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VETE

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du sous-comité des
Affaires des anciens combattants

Fascicule 8 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 11 février 1998

Le sous-comité des affaires des anciens combattants du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 15 h 16 pour poursuivre son étude sur toutes les questions ayant trait à l'avenir du Musée canadien de la guerre, incluant, sans s'y limiter, sa structure, son budget, son nom et son autonomie.

Le sénateur Orville H. Phillips (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, nous avons le quorum.

Nous accueillons aujourd'hui l'honorable Sheila Copps, ministre du Patrimoine canadien. C'est la première fois que Mme Copps comparaît devant le sous-comité des affaires des anciens combattants. Nous vous souhaitons la bienvenue. Nous vous demanderons de faire une brève présentation après quoi les sénateurs vous poseront des questions.

L'honorable Sheila Copps, députée, c.p., ministre du Patrimoine canadien: Honorables sénateurs, je serai brève. Je tiens à remercier les membres du sous-comité. Nos sénateurs se sont fait les champions de la protection et du respect de notre patrimoine et n'ont pas ménagé leurs efforts pour tendre la main vers nos anciens combattants. Je tiens également à vous remercier d'avoir tenu des audiences qui permettent à tous les intéressés de se faire entendre.

Tout au long du processus mis sur pied par votre sous-comité, j'espère que vous nous fournirez l'orientation qui nous permettra d'atteindre un consensus. Je tiens également à vous remercier d'avoir mis l'accent sur le patrimoine de notre pays et notre fier patrimoine militaire sur lequel on n'insistera jamais assez. Les récits des expériences des anciens combattants et des survivants de l'Holocauste sont les récits les plus poignants de l'histoire contemporaine.

[Français]

L'esprit d'héroïsme et de sacrifice des soldats canadiens sont des sources de fierté pour notre pays. Quant aux souffrances engendrées par l'Holocauste, elles ont marqué à jamais l'histoire de l'humanité. Ces deux questions doivent être traitées avec respect et compréhension.

[Traduction]

Le respect mutuel est le fondement même du Canada et de la démarche que nous adoptons sur cette question. Le Canada, par sa nature même, trouve son consensus dans la diversité. Nous devons bâtir des ponts entre le passé et l'avenir et bâtir des ponts entre les Canadiens.

En essayant d'arriver à un consensus, nous devons nous poser les questions suivantes: comment pouvons-nous adopter une démarche à plus long terme? Comment pouvons-nous aider les jeunes Canadiens à comprendre notre histoire militaire? Comment pouvons-nous aider tous les Canadiens à comprendre l'importance de l'Holocauste?

[Français]

Nos anciens combattants et les bénévoles du Musée de la guerre sont les ambassadeurs du musée et du pays. Nous devons faire savoir aux Canadiens que peu importe la décision, le Musée de la guerre est leur musée et non pas celui des politiciens et des bureaucrates. J'attends avec le plus vif intérêt les conseils du Sénat sur ces questions capitales que sont l'authenticité, la représentativité, l'éducation et la commémoration.

Je suis parfaitement consciente que les ministres doivent respecter l'autonomie de fonctionnement des musées nationaux. Je ne voudrais pas décider de la façon d'interpréter ou de réviser l'histoire.

Cela dit, je suis honorée d'être responsable devant les Canadiens et les Canadiennes des orientations stratégiques de l'ensemble des musées. Je m'efforcerai avec le plus grand sérieux de dégager un consensus avec vous.

[Traduction]

Il est important que les intérêts de chacun soient représentés et que chacun soit entendu dans ce débat. Pour favoriser cette démarche, le gouvernement a récemment nommé l'honorable Barney Danson au conseil d'administration du Musée canadien des civilisations où il siégera comme président du conseil consultatif du Musée de la guerre.

Je suis ouverte aux idées et aux réflexions sur le rôle des anciens combattants dans l'orientation du Musée de la guerre; sur la contribution des soldats autochtones à la Seconde Guerre mondiale; sur la meilleure façon d'élargir la portée du musée; sur la nécessité d'augmenter le nombre de salles d'exposition où seront présentés nos artefacts et les rôles de tous les anciens combattants; sur le lien entre le Musée de la guerre et le Musée canadien des civilisations; sur la façon de trouver des moyens appropriés de souligner le rôle des soldats canadiens dans les conflits modernes; sur l'opportunité d'établir une structure consultative plus formelle; sur la façon d'améliorer l'efficacité des liens entre le Musée de la guerre et d'autres musées militaires, comme le War Plane Heritage Museum dans ma propre collectivité d'Hamilton; sur celui ou celle qui pourrait être le ministre responsable; et sur le rôle que devrait jouer le président du comité consultatif.

Je tiens à préciser, honorables sénateurs, que je n'ai pas toutes les réponses mais je suis ouverte d'esprit.

[Français]

C'est avec beaucoup d'enthousiasme que je souhaite travailler avec vous et avec mon collègue, Chuck Gruchy, le directeur général du Patrimoine canadien. Nous mettrons à profit la sagesse des témoins qui ont comparu devant vous. Je veux m'associer aux efforts des bénévoles et du personnel dévoué du musée et trouver des réponses dont nous serons fiers et qui feront honneur à notre passé.

J'espère que nous arriverons ensemble à trouver ces réponses et à faire comprendre aux Canadiens et aux Canadiennes le contexte de l'époque, de quel étoffe étaient faits les héros, quels ont été les sacrifices et les événements historiques qui ont forgé notre identité et qui ont assuré la victoire de la liberté et de la démocratie.

[Traduction]

Je suis persuadée que votre sagesse, sénateur Phillips, et celle de votre comité et des Canadiens intéressés, nous permettra de traverser une période difficile et de surmonter un problème grave et de témoigner de notre respect envers notre patrimoine et envers nos compatriotes, qui sont les pierres angulaires de notre nation.

Le sénateur Jessiman: Madame la ministre, je tiens à vous remercier d'avoir accepté de comparaître devant le comité. J'aimerais préciser qu'avant le 21 décembre 1967, le Musée canadien de la guerre avait son propre conseil d'administration. Le 21 décembre 1967, la Loi sur les musées nationaux a reçu la sanction royale. Cette loi a créé la Société des musées nationaux et son conseil d'administration, et a désigné le conseil d'administration du Musée canadien de la guerre comme le comité consultatif du Musée canadien de la guerre.

En 1990, une loi du Parlement établissait la société qui serait appelée la Société du Musée canadien des civilisations, une société que vous connaissez bien et dont vous êtes responsable. La loi prévoit que le Musée canadien des civilisations comprendra le Musée canadien de la guerre, ce dont vous êtes bien sûr au courant.

Le conseil d'administration nommé à l'époque se composait entre autres de deux membres qui possédaient une expérience militaire. Ce conseil nommé en 1990 s'est réuni et a adopté la résolution suivante:

Attendu que le Musée canadien de la guerre est un musée affilié du Musée canadien des civilisations et possède des programmes et des activités distinctes de ce dernier; attendu que le directeur du Musée canadien des civilisations profiterait de conseils sur des questions particulières au Musée canadien de la guerre; attendu que de tels conseils devraient être dispensés par un comité consultatif; attendu qu'il existait un comité consultatif du Musée canadien de la guerre avant le 1er juillet 1990; et attendu que l'article 22 de la Loi sur les musées autorise le conseil d'administration à adopter la présente résolution, il est résolu que le conseil d'administration du Musée canadien des civilisations confirme dans ses fonctions l'ancien comité consultatif du Musée canadien de la guerre qui fonctionnera selon le mandat qui lui a été confié à moins que le conseil en décide autrement.

Cela semble une résolution raisonnable adoptée par un conseil comme celui-là, ne croyez-vous pas?

Mme Copps: Tout à fait.

Le sénateur Jessiman: Je suis d'accord, moi aussi.

Lorsque votre gouvernement a pris le pouvoir, avant que vous soyez nommée ministre, le mandat de deux des membres du conseil possédant une expérience militaire a expiré ou a pris fin pour une raison quelconque. Votre gouvernement a alors décidé de ne pas nommer au conseil des membres possédant une expérience militaire. Pourquoi a-t-il pris cette décision?

Mme Copps: Je crois que nous avons rectifié la situation. C'est pourquoi j'ai recommandé la nomination de l'honorable Barney Danson.

Le sénateur Jessiman: Vous venez de nommer quelqu'un. Depuis 1995 environ, c'est-à-dire il y a au moins trois ans, le conseil ne profitait pas de ce genre d'expérience. Vous nous avez répondu qu'il n'y avait pas de raison précise. Vous n'aviez pas de raison de ne pas vouloir de militaires au sein du conseil ou de décider de ne pas en nommer?

Mme Copps: Vous avez souligné que je n'étais pas responsable des recommandations qui ont été formulées. Lorsque j'ai constaté, par suite de discussions informelles avec certains anciens combattants -- car je suis membre de la filiale 58 de la Légion royale canadienne à Hamilton -- j'ai estimé que le Musée de la guerre devrait être plus directement représenté au conseil et c'est pourquoi j'ai fait la recommandation.

Comme vous le savez, lorsque des gens sont nommés, ils restent un certain temps, puis ils prennent leur retraite. Depuis que je suis ministre du Patrimoine canadien, peu de gens ont pris leur retraite. Cela prend donc un certain temps.

Le sénateur Jessiman: Lors de mes recherches, j'ai découvert que la première personne ayant de l'expérience militaire à prendre sa retraite, l'a prise en juin 1994 et la suivante l'a prise en juin 1995.

Mme Copps: Cela éclaircit ce que je viens de dire. Lorsque je suis entrée en fonction, un certain nombre d'anciens combattants ont fait des démarches auprès de moi parce que certaines consultations qu'ils estimaient nécessaires n'avaient pas eu lieu. C'est pourquoi nous avons tâché de remédier à la situation. Je ne crois pas qu'une seule personne puisse y remédier.

J'aimerais souligner une autre chose, sénateur. Lorsque vous parlez des nominations à tous ces conseils, toutes ces personnes qui acceptent de servir leur pays dans le cadre de ces nominations par décret ne sont pas rémunérées. Elles le font parce qu'elles aiment leur pays et qu'elles veulent apporter leur contribution. De toute évidence, nous tâchons d'assurer la meilleure représentation possible de gens compétents. J'ai effectivement constaté que le conseil n'avait pas de représentant militaire et c'est pourquoi nous avons décidé de recommander la nomination de l'honorable Barney Danson, et il faut un certain temps pour mener à bien ce processus.

Je ne veux pas dénigrer les autres membres qui ont été nommés parce que, parfois, quand vous mettez sur pied un conseil et que vous essayez de choisir des représentants de tous les milieux, il arrive qu'un groupe soit laissé de côté. Dans ce cas-ci, on a commis un impair.

Le sénateur Jessiman: Madame la ministre, comme on prévoit nommer un autre membre vers la fin de l'année, peut-on s'attendre à ce que la personne désignée connaisse le monde militaire?

Mme Copps: Il faudrait examiner les questions touchant la structure du conseil sous un angle plus vaste. Je ne crois pas que ce sont les personnes désignées qui définissent nécessairement les orientations du conseil. On a exprimé des inquiétudes au sujet des liens qui existent entre le Musée canadien de la guerre et le Musée canadien des civilisations, et l'honorable Barney Danson est très bien placé pour examiner cette question. Nous espérons que les recommandations qu'ils formuleront pourront être incorporées dans un plan éventuel.

Le sénateur Jessiman: Vous étiez responsable de ce ministère en 1995, quand Mme Adrienne Clarkson a été nommée présidente du conseil. À votre avis, le gouvernement savait-il à l'époque qu'on envisageait d'abolir le comité consultatif institué en 1967?

Mme Copps: Je n'en ai aucune idée.

Le sénateur Jessiman: Vous n'en saviez rien?

Mme Copps: Pas du tout. Vous m'apprenez des choses aujourd'hui.

Le sénateur Jessiman: Eh bien, ce comité a effectivement été aboli. Non seulement votre gouvernement avait-il négligé de nommer des personnes qui connaissent le monde militaire, mais pour une raison ou une autre, celles-ci ont décidé, dans leur grande sagesse, d'abolir quelque chose qui existait depuis plus de 25 ou 30 ans. N'eut été de cette décision, nous ne serions peut-être ici aujourd'hui.

J'aimerais maintenant vous parler de votre communiqué. Je sais que vous ne l'avez pas rédigé, mais je suis certain que vous l'avez lu.

Mme Copps: De quel communiqué s'agit-il? J'en ai émis plusieurs. Je ne sais pas de quel communiqué vous parlez.

Le sénateur Jessiman: Celui dans lequel vous parlez de Barney Danson. Je vais le lire en partie, si vous me le permettez.

La ministre du Patrimoine canadien, Sheila Copps, a annoncé aujourd'hui que l'honorable Barney J. Danson a été nommé au conseil d'administration du Musée canadien des civilisations.

Nous tenons à vous remercier pour cela.

La ministre Copps ajoute ensuite:

M. Danson aura pour mandat, entre autres, de présider le comité consultatif du Musée canadien de la guerre et de fournir des conseils sur toute question touchant le musée.

D'abord, comment pouvez-vous dire qu'il sera nommé à ce poste?

Mme Copps: La Loi sur les musées de 1990 précise que les ministres sont chargés d'établir les grandes orientations stratégiques. J'ai l'intention de participer aux discussions du conseil pour faire en sorte que ces grandes orientations soient établies sous la direction de M. Danson.

Le sénateur Jessiman: Vous dites alors que vous avez parlé à quelqu'un?

Mme Copps: Bien sûr.

Le sénateur Jessiman: Pouvez-vous nous dire à qui?

Mme Copps: À M. Danson.

Le sénateur Jessiman: Il n'a pas le pouvoir de se nommer. Je n'essaie pas de vous prendre au piège, madame la ministre. Il n'a pas été nommé. Bien qu'on nous ait dit, plus tôt, que le comité ne s'était pas réuni parce qu'il n'y avait pas de représentant militaire au sein du conseil, il y a effectivement eu une réunion, par voie de téléconférence le 4 décembre, à laquelle étaient présents dix membres sur onze, et ce, après que la présidente eut annoncé, le 28 novembre, qu'un tel comité serait établi. Le comité a été créé. Il est composé, à l'exception d'une seule personne, d'employés du Musée canadien des civilisations. Il n'a pas encore tenu de réunion pour nommer M. Danson à la présidence. En fait, les autres membres n'ont pas encore été désignés.

Mme Copps: C'est parce que le conseil ne se réunit que quatre fois par année. La prochaine réunion doit avoir lieu dans quelques jours.

Le sénateur Jessiman: Vous espérez donc, madame Copps, qu'avec M. Danson, le comité consultatif pourra intercéder en faveur des anciens combattants auprès du conseil?

Mme Copps: Je suis convaincue que les antécédents et les compétences incroyables de M. Danson nous aideront à parvenir à un consensus sur une question qui n'a pas encore été explorée à fond.

Le président: À la suite de notre réunion, vendredi dernier, Adrienne Clarkson a tenu un point de presse au cours duquel elle a annoncé que le projet d'agrandissement du Musée de la guerre avait été mis en attente pendant au moins cinq ou six ans. Ma question est la suivante: est-ce qu'elle parlait en votre nom, madame la ministre et, dans la négative, pouvez-vous garantir au comité et aux anciens combattants que le projet d'agrandissement du Musée de la guerre ira de l'avant comme prévu, sans la salle de l'Holocauste, que le musée disposera des fonds nécessaires et qu'il sera autonome?

Mme Copps: Sénateur, la première fois que j'ai eu l'occasion d'examiner la maquette du nouvel édifice, où l'aire d'exposition consacrée aux artefacts militaires sera presque doublée, c'est le jour où l'on a dédié l'esplanade à General Motors et aux employés de General Motors qui ont participé aux deux grandes guerres. Ce jour-là, le conseil m'a parlé de la campagne de levée de fonds qu'il avait organisée. Il m'a laissé entendre que, pour compléter les travaux d'agrandissement avec ou sans la galerie, il aurait besoin de 8 à 10 millions de plus, et il a dit espérer que le gouvernement fédéral verserait la moitié de ce montant.

Nous recevons en ce moment des demandes de plusieurs organismes, dont le Centre national des arts, le Musée canadien de la guerre et divers autres musées nationaux, pour des projets du millénaire. Ce projet-ci figurera très certainement en tête de liste. Toutefois, je ne peux pas dire que nous avons en main les ressources financières requises parce que cette dépense n'est pas prévue dans notre budget de fonctionnement. Nous devrons faire une demande pour obtenir des fonds additionnels.

Le président: Vous avez omis de répondre à un volet important de ma question, madame la ministre. Est-ce que le projet d'agrandissement va, oui ou non, être mis en attente pendant cinq ou six ans?

Mme Copps: J'en ai entendu parler pour la première fois lors du point de presse, tout comme vous. Je n'ai eu aucune discussion à ce sujet. En fait, nous espérons tous, si nous arrivons à rassembler les fonds nécessaires, aller de l'avant plus rapidement avec ce projet. Je dois rencontrer demain le président de l'Association des musées canadiens, qui voudrait qu'on augmente le budget alloué à l'ensemble des musées. Nous devons faire le tour de la question. Il souhaite que le gouvernement fédéral injecte de 4 à 5 millions de dollars dans ce projet, en plus des fonds qu'il verse déjà. Nous serions disposés à donner suite à cette requête, sauf que nous recevons des demandes d'autres organismes pour des projets du millénaire de même nature -- pas sur le plan de la conception, mais qui englobent des travaux d'agrandissement.

Le président: Le rapport Southam sur le Musée canadien de la guerre, qui a été déposé en 1991, recommandait que le Musée soit considéré comme une entité distincte dotée de son propre conseil d'administration. Êtes-vous d'accord avec cette proposition?

Mme Copps: J'ai demandé à David Pratt, qui est le député de Nepean et qui s'intéresse de près aux questions touchant les militaires et les anciens combattants, de s'occuper de ce dossier. Je sais qu'il a rencontré plusieurs anciens combattants et qu'il a certaines idées là-dessus. Il est clair, à ce stade-ci, que nous devons établir un nouveau partenariat. Sous quelle forme? Je ne le sais pas. M. Pratt, les membres du conseil du Musée canadien des civilisations, le comité consultatif spécial qui sera maintenant présidé par Barney Danson, auront l'occasion d'explorer bon nombre de ces questions et de soumettre des recommandations. Je ne suis pas contre cette idée, mais je ne suis pas prête non plus à l'entériner aujourd'hui.

Le président: Pouvez-vous garantir au comité que les associations d'anciens combattants seront consultées à cet égard?

Mme Copps: Absolument. Je ne sais pas s'il y a des anciens combattants qui sont ici présents aujourd'hui.

Le président: Il suffit de jeter un coup d'oeil autour de la salle.

Mme Copps: Je m'excuse, je parlais des anciens combattants que j'ai rencontrés lors d'une exposition à la Maison Vimy. Ce sont les conversations que j'ai eues avec certains d'entre eux, juste avant mon départ pour la France, où j'ai participé à une cérémonie au cours de laquelle Beaumont Hamel a été désigné lieu historique national, qui m'ont convaincues d'engager ce processus. C'est pour cette raison, en partie, que nous avons reconstitué le comité spécial. Ils m'ont dit qu'ils n'étaient pas satisfaits du processus de consultation, et c'est pour cette raison, en partie, que nous avons rétabli le comité consultatif, en plus d'effectuer d'autres changements.

Le sénateur Chalifoux: Avez-vous pris connaissance des recommandations du groupe de travail de 1991 sur les musées d'histoire militaire? Il a proposé, entre autres, que le Musée canadien de la guerre relève du ministère des Affaires des anciens combattants. Quel est votre avis là-dessus?

Mme Copps: Si vous avez l'occasion de mettre la main sur le numéro de janvier/février de la revue Legion, vous pourrez lire, plus en détail, certaines des opinions que j'ai exprimées là-dessus.

Je me suis entretenue à ce sujet avec mon collègue, M. Mifflin. À mon avis, les projets d'agrandissement ne doivent pas être limités aux musées d'Ottawa. J'aimerais que le Musée canadien de la guerre, par exemple, les musées d'histoire militaire situés dans d'autres régions, comme le War Plane Heritage Museum, qui se trouve dans ma propre ville, de même que les divers musées de la marine, établissent des liens entre eux et avec les établissements d'enseignement. Nous devons enseigner le passé à nos enfants.

Quand Beaumont Hamel a été désigné premier lieu historique national à l'extérieur du Canada, j'ai été fort émue. J'ai assisté à de nombreuses cérémonies et j'ai passé beaucoup de temps avec des anciens combattants, mais c'était la première fois que je prenais vraiment conscience de la réalité de la guerre. Tous les jeunes Canadiens devraient avoir l'occasion de visiter un champ de bataille, même si ce n'est que de façon virtuelle, par ordinateur. Or, la seule façon de le faire, c'est en établissant des liens plus formels entre les divers musées d'histoire militaire. Le Musée de la guerre peut peut-être jouer un rôle à cet égard. C'est ce que j'entrevois à plus long terme.

Quand je me suis entretenue à ce sujet avec M. Mifflin, il m'a dit que le ministère du Patrimoine disposait d'une plus grande marge manoeuvre que son ministère sur le plan financier. Même s'il estimait que cette démarche n'était pas nécessairement la meilleure, il était disposé à collaborer avec nous. Nous avons eu de nombreuses discussions à ce sujet. Je lui ai demandé conseil, ainsi qu'à son personnel, et ils ont participé à toutes les discussions qui ont précédé la nomination de M. Danson au sein du comité élargi.

Le sénateur Chalifoux: Cette série d'audiences porte sur l'aménagement d'une salle de l'Holocauste à l'intérieur du Musée de la guerre. Toutes les associations d'anciens combattants que nous avons rencontrées se sont dites tout à fait d'accord avec l'idée, sauf que, à leur avis, le musée de l'Holocauste devrait être une institution autonome. Est-ce que votre ministère sait ce que l'on prévoit faire à ce sujet?

Mme Copps: Nous devons donner au processus le temps de faire ses preuves, parce je constate qu'il y a un véritable consensus qui se dégage de ce comité. Avant la tenue de ces discussions, nous n'entendions que des propos discordants. Maintenant que nous nous dirigeons vers un consensus, nous sommes disposés à donner suite aux recommandations que le comité pourrait formuler.

L'autre grand défi que nous devons relever est celui des dépenses. Manifestement, tout projet d'agrandissement exige de nouvelles dépenses en capital. Nous devons voir ce qui, de manière générale, peut être fait tous les domaines pour souligner le nouveau millénaire.

Le sénateur Chalifoux: Les associations des anciens combattants ont clairement laissé entendre que cette salle devait être aménagée dans le Musée canadien des civilisations ou dans un autre musée en raison des autres génocides qui se sont produits pendant des centaines et des centaines d'années. D'après le ministère, cette salle devrait-elle être aménagée dans ce musée?

Mme Copps: C'est ce qu'ils vont examiner. Il me tarde de connaître leurs recommandations. Il ne faut pas oublier que tous ces gens ont été réunis parce qu'ils veulent accomplir quelque chose d'utile et sensibiliser les jeunes à notre passé. Il se peut que des erreurs aient été commises ou que certaines consultations aient été mal menées, mais repartons de zéro et voyons si nous ne pouvons pas arriver à un consensus.

[Français]

Le sénateur Prud'homme: Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre. Je suis très heureux de vous voir ici aujourd'hui. Cela me rappelle d'excellents souvenirs. Je vois la presse qui va s'exciter avec ces souvenirs, on va les laisser méditer.

[Traduction]

Vous avez suivi les discussions qui ont eu lieu la semaine dernière et au cours desquelles nous avons entendu plus de 50 témoins. Ce fut un honneur pour moi d'assister à ces réunions parce que je ne fais pas partie de ce comité.

Je vais aller droit au but. Vous savez à quel point les Canadiens sont sensibles. En caucus, Pierre Trudeau nous disait toujours qu'il fallait éviter de créer des tensions entre les Canadiens. C'est pour cette raison que j'ai assisté aux réunions la semaine dernière. Voilà ce qui se produit lorsque des gens qui ne tiennent pas compte de ce que pensent les Canadiens prennent une mauvaise décision. Je ne peux l'exprimer autrement. Ils ont fait preuve d'un manque total de sensibilité et de savoir-faire.

Je sais que vous voulez corriger cette situation. J'ose croire que vous voulez la corriger, et je veux que vous fassiez quelque chose. Le Sénat vous demandera vraisemblablement d'intervenir en toute indépendance. C'est important, quand il s'agit de prendre une décision politique. Il ne faut toutefois pas oublier que cela risque de créer des tensions entre les Canadiens. Une décision politique s'impose donc.

À mon avis, on a eu tort de dresser les tenants de la salle de l'Holocauste contre ceux du Musée de la guerre. On a eu tort de le faire. Certains ont mal réagi quand, le 1er février 1997, Fred Gaffen a dit: «Oui, il y aura une salle de l'Holocauste.» Cet historien de 51 ans, qui est un spécialiste des musées de la guerre, a dressé les plans de la salle de l'Holocauste. Il a dit qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter, que cette salle serait loin d'être ordinaire. Il comptait s'attaquer à Mackenzie King et à son antisémitisme.

J'ai toujours cru que Mackenzie King était un grand premier ministre. Il est si facile pour les gens de critiquer les décisions des autres, après coup.

J'ai explosé quand M. Abella, un des témoins, et M. Gaffen ont convenu que l'antisémitisme était répandu. Il a commencé à parler de l'Église catholique du Québec et d'éléments influents dans les médias.

Nous avons eu tort de diviser les Canadiens sur cette question à ce moment-là, et nous avons tort de le faire aujourd'hui.

La plupart des témoins qui ont comparu devant le comité ont déclaré que les deux musées devaient être autonomes. Si nous voulons créer une autre galerie, qu'on le fasse ailleurs. Personne ne s'y oppose.

Nous ne sommes toujours pas convaincus que cela va se faire. Les gens continuent de dire à la presse qu'ils n'arrivent pas à trouver une solution. Certains prétendent qu'ils vont obliger le gouvernement à respecter l'engagement qu'il a pris. Je ne crois pas que vous ayez eu un rôle à jouer là-dedans. Sinon, vous l'auriez dit. Ils prétendent qu'ils vont vous obliger à regrouper ces deux musées.

Me question est la suivante: croyez-vous que les deux musées devraient être regroupés? Deuxièmement, comme on l'a recommandé en 1991, croyez-vous que le Musée de la guerre devrait relever du ministère des Affaires des anciens combattants?

Ces mots sont importants: expérience du monde militaire. En politique, il est important d'être associé à des gens plus âgés qui ont l'expérience du monde politique. Il faut faire en sorte que le Musée de la guerre soit représenté par des personnes qui connaissent bien le monde militaire, ce qui n'est pas le cas présentement. Je suis certain que ces gens qui sont versés en art et en peinture font de l'excellent travail, mais je doute qu'ils s'intéressent aux questions militaires.

Nous sommes à l'aube de l'an 2000 et tout le monde veut lancer des projets. Pourquoi ne pas déclarer tout simplement que le Musée de la guerre est le meilleur endroit où expliquer l'histoire et l'évolution du Canada?

Madame la ministre, cette question dérange beaucoup les gens. Je n'ai jamais rien vu de pareil.

Le sénateur Cools: Nous pourrions peut-être demander à un membre du personnel de remettre une copie de l'article à la ministre. Elle n'était pas à la tête du ministère le 1er février 1997.

Mme Copps: J'ai consulté M. Gaffen à ce sujet, et nous avons essayé de voir comment nous pourrions tirer le maximum de cette situation. Nous devrions nous éloigner de ce débat et nous concentrer plutôt sur la question de savoir comment nous pouvons enseigner notre passé à une génération d'enfants qui ne connaît rien aux réalités de la guerre afin d'éviter qu'elle ne commette les mêmes erreurs.

Nous pourrions, par exemple, essayer de voir qui, au sein du gouvernement, serait le mieux placé pour mener à bien ce projet à l'échelle nationale. Nous pourrions faire appel au ministère de la Défense nationale. J'ai eu quelques discussions préliminaires à ce sujet avec Art Eggleton, en partie parce que, d'après moi, nous avons beaucoup d'institutions militaires dans ce pays qui sont peu connues du public, des enfants. Nous avons, dans ma propre circonscription, mis sur pied un groupe de personne qui se chargera de construire un sentier de la guerre de 1812. Nous habitons à 100 kilomètres de la frontière américaine et la plupart des Canadiens ne savent pas que c'est lors de la bataille de Stoney Creek que nous avons pu affirmer notre identité. Cela devrait faire partie d'un programme historique muséologique, ce qui correspond à ce que vous voulez faire. C'est une possibilité.

Il est un autre point dont nous devons tenir compte, et c'est celui de l'administration financière. Si vous prenez une institution -- disons le Musée de la guerre -- et que vous la rattachez à un ministère différent, vous pouvez très bien, si vous ne la dotez pas d'une infrastructure et d'une vision, vous retrouver avec quelque chose qui va à l'encontre du but recherché.

Vous avez tout à fait raison de dire que cette démarche, contrairement au processus politique, n'était pas fondée sur la recherche d'un consensus. Or, les instigateurs de ce projet voulaient sincèrement rendre le musée encore plus accessible aux Canadiens. Vous allez constater, si vous vous rendez au musée, qu'il y a un manque d'espace. Quarante p. 100 des artefacts ne peuvent être exposés. Le musée a donc besoin d'être agrandi.

Qui est le mieux placé pour le faire et comment?

Aucune solution ne sera exclue, mais je crois que l'honorable Barney Danson aura l'occasion de se pencher sur ces questions, qui sont toutes pertinentes. Si nous voulons que les gens apprennent à connaître l'histoire militaire du Canada, ils doivent pouvoir le faire non pas dans un seul édifice, mais dans plusieurs musées situés à travers le Canada. C'est peut-être une meilleure solution.

Nous sommes en train de préparer, en collaboration avec la revue Legion, des CD-ROM qui seront distribués dans les écoles. Nous n'avons pas émis de communiqué à ce sujet, mais il s'agit de documentaires où des petits-enfants interrogent leurs grands-parents au sujet de la guerre. La plupart des enfants aujourd'hui ne connaissent rien à la guerre. Nous voulons élargir et agrandir notre champ de connaissances sur le sujet. Il y a beaucoup à dire là-dessus.

Le MDN est peut-être mieux placé, sur le plan financier, que le ministère des Anciens combattants pour réaliser ce genre de projet et établir des infrastructures à l'échelle nationale. Pour créer un réseau pancanadien, il faut avoir des musées dans toutes les provinces. Et c'est ce que nous avons présentement avec l'Association des musées canadiens, un organisme sans but lucratif qui représente plus de 1 000 musées à l'échelle nationale. Cette synergie aide beaucoup.

Le sénateur Cools: Madame Copps, j'aimerais vous remercier d'avoir comparu devant nous cet après-midi. Le sénateur Phillips, qui a été affecté au Bomber Command, a indiqué que c'est la première fois que vous comparaissez -- non pas devant un comité du Sénat, mais devant le sous-comité des affaires des anciens combattants. C'est une bonne chose, parce qu'il y en a plusieurs ici qui ne savaient pas qu'il y avait un lien entre Patrimoine Canada et le ministère des Anciens combattants.

Je suis très heureuse de vous voir ici aujourd'hui. Le comité m'avait dit que je n'arriverais pas à vous convaincre de venir. Ma crédibilité était en jeu. Le sénateur Prud'homme, qui siège comme indépendant, me questionnait tous les jours à ce sujet. Je continuais de dire que vous alliez venir nous rencontrer.

Lorsque je vous ai demandé de comparaître devant nous, j'ai constaté que vous étiez tout à fait prête et disposée à le faire. Je tiens à ce que tout le monde le sache.

Madame la ministre, s'il y a une chose que nous avons apprise, outre le fait que nous devons organiser des séances de consultation formelles avec les sociétés de la Couronne, c'est que la méfiance peut croître très rapidement dans notre milieu. Bon nombre de ces personnes se sont battues pour la paix. Or, nous devons intervenir pour ramener la paix dans ce dossier-ci.

En tant que membre représentant le Parti libéral, je vous remercie de la rapidité avec laquelle vous êtes intervenue dans ce dossier, et aussi de l'intérêt que vous portez à l'histoire canadienne, aux anciens combattants et à toutes nos communautés. Vous agissez de façon responsable et je vous en félicite.

Le président: Le comité est heureux de vous entendre dire qu'il y a un consensus qui commence à se dégager des discussions. Je tiens à vous dire que nous poursuivrons nos efforts en ce sens. Nous serions très heureux de rencontrer des anciens combattants ou des représentants de la communauté muséale, ainsi de suite, si cela peut nous aider à bâtir ce consensus.

Je vous remercie d'être venue nous rencontrer cet après-midi.

La séance est levée.


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