Délibérations du sous-comité des
Affaires des
anciens combattants
Fascicule 4 - Témoignages pour la séance du matin
OTTAWA, le mardi 3 février 1998
Le sous-comité des anciens combattants du comité sénatorial permanent des affaires sociales, de la science et de la technologie se réunit ce jour à 9 h 05 afin de poursuivre son examen de toutes les questions ayant trait à l'avenir du Musée canadien de la guerre, incluant, sans s'y limiter, sa structure, son budget, son nom et son autonomie.
Le sénateur Orville H. Phillips (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nos premiers témoins de ce matin sont des représentants de la Légion royale canadienne.
Allez-y, je vous prie.
M. Joseph Kobolak, président national, Légion royale canadienne: Monsieur le président, en ma qualité de président national de la Légion royale canadienne, je suis très heureux d'avoir l'occasion de vous exposer ce matin les vues de nos 500 000 membres relativement au Musée canadien de la guerre. Plus de 100 000 de nos membres sont d'anciens combattants de la Première Guerre mondiale, de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée. Cent vingt-cinq mille autres ont servi ce pays en temps de paix et dans le cadre de missions mondiales dans la poursuite de la paix et de la stabilité. Les autres membres sont principalement des parents de soldats qui ont servi le pays dans le cadre des ses forces militaires ou de sa marine marchande. Ensemble, nous représentons la plus nombreuse organisation d'anciens combattants au pays.
Nous serons très brefs ce matin, mais la concision de notre présentation ne devrait aucunement être interprétée comme un manque d'intérêt ou d'inquiétude à l'égard du Musée de la guerre. Nous sommes extrêmement préoccupés par ce qui se passe relativement à l'enregistrement, à la préservation et à la communication de ces aspects de l'histoire du Canada dont nos membres ont fait partie intégrante, et nous ne sommes pas heureux de la situation actuelle. Nos préoccupations ont été exprimées devant maintes tribunes au cours des dernières années et, une nouvelle fois, la Légion royale canadienne a jugé nécessaire d'intervenir, en s'adressant à vous, en tant que bras du gouvernement, pour vous exhorter à envisager des mesures positives et rapides à l'égard d'une question qui est devenue extrêmement importante pour nos membres et tout particulièrement pour nos anciens combattants, soit le sort du Musée canadien de la guerre, son agrandissement prévu et l'inclusion dans le plan d'agrandissement d'une salle de l'Holocauste.
Pour vous donner un peu l'historique, j'aimerais vous dire que le Musée canadien de la guerre remonte officiellement à 1918, avec la création d'une commission sur la conservation des dossiers et trophées militaires et son établissement officiel date de 1942. Il s'est installé dans ses locaux actuels en 1967 mais, comme vous le savez, la grande majorité de ses artefacts ne sont pas exposés là. Ils sont entreposés à la Maison Vimy car il n'y a pas suffisamment de place dans le musée lui-même pour les mettre en valeur.
Fait important, le musée a perdu son statut d'entité distincte en 1986 lorsqu'il a été rétabli comme musée associé du Musée de l'Homme. En 1990, la Loi sur les musées a créé la Société du Musée canadien des civilisations, et la position du Musée de la guerre en tant qu'affilié a été assise fermement dans la loi. Cela a amené de nombreux changements au Musée de la guerre, dont certains n'ont pas été très bien accueillis par les anciens combattants du pays. Je ne vais pas vous en donner le détail sauf pour vous dire que des milliers d'artefacts sont toujours à la Maison Vimy et ne peuvent pas être montrés au public faute d'espace, et que le Musée de la guerre n'a pas de budget spécial visant l'acquisition d'artefacts qui sont importants eu égard au patrimoine du pays et à la mise en valeur de celui-ci auprès de nos jeunes.
C'est pour ces raisons qu'en 1988, lors de son congrès national, la Légion a adopté une résolution exhortant le gouvernement de fournir suffisamment de ressources au Musée canadien de la guerre pour lui permettre de mener à bien son mandat. Étant donné le dépôt subséquent, en 1990, de la Loi sur les musées, cette résolution a été mise à jour cette même année et la Légion a alors demandé au gouvernement d'attribuer suffisamment de ressources et d'autonomie au Musée de la guerre pour que celui-ci exécute son mandat. Ces résolutions demeurent la pierre angulaire de notre position relativement au musée. Cependant, la Légion endosse également la partie du rapport de 1991 du Groupe de travail sur les collections des musées d'histoire militaire au Canada qui demande l'agrandissement du musée afin qu'il puisse plus efficacement jouer son rôle et s'acquitter de ses fonctions.
Ce rapport décrit par ailleurs à juste titre le mandat du musée comme étant composé de trois volets. Il doit: premièrement, être un monument à la mémoire des Canadiens qui ont servi à la guerre ou qui y ont perdu leur vie; deuxièmement, examiner la guerre et l'histoire du Canada dans le contexte de la guerre et l'effet de cette dernière sur le Canada et les Canadiens; et, enfin, documenter les contributions militaires canadiennes au maintien de la paix et de la sécurité nationales et internationales.
La Légion royale canadienne est tout à fait en accord avec le rapport de 1991 du Groupe de travail et sa définition du mandat du musée. Nous endossons par ailleurs fermement la recommandation du rapport voulant que le Musée de la guerre soit établi en tant qu'entité distincte de la Société du Musée des civilisations. La Légion n'a rien contre le Musée canadien des civilisations. Il s'agit là d'une organisation admirable qui est bien administrée et qui joue un rôle central et vital au sein de la communauté canadienne. Cependant, étant donné sa structure administrative et son vaste mandat opérationnel, il n'a pas été en mesure de servir les buts et objets particuliers du Musée de la guerre.
Les lacunes dans la situation actuelle ont été mises en exergue tout récemment lorsque le Musée de la guerre n'a pas été en mesure de réagir rapidement au moment où la Croix de Victoria de Jock MacGregor et les médailles du colonel John McCrae ont été vendues aux enchères. Le Musée de la guerre ne dispose pas d'un budget spécial réservé à l'achat de tels artefacts importants de notre histoire militaire. Sa situation est bien triste comparativement à celle du Musée des beaux-arts, qui dispose de ressources abondantes qui peuvent être consacrées à l'achat d'articles d'une pertinence discutable relativement à notre patrimoine canadien. Nous comprenons que le Musée des beaux-arts du Canada n'est pas un élément du Musée des civilisations, mais il s'agit néanmoins d'un exemple d'une entité distincte créée par le gouvernement et dotée de ressources plus qu'adéquates.
Ce qui est plus important encore, la Légion a été choquée lors de l'annonce récente que le Musée canadien de la guerre allait cesser de faire appel aux commissionnaires anciens combattants qui jouaient un rôle si important au musée. La directive serait apparemment venue du Musée canadien des civilisations dans sa tentative de réduire les dépenses. L'objectif d'une situation financière saine est une chose que nous pouvons apprécier, mais la façon dont cela a été amené est inexcusable et illustre à quel point l'administration du Musée canadien des civilisations est éloignée des objets et du rôle du Musée de la guerre.
Le récent renvoi ou la récente démission du directeur général du Musée de la guerre est une autre affaire qui a été très mal menée et qui a soulevé de nombreuses questions relativement à la chaîne de commandement et à la communication entre le Musée canadien de la guerre et l'entité mère. La Légion est convaincue que de tels problèmes seraient facilement évités si le Musée canadien de la guerre était établi en tant qu'entité distincte, relevant directement du ministre et disposant des ressources nécessaires à l'exécution de son mandat. Nous n'aurions pas la présomption de suggérer quel serait le meilleur ministère à l'intérieur duquel intégrer un Musée de la guerre distinct. Il y aurait des avantages s'il relevait du ministre responsable des Anciens combattants, mais nous sommes d'avis que le musée pourrait fonctionner de façon efficace et efficiente sous le ministère du Patrimoine. Ce dernier s'est attelé à la tâche de protéger notre patrimoine et notre culture d'une façon très productive et nous sommes confiants que le Musée de la guerre pourrait s'épanouir sous son contrôle en tant qu'organe indépendant.
Avant que je n'enchaîne avec nos observations relativement à la salle de l'Holocauste, je tiens à souligner un point très important. Notre Musée de la guerre est un élément vital de notre patrimoine. Il doit demeurer un hommage à ceux qui ont combattu pour protéger notre style de vie. Nous avons pour obligation de maintenir la tradition du souvenir afin que les horreurs de la guerre ne soient jamais imposées à nos enfants ni à nos petits-enfants. Le Musée canadien de la guerre doit être en mesure de participer à la transmission de ce message à nos jeunes. Il doit, par conséquent, être établi d'une façon telle qu'il puisse expliquer de façon efficace notre histoire militaire, avec les ressources voulues mais, ce qui est plus important encore, il doit être d'une taille suffisante pour montrer toutes les pièces critiques d'une façon cohérente. L'actuel musée est beaucoup trop petit. Il doit être agrandi. Par conséquent, indépendamment de la question de la salle de l'Holocauste, les travaux d'agrandissement doivent être entrepris et les espaces supplémentaires doivent être utilisés à leur maximum.
Il me faut ajouter que nous regrettons que l'agrandissement du musée n'ait pas suivi la voie naturelle, soit l'intégration des installations adjacentes au musée, qui abritent présentement la Monnaie royale. Il s'agit là d'un bâtiment patrimonial de même architecture et de même caractère que le Musée de la guerre. Ses espaces et son emplacement précieux ont été très mal employés pour abriter une usine où l'on fabrique des pièces de monnaie. Sa conversion en un musée à part entière contribuerait au contexte historique de la promenade Sussex tout en offrant au Musée canadien de la guerre la place critique dont il a besoin. La Monnaie pourrait facilement être installée ailleurs dans la ville sans que cela n'amène beaucoup de bouleversements. Je demanderai aux honorables s d'envisager cette possibilité lors de leurs délibérations.
Il n'y a aucun doute que la question du coût sera soulevée comme argument pour empêcher un tel déménagement de la Monnaie, mais dans l'intérêt à long terme de notre pays, le gouvernement du Canada pourrait peut-être être convaincu de consacrer une plus importante part de son surplus projeté aux anciens combattants du Canada en veillant à un agrandissement en bonne et due forme du Musée de la guerre. Cependant, nonobstant cet aspect, l'agrandissement du musée est critique et le débat au sujet de la salle de l'Holocauste ne devrait aucunement contrecarrer cette initiative.
Enfin, j'aimerais maintenant discuter de la question de la salle de l'Holocauste. Vous savez sans doute que la Légion a été un partisan positif et proactif des Amis du Musée canadien de la guerre dans leur croisade visant à recueillir des fonds pour l'agrandissement du musée. Je suis très fier d'être patron de la campagne Passons le flambeau.
De ce fait, cela ne m'a pas dérangé lorsque j'ai lu pour la première fois que les amis appuyaient l'idée d'une exposition d'un genre ou d'un autre sur l'Holocauste dans le cadre d'un musée agrandi. La Légion a toujours maintenu qu'une telle exposition pourrait être montée, dans un esprit constructif, en vue de favoriser la tradition du souvenir.
Nous avons par conséquent regretté la controverse qui a été soulevée relativement au plan proposé pour la salle de l'Holocauste, la frénésie des journalistes ayant principalement été centrée sur les aspects raciaux et religieux du débat. Les organisations d'anciens combattants ont été placées dans une situation très inconfortable dans leur défense du but et de l'objet premiers du Musée canadien de la guerre. Les médias ont même tenté de semer la division parmi diverses organisations d'anciens combattants et de dire que ces dernières ne s'entendaient pas entre elles. Honorables sénateurs, cela n'a jamais été le cas. Ce qui était à la base du débat et de l'opposition à l'idée de la salle de l'Holocauste par la Légion et d'autres organisations était l'absence d'un processus de consultation approprié.
Il y avait eu des sondages par le passé, mais ceux-ci n'ont fourni ni le détail ni la définition nécessaire pour appuyer une décision finale quant au potentiel d'une salle consacrée entièrement à l'Holocauste. C'est à cause de cet aspect que nous avons été si bouleversés par le fait que la Société du Musée canadien des civilisations ait décidé d'aller de l'avant avec la salle de l'Holocauste. La Légion n'a à aucun moment été consultée relativement aux propositions détaillées en matière de grandeur, de contenu et de contexte de cette salle. À aucun moment nous a-t-on demandé d'appuyer un plan précis. Lorsque nous avons demandé un breffage exhaustif dans le courant de la discussion, le contexte et la pertinence de la salle proposée ne nous ont pas été pleinement expliqués.
En fait, à notre grand étonnement, il nous a été révélé que la salle de l'Holocauste accaparerait environ 35 p. 100 des espaces supplémentaires. Pour cette seule raison nous ne pouvons pas accepter l'installation d'une salle de l'Holocauste dans le Musée canadien de la guerre. Une petite exposition aurait été acceptable, mais une énorme salle absorbant 35 p. 100 de l'agrandissement proposé est tout à fait mal à propos, étant donné les milliers de pièces militaires que renferme l'entrepôt de Vimy et que le public ne peut toujours pas voir. Dans tout agrandissement des locaux, ce sont ces articles qui devraient avoir la priorité en matière d'exposition. L'établissement d'une grande salle de l'Holocauste ne servira qu'à éclipser les expositions militaires historiques tout en occupant de précieux espaces qui devraient être consacrés à ceux qui sont tombés dans la défense de notre pays. Un Musée de l'Holocauste distinct ou une salle de l'Holocauste au Musée des civilisations contribuerait de façon importante et pertinente à l'expression de l'histoire de l'humanité, mais cela ne s'inscrit aucunement dans le mandat ou le rôle du Musée canadien de la guerre.
Honorables sénateurs, en conclusion, la Légion royale canadienne vous supplie de prendre des mesures urgentes relativement au Musée canadien de la guerre et à ses installations actuelles. Il faudrait, premièrement, qu'il soit établi en tant qu'entité distincte sous la responsabilité d'un ministre de la Couronne et qu'il soit doté d'un budget suffisant pour appuyer ses programmes d'acquisition et son fonctionnement et pour fournir des conseils utiles.
Deuxièmement, il est recommandé que soit créé un conseil consultatif du Musée canadien de la guerre réunissant des représentants des principales organisations d'anciens combattants, du ministère de la Défense nationale et du ministère des Anciens combattants.
Enfin, le musée doit être agrandi de façon à être en mesure de dépeindre de façon efficace le fier passé de nos anciens combattants dans la défense de la liberté et le dévouement de nos forces armées à poursuivre leur oeuvre dans la tradition de ce legs. Nous préférerions que le gouvernement fasse un engagement significatif en consacrant à l'agrandissement du musée les installations présentement occupées par la Monnaie royale. Au pire, les travaux limités de remise en état et d'élargissement tels que proposés à l'heure actuelle devraient être entrepris. Une salle de l'Holocauste ne devrait en aucun cas être montée au Musée canadien de la guerre. Les espaces d'exposition présentement réservés pour cette salle devraient servir à l'exposition des articles qui se trouvent à l'heure actuelle enfermés à la Maison Vimy.
Nous remercions cordialement les sénateurs de nous avoir donné l'occasion de les saisir de nos opinions relativement à cette question très critique et félicitons le Sénat d'avoir si rapidement entrepris d'examiner ce dossier.
Le président: Merci de votre présentation, monsieur Kobolak.
Le sénateur Forest: Merci, messieurs, d'être venus ici ce matin pour faire votre présentation.
Vous avez parlé de l'importance de la reconnaissance du Musée canadien de la guerre en tant qu'entité indépendante. Cela a été recommandé dans le rapport de 1991. Lorsque les sénateurs ont discuté de cela hier avec des membres du personnel du musée, ceux-ci ont dit qu'ils seraient en accord avec cela dans le long terme, mais que le fait d'entreprendre un tel changement administratif en ce moment pourrait mettre en péril le programme d'agrandissement du Musée canadien de la guerre du fait que cela accaparerait, pour le changement administratif, des ressources rares qui pourraient, autrement, servir au programme d'agrandissement.
Comment réagissez-vous à cela?
M. Duane Daly, secrétaire, Légion royale canadienne: La Légion serait prête à appuyer cela. L'objectif à long terme serait d'établir le musée en tant qu'entité distincte, mais il y a pour cela un processus à suivre. Nous comprenons que le but des administrateurs du musée soit de procéder à l'agrandissement des locaux, et que l'autre question soit secondaire.
Le président: Monsieur Kobolak, j'aimerais maintenant vous interroger sur ce chiffre de 35 p. 100 des espaces d'exposition.
Hier, lorsque les porte-parole du Musée canadien de la guerre décrivaient l'agrandissement, ils ont confirmé que les travaux leur donneraient 900 mètres carrés d'espaces d'exposition permanents. De ce total, 340 mètres carrés seraient réservés au Musée de la guerre et 460 mètres carrés à la salle de l'Holocauste proposée. Comment en êtes-vous arrivé à ce chiffre de 35 p. 100? Mes calculs et les vôtres ne coïncident pas, car 560 mètres carrés sur un total de 900 mètres carrés, c'est plus que 35 p. 100. Je parle ici d'espaces d'exposition permanents.
M. Kobolak: M. Daly et moi-même étions présents à la réunion au musée, mais je demanderai à M. Daly de répondre à cette question.
M. Daly: Les chiffres que nous avons calculés correspondent aux espaces supplémentaires obtenus grâce à l'agrandissement du musée. Malheureusement, nous n'avons pas tous ces chiffres devant nous ici. Nous avons calculé les espaces alloués à la salle de l'Holocauste en tant que pourcentage de la nouvelle superficie qui sera ajoutée. Il s'agit de 35 p. 100 des espaces supplémentaires qui seront obtenus.
Le président: Vous n'étiez pas présent hier pour la présentation?
M. Daly: Non.
Le président: Je suis heureux que le Musée canadien de la guerre comprendra une salle chronologique. À l'heure actuelle on ne peut pas pénétrer dans le musée et suivre une quelconque période de l'histoire canadienne. Je ne fais aucun reproche aux responsables car ils ont un problème d'aménagement étant donné que l'immeuble n'était pas au départ prévu pour abriter un musée, et c'est pourquoi les expositions sont fragmentées.
Cependant, je ne vois pas dans les projets d'agrandissement d'espaces supplémentaires destinés à être consacrés à des expositions sur la Première Guerre mondiale et la Seconde Guerre mondiale.
Vous a-t-on signalé cela à l'occasion des rencontres que vous avez eues avec les responsables du musée?
M. Daly: Oui, mais à l'époque, nous étions au courant des contraintes qui avaient été imposées aux responsables du Musée de la guerre, en ce sens que la priorité qui leur avait été communiquée était bien évidemment la salle de l'Holocauste et c'est pourquoi le gros des espaces devait y être attribué. Il était apparent que les administrateurs du musée étaient assujettis à ces contraintes, mais nous savions qu'il y avait très peu d'artefacts ou d'expositions supplémentaires qui avaient été prévus pour expliquer la Première et la Seconde Guerres mondiales et cela nous préoccupait beaucoup.
Le président: J'allais vous demander quel espoir nous pouvions nourrir que ces artefacts quittent la Maison Vimy pour intégrer le musée si nous n'allons pas obtenir d'espaces d'exposition supplémentaires, mais vous avez déjà répondu à cette question pour moi.
Le sénateur Cools: Les témoins ont dit, en gros, qu'ils n'ont pas d'objection à ce qu'il y ait une exposition commémorative sur l'Holocauste et qu'ils pensent que c'est un projet tout à fait valable. Vous avez formulé une montagne de critiques à l'égard de certains des journalistes qui sont assis dans la salle. Vous avez laissé entendre que si le musée devait abriter une salle de l'Holocauste, cela en modifierait le mandat tel que celui-ci a été établi dans la loi et par le Parlement.
Étant donné qu'il s'agit d'une question très délicate et que c'est mon voeu et celui d'un grand nombre de personnes ici que la situation se stabilise, pourriez-vous nous expliquer un petit peu mieux tout cela? L'un des thèmes récurrents des instances présentées hier par les représentants du musée était la diminution du nombre des anciens combattants ou de leur influence.
Je ne pense pas que le mandat du Musée canadien de la guerre soit clair comme de l'eau de roche dans l'esprit de bon nombre d'entre nous.
M. Daly: Nous avions été très heureux du rapport du Groupe de travail de 1991, qui venait renforcer le mandat du musée, qui devait se préoccuper principalement des anciens combattants et de la représentation de l'histoire militaire canadienne elle-même. La Légion s'était inquiétée au début du débat car nous pensions qu'il aurait peut-être été possible de monter une petite exposition, possiblement une exposition temporaire sur l'Holocauste, ce dans le but de rehausser l'aspect souvenir lui-même, car il s'agit là d'un aspect important de la Seconde Guerre mondiale. Les troupes canadiennes n'y ont pas participé directement, mais cela a compté pour un aspect important de la guerre. Par conséquent, nous tenons à ce que les jeunes Canadiens soient bien renseignés au sujet de l'Holocauste.
La question est devenue un problème de pertinence et de contexte. Lorsque nous avons eu le breffage le 18 décembre avec le Musée canadien de la guerre, nous n'avons pas été satisfaits de la réponse donnée. Le lien entre une salle de l'Holocauste et la représentation de l'histoire militaire n'ont pas été bien expliqués. Le contexte ne nous a pas été exposé. Comment l'une renforce-t-elle l'autre?
C'est sur cette base que nous avons pensé que nous aurions bien du mal à appuyer cela étant donné que nous avions un si grand nombre d'autres expositions militaires qu'il aurait été bon de monter mais qui ne pouvaient pas l'être, faute d'espace. Je suppose que la goutte qui a fait déborder le vase est venue lorsque nous avons vu toute la place qui allait être réservée à la salle de l'Holocauste. Ça n'allait plus être simplement une petite exposition, mais bien une énorme salle d'une grandeur telle qu'elle allait absorber 35 p. 100 de l'espace. C'est ainsi que nous n'avons pas eu d'autre choix que de ne pas l'appuyer, étant donné qu'au lieu de servir le mandat original du musée, cela allait lui nuire.
Le sénateur Cools: Vous avez manifestement prêté beaucoup d'attention à cette question et pris un certain nombre de risques. Comment ce lien a-t-il été établi par les gens du musée?
M. Daly: Je m'excuse, mais je ne peux pas répondre à cette question.
Le sénateur Cools: Permettez-moi de vous la poser différemment: comment les représentants et les responsables du musée ont-ils justifié à des organisations comme la vôtre les liens qu'ils ont établis dans leur esprit de gardiens de musée public?
M. Daly: Je pense que c'est là le coeur du problème. Ils ont bel et bien établi un lien de leur côté, mais ils n'ont pas tenu compte des intérêts des anciens combattants. Ce ne sont pas des personnes qui se consacrent particulièrement à la représentation de l'histoire militaire qui ont pris ces décisions. Celles-ci sont le fait d'administrateurs de musée en général, d'administrateurs du Musée des civilisations, qui endossaient ce lien. Nous autres anciens combattants ou organisations d'anciens combattants ne pensons pas qu'un tel lien soit approprié.
Le sénateur Cools: Le terme qui semblait revenir régulièrement dans les présentations d'hier était «viabilité». D'aucuns estiment que certains aspects de l'histoire du Canada ne sont pas viables. J'estime pour ma part que l'histoire canadienne est excitante et intéressante et qu'on devrait la raconter. Cependant, il nous faudra à un moment donné avoir un dialogue sur la question de savoir ce qu'est précisément notre histoire, sur qui devrait la raconter, cette histoire, et sur la façon dont celle-ci devrait être racontée.
Je vous remercie beaucoup de votre exposé. Je prends bonne note de votre propos, soit que ces deux événements sont des tragédies distinctes énormes et qu'elles méritent chacune son propre espace distinct.
Le sénateur Prud'homme: La page 10 de votre mémoire traite de faits. Vous y couvrez tout le débat. Je me joins à vous et à vos membres pour dire qu'il est très triste d'en arriver là. Au moins, vous avez le Sénat, qui écoute vos préoccupations, sauf tout le respect que je dois à l'autre endroit. J'y ai été député pendant 30 ans alors je n'attaque pas la Chambre des communes, mais, souvent, des questions extrêmement importantes sont trop rapidement écartées sans qu'on ne les examine, de telle sorte que personne n'a l'occasion de se faire entendre; or, les gens veulent se faire entendre. Nous avons eu de nombreux débats récemment sur d'autres questions au sujet desquelles les gens voulaient tout simplement se faire entendre, après quoi ils sont prêts à perdre la bataille. Ils veulent tout simplement leur tour au micro -- pour se faire entendre. C'est pourquoi je suis ravi que le Sénat ait assumé cette tâche. Elle n'est pas facile.
Le manque de consultation a toujours été une tragédie. Je suis dans la politique depuis 35 ans. Le manque de connaissance et le manque de consultation amènent de terribles malentendus.
Vous dites ceci à la page 10 de votre mémoire:
La cause du débat et de l'opposition à la salle de l'Holocauste par la Légion et par d'autres organisations était l'absence d'un processus de consultation approprié.
Cette situation perdure. Bien que je ne sois pas membre du comité, je suis ici car je crois que cette controverse a débouché sur des déclarations terribles et dangereuses. J'ai entendu dire que la Légion aurait fait des déclarations antisémites. Ce pays et la Légion ne veulent pas entendre de telles accusations.
M. Blair, qui est aujourd'hui votre président national, est député depuis longtemps, ainsi que juge. Peut-être que quelque chose de positif pourrait découler de son intervention.
Vous dites que vous représentez 500 000 personnes. Je suis certain que ces membres vous demanderont, comme moi je vous le demande, de renouveler votre intérêt à l'égard de notre institution. Le Musée canadien de la guerre est, certes, une institution très importante, dont l'une des fonctions devrait être d'enseigner l'histoire du Canada dans le contexte des sacrifices qu'ont faits les gens pour leur pays.
Je sais que vous regrettez, tout comme nous, la controverse qui a eu lieu. Cependant, ce n'est pas la première fois que cela arrive. Dans d'autres cas, des gens, en l'absence d'une consultation adéquate, ont sauté à des conclusions qui étaient erronées. Soit vous acceptez en silence et à reculons, soit vous vous lancez dans la bataille, mais vous en payez alors le prix.
Mon espoir est que la Légion royale canadienne connaîtra un intérêt renouvelé à l'égard du musée. Vous êtes en mesure de le faire, et vous devez le faire, et ce rapidement, avec notre aide et notre soutien. Des gens plus jeunes pourront alors reprendre le flambeau. Si cela n'arrive pas, alors le musée sera comme un vieux meuble dont on ne se sert plus.
J'espère que nous tous terminerons cette semaine avec un intérêt renouvelé pour le Musée canadien de la guerre et un désir renouvelé de combattre ceux qui ont peut-être utilisé ce malheureux événement à leurs propres fins.
Le sénateur Chalifoux: Je vous pose la question suivante afin que la réponse figure au procès-verbal: avez-vous jamais été consultés par les administrateurs du musée relativement au projet d'agrandissement et aux plans?
M. Kobolak: Seulement après avoir demandé une audience à laquelle ont assisté M. Chadderton et les anciens combattants de l'armée de l'air et de la marine. Ce fut la première fois, mais il ne s'agissait pas d'une consultation, mais seulement d'un breffage sur la façon dont ils allaient s'y prendre.
Le président: Suite à leur annonce, avez-vous eu des réunions avec eux? Ont-ils tenté d'éclaircir quelque chose ou de donner suite à l'une quelconque de vos objections?
M. Kobolak: Non.
Le sénateur Chalifoux: Quand a eu lieu la séance de débreffage?
M. Daly: Le débreffage a eu lieu le 18 décembre. Je ne voudrais pas donner l'impression que les Amis du Musée de la guerre et que les administrateurs du musée n'ont pas fait de leur mieux pour tirer au clair certains aspects qui nous préoccupaient. Cependant, ils n'ont pas pu répondre à nombre de nos questions car les plans n'étaient que rudimentaires encore dans leur propre esprit. Tout ce qu'ils savaient c'est qu'il allait y avoir une salle de l'Holocauste et que celle-ci allait accaparer beaucoup de place. Voilà en gros ce que nous avons retiré de ce débat.
Le sénateur Chalifoux: Je sais que l'Holocauste est une partie très importante de la guerre, mais je pense que les efforts de la Résistance française lors de la Première et de la Seconde Guerres mondiales ont été plus importants et plus pertinents dans le contexte de notre propre histoire canadienne de la guerre. Vous a-t-on jamais donné l'occasion d'intervenir sur la façon dont nous pourrions représenter un autre aspect de ces guerres qui serait plus pertinent dans le contexte de notre propre histoire canadienne?
M. Daly: Non, la discussion n'a jamais porté là-dessus.
Le président: Ce fut un plaisir de discuter avec vous, messieurs.
Honorables sénateurs, les témoins suivants sont des représentants des Anciens combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes au Canada.
M. Akmal Khan, président national, Les Anciens combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes au Canada: Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du sous-comité, les Anciens combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes au Canada sont la plus ancienne association d'anciens combattants du Canada. Je suis accompagné ce matin de M. Ian Inrig, notre secrétaire et trésorier national, qui va m'aider à vous présenter notre exposé.
Nous autres, Anciens combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes au Canada, ou ANAFVets, comme nous nous appelons pour faire plus court, remercions le sous-comité sénatorial de nous donner l'occasion de comparaître devant lui pour exprimer nos vues, nos préoccupations et nos recommandations relativement au Musée canadien de la guerre. Nous tenons par ailleurs à vous remercier d'avoir décidé de tenir ces audiences et d'exposer aux citoyens canadiens le fonctionnement, la gestion et le contrôle du Musée canadien de la guerre afin qu'ils soient au courant des problèmes dont celui-ci est affublé.
Nous estimons que ce sont les citoyens canadiens qui sont les propriétaires du Musée canadien de la guerre ainsi que de tous les musées publics du pays. En tant que propriétaires, les citoyens canadiens ont droit à une pleine et entière divulgation de tous les aspects des opérations du musée et ils devraient avoir la capacité d'intervenir dans ces activités. Or, nous vous soumettons que tel n'est pas le cas à l'heure actuelle.
Nous vous soumettons que, bien que les Canadiens soient les propriétaires du Musée canadien de la guerre, les anciens combattants canadiens et leurs survivants, familles et personnes à charge ainsi que les membres actuels et anciens des forces armées canadiennes en sont les dépositaires. Ceux-ci devraient, partant, avoir un mot à dire sur sa gestion, ses opérations et son contrôle. Or, ce n'est pas le cas pour eux, pas plus que pour le public.
Nous allons vous soumettre notre évaluation de la situation et nos recommandations qui, nous l'espérons, si elles sont acceptées et appliquées, viendront corriger la situation. Je demanderai maintenant à M. Inrig de passer en revue les points saillants de notre mémoire.
M. Ian Inrig, secrétaire national, Les Anciens combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes au Canada: Notre mémoire couvre de nombreuses questions qui nous préoccupent relativement aux opérations générales du Musée canadien de la guerre. En fait, nos préoccupations sont trop nombreuses pour que nous puissions en traiter toutes dans le temps dont nous disposons ce matin. Je vais par conséquent me concentrer sur cinq d'entre elles seulement. La première est la relation entre le Musée canadien de la guerre et sa «société mère», soit la Société du Musée canadien des civilisations, que je désignerai dorénavant par «la société».
Nous avons été encouragés par les questions que vous avez posées hier faisant ressortir que vous comprenez l'importance du mandat du Musée canadien de la guerre, étant donné notre préoccupation relativement au conflit entre ce mandat et les politiques de la société. Si ces politiques ne cadrent pas avec le mandat, alors celles-ci pourront miner le mandat et le transformer à un point tel qu'il ne sera plus reconnaissable et que le Musée canadien de la guerre ne servira plus de «monument commémoratif à la mémoire des Canadiens qui ont perdu leur vie à la guerre ou par suite de celle-ci».
Nous croyons que le mandat du musée est inviolable, c'est-à-dire qu'il ne peut pas être violé. Or, le président-directeur général de la société, M. MacDonald, nous a dit qu'il peut être changé, et cela nous inquiète énormément. Si ce mandat peut changer, alors des artefacts, des expositions, des diaporamas, et ainsi de suite qui n'ont rien à voir avec l'histoire du Canada dans la guerre pourront être placés ou installés au Musée canadien de la guerre. Vous vous imaginez bien quel pourrait en être le résultat. Nous avons cité des exemples de telles possibilités dans notre mémoire.
Nous aimerions également exprimer nos inquiétudes quant au manque apparent d'indépendance du Musée de la guerre par rapport à la société. Le musée n'a aucune autonomie, aucun conseil d'administration, aucun système d'autogestion. Nous croyons que ce devrait être le cas et que si le Musée canadien de la guerre avait été un musée indépendant doté de son propre conseil d'administration, il ne se serait pas trouvé dans la position qu'il connaît à l'heure actuelle. Nous sommes très préoccupés par l'influence de la société sur la gestion, l'exploitation et le contrôle du Musée de la guerre et avons cité des exemples de cette influence dans notre mémoire.
Nous traitons par ailleurs brièvement du budget du Musée canadien de la guerre. Comme vous le savez, le musée est doté d'un budget d'exploitation, mais il ne dispose d'aucun budget destiné à l'acquisition d'artefacts qui arrivent de temps à autre sur le marché. Nous partageons les préoccupations de nos confrères, de la Légion royale canadienne, et nous constatons nous aussi que le Musée canadien de la guerre a été incapable d'acheter les médailles McCrae ainsi que la Croix de Victoria du lieutenant colonel Jock MacGregor, qui seraient parties à l'étranger si de loyaux Canadiens ne les avaient pas achetées en vue d'en faire des dons privés. C'est là un triste commentaire sur notre musée national d'histoire militaire. Plus consternant encore est le fait que la société ait disposé des fonds nécessaires à ces achats mais qu'elle n'ait manifestement pas jugé que ces artefacts en valaient la peine. Or, elle est prête à dépenser plus de 12 millions de dollars pour agrandir l'immeuble dans le but d'abriter, entre autres, une salle de l'Holocauste.
La plupart de nos préoccupations ont été reconnues en 1990 par le Groupe de travail sur les collections des musées d'histoire militaire au Canada. Vous êtes au courant des 26 recommandations faites par le Groupe de travail dans son rapport de 1991 et des 13 qui portent plus particulièrement sur le Musée de la guerre. À notre avis, la principale recommandation est la Recommandation no 16 voulant que le Musée canadien de la guerre soit un musée distinct. Nous avons été surpris que le général Ramsey Withers n'ait pas dit être de cet avis et qu'il ait déclaré que la recommandation la plus importante était celle voulant que le musée soit agrandi. Notre impression est que les auteurs du rapport estimaient que la Recommandation 16 était la plus importante. Si ce n'est pas le cas, comment alors expliquer les Recommandations 17B, 18A, 18B et 12F, qui, toutes, viennent appuyer la Recommandation 16, et comment expliquer que le Groupe de travail ait consacré toute une partie du rapport, soit la partie 3.4, à cette question?
Nous avons également été surpris que le général Withers ait écarté vos questions sur la mise en oeuvre de la Recommandation no 16 comme objectif pour le long terme. Ce n'est pas du tout l'impression que nous avons à la lecture du rapport. Nous sommes d'avis qu'un Musée de la guerre distinct devrait avoir son propre conseil d'administration, sont propre budget et sa propre autonomie, libre du contrôle et de l'influence de la société. Ce sont là nos principales recommandations et nous pensons, tout comme le groupe de travail, que celles-ci pourraient être réalisées grâce à la modification de la Loi sur les musées de 1990.
Notre deuxième sujet de préoccupation concerne les plans d'agrandissement du Musée de la guerre. Nous avons trouvé que les questions que vous avez posées à ce sujet hier étaient très exhaustives, et nous vous en remercions. Nous ne sommes cependant pas convaincus que les bonnes procédures aient été exécutées. Nous aimerions que les processus de soumission et de sélection soient réexaminés. Nous aimerions déterminer si l'on a tenu compte comme il se doit d'autres solutions pour réaliser l'agrandissement du musée, et je songe ici encore au mémoire de la Légion royale canadienne. Nous privilégierions l'achat de l'édifice adjacent qui abrite la Monnaie royale et le rattachement des deux édifices par un passage couvert. Cela coûterait sensiblement moins que les 12 millions de dollars prévus pour la construction d'un ajout. Par ailleurs, l'argent ainsi économisé pourrait servir à la construction ou au réaménagement d'un autre édifice pouvant abriter un Musée de l'Holocauste distinct, solution que nous préférerions et qui satisferait, pensons-nous, la communauté juive.
Nous avons été frappés par la réponse donnée par le général Withers à votre question relative à l'acquisition de l'édifice de la Monnaie. Elle était très éloignée des raisons énoncées à la page 31 du rapport du groupe de travail:
À notre avis, cependant, l'urgence des besoins en matière de locaux du Musée canadien de la guerre nous amène à dire que ceux-ci ne devraient pas être mêlés à ceux d'autres organisations.
D'après ce que nous avons compris, une étude de faisabilité a été réalisée aux environs de l'année 1988, et nous aimerions bien que cette étude soit réexaminée.
En ce qui concerne les activités de levée de fonds destinées à financer l'agrandissement du Musée canadien de la guerre, nous avons un certain nombre de préoccupations, que nous explicitons dans notre mémoire, notamment notre croyance que les activités menées par les Amis du Musée de la Guerre dans le cadre de la campagne Passons le flambeau sont à l'origine de la question de savoir si une salle de l'Holocauste devrait être abritée ou non par le Musée de la guerre. Nous avons trouvé que votre examen de cette question hier y a apporté un nouvel éclairage.
Notre deuxième sujet de préoccupation est l'inclusion d'une salle de l'Holocauste dans le Musée de la guerre. Nous croyons que l'inclusion d'une salle de l'Holocauste dans un Musée de la guerre agrandi violerait le mandat du musée. Le Musée de la guerre avait inclus dans son plan à long terme mention de la création d'une salle de l'Holocauste. Cependant, ce plan, destiné à montrer diverses stratégies pouvant servir à la réalisation d'un certain nombre d'objectifs, n'englobe aucune stratégie visant à montrer comment une telle salle pourrait être intégrée au Musée de la guerre.
Pour appuyer son affirmation que le Musée de la guerre est le bon endroit pour la salle de l'Holocauste, M. MacDonald a produit d'abondants écrits, faisant même appel à l'aide du général Withers. Bien que nous respections leur opinion, nous croyons qu'une salle de l'Holocauste n'importe où satisferait ces visiteurs de musée qui ont dit qu'ils aimeraient voir plus d'expositions directement liées à l'Holocauste. Un simple avis pourrait leur indiquer l'emplacement de la salle de l'Holocauste, où qu'elle se trouve.
D'autre part, le peu que le Canada ait eu à voir avec l'Holocauste est clairement dépeint au Musée de la guerre par une petite exposition à ce sujet. L'on pourrait, comme je viens de l'expliquer, conseiller aux visiteurs de se rendre au Musée de l'Holocauste pour obtenir plus de renseignements.
Nous aimerions également attirer à votre attention le mécontentement à l'égard du sondage qu'a évoqué M. MacDonald pour justifier l'inclusion d'une salle de l'Holocauste dans le Musée de la guerre. Comme nous l'expliquons dans notre mémoire, nous nous méfions des résultats et nous pensons que la question posée était un piège.
En ce qui concerne l'envergure et le détail de la salle de l'Holocauste proposée pour le Musée de la guerre, nous appuyons le chiffre avancé par la Légion royale canadienne, qui dit que 560 mètres carrés représentent 35 p. 100 des nouveaux espaces d'exposition qui seraient obtenus grâce aux travaux d'agrandissement. L'espace étant une denrée rare, l'on ne devrait pas s'en servir pour exposer des choses qui ne sont pas directement liées au mandat du musée.
D'autre part, toujours en ce qui concerne la grandeur et le détail, comme l'a mentionné la Légion, M. MacDonald n'a rien pu expliquer relativement à la salle proposée lorsqu'il a été interrogé lors de la séance de breffage tenue le 18 décembre. Cela étant, nous autres, représentants d'associations d'anciens combattants, qui étions présents nous sommes fait demander d'acheter chat en poche.
Quant à la clameur publique soulevée par l'explication donnée par les médias de notre opposition à l'installation d'une salle de l'Holocauste au Musée de la guerre, nous avons trouvé que les réactions des gens étaient en faveur de notre position selon une marge de quatre pour un. Notre sondage est, nous le reconnaissons, non scientifique, mais il a néanmoins fait ressortir un vaste appui public de la part de ceux qui ont pris le temps d'envoyer des lettres aux journaux. Il est concevable que le niveau de soutien public chez ceux qui n'ont pas pris le temps d'écrire est plus élevé encore. Nous pensons que vous aurez peut-être constaté cela parmi vos commettants.
La quatrième question qui nous préoccupe est celle de l'imputabilité. Comme l'a dit notre président national au début, nous pensons que les musées du Canada appartiennent aux citoyens canadiens. Ils n'appartiennent pas aux bureaucrates qui les administrent pas plus qu'ils n'appartiennent aux politiciens qui nomment ces bureaucrates. Or, les citoyens canadiens n'ont pas leur mot à dire, directement, dans l'administration des musées. S'ils n'aiment pas quelque chose, le mieux qu'ils puissent espérer est que leur député s'y intéresse et appuie leur préoccupation. Il ou elle réussira peut-être à attirer l'attention du ministre responsable -- dans ce cas-ci, le ministre du Patrimoine -- et celui-ci pourrait donner suite. Mais il est plus probable que le ministre s'en remette au conseil d'administration ou à son président, auquel cas la question ne sera jamais abordée.
Ce qui est plus inquiétant, c'est la situation des Canadiens qui ont un intérêt spécial à l'égard d'un musée particulier. Ce sont eux qui en sont les dépositaires. Dans le cas du Musée de la guerre, les dépositaires, ce sont les anciens combattants du Canada. Or, ceux-ci n'ont pas voix au chapitre. Il n'existe aucune structure qui leur accorde cette voix. Par conséquent, nous répétons notre recommandation que soit créé un conseil d'administration distinct pour un Musée de la guerre distinct. Nous expliquons dans notre mémoire que nous considérons qu'il serait logique et souhaitable qu'un tel conseil englobe des représentants des différentes associations d'anciens combattants, des Forces armées canadiennes, du ministère des Anciens combattants et du public.
Nous avons inclus dans notre mémoire la suggestion que les modifications à la Loi sur les musées de 1990 en vue de créer un Musée de la guerre distinct soient utilisées pour fixer la composition du conseil d'administration et que cela soit entériné dans des règlements.
Soit dit en passant, nous ne pensons pas que le conseil consultatif nouvellement établi devrait être en lice pour le conseil d'administration mentionné ci-dessus. Il compte sept membres dont quatre ont des liens directs avec le conseil d'administration de la Société du Musée canadien des civilisations.
La dernière question qui nous préoccupe est celle de la consultation. Nous avons fait abondamment état du manque de consultation de la part des administrateurs du Musée de la guerre et, par voie de conséquence, de la part de la société auprès des principales associations d'anciens combattants. Nous soulignons cela car nous estimons que si cette consultation avait eu lieu, les problèmes auxquels le Musée de la guerre est aujourd'hui confronté n'existeraient pas. Nous regrettons de devoir insister sur la question de la consultation, mais cela témoigne des techniques de gestion discutables du musée. Il est particulièrement navrant de constater que tout cela aurait pu être évité si l'on avait fait preuve d'un peu plus de prévoyance. Nous croyons que cela pourra être évité à l'avenir s'il existe un conseil d'administration autonome composé de représentants d'associations d'anciens combattants, comme je viens d'expliquer.
M. Khan: En conclusion, nous répétons nos recommandations, que voici:
La Loi sur les musées de 1990 devrait être modifiée en vue de a) rompre les liens entre le Musée canadien de la guerre et la Société du Musée canadien des civilisations; b) établir le Musée canadien de la guerre en tant que musée distinct; c) établir un conseil d'administration distinct pour un Musée canadien de la guerre distinct; et d) faire en sorte que le Musée canadien de la guerre relève du ministère des Anciens combattants, et que le directeur général et le conseil d'administration du Musée de la guerre soient redevables au ministre des Anciens combattants.
Notre deuxième recommandation est que la Loi sur les musées de 1990 ainsi modifiée stipule que le conseil d'administration doive comprendre des représentants des principales associations d'anciens combattants, des Forces armées du Canada et du ministère des Anciens combattants et d'autres, et que la composition du conseil d'administration doive être explicitée dans les règlements dont la loi est assortie.
Notre troisième recommandation est que le Musée canadien de la guerre soit doté d'un budget pour ses propres activités et que ce budget prévoie des crédits annuels pour l'acquisition d'artefacts qui pourraient, de temps à autre, être disponibles auprès de sources privées et qu'il faudrait peut-être acheter.
Notre quatrième recommandation est que, si le gouvernement du Canada désire représenter son rôle et sa participation à l'Holocauste avant la guerre et par la suite, alors cette représentation devrait se faire au Musée canadien des civilisations ou dans un musée séparé créé à cette fin, et qu'un tel musée devrait être constitué comme étant un musée de la Société du Musée canadien des civilisations.
Nous espérons que le ministre et que ses conseillers -- et nous n'entendons pas par là la Société du Musée canadien des civilisations, ni le Musée canadien de la guerre, ni les Amis du Musée canadien de la guerre -- conviendront que ces questions sont le mandat des gestionnaires, le fonctionnement du Musée canadien de la guerre et l'établissement d'une salle commémorative de l'Holocauste. La question ici n'est pas la satisfaction du président et du conseil d'administration de la Société du Musée canadien des civilisations. Les décisions prises par la ministre auront de vastes ramifications à long terme, qui dureront plus longtemps que la durée de mandat qui reste encore au président et au conseil d'administration de la Société du Musée canadien des civilisations. La mauvaise décision pourrait amener des divisions et des souffrances inutiles. Il va sans dire que ces effets néfastes ne sauraient être prédits par nous. Nous implorons la ministre de prendre la bonne décision.
Enfin, nous vous remercions encore, mesdames et messieurs les sénateurs, de tenir ces audiences. Nous tenons à souligner que nous autres, les Anciens combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes au Canada, ne nous opposons pas à la création d'une salle de l'Holocauste mais nous opposons à son installation au Musée canadien de la guerre, qui n'est selon nous pas le lieu approprié.
Le sénateur Chalifoux: Votre exposé a été très intéressant et très informatif. Merci beaucoup.
Avez-vous jamais été consulté par l'administration du musée relativement à l'agrandissement et aux plans futurs pour le Musée canadien de la guerre?
M. Khan: Non.
Le sénateur Chalifoux: Avez-vous été consultés sur demande, ou avez-vous demandé une telle consultation avec le personnel du Musée canadien de la guerre?
M. Inrig: Nous n'avons pas demandé de consultation avec le Musée canadien de la guerre ni avec les Amis du Musée canadien de la guerre. Nous avons été invités à une séance de breffage tenue le 18 décembre et au cours de laquelle ils nous ont exposé leurs plans et nous ont dit qu'ils voulaient en discuter. Ils ont expliqué leurs plans, mais il n'y a pas eu de consultation. Ce n'était pas un dialogue.
Le sénateur Chalifoux: Hier, lorsque le personnel du musée a fait son exposé, il nous a parlé de la pertinence de l'Holocauste dans le contexte de la participation canadienne à la guerre elle-même. Le but serait de veiller à ce que les générations futures comprennent à quel point la guerre est une chose terrible.
Y a-t-il un autre événement survenu lors de la Première ou de la Seconde Guerres mondiales au sujet duquel vous pourriez les consulter en vue de sa représentation? Je songe ici aux efforts de la Résistance française. Il y a eu une importante participation à ce niveau des Forces canadiennes en France, en Hollande et dans les Pays-Bas. Envisageriez-vous de consulter le personnel du musée là-dessus?
M. Inrig: Nous pourrions certainement consulter le personnel. Cependant, je pense que vous regardez la grosse question de l'inhumanité de l'homme envers l'homme dans un contexte historique, et nous disposons de quantité d'exemples de cela, qui dépassent la Seconde Guerre mondiale. Nous ne sommes pas intéressés à représenter cela au Musée de la guerre. Nous voulons y montrer l'histoire militaire du Canada. Si nous avions un Musée de l'Holocauste ou une salle de l'Holocauste ailleurs, idéalement, les expositions qui y seraient présentées pourraient être élargies pour englober quantité d'autres choses. On pourrait y monter une exposition sur le «viol de Nanking», et ainsi de suite.
Le sénateur Forest: Hier, les porte-parole du musée ont parlé de la valeur de l'exposition sur l'Holocauste en tant qu'outil éducatif pour les enfants qui visiteront le musée. Cela illustrerait au moins une cause de conflits, soit le génocide racial. En tant qu'éducateur, je trouve que cela a une valeur très réelle. Vous opposez-vous ou vous êtes-vous opposé à la petite exposition qu'il y a au musée à l'heure actuelle, ou à l'inclusion d'une petite exposition du genre dans un Musée de la guerre agrandi, si la salle de l'Holocauste est installée dans une autre institution?
M. Inrig: Nous n'aurions aucune objection à ce que soit élargi ce qui est déjà en montre au Musée canadien de la guerre, et qui explique la petite participation qu'a eue le Canada à l'Holocauste. Si nous avions plus de place pour exposer les toiles d'Alex Colville et autres, nous accepterions cela. Ce n'est pas un problème. Nous pensons que ce qui est exposé à l'heure actuelle reflète fidèlement la participation du Canada dans l'Holocauste et le contexte et la perspective de cette petite participation.
Le Canada a participé à la libération du camp de stationnement de Westerbork, en Hollande, fin avril 1945, et le camp a été presque vidé. Il me semble que 1 000 personnes y étaient détenues, et le Canada les a libérées. Ils ne comprenaient bien sûr pas de quoi il s'agissait.
Alex Colville est allé à Bergen-Belsen sous la direction des autorités canadiennes et il y a réalisé un certain nombre de tableaux. Le nombre varie, mais j'ai entendu dire que 27 aviateurs étaient incarcérés à Buchenwald. Ils y sont arrivés dans un groupe de 168 aviateurs alliés. Ils avaient été détenus dans une prison à Paris et lorsque les alliés sont arrivés à Paris en 1944, les Allemands ont monté les prisonniers à bord de trains à bestiaux et les ont envoyés à Buchenwald. Lorsque les Canadiens sont arrivés, ils ont crié: «Bon Dieu, qu'est-ce qu'il y a ici?» L'important est que personne n'a compris ce qu'était l'Holocauste qu'après la guerre, lorsque l'ampleur de l'Holocauste a été révélée à un monde horrifié. Voilà pourquoi un Musée de l'Holocauste distinct serait une chose formidable et devrait être construit, mais, dans le contexte de l'histoire militaire du Canada, le peu de participation que nous avons eue est déjà représentée.
Le sénateur Forest: La participation et les effets sur les Canadiens sont fidèlement représentés.
M. Inrig: Oui.
Le président: Monsieur Inrig, j'aimerais vous poser une question relativement à votre recommandation que le musée ait un conseil d'administration ou des administrateurs distincts. Je vous pose cette question à vous ainsi qu'aux trois principales organisations d'anciens combattants. Déposeriez-vous auprès du comité ici réuni une proposition concernant le conseil d'administration, explicitant qui en nommerait les membres, quels seraient leur mandat et leurs responsabilités et si des groupes d'anciens combattants y seraient représentés? Il s'agit là d'une idée que je prône, mais il nous faudrait quelques indications de ce qui serait attendu d'un tel conseil d'administration distinct. Si les trois organisations voulaient bien nous soumettre des propositions à cet égard, cela nous serait très utile.
M. Inrig: Nous nous ferons un plaisir de le faire.
Le sénateur Cools: Moi aussi je regrette le manque de consultation qu'il y a eu. Comme je l'ai déjà dit, la vie est remplie de malentendus face à des conflits humains qui ne cessent de surgir encore et encore.
J'ai remarqué que l'un des témoins de ce matin est d'origine indienne. Le sénateur Chalifoux a soulevé le cas des Métis et des Autochtones. Le témoin connaît-il des personnes d'origine indienne ou antillaise qui ont servi pendant la Seconde Guerre mondiale? Je suis née, comme vous le savez, dans les Antilles. Je continue de rêver qu'un jour le comité fera peut-être quelque chose pour les peuples coloniaux qui ont combattu pour le Canada et pour les Britanniques.
Par exemple, de nombreux jeunes hommes antillais, noirs ou blancs -- et il faut que les gens sachent qu'il y en avait qui étaient noirs et qu'il y en avait qui étaient blancs -- ont été recrutés pour servir dans les Forces armées canadiennes, plus particulièrement dans l'île où je suis née, soit la Barbade. Les gens ne sont pas nombreux à savoir que des garçons barbadiens étaient sur les plages de Normandie, d'Italie et de Sicile.
Dans la mesure où nous avons ici un ancien combattant d'origine antillaise, j'avais pensé que nous pourrions peut-être lui accorder une ou deux minutes pour qu'il nous entretienne de cette expérience particulière, soit des peuples coloniaux non blancs qui se sont battus pour notre pays.
M. Khan: Merci beaucoup, sénateur.
Tout d'abord, je ne suis pas ancien combattant, je suis ancien soldat. J'étais trop jeune pendant la guerre et après la guerre. Lorsque j'ai immigré au Canada, j'étais un adolescent de 15 ans.
J'ai néanmoins servi dans l'Aviation royale du Canada pendant cinq ans, dans la Marine royale du Canada pendant cinq ans et dans l'Armée canadienne pendant cinq ans. Je suis ce qu'on appellerait un soldat véritablement intégré. Voilà le résumé de ma participation dans les Forces canadiennes -- 15 ans pour Dieu et la patrie. Malheureusement, du fait de ma naissance trop tardive, je n'ai pas servi pendant la guerre.
Il y a eu de nombreux conflits et beaucoup de pression, mais on n'a pas pu m'envoyer au plateau du Golan, et ce pour diverses raisons, notamment mon nom. Ils ne voulaient pas envoyer quelqu'un du nom de «Khan» au Moyen-Orient dans un uniforme canadien. On m'a excusé. Cependant, on m'a envoyé à des endroits comme Alert et d'autres. Je ne pourrais pas vous éclairer beaucoup. Mes parents et mes oncles ont tous servi dans l'armée britannique.
Le sénateur Cools: J'ai discuté avec nombre d'organisations d'anciens combattants de ces soldats d'origine antillaise. Il nous faudrait à un moment donné entendre certains d'entre eux. Même si les gens sont nombreux à vouloir tourner le dos à notre histoire, avant et pendant ces deux guerres mondiales, le Canada a combattu côte à côte avec son plus grand allié, l'Angleterre et ses colonies. Notre patrimoine britannique n'est pas une chose à oublier ou à mettre de côté. De nombreuses colonies ont également joué un rôle important dans ces guerres.
Le sénateur Prud'homme: Merci de votre mémoire. Je l'ai trouvé extrêmement informatif et utile. Il m'aidera dans mes travaux de recherche de cette semaine au sujet des questions que j'aimerais poser à Adrienne Clarkson, une personnalité notable au Canada. Je siège au Sénat en tant qu'indépendant. Je ne dispose par conséquent pas d'un gros personnel.
Par suite de ce triste incident mettant en jeu le musée, nous devrions tous renouveler nos efforts pour nous réengager. Je le ferai personnellement, mais j'ose espérer que vous direz à vos membres que ce musée n'est pas juste là pour eux mais également pour tous les Canadiens.
Le président: Merci, messieurs, de votre mémoire intéressant et informatif. Nous attendons avec impatience de recevoir un exposé de vos vues sur les tâches qui devraient revenir aux administrateurs ou membres du conseil d'administration et sur la façon dont ceux-ci devraient être nommés. Vous pourriez peut-être inclure dans ce document vos opinions sur le degré d'indépendance qu'ils devraient avoir.
Honorables sénateurs, le témoin suivant est M. Chadderton, du Conseil national des associations d'anciens combattants. Il n'est nul besoin de vous présenter M. Chadderton étant donné qu'il a sans doute comparu devant le comité plus souvent que n'importe qui d'autre. Nous attendons avec impatience de vous entendre, monsieur Chadderton.
M. Cliff Chadderton, président, Conseil national des associations d'anciens combattants: J'aimerais vous présenter M. Brian Forbes, qui est secrétaire général honoraire du Conseil national.
J'attirerai votre attention sur le volumineux mémoire que j'ai préparé et dans lequel vous verrez les noms des 33 organisations d'anciens combattants que j'ai l'honneur de représenter et au nom desquelles je dépose aujourd'hui ce mémoire auprès de vous. Je tiens à assurer le comité que je n'ai aucunement l'intention de vous en lire le texte. Cependant, si je l'ai préparé c'est que j'ai passé plus ou moins cinq ans à travailler avec le Musée de la guerre. Je suis le premier patron nommé au sein des Amis du Musée de la guerre. Je sais beaucoup de choses que le comité devrait selon moi savoir. Je pense que vous devriez dans le cadre de vos délibérations vous reporter à ce document pour vous renseigner un petit peu sur l'historique de cette question.
Dans le cadre de mon exposé, je vais utiliser mes notes, dont le greffier a, je pense, distribué le texte. Mais avant de faire ma présentation, monsieur le président, j'aimerais vous dire que j'étais au téléphone ce matin à 6 h 30 avec la Presse canadienne pour parler d'un article qu'elle a publié et qu'il serait, je pense, bon d'évoquer ici maintenant. Je vais vous en citer des extraits. Bien sûr, le gros titre fait une affirmation qui est fausse. Il dit que le musée fait volte-face relativement à la salle de l'Holocauste. Si vous lisez le détail de l'article, vous constatez qu'il n'y a pas eu volte-face. Le journaliste écrit ceci:
Le musée a annoncé sa décision «d'envisager d'autres options» [...]
Puis on lit plus loin:
Paul Pontbriand, vice-président de la Société du musée, a déclaré que la proposition originale visant à abriter la salle de l'Holocauste dans le Musée de la guerre est toujours le premier choix de la société [...]
L'article cite Bernie Farber, du Congrès juif canadien, car il s'agit d'une déclaration conjointe des porte-parole du musée et des leaders de la communauté juive. L'article se poursuit comme suit:
M. Farber a déclaré que la société du musée a clairement dit qu'elle n'a pas abandonné son plan original. Si un site ne peut pas être trouvé, alors elle ira de l'avant avec ses plans visant à inclure une exposition sur l'Holocauste au Musée de la guerre.
L'annonce conjointe faite par les leaders de la communauté juive et par le Musée des civilisations ne diminue en rien la pression exercée sur le comité, monsieur le président, et je ne vois aucune raison de nous retrancher. Je décèle dans ce communiqué la très dangereuse déclaration que si un site approprié ne peut pas être trouvé, ils retourneront au plan original. Que se passera-t-il si dans trois mois ils disent qu'ils ne parviennent pas à trouver un site approprié? Allons-nous refaire tout cela une nouvelle fois? Je ne le pense pas.
J'estime que le comité a fait un travail remarquable en organisant cet examen et je pense que toutes les personnes et toutes les organisations qui comparaîtront à partir de maintenant devraient faire deux choses: tout d'abord, elles devraient prendre avec un gros grain de sel les propos des porte-parole du Musée des civilisations cités dans cet article de presse, et, deuxièmement, elles devraient être extrêmement critiques à l'égard du fait que des porte-parole du Musée des civilisations se sont assis en face des membres du comité hier...
Le sénateur Cools: Et n'ont pas dit cela.
M. Chadderton: Absolument, sénateur Cools. Ils étaient assis ici avec ce document dans leur poche. Je devine qu'il a fait l'objet de fuites, car je me demande comment les journalistes ont pu mettre la main dessus pendant la nuit. Mais c'est là une autre histoire.
Le très prestigieux sous-comité sénatorial ici réuni a par le passé réglé deux autres problèmes de taille: la controverse entourant Billy Bishop avec l'Office national du film et la controverse entourant The Valour and the Horror avec CBC. Que des personnes responsables, payées par le gouvernement du Canada, puissent s'asseoir devant le comité avec un tel document dans leur poche et ne pas le révéler me dépasse complètement. Néanmoins, c'est ce qu'elles ont fait, et je pense que quiconque comparaîtra devant vous à l'avenir devrait être bien conscient du fait que rien ne va nous arrêter.
Le sénateur Cools: Monsieur le président, je ne veux aucunement couper la parole à M. Chadderton, mais lorsqu'il en aura terminé avec ses remarques à ce sujet, je pense que le comité devrait prendre officiellement note de cet article de journal et des questions qui y sont soulevées, car les porte-parole du musée ont comparu devant nous hier et auraient eu amplement le temps de faire toutes les déclarations qu'ils voulaient. M. Chadderton parle d'une série d'articles de presse qui ont été publiés pendant la nuit et tôt le matin, et je pense que le comité devrait en prendre officiellement note sans quoi nous nous retrouverons dans une situation où le musée s'adresse à nous par l'intermédiaire des médias.
Le sénateur Kelly: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. J'aimerais dire aux témoins ici présents et à tous les témoins que nous entendrons à l'avenir que nous ne sommes pas ici pour parler des tactiques des différents camps dans cette affaire. Nous voulons connaître les raisons pour lesquelles les différents témoins épousent tel ou tel point de vue, et nous tiendrons par la suite nos propres délibérations. Je pense qu'il est injuste et inacceptable de discuter de tactiques.
Le sénateur Prud'homme: J'aimerais moi aussi invoquer le Règlement.
Le président: J'hésite à interrompre un témoin qui est en règle générale excellent.
Le sénateur Prud'homme: C'est précisément ce que je voulais dire. J'aimerais, à la fin de son exposé, me prononcer sur les propos tenus par mes deux estimés collègues. Ce qui s'est passé m'ennuie beaucoup et je pense que cela devrait figurer au procès-verbal.
Le sénateur Jessiman: J'aimerais moi aussi intervenir en temps et lieu sur cette question.
Le président: Allez-y, je vous prie, monsieur Chadderton.
M. Chadderton: Je vais me rapporter brièvement à mes notes. Tout d'abord, le Conseil national des associations d'anciens combattants a vu son espoir renouvelé lorsque le gouvernement a démoli l'immeuble des Trophées de guerre et que l'entente était que l'on ne perdrait pas cet espace, que quelque chose allait être fait à l'avenir pour agrandir le Musée de la guerre. Nous avions été ravis par l'annonce de la création du Groupe de travail de 1991, mais nous avons été très déçus de constater qu'aucune suite n'a été donnée à certaines des principales recommandations de ce groupe de travail.
Le CNAAC a assisté le 4 novembre à un breffage donné par Murray Johnston, président de la campagne Passons le flambeau. Notre position à l'époque était que le mandat du Musée canadien de la guerre était de préserver notre patrimoine militaire canadien et que ce mandat devait être maintenu. Le plan d'agrandissement du musée prévoit des espaces insuffisants pour exposer notre patrimoine militaire.
La troisième décision que nous avons prise à l'assemblée générale annuelle était que le gouvernement devrait certainement parrainer un Musée pour l'Holocauste et d'autres génocides, mais ailleurs.
Nous avons exprimé un certain nombre d'objections au rapport du Groupe de travail de 1991, dont plusieurs ont été mentionnées. La principale recommandation du rapport du Groupe de travail de 1991 était que le Musée canadien de la guerre soit séparé du Musée des civilisations. Aucun ordre de priorité n'a été établi pour les recommandations, mais dans le rapport du Groupe de travail de 1991, environ sept paragraphes sont consacrés aux raisons pour lesquelles le Musée de la guerre et le Musée des civilisations devraient être séparés. J'ai été très étonné hier par les propos tenus par le général Withers. Je suis depuis longtemps patron des Amis du Musée de la guerre. J'ai été très surpris de l'entendre dire, si j'ai bien compris, que la raison pour laquelle il n'a pas été donné suite à cette recommandation visant la séparation des pouvoirs était que les responsables ne pensaient pas qu'il fallait le faire tout de suite, mais plutôt ultérieurement.
Bien franchement, j'ai du mal à croire cela car c'était là l'une des principales recommandations du groupe de travail. Je soumets au comité que si cette recommandation avait été appliquée nous ne serions pas ici aujourd'hui. Si le Musée des civilisations avait été retiré du tableau, les administrateurs du Musée canadien de la guerre, quels qu'ils soient, diraient que c'est là leur mandat et que cela n'a rien à voir avec autre chose que notre patrimoine militaire.
L'une des recommandations était qu'il ne fallait pas accepter un usage non militaire des espaces. «Usage non militaire» signifie tout simplement qu'il faut «vous en tenir à votre mandat». Nous considérons qu'il s'agit là d'un abus de confiance.
En ce qui concerne le mandat lui-même, nous pensons que le Musée des civilisations est en situation de violation de l'énoncé de mission officiel du Musée de la guerre. C'est le Musée des civilisations qui est censé exécuter le mandat du Musée de la guerre. C'est lui qui est l'autorité responsable; or, il fonctionne en vertu d'un mandat ou d'un énoncé de mission du Musée canadien de la guerre. Si vous voulez la source de cela, cet énoncé de mission a été publié dans un livret sous l'égide des Musées nationaux du Canada en 1987.
L'un des objets du Musée de la guerre est d'être un monument commémoratif à la mémoire de ceux qui ont servi ou qui ont perdu leur vie. Un autre objet est d'examiner la guerre et l'histoire du Canada liée à la guerre. Je vais m'arrêter là un instant. Des porte-parole du musée ont dit que l'Holocauste fait partie de l'histoire du Canada liée à la guerre. Il y a de solides raisons qui plaident dans le sens contraire. L'Holocauste fait indubitablement partie de l'histoire du monde liée à la guerre mais pas particulièrement celle du Canada.
Le troisième objectif qui est en train d'être obscurci et relégué à l'arrière-plan est que le musée est censé documenter la contribution canadienne au maintien de la paix. Notre conseil national compte parmi ses membres trois organisations d'agents de maintien de la paix et ces gens-là sont bouleversés. Ils vont comparaître devant vous.
En ce qui concerne la définition de l'Holocauste par opposition à ce qui est pertinent dans le contexte de la mission du Musée de la guerre, je vous renverrai simplement à la seule déclaration que j'aie pu trouver, une déclaration faite par M. Neil Sher, un chasseur de Nazis de grand renom qui est conseiller spécial auprès du ministère de la Justice du Canada. Il a dit que la guerre contre les Juifs n'était pas une guerre traditionnelle et qu'elle n'avait rien à voir avec un quelconque acte de guerre légitime. L'Holocauste a été un crime contre l'humanité. Voilà qui établit le contexte. Le Musée de la guerre s'intéresse à la guerre; le Musée des civilisations s'intéresserait aux crimes contre l'humanité.
En ce qui concerne la question de l'Holocauste lui-même, j'en arrive maintenant à la déclaration faite le 13 novembre par le PDG du Musée des civilisations que les Canadiens ont joué un rôle important dans la défaite du régime nazi. Cela est vrai. Cependant, nous sommes également intervenus dans les guerres qui ont touché les populations de France, de Hollande, d'Allemagne, d'Italie, d'Inde, de Birmanie et du Moyen-Orient, et notre participation dans ces conflits armés a été bien plus importante que notre participation à la libération des survivants de l'Holocauste.
J'aimerais maintenant parler pendant quelques instants des journalistes et tout particulièrement du courrier des lecteurs. Les accusations en matière d'antisémitisme sont malheureuses et les allégations voulant que nous soyons antisémites nous blessent profondément.
Permettez-moi de porter à l'attention du comité les commentaires publiés de trois personnalités juives notables. Barnett Danson, ancien ministre de la Défense nationale, est un très fier ancien combattant que je connais bien. Il est Juif et fier de l'être et il ne veut pas d'une salle de l'Holocauste au Musée de la guerre. Une autre personnalité juive qui s'est opposée à ce plan est Barbara Amiel -- et je renverrai le comité aux déclarations qu'elle a faites dans la revue McLean's. Une troisième personnalité juive de renom, David Frum, journaliste au Financial Post, s'est dit opposé à cette salle de l'Holocauste. Si nous sommes antisémites, alors je dirais que ces personnes-là le sont également. J'enchaînerai en disant qu'il ne s'agit pas ici d'une situation d'antisémitisme.
Nos objections, monsieur le président, sont entièrement le fait de disponibilité d'espace. L'inclusion d'une salle de l'Holocauste diminuerait le message qui devrait être transmis par le Musée canadien de la guerre, qui est d'honorer notre patrimoine militaire.
J'ai moi aussi été guide pendant un bref intervalle au Musée de la guerre. Je sais ce que recherchent les enfants et d'autres visiteurs lorsqu'ils s'y rendent. Le visiteur voit une exposition sur les Forces armées du Canada. Une salle de l'Holocauste montrerait une perspective tout à fait différente portant sur le massacre de civils.
Je craindrais également que la salle de l'Holocauste traite de questions politiques comme par exemple la politique canadienne en matière d'immigration à la fin des années 30. J'ai noté qu'Irving Abella va comparaître devant le comité et j'ose espérer que vous l'interrogerez au sujet d'une déclaration faite par lui et rapportée dans le Ottawa Citizen du 1er février 1997. Il y parlait de «toute la sale histoire» des politiques d'immigration de Mackenzie King et de l'attitude très indulgente du Canada à l'égard des Néo-nazis. Si c'est ce qu'ils veulent dans la salle de l'Holocauste, alors je dirais qu'il n'y a aucune place pour cela au Musée canadien de la guerre.
Comme le savent les honorables sénateurs, le 17 novembre, le PDG du Musée des civilisations a fait distribuer un cahier d'information au Sénat. Il nous faut tirer au clair certains des points soulevés dans ce cahier. Dans sa lettre de couverture, le directeur déclare que l'objet du cahier est de montrer que le Musée canadien de la guerre exécute son mandat. Je regrette, mais je ne suis pas du tout d'accord avec M. MacDonald là-dessus; il n'exécute pas le mandat du Musée canadien de la guerre.
Il poursuit en déclarant que la lettre du PDG stipule que les initiatives prises par le musée s'appuient sur le rapport du Groupe de travail de 1991. La plupart des personnes dans cette salle connaissent le rapport du Groupe de travail de 1991, et je ne vois aucunement comment le plan proposé, annoncé par le Musée des civilisations pour cette salle de l'Holocauste au Musée de la guerre, s'appuie sur le rapport du Groupe de travail de 1991.
Il est critique que le cahier d'information du PDG du Musée des civilisations ne comprenne que le chapitre quatre. Ceux et celles qui ne connaissent pas le rapport du Groupe de travail de 1991 n'auraient vu que le chapitre quatre, qui est un résumé. Pourquoi n'ont-ils pas inclus le chapitre trois, qui contient les recommandations précises portant sur le Musée de la guerre? Je ne vais pas leur attribuer de motif. Tout ce que je dis c'est que si j'étais sénateur -- et, Dieu merci, je ne le suis pas, car vous travaillez trop fort -- je leur demanderais pourquoi ils n'ont envoyé que le chapitre quatre. Pourquoi ne vous ont-ils pas donné l'essence du rapport, soit les recommandations précises concernant le Musée de la guerre?
Le mémoire de M. MacDonald portait le titre «Selected Media Coverage» (articles de presse choisis). Cela fait quatre mois que je reçois tous les articles de presse où il est question de cette affaire. Je n'ai pas été surpris de constater que les articles de presse qu'ils ont choisis pour les sénateurs ne racontaient pas toute l'histoire. N'ont été inclus que les articles favorisant la position du Musée de la guerre.
L'une des questions qu'il nous faut contester ouvertement, et je demanderai aux sénateurs de voir ce qui est derrière cela, est le fait que les représentants du musée aient communiqué avec Alex Colville pour lui demander de faire une déclaration. Il est lui aussi de mes amis, et pas seulement en tant qu'artiste mais en tant qu'ancien combattant qui a servi comme lieutenant. Ils ont inclus sa déclaration dans leur mémoire aux sénateurs, mais ils ont omis la partie la plus importante de sa déclaration où il dit qu'il ne pense pas que la salle de l'Holocauste s'inscrive dans notre histoire militaire. Il estime qu'il s'agit davantage d'un événement politique, social et moral que d'un événement militaire.
Je dirai simplement qu'il n'est pas professionnel de citer Alex Colville mais de n'utiliser que la partie de sa déclaration qui pourrait être interprétée comme voulant dire qu'il est plus ou moins du même avis que le Musée des civilisations. Ils ont laissé de côté la partie la plus importante de sa déclaration.
Le cahier d'information contenait une citation d'un propos de M. Alec Douglas, un historien de renom, et un grand ami à moi. M. Douglas avait été invité à rédiger quelques notes pour M. Glenney. Dans la lettre qu'il m'a adressée, M. Douglas déclare n'avoir pas eu la moindre idée que M. Glenney allait remettre toutes ces notes à George MacDonald pour insertion dans son cahier d'information. J'estime que c'est une façon peu professionnelle de traiter un homme de la stature d'Alec Douglas.
Cette affaire a été évoquée lors d'une réunion de la Fondation de la bataille de Normandie dont M. Douglas est le président. Il m'a indiqué très clairement son grand embarras devant le fait que ses propos aient figuré dans un cahier d'information adressé au Sénat.
Vous avez reçu ce cahier avant le débat au Sénat sur la mise sur pied de ce comité. Le cahier décrit le projet de salle de l'Holocauste et fait état de 560 mètres carrés. Il ajoute que la place requise pour cette salle ne dépasserait pas 15 p. 100 de la surface d'exposition actuelle. Je répondrai tout à l'heure à vos questions sur la manière dont ce chiffre a été établi et sur ce qu'il signifie réellement.
Qu'est-ce que la Déclaration universelle des droits de l'homme a à voir avec cette réunion? À la réunion que les anciens combattants ont fini par avoir en décembre avec M. MacDonald et les responsables du Musée des civilisations, ces derniers ont au moins répondu à cette question: que cherchez-vous réellement à faire? M. MacDonald a déclaré qu'il leur fallait la salle de l'Holocauste en partie pour souligner l'adhésion du Canada à la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Je pense que c'est là l'indice révélateur de la nature de ce projet, honorables sénateurs -- autrement dit, les responsables canadiens des musées semblent mus par le désir d'asseoir une reconnaissance mondiale du visage politique de la guerre.
Pour ce qui est de la collecte de fonds, le colonel Murray Johnston, président de la campagne Passons le flambeau nous a cité le 4 novembre un objectif de 3 ou 5 millions de dollars. Nous avons ces procès-verbaux. Nous les avons vérifiés et il a donné les deux chiffres. Il a mentionné la campagne «Passons le flambeau». Nous disons qu'il est inopportun d'identifier ce projet à une campagne de levée de fonds pour autre chose que notre patrimoine militaire.
Je dois le dire: il n'y a pas de lien entre le poème Au champ d'honneur, que nous avons tous appris dès l'âge de cinq ans, et la salle de l'Holocauste. Au champ d'honneur est tout à fait sacré pour mon père, pour beaucoup de gens, et pour moi personnellement. J'ai moi aussi quelques années de service.
Murray Johnston a mentionné ensuite l'Holocauste. Il nous a dit que c'est là un facteur très important pour la levée de fonds. Il a indiqué que Ketchum and Company, la société de collecte de fonds, estime qu'elle aurait beaucoup de mal à lever 5 millions de dollars, mais que si l'on englobait une salle de l'Holocauste, elle pourrait cibler la collectivité juive.
Voilà qui est déplorable, monsieur le président. Nous estimons que si la collecte de fonds privée ne parvient pas à réunir l'argent nécessaire, le gouvernement du Canada devrait peut-être intervenir. Cibler une catégorie de la société en disant qu'on lui accordera quelque chose de spécial -- un musée du génocide pour la collectivité asiatique ou quelque chose du genre -- est totalement inconvenant.
Pour ce qui est de l'Imperial War Museum, le Musée des civilisations avance que l'une des raisons de faire cela est que l'Imperial War Museum projette déjà une telle galerie. Si vous voulez les renseignements, allez voir sur Internet, vous trouverez. Nous aimerions dire quelques mots à ce sujet.
Premièrement, à l'entrée de l'exposition actuelle de l'Imperial War Museum il y a un grand panneau déconseillant la visite aux enfants de moins de 14 ans. L'entrée n'est autorisée qu'en compagnie d'un guide. S'il va en être de même avec la salle de l'Holocauste projetée, je ne veux pas y emmener mes enfants. Ils verront ce panneau et diront: «Grand-père, pourquoi ne puis-je pas entrer là?» Cela en dit également long sur le genre de choses qu'il faut montrer dans une Galerie de l'Holocauste.
Nous ne voyons pas non plus en quoi l'exemple de l'Imperial War Museum serait une raison légitime d'inclure une salle de l'Holocauste au Canada. Je pense qu'il faut couper le cordon ombilical. Si une salle de l'Holocauste est importante pour nous, construisons-en une à part.
L'autre élément est que si le Musée des civilisations veut invoquer l'Imperial War Museum et le War Memorial en Australie -- car les deux sont en train de créer des expositions sur l'Holocauste -- il devrait préciser, en tout premier lieu, que ces deux musées ont déjà des expositions militaires de toute première catégorie, et pas nous. Ce sont des musées merveilleux. Le nôtre ne soutient pas la comparaison.
Je veux souligner le facteur de division que représente cette controverse. Si l'on avait voulu inventer une controverse qui diviserait deux éléments importants de notre société -- les anciens combattants et les juifs, dont beaucoup ont servi dans les Royal Winnipeg Rifles et étaient des officiers merveilleux -- on n'aurait pu trouver mieux que de prendre notre Musée de la guerre et de proposer d'y englober une salle de l'Holocauste. C'est la recette toute trouvée pour semer une zizanie comme je n'en ai encore jamais vu. Ne vous méprenez pas, nous sommes en faveur d'une galerie commémorant les survivants des camps de la mort nazis, mais pas dans notre Musée de la guerre.
Toujours sur le facteur division, les administrateurs du Musée de la guerre ont élaboré leur plan sans consultation -- et ce fait a été soulevé maintes fois. Je tiens cependant à dire ceci: les anciens combattants se considèrent-ils comme l'arbitre final de ce qui doit figurer dans le Musée de la guerre? La réponse est: non, pas du tout. Toutefois, si le mandat doit être modifié, et c'est un mandat que nous connaissons bien, nous devrions être consultés. Nous ne disons pas: «Demandez-nous et ne faites que ce que nous disons». Ce serait totalement malvenu. Cependant, nous avons un intérêt global concernant la manière dont le Musée de la guerre dépeint notre patrimoine militaire.
Lorsque cette controverse est apparue, j'ai vu tout de suite son potentiel de division. J'étais à Toronto. Je me suis entretenu avec le rabbin Jordan Perlson du Sinai Temple à Toronto. C'est un érudit et un monsieur très distingué. Nous avons parlé également avec Bernie Farber, le directeur des relations publiques du Congrès juif canadien. Il a été convenu à cette époque -- longtemps avant que la controverse commence -- que le rabbin Perlson et Cliff Chadderton, en tant que président du CNAAC, rédigeraient une déclaration conjointe disant en substance: si nous pouvons présenter l'Holocauste de telle manière qu'il soit séparé et distinct du Musée canadien de la guerre, alors il n'y aura pas de controverse.
J'étais à Montréal deux jours plus tard et le rabbin Perlson m'a appelé au téléphone. Il m'a dit: «Après avoir parlé avec le Musée des civilisations, je ne suis plus en mesure de donner suite à notre projet de déclaration conjointe. S'il vous plaît, ne nous blâmez pas. Nous avons essayé de notre mieux d'éviter ce conflit».
Toujours sur ce facteur de discorde, je suis sûr que le comité a reçu -- tout comme moi -- une lettre de l'Ukrainian Canadian Civil Liberties Association. Vous serez peut-être surpris d'apprendre que j'ai aussi reçu une lettre -- et je l'ai transmise au comité -- du Congrès germano-canadien. Il n'est pas opposé à l'idée d'une salle de l'Holocauste. Voici ce qu'il écrit:
[...] une expression de l'engagement des soldats dans l'histoire et devrait montrer le sacrifice qu'ils ont consenti pour la liberté de ce pays, le Canada.
Nous avons donc ici les Germano-Canadiens disant qu'il ne faut pas diluer l'histoire des Forces canadiennes qui ont, après tout, battu les Forces allemandes et qu'il est inopportun de placer cela dans le Musée de la guerre. Il y a un grand facteur de discorde dans cette affaire.
Ma dernière remarque sur la discorde est que les collectivités chinoises et asiatiques sont très perturbées par cette affaire. Comme vous le savez, le chiffre admis du coût en vies humaines de l'Holocauste est de six millions. Selon le professeur Rummel, candidat au Prix Nobel de la paix en 1996, le coût en vies humaines de l'holocauste japonais a presque atteint ce chiffre -- 5 900 000. Les fonctionnaires du Musée de la guerre ont approuvé l'idée de créer la salle de l'Holocauste sans vraiment réfléchir à la provocation que cela représenterait pour d'autres groupes ethniques de ce pays.
Je sais que le comité a en mains le plan à long terme, qui fait une trentaine de pages, établi par le Musée canadien de la guerre, mais je ne sais pas si vous avez eu autant de temps pour l'examiner que moi, car je l'ai depuis six mois. Je l'ai examiné à la lumière de ce dont nous débattons aujourd'hui. Il a été publié en septembre 1997. On y lit que le musée continuera d'être un monument aux Canadiens qui ont servi en temps de guerre et y ont laissé leur vie et documentera les efforts de maintien de la paix du Canada. Il n'est pas question dans ce plan à long terme de la création d'une salle de l'Holocauste.
Monsieur le président et honorables sénateurs, il est trompeur de dresser un plan à long terme et de sortir ensuite l'idée d'englober une salle de l'Holocauste.
La Loi sur les musées nationaux nous intéresse de près. J'ai écouté hier M. Peters. La loi dit que le Musée des civilisations a un rôle essentiel à jouer dans la promotion du patrimoine culturel canadien. Son plan à long terme dit que le Musée de la guerre doit présenter l'histoire militaire canadienne et documenter les efforts de maintien de la paix du Canada. La Loi sur les musées donne certes au Musée des civilisations la mission de promouvoir l'histoire culturelle mais n'indique pas ce qu'il convient de faire du Musée de la guerre. Le plan à long terme établi en 1997 ne faisait aucune mention de la création d'une salle de l'Holocauste et réitérait que le mandat du Musée canadien de la guerre est de préserver notre patrimoine militaire.
Le plan à long terme parlait du rôle des Canadiens dans les conflits militaires du passé. Si le plan à long terme prévoyait une salle de l'Holocauste -- et ils devaient bien le savoir en septembre 1997 -- pourquoi ne l'ont-ils pas dit? Il ne m'appartient pas, monsieur le président et s, de dire qu'ils cherchaient à tromper. Je demande simplement pourquoi ils n'en ont pas fait état en septembre 1997.
Si nous admettons que le mandat du Musée canadien de la guerre est conféré par la Loi sur les musées, je me demande sur quelle autorité législative on s'appuie. J'estime que les sociétés d'État doivent être guidées par une autorité législative. Si ce n'est pas dans la loi ou dans le règlement d'application -- j'estime que la loi applicable au Musée des civilisations et à son enfant adoptif, le Musée canadien de la guerre, est la Loi sur les musées nationaux.
Je ne suis pas juriste. Je me fie à M. Forbes, qui est un des plus grands avocats du pays. Nous avons étudié ce mandat et nous n'y voyons rien qui leur donne le pouvoir légal de placer cette salle de l'Holocauste dans notre Musée de la guerre.
Je signale en passant qu'en plein milieu de toute cette controverse, et bien après qu'il ait été convenu de soumettre cette affaire au sous-comité sénatorial, nous avons été informés par les médias qu'un comité consultatif avait été mis sur pied. Une séance d'information avait eu lieu le 13 novembre à l'occasion de la campagne Passons le flambeau. Une semaine plus tard, le Musée des civilisations, dans ce que j'appelle une annonce quelque peu tardive, a lancé: «Nous allons créer un comité consultatif». Indépendamment du fait qu'il s'agit là d'un geste d'apaisement, il y a lieu de se demander de quel type de comité il s'agit. Ils parlent toujours de faire une salle de l'Holocauste. À mon avis, il n'y a personne dans ce comité consultatif qui pourra les conseiller sur une salle de l'Holocauste. Est-ce que le but du comité consultatif est de se pencher uniquement sur les questions militaires et de s'en remettre à la collectivité et aux érudits juifs de ce qu'il convient de montre dans une salle de l'Holocauste? Si c'est cela que l'on veut faire, très bien, mais la galerie n'a alors pas sa place dans le Musée de la guerre.
Par ailleurs, si le comité consultatif a quoi que ce soit à voir avec la salle de l'Holocauste, lui aussi deviendra forcément une autre pomme de discorde car la collectivité juive dira: «Un instant, nous ne voulons pas qu'une bande d'anciens combattants nous dise quoi mettre dans la salle de l'Holocauste». Toute cette affaire est source de discorde, du début jusqu'à la fin.
Le 18 décembre, soit de nombreuses semaines après que cette affaire ait éclaté, des représentants des organisations d'anciens combattants ont été invités à un processus de consultation organisé par les Amis du Musée canadien de la guerre. Mais ce n'était pas une consultation. M. Glenney a fait un exposé remarquable, comme il l'a fait à ce comité hier, au sujet du Musée de la guerre, montrant comment il allait être développé et cetera. Nous n'étions pas là pour donner un avis, nous étions là pour écouter ce qui était déjà décidé.
Je pense qu'il faut considérer certains des documents qui nous ont été présentés, et je le ferai aussi brièvement que possible. Le colonel Holtzhauer a dit, et il l'a répété ici hier:
Un fort pourcentage d'anciens combattants sont opposés à l'inclusion d'une exposition sur l'Holocauste dans le Musée de la guerre.
Cela va de soi. Bien entendu que nous sommes opposés. Cependant, dans la lettre de couverture, d'autres choses ont été dites. Il a dit que l'on entamait maintenant un processus de consultation. C'était non seulement longtemps après que l'annonce en a été faite, mais aussi après que ce sous-comité sénatorial ait été constitué.
Je m'interroge: «Qu'est-ce qui compte le plus? Devraient-ils approcher les anciens combattants sachant que nous avons promis de comparaître devant ce sous-comité, ou devraient-ils dire: «Non, nous allons intervenir là aussi»?» Nous avons alors découvert qu'ils attendaient de nous une prise de position qu'ils pourraient soumettre à leur propre conseil d'administration.
Notre présentation écrite contient des lettres de moi-même, de Joe Kobolak et de M. Khan, lettres rédigées suite à l'invitation de donner notre avis. Nous n'avons cessé de dire que nous sommes opposés à l'utilisation d'espace du Musée de la guerre pour la salle de l'Holocauste et que nous allions intervenir en ce sens devant ce comité.
On m'a dit, et on me l'a répété encore hier, que notre opposition pourrait nuire à la levée de fonds. Eh bien, cela dépend. Cela pourrait nuire à la levée de fonds auprès de la collectivité juive.
Permettez-moi d'intercaler un autre exemple. Je suis membre du conseil d'administration de la Fondation canadienne de la bataille de Normandie. Celle-ci a strictement une mission de préservation militaire. Nous avons levé 1 million de dollars il y a trois ans pour ériger un monument commémoratif à Caen. Nous avons une collecte de fonds en ce moment et n'éprouvons aucune difficulté à obtenir des dons de société pour les anciens combattants. Notre opposition ne pourrait nuire à la levée de fonds que d'une seule manière -- en dissuadant les partisans de la salle de l'Holocauste. Oui, mais on dissuade également les défenseurs de notre patrimoine militaire parce qu'ils attendent de voir ce qui va arriver. Une fois que cette affaire sera réglée et que notre Musée de la guerre s'en tiendra à son mandat, j'affirme que les fonds rentreront. Pour ce qui est du CNAAC, nous n'acceptons aucune responsabilité si la campagne de collecte échoue. Le point de friction est la salle de l'Holocauste. Ce n'est pas nous qui avons commencé cela. Nous ne pouvons qu'y être opposés. Si cela a nui à la levée de fonds, alors blâmez-en les responsables, le Musée des civilisations.
Pour en revenir encore à la réunion du 18 décembre, le personnel du musée a présenté un document intitulé Le Canada et l'Holocauste.
On y lit que l'élimination de l'appareil nazi a mobilisé l'effort de guerre canadien le plus déterminé, et cette fois-ci plus seulement pour la défense de la Grande-Bretagne.
Dans l'Ouest du Canada, lorsque nous nous sommes enrôlés, nous ne l'avons pas fait pour la Grande-Bretagne. Nous nous sommes enrôlés parce que nous pouvions voir sur cette terrible carte noire que Hitler avait mis la main sur le Danemark et la France. C'est pourquoi nous nous sommes enrôlés. Lorsque le Musée de la guerre dit que nous ne nous sommes enrôlés plus seulement pour défendre la Grande-Bretagne, c'est un propos insultant qui appelle un démenti. Il donne à entendre que nous étions prêts à défendre la Grande-Bretagne mais que nous n'étions pas volontaires pour porter le combat en Europe continentale. Quelle stupidité! Pourtant, c'est ce qu'ils ont dit.
Il est faux et insultant de dire que le traitement infligé par les Nazis aux juifs d'Europe était, pour reprendre leurs termes, la raison déterminante de notre intervention militaire en Europe.
Je me souviens de l'allocution du général Montgomery environ trois jours avant le Jour J. Elle est gravée dans ma mémoire. Le général Montgomery n'a jamais dit un mot de l'Holocauste. Il a beaucoup parlé des SS allemands et de ce qui nous attendait, mais ce n'était certainement pas la raison déterminante pour laquelle nous sommes montés dans ces péniches de débarquement et avons fait ce que nous avons fait le 6 juin.
Le musée semble dire qu'il est entièrement approprié de commémorer le rôle du Canada afin de prévenir toute répétition de l'Holocauste en créant une salle de l'Holocauste au sein du Musée de la guerre. C'est une très belle déclaration, à condition d'omettre les quatre derniers mots. Autrement dit, il est entièrement approprié que le Canada commémore l'Holocauste et peut-être d'autres actes de génocide, mais pas au Musée de la guerre.
La responsabilité ministérielle semble avoir été contournée dans cette affaire et, moi, je ne vais pas la contourner. La question se pose de savoir quel ministère devrait être responsable du Musée de la guerre. Nous avons salué l'annonce de M. Chrétien que nous aurions de nouveau notre propre ministre des Anciens combattants mais, tout au long de cette controverse, je me suis demandé où il était.
Je connais le sous-ministre David Nicholson, tout comme vous. Vous l'avez rencontré. C'est un homme épatant, mais il dit: «Je ne suis pas concerné». Je me demande quelle est la position de l'honorable Fred Mifflin sur tout cela. Il n'a pas pipé mot. J'ai dit: «Un instant -- il y un ministère du gouvernement qui s'occupe des anciens combattants».
Sur un autre sujet, le ministère des Anciens combattants consacre beaucoup de temps et d'argent aux activités de commémoration. Il fait un assez bon travail. Le Musée de la guerre est un merveilleux outil de commémoration, mais pourquoi les activités de commémoration du Musée de la guerre relèvent-elles du Musée des civilisations et de la ministre Sheila Copps alors que les activités de commémoration canadiennes, en soi, sont du ressort de l'honorable Fred Mifflin du MAC?
J'ai quelques raisons précises de me prononcer contre l'inclusion de la salle de l'Holocauste. Je signale simplement ceci: placer les artefacts militaires et l'Holocauste côte à côte donne un mauvais mélange. Les visiteurs du Musée de la guerre font un voyage dans le passé militaire du Canada; ils regardent des films, des souvenirs, des armes. Si le Musée de la guerre présente des récits de génocide, il pourrait en résulter de dangereux malentendus.
J'invite les sénateurs à réfléchir à cela aussi soigneusement que nous. Premièrement, peu de Canadiens ont participé aux opérations militaires de libération des survivants. Soit dit en passant, il y a un additif à mon mémoire principal qui indique que 27 Canadiens étaient enfermés dans les camps de concentration parce qu'ils ont été capturés en uniforme. Il y a là une lettre de l'un de ces ex-prisonniers qui dit que leur rôle dans l'Holocauste ne devrait pas être commémoré en disant qu'ils étaient dans un camp de concentration. Si leurs efforts doivent être commémorés, il faudrait le faire au Musée de la guerre mais sans les rattacher à l'Holocauste. C'est un point de vue très ancré chez lui.
Un génocide, c'est quoi? C'est un acte politique. Les campagnes militaires, pour leur part, mettent en jeu une planification, un soutien logistique, du matériel, des opérations conjointes de la marine marchandes, un soutien logistique aérien, le déploiement de forces terrestres. Ce sont là des facteurs de nature essentiellement militaire. C'est pourquoi des questions politiques, telles que l'épuration ethnique et l'extermination raciale n'ont pas leur place au Musée de la guerre. Ce serait une dilution regrettable de la chose militaire.
En outre, une salle de l'Holocauste devrait comporter une représentation crue d'assassins, de dépouilles humaines pitoyables, de fosses communes, de fours crématoires. Tout cela n'a rien à voir avec le vécu des jeunes Canadiens qui sont partis à la guerre à la demande de leur gouvernement au long de l'histoire de ce pays.
J'arbore avec fierté mes médailles aujourd'hui. L'un des membres de votre comité m'a reproché un jour de ne pas les porter. Très bien, les voilà. Je peux parler au nom de ceux qui sont partis à la guerre à la demande de leur gouvernement. L'Holocauste n'a rien à voir avec leur vie et leur époque.
Parlant de l'Holocauste, les bureaucrates du Musée des civilisations ont lancé des mots tels que «néo-nazis», «doctrine de la haine», «crimes contre l'humanité». Très bien, il faut dénoncer tout cela, mais si vous commencez à mélanger ces choses avec notre patrimoine militaire, vous obtenez un très mauvais mélange et lancez un message très ambivalent.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, la salle de l'Holocauste a suscité de vives critiques de la part de groupes de Canadiens d'origine ethnique autre que juive. Comment vont-ils percevoir cela? Ils vont demander: «Et nous alors?»
En ce qui concerne le conseil d'administration du Musée des civilisations, une chose mérite que je la signale très rapidement. Je ne dis pas cela pour critiquer. Je ne peux le dire sans courir le risque d'être mal compris, mais j'ai annexé à mon mémoire la biographie de tous les membres du conseil d'administration du Musée des civilisations. Je suis désolé, mais je ne vois rien dans ces CV qui indique que ces personnes aient quelque raison de s'intéresser à notre patrimoine militaire, même si elles éprouvent cet intérêt. Nous disons simplement qu'il s'agit là d'un groupe d'éminents citoyens canadiens. Nous avons reproduit leur biographie. L'administration du Musée de la guerre exige au moins qu'une majorité des membres aient la capacité de donner des conseils au sujet du patrimoine militaire canadien.
Permettez-moi de revenir un instant sur cette annonce tardive d'un comité consultatif. Claudette Roy devait y siéger; elle est membre du conseil d'administration du Musée des civilisations. M. MacDonald et Joe Geurts devaient y siéger. Le comité consultatif aurait eu des gens comme le général Charles Belzile, qui a combattu en Corée et qui connaît la guerre, très bien, mais trois membres éminents du Musée des civilisations y siégeraient également. Quel sorte d'avis pourraient-ils donner? Je ne sais pas réellement.
Toujours au sujet du Musée des civilisations, nous avons examiné ce qui le motive. Il semble qu'il veuille combattre la philosophie du relativisme moral et ses conséquences politiques. C'est très bien. Faites cela, mais ne le mélangez pas avec notre patrimoine militaire.
Pour ce qui est du financement, nous avons l'enregistrement de la déclaration de Murray Johnson à l'effet que le financement est l'une des raisons derrière cette salle de l'Holocauste. S'il faut en passer par là pour trouver des crédits, c'est déplorable.
Defence Policy Review est un magazine trimestriel très prestigieux consacré à la politique de défense. Ses conclusions méritent d'être prises en compte. Il dit que les anciens combattants ont lieu de craindre la réinterprétation moderne de leur engagement. Il dit qu'Ottawa semble peu intéressé à perpétuer le patrimoine militaire canadien et que les mêmes raisons invoquées pour justifier une exposition sur l'Holocauste s'appliqueraient à beaucoup d'autres événements du XXe siècle.
Il cite les 6,91 millions de victimes de l'Union soviétique, les 20,9 millions de victimes des Nazis, englobant les juifs, les Ukrainiens, les Polonais et cetera.
Pour ce qui est des lieux géographiques, Defence Policy Review fait très bien ressortir qu'il n'y a pas que l'Europe de l'Est à considérer; il faudrait parler aussi d'événements comme la guerre civile d'Espagne, de pays comme l'Algérie, l'Ouganda, l'Afghanistan. Ce sont là les événements que les enfants d'aujourd'hui doivent connaître.
Vous recevrez un groupe d'enfants qui ont suivi notre programme «Jamais plus». Ils souhaitent comparaître devant ce comité. Ce n'est pas moi qui les y ai poussés, je vous l'assure. Les auteurs de Defence Policy Review font valoir ceci: l'Holocauste mérite-t-il plus que ces autres crimes? Est-il plus proche des préoccupations des Canadiens?
Pour ce qui est de nos recommandations, monsieur le président, vous les trouverez à la fin de notre document. Permettez-moi de les passer en revue rapidement. Premièrement, conservez le mandat du Musée canadien de la guerre, qui expose des objets de nature purement militaire; deuxièmement, que le Musée de la guerre soit séparé du Musée des civilisations et placé sous la tutelle du ministère des Anciens combattants; troisièmement, que le projet de nommer un comité consultatif auprès du Musée des civilisations soit annulé; quatrièmement, que le ministre des Anciens combattants, dans l'exercice de ses responsabilités à l'égard du Musée de la guerre, revoie les recommandations du Groupe de travail de 1991. Revoyons-les, convoquons d'autres membres de ce groupe de travail et voyons s'ils souscrivent à ce que le général Withers a dit hier. Ce serait très important. Cinquièmement, que toute la nouvelle surface d'exposition prévue dans le plan d'agrandissement actuel soit consacrée à des sujets en rapport avec le patrimoine militaire. Ensuite, le rôle du Canada dans les opérations et organisations de maintien de la paix: voilà la voie de l'avenir. Si vous voulez, oubliez ce que nous avons fait pendant la Seconde Guerre mondiale. Ne l'oubliez pas entièrement, mais laissez assez de place pour ces gardiens de la paix. Cela pourrait même englober leur action lors des inondations et les tempêtes de verglas et tout le reste. Je peux vous le dire en tant qu'ancien combattant, comme quelqu'un qui a porté l'uniforme pendant cinq ans, nul ne peut être plus fier que moi de voir ce que ces gens ont fait. Ils sont magnifiques.
La recommandation suivante est que le gouvernement envisage la construction d'un musée distinct pour commémorer l'Holocauste et d'autres actes de génocide. Ensuite, vu le mandat du Musée des civilisations, il semble évident que la salle de l'Holocauste proposée, de même que tous les autres éléments d'intérêt culturel essentiels à la culture canadienne, avec référence spéciale mais non exclusive au Canada, devrait tout naturellement faire partie du Musée des civilisations.
La recommandation suivante est que le gouvernement canadien reconnaisse qu'à l'égard et d'un musée consacré à la commémoration de la guerre et d'un musée consacré à l'Holocauste, deux objectifs doivent rester dissociés: le Canada n'a pas de lien direct avec l'Holocauste; il n'y a pas de lien direct entre les faits d'arme des militaires canadiens et l'horrible souffrance des victimes de l'Holocauste.
Nous recommandons également que la campagne Passons le flambeau soit maintenue et comprenne un comité consultatif composé de représentants de la Légion royale canadienne, du Conseil national des associations d'anciens combattants, des Anciens combattants des forces terrestres, navales et aériennes, de la Merchant Navy Coalition et d'autres groupes d'anciens combattants. En outre, nous recommandons que les fonds levés lors de la campagne Passons le flambeau soient strictement réservés à l'agrandissement du Musée canadien de la guerre dans le cadre de son mandat actuel.
Je suis opposé à ce que l'on invoque le nom de John McRae pour lever des fonds pour une salle de l'Holocauste. Je suis désolé si cela sonne comme si j'étais antisémite ou borné ou sectaire, mais j'y suis réellement opposé car, comme vous pouvez probablement le déduire de ma façon de parler, vous avez devant vous un type dont le père a combattu tout au long de la Première Guerre mondiale; vous avez devant vous un type qui a été élevé en sachant ce qu'est la guerre. Vous avez devant vous un type qui a dit à sa mère -- et c'est sans doute la chose la plus difficile que j'ai jamais dite -- «Mère, je vais m'engager dans l'armée». Elle m'a répondu: «Il ne sert à rien que j'en parle à ton père, il a fait pareil». Il y a tout ce fond d'émotions que l'on ne peut éliminer.
Enfin, les anciens combattants et le public canadien réagiraient sans doute favorablement à une campagne consacrée exclusivement à lever des fonds pour développer, agrandir et améliorer notre Musée de la guerre selon son mandat actuel et l'on pourrait inviter le gouvernement du Canada à accroître sa contribution financière afin que le Musée de la guerre puisse remplir sa mission sans qu'il faille lui ajouter une grande salle de l'Holocauste.
Le président: Plusieurs rappels au règlement ont été fait. Est-ce que nous ne pourrions pas d'abord poser nos questions à M. Chadderton et traiter ensuite de ces rappels au règlement?
Le sénateur Jessiman: À la page 2, vous dites:
L'utilisation non militaire de l'espace pour des projets non recommandés par le groupe de travail...
Pourriez-vous me dire où cela se trouve?
M. Chadderton: Je le ferai, monsieur.
Le président suppléant: Le président m'a demandé d'assurer la présidence quelques instants.
Le sénateur Prud'homme: Vous avez dû être profondément affecté -- puisque vous l'avez répété à plusieurs reprises -- par l'accusation regrettable et souvent répétée d'antisémitisme. Je vais choisir mes mots soigneusement. Je garde des paroles plus dures pour demain matin. J'ai été sujet à de telles attaques pendant 30 ans simplement parce que je voulais jouer un rôle dans les affaires du Moyen-Orient.
Je comprends ce que vous ressentez. Je comprends votre douleur. C'est triste. C'est exactement ce à quoi nous assistons cette semaine. J'en ai pleinement conscience. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai fait l'effort de venir cette semaine, car nous traitons là d'un sujet épineux où les accusations volent bas. Je suis en extrêmement bonne compagnie cette fois car je porte la plus grande affection au ministre Danson. J'ai fait des choses pour lui au Moyen-Orient. J'ai même été son messager à un moment donné, et c'est la première fois que je le révèle. Je suis en bonne compagnie. Avec Barbara Amiel, je ne suis pas sûr, mais certainement avec le ministre Danson.
Je ne comprends pas comment tout cela est arrivé et j'expliquerai plus tard pourquoi j'ai été surpris de voir cette déclaration. Je parlerai très franchement. Nous avions discuté de savoir que faire de cette déclaration qui a été publiée. Très sincèrement -- et je vous regarde droit dans les yeux, ainsi que les caméras de télévision et tout le monde ici, particulièrement la presse -- lorsque j'ai lu le journal, je me suis dit: «Qu'est-ce que cela? Cela fait-il partie du document officiel?»
Mon président, à juste titre, m'a interrompu et je me suis tu. Nous avons débattu de ce qu'il fallait faire avec ce document. Ensuite, la presse a fait un bon travail -- c'est dans les journaux ce matin. Je serai franc. Je suis très fâché, non que la presse l'ait publié -- elle a fait son travail...
Le président suppléant: Sénateur Prud'homme, je vais faire la même chose que le sénateur Phillips, simplement parce que je pense que le sénateur Phillips devrait être là lorsque nous ouvrirons cette discussion. Je vous demanderais d'attendre encore quelques minutes.
Le sénateur Prud'homme: Je vais poser une autre question.
Vous avez fait valoir, je crois, qu'il ne faut pas courir trop de lièvres à la fois si on ne veut pas les perdre tous. Est-ce là votre avis? Si l'on va avoir une salle consacrée à l'Holocauste lui-même ou à toutes les tragédies du monde, pensez-vous qu'elles seraient éclipsées par le Musée de la guerre, ou bien est-ce le Musée de la guerre qui serait éclipsé? Est-ce là ce que vous craignez si on met les deux ensemble?
M. Chadderton: Lorsque j'ai écrit au sénateur Phillips la première fois, j'ai dit très clairement que les organisations que je représente accepteraient les conclusions de ce sous-comité. Il n'était pas notre dernier recours, il était notre recours préféré. Si, dans sa sagesse, votre comité opte pour l'ajout d'une salle de l'Holocauste, alors les organisations que je représente se sont engagées à s'incliner.
Cela dit, il faut regarder l'avenir et se demander: est-ce que nous ne créons pas quelque chose que l'on pourrait qualifier de «marchandise avariée»? Je vous renvoie à deux expériences de ce sous-comité. La première était le film sur Billy Bishop et votre comité n'a pas ordonné le retrait du film mais exigé que le titre soit changé. Mais à partir de là, le film était considéré comme une marchandise avariée. La même chose est arrivée lorsque votre comité s'est penché sur The Valour and the Horror. Ce film est passé il y a quelques semaines encore sur la chaîne History Channel mais, selon les lettres que m'ont adressées ses présidents successifs, il ne sera plus jamais diffusé sur CBC. Nul qui a jamais suivi la controverse médiatique pourrait considérer que The Valour and the Horror est ce que les producteurs prétendaient initialement -- une histoire vraie.
Si le projet est maintenu et que l'on ajoute une salle de l'Holocauste, bien que mes organisations se soient engagées à s'incliner, je me demande si elle ne souffrira pas toujours de cette controverse. Ce n'est pas de notre faute. J'essaie simplement de répondre à votre question. Si cela se fait, nous n'exprimerons pas d'opposition publique, mais l'idée en est déjà ternie.
Le sénateur Kelly: Je veux d'abord vous féliciter de votre exposé. Il est difficile d'imaginer un aspect que vous n'ayez pas couvert.
Pour aborder cela sous un angle différent, dans un monde idéal, nous aurions le Musée de la guerre remplissant exactement son mandat, mandat que vous approuvez. Nous aussi souscrivons à ce mandat très clair. Nous convenons, je pense, qu'il est difficile de discerner une place pour une salle de l'Holocauste dans ce mandat. Admettez-vous que, dans un monde idéal, un musée de l'Holocauste serait un ajout important à ce qui est disponible dans cette ville?
M. Chadderton: Oui.
Le sénateur Kelly: Du point de vue éducatif, nous admettons que c'est important.
En cette période d'austérité budgétaire, si l'agrandissement actuellement envisagé pour le Musée de la guerre ne pouvait se faire en aucune circonstance, et si le musée de l'holocauste n'y était pas inclus, seriez-vous satisfait de cette situation? Je suis sûr que vous le déploreriez.
M. Chadderton: Les anciens combattants avec lesquels je parle seraient terriblement déçus. J'ai fait état de la Fondation de la bataille de Normandie pour une raison précise. Dans une période de crise, nous avons réuni 1 million de dollars. La moitié de cet argent venait de M. Chrétien et de son gouvernement. Avant le breffage du colonel Johnston, j'ai sondé la plupart des 33 associations membres de notre conseil et toutes étaient prêtes à s'engager et à envoyer des bulletins à leurs membres. Cependant, comme je l'ai dit, cette campagne a été mise en attente lorsque nous avons appris la nouvelle au sujet du Musée de la guerre.
Je ne crois pas un instant que le public canadien refuserait de donner des fonds, particulièrement pour notre patrimoine militaire. Il suffit de regarder ce qui s'est passé en 1994, lorsque nous préparions l'anniversaire du Jour J; et ce qui s'est passé en 1995, lorsque nous avons commémoré le 50e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce pays était très conscient des anciens combattants. Je pense que cette conscience pourrait être ravivée.
J'ai toujours dit -- et désolé si je parais négatif aux contestataires -- qu'il serait difficile de lever des fonds pour la salle de l'Holocauste à cause de la perception qui existe déjà. Ceux à qui nous parlons aujourd'hui disent que si l'argent sert au volet militaire, ils donneront, mais si c'est pour autre chose, non. Je serais terriblement déçu si l'agrandissement ne se faisait pas. Je suis optimiste. Je ne pense pas que nous ayons beaucoup de temps, mais je suis persuadé que le public canadien soutiendrait une campagne de levée de fonds pour notre Musée de la guerre.
Le sénateur Kelly: Je pense que vous avez raison.
Certains témoins hier ont argué de façon convaincante -- et cela nous ramène à ce que vous avez déjà dit -- qu'un Musée de l'Holocauste et un musée décrivant des calamités similaires est important si nous voulons continuer à attirer les jeunes. Vous et moi, et d'autres autour de cette table, nous souvenons de ce qui s'est passé il y a 50 ans. C'est comme si c'était hier, mais plus de 50 ans se sont écoulés depuis la guerre.
Les jeunes d'aujourd'hui sont mieux informés que nous ne l'étions. Ils veulent des raisons pour tout. Quand nous étions enfants, nous regardions un canon ou un masque à gaz et nous nous souvenions des récits de la Première Grande guerre. Aujourd'hui, cela ne suffit plus. Les jeunes veulent savoir pourquoi les guerres éclatent. Ils continueront à se passionner pour notre histoire militaire uniquement si nous savons leur expliquer pourquoi ces guerres ont été livrées.
Admettez-vous que l'existence de ces deux organismes est importante?
M. Chadderton: Absolument.
Le sénateur Jessiman: Dans l'éventualité où le Musée de la guerre serait agrandi sans création de la salle de l'Holocauste, pensez-vous que les associations d'anciens combattants contribueraient davantage de fonds à une telle campagne qu'autrement?
M. Chadderton: Cela va plus loin que cela. Nombre des lettres que je reçois viennent de gens ordinaires. Il ne fait aucun doute que le public canadien appuiera cette entreprise si on s'y prend bien.
Pas seulement les anciens combattants, tous les Canadiens se sont sentis interpellés par la célébration solennelle du 50e anniversaire de l'armistice de la Seconde Guerre mondiale. Cette année, bien entendu, est le 80e anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale. Le public est derrière nous dans ces cas-là. Cependant, il veut savoir à quoi sert son argent. La collecte de fonds n'est pas très difficile.
La Fondation canadienne de la bataille de Normandie a pu commémorer plus particulièrement la bataille de Normandie, pas seulement l'histoire militaire canadienne en général. Les sociétés pourraient également emboîter le pas.
Le sénateur Jessiman: Est-il exact, comme le disent les médias, que certaines associations d'anciens combattants ont refusé de reverser 150 000 $ au Musée de la guerre? Cela a également été mentionné hier.
M. Chadderton: «Refuser» est un mot fort. J'ai dit à un journaliste du Ottawa Citizen que nous avions consulté nos 33 organisations et qu'elles ont exprimé leur soutien à ce projet. Nous avions parlé du montant que diverses organisations pourraient contribuer. Lorsque le journaliste a demandé quelle somme cela représentait, j'ai dit que ce ne serait certainement pas moins de 150 000 $. L'Ottawa Citizen a écrit que la somme a été retirée. Elle n'a pas été retirée, mais elle a certainement été retenue. La levée de fonds a été suspendue, du moins en ce qui concerne le CNAAC.
Le sénateur Cools: Lorsque nous saurons pourquoi les gens s'entre-tuent, nous aurons la solution de l'énigme de la condition humaine. Si quelqu'un pouvait me dire pourquoi un gouvernement décide une campagne d'extermination de tout un peuple, j'en serais très reconnaissante, et l'humanité tout entière aussi.
Monsieur Chadderton, par deux fois dans votre exposé vous avez parlé de votre crainte d'être accusé d'antisémitisme. Chaque fois que j'entends cela, une angoisse énorme me serre le coeur. Les préjugés et la peur sont les deux fléaux de la condition humaine. Quiconque possède une conviction devrait savoir que dans ce pays, du moins devant ce comité, il peut exprimer cette opinion sans crainte d'être accusé de quelque «isme». Cependant, nous prenons bonne note de votre inquiétude.
Peut-être faudrait-il étudier les préjugés. C'est un sujet que je connais bien. C'est l'élément terrible qui intervient dans la discorde engendrée par ce débat. C'est inutile et terrible.
Tout au long de ce débat sur une salle de l'Holocauste au sein du musée, on semble oublier une ou deux choses essentielles. Les juifs d'Allemagne n'étaient pas en conflit armé avec l'État allemand. Les juifs eux-mêmes ne pouvaient concevoir que leur propre gouvernement ferait une chose pareille.
Nous pourrions explorer ce sujet en profondeur. Beaucoup de gens, d'après ce que j'ai lu, refusaient de croire qu'une chose aussi horrible était réellement en train de se passer.
Cela dit, l'Holocauste a été un acte d'agression terrible du gouvernement allemand sur un peuple qui n'était pas en conflit armé avec lui. Ce qui est hideux, c'est qu'il ne s'agissait pas d'une guerre. C'était une monstruosité. Ce n'était pas une guerre entre deux camps armés pour des ressources trop rares ou des principes, ou pour tout ce qui amène les hommes à se faire la guerre.
Vous avez dit que le colonel Murray Johnston, qui était, je crois, président de la campagne Passons le flambeau, aurait dit que la salle de l'Holocauste était nécessaire comme instrument de collecte de fonds. Cela semble assez sinistre. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
M. Chadderton: L'assemblée générale annuelle du conseil national s'est tenue à Toronto le 4 novembre. Il y avait eu quelques discussions préliminaires avec le colonel Johnston. À cette assemblée, il a fait la même intervention que celle de M. Glenney hier.
La question de l'Holocauste a été soulevée, alors que j'aurais préféré que l'on n'en parle pas. En substance, le colonel Johnston a dit qu'ils ont envisagé la situation du financement sous tous les angles. Ils ne pensent pas être en mesure de réunir les 5 millions de dollars nécessaires. Bien que General Motors ait contribué 1 million, le restant n'a pu être trouvé. Aussi, Ketchum and Company leur a suggéré de cibler la communauté juive. D'où l'importance de la salle de l'Holocauste, du point de vue de la collecte de fonds. Cette intervention a déclenché un débat explosif dans la salle. En tant que président, j'ai clos le débat et indiqué que la question devrait être abordée en comité.
Je partage votre sentiment, sénateur Cools, à savoir que s'il faut dire ce genre de choses, il ne faut pas le faire publiquement. Cependant, cette déclaration a été faite publiquement. Elle m'a été répétée à plusieurs reprises par des fonctionnaires du musée. La levée de fonds est certainement l'une des raisons pour lesquelles la salle de l'Holocauste est considérée comme si importante.
Le sénateur Cools: Cette question est soulevée de temps à autre. J'aimerais avoir tous les renseignements disponibles à ce sujet.
M. Brian Forbes, secrétaire général honoraire, Conseil national des associations d'anciens combattants: En écoutant le témoignage du colonel Johnston devant ce comité hier, il m'est apparu très clairement que sa collecte de fonds pour le compte du comité de Passons le flambeau prévoit le ciblage de certains groupes. Vous vous souviendrez peut-être qu'il a mentionné les Canadiens d'origine néerlandaise et il a expressément mentionné la collectivité juive. Je pense qu'il est établi que la mission du colonel Johnston comprend la sélection de groupes précis. De fait, j'ai trouvé qu'il l'a dit assez clairement hier.
Très franchement, j'ai trouvé votre réponse très sagace. Vous avez dit, je crois, que lorsque la vérité cède le pas à la commodité, on a un problème. M. Chadderton n'a rien dit d'autre ce matin. Dans la pratique, lorsque la collecte de fonds l'emporte sur le principe ou la mission du musée, un problème beaucoup plus large se pose. Je pense que votre comité va devoir s'attaquer à ce problème.
J'ai voulu intervenir parce que cela a été dit tard dans la journée d'hier; il se trouve que je suis resté jusqu'à la fin, alors que M. Chadderton est parti. J'ai trouvé que le colonel Johnston a encore une fois souligné sa position concernant le ciblage sélectif de groupes particuliers.
Le sénateur Cools: Dès que les bleus seront disponibles, je rafraîchirai ma mémoire à cet égard.
L'Holocauste a été une chose si terrible, qui a touché tant de gens vivant aujourd'hui dans notre pays, qu'il est facile de comprendre pourquoi ils seraient prêts à contribuer à une telle commémoration. Si, en sus, il s'agit d'un groupe qui a une tradition de civisme et de soutien à des causes reliées à l'intégrité de ce peuple, alors nous avons vraiment lieu de nous inquiéter.
Je vous remercie de cette précision, mais je reverrai ce témoignage demain.
Le président: Honorables sénateurs, le sénateur Prud'homme a demandé l'autorisation de poser une brève question.
Le sénateur Prud'homme: Monsieur le président, je ferai mon rappel au Règlement à un autre moment, bien que je sois toujours fâché.
Je partage l'avis du monsieur qui a dit que des gens circulaient hier avec une annonce à la main, et ensuite je vois cette annonce dans le journal ce matin. J'en suis indigné. Je tiens à le faire savoir et je veux savoir qui a divulgué cette annonce. J'attendrai jusqu'à demain matin.
Le sénateur Cools: Je ne pense pas que le président ait dit que vous devez attendre jusqu'à demain.
Le président: À l'ordre, s'il vous plaît.
Le sénateur Prud'homme: Je suis d'accord avec ce que le témoin a dit sur la salle commémorative et le Musée de la guerre, mais la guerre n'a pas touché que l'Europe. Nous devons instruire les jeunes.
Vous avez mentionné Hong Kong. Un témoin très avisé a dit hier que tout l'épisode de Hong Kong est flou. Cependant, dès que l'on parle de Hong Kong, on ouvre tout le débat sur la guerre mondiale en Asie et au Japon. Si vous parlez du Japon et de Hong Kong, vous devez parler aussi de la monstruosité du recours à la bombe atomique -- pas seulement la première, surtout la deuxième. La deuxième fois qu'elle a été employée a été une monstruosité d'immense proportion; la première était défendable.
Ce que je veux faire ressortir, c'est que des Canadiens ont également combattu dans l'autre hémisphère. Hong Kong est un exemple. Cette question n'est toujours pas réglée aujourd'hui.
M. Chadderton: Oui. En tant que patron de l'Association des anciens combattants de Hong Kong, je suis on ne peut plus d'accord avec vous.
Justement, le Musée de la guerre a organisé une exposition merveilleuse sur les anciens combattants de Hong Kong il y a deux ou trois ans. Et c'est très bien, c'est justement le rôle du Musée de la guerre. Cependant, s'il va plus loin et cherche à raconter l'histoire de la bombe atomique, par exemple, il débordera du patrimoine militaire canadien. L'histoire de la bombe atomique devrait être racontée par le Musée des civilisations ou en quelque autre lieu.
Le président: Je vous remercie, monsieur Chadderton, de votre mémoire et de vos réponses.
Le président: Honorables sénateurs, notre prochain témoin est M. Bob Tracy, directeur exécutif de l'Association de la Force aérienne.
Vous avez la parole, monsieur Tracy.
M. Bob Tracy, directeur exécutif, Association de la Force aérienne du Canada: Honorables sénateurs, je comparais aujourd'hui en compagnie de M. Vic Johnston, qui est adjudant-maître à la retraite de l'Aviation royale du Canada et des Forces canadiennes. Il est également le rédacteur du magazine de notre association, Airforce. Je parlerai de celui-ci plus tard dans mon exposé. Mon intervention ne sera pas publicitaire. Cependant, elle traitera de la manière dont nous pouvons diffuser, sous forme de magazine, notre histoire écrite, particulièrement celle de l'aviation.
C'est pour moi un grand plaisir et un honneur de comparaître devant le comité au nom de l'Association de la Force aérienne du Canada. L'association a été fondée en 1949. Nous sommes dans l'année de notre 50e anniversaire. L'association a été créée à l'initiative du ministre de la Défense nationale de l'époque, Brooke Claxton, et du chef d'état-major de la force aérienne. Dans la pratique, des responsables du ministère de la Défense nationale et du ministère des Anciens combattants ont perçu la nécessité d'une organisation qui puisse parler d'une seule voix au nom de la multitude d'escadrons et d'unités qui ont proliféré dans tout le Canada à la fin de la guerre.
Aujourd'hui, l'Association de la Force aérienne du Canada, comptant plus de 15 000 membres réguliers et 5 000 membres associés, s'efforce de parler au nom des 350 000 anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale ayant servi dans l'ARC, ainsi que des quelque 200 000 qui ont porté l'uniforme bleu ou vert de l'aviation après la guerre. À son apogée pendant la Seconde Guerre mondiale, l'ARC comptait plus de 250 000 hommes. C'est un chiffre étonnant. Il y a eu à un moment donné plus de 250 000 personnes en uniforme bleu en 1944, sur une population de 12 ou 13 millions d'habitants.
Au premier plan de nos objectifs figure la perpétuation des vénérables traditions de l'Aviation royale du Canada. Un autre de nos objectifs est la défense de la force aérienne d'aujourd'hui. Nous avons 74 sections, ou escadres, d'une côte à l'autre du pays et environ une demi-douzaine dans l'ouest et le sud-ouest des États-Unis. Je souligne que notre objectif premier est de perpétuer les traditions de l'ARC afin que vous ne jugiez pas par trop étroite ou empreinte d'esprit de clocher l'optique dans laquelle s'inscrit mon mémoire.
Mon président national, Stewart Logan, perçoit chez nos anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale un sentiment de panique à mesure qu'ils avancent en âge. M. Logan était navigateur dans le siège tribord d'un Mosquito deHavilland pendant la Seconde Guerre mondiale. Après-guerre, il a servi dans l'ARC avant de devenir un entrepreneur prospère dans l'industrie aérospatiale canadienne. C'est un homme perspicace et chaleureux.
M. Logan m'a parlé de ce qu'il appelle un sentiment de panique qu'il perçoit chez ses camarades anciens combattants de guerre. Ces gens savent qu'il ne leur reste plus beaucoup de temps à vivre et ils craignent que l'histoire de leurs hauts faits militaires et, oui, même de leurs défaites, ne meure avec eux. Bien entendu, cela tient en partie au fait que le Canada, probablement seul de tous les pays occidentaux, n'enseigne pas l'histoire de ses guerres dans les écoles. Cependant, au-delà, il semble y avoir une coupure entre les anciens combattants et les bureaucrates chargés de perpétuer leurs efforts, leurs sacrifices et leurs faits d'armes.
Le général Ramsey Withers a mentionné hier qu'après son départ du conseil d'administration du Musée canadien des civilisations, en 1995, il ne restait plus personne dans cette auguste assemblée possédant ce que l'on pourrait appeler une «mémoire militaire collective». D'ailleurs, au mieux, il n'y a jamais eu plus que deux anciens militaires à la fois dans ce conseil. Cela témoigne manifestement d'une indifférence au mandat du Musée canadien de la guerre. Je sais, bien entendu, qu'on envisage aujourd'hui de créer un conseil consultatif et que l'on s'agite pour le mettre en place et le rendre efficace.
Le sénateur Phillips a parlé hier du documentaire télévisé The Valour and the Horror et son retentissement auprès des anciens combattants. Mais les insultes et affronts et les thèses révisionnistes ne se sont pas arrêtés là. Bien que je ne sois pas un ancien combattant de la guerre, j'ai passé toute ma carrière dans l'aviation canadienne et ai servi aux côtés d'anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale. Je sais d'expérience que la plupart des anciens combattants de la guerre essuient les coups, se découragent un peu plus et continuent avec ce qu'il leur reste de vie. Même ainsi, partiellement en raison de leur fréquence, l'accumulation de ces coups d'aiguille finit par les atteindre.
Par exemple, dans une lettre parue hier dans l'Ottawa Citizen -- cette lettre est jointe au mémoire -- le directeur du Musée des civilisations opinait que l'ARC n'a pas besoin d'autant d'espace d'exposition à l'intérieur du Musée canadien de la guerre parce que les avions de l'ARC sont exposés au Musée national de l'aviation. Le directeur de ce dernier, Chris Terry, souligne que le Musée national de l'aviation ne montre qu'une collection d'avions et d'objets d'aviation parce que, de par son mandat, il ne peut que raconter l'histoire de l'aviation canadienne, un point c'est tout. M. Terry fait valoir qu'il n'y a là pas réellement de conflit, car le mandat du Musée canadien de la guerre est très clair. C'est dans ce dernier que l'histoire des Forces aériennes canadiennes en temps de paix et de guerre doit être racontée, peut-être avec l'aide de pièces prêtées de temps à autre par le Musée national de l'aviation.
Sénateurs, je vous ai avertis que je prêcherais en partie pour ma paroisse et je reconnais volontiers que je peux avoir l'air de couper les cheveux en quatre, mais après tant d'expériences, grandes et petites, je crois réellement que les observations de notre président national sur le sentiment de panique qui règne sont fondées.
Lorsqu'il a comparu devant ce comité hier, le directeur général suppléant du Musée canadien de la guerre a parlé avec enthousiasme de la voiture d'état-major d'Adolph Hitler qui y est exposée. Hitler avait certainement beaucoup de voitures. Le directeur suppléant a affirmé que cette pièce, cette voiture d'état-major, était l'attraction majeure et un artifice commode pour diriger les visiteurs vers un petit montage sur l'Holocauste placé à proximité. Il a ajouté que la voiture d'état-major a été capturée par un GI américain qui l'a ramenée aux États-Unis. Le musée l'a rachetée à un collectionneur d'objets militaires. Si c'est vraiment le cas, je recommande que la voiture d'Adolph soit donnée soit au Musée des civilisations, en même temps que la salle de l'Holocauste, soit au Smithsonian, car cette voiture est plus en rapport avec la salle de l'Holocauste et l'histoire militaire des États-Unis qu'avec la nôtre.
À la place, on pourrait peut-être monter une exposition honorant les troupes d'occupation de l'ARC qui, à la fin de la guerre, ont eu l'inspiration de ramener au Canada un vaste échantillon d'avions de guerre allemand. De fait, aujourd'hui ces avions sont la pierre angulaire du Musée aéronautique national de Rockliffe. On me dit que ces aviateurs ont réquisitionné des équipes de prisonniers de guerre, des wagons de chemin de fer et des navires pour transporter les avions allemands jusqu'au Canada. Ils l'ont fait avec la collaboration involontaire des Forces aériennes britanniques en Allemagne occupée. D'ailleurs, si on nous le demande, notre association aidera le Musée canadien de la guerre à retrouver ces ingénieux chapardeurs. Ils ont largement contribué au développement de l'histoire militaire canadienne telle qu'elle est exposée ici, au Canada.
Dans son survol du Groupe de travail de 1991, le général Ramsey Withers a indiqué hier que c'était une résolution expresse adoptée par un congrès de la Légion à la fin des années 1980 qui a présidé à la création du groupe de travail. Malheureusement, les recommandations de ce groupe réclamant un Musée de la guerre indépendant sont restées lettre morte.
Ma présentation pour le compte de l'Association de la Force aérienne du Canada fait suite à celle de la Légion royale du Canada et à celle de Cliff Chadderton du Conseil national des Associations d'anciens combattants et d'Ian Inrig, des Anciens combattants de l'armée, de la marine et des Forces aériennes du Canada. Il convient de féliciter ce comité sénatorial d'avoir rassemblé tous ces intervenants dans la même pièce, mais pourquoi a-t-il fallu attendre qu'un comité sénatorial le fasse? Il devrait tout de même exister un mécanisme de concertation entre les groupes d'anciens combattants et ceux qui sont payés pour gérer le Musée canadien de la guerre.
Quelqu'un a affirmé hier qu'il y a une concertation ponctuelle entre le Musée de la guerre et les groupes d'anciens combattants. J'espère que l'expérience de notre association à cet égard n'est pas typique car, depuis que j'ai assumé cette fonction il y a sept ans, les consultations n'ont guère pris que la forme d'une poignée d'invitations envoyées par le très avisé et zélé agent de publicité du Musée canadien de la guerre, nous demandant de venir couvrir une manifestation spéciale pour le magasine Airforce. Nous l'avons fait volontiers, mais cela ne suffit pas.
Je ne veux pas causer d'ennui à aucun membre du personnel du Musée canadien de la guerre, mais je dois souligner que la coupure entre les bureaucrates du musée et les anciens combattants est réelle et pénalise tout le monde. Pour être juste, il faut reconnaître que la tâche n'est pas facilitée par le manque de crédits, des bâtiments vétustes qui se dégradent et l'insuffisance criante de personnel. Je ne pouvais en croire mes oreilles. Est-ce que M. Glenney a bien dit qu'il n'a qu'une seule personne pour s'occuper d'une collection de 160 véhicules militaires, dont 30 seulement en état de marche?
Je considère, et mon président considère, que par-dessus tout le Musée canadien de la guerre doit devenir indépendant et avoir son propre conseil d'administration. De même, le fonctionnement au jour le jour du musée bénéficierait de la présence permanente, parmi le personnel, d'anciens militaires, sinon d'anciens combattants. Après tout, le Musée de la guerre doit travailler doublement fort pour montrer le patrimoine militaire canadien, ne serait-ce que parce que l'histoire militaire ne fait pas partie des programmes d'enseignement au Canada.
Personnellement, en tant qu'adhérent familial des Amis du Musée canadien de la guerre, j'ai été ravi d'entendre qu'après le programme d'agrandissement, le musée pourrait doubler sa surface d'exposition des artefacts et objets de guerre, dont la plupart ne voient jamais le jour. Cependant, même alors, nous serons desservis. En effet, à ma connaissance, les musées similaires à l'étranger ont une capacité d'exposition supérieure d'au moins 5 p. 100.
Cela m'amène au fait que, lorsque l'un des membres de notre association décède, nous recevons souvent à notre bureau central un appel du conjoint survivant qui se demande quoi faire de tous les objets historiques ou souvenirs du temps de guerre que possédait le défunt. J'ai donné instruction à mon personnel de conseiller à l'interlocuteur de ne pas faire don de ces objets au Musée canadien de la guerre car il est très peu probable que ces objets ou souvenirs soient jamais exposés. Nous renvoyons plutôt ces personnes à d'autres musées militaires ou d'aviation où ils ont une meilleure chance de contribuer au milieu muséal. Maintenant que l'on va doubler la surface d'exposition du Musée canadien de la guerre, nous allons réexaminer cette politique.
Le président de Passons le flambeau a indiqué lors de la réunion du 4 novembre à Toronto que la salle de l'Holocauste pourrait occuper de 6 à 7 p. 100 de cet espace. Environ un mois plus tard, le chiffre cité dans diverses lettres de lecteurs et annonces du Musée de la civilisation est passé à 12 p. 100. Ce matin, j'ai été atterré d'apprendre que le chiffre est de 35 p. 100. En fait, hier soir, Don Lawson de l'émission Midday de CBC m'a appelé en disant: «Les anciens combattants ont gagné». Il m'a dit qu'il avait devant lui un communiqué de presse disant que le Musée des civilisations renonçait à englober la salle de l'Holocauste dans le Musée de la guerre.
Le sénateur Prud'homme: Vous avez eu de la chance d'être informé.
M. Tracy: Ce n'était pas de la chance. Je me suis précipité dans mon bureau et ai réécrit mon mémoire pour enlever toute mention de l'ajout de la salle de l'Holocauste au Musée canadien de la guerre. J'ai trop anticipé. Je n'ai pas attendu de voir le texte réel du communiqué de presse. Lorsque j'ai lu le journal ce matin, j'ai été atterré. J'avais mordu à l'hameçon.
En ce qui concerne l'histoire écrite, l'Association de la Force aérienne du Canada publie depuis deux décennies le magazine Airforce. Nous allons vous en remettre des exemplaires. Près de la moitié des articles et photos de ce magazine traitent de l'histoire de la guerre aérienne, de 1914 à aujourd'hui. La plupart des documents émanant de nos lecteurs proviennent d'anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale dont le nombre est en chute libre. Pourtant, nous avons été inondés d'envois lorsque nous avons lancé un appel demandant à nos abonnés de nous raconter leur guerre. Nous avons maintenant une abondante réserve de récits relatant ce que les anciens combattants et combattantes de l'aviation ont vécu pendant la guerre. Notre magazine de haut niveau fait un travail superbe de perpétuation des accomplissements en temps de guerre de la Force aérienne du Canada.
Vous trouverez le magazine Airforce sur les rayonnages de la librairie Chapters. Il se vend bien, mais il n'est que l'un des 26 magazines d'aviation offerts. Les autres viennent de Grande-Bretagne, des États-Unis et d'ailleurs. Un seul magazine consacré à l'aviation et à l'histoire de la force aérienne est publié au Canada, et c'est le nôtre. Il y a 15 ans, sur un total de 16 publications vendues en kiosque, il y avait cinq autres magazines d'aviation canadiens. Le nôtre est le seul magazine canadien restant et il est en concurrence avec 25 autres. C'est une lutte coûteuse et frustrante, mais le magazine Airforce continue fièrement à perpétuer l'histoire de notre force aérienne.
Notre magazine est vendu dans les kiosques à travers le Canada et aux États-Unis. On m'a personnellement demandé d'envoyer nos numéros à la collection aéronautique du Smithsonian à Washington. En septembre dernier, nous avons commencé poliment à frapper aux portes -- peut-être aurions-nous dû taper à coups de masse -- du Musée canadien de la guerre pour demander que notre magazine soit proposé dans son kiosque.
Des conversations téléphoniques polies se sont déroulées entre mon personnel et celui du Musée canadien de la guerre. On nous a dit que, malheureusement, sa boutique-cadeaux et celle du Musée des civilisations sont en cours de privatisation. Il faudra attendre encore davantage l'autorisation, non pas des responsables du Musée canadien de la guerre, mais de leurs supérieurs du Musée des civilisations. Ce que je veux dire par là c'est que les deux parties bénéficieraient grandement de l'existence d'un canal de communication entre les anciens combattants et les bureaucrates qui contrôlent le fonctionnement au jour le jour du Musée canadien de la guerre. Il faudrait débarrasser ce dernier de l'entrave qui le relie par trop étroitement à son propriétaire absent, le Musée des civilisations. S'il en était ainsi, notre magazine serait peut-être déjà dans le kiosque du Musée canadien de la guerre et serait un véhicule de plus perpétuant l'histoire militaire canadienne au sein de ce musée.
J'estime que le Musée canadien de la guerre doit avoir davantage d'administrateurs et d'employés partageant ce que l'on pourrait appeler l'ethos militaire, acquis peut-être presque inconsciemment par de nombreuses années d'association étroite avec les forces armées ou les associations d'anciens combattants canadiennes. Il faut aussi des contacts plus réguliers, et pas seulement occasionnels et ponctuels, entre les organisations d'anciens combattants et notre musée des anciens combattants, le Musée canadien de la guerre.
Pour résumer, le président national de l'Association de la Force aérienne, A. Stewart Logan, et notre conseil exécutif national ont soigneusement examiné le mémoire soumis par M. Cliff Chadderton du Conseil national des associations d'anciens combattants. Nous souscrivons de tout coeur et sans réserve aux recommandations formulées par le Conseil national des associations d'anciens combattants. Nous sommes d'avis que la mise en oeuvre de ces recommandations ouvrirait la voie à une meilleure collaboration et un plus grand soutien mutuel entre les anciens combattants du Canada et le Musée de la guerre. Une fois qu'il sera en place, et seulement alors, ce nouveau cadre opérationnel renforcera, à notre sens, les initiatives de collecte de fonds de la campagne Passons le flambeau.
Je remercie les sénateurs de leur attention et d'avoir invité l'Association de la Force aérienne du Canada à participer à leurs travaux.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Tracy.
Le sénateur Forest: Dans l'histoire écrite de la Force aérienne canadienne, y a-t-il quelque chose sur le Plan de formation de pilotes du Commonwealth? Lors d'un voyage en Australie et en Nouvelle-Zélande, beaucoup de gens de notre âge en ont longuement parlé. Cependant, je serais très surpris que beaucoup de Canadiens s'en souviennent. Je pense que c'est un élément important de notre histoire.
M. Tracy: Nous avons publié plusieurs articles sur divers aspects du Plan de formation de pilotes du Commonwealth britannique. L'Association de la Force aérienne lève actuellement des fonds, sans grand battage, pour marquer les nombreux sites d'entraînement à travers le Canada qui étaient englobés dans ce plan. Il y a eu, je crois, le chiffre étonnant de plus de 300 bases aériennes ou centres d'entraînement et nous avons marqué presque 75 p. 100 d'entre eux au cours des dix dernières années.
Le sénateur Chalifoux: Avez-vous été consulté par des fonctionnaires du musée lors du processus décisionnel relatif à l'agrandissement?
M. Tracy: Non, mais nous sommes membres du Conseil national des Associations d'anciens combattants. Nous comptons sur Cliff Chadderton pour nous représenter. Lorsqu'il est consulté, il nous met au courant très rapidement et en détail de ce qui a été dit.
Pour ce qui est d'activités spécifiques à l'intérieur du Musée canadien de la guerre, par exemple, on nous a invités à venir voir diverses expositions. Je dois dire que le Musée canadien de la guerre a réagi très rapidement et très efficacement lorsque j'ai signalé un oubli dans le montage sur le maintien de la paix. Ils avaient oublié deux opérations de maintien de la paix auxquelles seuls des aviateurs avaient pris part, au Yémen et en Nouvelle-Guinée. L'armée de terre n'en faisait pas partie et ces opérations avaient été oubliées. Ils ont très vite remédié à la lacune et le montage est maintenant approprié.
Le sénateur Chalifoux: Vous dites également avoir rayé vos opinions sur la salle de l'Holocauste. Quelle est cette opinion?
M. Tracy: Mon opinion est conforme à la position exprimée par Cliff Chadderton au nom du conseil national.
Le capitaine Andrezj M. Garlicki (retraité), vice-président national, The Polish Combattants' Association in Canada: Je vous remercie, honorables sénateurs, de nous avoir invités à exposer notre position sur l'Holocauste. Je suis accompagné d'Adam Bardach, capitaine dans les Forces polonaises, officier du deuxième corps d'armée polonais. Il joue le rôle de conseiller auprès de la Polish Combattants' Association in Canada ainsi que du Polish Congress in Canada.
Je ne suis pas aussi éloquent que M. Chadderton ou M. Tracy, mais je vais vous présenter mon exposé et lire ensuite la position de l'exécutif de la Polish Combattants' Association.
La Polish Combattants' Association in Canada représente les Canadiens d'origine polonaise qui ont pris une part active à la Deuxième Guerre mondiale au sein des forces alliées. Ils ont combattu côte à côte, en tant que compagnons d'armes, avec les Canadiens et aimeraient également être représentés au Musée canadien de la guerre.
La Polish Combattants' Association in Canada est membre du Conseil national des Associations d'anciens combattants du Canada. À ce titre, la Polish Combattants' Association in Canada souscrit à la position et à la résolution du CNAAC.
Je vais maintenant vous présenter la position de l'exécutif de la Polish Combattants Association.
La Polish Combattants Association in Canada est une organisation d'anciens militaires polonais qui ont combattu pendant la Seconde Guerre mondiale aux côtés des alliés, notamment des troupes canadiennes, pour la libération de l'Europe. Nombre de nos membres ont perdu leur famille dans les camps de concentration nazis de la Pologne occupée. Les familles d'autres ont péri dans les camps de travail après l'invasion soviétique de la Pologne et la déportation subséquente en Sibérie et au Kazakhstan de près de deux millions de polonais. Nos membres sont fiers de leur contribution à la victoire alliée et veulent assurer que la contribution canadienne à cette victoire soit bien documentée et commémorée.
Le Musée canadien de la guerre est le site le plus approprié pour honorer la contribution des soldats canadiens à la défaite du nazisme. À l'heure actuelle, des milliers d'artefacts militaires ne peuvent être exposés dans le musée, par manque de place. Il faut espérer qu'après l'agrandissement du Musée canadien de la guerre, nombre d'entre eux y trouveront un domicile permanent.
Notre organisation souscrit à la position du Conseil national des Anciens combattants et de la Légion royale canadienne voulant que le Musée canadien de la guerre soit réservé à des expositions de nature purement militaire. Le musée devrait également abriter des expositions sur les formations militaires ayant participé à la défaite du nazisme, telles que le deuxième corps polonais, les escadrons de chasseurs polonais qui ont combattu dans la bataille d'Angleterre, la marine polonaise qui a pris part à la bataille de l'Atlantique et également une unité juive qui a participé à la campagne d'Italie, et d'autres encore.
Le génocide des juifs d'Europe constitue indéniablement l'un des plus grands crimes de ce siècle. Aussi horrible qu'il soit, il ne représentait néanmoins pas une action militaire mais une opération civile perpétrée par les escadrons de la mort SS et une administration civile extérieure à la structure militaire du haut commandement allemand. Si la conquête de l'Europe en quête d'espace vital était une solution militaire, l'extermination ou la subjugation de nationalités était une solution politique destinée à concrétiser les préceptes idéologiques de la supériorité de la race aryenne.
Le XXe siècle abonde en exemples de l'inhumanité de l'homme pour l'homme, dont l'Holocauste en est un parmi d'autres. Pour faire justice à l'énormité du crime perpétré par les Nazis contre les juifs d'Europe et d'autres minorités, il faudrait établir une exposition permanente au Musée canadien des civilisations. Si ce musée célèbre les réalisations de l'homme, il devrait documenter également le côté plus sombre de la nature humaine.
C'est pourquoi notre organisation est en faveur de la création d'une salle de l'Holocauste au Musée canadien des civilisations.
Sénateur Cools, je vous ai entendue demander, lors de la comparution de M. Chadderton, pourquoi les hommes s'entre-tuent. Les Romains avaient un dicton: combien il est doux de mourir pour sa patrie.
Lorsqu'il s'agit de défendre son pays, on est fondé à tuer ses ennemis. Êtes-vous d'accord?
Le sénateur Cools: Je pense que face à la tyrannie d'une agression armée, un gouvernement a le devoir de se défendre, oui.
M. Garlicki: Nos ressources sont limitées parce que nous ne sommes pas dans notre pays d'origine. Par ailleurs, ce n'est qu'après 1990 que le grand sceau du président de Pologne a été transféré à Lech Walesa. Cependant, il existe un musée polonais à Londres, le Musée Sikorski, où sont exposées des pièces des forces polonaises ayant combattu à l'Ouest. Environ 200 000 hommes et femmes ont combattu aux côtés des alliés.
Je serais heureux de répondre aux questions que vous pourriez avoir.
Le sénateur Forest: Souscrivez-vous aux recommandations faites par M. Chadderton au nom de tous les anciens combattants concernant l'autonomie du Musée de la guerre -- à savoir que le Musée de la guerre devrait disposer de sa propre administration?
M. Garlicki: Certainement.
Le sénateur Forest: Préféreriez-vous également qu'un musée de l'Holocauste soit créé dans un autre emplacement?
M. Garlicki: Oui.
Je crois qu'il y avait une brigade juive en Italie. Pendant cette campagne, de nombreuses unités étaient placées sous divers commandements à différents moments. Ainsi, certaines unités britanniques étaient sous le commandement du deuxième corps polonais et inversement. Par exemple, la brigade italienne a été intégrée au deuxième corps à un certain moment de la campagne. Je crois qu'il y avait une brigade juive dans une unité régulière faisant partie de la huitième armée britannique et je pense que le Musée de la guerre devrait réserver une place pour cela.
Le président: Vous avez indiqué, et M. Chadderton l'a mentionné dans son mémoire, que le peuple polonais a été englobé dans le massacre nazi en Europe. Près de 21 millions de personnes ont été éliminées dans le génocide. Est-ce que le peuple polonais est commémoré dans un musée quelconque du monde, ailleurs qu'en Pologne?
Le capitaine Adam J. Bardach, Deuxième corps polonais: Il y a un musée à Londres qui montre l'effort de guerre polonais et je crois savoir qu'il y a des sections d'autres musées de la guerre qui y sont consacrées. Cependant, je n'ai pas de détails.
Le président: Le génocide du peuple polonais est-il commémoré dans ce musée?
M. Bardach: Pas le génocide. La participation militaire.
M. Garlicki: Monsieur le président, environ trois millions de Polonais ont perdu la vie au cours de la guerre et, inutile de le dire, l'abominable camp de concentration d'Auschwitz-Buchenwald, qui a été créé dès le début de l'occupation allemande de notre territoire, était destiné principalement aux Polonais. Ce n'est que lorsque la solution finale a été mise en oeuvre que d'autres nationalités y ont été envoyées.
Il y a eu en 1973 une exposition de deux semaines au Musée canadien de la guerre montrant la coopération entre les Forces armées canadiennes et polonaises au cours de la guerre. Cependant, je crois savoir que toutes ces pièces ont été enlevées depuis. Nombre d'entre elles avaient été empruntées à d'autres musées, tels que le Musée Sikorski à Londres.
Le président: Merci beaucoup, messieurs.
La séance est levée.