Aller au contenu
VETE

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du sous-comité des
anciens combattants

Fascicule 7 - Témoignages


OTTAWA, le vendredi 6 février 1998

Le sous-comité des affaires des anciens combattants du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 h 16 pour poursuivre son étude de toutes les questions ayant trait à l'avenir du Musée canadien de la guerre, incluant, sans s'y limiter, sa structure, son budget, son nom et son autonomie.

Le sénateur Orville H. Phillips (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, il y a quorum.

Notre premier témoin est M. Victor Suthren, ancien conservateur du musée. Je crois comprendre que M. Suthren a signé un accord confidentiel avec le Musée de la guerre et qu'il redoute de le rompre. Je demanderais au légiste du Sénat de bien vouloir rejoindre M. Suthren afin que celui-ci puisse consulter l'avocat de la Couronne en cas de doute.

M. Suthren désirez-vous faire des observations préliminaires?

M. Victor Suthren: Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je comparais aujourd'hui à votre demande. Je vous remercie de vous soucier de mes obligations en matière de confidentialité. J'ai préparé un court exposé, comme cela me l'avait été suggéré dans votre lettre du 3 février, et je me propose donc de vous le présenter maintenant, à moins que vous souhaitiez que je réponde simplement à vos questions.

Le président: Combien de temps est censé durer cet exposé?

M. Suthren: Environ dix minutes.

Le président: Auriez-vous l'amabilité de faire votre exposé?

M. Suthren: Ma relation avec le Musée canadien de la guerre remonte à 1975. Après avoir étudié aux Universités Bishop, McGill et Concordia, et obtenu une commission dans la Réserve de la marine, je suis entré au Service canadien des parcs en 1971 et j'ai travaillé à Louisbourg, Halifax et Ottawa comme historien militaire jusqu'en 1975. Cette année-là, je suis entré au service du Musée canadien de la guerre comme conservateur d'art de guerre; je suis devenu conservateur des expositions, de la planification et du design en 1976, conservateur en chef adjoint en 1981 et directeur du musée en 1986.

Je me propose de résumer brièvement en quoi consiste l'organisation du Musée canadien de la guerre et ce qui a été accompli dans le passé, afin que vous ayez une meilleure perspective de ce que le musée pourrait réaliser à l'avenir, s'il jouissait de l'autonomie voulue, de locaux appropriés et de ressources suffisantes.

Le Musée canadien de la guerre occupe deux immeubles dans la ville d'Ottawa: le principal se trouve au 330, promenade Sussex, et la Maison Vimy est située sur l'avenue Champagne. Sa relation avec la Société du Musée canadien des civilisations est celle d'un musée affilié, jouissant d'une autonomie dans le domaine de la conservation et des programmes publics, mais fonctionnant dans le cadre de la Société aux plans financier et administratif.

Travaillant en étroite collaboration avec le directeur administratif, le directeur général du Musée canadien de la guerre relève du président-directeur général de la Société lequel dépend, à son tour, du conseil d'administration. De 1991 à sa suppression par l'actuelle présidente du conseil, le Musée canadien de la guerre a bénéficié des conseils et des avis d'un comité consultatif présidé par un membre du conseil, le général Ramsey Withers.

Après avoir pris mes fonctions à la tête du musée, j'ai conclu qu'il y avait trois moyens de donner plus d'envergure au Musée canadien de la guerre: la mise en place d'un organe de soutien du musée; une programmation publique notoire et attrayante; et la professionnalisation constante des activités de base du musée que sont l'entretien et le développement des collections.

La création des Amis du Musée canadien de la guerre a permis de rassembler un groupe de bénévoles énergiques et dévoués qui, aujourd'hui encore, apportent un soutien inestimable au musée, que ce soit dans le cadre de l'actuelle campagne de collecte de fonds ou par leurs fructueuses suggestions au gouvernement qui se sont soldées par la mise en place, en 1991, d'un groupe de travail sur les collections militaires du Canada, présidé par G. Hamilton Southam et Denis Vaugeois. Le rapport du groupe de travail renferme toujours, à mes yeux, le meilleur résumé des problèmes du musée et les meilleures solutions que l'on pourrait adopter.

On y envisageait par exemple l'élaboration de programmes publics novateurs et attrayants qui amélioreraient l'image du musée et l'on recommandait que le conseil d'administration de la Société donne priorité aux efforts d'extension au-delà de la capitale nationale afin de stimuler un sentiment d'identité nationale.

Sur le plan interne, le musée a tenté d'attirer un plus grand public en restaurant progressivement, en fonction des crédits dont il disposait des objets à exposer, et en recherchant activement les artefacts existants qui compléteraient la collection de la Maison Vimy. À titre d'exemple, j'ai écrit directement au gouvernement soviétique en 1988 pour demander un tank T-34, un véhicule à la fine pointe de la technologie à l'époque de la Seconde Guerre mondiale. Le gouvernement soviétique nous expédia, à ses frais, un T-34 complètement restauré, équipé et en état de marche. Il fut livré au musée par un maréchal de leurs forces armées.

Dépourvus de moyens de communication comme la vidéo ou les systèmes électroniques pour lancer un programme de diffusion externe, nous avons toutefois réussi à en mettre un en place en entrant en relation avec d'autres organismes et sites historiques avec lesquels nous avons signé une dizaine d'accords de coopération, qui se sont soldés par un programme conjoint de diffusion externe axé sur la commémoration et les manifestations à thème historique comportant des reconstitutions à grand spectacle par des bénévoles. Cela s'est avéré une réussite car non seulement ces manifestations ont attiré beaucoup de spectateurs, mais c'était l'occasion idéale pour distribuer en grande quantité le matériel promotionnel du musée. Remarquables entre autres furent la Bataille de la capitale, une bataille simulée qui attira à Ottawa, en 1988, 50 000 spectateurs en deux jours; la reconstitution du débarquement de John Graves Simcoe à Niagara-on-the Lake, en 1792, qui attira 5 000 spectateurs; une initiative conjointe, en 1993, de Parcs Canada et du Service des parcs américains sur la guerre de 1812, qui attira 25 000 spectateurs; et le voyage de Louisbourg, qui rassembla 13 grands voiliers, 2 000 figurants bénévoles et une foule de 80 000 spectateurs à la forteresse de Louisbourg, ainsi que des dizaines de milliers de plus à Québec et dans les provinces atlantiques qui assistèrent au passage de l'escadre organisée par le musée, escortant le destroyer NCSM Terra Nova de la marine canadienne. Un film réalisé par l'Office national du film a été tiré de l'événement et télévisé à l'étranger.

Plus près d'Ottawa, nous nous sommes consacrés, en 1993, à la commémoration de la Campagne d'Italie avec l'exposition Sicile/Italie; en 1994, au débarquement du jour J; et enfin, en 1995, à l'exposition sur le printemps de la Victoire. Ces activités ont démontré on ne peut plus clairement combien le personnel du musée et le fort contingent de bénévoles souhaitaient sincèrement mettre nos anciens combattants, hommes et femmes, à l'honneur. Ils organisèrent des défilés de véhicules ouverts transportant des anciens combattants acclamés par la population, des survols d'aéronefs de jour et de nuit, des cantonnements, des bals avec des big band où les anciens combattants se mêlaient aux invités en uniforme ou en vêtements des années 40. Pour ces manifestations, le musée a reçu un prix spécial du ministère du Patrimoine canadien, en reconnaissance de sa contribution aux commémorations.

Au niveau de l'entretien et de l'utilisation de la collection du musée qui comprend quelque 440 000 objets, la professionnalisation des diverses fonctions de conservation sous la responsabilité des deux derniers directeurs des collections et de la recherche, Karen Graham et Daniel Glenney, a placé le Musée canadien de la guerre à l'avant-garde au sein de la Société; à cet égard, on peut citer l'introduction d'un système informatisé d'enregistrement, l'élaboration d'une politique de gestion des collections, ainsi que les simples soins dont font l'objet les collections. Les expositions itinérantes d'artefacts de grandes dimensions ou tridimensionnels étant d'un coût prohibitif, le conservateur en chef des collections, Laura Brandon, est parvenu à placer des pièces appartenant à la vaste collection d'oeuvres d'art du musée dans plusieurs endroits d'Amérique du Nord et d'Europe. La transformation graduelle de la Maison Vimy en centre d'exposition a permis de dévoiler au public une plus grande partie de la collection.

En 1996 et 1997, nous nous sommes attachés à assurer la réussite de la campagne de collecte de fonds, tout en nous consacrant à la planification de l'agrandissement des locaux de la promenade Sussex et à la recherche d'un endroit susceptible de remplacer la Maison Vimy. Nous avons également exploré diverses possibilités pour accroître la notoriété du musée et, pendant l'été 1997, un accord a été négocié avec le ministère de la Défense nationale qui se solda par une exposition d'une valeur de 250 000 $ sur l'armée canadienne d'aujourd'hui dans la cour du 330, promenade Sussex et par une augmentation significative du nombre des visiteurs. Une nouvelle exposition sur les séparations familiales provoquées par la guerre intitulée: «We'll meet again» a été inaugurée en 1997 et a fait l'objet de critiques favorables; l'image du couple que nous avions choisi pour en être le symbole a fait le tour du pays en première page du Globe and Mail. Au moment de mon départ du Musée canadien de la guerre, le 2 octobre 1997, le budget du musée était géré de façon satisfaisante, et on pouvait prévoir que l'année serait bouclée dans le cadre des variables de dépenses permises.

Pour ce qui est de l'avenir du Musée canadien de la guerre, j'exprimerais les opinions suivantes qui se fondent sur mes 22 ans de service au sein de l'institution, dont 11 à sa tête. Je suis d'avis que les deux institutions, le Musée canadien des civilisations et le Musée canadien de la guerre sont, en dernière analyse, incompatibles, trop dissemblables au niveau des présupposés fondamentaux de leur objet et de leur réalité, pour permettre au Musée canadien de la guerre d'atteindre tout son potentiel. Le Musée canadien des civilisations est un kaléidoscope d'expériences culturelles diverses et variées qui peuvent facilement comprendre un film IMAX sur un groupe de rock-and-roll ou une démonstration de danse folklorique sans poser problème. Le Musée canadien de la guerre doit toujours, par contre, être sensible à sa mission commémorative et au principal sujet de son activité, soit l'histoire des Canadiens qui ont combattu, laquelle doit être abordée avec prudence, respect et tout le sérieux exigé par les sacrifices que représente cette histoire. Il est lié par une obligation morale laquelle, selon moi, le situe irrévocablement dans une classe à part. Je ne pense pas que le Musée canadien de la guerre puisse atteindre son plein potentiel à moins qu'il ne soit libéré, à un moment donné, d'une relation qui entrave son activité.

Je suis d'avis que le Musée canadien de la guerre ne pourra obtenir les crédits dont il a besoin pour fonctionner en tant que musée national de l'histoire du Canada que s'il se situe en dehors du Musée canadien des civilisations plutôt que sous sa tutelle. S'il a le statut d'organisme indépendant, il aura une plus grande notoriété et possédera une identité indubitable en tant qu'institution nationale reconnue, au lieu d'être toujours perçu dans le contexte du Musée canadien des civilisations ce qui, pour le moment, est inévitable. Le musée doit avoir la liberté de rechercher des fonds auprès du secteur public et du secteur privé selon ses propres modalités, et non pas celles d'un organisme de plus grande envergure. Le musée doit pouvoir défendre son propre dossier en ce qui concerne l'agrandissement de ses locaux qui lui permettra d'exposer des trésors que les Canadiens doivent pouvoir voir pour s'instruire, et il doit être structuré de façon à relever de son propre conseil d'administration, dont les membres auraient eux-mêmes à répondre à un ministre fédéral au courant du contexte militaire et des affaires des anciens combattants et susceptible de guider l'activité et le développement du musée.

J'appuie sans réserve la proposition voulant que l'on nomme à un tel conseil des membres d'associations d'anciens combattants, des représentants du ministère des Anciens combattants, de la Défense nationale et d'autres associations ayant la même vision des choses.

Je ne peux plus, personnellement, parler au nom d'une institution à laquelle j'ai consacré 22 ans de service, mais j'aimerais attirer l'attention du comité sur la qualité de cette institution et de ceux qui y travaillent, et l'encourager à recommander l'octroi d'un statut indépendant au Musée canadien de la guerre, sous la tutelle du ministère du Patrimoine canadien. Sinon, la responsabilité du musée pourrait être transférée au ministère des Anciens combattants ou au ministère de la Défense nationale, deux organismes qui sont en mesure d'apprécier l'objet du musée et son obligation morale. Le personnel du musée peut assurer un brillant avenir à cette institution. Pour paraphraser Sir Winston Churchill: Donnez-leur les outils, ils finiront le travail.

Le sénateur Jessiman: Merci, monsieur Suthren. Vous avez déclaré avoir suivi une formation d'officier de marine. Pourriez-vous me donner quelques détails à ce sujet, s'il vous plaît?

M. Suthren: Oui, sénateur. En 1961, je me suis inscrit au programme de la DUIN familièrement appelée «Untidies», en anglais, et j'ai été envoyé en 1964 dans la Réserve de la marine royale du Canada comme matelot spécialiste, l'équivalent aujourd'hui d'officier MAR SS; je suis resté dans la Réserve jusqu'en 1971. Mon dernier poste était chef de la division du matelotage sur le NCSM Donnacona. J'ai conservé mon affiliation avec la marine et j'ai été nommé capitaine honoraire par le ministère de la Défense nationale en mai dernier.

Le sénateur Jessiman: Lorsque vous avez débuté en 1975 au Musée de la guerre, comme je crois comprendre, il était alors sous la tutelle de la Société des musées nationaux en vertu de la Loi sur les musées nationaux adoptée en 1967. Êtes-vous au courant de cela?

M. Suthren: Lorsque j'y suis entré, le musée était une division de ce qui s'appelait alors le Musée national de l'homme.

Le sénateur Jessiman: En 1967, le conseil d'administration de la Société des musées nationaux a remanié le conseil du Musée canadien de la guerre; à l'époque, le musée avait donc un conseil, ou du moins c'est ce que je conclus du document que j'ai lu. Ce conseil fut rebaptisé comité consultatif du Musée canadien de la guerre.

Vous dites que c'était une division du Musée national de l'homme. Y avait-il un comité consultatif du Musée canadien de la guerre qui relevait de cette société? En passant, s'agissait-il d'une société?

M. Suthren: Ce n'était pas une société à l'époque. Le musée fut constitué en société distincte en vertu de la Loi sur les musées qui instituait les quatre grandes sociétés nationales.

Le sénateur Jessiman: Cela se passait en 1990, mais dites-nous comment fonctionnait le Musée de la guerre avant 1990?

Je pourrais vous dire ce qu'il en était en 1967, mais vous avez dit que cela a changé plus tard. À l'époque, le Musée de la guerre faisait partie de la Société des musées nationaux, tout comme il fait partie aujourd'hui de la Société du Musée canadien des civilisations. Le conseil de l'époque devint, à un moment donné, un «comité consultatif». Au moment où vous avez commencé à travailler au musée, y avait-il un comité consultatif chargé du Musée canadien de la guerre?

M. Suthren: Le musée est resté une division du Musée national de l'homme à peu près jusqu'au moment où j'en suis devenu le directeur. Il est ensuite devenu musée affilié ou associé au Musée national de l'homme, qui devait devenir le Musée canadien des civilisations. Il n'existait aucun comité consultatif officiel chargé du Musée canadien de la guerre avant l'adoption de la Loi sur les musées en 1990-1991, laquelle portait création de conseils distincts. Le conseil d'administration de la Société du Musée canadien des civilisations institua un comité consultatif pour s'occuper des affaires du Musée canadien de la guerre.

Le sénateur Jessiman: Je n'ai pas pu trouver cette information. Voulez-vous dire que depuis 1991, quand cette nouvelle Société a été constituée, il existe une disposition prévoyant un comité consultatif? Où cela se trouve-t-il? Ce n'est pas dans la loi, en tout cas, je ne pense pas que ça y soit.

M. Suthren: Vous avez probablement raison. Étant donné que je n'ai pas la loi entre les mains et que je ne l'ai pas étudiée en détail, je ne peux pas répondre. Si je me souviens bien, dans la loi portant création de la Société du Musée canadien des civilisations et des trois autres grandes Sociétés, la Société du Musée canadien des civilisations est dotée d'un conseil distinct.

Le sénateur Jessiman: Je suis au courant de cela.

M. Suthren: Une des initiatives de ce conseil a été de créer un comité consultatif.

Le sénateur Jessiman: Les dirigeants peuvent peut-être nous dire comment ils s'y sont pris. Ils ont le droit d'établir des règlements administratifs et des comités, et c'est peut-être ce qu'ils ont fait. En tout cas, les règlements généraux dont j'ai pris connaissance leur reconnaissent ce droit. Quand, selon vous, ce comité a-t-il été établi?

M. Suthren: Autant que je m'en souvienne, il fut établi dès le moment où le conseil lui-même commença à fonctionner en 1991. Le conseil créa le comité consultatif. Il était présidé par l'un des membres du conseil qui possédait une expérience des affaires militaires et des anciens combattants, le général Ramsey Withers.

Le sénateur Jessiman: Savez-vous combien il y avait de membres?

M. Suthren: Oui, il y en avait cinq.

Le sénateur Jessiman: Ces cinq personnes constituaient-elles le comité ou est-ce que vous vous rappelez simplement avoir vu cinq membres? Savez-vous s'il y avait un nombre minimum ou maximum de membres?

M. Suthren: Je me rappelle de cinq membres. Le comité était composé d'un éminent historien militaire et ancien soldat, le professeur Desmond Morton; de M. Alec Douglas, un ancien commandant de la marine, responsable de la direction générale de l'histoire au ministère de la Défense nationale; du major général Robert LaRose; de Mme Beverley Scott de Winnipeg; et du président lui-même, le général Ramsey Withers. Il y avait peut-être un autre membre dont je ne me rappelle pas en ce moment.

Le sénateur Jessiman: Combien de temps cela dura-t-il?

M. Suthren: Jusqu'à la mise en place du conseil actuel.

Le sénateur Jessiman: Je croyais que vous aviez dit que cela remontait à 1990.

M. Suthren: Oui, cela remonte à la mise en place du précédent conseil.

Le sénateur Jessiman: Vous voulez dire qu'il s'agit du même conseil, mais qu'il y a de nouveaux membres?

M. Suthren: Oui, je parle du premier conseil de la nouvelle Société du Musée canadien des civilisations.

Le sénateur Jessiman: Cela a donc duré combien de temps, jusqu'en 1995?

M. Suthren: Cela a duré jusqu'à ce que le nouveau conseil soit en place sous la présidence de Mme Adrienne Clarkson.

Le sénateur Jessiman: Il ne s'agissait pas d'un tout nouveau conseil. En 1995, les anciens administrateurs ont-ils été limogés, ont-ils abandonné ou quoi?

M. Suthren: Selon ce qu'on m'a dit, le conseil et sa présidente avaient décidé que le comité n'était plus nécessaire. On jugeait que les affaires du musée pouvaient être examinées par l'ensemble du conseil et que les directives et les conseils fournis précédemment par le comité pourraient être donnés par le conseil.

Le sénateur Kelly: Je vous remercie, monsieur, de votre excellente présentation. Elle conforte l'excellente opinion que j'ai du travail de qualité qui a été effectué jusqu'à présent. Vous insistez sur l'importance d'une indépendance accrue pour ce musée. Cela est toujours difficile dans le cadre d'une structure politique. Avez-vous jamais envisagé une éventuelle privatisation?

M. Suthren: J'aurais quelques réticences à parler de la politique gouvernementale, mais je suis tout à fait disposé à vous donner mon avis.

Le sénateur Kelly: Manifestement, il faudrait que le gouvernement revoie sa politique. Ce n'est pas ce dont nous parlons. Vous et moi parlons d'un monde idéal. En théorie, serait-il possible que le Musée de la guerre remplisse son mandat actuel s'il était privatisé, même en supposant que le gouvernement y conserve un intérêt?

Il existe plusieurs fondations d'assez grande taille au Canada, et j'ai l'impression que le Musée de la guerre s'avérerait une entreprise louable. Je ne prétends pas qu'un Musée de la guerre privatisé serait nécessairement meilleur que ce que nous avons actuellement, mais j'ai comme une intuition qu'il serait peut-être un peu plus libre et pas autant affecté par le problème actuel de manque de crédits. Le Musée de la guerre, c'est une bouche de plus à nourrir sur un budget gouvernemental de plus en plus restreint. En faire une entité distincte, sous la forme d'un organisme mixte public-privé ou d'un organisme privé ou d'un organisme à but non lucratif, vaut peut-être la peine d'être considéré. Il faudrait bien sûr réfléchir aux aspects négatifs de la proposition.

M. Suthren: Je suis d'avis que tout ce qui serait susceptible de rendre le Musée canadien de la guerre plus libre de rivaliser, si l'on peut dire, pour assurer sa survie constituerait un plus. Personne ne cherche certainement à nuire au musée, mais lorsqu'un petit organisme est placé sous la coupe ou dans l'ombre d'un plus grand, il ne peut établir sa propre identité et par conséquent, rechercher des sources de crédits, privés ou publics.

Tout ce qui donnerait au Musée canadien de la guerre les coudées plus franches pour faire ce qu'il a à faire serait un plus. Je ne suis pas en mesure de déterminer comment on pourrait en arriver à de tels arrangements, tout en tenant compte des intérêts de l'État et de la population canadienne. D'autre part, il faudrait donner à l'institution des directives précises concernant ses obligations et sa responsabilité morales au plan de la commémoration. Une fois ce genre de directives en place, je suis d'avis que plus on est libre, mieux on réussit.

Le sénateur Kelly: Je pense qu'il devrait être possible de trouver une ou deux fondations du secteur privé qui fonctionnent dans le cadre de critères moraux que vous jugeriez appropriés. Je voulais simplement mentionner cette possibilité. Par ailleurs, j'aimerais faire observer que même si le musée fonctionne actuellement sous la protection d'un organisme de tutelle, cela ne signifie pas nécessairement qu'il ne pourrait pas s'en tirer seul; cela signifie uniquement que ce n'est peut-être pas le cas actuellement. Seriez-vous de cet avis?

M. Suthren: Tout à fait. Mon opinion n'est rien de plus que mon opinion.

Le sénateur Forest: J'aimerais poursuivre dans la ligne de la question soulevée par le sénateur Jessiman et vous demander si, à votre avis, ce comité consultatif jouait un rôle efficace pour attirer l'attention du musée sur les préoccupations des militaires.

M. Suthren: Selon moi, sénateur, il s'agissait d'un outil extrêmement utile. En tant que directeur général d'un musée qui relevait d'une institution où l'on ne comptait personne dont l'expérience personnelle ou professionnelle touchait les affaires militaires ou celles des anciens combattants, j'ai trouvé souvent difficile d'expliquer ou d'explorer certains aspects de notre mandat, même si mes interlocuteurs étaient animés des meilleures intentions qui soient et tout à fait disposés à examiner ces questions.

Le comité consultatif dispensait des avis non seulement à la Société et à son conseil d'administration, mais aussi à moi. Il était présidé par le général Withers et composé de personnalités qui étaient aussi bien des enseignants que d'anciens soldats ou d'anciens marins ou des gens qui s'intéressaient à l'armée et aux affaires des anciens combattants et qui connaissaient le sujet. Chaque fois que des questions épineuses se présentaient ou lorsque je n'étais pas certain de la façon d'aborder un dossier important ou encore lorsque je me demandais qui consulter, je me tournais vers le comité; le général Withers, notamment, avait l'extrême sagesse de me laisser utiliser le comité comme un recours. Après sa disparition, j'ai perdu cette ressource. À partir de là, je pouvais seulement soulever ce genre de questions devant le conseil de la Société si elles s'inscrivaient dans la même structure organisationnelle que celle à laquelle j'appartenais.

Le problème est aggravé par le fait qu'aucun membre du conseil actuel n'a d'expérience dans le domaine militaire ou les affaires des anciens combattants, contrairement à l'ancien conseil où siégeaient le général Withers, ancien chef d'état-major de la Défense et ancien combattant lui-même, ainsi que le professeur Duncan Fraser de Nouvelle-Écosse, un officier d'infanterie décoré qui avait été blessé pendant la Seconde Guerre mondiale. Cela signifie que malgré toute la bonne volonté des administrateurs et même si personne ne considérait les questions que je pouvais soulever au conseil, de façon péjorative il n'y avait tout simplement personne possédant les antécédents militaires ou la connaissance du contexte des anciens combattants pour interpréter ou comprendre les circonstances particulières du Musée de la guerre, ou les problèmes que celui-ci pouvait avoir au plan de l'histoire militaire du Canada ou des anciens combattants.

Le sénateur Forest: Le présent conseil consultatif trouve-t-il sa genèse dans le comité original? A-t-il été créé pour remplacer le comité initial?

M. Suthren: Le conseil consultatif actuellement en place a été créé après mon départ du Musée canadien de la guerre. D'après les articles que j'ai lus dans les journaux, il semble jouer le même rôle. Si tel est le cas, je suis convaincu qu'il s'avérera des plus utiles à ceux qui dirigent le Musée de la guerre, car l'ancien comité était une ressource inestimable que j'ai regretté de voir disparaître.

Le sénateur Forest: Le comité actuel a-t-il été nommé après 1995?

M. Suthren: Non. Le comité consultatif actuel vient d'être mis en place et a été créé après le 2 octobre, date de mon départ du musée.

Le sénateur Jessiman: Après le 2 octobre 1997.

M. Suthren: C'est exact.

Le sénateur Forest: Je crains, après avoir lu le curriculum vitae de plusieurs membres du comité, qu'ils n'aient pas la même expérience du domaine militaire que c'était le cas pour les membres du comité initial.

M. Suthren: Je regrette, mais je ne peux rien dire à ce sujet.

Le sénateur Jessiman: Vous êtes certainement au courant des travaux du groupe de travail qui a fait des recommandations en 1991.

M. Suthren: Oui.

Le sénateur Jessiman: Avez-vous témoigné devant ce groupe de travail ou avez-vous communiqué avec ses membres?

M. Suthren: J'ai été assez longuement interrogé dans le cadre du processus.

Le sénateur Jessiman: Comme vous l'avez dit, vous appuieriez certainement la recommandation no 16 qui préconise l'autonomie du Musée canadien de la guerre.

M. Suthren: Oui. Je suis d'avis que ce serait la meilleure solution pour le musée.

Le sénateur Chalifoux: Monsieur Suthren, j'aimerais parler avec vous de la Salle d'exposition sur l'holocauste que l'on envisage installer au Musée canadien de la guerre. Pourriez-vous expliquer comment tout cela a commencé et nous dire si vous avez été impliqué et ce qu'il est advenu?

M. Suthren: Monsieur le président, pourrais-je avoir vos instructions en la matière vu que cela touche, dans une certaine mesure, à l'accord de confidentialité que j'ai signé.

Le sénateur Cools: Laissez-le s'exprimer.

Le président: La règle veut que le comité juge l'information pertinente et en l'occurrence, je pense que le comité est très intéressé par cette information. Par conséquent, j'aimerais que vous répondiez à la question. M. Audcent peut vous conseiller quant à votre immunité.

Le sénateur Jessiman: Je suis d'accord avec cela et je pense que le comité tout entier l'est également.

Le sénateur Cools: Je peux vous assurer de la protection du Parlement.

M. Suthren: En 1994, étant convenu que l'agrandissement de l'immeuble du 330 Sussex pourrait permettre d'accroître les surfaces d'exposition, l'efficacité et l'attrait du musée pour les visiteurs, les Amis du Musée canadien de la guerre acceptèrent de lancer une campagne de collecte de fonds pour appuyer ce projet. «Passer le flambeau» fut le thème retenu pour cette campagne. Bénéficiant d'un financement et de l'aide de professionnels de la collecte de fonds travaillant à la Société, les Amis firent une réussite de la campagne qui atteint largement ses objectifs en 1997. Le principal don, d'une valeur de un million de dollars, provenait de la Société General Motors du Canada; et j'ai personnellement sollicité et obtenu un don de 400 000 $ de la Fondation Macdonald Stewart de Montréal.

J'étais en faveur d'une modeste extension à l'arrière du 330 Sussex qui n'aurait pas dénaturé l'espace extérieur ni beaucoup modifié l'apparence de l'immeuble. L'ouverture de l'annexe de trois étages que je préconisais n'aurait pas exigé un remaniement indu des expositions existantes. Elle aurait simplement augmenté les surfaces réservées aux expositions au deuxième et troisième étages, ainsi que celles des équipements de commodité pour les visiteurs et des salles de conférences temporaires situées au rez-de-chaussée. Le coût qui m'avait été indiqué à l'époque était de l'ordre de 6 à 8 millions de dollars.

Au deuxième étage de l'annexe, je proposais que le musée crée une salle d'exposition sur l'Holocauste et les autres génocides du passé, dans laquelle on aurait pénétré après être passé par la salle consacrée à la Seconde Guerre mondiale ou que l'on aurait pu visiter séparément le cas échéant.

La décision de poursuivre cette idée fut l'aboutissement de mes réflexions et de celles d'autres intéressés. On avait pensé auparavant à une salle sur la libération de la Hollande ou une exposition sur les anciens combattants juifs, mais dans mon esprit, ces projets n'étaient pas porteurs de la leçon morale universelle symbolisée par l'Holocauste.

J'ai attentivement étudié l'approche retenue par l'Imperial War Museum -- un musée qui appartient aussi à un pays du Commonwealth britannique -- et j'ai conclu que l'on pouvait tirer des leçons de cette approche. Je me suis aussi renseigné sur ce que faisaient nos autres alliés de l'OTAN. J'ai fini par conclure qu'une appréciation de l'Holocauste cristalliserait pour les visiteurs, particulièrement les plus jeunes, l'importance capitale de la victoire de nos forces armées en 1945, vu que le passage du temps et les limites de notre système éducatif estompent les souvenirs de la guerre. Il ne s'agissait pas uniquement de lutter pour défendre un territoire ou assurer sa survie économique, même si les jeunes hommes et femmes qui combattaient à l'époque n'étaient pas au courant de tout ce qui se passait.

Je pensais également qu'inclure une étude de tragédies similaires actuelles comme celle du Rwanda et de la Bosnie démontrerait à nos visiteurs combien nos droits et nos libertés sont fragiles et que la vigilance est le prix d'une société libre et honorable; que nous devons être prêts à défendre nos institutions démocratiques et la collectivité libre et tolérante qu'elles ont pour but de garantir; que nous devons posséder des forces armées bien équipées et aptes au combat, capables d'agir dans notre intérêt et pour défendre des choses auxquelles nous croyons; et que nous devons, grâce à de solides alliances comme l'OTAN et en faisant cause commune avec nos partenaires des Nations Unies, à la fois défendre nos droits et aider ceux qui, à travers le monde, ne peuvent pas le faire.

Je ne voulais pas toutefois que l'ouverture de cette salle réduise l'importance des autres expositions du musée consacrées à l'histoire principale dont il se fait le narrateur et qu'il commémore: le sacrifice de nos hommes et de nos femmes en uniforme. J'avais nommé un conservateur pour la galerie, Fred Gaffen qui faisait partie du personnel du musée, car j'avais confiance en sa capacité; en effet, c'était un historien militaire qui avait été publié et qui possédait une longue expérience en matière de collaboration avec des chercheurs externes dans le cadre de notre programme de publications historiques. J'étais aussi d'avis que l'autonomie du Musée canadien de la guerre en matière de programmes publics et de conservation avait été prudemment exercée par le passé, et que ce serait aussi le cas dans le cadre de l'ouverture de cette salle. J'avais également créé un Conseil consultatif du directeur général chargé de s'occuper de ce dossier et sa première réunion, que j'avais présidée en mai 1997, avait été une réussite.

Pendant l'été 1997, M. MacDonald a proposé que l'exposition soit «un des grands thèmes explorés par la Société», qu'elle soit abritée au Musée canadien de la guerre et que l'on demande au professeur Robert Bothwell de l'Université de Toronto et à un comité qu'il présiderait, d'en déterminer le thème et le contenu. Le professeur Bothwell est membre du conseil d'administration de la Société.

Je restais convaincu que la proposition que je préconisais ne ferait pas d'ombre aux expositions sur l'histoire militaire du Canada qui constituent la principale mission du musée.

En ce qui a trait aux consultations à propos de la création d'une Salle d'exposition sur l'holocauste, ou plutôt au manque de consultation, je suis responsable jusqu'au 2 octobre. Il est certain que l'existence d'un comité consultatif aurait grandement facilité le traitement de ce dossier, mais en l'occurrence, je n'avais pas ce recours. Je m'étais occupé de l'affaire depuis un certain temps et j'avais communiqué avec M. MacDonald, qui se montrait favorable et encourageant. Je me rappelle avoir soulevé la question à une réunion du conseil d'administration et avoir indiqué que j'étais une créature de la Société et de son conseil et que si l'on ne souhaitait pas que je poursuive l'affaire, je m'abstiendrais. La réponse du vice-président, Jacques Lacoursière, fut: «Nous devons le faire», et je suis allé de l'avant.

En ce qui concerne la consultation des anciens combattants, nous avons collaboré étroitement avec leurs associations depuis 1993, par exemple, pour la commémoration des campagnes de Sicile, du jour J et ainsi de suite. Notre personnel et nos bénévoles ont travaillé en étroite collaboration avec eux. On les voyait souvent dans nos couloirs. Ils faisaient partie de la famille -- et il n'était pas question de faire disparaître du musée ces guides bénévoles avec leurs médailles et leurs blazers. Les Amis du Musée canadien de la guerre, qui menaient activement la campagne «Passer le flambeau» dont l'ouverture de la salle d'exposition sur l'Holocauste était en partie l'objet, comptaient des représentants d'organismes d'anciens combattants à son conseil d'administration.

Le président: Monsieur Suthren, j'ai averti le comité qu'il nous restait 15 minutes. Vous en avez maintenant utilisé 10. Voudriez-vous avoir l'amabilité de répondre à la question?

Le sénateur Jessiman: C'est ce qu'il est en train de faire.

Le président: Vous avez pris 10 minutes pour répondre, et comme je viens de le dire, il ne nous restait que 15 minutes.

M. Suthren: On m'a demandé d'expliquer en quoi consistait ma contribution.

Le président: Aviez-vous besoin de donner une réponse aussi longue?

M. Suthren: Je peux m'arrêter tout de suite, monsieur, si vous voulez.

Le sénateur Chalifoux: Les explications du témoin rendent les choses beaucoup plus claires pour moi.

M. Suthren: Je souhaite seulement ajouter une phrase ou deux. Pour revenir à la question des consultations avec les groupes d'anciens combattants, étant donné que nous comptions des anciens combattants parmi nous, cela m'a faussement amené à penser que nous étions en famille et que les informations que je communiquais étaient suffisantes. Il est clair que ce n'était pas le cas; j'accepte la responsabilité de ce manque de consultation, notamment auprès des associations d'anciens combattants, et je tiens à présenter toutes mes excuses à Ian Inrig et M. Kahn, à Jack Kobolak et Duane Daly et à Cliff Chadderton, ce vaillant soldat.

Le sénateur Chalifoux: Merci. Vous avez répondu à toutes mes questions.

Le sénateur Cools: Il est évident qu'il y a un conflit d'ordre légal entre le témoin et le musée. Peut-être son témoignage risque-t-il de remettre en cause un accord quelconque et est-ce la raison pour laquelle il se montre dûment prudent. L'attitude du témoin et les mots qu'il choisit pour s'exprimer démontrent à quel point il est prudent.

J'ai deux questions. Ce sont les témoignages qui ont été présentés au comité qui m'amènent à vous les poser. Est-ce que l'on vous a jamais demandé de quitter une réunion du conseil d'administration du musée parce que vous portiez un uniforme militaire canadien? Si la réponse est non, on en reste là. Si la réponse est oui, qui vous a demandé de sortir et quelle raison vous a-t-on donnée?

M. Suthren: La réponse est non.

Le sénateur Cools: Ma deuxième question porte sur votre présente relation avec le musée. Vous n'y travaillez plus. Est-ce vous qui avez décidé cela ou quelqu'un d'autre?

M. Suthren: Ce n'est pas moi qui ai pris cette décision, sénateur.

Le sénateur Cools: Alors, je vous demande ceci: à votre avis, avez-vous été traité équitablement par le musée? Bien entendu, je vous demande votre opinion, et nous savons bien qu'il y a une différence entre une opinion et un fait.

M. Suthren: La meilleure façon de vous donner mon opinion à ce sujet, sénateur, est de vous dire que toutes les considérations légales ont été respectées.

Le sénateur Cools: Ce n'était pas les considérations légales qui m'intéressaient, mais plutôt la notion d'équité. Comme je l'ai dit, le ton, l'attitude et les mots que choisit le témoin, tout cela démontre qu'il tient à être prudent. Cela dit, monsieur le président, merci.

Le sénateur Jessiman: Le différend est-il venu du fait que vous souhaitiez voir cette salle d'exposition installée au Musée de la guerre et que le conseil d'administration n'était pas de cet avis; ou alors, était-ce parce que vous vouliez y réserver une plus petite salle? Est-ce que le différend entre vous et le conseil avait, en tant que tel, quelque chose à voir avec la salle d'exposition sur l'Holocauste?

M. Suthren: Sénateur, je ne croyais pas être impliqué dans un différend avec le conseil.

Le sénateur Jessiman: Votre licenciement n'avait rien à voir avec cette d'exposition?

M. Suthren: On ne m'a donné aucune raison pour expliquer mon licenciement.

Le sénateur Jessiman: Merci.

Le sénateur Prud'homme: J'ai à vous poser cinq ou six questions qui requièrent une réponse par oui ou par non. Puisque c'est à vous qu'il revenait de les guider, vous devez savoir si des administrateurs ont jamais visité le Musée de la guerre?

M. Suthren: L'actuelle présidente du conseil a démontré un intérêt exemplaire à cet égard en visitant tous les sites du musée, même avant la première réunion. Les autres administrateurs ont été moins nombreux à venir et à visiter tous ces bâtiments; certains d'entre eux ont vu le musée dans son ensemble, d'autres non.

Le sénateur Prud'homme: Est-ce à dire que la présidente, que je tiens en très haute estime, a effectué ces visites avec vous?

M. Suthren: Oui, Mme Clarkson a visité le bâtiment du 330 Sussex ainsi que la Maison Vimy de fond en comble peu de temps après avoir été nommée.

Le sénateur Prud'homme: A-t-elle fait à propos des expositions et des objets présentés quelque observation dont vous aimeriez faire état?

M. Suthren: Je ne saurais dire quelle est l'opinion de Mme Clarkson sur le musée. Cependant, ce que les employés ont retenu de ses visites, c'est son enthousiasme, son respect pour leur travail, son grand intérêt et son appréciation de la valeur des collections. Elle s'est montrée très intéressée et encouragée par ce que le musée représente, son mandat, ses collections et le travail que l'on y accomplit.

Le président: Certains témoins nous ont dit, la semaine dernière, qu'ouvrir une salle d'exposition sur l'Holocauste au Musée de la guerre permettrait d'attirer plus de visiteurs. Pensez-vous qu'une telle affirmation soit fondée?

M. Suthren: Elle l'est dans la mesure où intéresser le public, en général, à l'histoire militaire en tant que telle est un long processus éducatif. Il n'y a pas grand place dans nos programmes scolaires pour l'histoire militaire ni pour l'histoire du Canada en tant de guerre. Cela n'attire donc pas vraiment les foules.

En toute franchise, on peut dire que le public s'intéresse davantage à ce qui provoque chez lui des réactions viscérales. Dans le contexte de l'Holocauste, on saisit plus facilement ce que recouvrent les notions de déshumanisation, de mauvais traitements infligés à autrui et de conflits violents.

Le président: Quelqu'un a employé le mot «démocide» hier. Est-ce que le Musée de la guerre devrait également présenter quelque chose sur le «démocide» perpétré par les Japonais en Extrême-Orient pendant la Seconde Guerre mondiale?

M. Suthren: À l'heure actuelle, le Musée de la guerre présente une exposition sur l'intervention des troupes canadiennes à Hong Kong où nous avons perdu deux régiments. On peut également voir, dans le contexte de cette exposition, des documents sur les mauvais traitements subis par les prisonniers aux mains des Japonais.

Il faudrait documenter tous les aspects de ce démocide, dans la mesure où le temps et l'espace le permettrait. Il y a un thème commun -- la déshumanisation et les mauvais traitements infligés à autrui qui sont une des causes profondes de la guerre. Il faut que cela soit également évoqué si nous voulons faire comprendre ce phénomène, ne serait-ce que pour démontrer pourquoi nous devons être prêts à défendre notre société et à assurer la survie de ses institutions.

Le président: Ce genre d'exposition serait-elle incluse dans l'aile réservée à l'Holocauste?

M. Suthren: À l'époque où on en a parlé, j'étais d'avis que même si l'exposition devait se concentrer sur l'Holocauste, il fallait également montrer d'autres exemples de comportement inhumain afin de prouver qu'il ne s'agissait pas d'un cas isolé, de quelque chose qui est arrivé au sein d'une société européenne de race blanche à une certaine époque. C'est un phénomène qui touche toute l'humanité, et l'on ne peut explorer la question si l'on ne considère pas que c'est un problème que partage toute l'humanité et auquel toute l'humanité doit s'attaquer pour trouver une solution.

Le président: Merci, M. Suthren d'avoir accepté notre invitation, d'avoir présenté un mémoire et d'avoir répondu à nos questions ce matin.

Le témoin suivant est Mme Adrienne Clarkson, présidente du conseil d'administration de la SMCC. Elle est accompagnée de M. George MacDonald, président-directeur général, de M. Joe Geurts, directeur administratif et vice-président principal et de M. Daniel Glenney, directeur intérimaire.

Vous avez la parole.

[Français]

Madame Adrienne Clarkson, présidente du conseil d'administration de la Société du Musée canadien des civilisations: J'espère que vous avez tous reçu la documentation que nous avons apportée pour cette séance très importante pour l'avenir du sous-comité des Affaires des anciens combattants. Je vais présenter mon exposé d'abord et ensuite prendre des questions, bien sûr. Je suis très avertie de la remarque du président au sujet des bureaucrates qui parlent trop.

De la part du conseil d'administration du Musée canadien des civilisations, je tiens à vous remercier de tout coeur pour cette aimable invitation de participer aux séances de ce sous-comité sur l'avenir et l'épanouissement de notre Musée canadien de la guerre. Nous vous remercions pour votre intérêt au bien être et au développement de notre musée. Nous partageons avec vous cet intérêt. Je tiens à vous souligner que le dialogue récent au sujet de l'expansion du musée est un rappel très bien venu pour nous. C'est un rappel de l'attachement profond que possèdent les Canadiens et les Canadiennes pour le Musée canadien de la guerre et pour notre patrimoine militaire. La controverse est un symptôme très sage, je crois, qui nous offre une considération pour l'avenir du musée dont les intérêts nous tiennent à coeur.

Comme présidente du Conseil de la corporation du Musée des civilisations, je surveille les activités avec le conseil. Nous essayons de donner une direction stratégique au musée central et aussi à son affilié le Musée de la guerre. Dans ce domaine, nous travaillons étroitement avec M. Georges MacDonald, le président directeur général du SMCC et avec l'administration afin de nous assurer que l'on actualise d'une manière concrète, réelle et vraie tous les buts pour le développement et l'actualisation de la politique de nos musées.

Ceci étant, je suis vraiment très fière d'être la présidente du Conseil de la corporation du Musée canadien des civilisations y compris le Musée canadien de la guerre. Lorsque j'ai accepté la présidence en novembre 1995, j'étais très honorée d'être nommée à ce conseil d'administration et de constater qu'il y avait du travail à faire, mais aussi que l'on avait une institution très saine.

[Traduction]

Le fait que nous soyons chargés du Musée canadien de la guerre est très important à mes yeux. C'est l'une des responsabilités qui m'incombent qui m'intéresse beaucoup.

Dès que je suis devenue présidente du conseil d'administration de la Société du Musée canadien des civilisations, j'ai visité le musée de Hull, le musée de la promenade Sussex et l'entrepôt de la Maison Vimy.

Je dois dire qu'à titre de présidente, j'étais très heureuse à l'idée de travailler avec les spécialistes hautement qualifiés qui sont en poste dans les deux musées. C'est vraiment passionnant pour quelqu'un qui, par profession, n'appartient pas au secteur des musées, mais qui les a toujours fréquentés régulièrement, qui aime les musées et qui a plus qu'un intérêt superficiel pour tout ce qui est militaire, notamment les champs de bataille.

Au cours de ma carrière, j'ai eu l'occasion de représenter officiellement le gouvernement de l'Ontario au 40e anniversaire du débarquement en Normandie et, tout au long de ma vie, j'ai participé à un grand nombre de commémorations qui m'ont profondément marquée. Il n'y a personne, au Canada, parmi les membres de ma génération, qui n'a pas été touché par la guerre, par le sacrifice que cela représente et par tout ce que cela signifie pour nos familles, nos amis et nos proches.

Je pense également qu'il est important de noter à quel point les musées font partie intégrante du tissu social du Canada. Selon nous, le champ d'activité des musées devrait être vaste, et ils devraient aussi chercher à attirer beaucoup de visiteurs. Si nous mettons l'accent sur ce dernier point, c'est parce que nous avons la garde de tous ces merveilleux objets au Musée de la guerre. Nous avons collectionné plus d'un demi million d'objets reflétant toute l'histoire militaire du Canada depuis l'époque des Vikings. C'est la chose la plus intéressante qui soit de voir le genre d'objet que nous possédons, par exemple, cette armure du 16e siècle, portée par un membre de l'entourage de Champlain. Lorsqu'on regarde toutes ces choses-là, comme je l'ai fait plusieurs fois, on ne peut s'empêcher de penser que cela reflète en partie notre pays. Un musée n'est pas un endroit où sont tout simplement entreposés des objets que les gens ont parfois l'occasion de voir. Un musée est un endroit qui vit, qui a une âme, où l'on garde ce qui nous vient du passé pour les générations présentes et futures. Un musée est également chargé de transmettre un message à tout le monde, un message qui nous parle de notre propre pays, de notre propre histoire et de tout ce qui a contribué à faire de nous ce que nous sommes.

Certains problèmes, liés à notre passé, notre présent et notre avenir, se sont fait jour au Musée canadien de la guerre à cause des nombreux fils qui forment la trame du tissu de la société canadienne. Notre société est unique, c'est une société d'immigrants, une société fondée par deux cultures, la culture française et la culture anglaise. J'ai eu beaucoup de chance de vivre à l'étranger, car je peux apprécier pleinement l'originalité de notre société, une originalité à laquelle nous ne cessons de contribuer. Cela rend notre histoire et la façon dont nous la commémorons encore plus importantes parce que, lorsque les gens viennent ici et deviennent Canadiens, ce qui est tout à notre honneur, il faut toujours leur rappeler le passé, ce que les générations qui les ont précédés ont vécu. Nos musées peuvent leur présenter notre patrimoine tout d'un coup, sur un plateau d'argent, pourrait-on dire.

Malcolm Ross, le grand érudit de Dalhousie, a parlé de «l'impossible somme de toutes nos traditions». Les musées ont cette tâche complexe mais captivante de refléter l'image de notre histoire commune et de notre diversité, et il faut donc qu'ils signifient quelque chose pour tout le monde. Il faut en effet que nous puissions aussi dire aux gens, voilà votre histoire, et cela vous concerne aussi parce que vous en faites partie; elle est là, devant vos yeux. Il faut que nous touchions tout le monde. Cela fait partie de notre mission.

La Société du Musée canadien des civilisations et le Musée canadien de la guerre ont pour mandat, en vertu de la Loi sur les musées, vous le savez certainement, d'accroître, dans l'ensemble du Canada et à l'étranger, la connaissance et la compréhension des traditions culturelles, des réalisations et des comportements de l'humanité, ainsi que d'entretenir et de développer, aux fins de la recherche et pour les générations présentes et futures, des collections d'objets à valeur historique ou culturelle, principalement axées sur le Canada.

En effet, il faut le dire aussi, nous ne sommes pas un pays jeune. C'est un cliché que nous reprenons à plaisir mais, en réalité, nous ne sommes pas un pays jeune. Nous avons 400 ans d'histoire et nous avons collectionné beaucoup d'objets au fil des ans, des objets que nous devons montrer. Nous devons attirer, instruire, distraire, faire participer et séduire les Canadiens de tous âges.

Tout d'abord, je dois vous dire que dès que je suis devenue présidente du conseil, j'ai visité le musée situé au 330 de la promenade Sussex, j'ai rencontré le personnel et je suis allée à la Maison Vimy, qui est la remise de wagons située dans l'ouest de la ville où sont entreposés la plupart des objets. Je me suis rendu compte que ces installations n'étaient pas propices à la mise en valeur de notre histoire militaire ni à la commémoration des glorieux sacrifices consentis par les Canadiens pendant la guerre. Par conséquent, j'ai voulu faire du Musée de la guerre la priorité numéro un du conseil.

Lorsque j'en ai assumé la présidence, le général Ramsey Withers venait juste de quitter son poste d'administrateur. Son mandat était terminé, et nous n'avions donc plus aucun militaire au conseil. Après mon arrivée, nous avons restructuré certains des comités, ce qui est tout à fait normal. Nous avons un comité de vérification, un comité des finances et de la rémunération et un comité de direction. Nous avons décidé de ne pas avoir de comité des acquisitions étant donné que nous n'avons pas d'argent pour acheter quoi que ce soit. Il n'y avait parmi nous aucun militaire pour présider un comité chargé du Musée de la guerre et nous attendions que quelqu'un soit nommé pour en reconstituer un. Il n'y avait personne au conseil pour remplir ce rôle. Comme vous le savez, les membres de notre conseil d'administration sont nommés par le ministère du Patrimoine.

Nous avons maintenant Barnett Danson, qui présidera le comité consultatif du Musée de la guerre. Sénateur Forest, vous avez mentionné les curriculum vitae des membres. Si vous jetez un coup d'oeil à la liste, vous verrez les noms du général Manson, du général Belzile et d'un troisième général, ainsi que celui de Mme Patricia Toner, qui a fait partie du corps auxiliaire féminin au cours de la Seconde Guerre mondiale et qui vit dans la région d'Ottawa. Nous avons maintenant un comité consultatif très solide en ce qui concerne le Musée de la guerre.

Nous voulions que le conseil accorde beaucoup d'attention au Musée de la guerre, qu'il en fasse une priorité majeure. Nous avions l'intention de nous en occuper par l'intermédiaire d'un nouveau comité de développement chargé de mettre en place le comité du Musée de la guerre et d'organiser une campagne de financement en sa faveur. C'était important pour nous, et pour moi, personnellement, car il est absolument essentiel de remplacer la Maison Vimy. J'ai visité ces bâtiments plus d'une fois et j'ai insisté pour que le conseil s'y rende également. Nous y sommes allés, nous y avons même déjeuné et avons tenu là une petite réunion.

Notre collection de tableaux de guerre, j'espère que vous le noterez, comprend 11 400 oeuvres d'art parmi les plus belles qui aient été exécutées par des Canadiens en temps de guerre. Les premiers peintres de guerre sont partis sous l'égide de Lord Beaverbrook pendant la Première Guerre mondiale. Parmi eux, il y avait cinq des sept artistes qui font partie du groupe des Sept. Notre collection comprend des oeuvres de David Milne et d'Alex Colville, pour ce qui est de la Seconde Guerre mondiale. Tous nos plus grands artistes sont représentés dans cette magnifique collection. À l'heure actuelle, étant donné l'exiguïté de nos locaux, nous ne pouvons pas exposer ces tableaux.

Nous nous sommes attaqués à l'élaboration d'un plan stratégique à long terme pour redonner son intégrité au Musée de la guerre. L'objectif était de mettre à nouveau en valeur le rôle de ce musée, qui est de commémorer le sacrifice, de veiller sans cesse à la préservation de l'histoire militaire du Canada et de documenter nos initiatives de maintien de la paix. Le financement nécessaire a été pris à même les ressources de la Société, malgré la baisse des crédits alloués par le secteur public et une réduction de 23,6 p. 100 de notre budget depuis l'année financière 1994-1995.

Nous avons essayé par tous les moyens de trouver un endroit qui remplacerait la Maison Vimy. Juste après que j'ai pris mes fonctions de présidente du conseil, un site parfait nous a échappé, le Centre d'essais techniques (Terre). C'est la GRC qui s'y est installée. Le conseil a été très déçu de ne pouvoir l'obtenir. Par la suite, nous nous sommes intéressés à un bâtiment situé au sud d'Ottawa que nous pourrions aménager à relativement peu de frais. Cela nous permettrait de mettre en montre tous nos véhicules et peut-être d'avoir des expositions pendant l'été, ce qui serait un attrait supplémentaire.

Le musée possède des véhicules en état de marche que nous aimerions exposer. La Maison Vimy a été ouverte au public les fins de semaine, pendant l'été, et si l'on tient compte des contraintes imposées par le site -- ce n'est pas l'endroit idéal pour exposer des objets -- l'expérience a été très réussie.

Nous connaissons évidemment les conclusions du Groupe de travail sur les collections des musées d'histoire militaire au Canada qui, en 1991, a transmis des recommandations au ministère de la Défense nationale, à ce qui était alors le ministère des Communications et au ministère des Anciens combattants. Le conseil a pris très au sérieux la recommandation voulant que le ministre des Communications accorde un statut indépendant au Musée de la guerre et que la Société donne à ce musée une plus grande autonomie au sein de sa structure actuelle.

La mise en oeuvre de la première recommandation, je me dois de le souligner, doit être définie par le gouvernement et faire l'objet d'une loi. Cela ne relève pas du conseil. Nous ne pouvons pas donner son autonomie au Musée de la guerre.

En ce qui a trait à la deuxième recommandation, sur le plan pratique, le Musée de la guerre détermine ses propres programmes, ses priorités et ses projets, les expositions, par exemple. Sa relation avec le Musée des civilisations se résume en pratique à une collaboration. Ce n'est pas une relation de subordination. Les administrateurs qui siègent actuellement au conseil ont assisté à de nombreuses expositions spéciales organisées par le musée. Nous avons beaucoup aimé l'exposition qui avait pour titre 'Til we meet again.

Par ailleurs, la collecte de fonds pour le Musée de la guerre fait partie des priorités de l'équipe chargée du développement au sein de nos services administratifs, un groupe différent de celui qui s'occupe de développement au conseil.

Nous voulons donner au Musée de la guerre une plus grande notoriété. C'est ce à quoi se résume ce projet d'expansion. Il faut que le Musée de la guerre soit immédiatement reconnu quand on passe dans la rue, que l'on ne puisse pas penser qu'il s'agit du terrain de stationnement du Musée des beaux-arts du Canada ou de la Monnaie royale canadienne. Nous nous sommes engagés à mener à bien ce projet d'expansion.

Dans le cadre de notre planification stratégique, nous avons accordé une grande priorité aux collectes de fonds en faveur du musée. En outre, l'enthousiasme et l'engagement dont font preuve les Amis du Musée de la guerre ne sauraient être passés sous silence.

Dans d'autres secteurs de la SMCC, les budgets ont chuté, la réduction allant parfois jusqu'à 30 p. 100, mais nous avons maintenu un financement stable pour le Musée canadien de la guerre au cours des cinq dernières années, nous l'avons même accru, et nous nous sommes assurés que, chaque année, au cours des quatre années écoulées, 6 millions de dollars étaient réservés au musée. De fait, les fonds ont été alloués à même le budget de la Société afin de garantir au Musée de la guerre la meilleure situation financière qui soit, compte tenu de ce que la Société, dans son ensemble, pouvait se permettre.

Cela nous a coûté 1,7 million de dollars, mais nous avons mis la dernière main à toutes les expositions permanentes du Musée canadien de la guerre, alors même que certaines des expositions de la SMCC restent encore inachevées.

Bien entendu, nous nous rendons compte qu'il faut faire plus.

[Français]

Il nous faut faire encore plus. C'est pour cela que nous avons cette expansion, mais nous avons toujours besoin d'en faire plus. Nous nous sommes engagés pour l'amélioration, le renouvellement, l'expansion de notre centrale au 330 rue Sussex et le remplacement de la Maison Vimy. Franchement, cela n'a pas été facile d'obtenir les fonds publics spécifiquement pour le Musée de la guerre: encore plus pendant cette période de contraintes fiscales. Nos ressources, nos idées et notre ingéniosité ont quand même aidé l'effort. Nous avons décidé de poursuivre cette idée d'expansion. Il faut toujours avoir l'aide des Canadiens du secteur privé, l'aide continuelle des amis du Musée de la guerre et leur aide morale est très importante. Ils ont une campagne de financement de 5 000 000 $. Le conseil a approuvé 7 000 000 $ de nos fonds pour l'expansion. Nous sommes désolés, même attristés, de voir que nos projets qui sont faits avec un tel enthousiasme et engagement de la part de notre conseil d'administration...

[Traduction]

Le président: Excusez-moi de vous interrompre, mais peut-être pourrions-nous passer aux questions.

Mme Clarkson: Tout à fait.

Le sénateur Prud'homme: Peut-être pourrait-on donner à Mme Clarkson une minute pour résumer.

[Français]

Nous sommes, comme je l'ai dit, désolés de voir que notre enthousiasme pour ce projet et notre bonne volonté ont été mal interprétés et qu'il y avait des malentendus. Nous le regrettons. Nous avons pris toutes les mesures pour faire connaître nos vraies intentions en venant ici. Nous reconnaissons que nous sommes obligés, par délicatesse et par responsabilité, de procéder avec beaucoup de soin, et dois-je dire, de politesse dans ce domaine. Je vous le promets, nous sommes engagés pour un Musée de la guerre retapé et renouvelé qui va exprimer notre histoire militaire pour l'avenir.

[Traduction]

Nous avons la garde de cette tranche de notre histoire: nous acceptons nos responsabilités à cet égard et nous prendrons en compte toute recommandation que voudra formuler le comité. Merci.

Le président: Dois-je comprendre que vous avez fait appel à trois architectes pour ce projet?

Mme Clarkson: Nous n'avons pas fait appel à trois architectes pour ce projet. Nous avons lancé un appel d'offres, à la suite de quoi le cabinet Diamond, Schmitt a été sélectionné.

Le président: Y a-t-il eu auparavant des consultations quelconques auxquelles ont participé des architectes?

M. Joe Geurts, directeur administratif et vice-président principal, Société du Musée canadien des civilisations: Monsieur le président, je pense que vous faites allusion au fait qu'en 1988, un plan de développement a été élaboré pour le Musée canadien de la guerre par un certain M. Michael Lundholm, qui était chef des services d'architecture auprès des Musées nationaux du Canada. Nous avons également passé un contrat avec M. Lundholm avant l'adjudication nationale pour qu'il nous donne un premier avis sur la faisabilité du projet que nous envisagions, c'est-à-dire la construction d'une annexe au bâtiment situé au 330, promenade Sussex. Vous vous rappelez sans doute que, dans l'exposé que j'ai fait l'autre jour, j'ai donné la date à laquelle nous avons fait faire une étude de faisabilité. M. Lundholm nous a fourni cette étude, mais pas un concept architectural.

Le président: Quelqu'un d'autre que M. Lundholm était-il impliqué?

M. Geurts: Pas à ma connaissance. Peut-être y a-t-il confusion avec le nom d'une autre personne qui a été mentionné et que l'on pourrait présumer être un architecte. Les trois dates que j'ai données sont celles où ont été produits les documents concernant la conception architecturale d'une annexe au 330, promenade Sussex.

Le président: Les plans d'aménagement intérieur sont-ils achevés?

Mme Clarkson: Autant que je sache, les plans d'aménagement intérieur ne sont pas terminés. Le projet est encore en cours.

Le président: À combien s'élève jusqu'ici les honoraires d'architecte?

M. Geurts: Nous avons signé un contrat avec Jack Diamond, sur les bases de la soumission dont nous vous avons fourni copie il y a plusieurs semaines. Je n'ai pas ici les chiffres dont il est fait état dans le contrat, mais je peux transmettre cette information au comité cet après-midi, si vous le souhaitez.

En ce qui concerne l'aménagement intérieur et l'agencement définitif des installations -- c'est-à-dire les éléments distinctifs du programme qui concerne le Musée canadien de la guerre -- nous avons un plan à l'heure actuelle, mais il n'est pas encore définitif. Avant que l'on puisse y mettre la dernière main, il faut que le personnel du Musée canadien de la guerre prenne une décision à propos de ce programme. Les plans qui existent actuellement, ceux qui ont été dévoilés en décembre ou en novembre, ne sont pas définitifs.

Le sénateur Prud'homme: Monsieur le président, on a posé au témoin une question précise, et je pense que, pendant qu'il témoigne, il serait facile pour un membre du personnel qui se trouve dans cette salle de téléphoner et de demander quelle est la somme indiquée dans le contrat. On pourrait alors nous donner cette information avant la fin de la séance et non cet après-midi, quand nous ne siégerons pas.

M. Geurts: Je suis tout à fait prêt à le faire.

Le président: Un des pages va vous escorter jusqu'à un téléphone.

Pendant combien de temps le musée va-t-il être fermé une fois les travaux de construction commencés?

M. Geurts: Là aussi, le calendrier des travaux de construction et les dates de fermeture du Musée de la guerre ne sont pas définitivement fixés. Les architectes nous ont fourni plusieurs scénarios. Dans le pire des cas, si les travaux de construction commençaient en 1998, le musée pourrait être fermé à partir de l'automne 1998 jusqu'au printemps de l'an 2000, parce que certains des anciens planchers doivent être rénovés.

La somme indiquée dans le contrat que nous avons signé avec Jack Diamond est de 493 000 $, avec une provision pour dépenses imprévues de 20 p. 100, ce qui porte le budget total à 591 600 $. Cette provision pour imprévus a été incluse car souvent, dans le cadre d'un marché de construction, on peut avoir besoin de recourir à des services dont il n'a pas été fait mention dans la soumission initiale. Cette provision est inscrite au budget; elle ne fait pas partie du contrat signé avec Jack Diamond.

Le président: Est-ce que cette somme comprend la supervision des travaux de construction ou quoi que ce soit de cette nature?

M. Geurts: Le montant total indiqué dans le contrat couvre les honoraires, les décaissements, les frais de traduction et le paiement de sous-traitants spécialisés en technique de la construction, l'enveloppe réservée aux travaux liés au caractère patrimonial du bâtiment, l'équipement technique et l'électrotechnique et enfin, les consultations relatives aux coûts. Certaines activités de supervision sont prévues, mais notre propre personnel s'occupera également de la gestion du projet.

Le président: Autrement dit, on peut s'attendre à un dépassement de la somme prévue au contrat.

J'aimerais maintenant passer au communiqué que vous avez rendu public le 24 novembre. Vous y déclarez que vous avez engagé des pourparlers avec le Bureau d'examen des édifices fédéraux à valeur patrimoniale, la Commission de la capitale nationale, la Monnaie royale canadienne et d'autres organismes à propos du concept du design. Est-ce que l'un ou l'autre de ces organismes a soulevé une objection quelconque à propos du design?

M. Geurts: Nous avons tenu une réunion avec les fonctionnaires du BEEFVP, et les architectes de cet organisme ont effectivement soulevé des objections à propos du design qui est actuellement envisagé. Nous n'y avons pas encore répondu; nous attendions que ces audiences soient terminées, parce que nous souhaitions nous concentrer sur les travaux du comité.

Le président: Vous avez tenu une réunion avec qui?

M. Geurts: Les représentants du Bureau d'examen des édifices fédéraux à valeur patrimoniale nous ont transmis par écrit leurs objections au design que nous envisageons et qui nous a été proposé par Jack Diamond. Le BEEFVP est l'organisme responsable des bâtiments à valeur patrimoniale qui sont financés par le gouvernement fédéral.

En outre, nous avons tenu des réunions avec la Monnaie royale canadienne. Les représentants de cet organisme nous ont signalé qu'il était essentiel qu'ils puissent continuer à avoir accès à leur site, ce qui nécessitera probablement des modifications au design actuel. C'est une chose que l'on demandera à l'architecte d'examiner.

Nous avons tenu des réunions préliminaires avec des fonctionnaires de la CCN, mais la réunion officielle avec le comité compétent de cet organisme a été retardée. Je crois qu'elle est maintenant prévue en mai, parce que nous souhaitons apporter des changements suite à nos réunions avec le BEEFVP et la Monnaie royale canadienne et présenter un design qui se rapprochera davantage de celui qui sera adopté finalement.

Le président: Chers collègues, je souhaite lire, aux fins du compte rendu, une lettre datée le 23 janvier 1998. Cette lettre m'est adressée et elle porte en rubrique la mention suivante «Objet: Projet d'expansion du Musée canadien de la guerre». La voici:

En réponse à votre demande, je suis heureuse de vous transmettre les informations suivantes sur les pourparlers entre la Monnaie royale canadienne et le Musée canadien de la guerre à propos du projet d'expansion du musée.

La Monnaie royale canadienne a été officiellement mise au courant du concept du design de l'annexe que le Musée de la guerre se propose de construire, lors de la conférence de presse organisée par le musée en novembre 1997. La Monnaie royale canadienne a immédiatement fait part de ses réserves, en signalant que l'annexe prévue semblait interdire tout accès à la plate-forme de chargement de l'Hôtel de la monnaie, située dans l'aile sud du bâtiment qu'il occupe. Des représentants de la Monnaie royale canadienne ont rencontré des fonctionnaires du Musée canadien des civilisations et du Musée canadien de la guerre au début du mois de décembre 1997 et ont confirmé que le concept du design proposé interdirait effectivement tout accès à la plate-forme de chargement. Le Musée canadien de la guerre s'est engagé à présenter des options de modification au concept du design, afin de reconnaître le droit de passage de la Monnaie royale canadienne.

La lettre est signée par Marguerite Nadeau, c.r., directrice générale, Services juridiques et secrétaire générale.

Chers collègues, cela m'incite à me poser de sérieuses questions sur l'efficacité de la planification de ces travaux d'expansion. Qu'en est-il de la répartition de l'espace? Combien de pieds devront être soustraits? Quelles sont les sections qui vont perdre de l'espace? Autrement dit, toute l'information qui nous a été fournie ici lundi est maintenant sujette à caution. Elle est inexacte puisqu'il va falloir que vous changiez vos plans. Vous admettez cela. La conseillère juridique de la Monnaie royale canadienne déclare que vous avez accepté de modifier les plans. Pourquoi ne nous a-t-on pas dit cela lundi lorsque M. Geurts et M. Glenney ont comparu?

M. Geurts: Monsieur, je vous répondrai qu'il est possible que nous ayons à modifier les plans pour répondre aux conditions imposées par la Monnaie royale canadienne. Il est possible que nous ayons à les modifier pour répondre aux objections du BEEFVP. Cependant, notre intention, et ce à quoi nous nous sommes engagés, est toujours de fournir l'espace prévu actuellement dans le cadre du «concept». Nous avons utilisé ce mot dans tous nos exposés -- ce dont nous parlons, c'est d'un concept -- sachant fort bien que nous aurions à intégrer certains changements.

La Société s'est engagée à fournir cet espace supplémentaire et à accentuer la présence du Musée canadien de la guerre parmi les bâtiments qui bordent la rue. Nous estimons que c'est essentiel. Nous n'avons aucunement l'intention de réduire l'espace que l'on prévoit ajouter au Musée canadien de la guerre dans le cadre de ce concept.

Le président: Comment allez-vous le faire sans transgresser le droit de passage de la Monnaie royale canadienne et peut-être même certains droits du Musée des beaux-arts? Allez-vous construire en hauteur ou aménager un espace souterrain?

M. Geurts: Un architecte a envisagé une possibilité, même si nous n'en avons pas encore vu le design. On pourrait ajouter de l'espace sur le devant de l'esplanade; cela n'a pas été intégré à la maquette qui a été faite. On ne réduirait pas l'espace réservé à l'esplanade, mais on disposerait d'un plus grand espace bâti. Nous sommes certains qu'il est possible de concevoir quelque chose qui répondra aux objectifs du concept qui a été retenu sans que l'on ait à modifier le programme du Musée canadien de la guerre, ni à réduire l'espace supplémentaire dont nous voulons que cet établissement dispose, ni à changer nos plans pour ce qui est d'accentuer la présence du musée parmi les bâtiments de la rue et de l'identifier clairement.

Le sénateur Prud'homme: Et la production de ces designs modifiés ne changera pas le prix fixé par l'architecte?

M. Geurts: Comme je vous l'ai expliqué auparavant, une provision pour dépenses imprévues existe pour couvrir ce que l'on demande à l'architecte de fournir et qui n'est pas précisé dans la soumission initiale; le remaniement du design entraînera des frais supplémentaires. Cela va de soi. Ces frais seront-ils importants? Non.

Le sénateur Prud'homme: Pardon?

M. Geurts: Je ne pense pas que les frais supplémentaires seront importants, mais je ne peux les chiffrer.

Le sénateur Prud'homme: En 34 ans, j'ai entendu cela bien des fois.

Le président: Moi aussi.

Bref, j'ai une autre question à vous poser mais auparavant, j'aimerais souligner qu'à mon avis, votre réponse a rendu nulles et non avenues les explications qui nous ont été fournies par M. Glenney lundi dernier.

Mme Clarkson: Permettez, ce que nos fonctionnaires vous ont présenté lundi était un concept. Ce n'est pas le projet définitif. Ce sont nos plans, c'est tout. Ils ne sont pas gravés dans le marbre et, naturellement, étant donné qu'il s'agit d'un bâtiment du gouvernement, il y aura des modifications. Il y aura des changements. C'est ainsi que les choses se passent en réalité, même dans le secteur privé, tout dépendant de ce que la ville veut, des règlements, des restrictions concernant la hauteur des bâtiments, etc. Il s'agit d'un concept. Nous travaillons maintenant à partir de cela. C'est dans un processus que nous nous sommes engagés. Il n'y a rien de gravé dans le marbre dont nous pouvons dire, voilà, c'est définitif, mais nous ne revenons pas sur notre engagement en ce qui concerne les dimensions de l'espace dont on pourra disposer grâce à ce projet d'expansion. Je ne pense pas qu'il y ait là une contradiction.

Le président: Peut-être n'est-ce pas contradictoire, mais cela place le comité dans une position difficile, lorsqu'il s'agit de déterminer les dimensions de l'espace qui doit être réservé à la Première et à la Seconde Guerre mondiale et d'essayer de voir combien d'espace pourrait occuper une exposition sur l'Holocauste. Comme vous le savez, madame Clarkson, les chiffres cités par votre organisme sont très différents de ceux qu'avancent les associations d'anciens combattants. M. Glenney a en fait état dans son témoignage. On nous a donné des renseignements sur les dimensions dans un mémoire que je n'ai pas ici aujourd'hui, mais si vous ne l'avez pas vu, nous serons heureux de vous en donner une copie. Je ne me trompe pas lorsque j'affirme que les explications qui nous sont fournies aujourd'hui enlèvent toute valeur aux renseignements qui nous ont été transmis précédemment.

J'aimerais poser une question avant de passer la parole à mes collègues. Je trouve curieux que le Musée des civilisations n'ait pas à faire de grandes campagnes de financement comme le Musée de la guerre.

Mme Clarkson: Il organise aussi des collectes de fonds.

Le président: Mais cela ne représente pas le même pourcentage de votre budget total.

Mme Clarkson: Le Musée des civilisations a lancé une campagne de financement dont l'objectif est de recueillir 14 millions de dollars, une somme que nous envisageons consacrer à la salle des Premières nations et à la salle du Canada. Tel est le but de la campagne qui est en cours actuellement.

Le président: Les fonds ne vont donc pas servir à couvrir le dépassement des coûts de construction du musée encourus il y a dix ans? Est-ce que cela a été payé?

Mme Clarkson: Non, cela n'a pas été payé. La campagne de financement a pour but de mettre la dernière main à la salle des Premières nations et à la salle du Canada, qui n'ont jamais été financées par le gouvernement. Pour terminer ces salles d'exposition, nous avons puisé dans nos budgets d'exploitation actuels et nous avons organisé une campagne de financement auprès du secteur privé dont l'objectif est de 14 millions de dollars.

Le sénateur Jessiman: Je vous remercie tous les quatre d'avoir accepté de comparaître. Je vais poser mes questions à Mme Clarkson, si vous le permettez, mais peut-être que d'autres personnes voudront y répondre.

Des témoins nous ont dit plus tôt que, lorsque vous avez été nommée en 1995, il existait un comité consultatif sur le Musée de la guerre qui faisait rapport à votre conseil d'administration. Quelle procédure avez-vous suivie au conseil d'administration pour dissoudre ce comité consultatif? Qu'avez-vous fait? Ne me donnez pas les motifs de votre décision, dites-moi seulement comment vous avez procédé.

Mme Clarkson: C'est à une réunion du conseil d'administration que cette mesure a été prise, suite à une proposition du comité de direction portant sur la restructuration des comités du conseil.

Le sénateur Jessiman: Comment le comité de direction a-t-il été établi?

Mme Clarkson: Ce comité a été établi pour organiser les activités du conseil. Il signale certains dossiers à l'intention du conseil et a le pouvoir de traiter certaines questions, comme tout comité de direction. On compte 11 personnes au conseil, moi comprise.

Le sénateur Jessiman: Il existe donc un comité de direction; ses membres sont-ils nommés chaque année?

Mme Clarkson: Nous avons effectivement un comité de direction, mais ses membres ne sont pas nommés chaque année. C'est un comité permanent qui existe depuis 1995. Tous les comités du conseil existent depuis 1995, date à laquelle nous les avons restructurés.

Le sénateur Jessiman: Quand vous dites que vous avez constitué un comité de direction, combien d'administrateurs avez-vous nommés pour y siéger? Vous n'avez pas besoin de me donner des noms, mais combien y a-t-il de membres?

Mme Clarkson: J'essaie de me rappeler.

Mme Louise Dubois, secrétaire de la Société et directrice générale, Planification stratégique, Société du Musée canadien des civilisations: Cinq administrateurs sont membres du comité de direction, en plus du président-directeur général et du directeur administratif.

Mme Clarkson: La moitié des membres du conseil font partie du comité de direction.

Le sénateur Jessiman: Savez-vous combien d'administrateurs doivent être présents pour que vous puissiez tenir une réunion du conseil? Quel est le quorum?

Mme Dubois: Une simple majorité, comme le stipule la Loi d'interprétation.

Mme Clarkson: Nous demandons toujours à Mme Dubois, y a-t-il quorum? Si elle répond, oui, la réunion se poursuit.

Le sénateur Jessiman: En 1995, vous avez créé un comité de direction et vous en avez nommé les membres. Il y en a sept, car ce comité comprend également des gens qui ne sont pas membres du conseil d'administration, c'est bien cela?

Mme Clarkson: C'est exact. Je pense que les règlements de notre organisme stipulent que le président-directeur général et le directeur administratif doivent siéger aux comités.

Mme Dubois: Oui, les règlements stipulent qu'il y aura un comité de direction et ils en fixent la composition. Il est précisé que ce comité comprendra le président-directeur général et le directeur administratif.

Le sénateur Jessiman: C'est donc de cette manière que vous avez aboli le comité consultatif en 1995, n'est-ce pas?

Mme Clarkson: Essentiellement, nous l'avons restructuré, parce que nous avions également décidé de dissoudre le comité des acquisitions.

Le sénateur Jessiman: Je n'essaie pas de jouer au plus fin avec vous. Je veux juste savoir si c'est le conseil qui a pris cette décision.

Mme Clarkson: Oui, c'est le conseil.

Le sénateur Jessiman: Vous n'avez pas eu à en référer aux autorités gouvernementales?

Mme Clarkson: C'est exact. C'est le conseil qui a pris cette décision.

Le sénateur Jessiman: Vous n'avez donc pas eu à vous adresser aux autorités gouvernementales pour créer un autre comité consultatif?

Mme Clarkson: Non.

Le sénateur Jessiman: Mais vous avez entendu jusqu'en 1997 pour le faire.

Mme Clarkson: Nous espérions que l'on nommerait au conseil quelqu'un qui serait en mesure de présider ce comité. C'est ce que nous attendions, mais cela ne s'est pas produit.

Le sénateur Jessiman: Est-ce que vos règlements administratifs stipulent que le comité consultatif doit comprendre un administrateur?

Mme Dubois: Oui.

Le sénateur Jessiman: Pouvez-vous me dire à quel article cela est précisé?

Mme Dubois: La présidence de tous les comités du conseil doit être assurée par un administrateur.

Le sénateur Jessiman: Je vois. Fait-on allusion à un comité consultatif?

Mme Dubois: Non. Les seuls comités qui sont mentionnés dans les règlements administratifs sont le comité de vérification, requis par la Loi sur la gestion des finances publiques, et le comité de direction.

Le sénateur Jessiman: Vous parlez de ce qui est stipulé dans les règlements, n'est-ce pas?

Mme Dubois: C'est exact.

Le sénateur Jessiman: Il ne s'agit pas de la loi. J'ai le texte de la loi ici. Vous dites simplement que ce doit être un administrateur. S'il y a quorum, le conseil d'administration pourrait adopter un règlement créant un comité consultatif qui ne serait pas obligatoirement présidé par un administrateur. Il est ridicule d'attendre qu'il y ait un administrateur approprié, à mon avis. Vous étiez mal informés si vous pensiez que vous aviez les mains liées par vos règlements en ce qui concerne la création de votre comité. C'est vous qui avez adopté ce règlement, et vous pouvez le changer à condition de respecter les prescriptions de la loi.

Mme Dubois: C'est exact, mais une telle décision exigerait l'approbation du gouverneur en conseil.

Le sénateur Jessiman: Pensez-vous que vous auriez eu du mal à l'obtenir? Bien sûr que non. Parlons franc. Ce que vous vouliez éviter à tout prix, c'est d'avoir à traiter avec des conseillers militaires de l'extérieur. Devant la controverse soulevée par l'affaire qui nous occupe, vous dites maintenant: «Oh, il vaudrait mieux avoir un comité consultatif, mais c'est impossible à moins qu'il y ait un administrateur approprié pour le présider.» Vous auriez pu aviser le gouvernement que vous souhaitiez changer vos règlements, recevoir sans problème l'approbation du gouverneur en conseil et nommer un comité consultatif.

Qui le colonel Barney Danson a-t-il remplacé? J'ai ici la liste des 11 administrateurs; le mandat de quelqu'un a dû prendre fin.

Mme Clarkson: Il a remplacé Blair Stonechild.

Le sénateur Jessiman: Donc, le colonel Danson va présider le comité en tant qu'administrateur désigné, ce qui n'est pas le cas des autres membres.

Mme Clarkson: C'est exact.

Le sénateur Jessiman: Quels sont les pouvoirs de ce comité? Pouvez-vous nous dire quel est le mandat du comité consultatif?

Mme Dubois: Le comité consultatif n'a pas de pouvoirs d'exécution.

Le sénateur Jessiman: Ne nous dites pas quels sont les pouvoirs dont le comité ne jouit pas. Lisez simplement, je vous prie, ce qui a trait à ses attributions.

Mme Dubois: En général, le comité est chargé de fournir des conseils et des avis au conseil d'administration et à la direction de la SMCC à propos des dossiers concernant le Musée canadien de la guerre et de remplir toute autre fonction que peut lui confier le conseil d'administration. Le comité consultatif du Musée canadien de la guerre comprend, au maximum, 10 membres, y compris un administrateur qui le préside, des représentants des anciens combattants canadiens et des Forces armées canadiennes, le président ou la présidente du conseil d'administration, le président-directeur général de la SMCC et le directeur administratif de cette même Société. Les membres du comité qui viennent de l'extérieur sont nommés par le conseil d'administration sur recommandation de la présidence du comité. Le directeur du Musée canadien de la guerre est le secrétaire du comité. Le comité agit à titre d'organe consultatif auprès du conseil d'administration. Le président du comité présente régulièrement des rapports au conseil d'administration sur les activités, les délibérations et les recommandations du comité, ainsi que ses relations avec la direction et le personnel. Le comité reçoit ses informations du président-directeur général qui, à cette fin...

Le sénateur Jessiman: «President»? Est-ce le titre français?

Mme Dubois: Non, c'est «président-directeur général».

Le sénateur Jessiman: J'ai consulté les règlements.

Mme Dubois: En anglais, le mot propre est «director».

Le sénateur Jessiman: Oui, c'est exact. En anglais, il est «director and CEO». Comment se fait-il qu'il devienne «president»? J'ai pensé que peut-être «directeur» en français était l'équivalent de «president».

Mme Dubois: Non. J'ai fait une petite recherche sur le mot «director» et je crois que c'est dans la Loi sur la gestion des finances publiques ou peut-être dans la Loi d'interprétation qu'il est précisé que le titre du chef de la direction est «director». Au sein de notre institution, ce titre est «president and CEO».

M. George F. MacDonald, président-directeur général, Société du Musée canadien des civilisations: Permettez, la raison pour laquelle je porte ce titre est que je suis directeur du Musée canadien des civilisations, mais que dans ce poste, je suis responsable non seulement de ce musée, mais également du Musée de la guerre. Il fallait donc trouver un titre qui permette de faire la différence entre mon rôle de président de la Société, quand j'agis à ce titre, et celui de directeur du Musée des civilisations, lorsque je suis appelé à remplir cette fonction.

Ce titre est utilisé par la plupart des musées nationaux. Le Musée de la nature, par exemple, donne, en anglais, au chef de la direction le titre de «president».

Le sénateur Jessiman: J'ai lu vos règlements. Je suppose qu'on pourrait les interpréter pour dire que vous êtes «president». Je ne pense pas que c'était ce qu'on avait l'intention de faire, parce que la liste des membres de l'appareil administratif, par ordre d'importance, pourrait-on dire, commence par président du conseil, vice-président du conseil, administrateur. Ensuite viennent les membres de la direction. Et quand on dit direction, dans ce contexte, cela fait penser aux gestionnaires et aux gestionnaires adjoints, pas à un «president».

On peut peut-être toutefois donner à cela une plus large interprétation.

Avez-vous fini de lire ce document?

Mme Dubois: Non.

Le sénateur Jessiman: Poursuivez.

Mme Dubois: Le comité reçoit ses informations du président-directeur général qui, à cette fin, fait appel à d'autres membres du personnel, le cas échéant. Le comité intervient auprès de la direction par divers moyens; en cernant et en signalant des problèmes qui se sont fait jour ou qui risquent de le faire, le comité peut formuler des critiques constructives et conseiller la direction en lui suggérant des solutions. En ce qui a trait à la convocation des réunions, elles sont tenues sur convocation du président.

Le sénateur Jessiman: À propos de ce comité, combien y a-t-il de membres, au total? Il peut y en avoir jusqu'à 10. Combien y en a-t-il?

Mme Dubois: À l'heure actuelle, neuf.

Le sénateur Jessiman: Parmi ces neuf personnes, combien y en a-t-il qui ont des liens avec le Musée canadien des civilisations, à part l'administrateur lui-même?

Mme Dubois: Trois.

Le sénateur Jessiman: Mais ce comité a un rôle purement consultatif; il ne détient aucun pouvoir d'exécution que ce soit. Vous êtes bien d'accord? Bien.

Le sénateur Cools: Monsieur le président, j'en appelle au Règlement. Un grand nombre des questions du sénateur Jessiman sont adressées à Mme Dubois, et c'est elle, qui semble d'ailleurs être la seule personne qui sache de quoi il retourne, qui y répond. Toutefois, son nom n'apparaît pas sur la liste des témoins, et je me demande si elle fait partie du conseil d'administration et si donc elle est investie de l'autorité et de la compétence nécessaires pour s'adresser à nous.

Mme Clarkson: Mme Dubois fait partie du personnel de direction de la Société dont elle est la secrétaire.

Le sénateur Cools: Elle est membre du conseil d'administration.

Mme Clarkson: Son titre est «secrétaire de la Société».

Le sénateur Cools: Est-ce que le poste qu'elle occupe entre dans la catégorie des emplois de bureau?

Mme Clarkson: Ses fonctions ne sont pas celles d'un commis.

Le sénateur Cools: Est-ce que son nom apparaît sur la liste des témoins que nous avons convoqués ce matin?

Mme Clarkson: Nous l'avons proposé en option.

Le sénateur Cools: Est-elle investie de l'autorité et de la compétence requises pour représenter la société d'État devant un comité du Sénat?

Mme Clarkson: Mme Dubois, Joe Geurts et M. MacDonald sont les trois membres de la direction de la Société ici présents. Oui, Mme Dubois a les qualifications requises.

Le sénateur Jessiman: Ce à quoi je veux en venir, c'est qu'en réalité, ce comité a un rôle purement consultatif et aucun pouvoir d'exécution. Vous pouvez suivre les conseils qu'il vous donne, mais vous pouvez aussi en décider autrement.

Mme Clarkson: C'est le cas de tous les comités. Il est important de le souligner, car vous parlez de «ce comité», alors que moi, je dis que tous les comités ont exactement la même fonction.

Le sénateur Jessiman: Le comité dont les membres viennent d'être nommés est celui qui nous préoccupe. La façon dont vous dirigez la Société du Musée des civilisations n'a rien à voir avec ces audiences. Le sujet de nos préoccupations, c'est le Musée de la guerre.

Il existait un comité consultatif que vous avez dissous. Bien entendu, vous êtes parfaitement en droit d'agir ainsi. Vous avez toutefois maintenant constitué un autre comité. De fait, on a pu lire dans la presse par Barney Danson avait été nommé à titre d'arbitre.

Mme Clarkson: Les journaux ont fait erreur. Il a été nommé à titre de membre du conseil d'administration.

Le sénateur Jessiman: Voulez-vous dire qu'il ne détient pas plus de pouvoir que n'importe quel autre administrateur qui présiderait un comité?

Mme Clarkson: C'est exact, sénateur.

Le sénateur Jessiman: Le fait qu'il a été nommé et qu'il existe maintenant un comité consultatif où siègent trois ou quatre spécialistes militaires ne nous garantit pas que vous changerez d'avis.

Mme Clarkson: Essentiellement, tout dépend de la façon dont on envisage les choses: la bouteille est-elle à moitié pleine ou à moitié vide? Lorsque nous avons créé le comité de développement, nous l'avons chargé, en priorité, du Musée de la guerre. Nous ne voulions pas que le Musée de la guerre soit marginalisé de quelque façon que ce soit. Il est bon qu'il existe un comité consultatif sur le Musée de la guerre, mais il est également bon que le conseil prête toute son attention à ce qui le concerne par l'intermédiaire du comité de développement. Les activités de développement de la Société, dans leur ensemble, touchent aussi le Musée de la guerre. Pour nous, c'est une priorité. C'est la raison pour laquelle ce dossier est également traité par le comité de développement et ce, depuis 1995.

Le sénateur Jessiman: En juin 1997, il y a eu une réunion du conseil d'administration au cours de laquelle vous avez adopté le plan à long terme qui concerne le Musée de la guerre. Ce plan comprenait une définition et un mandat qui s'appliquaient au Musée de la guerre. Cela a déjà été enregistré au compte rendu et je ne le répéterai donc pas. Mais, si vous voulez, vous pouvez vous y rapporter.

De nombreux témoins nous ont répété que votre mandat ne vous autorisait pas à lancer un projet sur l'Holocauste ni à le financer à la hauteur où vous envisagez de le faire. En paraphrasant ce mandat, on pourrait dire que l'objet du Musée canadien des civilisations est d'accroître la connaissance et la compréhension critique du comportement de l'humanité.

Permettez-moi de vous dire qu'il entrerait tout à fait dans le cadre du mandat du Musée canadien des civilisations de consacrer une très grande salle d'exposition à la commémoration de l'Holocauste juif au cours de la Seconde Guerre mondiale et à tous ces 27 ou 28 autres génocides. Toutefois, il n'est pas approprié qu'une telle exposition soit abritée par le Musée de la guerre et, selon moi, cela n'entre pas dans le cadre du mandat de ce musée.

Mme Clarkson: Je vous remercie de votre opinion, sénateur. C'est dans le cadre d'une analyse de l'histoire militaire que nous intégrons l'Holocauste, comme vous l'avez dit Victor Suthren. En effet, l'Holocauste n'aurait pas existé si l'Europe n'avait pas été dominée par les nazis. Sans la domination militaire qui s'exerce au cours d'une guerre et qu'Hitler a exploitée, il n'aurait pas été possible de déporter tous ces gens. C'est la raison pour laquelle, à notre avis, le projet s'inscrit dans le mandat du musée qui est d'analyser l'histoire militaire et paramilitaire du Canada. De notre point de vue, dans ce contexte, c'est tout à fait logique.

Le sénateur Jessiman: Les victimes de l'Holocauste ne sont pas mortes au combat; elles ont été exterminées.

Mme Clarkson: Elles ne sont pas mortes au combat, mais elles ont subi la barbarie et la terreur du régime nazi. C'est ce contre quoi nous nous sommes battus.

Le sénateur Jessiman: La vérité est tout autre. Je suis moi-même ancien combattant. J'ai participé au débarquement. Je suis resté sur la tête de plage pendant huit semaines. Je ne savais rien. J'avais 21 ans. Le jour J a dû être reporté à cause d'une tempête. Le débarquement a eu lieu le 6 juin. Personne, sur notre navire ou sur les autres ne savait quoi que ce soit à l'époque de l'Holocauste.

Mme Clarkson: Personne n'était alors au courant, mais aujourd'hui, nous le sommes. C'est là le rôle des musées. Ils nous permettent de parfaire nos connaissances.

Le sénateur Jessiman: Cela n'a rien à voir avec la guerre.

Mme Clarkson: Si.

Le sénateur Jessiman: C'est de l'anéantissement d'une race qu'il s'agit.

Le sénateur Forest: Madame Clarkson, tout au long de cette semaine, nous avons entendu beaucoup de gens exprimer leur déception devant le manque de consultation, ou du moins ce qui a été perçu comme un manque de consultation.

Les témoins ont été nombreux à exprimer le souhait et l'espoir que le Musée de la guerre devienne autonome et qu'il soit doté de son propre conseil d'administration. J'ai cru comprendre, d'après votre déclaration, mais je peux avoir mal compris, que vous n'êtes pas favorable à une telle initiative. Pourriez-vous me donner des précisions à ce sujet et me dire pour quelle raison vous êtes de cet avis?

Mme Clarkson: Je ne me suis pas déclarée pour ou contre l'indépendance du Musée de la guerre. J'ai simplement résumé la situation telle qu'elle est aujourd'hui.

En revanche, j'ai souligné que, même si le Groupe de travail sur l'histoire militaire a recommandé, en 1991, que le Musée de la guerre devienne indépendant, c'est une décision que le conseil d'administration ne peut pas prendre. Seul le gouvernement peut modifier le statut des musées. Si c'est ce que souhaite le gouvernement, nous accepterons sa décision sans réserve. C'est au ministère de décider, pas à nous.

Nous accordons beaucoup d'importance au Musée de la guerre. Nous voulons agir dans son meilleur intérêt. Nous voulons que le Musée canadien de la guerre devienne une importante institution qui attirera beaucoup de gens et qui sera très connue. Nous voulons nous assurer que tous ceux et celles que le sujet intéresse viendront en plus grand nombre visiter le musée. Quoi qu'il en soit, si le gouvernement décide que le Musée de la guerre doit devenir indépendant, soit -- c'est au gouvernement qu'il appartient de décider. Pour ce faire, les pouvoirs publics devront légiférer.

Le sénateur Forest: Je sais.

Cela fait plusieurs années que vous présidez le conseil d'administration. À votre avis, quel serait l'avantage d'un tel changement?

Mme Clarkson: Cela m'inquiéterait beaucoup à l'heure où l'on donne de moins en moins d'argent aux musées, sinon pas du tout. M. MacDonald, qui va s'adresser à vous dans quelques instants, vous parlera de cela. Le Musée de la guerre, s'il était indépendant, n'aurait pas assez d'argent pour continuer à fonctionner.

Vous vous êtes surtout intéressés au côté négatif de nos relations avec le Musée de la guerre en tant qu'institution affiliée, mais il y a aussi un côté positif à la chose, le fait qu'il bénéficie de l'appareil financier et administratif en place au sein de l'organisme qui le chapeaute. Il faudrait qu'il assume lui-même ces fonctions-là, ainsi que le financement de ses expositions et des travaux de construction, etc.

Bien entendu, le Musée de la guerre me tient à coeur, et j'admire la conscience professionnelle du personnel. Si nous devions nous séparer du musée, je le regretterais. Le Musée de la guerre est un endroit merveilleux et il pourrait le devenir encore plus à l'avenir. Quoi qu'il en soit, son sort n'est pas entre nos mains. J'espère que vous voyez bien la distinction qu'il faut faire.

Le sénateur Forest: Tout à fait. Je voulais juste avoir votre avis professionnel et savoir si vous estimez que modifier la structure de fonctionnement du Musée de la guerre s'avérerait bénéfique.

Le sénateur Cools: J'aimerais féliciter les témoins de faire preuve d'un calme qui, selon moi, est extraordinaire, étant donné le caractère troublant de la plupart des questions qui sont soulevées.

Je m'attendais à ce que ce matin, pour calmer les esprits et tirer les choses au clair, les responsables abordent le problème de front et s'y attaquent immédiatement afin de dissiper les soupçons et les doutes que nous avions. Je suis déçue de constater que le sujet n'a pas été au coeur du témoignage de Mme Clarkson ce matin.

Il y a quelques jours, alors que M. Glenney et M. Geurts témoignaient devant nous, je leur ai posé des questions sur ce qui avait provoqué cette controverse et sur ce qu'ils avaient l'intention de faire pour résoudre le problème. Encore une fois, à mon avis, les témoins n'ont pas fait front.

L'on n'aime pas utiliser des mots comme «soupçon», «duplicité» ou «doute», mais on ne peut s'empêcher de remettre en question la volonté des témoins de parler sans détour de ces questions.

Permettez-moi de vous signaler ceci, madame Clarkson: on nous a mystérieusement transmis un document dont pratiquement tous les médias ont fait état. J'aimerais que le greffier du comité en donne copie à Mme Clarkson.

Mme Clarkson: J'en ai déjà une.

Le sénateur Cools: Pouvez-vous nous dire ce que vous savez sur ce document, qui en est l'auteur et quelle est la position adoptée par la Société du Musée canadien des civilisations à ce propos?

Mme Clarkson: Monsieur le président, le sénateur a déclaré que notre témoignage manque de transparence et que nous n'avons pas donné toutes les informations que nous devrions. Or, notre présentation n'est pas complète. Mon exposé n'en constituait qu'une partie. M. MacDonald ne s'est pas encore adressé à vous et, jusqu'à ce qu'il le fasse, notre exposé ne sera pas complet. Je vous propose d'écouter M. MacDonald avant de revenir à ces questions.

Mme Dubois: Monsieur le président, puis-je apporter un rectificatif à ce que j'ai déclaré plus tôt à propos des règlements? J'ai dit qu'il fallait qu'ils soient approuvés par le gouverneur en conseil. En réalité, le conseil d'administration a le pouvoir de modifier les règlements, à condition de transmettre copie du document modifié au ministre. Je me suis trompée lorsque j'ai dit que cela nécessitait l'approbation du gouverneur en conseil.

Le président: Peut-être que cette question devrait s'adresser à Mme Clarkson. Je suis sûr qu'on la posera également à M. MacDonald.

D'après ce que je comprends, madame Clarkson, vous vouliez partir à une certaine heure et nous avons essayé de vous permettre d'achever votre témoignage avant cela. Si nous donnons une demi-heure à M. MacDonald pour faire son exposé, le comité n'aura pas le temps de vous poser des questions. Je suggère que nous poursuivions la période de questions.

Mme Clarkson: Le document que vous avez devant vous, qui est une déclaration, a été élaboré en collaboration avec M. MacDonald et certains membres du Congrès juif canadien, afin de démontrer que nous sommes ouverts à toute suggestion et prêts à trouver une bonne solution à ce qui est devenu une question délicate et litigieuse. C'est l'esprit dans lequel ce document a été rédigé. Nous allons continuer à chercher cette solution, je pense, même une fois ces audiences terminées. Les pourparlers se poursuivront entre le musée et les membres de la communauté juive. Cela démontre la bonne volonté de tous les intéressés et leur désir de trouver un moyen de résoudre ce qui semble poser un problème. Je pense que c'est un pas dans la bonne direction.

Le sénateur Cools: Monsieur le président, les témoins sont tout bonnement en train d'essayer de gagner du temps. En télévision, cela s'appelle «faire du remplissage».

Mme Clarkson: Vous n'avez pas à me donner de leçon de télévision, sénateur.

Le sénateur Cools: Ce n'était pas mon intention, madame.

Le président: Je vous en prie, poursuivez.

Le sénateur Cools: Vous dites que ce document est le produit d'entretiens que vous avez eus avec certains membres de la communauté juive.

Mme Clarkson: M. MacDonald va vous répondre. Ce n'est pas le résultat de conversations que j'ai eues avec cette communauté.

Le sénateur Cools: Vous représentez pourtant le Musée canadien des civilisations et vous dites que cela est le résultat d'entretiens entre le MCC et la communauté juive. Vous parlez bien au nom de la Société des musées.

Mme Clarkson: C'est George MacDonald qui représentait le Musée, parce que c'est lui qui a eu ces entretiens.

Le sénateur Cools: Voici ma question: comment, au nom d'un gouvernement responsable et de l'intérêt public canadien, pouvez-vous soutenir que cette question, présentant un intérêt national, ne concerne que vous-même et la communauté juive?

Mme Clarkson: J'aimerais revenir à la genèse du document. Celui-ci a été produit à la demande du président de ce comité. Le sénateur Phillips a en effet demandé au rabbin Bulka, qui est membre de notre comité consultatif de la galerie sur l'Holocauste, de voir si nous ne pouvions pas négocier quelque chose à huis clos.

Le président: Excusez-moi, c'est le rabbin Bulka qui m'a contacté et c'est alors que nous avons parlé de cela. Il craignait des frictions entre la communauté juive et les anciens combattants. Je lui ai dit que s'il pouvait me fournir une déclaration convenable, il pourrait en faire la lecture. On m'avait garanti que j'aurais cette déclaration avant le début de la rencontre. Or, on ne m'en a pas soumis de version préliminaire pour que je l'approuve, et celle que j'ai reçue n'était pas signée. Je ne sais pas de qui elle émane, si c'est du rabbin Bulka, de vous-même, de M. MacDonald ou de quelqu'un d'autre.

Mme Clarkson: Elle émane du rabbin Bulka et était accompagnée d'une note de service. Malheureusement, comme votre télécopieur était en panne au Sénat, nous n'avons pas pu vous en faire parvenir une copie plus tôt.

Le président: C'est peut-être vrai, mais cette déclaration devait servir à désamorcer toute animosité ou tout éventuel sentiment anti-sémite parmi les anciens combattants. J'ai dit au rabbin que je ne jugeais pas cela nécessaire, mais qu'il avait le droit de ne pas partager mon avis.

Si l'on se rappelle que le rabbin Bulka est l'aumônier juif de la Légion royale canadienne, on comprend mieux pourquoi cette question le chatouillait tant.

Je suis heureux de ne pas avoir reçu votre télécopie madame Clarkson, parce que les anciens combattants juifs nous ont déclarés ne pas avoir été consultés. Plusieurs personnes sont venues nous dire qu'on avait utilisé leur nom sans même les consulter.

Mme Clarkson: À l'époque où le rabbin Bulka s'est entretenu avec vous, il a aussi eu des échanges avec M. MacDonald et je ne me sens pas le droit de vous en parler, car M. MacDonald est assis à mes côtés et qu'il pourrait fort bien répondre lui-même.

M. MacDonald: Permettez-moi d'apporter une précision au sujet de ces consultations. Quand toute cette question a surgi dans le cadre de vos débats, au début de la semaine, j'ai appelé le rabbin Bulka, qui est actuellement à Jérusalem, pour lui demander s'il s'était effectivement entretenu avec chacun de ces groupes et avec leurs dirigeants. Les Anciens combattants juifs du Canada sont l'un des groupes affirmant ne pas avoir été consulté. Or, le rabbin Bulka m'a dit s'être longuement entretenu avec Sam Pasternack, le commandant national de cet organisme, mais celui-ci n'a pu se présenter devant le comité parce que sa femme était malade. Il devait se faire représenter par quelqu'un d'autre, mais quand la date de la réunion a été fixée, son remplaçant était déjà parti en vacances, si bien qu'il a fallu faire appel à un deuxième remplaçant, Lou Vandelman. Cependant, celui-ci n'a pas été mis au courant de tout l'historique de la question posée: y avait-il eu des échanges approfondis avec les Anciens combattants juifs du Canada? Vous savez maintenant ce que le rabbin Bulka réplique à cet organisme.

Devant votre comité, les représentants de B'nai Brith ont déclaré ne pas avoir été consultés; quant au Congrès juif canadien, Eric Vernon déclare le contraire: il y a eu consultation. Par ailleurs, je me suis entretenu avec Irving Abella, qui est membre du Congrès juif canadien et de notre comité consultatif sur l'Holocauste, et je sais que le rabbin Bulka s'est entretenu avec lui à trois reprises au moins. Tout ce que je vous dis à été consigné et peut-être confirmé par le rabbin Bulka. Voilà ce qu'il répond à la question des consultations.

Le président: Parfait. Je vais donc faire consigner au procès-verbal que le rabbin Bulka m'a déclaré s'être entretenu avec la communauté juive, bien que, à ce que je sache, ni vous ni le Musée canadien des civilisations n'êtes membres de la communauté juive. Je ne sais pas comment vous avez eu vent de cette conversation, je n'ai rien demandé et je n'en ai rien su.

M. MacDonald: Votre nom apparaît en première page de la déclaration.

Le président: J'ai vu, je sais lire.

Le sénateur Prud'homme: Madame, je m'exprime ici en mon nom personnel, celui d'un parlementaire de longue date, ex-député et maintenant sénateur, et je veux vous dire que je vous tiens en très haute estime. Cela étant, quand je dis quelque chose, je le pense.

Je me suis porté volontaire pour siéger à ce comité, parce que je n'en suis pas membre. Je ne suis pas censé être ici, pour des raisons médicales, mais j'ai estimé que cette question était tellement délicate que je me devais d'être présent, parce que je m'y intéresse en tant que sénateur canadien et en tant que Canadien tout court.

Je suis le premier à avoir soulevé la question de ce document. Si le président le désire, je pourrais le lui montrer à nouveau. C'est fort étrange. Quand j'ai vu cela, je me suis immédiatement demandé de quoi il s'agissait. Cela faisait-il partie du document?

J'ai commencé à le lire et le président m'a interrompu. Je tiens à ce qu'on rappelle les faits. Je me suis plié à sa requête en disant: «Fort bien monsieur, ce document n'est pas destiné à être distribué». Cela m'inquiétait, parce que le comité sénatorial faisait le travail que quelqu'un d'autre -- et je ne m'en prends pas à la Chambre des communes -- aurait dû faire. Le rabbin Bulka craignait que tout cela ne devienne un cirque médiatique. Eh bien, le seul cirque médiatique que je connaisse, moi, est la mêlée des journalistes à laquelle on assiste tous les jours à la Chambre des communes. Peut-être a-t-il confondu les deux choses. Quoi qu'il en soit, le voilà sous le feu des projecteurs cette semaine.

On est troublé à la lecture de ces quatre paragraphes. Malheureusement, j'estime qu'ils constituent une attaque par anticipation. Je n'ai jamais lu la lettre dans laquelle George MacDonald critique si vivement notre président, Orville Phillips. Vous savez, je n'appartiens ni au parti ni à la religion du sénateur Phillips. Il est président du comité et avant de nous nous retrouver ici, nous étions en total désaccord lui et moi. Tout cela aurait dû se dérouler ici. J'estime que cette tentative visant à désamorcer le débat sur cette question très importante, est une attaque par anticipation. Je sais que vous comprenez tout cela, madame. Si votre conseil ne le comprend pas, je sais que vous vous le comprenez. Vous savez à quel point cette question est délicate.

Combien de fois Pierre Elliott Trudeau a-t-il rappelé au caucus libéral qu'il fallait éviter de dresser des groupes les uns contre les autres, d'opposer les communautés entre elles? Certaines questions exigent de la délicatesse.

Vous êtes-vous interrogé quant à la nature délicate de cette question quand vous avez décidé d'ouvrir une galerie commémorant l'Holocauste, sachant que les réactions ne se feraient pas attendre?

Je vous pose cette question à vous, madame, et à M. MacDonald. J'ai été horrifié par le manque de communication entre ces gens qui ont un intérêt si direct dans tout cela. D'habitude, on nous fait parvenir des communiqués. Une rapide lecture de ce document révèle des contradictions. Il est étrange que vous citiez Santayana, parce que c'est le premier que j'ai moi-même évoqué quand je suis rentré au Parlement. Les musées militaires ne sont pas destinés à glorifier nos combats en sols étrangers et à reprendre l'imagerie populaire de la guerre; ils sont des hauts lieux de savoir sur le thème des campagnes militaires, des lieux susceptibles de nous aider à régler les tensions et à inspirer l'espoir à tous les Canadiens.

Je ne suis pas forcément en désaccord avec ce point de vue, auquel je suis sensible, mais tel n'est pas le mandat d'un musée. Mon frère a été volontaire pendant la guerre de 1939-1945. Pour ceux qui croiraient encore que tous les Québécois ont voulu échapper au service militaire en temps de guerre, je rappellerai qu'il est Canadien français. On dirait que les politiques et certains bureaucrates oublient que le Canada, et c'est très bien, change rapidement et que nous devons être à l'écoute des nouveaux groupes, lesquels n'ont pas été consultés dans ce cas.

Quelqu'un a-t-il songé à la réaction que cela allait provoquer? C'est une question politique très explosive. Si les gens commencent à se dresser les uns contre les autres, je crains que tout le pays n'en souffre.

Ces trois organisations juives canadiennes semblent être impressionnées par le fait que M. Danson soit un Juif. M. Danson est un de mes vieux amis et je puis vous garantir qu'il est d'abord Canadien, puis militaire et accessoirement de confession juive. Personnellement, je suis catholique et nous avons souvent parlé de cela.

Quant au coût des rénovations ou de l'agrandissement du Musée de la guerre, on parle de 12 millions de dollars, mais dois-je vous rappeler ce qui s'est produit dans le cas de Mirabel, du Musée des beaux-arts et du Centre national des Arts. Tous ces projets ont fini par coûter beaucoup plus qu'on l'avait prévu au début.

Vous m'étonnez quand vous déclarez que ces chiffres ne sont pas définitifs, que ce pourrait être plus ou moins, à cause de changements dans les plans. Nous ne savons pas exactement ce que tout cela comprendra, mais on sait qu'il y aura une galerie.

J'ai l'impression qu'il n'y a eu que peu de consultations avec ceux qui ont un intérêt tout particulier pour ce bâtiment. Je pense à des organismes comme la Légion royale canadienne. Je me rappelle la réaction de la Légion, en 1964, quand M. Pearson a annoncé l'adoption du drapeau canadien. Je connais fort bien leurs sensibilités.

Dans le cas qui nous intéresse, M. Abella nous a déclaré que si l'on ne trouve pas d'autre emplacement, cette galerie sera ouverte au Musée canadien de la guerre, car elle est leur premier choix, même si c'est un choix avec lequel tout le monde était en désaccord.

Et voilà que maintenant des gens comme moi s'opposent les uns aux autres. J'ai consacré 35 années de ma carrière politique à promouvoir la paix au Moyen-Orient. Dès que ce sujet se retrouve sur la table, tout le monde dit: «Encore un anti-sémite. La Légion royale canadienne est anti-sémite et tous ceux qui ne sont pas d'accord avec ce plan sont des anti-sémites». C'est pourtant une question très importante; mais voilà, on ne peut pas être en désaccord avec quelque chose sans être traité «d'anti».

Je comprends difficilement pourquoi toute cette question a été traitée ainsi. Il y en a qui se sont livrés à des jeux. J'en ai entendu déclarer que ce comité sénatorial ne comprend pas ce qui se passe. Ce commentaire m'a beaucoup troublé.

Je veux ce qu'il y a de mieux pour le Canada et je veux qu'on parvienne à réaliser ce mieux dans le respect des sensibilités de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes. Ainsi, un musée ou une galerie sur l'Holocauste, qui naîtrait dans le sillage d'une telle controverse, n'aurait pas l'impact auquel on pourrait autrement s'attendre.

Je sais que vous êtes née à Hong Kong. Dans cette partie du monde, également, il y a eu beaucoup d'atrocités. Eh bien, vous ne pouvez certainement pas montrer un seul de nos artefacts militaires liés à ce qui s'est passé à Hong Kong sans dire à nos enfants ce qui s'est passé sur le front asiatique. Voilà pourquoi je n'accepte pas que les États-Unis d'Amérique me fassent la leçon. Les États-Unis se sont engagés dans l'effort de guerre parce que les Japonais les ont attaqués à Pearl Harbour, pas parce qu'ils savaient ce qui se passait à Dachau ou ailleurs. Ils ont déclaré la guerre parce qu'on les a attaqués. Bien sûr, on peut bénir le ciel qu'ils soient intervenus.

Par ailleurs, vous ne pouvez parler de la guerre en Asie sans parler des bombes atomiques. Il n'y avait aucune raison de lâcher la seconde bombe. Eh bien, le Musée devrait aussi traiter de cette page de l'histoire.

Personnellement, j'estime que l'Holocauste mériterait un musée à part. Dans le meilleur des cas, on pourrait qualifier de vague ce que vous nous avez dit à cet égard. Vous avez sans cesse répété «pour l'instant, pour l'instant...». J'en déduis que vous n'avez pas renoncé à inclure cette galerie dans le Musée de la guerre.

Le sénateur Chalifoux: Je tiens tout d'abord à vous souhaiter la bienvenue, madame Clarkson. Je suis votre carrière depuis des années, parce que moi aussi je suis autochtone et journaliste de la presse écrite et de la radiotélévision.

Tout d'abord, je dois vous dire que je ne suis pas d'accord avec votre idée des deux nations fondatrices de ce pays. Les Premières nations, les Métis et les Inuits se sont sacrifiées bien avant que les immigrants européens et asiatiques ne foulent cette terre. Nous aussi, nous avons apporté une contribution particulière quand nous avons aidé les deux présumées «nations fondatrices» à s'installer sur une île connue depuis toujours par la communauté autochtone sous le nom d'île aux Tortues. Il y a certainement des enseignements à tirer de tout cela, surtout en ce qui concerne les Métis.

Les Métis, descendants des autochtones et des Européens tout à la fois, sont réputés pour avoir été des négociateurs entre les tribus du Canada et les représentants des nations européennes. C'est drôle de voir qu'on se retrouve aux prises avec les mêmes questions aujourd'hui. Il y a de grands rapprochements à faire.

Je trouve très troublant que ni nos anciens combattants autochtones, ni les autres organismes représentant les anciens combattants n'aient été consultés sur cette question délicate. Personnellement, j'estime que celle-ci est importante, parce que moi aussi je suis issu d'une famille au long passé militaire. Tout le problème vient de là: il n'y a pas eu de consultation. Personne n'a pris acte de notre passé militaire.

Le mandat du Musée canadien de la guerre est de constituer un mémorial pour les Canadiens ayant servi en temps de guerre et pour ceux morts au champ d'honneur; il a pour mandat d'examiner la guerre et le temps de guerre au Canada -- pas en Allemagne, ni en Europe, mais au Canada, parce que nous devons être fiers d'être Canadiens -- ainsi que les effets de la guerre sur les Canadiennes et les Canadiens; enfin, il doit servir à documenter la contribution des militaires canadiens au maintien de la paix et au maintien de la sécurité ici et dans le monde.

J'ai entendu parler d'un agrandissement de 25 p. 100 de la superficie du musée, pour cette galerie, alors qu'on ne parle même pas de l'histoire ni de la contribution des anciens combattants d'origine autochtone, qu'il n'y a aucune exposition sur eux. Pourtant, la majorité des hommes du premier et du deuxième bataillon était des autochtones.

On dirait que vous avez oublié tout cela dans vos discussions au conseil d'administration. Les autochtones canadiens, les Premières nations, ne sont même pas représentés à votre conseil. J'ai entendu dire que Stonechild siégeait au conseil.

Mme Clarkson: De même que Gloria Webster. Nous avons deux autochtones sur les 11 membres du conseil.

Le sénateur Chalifoux: Je ne connais pas ces gens-là, mais je vous ferai respectueusement remarquer que les anciens combattants autochtones ne sont pas représentés au Musée canadien de la guerre. J'aimerais qu'ils le soient, mais je ne vois rien illustrant la participation des anciens combattants autochtones au Musée canadien de la guerre. Pourtant, ils étaient d'excellents trappeurs. Je sais que dans la section sur la guerre de 1812, certains personnages représentés ont les traits d'Autochtones. Ce n'est pas ce dont je parle, je parle de la contribution et de la participation de nos hommes et de nos femmes pendant la guerre, contribution qu'il faut reconnaître.

Je suis d'accord avec l'idée d'un musée sur l'Holocauste. Toute la semaine on a entendu dire qu'il faudrait un Musée sur l'Holocauste, mais pas une galerie dépendant du Musée canadien de la guerre. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire à ce sujet.

Mme Clarkson: Excusez-moi de ne pas avoir parlé des Premières nations et des nations fondatrices. J'ai été prise dans le feu du débat, parce qu'en fait j'estime que tout cela forme un triangle.

Le sénateur Chalifoux: Il faut que je le rappelle aux gens, c'est tout.

Mme Clarkson: Je suis d'accord. Je ne voulais pas les exclure, c'est dans le feu du débat... Cet aspect est extrêmement important. D'ailleurs, l'un des premiers portraits de notre collection d'art sur la guerre est celui de John Norton, en 1807, un Métis qui a combattu au côté de Joseph Brant dans la guerre de 1812.

J'estime que l'Holocauste est un pan très important de notre mémoire collective de la Seconde Guerre mondiale, et je me réjouis que, depuis huit ans, nous ayons une section sur l'Holocauste dans l'actuel Musée de la guerre.

Il m'a donc été facile, partant de là, d'en arriver à l'idée d'une véritable galerie sur l'Holocauste. C'est là mon opinion personnelle, car je ne vous parle pas ici de logique muséale. Personnellement, j'estime que cette galerie à sa place au musée.

Si la communauté estime que l'Holocauste est tellement important qu'il mérite un musée distinct, et si c'est ce qu'elle veut, soyez assurés que nous serons très heureux de contribuer à sa réalisation, d'un point de vue muséologique. Il ne fait aucun doute que nous contribuerions à cette entreprise.

Ce matin, vous avez entendu Victor Suthren assumer la responsabilité du manque de consultation avec les anciens combattants. J'estime qu'il a fait de son mieux, étant donné que le Musée de la guerre a toujours été un organisme d'assez petite taille. D'habitude, la consultation se limitait à quatre ou cinq personnes qu'on connaissait, et dont nous sollicitions l'avis. C'est comme cela que les choses se sont passées avec différentes expositions, comme celle sur la guerre de Corée. Certes, quelqu'un pouvait vous dire: «Non, ce n'est pas ainsi que nous lassions nos bottes», et l'on découvrait que les quatre ou cinq autres personnes qu'on avait consultées s'étaient trompées; c'est ainsi que les choses se passaient.

Aujourd'hui on se rend compte de la nécessité de tenir des consultations plus larges. Pour en revenir à ce que disait le sénateur Prud'homme un peu plus tôt au sujet de la consultation, sachez qu'en février de l'année dernière, nous avons réuni notre comité de la recherche et notre comité consultatif, deux entités distinctes, pour nous conseiller sur toute cette question de l'Holocauste et sur l'idée d'une galerie qui y serait consacrée. Cela marquait le début d'un processus qui, comme nous le disions, a été interrompu par cette controverse.

Nous avons l'intention de poursuivre les consultations. Nous sommes à l'écoute. Quand nous parlons de concept, nous ne voulons pas dire que cela est «vague». Il faut prendre le mot de «concept» au sens que lui donne le dictionnaire, celui «d'idée». Nous nous sommes engagés à exploiter tous les espaces d'exposition. En fait, nous avons une salle du Souvenir. Nous avons pensé à toutes sortes de choses pour mettre tout cela en valeur, dans notre nouveau musée agrandi. J'espère que nous y réserverons une plus grande place aux anciens combattants.

Le sénateur Chalifoux: Donc, pour reprendre ce qui vient d'être dit, toute la semaine on nous a dit qu'on n'agrandirait pas la salle du Souvenir de la Grande Guerre ni celle de la Seconde Guerre mondiale.

Mme Clarkson: C'est faux. Nous agrandirons ces salles. Nous n'exposons que 1 p. 100 à peu près de nos collections qui comptent quelque 500 000 objets. Il faut que les sénateurs comprennent bien cela. Nous ne cachons rien. Tous les musées du monde à qui vous pourriez poser la question vous diraient qu'ils ne montrent que 1 ou 2 p. 100 de leurs collections. Ceux qui en montrent 2 p. 100 sont sans doute ceux qui ne possèdent pas grand chose.

Nous avons l'intention de montrer une plus grande partie de nos collections. Nous n'avons pas l'intention de réduire nos expositions, absolument pas!

Le sénateur Chalifoux: Votre comité est-il inflexible au point de ne pas vouloir envisager d'autres emplacements pour le Musée de la guerre, comme l'édifice Connaught qui nous est recommandé ici?

Mme Clarkson: Nous ne sommes absolument pas inflexibles. Ce document avait pour objet de régler cette question, entre le rabbin Bulka et le sénateur Phillips. Il lui a dit que ce document ne devait pas être distribué parce qu'il était confidentiel. Par la suite, le rabbin Bulka s'est entretenu avec George MacDonald. Il y a certes place à la négociation et au changement. Nous nous sommes engagés à trouver la meilleure solution possible, susceptible de convenir à tout le monde.

Le sénateur Cools: Un peu plus tôt, nous avons posé une question à M. Suthren au sujet des pièces dont notre comité a été saisi, et il nous a déclaré que vous l'aviez réprimandé parce qu'il s'était présenté à une réunion du conseil revêtu d'un uniforme militaire canadien. C'est vrai!

Mme Clarkson: Absolument pas. C'est d'ailleurs ce que M. Suthren a répondu également.

Le sénateur Cools: M. Suthren a répondu à une question différente. On lui avait demandé si on l'avait invité à quitter la réunion. Moi, je vous pose une autre question. Je vous demande si vous l'avez réprimandé ou critiqué d'une façon ou d'une autre parce qu'il portait un uniforme militaire canadien lors de cette réunion.

Mme Clarkson: Non.

Le sénateur Cools: Bien. Je suis très heureuse de pouvoir passer à autre chose.

Mon autre question concerne ce que nous ont déclaré plusieurs témoins, cette semaine, à savoir que ce plan mal conçu et mal exécuté était en fait destiné à récupérer des fonds. Hier, M. Cedric Jennings nous a dit que toutes ces sottises, de même que la faiblesse du plan, tenaient au fait que vous vouliez obtenir d'autres fonds et que vous étiez en quête d'un autre groupe de donateurs potentiels. Il nous a, en passant, signalé qu'il avait entendu parler de preuves solides établissant ce comportement crasse.

Qu'avez-vous à dire à ce propos?

Mme Clarkson: Eh bien non, nous n'avons pas parlé de modifier le contenu du musée ni de l'agrandir pour obtenir des fonds. Ce serait plutôt le contraire. Nous sommes en train de rechercher des fonds pour agrandir le musée.

Le sénateur Cools: Ma dernière question est liée à une lettre datée du 25 novembre 1997, que votre organisateur de souscription, la firme Ketchum, a adressé à M. A.J. Freiman. On y dit essentiellement que «George» peut obtenir un engagement non équivoque de la part du gouvernement. Par «gouvernement», je suppose qu'on parle du Cabinet. Or, qui sont les membres du Cabinet qui vous ont donné cet engagement non équivoque?

Mme Clarkson: Tout d'abord, Ketchum n'est pas notre organisateur de souscription. C'est un cabinet d'experts conseils que nous avions engagé il y a quelques années pour essayer de cibler certaines choses pour nous, mais George MacDonald est certainement mieux placé pour vous en parler. Je vais lui demander de vous répondre, parce que c'est de lui dont il est question dans la lettre.

Le sénateur Cools: On nous a dit que Ketchum est un cabinet organisateur de souscription. Je ne sais pas exactement à quel titre vous avez retenu ses services, mais j'ai cru comprendre que la firme Ketchum...

Mme Clarkson: ...est une firme d'experts conseils...

Le sénateur Cools: Laissez-moi terminer. Nous avons cru comprendre du témoignage dont je vous parlais que la Société des musées a eu souvent recours aux services du cabinet Ketchum.

M. MacDonald: Puis-je répondre?

Le sénateur Cools: Allez-y.

M. MacDonald: Notre organisateur de souscription avait travaillé pour la firme Ketchum, sans plus. Depuis, il ne travaille plus pour cette entreprise. Il a été formé par Ketchum puis a travaillé ensuite pour nous. Nous n'avons pas beaucoup recours aux services de cette firme.

Le sénateur Cools: M. Oshry est-il votre argentier?

M. MacDonald: Non. M. Oshry est un expert conseil à qui nous avons recours de temps en temps.

Le sénateur Cools: Quoi qu'il en soit, voilà une lettre rédigée sur papier à en-tête de Ketchum, signée par M. Oshry et adressée à M. A.J. Freiman dans laquelle on peut lire, au deuxième paragraphe, que «George», c'est-à-dire vous, peut obtenir un engagement non équivoque de la part du gouvernement. J'essaie de savoir qui, au Cabinet, allait vous donner cet engagement non équivoque.

M. MacDonald: Je crois que cela fait référence à la lettre d'appui que M. Suthern a reçue du premier ministre.

Le sénateur Cools: Pourriez-vous nous en remettre copie?

M. MacDonald: Cela a été fait il y a trois jours; je crois que vous en avez copie.

Le sénateur Cools: Pour ma dernière question, je reviendrai sur ce que je considère être des questions d'intérêt public. Je sais qu'il est facile de raisonner a posteriori, mais ce comité a été profondément troublé par toute cette controverse, par ce différend, par toutes ces dissensions impliquant une société d'État.

M. MacDonald, comme vous semblez avoir participé plus directement à cela que Mme Clarkson, pouvez-vous nous dire comment et pourquoi tout cela est survenu.

M. MacDonald: Comme M. Suthern vous l'a déclaré, je crois que tout cela est le résultat de mauvaises consultations. Le Musée canadien de la guerre est autonome dans ses programmes et il avait reçu, pour ce projet, des promesses de commandite et de ressource du secteur privé, qui pouvaient en garantir le succès. M. Suthern a reconnu que les consultations avec les anciens combattants relevaient de sa responsabilité. Personnellement, je pensais qu'il y en avait eues. Je sais qu'il y a eu des entretiens réguliers au niveau des Amis du Musée canadien de la guerre et de l'Organisation des musées militaires du Canada, et j'ai pris connaissance de nombreuses preuves établissant que ces discussions avaient lieu. Je n'ai pas vérifié s'il s'agissait de conversations officielles, parce que comme cela a été dit, dans le passé il s'agissait toujours de conversations officieuses.

Permettez-moi de prendre l'exemple de la Salle des Premières nations du Musée canadien des civilisations. Nous avions mis sur pied un comité consultatif composé d'au moins 12 Autochtones. Ces gens-là ont travaillé pendant plus de trois ans à négocier la trame afin, d'une certaine manière, de raconter leur histoire. C'est là une démarche que nous appuyons tout à fait au sein de notre structure. Ce n'est pas ce qui s'est passé dans le cas du Musée canadien de la guerre et nous le regrettons. Voilà pourquoi nous avons apporté des changements. Voilà pourquoi nous avons exposé nos plans, tels qu'ils avaient évolué jusque là. Comme on le sait, cela a soulevé énormément de réactions. Les gens nous ont demandé pourquoi on ne les avait pas consultés plus tôt.

Je me dois, cependant, de préciser que l'architecte ne nous a transmis son plan de masse que deux semaines avant la tenue de notre conférence de presse. Il nous a surpris en nous soumettant une maquette que nous n'avions pas demandée. Nous avions cependant estimé que celle-ci pouvait attirer l'attention sur le concept proposé. À partir de là, tout le monde connaît la suite.

Quoi qu'il en soit, je le regrette. Nous n'avons pas pour habitude, dans notre organisation de nous passer de consultation. Je suis maintenant convaincu que le comité consultatif du conseil, notamment, nous garantira que ce genre de chose ne se reproduira plus.

Le sénateur Cools: Je vous remercie pour ce que vous venez de dire. Je trouve très intéressant qu'au début de ces audiences, M. Peters du ministère nous ait longuement expliqué le rapport entre sa société d'État et le Cabinet. Il a beaucoup insisté sur le principe d'indépendance. Le comité doit noter, au passage, que la société d'État n'est pas indépendante du ministre qui en a la responsabilité auprès du Parlement. Ce ne sont pas là des principes de gouvernement responsable, mais de principes de gestion publique que nous appliquons et qui sont renforcés dans la loi. D'ailleurs, je crois que l'article 89 ou 89 de la Loi sur l'administration financière précise très clairement le genre de compte que vous devez rendre au Parlement.

Vous savez, monsieur MacDonald et madame Clarkson, je comprends bien votre anxiété et la tension que vous devez ressentir. Toute cette controverse a été très pénible. Personnellement, je ne suis pas directement concernée par toutes ces questions. Je n'ai pas, du moins, à me déclarer noire, car on ne s'interroge pas quant à savoir à quelle race j'appartiens. Je n'éprouve jamais le besoin de le préciser. Mais peu importe, j'estime que tout ce dossier a fort mal été piloté. J'espère que nous ne nous retrouverons plus jamais dans ce genre de situation.

Comme vient de le dire le sénateur Prud'homme, quand nos compatriotes sont aux prises avec des conflits où interviennent différentes sensibilités et où des gens souffrent, on est loin de la bonne gestion, de la saine planification corporative et de la bonne planification réalisée dans l'intérêt du public. Je ne veux pas donner l'impression de vouloir vous sermonner, mais il arrive très souvent que les meilleures relations dans la vie soient brisées uniquement à cause de malentendus.

Le sénateur Jessiman: Il est vrai que M. Suthren a déclaré ne pas avoir consulté les groupes intéressés, mais vous n'allez certainement pas rejeter la responsabilité sur ses épaules. Après tout, il travaille pour vous. C'est le conseil qui est responsable. Le conseil savait très certainement ce qu'il faisait. Personnellement, j'aurais pensé que vous lui auriez présenté vos excuses autant qu'à nous-mêmes.

M. MacDonald: Oui. J'admets ma responsabilité ultime. Je vous ai dit, cependant, que le Musée canadien de la guerre est très jaloux de son autonomie en matière de programmation à l'intention du public. J'avais décelé des problèmes à la façon dont certains événements s'enchaînaient. Voilà pourquoi un conseil consultatif sur la question de l'Holocauste, et sur tous les aspects dont il a été question, s'imposait.

Le sénateur Jessiman: Mais ce conseil consultatif n'a pas été mis sur pied avant 1997.

M. MacDonald: C'est à cette époque que j'ai constaté la nécessité d'avoir un comité consultatif sur l'Holocauste.

Le sénateur Jessiman: Pourtant, il y a eu des conseils consultatifs dès 1967. Il y en avait un en 1995, et vous l'avez aboli.

M. MacDonald: Je parle de quelque chose de tout à fait différent. Je parle du comité consultatif sur l'Holocauste.

Le sénateur Jessiman: Et moi, je vous parle du Musée de la guerre. C'est pour cela que nous sommes ici.

Le président: J'ai une question supplémentaire à poser, pour enchaîner sur celle du sénateur Jessiman. Hier, nous avons accueilli M. Marrus. Je n'ai pas à vous le présenter, puisque vous l'avez choisi pour coprésider votre conseil consultatif relativement à l'ajout d'une galerie sur l'Holocauste et à la forme que celle-ci devrait revêtir. Eh bien, M. Marrus nous a dit qu'il vous avait recommandé, et qu'il s'en recommande toujours, de ne pas créer de salle sur l'Holocauste au sein du Musée canadien de la guerre.

Vous avez des comités consultatifs, mais tenez-vous compte de ce qu'ils vous disent ou vous en tenez-vous à vos plans originaux? Quelqu'un comme M. Marrus n'a cessé de vous conseiller de ne pas créer de galerie sur l'Holocauste au musée, et voilà que ce matin, Mme Clarkson vient nous dire qu'elle est favorable à l'inclusion d'une galerie du genre au sein de son musée. Pourquoi avoir ces conseils consultatifs, si vous faites fi de leur avis?

Mme Clarkson: Quand je dis que je suis favorable à l'inclusion d'une telle galerie au sein du musée, c'est parce que cela découle de notre politique.

Nous avons deux comités sur la galerie de l'Holocauste. Il y a le comité consultatif présidé par le rabbin Pearlson et il y a notre Comité de la recherche auquel siègent d'éminents intellectuels comme M. Michael Marrus, Irving Abella et d'autres historiens comme Jack Granatstein et notre propre représentant au conseil, Robert Bothwell, historien de renom lui aussi. Nous écoutons nos comités consultatifs. Nous n'avons pas encore reçu de rapport, parce que ces gens là continuent d'en parler.

Il n'y a rien de définitif. Il y aura encore des désaccords, ce qui est normal quand on rassemble cinq historiens. Les gens siégeant à ce comité ont des opinions différentes. Il n'y a rien là, je crois de très nouveau pour vous. George MacDonald a siégé à toutes ces rencontres et pourra très certainement vous expliquer ce qui s'y est passé et vous confirmer que les gens continuent de parler de tout cela.

Le président: Vous avez mis sur pied un comité consultatif et entamé la consultation avec la communauté juive il y a des mois, mais ce n'est pas avant que les organisations d'anciens combattants demandent à ce comité d'étudier l'annonce de la création d'une galerie sur l'Holocauste dans un Musée de la guerre agrandi, que vous les avez consultés. Rien n'indique que le comité consultatif continue à se pencher sur la question et qu'il n'a pas encore émis d'avis final. L'annonce faisait état, de façon non équivoque, de la création d'une galerie sur l'Holocauste au sein du Musée de la guerre. Mais voilà qu'après cela, vous avez mis sur pied un organisme dont vous dites qu'il a consulté les groupes d'anciens combattants. Or, les trois grandes organisations d'anciens combattants ont refusé à cette époque de participer aux consultations. Pourquoi avez-vous jugé nécessaire de consulter la communauté juive bien avant les organismes représentant les anciens combattants qui sont pourtant partie prenante au Musée de la guerre.

Mme Clarkson: Je suis d'accord, les anciens combattants sont partie prenante à l'organisation du musée. George MacDonald vous a déjà répondu à ce sujet. Lui, qui coiffe le Musée de la guerre et le Musée des civilisations, a jugé que la démarche de consultation avec les anciens combattants avait été enclenchée. Or, ce n'était pas le cas, du moins pas au niveau exigé. Voilà pourquoi nous avons dû entreprendre autre chose. Nous avons jugé nécessaire de nous tourner vers la communauté juive, parce que cette exposition la concernait directement. Nous savions que cela n'avait pas été fait. Nous avions supposé, en nous fondant sur ce que M. MacDonald avait dit, que des consultations se déroulaient au niveau du Musée de la guerre, mais nous avons constaté que tel n'était pas le cas.

Le plan de consultation à long terme faisait également partie de toute cette démarche. Nous avions déjà consulté plusieurs personnes au sujet de ce plan en ayant recours, comme vous le découvrirez, à des questionnaires échangés par la poste. Nous avons tenu compte des réponses à ces questionnaires dans la formulation de notre plan à long terme. Nous avons estimé qu'il y avait eu consultation à ce niveau au sujet du plan à long terme, plan contenant des chiffres exacts. De plus, nous avons consulté des gens à l'occasion d'entrevues et autres.

Nous estimons, et nous le regrettons, que tout cela n'a pas été suffisant. Voilà pourquoi le projet n'a pas été mené à terme. Ce n'est certainement parce que nous nous sommes plus intéressés à tel groupe qu'à tel autre. Nous pensions avoir fait le tour de tout le monde. Nous pensions que cela avait été fait, et nous étions dans l'erreur.

Le président: Ce matin, le Ottawa Sun a publié un article sous la plume du ministre des Anciens combattants qui se réjouit que la galerie sur l'Holocauste ne sera pas ouverte au Musée de la guerre. Etait-ce une décision du cabinet? Vous a-t-on informé de quoi que ce soit dans ce sens?

Mme Clarkson: Nous n'avons entendu parlé de rien allant dans ce sens et nous n'avons pas eu vent de cette décision.

Le président: Le ministre des Anciens combattants vous a-t-il, soit à vous personnellement soit ou à la Société des musées, fait part de sa préférence?

M. MacDonald: J'ai eu une conversation avec lui vers le mois de novembre. Il était venu nous voir au musée et nous avons peut-être passé deux heures ensemble pendant le transfert des pièces d'un avion récupéré en Birmanie, qui font à présent partie de la collection du Musée canadien de la guerre. Nous avions tenu une conférence de presse au Musée des civilisations. Eh bien, nous avons beaucoup parlé de la galerie sur l'Holocauste et j'ai eu l'impression qu'il voulait d'un lieu commémorant l'Holocauste, ce qu'il a trouvé justifié. Cependant, il ne s'est jamais laissé aller à se prononcer sur l'emplacement d'un tel mémorial, que ce soit au sein du musée ou ailleurs. Il était d'accord avec l'idée, et il n'est pas allé plus loin.

Le président: Voilà un autre avis qu'on vous a donné et dont vous avez fait fi.

Le sénateur Prud'homme: Soit dit en passant, il y a un an, j'ai été très surpris d'entendre les déclarations de Fred Gaffen et de M. Abella. Écoutez, je suis très sensible aux pressions ou aux tentatives d'intimidation et quand on m'attaque, je réagis. Quand il vous a parlé de ce que la galerie devait contenir, le ministre s'adressait-il au Musée, à vous-même ou à votre conseil?

À partir de là, on se lance dans un autre très grand sujet de discussion: Mackenzie King et l'anti-sémitisme. Une petite phrase fort simple, mais lourde de signification.

[Français]

En français, je dirais la continuelle chasse ouverte contre mon peuple canadien-français du Québec, qui est perpétuellement accusé d'antisémitisme. Cela continue aujourd'hui au moment où je vous parle.

Les gens me disent de ne pas toucher à ce sujet explosif. Tout y passe. Ce que l'on a fait avec Jean-Louis Roux, un gentleman, est devenu une comédie. L'église catholique, les intellectuels et M. Abella ont cette opinion de nous. Ce n'est pas moi qui le dit. Je prends les textes de M. Abella un peu partout et on voulait flanquer tout cela au Musée de la guerre!

Vous êtes une femme sensible aux êtres humains. J'en suis certain. Tout ce qui est né de la controverse ne peut pas faire de la bonne éducation. Je souhaiterais tellement que toutes les communautés juives se joignent à des gens comme moi pour expliquer l'horreur de l'Holocauste, au lieu de se prêter de mauvaises intentions et de refaire le procès de tout le monde. Des atrocités se continuent.

Je ne suis pas encore certain si vous n'avez pas derrière la tête un plan pour dire: on va laisser tomber la tempête et aller de l'avant. Je vais persister au Sénat, à Toronto et dans les communautés les plus difficiles, je n'ai aucune crainte à le faire.

Est-ce que vous ne croyez pas que ce serait plus sensé?

[Traduction]

Ne serait-il pas mieux que la galerie sur l'Holocauste soit autonome, comme semble le désirer tant de gens? J'ai l'impression que de nombreux Canadiens et de nombreuses Canadiennes jugent, tout comme moi, que ce mémorial devrait être indépendant. Je vous implore de mettre rapidement fin à cette controverse. C'est comme un feu de brousse, avec des conséquences terribles. À cause des divisions qui les opposent, ces groupes vont mieux s'accuser mutuellement d'avoir de mauvaises intentions. Vous êtes en position de mettre un terme à cette controverse et d'entamer l'agrandissement du Musée canadien de la guerre; vous le pouvez, vous avez l'intelligence et le dynamisme voulu pour cela.

M. MacDonald vient juste de parler de la Birmanie. Eh bien, que pourrais-je répondre à un élève qui me dirait «Je pensais que nous combattions les nazis, alors que faisions-nous en Birmanie ou à Hong Kong?» Nous devons aussi nous intéresser à ce volet didactique. Où allons-nous faire cela? Peut-être pourrions-nous nous servir de votre auditorium.

Pour conclure, je vous le répète, je vous admire beaucoup. J'ai suivi votre travail au fil des ans. Vous n'avez pas d'ennemis, même si certains sénateurs peuvent être en désaccord avec vous.

[Français]

Mme Clarkson: Je vous remercie beaucoup de votre bonne foi. Je vous assure que nous allons écouter tout ce qui se passe ici et dans toutes les communautés. Nous voulons être absolument sensibles. Il n'est pas question d'abandonner la mission éducative, informative du Musée de la guerre. C'est le but principal de notre expansion, notre motif et notre cible: l'éducation de la jeunesse qui a grandi sans avoir de contact direct avec la Deuxième Guerre mondiale et la guerre de Corée. C'est très important pour nous.

[Traduction]

Le sénateur Prud'homme: M. Gaffen parlait-il pour lui-même ou exprimait-il le point de vue de votre conseil?

Mme Clarkson: Je pense qu'il parlait pour lui-même.

M. MacDonald: C'est précisément à cause de cette déclaration dans la presse que nous avons mis sur pied notre comité de la recherche. Nous étions conscients d'avoir besoin d'un avis informé venant des meilleures universitaires et des meilleurs chercheurs dans le domaine, plutôt que de nous en remettre à l'avis d'une seule personne.

Le sénateur Prud'homme: Incluez-vous dans cela la dimension militaire?

M. MacDonald: Oui.

Mme Clarkson: Jack Granatstein et Desmond Morton sont tous deux des historiens militaires.

Le sénateur Forest: Au cours de nos cinq journées d'audience, nous avons entendu et vu nombre de témoignages dont certains sont contradictoires. Eh bien, je peux vous assurer d'une chose. Après avoir entendu et lu tous ces témoignages, que nous allons à présent digérer, nous espérons parvenir à formuler des recommandations ou à donner une certaine orientation utile au débat, afin que nous puissions bâtir sur les excellentes relations que nous avons entretenues dans le passé avec nos musées, musées dont les Canadiens et les Canadiennes peuvent être fiers.

Je vois plus particulièrement les choses avec l'oeil de l'enseignant que je suis et je sais que nos musées sont des lieux où nous pouvons tous, mais surtout nos enfants, apprendre énormément sur l'histoire de notre pays. Je vous remercie pour toutes les précisions que vous nous avez apportées au sujet des difficultés que nous essayons de régler aujourd'hui.

Le sénateur Chalifoux: Pour enchaîner sur les remarques du sénateur Prud'homme, ai-je bien compris que, peu importe ce qui se passera, la décision a déjà été prise et que la galerie sur l'Holocauste sera située au sein du Musée canadien de la guerre? C'est ce que vous venez de dire?

Mme Clarkson: Non, ce que j'ai dit -- et qui est précisé dans le mémoire qui vous a été remis -- c'est que nous allons conserver notre section sur l'Holocauste, parce que nous avons une exposition sur l'Holocauste, au sein du Musée canadien de la guerre.

Quand on parle de galerie ou de musée sur l'Holocauste ou encore de galerie souvenir, cela peut introduire une certaine confusion, parce qu'on suppose qu'il est question de bâtiments. Nous parlons ici d'une exposition au Musée canadien de la guerre. Bien sûr, si l'on devait constater qu'il est possible d'ouvrir une galerie ou une exposition sur l'Holocauste ailleurs, nous serions très heureux de contribuer à cette réalisation, de toutes les façons possibles.

Nous conserverions tout de même certains éléments sur l'Holocauste, au Musée canadien de la guerre. Je crois que c'est ce que veulent les gens des musées, parce que l'Holocauste est une réalité de la Seconde Guerre mondiale. Donc, nous conserverions une exposition à ce sujet. Quant à sa dimension, ce serait aux spécialistes des musées d'en décider, parce qu'il faudrait tenir compte de bien d'autres choses si l'on ouvrait ailleurs une galerie ou un musée consacré à l'Holocauste.

Le sénateur Chalifoux: Plus tôt cette semaine, des anciens combattants d'origine étrangère nous ont dit qu'ils désireraient une exposition sur l'holocauste ukrainien et russe, par exemple. Nous avons aussi entendu de nombreux témoignages sur les atrocités japonaises à Hong Kong. Les associations d'anciens combattants conviennent qu'un musée ou une exposition sur l'Holocauste ou peu importe comment vous l'appellerez, est nécessaire. Mais le Musée canadien de la guerre, lui, est un musée de la guerre. Vous ne devez pas donner satisfaction à un seul groupe, vous devez vous intéresser à tout le monde.

Mme Clarkson: C'est l'intention des employés du Musée canadien de la guerre, de ceux qui font les recherches et qui sont chargés des expositions. Cela pourrait fort bien faire partie du projet d'agrandissement. Si le musée était agrandi, nous commémorerions tous les groupes qui ont contribué à l'effort de guerre du Canada, ce que nous n'avons pas pu faire dans les conditions actuelles, à cause du manque d'espace. C'est ce que nous voulons faire, et il n'est nul besoin de nous le rappeler.

Le sénateur Chalifoux: Je vous implore tous de veiller à consulter les anciens combattants. C'est très important.

Le président: Merci, madame Clarkson. Nous savons que vous devez partir parce que vous avez un autre engagement. Les membres du comité sont d'accord de poursuivre avec vos collaborateurs; vous pourrez vous retirer dès que bon vous le semblera.

M. MacDonald: Je vais essayer de ne pas trop me répéter. J'avais l'intention de vous livrer mon exposé avant la période de questions et j'ai donc peur de me répéter un peu.

Je suis heureux de comparaître devant votre comité pour vous dire à quel point nous apprécions l'existence du Musée de la guerre en tant qu'institution dépositaire de l'extraordinaire patrimoine militaire du Canada. Nous voulons que ce musée soit de la meilleure qualité possible, souci, je crois, que nous partageons avec ce comité du Sénat. Nous sommes donc animés des mêmes objectifs, le tout est de bien nous comprendre.

Le Musée de la guerre est en train d'insister davantage sur son côté institution didactique, afin de mieux renseigner les générations actuelles et futures sur le rôle du Canada et des Canadiens lors des conflits présents et passés, et de présenter les techniques de guerre. Dans le cadre des efforts que nous avons déployés pour valoriser le volet didactique du Musée de la guerre, nous présentons un portrait plus global de la guerre, dans la façon dont celle-ci se répercute sur les familles, les enfants et les civils. Je pense, à ce propos, à notre récente exposition sur la Bosnie.

Mme Clarkson vous a parlé du plan exhaustif à long terme du Musée de la guerre, dans lequel on envisage l'agrandissement, la rénovation et la remise en état du 330, promenade Sussex, et le remplacement éventuel du bâtiment abritant la collection et les programmes, et que nous appelons la Maison Vimy. Ces initiatives tiennent à plusieurs raisons: d'abord, la sombre réalité d'installations désuètes devenues dangereuses; les impératifs d'une population muséale changeante, ayant des besoins différents; la possibilité de recourir à des technologies d'avant-garde, les effets d'un nouveau programme de bourse, et le désir des anciens combattants et d'autres de nous aider à tenir une campagne de financement privée.

Tout le monde s'entend sur la nécessité de régler le problème des installations -- inadéquates -- actuellement occupées par le Musée canadien de la guerre. En 1992, le groupe de travail sur les collections du Musée d'histoire militaire au Canada, puis l'équipe du vérificateur général du Canada chargé d'un examen spécial en 1995, ont tous deux conclus que les locaux sont inadéquats pour le public et pour nos collections. Les objets exposés sont menacés par d'importantes fluctuations de température et du degré hygrométrique, ainsi que par des installations qui sont désuètes. Tout ce que nous pouvons proposer, dans les locaux étriqués et désuets de la rue Sussex, ce sont des expositions statiques faisant l'objet d'un minimum d'interprétation.

Depuis plusieurs années, la Société des musées trouve très préoccupant le déclin constaté dans le taux de fréquentation du Musée canadien de la guerre. Nous sommes en effet passé de 275 000 visiteurs en 1979-1980 à un peu plus de 100 000 à la fin de 1996. En revanche, si les visiteurs du Musée de la guerre sont moins nombreux qu'il y a 10 ou 20 ans, leur composition est davantage diversifiée. Ils sont en moyenne plus jeunes et un grand nombre d'entre eux se présentent en famille avec des enfants. Nous voulons transformer ce musée en un véritable mémorial vivant, en un lieu de commémoration du sacrifice des anciens combattants. Or, si le musée n'est pas fréquenté par des jeunes, il ne survivra pas en tant que mémorial vivant.

Il est évident que le Musée de la guerre doit trouver une façon de régler le problème du déclin de la fréquentation et répondre aux besoins de ses nouveaux visiteurs tout en conservant les points forts grâce auxquels il est devenu un élément important de notre vie culturelle nationale, dès sa création. De toute évidence, l'accent didactique que nous avons fait porter sur le côté humain de la guerre semble avoir exercer un certain attrait, et permet aux visiteurs de comprendre le phénomène de la guerre par-delà les champs de bataille.

Le projet d'agrandissement est destiné à ouvrir un ensemble d'installations modernes et de techniques d'interaction au sein du musée, notamment un théâtre polyvalent, une galerie présentant la chronologie de l'histoire militaire, une salle à milieu réglé destinée à recevoir la collection d'art très impressionnante et de qualité internationale du musée, et une installation de diffusion didactique externe qui pourrait accueillir 10 000 étudiants de plus que la capacité actuelle du musée.

Comme vous l'a dit Mme Clarkson, s'il est déjà difficile d'obtenir du gouvernement qu'il réserve des fonds spécialement pour le Musée de la guerre, que dire de grands travaux de remise en état et de restructuration de l'institution? C'est pour cela que nous avons réservé des fonds prélevés dans notre budget de fonctionnement de la Société des musées -- environ 7 millions de dollars pour ce projet --, en plus des autres montants qu'elle a mentionnés.

La Société des musées est d'accord avec l'idée d'une galerie sur l'Holocauste logée dans un Musée de la guerre agrandi et rénové, où l'on pourrait exposer, en toute dignité, une partie plus importante de nos collections à qui l'on pourrait accorder une plus grande importance et une meilleure visibilité, surtout dans le grand atrium en verre de la cour. La société n'a jamais eu l'intention, en appuyant l'ouverture d'une exposition sur l'Holocauste dans le cadre d'un Musée de la guerre agrandi, de minimiser le rôle que les anciens combattants canadiens ont joué dans les conflits auxquels le Canada a pris part. C'est tout à fait le contraire. Nous voulons affirmer l'importance de la contribution vitale de nos anciens combattants à l'histoire militaire canadienne, et nous avons la ferme intention de renforcer le rôle du Musée de la guerre en tant que centre national de commémoration, en pleine expansion. Nous espérons, par notre concept de Musée de la guerre repensé et rénové, traduire l'expérience des générations qui ont connu la guerre et défendu nos valeurs, et expliquer aux nouvelles générations ce que leurs grands-parents ont fait pour eux et pour les causes auxquelles le Canada a apporté une contribution si importante.

Je vous remercie de m'avoir permis de vous présenter cet exposé.

Nous avons adopté une telle position vis-à-vis de l'exposition sur l'Holocauste au sein du Musée de la guerre, uniquement parce qu'il s'agissait là de la seule formule que nous pouvions financer à partir de nos propres ressources. Nous pensons, à présent, que les Canadiennes et les Canadiens se sont exprimés par l'intermédiaire des médias et très certainement par la voix de ce comité. Je puis vous assurer que nous avons examiner de très près tous les témoignages que vous avez entendus.

Nous avons pris beaucoup de notes, pas pour nous justifier à propos de ce qui a été dit, mais parce que nous sommes conscients d'avoir sauté une étape dans la consultation des anciens combattants. Ce comité dispose maintenant d'une masse impressionnante de documents que nous n'aurions jamais eu les moyens de solliciter et de regrouper. Nous ne gaspillerons certainement pas tout ce matériel. Nous en ferons bon usage.

Le président: Je veux en revenir à la question de la prise en compte des avis. Comme je le disais, vous avez reçu un avis de M. Marrus qui, au Canada, fait autorité en matière d'Holocauste. Or, celui-ci vous a dit que les deux musées étaient incompatibles.

M. MacDonald: Oui.

Le président: Quand vous a-t-il donné cet avis?

M. MacDonald: Comme il l'a dit dans son témoignage d'hier, dont cette phrase est extraite, il a évolué dans sa pensée -- à l'instar des autres personnes concernées --, parce que c'était un dossier mouvant. Au début, quand il a été invité à comparaître devant le comité, il savait fort bien qu'on se proposait d'ouvrir cette galerie au sein du Musée de la guerre. Je suis d'accord avec sa position, à savoir que ce pan de l'histoire est beaucoup trop grand pour pouvoir être contenu dans un si petit espace.

Lui aussi est tout à fait au courant qu'on a, en quelque sorte, affaire à deux grandes mémoires historiques qui risquent de mal cohabiter dans une même installation. Personnellement, j'estime que nous devons l'écouter à ce sujet.

Le président: Je suis d'accord, vous devriez l'écouter. Ce que je veux savoir, c'est quand vous avez reçu cet avis de M. Marrus pour la première fois.

M. MacDonald: J'en ai pris connaissance en lisant les journaux, et non pas ses déclarations devant le comité. Je parle de ce qu'il a dit quand il s'est déclaré résolument opposé à l'idée que la galerie soit ouverte au sein du Musée de la guerre. Par exemple, il ne nous a jamais indiqué qu'il se retirerait du comité consultatif, même s'il savait que nous n'avions pas d'autres solutions que d'installer la galerie au musée. C'est la seule option que nous pouvions financer avec nos ressources.

Le président: Êtes-vous en train de dire au comité, monsieur MacDonald, que le conseil consultatif ne vous fait pas rapport? Déclarez-vous avoir pris connaissance de cette nouvelle en lisant le journal? J'aurais pensé que le comité vous faisait rapport.

M. MacDonald: C'est vrai, il nous fait rapport. Ce que je veux dire, c'est que M. Marrus n'a jamais été vraiment favorable à cette idée. Alors qu'on était en train d'élaborer le concept d'une salle au sein du Musée de la guerre, il y a toujours vu une possibilité; en revanche, il a décidé, ce que je respecte, que cette galerie ne devait pas être ouverte dans le musée. Quant à ses déclarations sur le sujet, elles sont très récentes et n'ont été faites qu'au moment où le débat est devenu public.

Le président: Je veux que nous parlions des consultations avec les anciens combattants. J'ai cru comprendre qu'au lendemain du rapport Southam de 1991, on avait garanti aux anciens combattants que les organismes les représentant seraient consultés avant l'adoption des plans d'expansion du Musée de la guerre.

M. MacDonald: C'est effectivement, je crois, une des recommandations du rapport, mais je pense que nous avons déjà parlé de ce qu'il est advenu de ces recommandations.

Le président: Avez-vous rencontré des organismes d'anciens combattants ou ceux-ci vous ont-ils demandé à les rencontrer, au début du mois de novembre, avant l'annonce que le Musée de la guerre comporterait une galerie sur l'Holocauste?

M. MacDonald: Oui, monsieur. Je pourrais vous obtenir une liste des rencontres que nous avons eues avec vous.

Je ne sais pas si M. Glenney, le directeur suppléant, a cette liste ici, mais je puis vous assurer que nous avons eu ces consultations.

Le président: Je vous demanderais de remettre cette liste au comité sans tarder.

M. MacDonald: Je n'y manquerai pas.

Le président: Je ne pense pas que vous ayez rencontré les organismes d'anciens combattants après qu'ils se furent opposés à ce concept.

M. MacDonald: Mais si. Nous avons spécifiquement demandé aux représentants des organismes d'anciens combattants de venir nous rencontrer pour examiner les plans. Au début, ils ont préféré livrer cette bataille dans la presse. Nous avons ensuite eu une séance avec eux, le 18 décembre, au cours de laquelle nous sommes parvenus à les convaincre de venir participer à une présentation complète. Les organismes d'anciens combattants ont accepté notre invitation et nous avons tenu une séance d'après-midi, semblable à celle-ci, autour de la maquette. Bien sûr, ils nous ont dit que ce n'était pas assez, que cette discussion intervenait trop tard, qu'ils s'étaient forgés une opinion et qu'ils voulaient suivre la filière du comité sénatorial.

Le président: Vous n'avez obtenu aucun appui de la part des organismes représentant les anciens combattants pour inclure la galerie sur l'Holocauste au sein du musée actuel ou ériger un autre musée?

M. MacDonald: La légion s'est déclarée indécise à ce moment-là. Elle s'est ensuite rangée aux côtés des autres groupes pour demander que la galerie ne soit pas incluse dans le Musée de la guerre.

Le président: N'est-ce pas là un autre exemple d'avis qu'on vous a donné, ce qui ne vous a pas empêché de poursuivre selon vos plans?

M. MacDonald: Non, nous avons alors interrompu la planification. Nous n'avons pas poursuivi la planification du bâtiment à cause de cet avis, et nous avons commencé à chercher d'autres solutions que nous pouvions nous offrir financièrement. D'ailleurs, ce processus se poursuit.

Le président: Pendant ces audiences, vous avez fait une déclaration dont le sénateur Prud'homme a parlé, déclaration qui, selon moi, est destinée à miner nos audiences. Vous avez dit que vous étiez disposés à envisager d'autres emplacements. Mais plus tôt, ici même, vous avez déclaré que vous suiviez les travaux de ce comité et vous devez donc savoir que plusieurs sites de remplacement ont été suggérés.

M. MacDonald: Nous ne pouvions pas nous les offrir. En fait, nous nous sommes intéressés à plusieurs autres emplacements et nous avons pu nous faire une idée de ce qu'ils coûteraient. Dans la plupart des cas, il s'agit de vieux immeubles qu'il faudrait adapter aux conditions d'un musée et qu'il faudrait rénover pour des raisons de santé et de sécurité. Pour tous les édifices auxquels nous nous sommes intéressés, les coûts auraient été nettement supérieurs à ceux que nous pourrions nous permettre dans les limites de notre projet d'agrandissement.

Le président: J'ai du mal croire votre excuse des vieux immeubles. L'actuel Musée de la guerre appartient à cette catégorie, et vous voulez l'agrandir et le moderniser. L'immeuble des archives, vieux lui aussi, a été modernisé. On est en train d'effectuer de grands travaux de rénovation et d'amélioration à l'édifice Connaught. Par ailleurs, il n'y a pas si longtemps que cela, si je ne m'abuse, qu'on a modernisé l'immeuble du Conseil de recherche.

M. MacDonald: Si à un moment donné nous pouvons nous le permettre, ce n'est pas moi qui m'opposerai à l'idée. Personnellement, je trouve que ce serait la meilleure solution. Ce que je dis, c'est que pour l'instant la société n'a pas les ressources pour s'offrir l'édifice Connaught.

Le président: Selon vous, combien faudrait-il?

M. MacDonald: Il serait dangereux pour moi d'avancer un coût estimatif pour la rénovation de l'immeuble Connaught.

Cependant, je fonderais mon estimation sur le fait que cet immeuble est à peu près identique à celui du Musée commémoratif Victoria -- et vous vous rappellerez que notre musée a été abrité dans cet édifice à une époque. Eh bien, compte tenu de la nature de nos collections -- de nombreux costumes et ainsi de suite, donc différents des rochers et des fossiles qu'on retrouve au Musée de la nature -- nous avons dû quitter cet édifice pour construire le Musée national des civilisations. Les spécialistes du ministère des Travaux publics nous ont dit que le type de maçonnerie de ce genre d'immeuble se prête mal à la pose de barre-vapeur. Or, dès qu'on augmente le degré hygrométrique pour le porter aux normes des musées, le ciment s'érode et l'édifice finit par s'écrouler. C'est un phénomène fort bien connu dans le domaine de la muséologie.

C'est un gros problème dans le cas de l'immeuble Connaught. Ce peut être un peu différent dans le cas d'autres édifices qu'on peut encoconner à l'intérieur, ce qui n'est pas réalisable dans le cas de l'édifice Connaught parce qu'il est subdivisé en petits espaces. Il faut savoir si c'est réalisable. Nous avons envisagé plusieurs options et nous aurions aimé nous permettre celle-ci. Nous allons continuer à explorer la chose. D'une certaine manière, nous avons ouvert le champ des possibilités et cherchons d'autres édifices administrés par le ministère des Travaux publics en espérant que nos budgets nous permettront de les occuper.

Je ne suis absolument pas opposé à l'idée de satisfaire les deux groupes, à condition d'avoir les ressources pour cela. Le Musée de la guerre a besoin de meilleures installations pour montrer ses merveilleuses collections au public, surtout sa collection canadienne d'art sur la guerre, que nous ne pouvons actuellement loger nulle part. Nous avons bien la Maison Vimy pour le gros matériel, nous avons le 330 promenade Sussex pour les costumes et le reste. Malheureusement, nous n'avons nulle part où loger notre collection d'oeuvres d'art sur la guerre. Nous n'avons pas de murs où accrocher les tableaux. Nous serions très heureux de pouvoir consacrer plus d'espace à raconter l'Holocauste et le drame humain qu'ont vécu tant d'autres gens pris dans cette tourmente.

Le président: Mes connaissances en architecture sont aussi limitées que les vôtres. S'il ne vous est pas possible de poser de parre-vapeur dans l'édifice Connaught, comment allez-vous faire au 330 promenade Sussex?

M. MacDonald: Au 330 Sussex, nous construisons un autre édifice. Nous pourrons transférer les parties de nos collections les moins sensibles dans le vieux bâtiment, après l'avoir porté aux plus hauts standards possibles pour un immeuble de sa catégorie. Pour cela, nous allons devoir jongler entre les deux immeubles, parce que certains espaces au 330 Sussex ne peuvent être portés aux meilleures normes muséologiques, contrairement à ce qui peut se faire dans une nouvelle structure.

Le président: Vous pourrez certainement en parler avec les groupes d'anciens combattants. J'ai entendu dire qu'un groupe au moins avait, en vain, essayé d'obtenir vos plans. Peut-être pourriez-vous leur apporterez une meilleure collaboration dans l'avenir à ce propos, M. MacDonald.

M. MacDonald: Oui.

Le sénateur Chalifoux: Je n'ai pas eu la possibilité jusqu'ici de consulter tous ces documents, mais je puis vous assurer que je lirai toute l'information qu'ils contiennent. J'ai déjà commencé. Il y a ici le procès-verbal de la 19e réunion du conseil de direction du conseil d'administration de la SMCC, du lundi 12 mai 1997, réunion qui s'est déroulée de 10 h 30 à 14 h 30:

La présidente souhaite la bienvenue à Jack Granatstein, Desmond Morton et Jean Pariseau qui ont été invités à faire part de leurs commentaires et à donner leur avis sur le Plan à long terme du Musée canadien de la guerre.

À la page suivante on peut lire:

G. MacDonald et V. Suthren estiment tous deux que l'histoire de l'Holocauste permettrait au musée d'explorer les causes profondes de la guerre, pas uniquement en ce qui concerne le Canada, mais l'humanité tout entière. D. Morton et J. Granatstein estiment que cela serait utile, mais qu'il serait plus approprié de tenir ce genre d'exposition au MCC, dont le mandat touche à une expérience humaine plus vaste. V. Suthren veut savoir s'il a maintenant pour mandat de continuer ou d'interrompre l'activité de planification de la galerie sur l'Holocauste, étant donné qu'il est possible que celle-ci soit logée ailleurs. A. Clarkson met un terme à cette partie du débat en déclarant que le conseil se pencherait sur la question de savoir si la galerie sur l'Holocauste doit être ouverte au sein du Musée canadien de la guerre ou ailleurs.

À l'occasion de ces audiences, on nous a déclaré que votre ministère prenait acte des conseils et recommandations qu'on lui adressait. Pourquoi n'a-t-on pas retenu l'avis de ces deux historiens réputés? Cela s'est passé en mai 1997.

M. MacDonald: Nous avons retenu ce que nous avons pu de cet avis. Nous traitons une partie de cette histoire dans le cadre d'expositions spéciales au Musée canadien des civilisations. Par exemple, cette année nous allons tenir une exposition sur les transfuges de la mer. Nous sommes en train de préparer un autre projet d'exposition à partir d'objets recueillis auprès de réfugiés. Nous préparons activement la commémoration du 50e anniversaire de la Déclaration internationale des droits de l'homme de l'O.N.U., laquelle entre en partie dans ce cadre. Si nous n'avons pas envisagé d'ouvrir la galerie sur l'Holocauste hors du Musée de la guerre, c'est strictement parce que nous n'en avons pas l'argent. Nous n'avons pas pu réunir la somme qui nous permettrait d'ouvrir l'installation distincte que les gens réclament. Nous savons fort bien ce que les gens veulent.

Le sénateur Chalifoux: Il est possible que je me trompe, parce que nous n'avons pas encore reçu la retranscription des travaux du comité, mais j'ai cru comprend de M. Abella qu'il était tout à fait d'accord avec les anciens combattants et avec tout ce qu'on nous a déclaré ici au cours de la semaine écoulée, à savoir que l'Holocauste est une page de l'histoire tellement immense et tellement atroce qu'elle mérite sa propre place hors des murs du Musée canadien de la guerre.

M. MacDonald: Je suis d'accord.

Le sénateur Chalifoux: On nous a également dit que la communauté juive serait prête à se mobiliser pour financer la construction d'une galerie sur l'Holocauste.

M. MacDonald: Je tiens à préciser que nous n'envisageons pas d'ouvrir un musée national axé sur les besoins d'une seule communauté. Si nous ouvrions un musée sur l'Holocauste, il présenterait un tableau d'ensemble de ce phénomène. Il présenterait d'autres exemples d'holocauste. Nous avons choisi l'Holocauste nazi comme point de focalisation, parce qu'on dispose à son sujet d'une documentation indiscutable. De plus, il a eu des répercussions immenses sur la pensée dans le monde. Il a engendré d'immenses changements dans le monde, relativement au colonialisme. Je pourrais faire un exposé sur ce sujet, mais quoi qu'il en soit, sachez que nous avons eu le sentiment qu'il s'agissait là d'un événement très particulier auquel nous pourrions donner une lecture muséologique, par le truchement d'une exposition, en établissant des liens avec tous les autres génocides du genre, comme l'a fait le Musée sur l'Holocauste de Washington. Ce musée traite des autres génocides. Il traite des autres événements affreux, horribles de l'histoire humaine. Eh bien nous avions l'intention de faire la même chose et nous croyons que tout musée national devrait faire de même. Il peut, certes, exister d'autres types de musées sur l'Holocauste mais ceux-là ne nous intéressent pas.

Le sénateur Chalifoux: Vous venez de nous dire que l'argent est la seule raison pour laquelle vous voulez loger la galerie sur l'Holocauste dans le Musée de la guerre.

M. MacDonald: Non. Nous n'avons actuellement pas l'argent pour ouvrir cette galerie ailleurs. Nous le ferions si nous avions l'argent, parce que nous sommes d'accord avec le fait que la meilleure solution consiste à le faire dans un immeuble distinct.

Le sénateur Chalifoux: Personnellement, je trouve très triste ce que fait votre ministère, parce que vous minimisez l'importance de deux grands combats historiques concernant le Canada. C'est fort triste. Je vous remercie.

Le sénateur Forest: Je dirais, en réponse à ce que vous venez de déclarer, que le ministère n'est pas en train de minimiser ces faits historiques; il est simplement aux prises avec les conséquences d'une réduction de ses budgets et de l'appui financier dont il bénéficie. C'est regrettable, parce que je suis tout à fait d'accord avec le fait que notre musée de la guerre devrait être logé dans de meilleures installations et qu'il devrait bénéficier d'un meilleur financement pour ses acquisitions. Il est tout aussi important qu'on dispose d'un musée montrant les atrocités de l'Holocauste pour que nous puissions tous en tirer les enseignements.

Mais revenons-en à la question des installations. Nous sommes tous d'accord: dans un monde idéal où l'argent ne manquerait pas, nous pourrions certainement nous permettre le genre de Musée de la guerre dont nous rêvons, ainsi qu'un autre musée commémorant l'Holocauste. Si tout cela était possible et si nous avions l'espace nécessaire pour ces deux musées, l'édifice actuel du 330 promenade Sussex permettrait-il de présenter votre collection d'art sur la guerre?

M. MacDonald: On y trouverait une galerie. La galerie d'art fait 4 000 pieds carrés et on ne peut pas accrocher beaucoup de tableaux dans 4 000 pieds carrés. Dans ce genre d'espace, il faudrait faire tourner les collections. D'ailleurs, une bonne partie de cette collection est prêtée à l'extérieur et elle est présentée un peu partout au pays dans le cadre d'autres expositions. Quoi qu'il en soit, l'espace n'est certainement pas suffisant pour présenter la collection des oeuvres d'art sur la guerre.

Le sénateur Forest: Que mettriez-vous dans l'actuel édifice du musée?

M. MacDonald: Mais il n'y a pas d'espace dans les installations actuelles. On envisage de recourir à un nouvel espace.

Le sénateur Forest: Si l'on déménageait tout ce que contient actuellement le 330 promenade Sussex ailleurs, si le contenu du Musée de la guerre se retrouvait dans un autre bâtiment, est-ce que ce vieil édifice pourrait être rénové pour accueillir cette collection d'art sur la guerre, sans devoir pour cela être agrandi?

M. MacDonald: Non, il faut absolument agrandir l'édifice. Le gros problème, c'est que cet emplacement présente ses limites. L'histoire militaire canadienne, l'importance qu'elle représente pour le pays et la taille de nos collections justifient un édifice beaucoup plus grand que celui que nous occupons à l'heure actuelle. Regardons ce qui se fait à l'étranger. Ce musée n'est certes pas aussi grand que le Imperial War Museum que les Britanniques sont pourtant en train de l'agrandir. Le Australian War Museum est un des plus gros du monde. Il est vrai que nous aimerions avoir accès à ce genre d'installations, parce que nous avons suffisamment de collections à montrer.

Tout se ramène à une question d'argent. Au cours des quatre dernières années, on nous a coupé un tiers de notre budget global.

Le sénateur Forest: Je comprends, mais je crois que vous n'avez pas compris ma question.

Supposons que nous ayons un autre immeuble où loger le Musée de la guerre et un autre encore où ouvrir la galerie sur l'Holocauste. Eh bien, pourrait-on porter le 330 promenade Sussex aux normes d'une salle d'exposition d'oeuvres d'art?

M. MacDonald: Je crois que oui. Il n'est pas nécessaire d'exposer les tableaux dans un milieu à ambiance intérieure hautement contrôlée, contrairement à certains autres objets. Les huiles résistent très bien à l'atmosphère poussiéreuse et froide des vieux châteaux. Je crois que, en règle générale, une oeuvre d'art accrochée sur un mur résiste mieux aux rigueurs des fluctuations climatiques que certains objets anciens récupérés sur les champs de bataille.

Le sénateur Forest: Eh bien, c'est une possibilité que nous ne devrions pas rejeter.

Le sénateur Prud'homme: Il semble que la fréquentation du Musée de la guerre ait chuté depuis que certaines personnes ont pris le relais.

M. MacDonald: Elle chute depuis plus de 10 ans. Ce n'est pas à cause des nouveaux venus. Le Musée de la guerre a relevé du Musée de l'Homme à partir de 1958. Je dirais plutôt qu'il a subi de nombreux problèmes dus au fait que le public s'attend à des choses très différentes de la part de ce genre d'institution, mais que la plupart des expositions du pauvre Musée de la guerre n'ont pas changé depuis qu'il a déménagé rue Sussex, en 1967. Il faut tout de même renouveler un peu les expositions pour que les gens continuent d'être attirés dans un musée. Or, ce musée n'a jamais eu les fonds nécessaires pour faire cela comme il faut.

Le sénateur Prud'homme: Mon père m'a appris une chose: si quelqu'un t'insulte en public, n'accepte pas ses excuses en privé, ne les accepte que devant ceux et celles qui étaient présents quand l'affront t'a été fait.

Vous savez, Ottawa est une usine à qu'en-dira-t-on. Il semble que vous ayez participé à une certaine réunion à Toronto, le week-end dernier. Avez-vous tenu une réunion préparatoire pour décider entre vous de qui devrait dire quoi? Il ne faut pas s'étonner que des gens lancent ce genre de rumeur.

Mon père, encore lui, me disait que dans la vie -- et c'est la règle que nous appliquons dans mon bureau -- il faut contre-vérifier et même contre-contre-vérifier les faits. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai résisté à 34 années de politique. Il faut toujours vérifier les faits. Il ne faut pas s'en remettre aux gens qui essaient de vous influencer. Il faut aller à la source et confirmer l'information soi-même. Par la suite, si l'on n'est pas satisfait, on peut toujours aller livrer bataille, mais il ne faut pas le faire avant de savoir qui sont vos ennemis.

M. MacDonald: Cette réunion avait été prévue six mois auparavant. Elle avait été prévue après la dernière réunion générale du conseil consultatif. Il a fallu du temps pour contacter les membres du comité qui avaient participé à un autre processus aux États-Unis, et s'entendre avec eux sur une date. Nous avons eu la chance d'accueillir un représentant du Imperial War Museum. Cette réunion n'avait rien à voir avec la présente séance.

Le sénateur Prud'homme: Cette réponse me convient.

Au fil des ans, j'ai appris qu'il faut être précis quand on parle avec des bureaucrates. On m'a d'ailleurs déjà dit que j'étais passé à deux doigts de poser des questions gênantes.

Je conviens que cette réunion n'a pas été convoquée à cette fin. Cependant, nous avons ici affaire à une concomitance d'événements: des fuites, des annonces et des articles de journaux. Vous ne vous êtes pas un tout petit peu entretenus entre vous sur ce qui allait se passer cette semaine?

M. MacDonald: Non.

Le sénateur Prud'homme: Officiellement et officieusement. Il faut être très prudent quand on parle avec des gens comme vous, parce que vous pourriez très bien dire que c'était officieux.

M. MacDonald: Toute cette réunion a été enregistrée et celle-ci n'a absolument pas porté sur cette séance de comité.

Le sénateur Prud'homme: Je ne veux pas que vous répondiez par oui ni par non. Dans notre cas également, tout ce qui a été fait cette semaine a été enregistré. Cependant, les sénateurs ont eu des discussions entre eux, hier soir au dîner. Je ne parle pas de ce qui s'est dit officiellement. C'est évident que vous n'alliez pas en parler officiellement.

M. MacDonald: Notre réunion de dimanche dernier a débuté tôt. Quand nous l'avons terminée, il était 15 heures et tout le monde est parti. Il n'y a pas eu d'autres rencontres.

Ce qu'il y a de bien avec ces audiences de comité, c'est que nos administrateurs sont très intéressés à la question.

Ils étaient cinq à cette réunion. D'ailleurs, l'un d'eux se trouve dans la salle et il pourra sans doute vous en parler; personnellement, j'estime qu'il a été très utile, pour nos administrateurs, d'élargir un peu la question de l'Holocauste et de savoir ce qui se fait dans le reste du monde à ce sujet. C'est sur cela que la réunion a porté.

Le sénateur Prud'homme: Vous comprenez pourquoi je dois vous poser cette question. Le Congrès juif canadien traite avec moi depuis des années. Malheureusement, on dirait que les anciens combattants juifs et le B'nai Brith ne veulent pas s'adresser directement à moi. Nos échanges se font par ouïe-dire. Ces gens-là sont tellement précis, tellement bien organisés, que j'ai du mal à croire que qui que ce soit puisse parler en leur nom sans qu'ils réagissent, comme dans le cas de ce document de quatre paragraphes que j'ai trouvé tellement confus que j'ai dû demander une traduction pour m'assurer que je l'avais bien compris. Parfois, la première personne du pluriel représente le Congrès juif canadien, les anciens combattants juifs, le B'nai Brith et le musée, et dans le troisième paragraphe, cette première personne du pluriel vous représente vous, et pas eux. Je me suis demandé quel genre de déclaration cela pouvait bien être. Qui sont ces «nous»? Qui a signé cette lettre? Vous nous dites que vous n'aviez rien à voir avec elle, et pourtant on l'a déposée sur mon bureau et j'ai presque commis une erreur.

En fin de compte, j'ai été impressionné comme tous les autres, par les jeunes qui ont comparu devant nous. Vous dites que le monde est en train de changer. C'est vrai que les communications changent. Les gens regardent la télévision, beaucoup trop à mon goût. Ils devraient plutôt lire Baudelaire ou les grands ouvrages politiques, comme ceux de Talleyrand. Mais la télévision exerce un tel pouvoir d'attraction de nos jours, qu'on n'a d'autres choix que de jouer la carte de la vidéo. Vous aurez donc une salle de projection. C'est peut-être un moyen moderne d'attirer de nouveau les jeunes dans les musées. Encore une fois, cela n'a rien à voir avec un Musée sur l'Holocauste. Celui-ci devrait être autonome. C'est quelque chose de beaucoup trop important pour qu'on le mélange à d'autres expositions. Où sera-t-il? C'est un autre débat. Personnellement, je serais heureux d'y prendre part et de donner un coup de main. Il est possible que la fréquentation du musée soit à la baisse à cause de la situation actuelle. Ce n'est pas parce que les expositions sont infectes. C'est parce que la clientèle change et que vous n'avez plus autant de gens qui ont vécu la guerre. Il est important de consigner cette mémoire collective avant que ceux qui la possèdent ne disparaissent.

Quand j'étais en Russie, j'ai suggéré aux administrateurs d'un musée de Leningrad de faire ce que nous faisons au Canada dans le cadre du programme des initiatives locales, qui consiste à enregistrer ceux et celles qui ne savent pas écrire. Eh bien, savez-vous ce qui se passe chez eux? Toutes ces vieilles femmes du Musée de Leningrad -- de Saint-Pétersbourg, maintenant -- en savent beaucoup plus que ce que contient n'importe quel livre d'histoire, même si elles ne savent pas écrire. L'histoire orale est en train de disparaître. Cependant, la Cour suprême reconnaît maintenant la tradition orale des autochtones. En effet, les autochtones se sont transmis leur histoire de bouche à oreille. C'est un peu comme la tradition orale de la communauté juive. J'espère que vous prendrez vos repères d'après ces jeunes Canadiens et Canadiennes, et pas d'après les personnes de 70 ni même de 60 ans, ni encore d'après les sénateurs. C'est ainsi que vous parviendrez à retenir l'attention des jeunes.

C'est tout ce que j'avais à dire. Je tiens à remercier le président qui a eu la patience de m'accueillir pendant la semaine, moi qui ne suis pas membre de son comité.

Quoi qu'il en soit, j'aimerais tout de même obtenir une réponse à ma question.

M. MacDonald: Je suis tout à fait d'accord avec vous, c'est ce dont nous avons besoin. Si nous voulons rajeunir notre audience, nous devrons avoir recours au multimédia ou nous adresser aux jeunes avec des moyens qu'ils peuvent comprendre. Ce qui est sensationnel, c'est que l'Office national du film vient juste de sortir 22 heures de films d'archive sur les Canadiens dans la Première Guerre mondiale. Les gens de l'ONF m'ont dit qu'avant cela il n'y en avait à peine plus de trois heures. C'est pour cela que nous avons besoin d'une salle de projection au Musée canadien de la guerre, c'est pour exposer les jeunes aux regards des témoins de l'histoire. C'est pour cela que nous insistons tant sur nos programmes didactiques.

Le sénateur Prud'homme: Et la dernière partie de ma question? Comment des mouvements aussi bien organisés que le Congrès juif canadien et le B'nai Brith peuvent-ils laisser passer une lettre comme celle-là non signée?

M. MacDonald: Je suppose qu'ils ont dû penser que celle-ci serait traitée à huis clos, et c'est pour cela qu'ils l'ont laissé partir sous cette forme. C'est pour cela aussi qu'elle n'a pas été publiée dans les deux langues officielles, sur notre papier à en-tête. Nous avons produit la version préliminaire, qui est passée par leurs hiérarchies respectives, et c'est ainsi qu'elle a abouti dans les mains du rabbin Bulka qui vous l'a envoyée.

Le sénateur Prud'homme: Vous venez de nous dire que c'est vous qui en avez produit la première version?

M. MacDonald: Oui, et c'est eux qui l'ont fait circuler.

Le sénateur Prud'homme: Eh bien, on dirait qu'ils s'y sont mal pris.

M. MacDonald: Il y a eu au moins les responsables des organisations qui l'ont vue.

Le sénateur Prud'homme: Si jamais j'étais président d'un comité, comme je l'ai été pendant plus de 30 ans à la Chambre des communes, je vous demanderai d'avoir l'obligeance de ne jamais me faire parvenir de lettre ouverte avant de comparaître devant mon comité, contrairement à ce que vous venez de faire au sénateur Phillips.

M. MacDonald: Je prends bonne note de votre conseil.

Le président: Je vais remercier les témoins. M. MacDonald, je tiens à vous rappeler ce que vous nous avez déclaré, c'est-à-dire que vous avez interrompu la planification. Cependant, j'estime que vous auriez dû au moins faire arpenter votre terrain dans les premières phases de la planification. Le fait que vous ayez fait préparer des plans pour la construction d'un immeuble sans même connaître la dimension du terrain que vous occupez illustre, mieux que n'importe quoi d'autre, le genre de planification boiteuse et de manque de considérations dont vous avez fait preuve dans ce dossier. Vous auriez au moins pu faire faire un bornage.

Bien, je veux à présent parler d'une autre question avec les membres du comité.

On m'a appris que Mme Copps, que nous essayons d'inviter à notre comité depuis un mois, se propose de venir nous rencontrer lundi à 15 h 15.

Je tiens à souligner au comité, à la presse et aux médias que les sénateurs ici présents ont siégé toute cette semaine, bien que le comité ne siège pas, puisqu'il ne reprendra ses travaux que mardi. Je m'en remets à vous, mais je pense qu'il serait mieux qu'elle comparaisse mardi à 15 h 15, plutôt que lundi.

Qu'en pensez-vous?

Le sénateur Forest: Monsieur le président, j'ai déjà pris des engagements en Alberta et je ne peux pas les modifier à si peu de préavis, mais si les autres membres du comité veulent rencontrer la ministre, je n'ai rien contre.

Le sénateur Chalifoux: Je ferai comme vous voudrez.

Le président: Eh bien nous nous rencontrerons plus tard à ce propos.

Avant de lever la séance, je tiens à remercier tous nos témoins, le personnel, les pages et tous ceux et toutes celles qui nous ont donné un coup de main. Vous êtes nombreux. Je tiens aussi à exprimer nos remerciements à ceux et à celles qui nous ont soumis des mémoires écrits, dans des délais aussi serrés. Sachez que nous les examinerons, tout comme ceux qu'on nous a remis ici.

La séance est levée.


Haut de page