Arménien, il vous dira que le génocide des Arméniens est ce qui préoccupe le plus son peuple. J'espère que vos historiens refléteront cette réalité comme il le faut. Nous passons d'un chapitre d'horreur à un autre et les choses empirent.

L'Holocauste a bel et bien existé tout comme le Musée canadien de la guerre existe aujourd'hui. Peut-être ai-je tort, mais je suis convaincu que nous divisons les Canadiens, ce qui m'attriste énormément. Ni l'Holocauste, ni le musée ne devraient avoir la priorité l'un sur l'autre car, à mon avis, ils sont tous les deux importants, quoique complètement différents.

Il est bon pour les visiteurs que vous représentiez toutes les horreurs de la guerre dans votre auditorium. En tant qu'ancienne colonie britannique, parlez-vous de la guerre des Boers? Cela ne me plaît pas, mais comprenez-vous ce que je veux dire? Cela ne me plaît pas, mais je tiens à souligner que le Canada, ancienne colonie britannique, a été entraîné dans cette guerre. Vous devez lentement expliquer ce qu'est le Canada.

Nous devons également témoigner des horreurs de la bombe atomique que les Forces alliées ont larguée à deux reprises sur le Japon.

Où se trouvent les fonds qui ont été réunis? Les chiffres changent au fil des ans, passant de deux, à quatre et maintenant, à cinq millions de dollars. Êtes-vous en train de me dire que les ressources de la société, soit sept millions de dollars, ne vont pas être mises à notre disposition, à la veille de l'an 2000, pour rendre hommage à ceux qui en ont permis le développement? Nos anciens combattants ont joué un grand rôle à cet égard; les exemples sont innombrables et vous le savez mieux que moi.

Êtes-vous en train de me dire que les sept millions de dollars des ressources de la société ne pourraient pas être affectés à l'agrandissement d'un nouveau musée même si la salle de l'Holocauste se trouvait ailleurs?

Je participe depuis 30 ans à un autre débat sur le Moyen-Orient à la Chambre des communes.

L'horreur du génocide existe bel et bien, or nous nous trouvons au milieu d'une polémique qui a échappé à certains ministres, pour des raisons que je mets en doute, alors que les anciens combattants se manifestent haut et fort. Il est très difficile de dissiper les malentendus, lorsque les collectivités s'entre-déchirent. Nous n'avons pas besoin de cela au Canada, pays à l'écoute des différences multiculturelles. Nous nous trouvons maintenant au milieu d'une controverse dont les deux volets sont tout aussi importants l'un que l'autre.

Pouvez-vous aller de l'avant en ce qui concerne votre musée, tout en sachant que le musée de l'Holocauste pourrait se trouver ailleurs?

M. Glenney: C'est surtout à M. Geurts de parler des finances, mais je vais faire de mon mieux avec les ressources qui seront mises à ma disposition. M. Geurts sera plus en mesure de répondre à votre question hypothétique.

M. Geurts: Monsieur le sénateur, le budget fixé pour ce projet particulier s'élève à 12 millions de dollars.

Le sénateur Prud'homme: Lorsque vous parlez de «projet particulier», de quoi parlez-vous?

M. Geurts: Je parle des 21 750 pieds carrés de plus.

Le sénateur Prud'homme: L'auditorium et la salle de l'Holocauste? Cela veut dire qu'il s'agit d'une offre globale; c'est entendu.

M. Geurts: C'est exact. L'offre globale représente 12 millions de dollars, coût prévu du projet, 7 millions de dollars provenant de la société et 5 millions de dollars, de la campagne de financement.

Si la campagne de financement ne permet pas d'atteindre l'objectif de 5 millions de dollars, nous n'aurons pas les 12 millions de dollars. Notre société devra faire de gros efforts pour affecter 7 millions de dollars à ce projet. Nous avons décidé de prendre cet engagement en fonction du plan de M. Diamonds, notamment en ce qui concerne la visibilité de la rue, le théâtre et l'espace supplémentaire. Nous n'avions pas prévu de couvrir l'esplanade au moment où il était question de 6 millions de dollars; le projet a évolué au fil du temps.

Selon l'avis de la société, c'est l'agrandissement sur la rue et l'esplanade couverte qui permettront de faire du Musée canadien de la guerre un musée national situé sur le boulevard de la Confédération.

Ce qu'il renferme est ce qui, de toute évidence, a suscité la controverse. Mettons cela de côté un instant pour dire que du point de vue de la construction ou de l'architecture, la maquette du Musée de la guerre représente la bonne solution -- tous ceux qui l'ont vue sont d'accord -- et qu'il faut 12 millions de dollars pour réaliser ce projet.

Le sénateur Prud'homme: Je pourrais vous montrer un beau gâteau en vous disant que c'est mon offre et qu'elle est à prendre ou à laisser. De la même façon, vous pouvez dire à la société qu'il s'agit d'un bon projet prévu pour la rue Sussex, qu'il va coûter 7 millions de dollars, et cetera, et que c'est à prendre ou à laisser.

Dans ce cas précis, la société a accepté votre offre. Si vous la modifiez, qui sait si la société va toujours vouloir y contribuer et affecter 12 millions de dollars pour marquer l'an 2000.

Le président: Je remercie les deux témoins. J'aimerais beaucoup que l'on poursuive ce débat, mais malheureusement nous avons déjà pris une demi-heure de retard. Nous allons passer à nos prochains témoins, soit l'organisme des Amis du Musée canadien de la guerre, représenté par le Colonel Holtzhauer.

Colonel, comme vous le savez, nous avons pris du retard, si bien que je vais vous demander de souligner les points saillants de votre mémoire afin de donner aux sénateurs le temps de poser leurs questions. Je vous cède la parole.

Le colonel (retraité) J.W. Holtzhauer, président, Les Amis du Musée canadien de la guerre: Le groupe des Amis du Musée canadien de la guerre est formé de particuliers qui participent de très près à la vie quotidienne du musée. Nous sommes troublés par la controverse actuelle au sujet des questions liées au plan d'agrandissement du musée.

Plus précisément, les «Amis» s'inquiètent de l'effet éventuel de ces critiques sur l'avenir du musée et de l'effet qu'elles ont en ce moment sur les efforts constants qui sont déployés dans le cadre de la campagne de financement du projet d'agrandissement.

Nous allons aujourd'hui vous dire ce que nous pensons des questions sur lesquelles vous vous penchez. Au cours de notre exposé, je vais parler un peu de l'organisation et des buts poursuivis par les Amis, de notre campagne de financement appelé Passons le flambeau, de la question de l'appellation du musée, de la raison d'être de l'agrandissement du musée sis 330, promenade Sussex, de la nécessité de remplacer l'entrepôt de la Maison Vimy, du principal élément de la controverse -- à savoir l'exposition de l'Holocauste -- et de la nécessité pour le musée de devenir une entité indépendante.

Même si nous pouvons ne pas être d'accord avec certains des points de vue que d'autres parties intéressées ne manqueront pas de vous présenter, nous sommes convaincus que tous les témoins poursuivent le même objectif, soit permettre au musée de mieux présenter et faire connaître l'histoire militaire du Canada au grand public.

En tant que membres du comité, vous êtes confrontés à un dilemme similaire à celui de Salomon: comment arriver à une conclusion satisfaisant tous vos pétitionnaires. Nous espérons que vous parviendrez à une conclusion qui, selon vous, servira les meilleurs intérêts de tous les Canadiens. J'espère que notre exposé vous permettra d'atteindre un tel but.

Notre organisation est nationale, à but non lucratif et publique. D'après les chiffres dont nous disposons aujourd'hui, nous comptons un peu plus de 1 400 membres qui viennent du Canada et des États-Unis. Nous avons également quelques membres au Royaume Uni et dans d'autres pays. L'organisation a été créée en 1987 par un groupe de Canadiens qui voulaient défendre les intérêts du musée, car ils avaient l'impression que le gouvernement fédéral délaissait le Musée de la guerre.

Notre organisation vise à stimuler l'intérêt à l'égard du Musée canadien de la guerre et à appuyer ce dernier, à promouvoir la compréhension, la communication et la coopération entre les Canadiens et les musées militaires du Canada, à donner aux personnes et aux organisations intéressées la possibilité de partager ce que le musée a à offrir et à en assurer le développement, à apporter de l'aide bénévole au Musée canadien de la guerre tant pour l'organisation que pour le grand public, à promouvoir et à organiser des événements spéciaux compatibles avec les thèmes et objectifs approuvés du musée, à encourager et à appuyer la recherche dans le domaine de l'histoire militaire du Canada et à promouvoir des initiatives ou des projets particuliers sur lesquels s'entendent le musée et les Amis du Musée canadien de la guerre.

Jusqu'ici, tous nos efforts ont été axés sur ces objectifs. Toutefois, ces cinq dernières années, nous avons consacré énormément d'efforts à une campagne de financement afin de permettre au musée d'être mieux en mesure de remplir son mandat.

En 1991, comme vous le savez bien, on s'est beaucoup inquiété de la situation du musée, ce qui a donné lieu à la création d'un groupe de travail qui a publié un rapport dans lequel on souligne que par définition, les musées ont une responsabilité à l'égard du public qu'ils desservent et qu'ils doivent donc définir leur public afin de définir leurs fonctions didactiques. Cette affirmation est particulièrement pertinente si l'on en croit les divers sondages -- effectués pas plus tard que 1966 et 1967 -- qui indiquent que 67 p. 100 des visiteurs du musée sont âgés de moins de 40 ans. Contrairement au passé, le public se compose de plus en plus de familles et de groupes scolaires.

Pour ce qui est des fonctions didactiques, le rapport a conclu que le Musée canadien de la guerre ne donnait pas en général le contexte social, politique, économique ou militaire de ses expositions. Il y avait non seulement des trous dans la présentation de l'histoire militaire du Canada pour la période juste avant la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu'à aujourd'hui, mais en plus, les auteurs du rapport ont dit en guise de conclusion que les guerres et les conflits armés soulèvent des questions universelles, inextricablement liées à l'histoire de tous les peuples, et qu'il nous faut connaître les luttes du passé pour comprendre le présent et être en mesure de faire face à l'avenir.

Le rapport conclut par la vision des auteurs, à savoir que le musée est une institution qui doit continuer à perpétuer le souvenir de ceux qui ont souffert et qui ont perdu leur vie, qui doit s'efforcer de décrire objectivement et complètement l'expérience du Canada en matière de guerre et qui doit permettre la recherche d'une paix durable.

En raison des restrictions financières que vous connaissez, peu de mesures ont été prises par suite de ce rapport. Les Amis ont donc décidé de lancer une campagne de financement pour améliorer l'infrastructure du musée. Dans le cadre de la planification, nous avons retenu les services d'une société spécialisée dans le domaine du financement afin de déterminer si notre campagne suscitait suffisamment d'intérêt de la part du public. Les résultats étant positifs, nous avons décidé d'aller de l'avant. M. Geurts vous a dit que la campagne a débuté en 1996, mais elle a été en fait officiellement lancée à notre assemblée générale annuelle, le 8 mai 1995.

Au départ, nous avons prévu un programme de reconnaissance pour l'apport de certains groupes particuliers. Ainsi, nous avons demandé aux Canadiens d'origine néerlandaise de viser un objectif de 2 millions de dollars qu'il était prévu d'affecter au nouvel auditorium de 250 places, lequel aurait été appelé auditorium de la libération néerlandaise. De même, nous avons demandé aux anciens combattants juifs de viser un objectif d'un million de dollars pour la salle de l'Holocauste et du souvenir des anciens combattants juifs, salle prévue dans les plans d'agrandissement du musée.

Pour l'instant, certaines de nos initiatives n'ont pas porté fruit et nos plans ont été modifiés en conséquence, comme vous en avez été informé. Toutefois, étant donné le don d'un million de dollars de la société General Motors, il a été prévu que l'esplanade porte son nom.

Il est important que le comité comprenne que le succès obtenu jusqu'ici n'aurait pas été possible sans l'appui extraordinaire de la Société du Musée canadien des civilisations. Au début de notre campagne, il est apparu évident que les Amis manquaient du financement et de l'expertise nécessaires pour mener à bien une campagne aussi ambitieuse; il a donc été décidé de la transformer en entreprise conjointe entre les Amis et la SMCC. En plus de la gestion financière et de l'aide administrative, la SMCC a annoncé qu'elle affecterait 7 millions de dollars de son budget à l'agrandissement dont le coût est évalué à 12 millions de dollars. Cette injection a énormément facilité l'appel de fonds que nous avons lancé au secteur privé.

À l'heure actuelle, la campagne a permis de collecter un peu moins de 2,4 millions de dollars auprès du secteur privé -- qui se répartissent comme suit: 1,25 million de dollars de la part de sociétés; 798 000 $ de la part de fondations; 323 000 $ de la part du grand public; 24 000 $ de la part des associations des anciens combattants, soit un total de 2 396 729 $.

La campagne est aujourd'hui pratiquement paralysée. Seuls des fonds négligeables ont été reçus depuis que la controverse au sujet de l'Holocauste est apparue à la fin de l'année dernière. Les donateurs éventuels nous disent qu'ils préfèrent retarder leur décision en raison de l'incertitude causée par cette controverse.

Pour ce qui est du nom du Musée de la guerre, le rapport a recommandé qu'il ne soit pas changé. Il y a eu des discussions pour savoir s'il fallait y inclure le mot «paix» et d'autres termes. La majorité des gens que nous avons abordés à ce sujet, y compris l'honorable Sheila Copps, la Légion royale canadienne, les associations d'anciens combattants et les Amis, ont déclaré que le nom ne devrait pas changer. Je crois bien que la ministre ainsi que la présidente de la SMCC ont officiellement indiqué que le nom ne serait pas changé.

J'aimerais maintenant aborder la question de l'agrandissement du bâtiment situé promenade Sussex. Après avoir examiné à fond toutes les solutions possibles, le rapport a recommandé que l'on conserve et que l'on agrandisse le site actuel du musée sis promenade Sussex. Les Amis continuent d'appuyer cette conclusion.

On vous a expliqué en détail les plans d'agrandissement, si bien que je vais m'abstenir de le faire. Toutefois, la nouvelle structure et l'ancienne -- qui sera rénovée -- permettront d'améliorer les expositions, l'accès et l'espace. Nos anciens combattant et les autres Canadiens pourront tirer fierté de ce qui est prévu pour commémorer notre histoire, soit le nouvel auditorium, la cour couverte, la nouvelle salle et le programme de liaison électronique.

Nous vous supplions de ne pas remettre la question du site du musée à l'étude. Nous avons subi de trop longs retards; le plan a été accepté par tous ceux qui en ont été informés jusqu'ici. Il ne me reste plus qu'à dire: allons de l'avant.

Pour ce qui est de la Maison Vimy, vous savez ce qu'elle renferme et connaissez son utilité. Il faudrait trouver un nouveau bâtiment moderne suffisamment vaste pour jouer les rôles que joue actuellement la Maison Vimy, à plus grande échelle toutefois. Il faudrait y prévoir l'espace nécessaire pour le personnel administratif qui se trouve maintenant promenade Sussex, ce qui libérerait plus d'espace à cet endroit-là, que l'on pourrait ainsi réserver aux expositions. Les Amis continuent de demander que l'on trouve un autre bâtiment susceptible de remplacer la Maison Vimy.

J'en arrive maintenant à l'exposition de l'Holocauste. La controverse actuelle au sujet de l'utilisation prévue du site agrandi de la promenade Sussex vise essentiellement la salle de l'Holocauste. À l'origine, c'est Victor Suthren, directeur général du musée, qui a mis au point le plan initial de la salle de l'Holocauste; il s'est exprimé en ces termes:

Cette salle permettra au Musée canadien de la guerre de sensibiliser plus de 250 000 visiteurs par an à l'ignorance et à la haine de l'humanité; elle lui permettra aussi de raconter l'histoire du peuple juif confronté à un tel fléau et de mettre l'accent sur la recherche du respect, de la paix et de la tolérance. Elle servira de témoignage vibrant à l'Holocauste, ainsi qu'au courage et au sacrifice des anciens combattants juifs du Canada. Enfin, elle démontrera avec force pourquoi le Canada se doit de toujours défendre la paix.

Les Amis du musée approuvent officiellement l'idée d'intégrer une salle de l'Holocauste aux plans d'agrandissement du musée. Cependant, ils n'ont pas l'appui de tous les membres. Jusqu'à présent, j'ai reçu huit lettres sur le sujet. Deux d'entre elles étaient en faveur et six contre. De plus, certaines personnes ont exprimé de vive voix leur approbation ou leur opposition. Les anciens combattants vous feront eux-mêmes part de leur point de vue. Un certain nombre d'entre eux, que nous comptons parmi nos membres, viendront vous exposer leurs vues dans les jours qui viennent.

L'argument principal invoqué par les anciens combattants contre l'intégration de la salle de l'Holocauste au musée, c'est qu'ils n'étaient pas au courant du génocide avant de partir pour la guerre et que cela n'a donc rien eu à voir avec la participation militaire du Canada dans la Seconde Guerre mondiale. Les diverses associations d'anciens combattants qui s'opposent à ce que le musée abrite une exposition sur l'Holocauste ont invoqué des arguments similaires.

Il n'y a pas l'ombre d'un doute que c'est pour mille et une raisons que les Canadiens sont allés à la guerre et se sont battus jusqu'en 1945. Cependant, il faut bien comprendre que le Canada, en tant que pays libre, s'était fixé des objectifs de guerre explicites liés directement au traitement que les nazis réservaient aux Juifs et à d'autres minorités. Le Canada n'a pas mis beaucoup de temps pour appuyer la Charte de l'Atlantique intervenue en 1941, une initiative de Churchill et de Roosevelt, et la signer quelques mois plus tard. Cette charte condamnait la politique génocidaire que pratiquait Hitler. Ces engagements ont directement donné naissance aux Nations Unies, qui s'attachent au respect des droits de la personne et aux préoccupations d'ordre humanitaire. Ces dernières comptent parmi les nombreuses raisons qui nous incitent à poursuivre nos missions de maintien de la paix. En fait, l'acceptation universelle en 1943 de la théorie de la capitulation sans condition reflétait le point de vue des alliés et plus particulièrement du Canada sur la nature du régime nazi.

C'est le président du conseil d'administration de l'Imperial War Museum, lui-même ancien combattant et chef d'état-major de la Défense du Royaume-Uni, qui a fait le récit le plus convaincant sur les liens qui existent entre les objectifs de guerre précis et le sacrifice de milliers de femmes, soldats, marins et aviateurs canadiens. Lord Bramall, feld-maréchal, a invoqué deux raisons pour justifier l'aménagement de la salle permanente de l'Holocauste inaugurée là-bas en avril.

S'exprimant en tant qu'ancien combattant de la campagne de Normandie et de l'assaut final sur le IIIe Reich, Lord Bramall a déclaré que c'est la découverte par les forces alliées des camps de la mort nazis disséminés en Europe qui les a convaincus plus que n'importe quoi d'autre qu'ils luttaient pour une juste cause et qu'il fallait triompher une fois pour toute d'Hitler et de son plus que funeste régime.

Il a ajouté que l'Holocauste faisait partie intégrante des objectifs de guerre d'Hitler et du Reich de mille ans qu'il envisageait et qui incluait, il va sans dire, l'invasion de l'Amérique du Nord et l'implantation de ses politiques.

Bien qu'il y ait eu d'autres exemples épouvantables de crimes contre l'humanité, il n'y a jamais eu d'exercice aussi froid et calculé que l'Holocauste pour exterminer un peuple au complet, exercice qui a été organisé par des officiers d'état-major menant une vie bien rangée, dans leur maison de banlieue, auprès de leur femme et de leurs enfants, puis exécuté de la façon la plus dure et la plus dépravée par des officiers et des hommes qui ont en fait été applaudis, promus et décorés pour ces crimes épouvantables.

Je sais que le temps qui m'est imparti est limité et je dirai simplement que la salle de l'Holocauste de l'Imperial War Museum avait reçu l'appui du premier ministre et du chef de l'opposition de l'époque, John Major et Tony Blair, et que le premier ministre du Canada, Jean Chrétien, avait félicité l'Angleterre de son intention de consacrer une salle d'exposition à l'Holocauste.

Le sénateur Jessiman: Pourriez-vous nous dire combien d'argent vous avez recueilli jusqu'à maintenant?

M. Holtzhauer: Des sociétés, 1 251 475 $.

Le sénateur Jessiman: J'ai raté ce chiffre. Des anciens combattants, 24 000 $?

M. Holtzhauer: À peu près.

Le sénateur Jessiman: Vous avez dit que vous vous êtes adressés à la communauté juive et que vous lui avez demandé un million.

M. Holtzhauer: Ils ont retenu les services d'un comité de financement.

Le sénateur Jessiman: S'agit-il de collecteurs de fonds professionnels?

M. Holtzhauer: Oui.

Le sénateur Jessiman: Vous leur avez versé des honoraires?

M. Holtzhauer: Oui.

Le sénateur Jessiman: Le comité est-il encore à l'oeuvre?

M. Holtzhauer: Non.

Le sénateur Jessiman: Est-ce Victor Suthren qui vous a suggéré de vous adresser à la communauté juive?

M. Holtzhauer: Non. Lorsqu'ils ont amorcé les discussions, il s'agissait de décider d'où les fonds pourraient provenir et de la raison pour laquelle ils seraient rassemblés. Murray Johnston, qui était président du comité de financement, peut en parler.

Le sénateur Jessiman: Faisait-il partie des personnes qui ont été rémunérées pour essayer de rassembler des fonds pour vous?

M. Holtzhauer: Non. Il a déjà assumé la présidence des Amis du Musée canadien de la guerre. Il était alors président et a assumé la présidence du comité de financement lorsque je suis devenu président.

Le sénateur Jessiman: Cependant, ai-je raison de penser que, lorsque vous avez commencé à rassembler les fonds, quelqu'un a laissé entendre que vous pourriez obtenir un million de la communauté juive?

M. Holtzhauer: Oui, c'est exact, au début.

Le sénateur Jessiman: Sur les quelque 2,4 millions que vous avez rassemblés, combien d'argent est réputé provenir de la communauté juive pour la salle de l'Holocauste?

M. Holtzhauer: Jusqu'à maintenant, les promesses de dons pour la salle se chiffrent à 225 000 $. Nous avons déjà reçu 62 000 $ de cette somme.

Le sénateur Jessiman: Je suppose que lorsque vous dites que quelque 2,4 millions ont été rassemblés, vous voulez parler de contributions annoncées?

M. Holtzhauer: Oui.

Le sénateur Jessiman: Si vous défalquez 225 000 $, vous obtenez alors 2 175 000 $ pour les anciens combattants, sans la salle de l'Holocauste?

M. Holtzhauer: C'est exact.

Le sénateur Prud'homme: Vous êtes le bienvenu ici. Les gens qui donnent de leur temps pour des nobles causes devraient être remerciés publiquement.

M. Holtzhauer: Merci. Nous avons beaucoup de bénévoles consciencieux.

Le sénateur Prud'homme: Bienvenue dans le monde de la controverse. Cela fait 35 ans que je fais face à des polémiques du même genre.

M. Holtzhauer: Le Musée canadien de la guerre a eu plus de publicité et suscité plus d'intérêt au cours des quatre derniers mois qu'il ne l'a fait dans les 40 dernières années.

Le sénateur Prud'homme: Au bout du compte, il en sortira peut-être quelque chose de positif.

M. Holtzhauer: C'est ce que nous espérons.

Le sénateur Prud'homme: Tout comme moi.

[Français]

Est-ce qu'au cours de votre discussion, des gens de votre entourage ont attiré votre attention sur la controverse qui pourrait éclater?

[Traduction]

En peu de mots, y avait-il suffisamment de gens assez sensibles pour reconnaître que vous vous lanciez dans une controverse et que vous auriez dû consulter davantage? Ou, en tant que gens de bonne foi, avez-vous simplement mis de l'avant un bon plan?

M. Holtzhauer: Oui, nous avons peut-être été d'une grande naïveté. Nous avons fait savoir à nos amis dans notre bulletin de l'hiver 1996 que nous planifiions une salle de l'Holocauste. Cette nouvelle n'a pas soulevé de controverse. Un membre du comité exécutif de la légion siège à notre conseil d'administration. Divers membres de regroupements d'anciens combattants parrainent la campagne.

À ma connaissance, personne n'a réagi avant le 31 octobre dernier, alors que j'ai entendu M. Chadderton exprimer de sérieuses réserves à ce sujet dans le cadre d'une émission. Fort innocemment, nous allions de l'avant. Personne ne semblait y voir un problème jusque là. C'est ce dont je me souviens.

Je le répète, nous sommes maintenant pris dans une controverse dans laquelle nous ne souhaitons pas le moins du monde nous trouver, tout comme vous j'en suis convaincu. Il est certain que lorsque nous nous sommes lancés dans cette aventure, nous n'avions aucunement l'intention de manquer de respect envers les anciens combattants. Mon père était un ancien combattant. J'ai servi 35 ans dans l'armée, ma fille y a servi et mon gendre y sert encore. Notre seule intention était d'essayer d'améliorer le musée. C'était notre objectif et ça l'est toujours. Peu importe ce qui arrivera, que la salle de l'Holocauste s'y trouve ou non, nous continuerons à travailler pour agrandir notre musée. C'est notre objectif.

Le sénateur Prud'homme: Comment devient-on un Ami du Musée canadien de la guerre?

M. Holtzhauer: Je vais prendre votre nom et votre adresse, monsieur. Nous vous ferons parvenir un formulaire d'inscription.

Le sénateur Prud'homme: Je pose la question en notre nom à nous tous.

M. Holtzhauer: Nous avons un formulaire de demande. Nous participons à différentes expositions militaires, dont le Congrès des associations de la Défense. Nos frais d'adhésion annuels sont de 15 $ pour un seul membre et de 20 $ pour une famille. Les Forces armées canadiennes ont imprimé récemment plusieurs centaines de milliers de signets sur lesquels ils font de la publicité. Ils ont très gentiment accepté de publiciser notre organisme à l'endos. Nous essayons de solidifier le lien qui unit le Musée de la guerre, les Forces armées et les Amis.

Le sénateur Prud'homme: Vos efforts m'impressionnent. Vous avez besoin d'amis.

M. Holtzhauer: Oui.

Le sénateur Cools: Nous devrions remercier ces témoins de leur candeur, mais aussi de leur engagement et des efforts qu'ils ont personnellement déployés au nom du Musée de la guerre.

Comme nous nous débattons tous ici pour trouver une solution à cette controverse inopinée, je suis très surprise de la naïveté, comme vous le dites, avec laquelle vous vous êtes engagés dans cette entreprise.

Avec tout le respect que je vous dois ainsi qu'aux anciens combattants, j'espère quant à moi que nous nous rendrons compte, au fur et à mesure de nos audiences, que tout cela n'est qu'un malentendu. Peut-être pourrons-nous rétablir une certaine stabilité ou en encourager le rétablissement. Nous avons affaire ici à deux expressions différentes de ce qui ne peut être appelé autrement qu'un crime contre l'humanité. Il y a, d'une part, l'Holocauste et, d'autre part, une guerre épouvantable.

Il est très malheureux que ces deux situations et les gens directement touchés se retrouvent au coeur d'un conflit. Cela vient simplement renforcer le principe selon lequel la politique peut sembler un jeu aux yeux des amateurs, mais qu'il n'en est rien.

Je voulais dire cela parce que les témoins se sentent de toute évidence blessés et, comme l'a dit le témoin, la controverse en froisse d'autres. Nous devrions le reconnaître ici. Nous voulons vous assurer que notre comité a l'intention de rétablir la stabilité et l'équilibre. Le préjugé est une chose terrible. Les opinions préconçues qui sommeillent chez l'homme peuvent faire surface sans raison. Nous essayerons de nous acquitter de la tâche qui nous a été confiée.

Le sénateur Forest: J'ai appris en visitant d'autres musées de l'Holocauste qu'étant donné leur incroyable impact, il faut trouver des endroits importants pour d'autres musées de ce genre, pas seulement au Canada mais partout dans le monde. Les musées nous enseignent l'histoire pour que nous ne répétions pas les mêmes erreurs. C'est très important.

Je ne voudrais pas que vous ayez l'impression que les gens qui se trouvent autour de cette table ne sont pas très emballés à l'idée de faire connaître cette partie de notre histoire. Ce qui pose un problème, c'est le site. On se demande aussi s'il met en valeur le reste de nos artefacts historiques ou s'il vaut mieux trouver un meilleur emplacement. Voilà ce qui nous préoccupe. Nous examinerons ces questions et ferons nos recommandations.

La plupart d'entre ceux qui se trouvent ici ont fait beaucoup de bénévolat dans leur vie. Nous sommes au courant de la somme de travail que cela implique et de l'engagement nécessaire. Nous en sommes conscients.

Le président: Merci beaucoup, colonel Holtzhauer. Je vous remercie tout particulièrement de votre coopération.

Avant de vous laisser partir, j'aimerais vous poser une question à propos d'un article paru aujourd'hui. Y a-t-il des groupes qui ont annulé ou reporté le financement qu'ils avaient annoncé?

Le colonel Holtzhauer: Il y a bien eu un ou deux retraits. Lorsque nous avons dû abandonner le concept du théâtre hollandais canadien, certains ont retiré leur argent.

J'ai lu l'article où l'on disait que les anciens combattants allaient nous donner 150 000 $. J'ai vérifié auprès de ceux qui se sont occupés de recueillir les fonds. Jusqu'à la publication de l'article d'aujourd'hui, nous ne savions pas que nous allions recevoir 150 000 $. Tout ce que je peux dire, c'est que d'après l'article, un organisme regroupant des anciens combattants a mis de côté 150 000 $ à notre intention. Quant à moi, c'est la première fois que j'en entends parler.

Le président: Pour terminer, je vous renvoie à un article de la revue Maclean's sur le projet de fusion de la Banque royale et de la Banque de Montréal. Je vous suggère d'obtenir les services du président de la Banque royale. Si vous pouvez obtenir de lui autant qu'il a obtenu de l'Université McGill, nous tiendrons alors le filon.

Notre prochain témoin est le colonel Murray Johnston qui est retraité.

Je dois vous rappeler que notre temps est limité. Je vous demande la même collaboration que j'ai reçue de votre prédécesseur.

Le colonel Murray Johnston (retraité): J'essaierai d'acquiescer à votre demande, monsieur le président. La préparation de cet exposé m'a demandé beaucoup de temps et d'efforts. J'espère qu'on vous l'a remis au préalable. Je l'avais fait parvenir il y a un certain temps.

Je vous rappelle que je suis ici en tant que citoyen qui s'intéresse à la question. Je suis aussi bénévole au Musée canadien de la guerre. J'ai fait beaucoup de choses pour le musée. En fait, comme je l'ai dit plus tôt, je suis président de la campagne de financement et, auparavant, j'avais assumé pendant six ans la présidence des Amis du musée canadien de la guerre.

J'aimerais vous exposer un point de vue différent à l'égard de certaines des choses dont nous avons discuté pour que nous puissions aider le sénateur Cools à trouver une solution. C'est ce que je vais essayer de faire aujourd'hui.

J'aimerais que nous passions en revue les points énumérés dans votre mandat ainsi que trois ou quatre autres questions. Ils figurent dans les conclusions de la première page de mon exposé. Si vous les avez sous les yeux, vous pourrez suivre plus facilement.

En ce qui concerne la pertinence du musée par rapport à l'avenir du Canada, comme on l'a dit plus tôt, le musée devrait être un outil d'éducation. Il est primordial que tous les Canadiens, peu importe qui ils sont, soient au courant de la contribution des militaires au développement de notre pays des points de vue politique, religieux, social, économique et industriel. C'est en raison de cette méconnaissance des aspects militaires que nos jeunes gens grandissent sans avoir une idée parfaitement juste de leur culture. Ils en finissent par croire que les militaires ne sont pas une composante de notre pays. Ce musée peut être d'une très grande utilité s'il parvient à contribuer à l'éducation des enfants. Vous avez entendu parler de programmes dont on parle à cette fin.

Le mandat du musée a été abordé plus tôt par le sénateur Kelly. Le musée doit servir de mémorial, analyser l'histoire militaire et documenter la contribution militaire canadienne. Cependant, si vous y regardez de plus près, vous verrez que le maintien de la paix est mis à part. Je suggère fortement de revoir le mandat de manière à inclure les trois rôles, c'est-à-dire la commémoration, l'analyse et la documentation. Les forces de combat, le maintien de la paix, l'industrie militaire, la défense et ainsi de suite doivent être réunies vu qu'il s'agit de l'ensemble de la contribution militaire au développement du pays.

Au cours des dernières années, la tendance a été de rajouter le maintien de la paix à la contribution militaire. Cependant, depuis la fin de la guerre froide, les missions de maintien de la paix se sont grandement intensifiées. En fait, nous parlons de «quasi-guerre».

En tant que colonel commandant de l'Escadron de génie électrique et mécanique des Forces armées, j'ai visité tous nos soldats sur les lignes de front. Ce qui les inquiètent surtout c'est la perte de leur patrimoine et le fait que leur contribution à l'histoire militaire de ce pays n'est pas bien reconnue. Il faut absolument la reconnaître si nous voulons que les militaires continuent de contribuer au développement de notre pays.

Je ne crois pas qu'il faille changer le nom du musée. Il s'agit d'un nom traditionnel qui reflète l'état d'esprit actuel qui consiste à perpétuer le souvenir des sacrifices en temps de guerre et des sacrifices en temps de paix, les missions militaires de maintien de la paix et la plupart de nos missions diplomatiques actuelles, la controverse actuelle en Irak en étant un exemple.

Quant à la structure, à l'emplacement et à la superficie du musée comme tels, nous avons insisté sur la division de sa superficie en diverses galeries et salles. J'aimerais m'attarder à l'utilisation des moyens électroniques dans les expositions et, fait plus important encore, au recours à l'Internet pour rejoindre les Canadiens où qu'ils se trouvent, y compris dans les salles de classe.

Le musée est actuellement bien organisé. Il est situé dans un bon endroit central. Il a aussi la superficie voulue pour accueillir les groupes d'élèves, qui représentent 45 p. 100 environ de sa clientèle. Toutefois, il n'est pas donné à tous les élèves de se rendre au musée, sans oublier la Maison Vimy qui abrite une importante collection complémentaire d'équipement, d'où la nécessité de pouvoir les rejoindre par des moyens électroniques.

Les visites virtuelles, les visites organisées pour les élèves et l'entrepôt accessible sont les trois éléments du volet Éducation. Grâce notamment aux moyens de communication actuels, l'éducation peut se faire à l'échelle du pays. Par conséquent, la superficie du musée n'a pas autant d'importance que nous aurions pu le croire. À mon avis, il faudrait adapter le musée aux innovations technologiques du prochain millénaire.

Quant à l'autonomie du musée, d'aucuns ont soutenu que le musée devrait relever de divers ministères. J'aimerais revenir à ce que j'ai dit, soit que les Canadiens ne sont pas conscients de la contribution des militaires au développement du pays et à toutes les autres dimensions de la vie canadienne -- religion, politique, et ainsi de suite. En d'autres mots, on considère les militaires comme un groupe à part.

Si nous étions vraiment convaincus de la nécessité d'intégrer les militaires à la culture du pays, ce qui n'est pas le cas -- il faudrait faire de l'éducation en ce sens --, ce serait une bonne idée de rattacher le musée à la Société du Musée des civilisations. La civilisation et la culture formeraient alors un tout muséal. Le musée ne devrait pas relever du ministère de la Défense nationale dont le mandat est tout à fait différent. Sa mission consiste à défendre le pays. Je parle, moi, du patrimoine canadien.

C'est une autre raison, selon moi, pour laquelle le musée devrait demeurer dans le giron de la société. Vous avez entendu des arguments favorables et défavorables concernant le coût, la superficie et tout le reste. Je ne me lancerai pas dans ce débat.

Le financement du musée pose problème. On vous a décrit les résultats de cette situation. Il y a aussi la question des levées de fonds et des bénévoles. Cette préoccupation a mis en évidence le besoin, pour l'entreprise privée, d'aider le musée à réaliser ses objectifs.

J'ai déjà participé à des levées de fonds. Je sais donc de quoi je parle quand je dis qu'il n'est vraiment pas facile d'amasser de l'argent pour le Musée canadien de la guerre. Lever des fonds pour des hôpitaux, des groupes sociaux et des oeuvres caritatives est assez facile, par comparaison. Il a fallu faire des pieds et des mains pour amasser les 2,6 millions de dollars actuels. J'y ai consacré beaucoup de temps. Les refus étaient beaucoup plus nombreux que les dons et les promesses de don. Je vous signale donc qu'il a été extrêmement difficile d'amasser ces fonds.

J'avoue qu'on a tendance à vouloir plaire aux sources éventuelles de fonds. Il faut bien. Il faut être pragmatique. Le gouvernement du Canada n'a pas fourni les fonds nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du musée tant souhaité par tous ceux qui se trouvent aujourd'hui dans la salle.

J'aimerais maintenant vous parler brièvement de l'exposition relative à l'Holocauste et changer un peu l'angle de la lunette. Le musée se compose actuellement de salles d'exposition organisées par ordre chronologique. Il vous relate l'histoire de divers événements militaires et des contributions canadiennes au fil des ans. Une chose manque à ce musée, soit une exposition sur les causes des conflits qui ait un impact réel. On vous a parlé, ce matin, de la petite exposition sur l'Holocauste montée à côté de la voiture de Hitler. Elle n'a pas eu beaucoup d'impact.

Quand on monte une pareille exposition, il faut qu'elle serve d'exemple dramatique et bien documenté de manière à accrocher les enfants et les autres visiteurs. Il faut aussi faire en sorte qu'elle soit actuelle. L'Holocauste correspond à cette définition. Il servira de métaphore pour illustrer les causes de conflits.

Comme il a été mentionné plus tôt, il n'y a pas eu que l'Holocauste comme atrocité. Par contre, il est tout indiqué pour illustrer les génocides et la discrimination raciale au XXe siècle, car il ferait comprendre ce à quoi font face les casques bleus aujourd'hui dans des régions comme le Rwanda et la Croatie.

J'ai roulé ma bosse en Croatie. La campagne a été littéralement dévastée. J'ai vu les camps de réfugiés. Il en reste encore aujourd'hui. J'ai parlé à nos soldats de retour du Rwanda et du Cambodge. Ils posent tous la même question: «Comment se fait-il qu'il faille encore de nos jours aller là-bas pour faire ce genre de travail?»

Une exposition sur l'Holocauste insisterait sur les victimes, dont bon nombre ont aujourd'hui la citoyenneté canadienne. On établirait des liens avec d'autres Holocaustes et avec ce que voient actuellement nos casques bleus. Il y aurait un exemple dramatique et bien documenté des causes de conflits. Voilà ce que nous recherchons.

Si l'on ne nous permet pas de monter une pareille exposition dans le Musée canadien de la guerre, celui-ci sera condamné à faire la simple exposition chronologique d'objets vieillissants, et il se peut fort bien que le public ne soit pas renseigné sur son histoire militaire et qu'il vienne à ne plus y être sensibilisé du tout.

J'aimerais aussi faire remarquer peut-être que «grand» n'est pas forcément synonyme de «bon». Je vous donne l'exemple du Musée d'histoire militaire de la Belgique situé à Bruxelles. Il a à peu près la superficie de deux terrains de football. Des objets sont exposés les uns à la suite des autres, sans fil conducteur. On ne dit rien des causes des conflits. Il est très difficile de faire visiter pareil musée à un groupe d'écoliers. Notre musée à nous a probablement la superficie idéale.

Quant au débat lancé dans les médias, je suis très déçu parce qu'il est devenu très acrimonieux et qu'il est axé sur un seul élément, sur l'opinion de tout un chacun quant à ce que devrait être l'exposition sur l'Holocauste. Je vous ai donné un point de vue, peut-être différent, quant à la façon dont il cadrerait avec la scène militaire canadienne.

Nous avons eu droit à toute la gamme des arguments pour et contre l'exposition sur l'Holocauste, à tel point que les dimensions éducatives et informatiques du projet, qui sont de loin les plus importantes, ont été occultées.

Enfin, certaines des lettres que j'ai vues dénigrent le personnel de la société. Mettez-vous dans ma peau! Ce genre de critique mine la crédibilité des bénévoles. Beaucoup d'entre nous avons travaillé très fort et longtemps, envers et contre tous, pour faire évoluer le projet au stade actuel. Déprécier la contribution du personnel du musée parce que certains ont commis de petites erreurs par ci par là mine notre crédibilité.

La plupart d'entre nous sont d'anciens combattants qui comptent de nombreuses années de service. J'ai aussi fait la guerre. J'étais au Vietnam en 1973 quand un cessez-le-feu a été décrété. J'ai passé six mois au bout de la piste Ho Chi Minh. Je puis vous dire que c'était une véritable zone de guerre là-bas. On tirait sur mes amis. L'un d'entre eux en est mort, d'ailleurs.

C'est en ce sens que je dis que les bénévoles qui ont continué de mener le projet envers et contre tous sont ceux qui souhaitent lui donner une dimension éducative, rejoindre le plus de gens possible par des moyens électroniques et bien commémorer toutes ces choses. Si nous renonçons à ce projet, nous renonçons à l'histoire de notre patrimoine militaire.

J'espère ne pas avoir oublié de points. Je répondrai volontiers, maintenant, à vos questions.

Le président: Vous avez préparé un excellent mémoire. Votre suggestion d'avoir recours aux moyens technologiques et d'utiliser Internet m'intrigue. La semaine dernière, quand on m'a interviewé, on m'a demandé si j'avais emmené mes petits-enfants visiter le musée de la guerre. J'ai répondu par la négative. Ceux qui vivent en Ontario sont trop jeunes pour s'y intéresser et ceux qui se trouvent en Alberta sont trop loins pour s'y rendre. Le musée pourrait se rendre jusqu'à eux. C'est une excellente suggestion.

M. Johnston: Je suis d'accord avec vous que c'est un élément clé.

Le président: Par contre, je ne suis pas d'accord pour dire que les critiques visant le personnel du musée de la guerre vous dénigrent. Elles ne visaient pas les efforts que vous déployez. Bon nombre d'entre nous estiment que le musée pourrait être mieux exploité. Cela ne déprécie en rien votre rôle et ne se voulait pas un commentaire dénigreur. J'espère que vous ne le prendrez pas ainsi.

M. Johnston: Je vous remercie.

Le sénateur Kelly: J'aimerais féliciter le témoin. J'ai hâte de savoir ce que me réserve le reste de la semaine. J'étais au départ nettement contre l'ajout d'une aile sur l'Holocauste. Si je ne suis pas en faveur de votre projet, je ne suis pas non plus contre. J'espère avoir les idées plus nettes à la fin. Votre exposé était très convaincant.

Le sénateur Forest: Le sénateur Cools a mentionné qu'il s'agissait d'une question politique, ce qui est probablement le cas, mais je m'intéresse surtout au volet éducatif. Je reviens tout juste d'une tournée pancanadienne ayant pour objet l'éducation. Les programmes de diffusion externe dans les universités et les collèges sont certes la voie de l'avenir.

Je répète ce que j'ai déjà dit. Pour mettre fin à la guerre, il faut en examiner les causes et les situer en contexte. S'il existe une raison justifiant l'inclusion de l'Holocauste, c'est bien celle-là. Son inclusion situe toute la guerre en contexte et renseigne les jeunes sur les causes, particulièrement du fait que ces causes sont bien en évidence dans de nombreux conflits actuels, par exemple au Rwanda et en Croatie. Je suis heureuse d'apprendre que vous envisagez de faire connaître le contexte historique par des moyens de diffusion externe afin d'éviter de nouveaux conflits.

Le sénateur Chalifoux: Je remarque que l'idée de monter l'exposition dans une salle distincte vous plaît. Seriez-vous contre l'idée d'en faire un musée distinct? L'Holocauste a tant d'importance. Je me souviens des récits et des procès de Nüremberg. Je me souviens aussi des atrocités commises en Russie et au Rwanda. Nous en entendons constamment parler. Que pensez-vous de l'idée d'avoir un musée distinct de l'Holocauste qui décrirait la participation canadienne?

M. Johnston: Comme l'a dit le sénateur Forest, j'estime qu'il faut examiner les causes de la guerre.

D'après ce que j'en sais, l'exposition sur l'Holocauste -- remarquez que je dis bien «exposition» -- mettrait l'accent sur les victimes. La dimension politique, soit les ennemis et les alliés, était ce qui semblait faire peur aux gens. Une exposition canadienne sur l'Holocauste comme celle dont nous parlons n'en ferait pas état.

J'ai visité d'autres musées consacrés à l'Holocauste, dont un à Amsterdam et un autre à Cannes. Ce sont des musées exclusivement consacrés à l'Holocauste où les causes de la guerre ne sont qu'une dimension. On pourrait fort bien avoir un musée distinct. J'irais certes jusqu'à affirmer qu'il n'y a pas d'exemple mieux documenté et aussi dramatique qui illustre les causes des conflits. Il est important de prévoir ce genre d'éléments au Musée canadien de la guerre et de faire le lien avec les génocides du Rwanda, du Cambodge et d'ailleurs.

Le sénateur Chalifoux: L'Holocauste a eu lieu durant la Seconde Guerre mondiale. Mais qu'en est-il de la Première Guerre mondiale lorsque nos soldats ont été exposés au gaz moutarde? C'est arrivé à mon père durant la Première Guerre mondiale. Que fait-on des horribles atrocités commises dans les tranchées durant cette guerre? Il y en a eu aussi durant le conflit en Corée. Il semble y avoir des recoupements. J'estime que le musée a pour mandat de faire la lumière sur notre histoire militaire dont nous pouvons nous estimer très fiers. Les deux ont tant d'importance qu'il faudrait avoir deux musées.

M. Johnston: J'ai déjà dit qu'il faudrait que les autres Holocaustes ou génocides en fassent partie, c'est-à-dire qu'on établisse un lien entre eux. Il s'agit simplement d'une métaphore illustrant ce genre d'activité. C'est ce que nous voulons faire.

Mon beau-père a lui aussi été exposé au gaz durant la Première Guerre mondiale. Ces actes ne me laissent donc pas indifférent.

Pour vous donner un exemple, un jeune soldat avec lequel je me suis entretenu à son retour du Rwanda me racontait ce qu'il avait vu. J'ai communiqué avec lui l'automne dernier. Il m'a raconté qu'il s'était rendu dans une école de Winnipeg pour raconter ce qu'il avait vu, particulièrement pour décrire l'opération de maintien de la paix menée au Rwanda. Lui et son groupe ont adopté un orphelinat plein d'enfants qui ont survécu au génocide. Il en faisait la description à l'un des élèves. Un écolier lui a écrit pour lui dire: «Merci beaucoup, monsieur l'officier, d'être venu nous faire ce récit. Ma mère était dans un camp de concentration. Ma grand-mère était dans un camp de concentration. Je vous suis reconnaissant de ce que vous faites». Voilà le message qu'il faut transmettre à nos jeunes enfants.

Le sénateur Jessiman: Êtes-vous à la retraite?

M. Johnston: Mettons les choses au clair. J'ai été officier de la Force régulière des Forces armées canadiennes pendant 32 ans. J'ai pris ma retraite en 1983. En 1991, j'ai été nommé colonel commandant, un grade honorifique sans solde donné à un bénévole qui a pour principale tâche de voir au moral et à l'esprit de corps des troupes. Dans mon régiment, soit le Génie électrique et mécanique, vous trouverez les soldats partout où il y a du matériel. Je les visite tous et je suis continuellement en liaison avec eux. J'agis donc en quelque sorte comme bénévole actuellement.

Le sénateur Jessiman: Vous n'agissez pas comme conseiller auprès du Musée canadien de la guerre ou du Musée canadien des civilisations et vous n'en recevez pas une rémunération?

M. Johnston: Non. Je travaille à titre bénévole uniquement.

Le sénateur Jessiman: Vous êtes ici en votre propre nom?

M. Johnston: C'est juste.

Le sénateur Jessiman: Vous ne représentez personne?

M. Johnston: Je parle en mon nom uniquement, mais je souligne mes antécédents. J'estimais avoir une contribution utile à faire.

Le sénateur Jessiman: Comme vous me l'avez dit, si nous n'avons pas d'exposition sur l'Holocauste, nous pouvons toujours parler de la Guerre des Boers, de la Première et de la Seconde Guerres mondiales, du conflit de la Corée et de la guerre du Vietnam. Cependant, toutes les autres missions auxquelles a participé le Canada étaient des opérations de maintien de la paix. Tôt ou tard, ces guerres, parce qu'elles remontent aussi loin dans le temps, n'intéresseront plus personne. Vous ai-je bien compris?

M. Johnston: Oui. Ce que j'ai dit en réalité, c'est qu'il faut avoir une exposition ou une galerie consacrée exclusivement aux causes des conflits. La meilleure façon de le faire est de donner un exemple dramatique et bien documenté. J'ai dit que l'Holocauste me semblait répondre à ce critère.

Le sénateur Jessiman: Cet exemple est aussi vieux que la Seconde Guerre mondiale et il perd de son actualité chaque jour.

M. Johnston: Nous n'avons pas de dossier bien documenté sur le génocide au Rwanda, actuellement.

Le sénateur Jessiman: Nous pourrions peut-être l'avoir.

M. Johnston: J'en ai parlé assez longuement avec le général Dallaire et j'ai écouté attentivement ses exposés à ce sujet. Lui aussi est convaincu qu'il faut donner un exemple dramatique et bien documenté des causes de conflit. Nous avons choisi d'utiliser l'Holocauste comme exemple. Les rapports avec la situation actuelle, avec le passé et avec les événements qui se déroulaient en parallèle peuvent aussi y être inclus, mais, pour bien faire passer le message, il faut se concentrer sur l'élément central.

Le sénateur Jessiman: En Grande-Bretagne, il existe une salle consacrée à l'Holocauste, si j'ai bien compris, mais leur musée de la guerre est beaucoup plus grand que le nôtre. Vous semblez dire que ce n'est pas le cas. J'aurais cru qu'il était beaucoup plus grand. N'ai-je pas raison?

M. Johnston: Je l'ai visité. Il est plus grand mais pas tellement plus grand. Ce n'est pas comme le Musée de Bruxelles où on peut marcher pendant des milles et des milles. Dans l'atrium central, il y a trois tanks: un tank allemand, un tank américain et un tank britannique. À côté il y a une demi-douzaine d'écrans de télévision pour permettre d'en mieux voir les détails.

Le sénateur Jessiman: Vous parlez du musée de Londres, n'est-ce pas?

M. Johnston: Oui, celui avec les canons devant.

Le sénateur Jessiman: À votre connaissance, combien y a-t-il de musées de la guerre dans le monde qui ont une exposition sur l'Holocauste? Je sais que vous avez dit que la Grande-Bretagne en a une mais combien d'autres en ont?

M. Johnston: Je ne peux malheureusement pas répondre à cette question.

Le sénateur Jessiman: N'y a-t-il pas à l'heure actuelle une importante galerie sur l'Holocauste à Montréal?

M. Johnston: Je crois que oui.

Le sénateur Jessiman: Est-ce qu'il n'y en a pas une aussi à Toronto?

M. Johnston: J'ai entendu une brève mention de cette exposition.

Le sénateur Cools: Comment un musée examine-t-il les causes d'un conflit? C'est ce que vous proposez. Je crois comprendre que les musées relatent l'histoire. Ils racontent l'histoire. Comment un musée peut-il examiner les causes d'un conflit? Par exemple, pour l'instant, nous nous occupons de ce conflit ici. Nous devons trouver une solution. Comment peut-on s'attendre à ce qu'un musée fasse une chose pareille?

M. Johnston: Nous tâchons d'être un peuple tolérant et de traiter tout le monde équitablement. Cela semble être l'une des caractéristiques de notre pays. Nous sommes aussi un pays démocratique, ce qui signifie que tout le monde a le droit de vote. Si tout le monde agissait ainsi, il n'y aurait probablement pas de conflit. Certains enfreignent les règles et essaient d'imposer leur volonté en recourant, par exemple, au génocide ou à la déportation. Bien des situations de ce genre se sont produites au cours de l'histoire. On a mentionné aujourd'hui le génocide des Arméniens.

Nous n'avons peut-être pas la réponse à cette question, mais nous commençons par montrer les conséquences désastreuses d'un exemple bien documenté. Alors peut-être notre vision s'élargira-t-elle et nous pourrons aborder la chose différemment.

Le sénateur Cools: C'est exact. Personne ne s'insurge contre les tentatives de sonder les abîmes de la nature humaine. La question que nous nous posons est la suivante: que font les musées et ce musée en particulier et que devrait-il faire pour relater l'expérience militaire, l'histoire militaire, les contributions et la participation militaires du Canada? Quand, pour décrire ces questions, on parle comme vous le faites de tragédie et de souffrances effroyables qui touchent si personnellement des millions de gens, il devient impossible d'arriver à une solution ou à une conclusion rationnelle. C'est ce qui est si terrible à propos de la situation devant laquelle nous nous trouvons, parce qu'elle a été décrite de façon aussi horrible et tragique.

Le sénateur Chalifoux a été très éloquente à ce sujet; l'Holocauste est un événement d'une telle barbarie que les mots ne suffisent pas à le décrire. La Seconde Guerre mondiale et toutes les autres guerres étaient aussi des situations innommables. Les aborder ensemble ne fait qu'amoindrir ces deux événements. Nous avons affaire à une tragédie humaine, à la barbarie humaine, à l'inhumanité de l'homme envers l'homme d'une ampleur telle que la contemplation de chacun de ces événements est un travail énorme en soi. Je ne peux m'empêcher de penser qu'en essayant de condenser ces événements en un seul, on ne fait que les amoindrir.

M. Johnston: Cela ne permettrait-il pas aux gens de mieux comprendre?

Le sénateur Cools: Non. C'est ce qui est malheureux à propos de cette discussion et de la situation dans laquelle nous nous trouvons. C'est l'une des raisons pour laquelle tous les sénateurs sont ici, même si théoriquement nous devions être en congé une semaine de plus. Nous ne voulons pas que la douleur et l'angoisse des millions de personnes touchées par ces deux événements se transforment maintenant en un nouveau conflit moderne. C'est la raison pour laquelle je suis ici.

M. Johnston: De quel conflit parlez-vous?

Le sénateur Cools: De la controverse dont nous discutons ici. Les personnes qui vous ont précédés il y a quelques minutes ont indiqué que même leurs efforts de collecte de fonds sont compromis à cause de ce conflit.

Entendons-nous bien sur ce dont nous parlons. Nous parlons des millions de personnes qui ont été touchées très personnellement par ces tragédies. Il ne s'agit pas d'une notion abstraite. Lorsqu'on parle de l'Holocauste, il n'est pas nécessaire d'aller bien loin pour trouver des centaines de milliers de personnes qui ont été touchées, dont sans doute des membres de ce comité; la même chose vaut pour la Seconde Guerre mondiale. C'est la raison pour laquelle, lorsque nous décidons d'ériger des monuments ou de bâtir des musées, nous devons savoir clairement ce que nous faisons. C'est là le problème. Nous avons amalgamé et lié des événements qui n'auraient pas dû l'être. Dans les deux cas, il s'agit de telles atrocités humaines qu'il faudrait les examiner séparément.

M. Johnston: Une solution partielle, c'est l'«éducation», un mot qui est revenu à plusieurs reprises au cours de cette discussion. C'est un élément important car nous continuons d'envoyer nos jeunes hommes et nos jeunes femmes risquer leur vie. J'ai connu cela moi aussi il y a 25 ans. En fait il y a 25 ans aujourd'hui, je me trouvais au bout de la piste Ho Chi Minh. Je suis maintenant un ancien combattant. D'autres y sont allés récemment. S'ils me demandent, «Pourquoi y a-t-il des camps de réfugiés ici? Pourquoi toutes ces maisons ont-elles été détruites? Pourquoi y a-t-il tant de morts dans ces cimetières?» Je dois leur répondre que ce qu'on ne leur a pas appris à l'école, c'est l'existence d'un génocide qui s'est produit il y a presque 50 ans et qui s'est poursuivi littéralement dans le monde entier dans bien d'autres cas au fil des ans. Il nous faut des moyens d'enseigner ce genre de choses à nos jeunes pour que nos politiciens puissent prendre de meilleures décisions à l'avenir et pour que nous ayons des citoyens mieux équilibrés.

Les leçons de l'Holocauste et de tout autre génocide sont tout à fait horribles et extrêmement difficiles à accepter. Je suis tout à fait d'accord avec vous à ce sujet. Si chacun respectait la règle d'or, ce que nous devrions d'ailleurs tous faire, nous ne serions pas ici aujourd'hui et je ne serais jamais allé dans l'armée.

La question que nous devons nous poser, c'est si un musée devrait en abriter un autre. C'est une question que nous ne devons absolument pas perdre de vue en raison de toute anxiété que cela risque de susciter.

Le président: Sénateur Cools, je suis désolé de vous interrompre mais notre temps est écoulé et j'aimerais tenir une séance à huis clos.

Je tiens à remercier le colonel Johnston pour sa présentation intéressante.

J'ai eu l'impression, lorsque vous parliez de l'exposition sur l'Holocauste plutôt que de la galerie sur l'Holocauste, que vous envisagiez d'inclure d'autres cas de génocide, comme ceux en Chine et en Pologne.

M. Johnston: Ce que j'ai dit, c'est que nous avons besoin d'une exposition qui examine les causes du conflit et qu'il faut avoir un exemple frappant et bien documenté pour vraiment sensibiliser les gens à la question et leur permettre d'en tirer une leçon. L'Holocauste cadre avec cet objectif car si l'exposition sur l'Holocauste met l'accent sur les victimes et ce qui leur est arrivé, cela permet de mentionner d'autres événements semblables et surtout de faire le lien avec ce que nos soldats canadiens voient aujourd'hui dans le cadre de leurs missions de maintien de la paix. C'est vraiment l'angle sous lequel il faudrait envisager la question au lieu de se demander s'il s'agit d'une galerie dans une galerie ou d'un musée dans un musée.

Le sénateur Cools: Dans le cas de l'Holocauste, il ne s'agissait pas d'un conflit. Il s'agissait de gens innocents qui ont été brutalement massacrés. Ils n'étaient pas en guerre. Il s'agissait d'un gouvernement qui a procédé à l'extermination systématique de millions de Juifs innocents.

Le président: Je vous souhaite bonne chance pour décider de la cause de la Seconde Guerre mondiale. Je pense que la tâche ne sera pas facile.

M. Johnston: Ce n'est pas la cause principale mais seulement l'une des causes du conflit.

Le président: Je tiens à vous remercier à nouveau pour votre présentation.

Chers collègues, avant d'ajourner, pourrions-nous avoir une brève séance à huis clos?

La séance se poursuit à huis clos.


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