Aller au contenu
VETE

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du sous-comité des
anciens combattants

Fascicule 11 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 9 juin 1998

Le sous-comité des affaires des anciens combattants du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 17 h 45, afin de poursuivre son examen de l'état des soins de santé au Canada dispensés aux anciens combattants et aux membres des Forces armées canadiennes.

Le sénateur Orville H. Phillips (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, quand nous avons effectué notre étude sur les soins de santé, l'automne dernier, nous n'avons pas eu le temps de visiter le Centre de santé Perley-Rideau pour les anciens combattants, même si nous avions reçu une invitation en ce sens. Il y a un aujourd'hui un différend qui oppose le Centre et le gouvernement provincial. Ce soir, nous accueillons deux groupes d'anciens combattants qui s'intéressent de près au Centre Perley-Rideau pour les anciens combattants.

Nous allons d'abord entendre le Conseil national des associations d'anciens combattants du Canada. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de vous présenter les témoins, MM. Chadderton et Forbes étant bien connus du comité.

Je vous souhaite la bienvenue. Vous avez la parole.

M. H.C. Chadderton, président, Conseil national des associations d'anciens combattants du Canada: Honorables sénateurs, ce dossier nous intéresse depuis déjà un bon moment. Ce n'est qu'au cours des dernières semaines qu'il a été rendu public. L'exposé d'aujourd'hui porte sur le Centre de santé Perley-Rideau pour les anciens combattants. Je tiens à préciser que, même s'il y a une affaire en instance devant les tribunaux, nous allons uniquement traiter, pour l'instant, de l'inaction du ministère des Anciens combattants dans le dossier de la subvention de soutien accordée au foyer Perley.

Le principal joueur, dans l'entente de transfert, était, bien entendu, le gouvernement fédéral, au nom du ministère des Anciens combattants. Vous en avez déjà entendu parler l'autre jour, mais la province a reçu environ 35 millions de dollars, en espèces, dans le cadre de cette entente. Elle a reçu un montant additionnel de 9 millions de dollars du foyer Perley et de la communauté. En outre -- et on le mentionne rarement -- la province a pris en charge ce qui était jadis l'hôpital Rideau pour anciens combattants. Les autorités fiscales, à Ottawa, m'ont informé aujourd'hui que ces établissements n'ont fait l'objet d'aucune évaluation récemment, parce qu'ils sont condamnés. Toutefois, elles m'ont dit qu'ils valent au moins 12 millions de dollars. Le ministère des Anciens combattants a injecté au moins 35 millions de dollars, en argent liquide, dans le Centre Perley-Rideau. Ajoutons à cela ce qui était jadis connu sous le nom d'Hôpital Rideau pour anciens combattants, qui est évalué à plus de 12 millions de dollars.

Bref, tout ce que vont recevoir les anciens combattants de ces transactions, si rien n'est fait pour améliorer la situation, ce sont environ 250 lits qui ne sont pas conformes aux normes. À mon avis, le ministère des Anciens combattants ne peut permettre que la province de désengage, unilatéralement, de l'entente. Par ailleurs, le vérificateur général, selon nous, insistera pour que le ministère des Anciens combattants veille à ce que ces contrats et autres accords soient respectés. Nous avons communiqué avec le Bureau du vérificateur général, et il nous a dit qu'il s'agit là d'une des responsabilités du ministère.

En effet, le ministère des Anciens combattants a, relativement à l'entente de transfert, une obligation bien précise. C'est difficile à expliquer, mais je crois que nous en comprenons les modalités. Au cours des cinq premières années, le ministère des Anciens combattants versera une indemnité pour les 175 lits réservés aux anciens combattants, en fonction du barème établi par l'Ontario. Toutefois, il y a un an environ, soit quand ces anciens «hôpitaux» sont devenus des «établissements de bienfaisance», tout a commencé à basculer. Le ministère des Anciens combattants a automatiquement abaissé le montant qu'il verse à celui qui est autorisé par l'Ontario pour les établissements de bienfaisance.

Pour vous donner quelques chiffres, dans le cas du centre Sunnybrook, à Toronto, ou du centre Parkwood, à London, le gouvernement ontarien verse actuellement une indemnité journalière d'environ 230 $ par jour, par lit, et cette indemnité sert à couvrir les frais de gestion et d'administration. L'indemnité qui est actuellement versée pour les lits du Centre de santé Perley-Rideau est d'environ 170 $ par jour.

Je vous renvoie à la feuille bleue que j'ai fait distribuer et sur laquelle figure les renseignements essentiels. La décision du gouvernement de l'Ontario va à l'encontre de l'entente de transfert conclue avec le ministère des Anciens combattants. Quand cette entente a été conclue, les anciens combattants ont perdu 50 lits au Centre médical de la Défense nationale et, bien entendu, l'hôpital Rideau. Le conseil d'administration du Centre Perley-Rideau a intenté des poursuites contre le gouvernement de l'Ontario pour rupture de contrat. La dernière fois que j'ai comparu devant ce comité, monsieur le président, je n'ai pas été en mesure de vous donner cette information parce que l'affaire était devant les tribunaux.

En janvier, la juge Bell de la Division générale de la Cour de l'Ontario a interrompu les procédures, au motif que le ministère des Anciens combattants, qui était le principal joueur et qui avait injecté la plupart des fonds dans ce projet, n'était pas partie à l'action. Par conséquent, notification de l'action a été transmise au ministère des Anciens combattants, parce que la juge estimait que le ministère devrait appuyer la requête du Centre Perley qui, en fait, demandait au tribunal de statuer qu'il y avait violation de l'entente de transfert.

Le ministère des Anciens combattants a refusé d'intervenir dans le dossier. Le Centre Perley a alors retenu les services de M. John Connolly, du cabinet Lang Michener. La province a demandé par la suite le rejet de l'action, ce qui a amené M. Connelly à déposer une motion incidente pour jugement sommaire.

Honorables sénateurs, cette question est urgente parce que l'affaire sera à nouveau entendue par le tribunal à la fin de juin. Si ce dernier juge que le ministère des Anciens combattants ne fait rien pour protéger les intérêts des anciens combattants, pour protéger les sommes investies, il risque de conclure que la requête n'est pas vraiment fondée. Autrement dit, il est essentiel, à mon avis, que le ministère des Anciens combattants intervienne dans le dossier. Il a refusé de le faire jusqu'ici, comme l'indique la lettre du 17 mars, qui précise ce qui suit:

[...] le gouvernement fédéral est d'avis que le différend qui oppose l'Hôpital Perley et le gouvernement de l'Ontario est la seule cause de l'action.

Je m'intéresse à ce dossier depuis 1945. J'étais, cette année-là, un patient de ce qui s'appelait à l'époque l'Hôpital des anciens combattants, un établissement qui comportait en fait deux ailes situées sur le site de l'Hôpital Civic d'Ottawa. Nous avons quitté cet établissement parce que 50 lits avaient été réservés aux anciens combattants dans le Centre médical de la Défense nationale nouvellement construit. Le foyer Rideau pour anciens combattants, situé sur le chemin Smythe, foyer qui est maintenant pratiquement condamné, a accueilli les autres anciens combattants. En 1945, nous n'avions qu'un hôpital temporaire.

À l'époque, les autorités subissaient des pressions de toutes parts pour que soit construit un nouvel hôpital pour anciens combattants. Des promesses ont été faites, mais elles n'ont jamais été tenues. Toutefois, on a décidé d'aller de l'avant avec la construction du Centre de santé Perley-Rideau pour les anciens combattants. Le Perley, qui avait le statut d'hôpital à Ottawa depuis les années 1800, était un centre hospitalier de longue durée. Il a fusionné avec le foyer Rideau pour anciens combattants. On a ensuite construit un bel établissement tout neuf sur le chemin Russell, sauf qu'il y a eu des problèmes.

Comment cette situation a-t-elle pu se produire? Tous les paliers de gouvernement sont responsables. Toutefois, la situation s'est aggravée quand le gouvernement de l'Ontario a retiré au Centre Perley-Rideau son statut d'hôpital pour le faire passer à celui d'établissement de bienfaisance. Cette démarche avait pour but de réduire les frais d'administration. Toutefois, le Centre Perley-Rideau doit continuer à offrir des services. S'il était dirigé comme le sont les centres Parkwood ou Sunnybrook, il aurait droit à une indemnité de 230 $ par lit, soit l'indemnité que reçoivent les centres Parkwood et Sunnybrook. Toutefois, quand le changement de statut s'est effectué, le gouvernement de l'Ontario a décidé de réduire l'indemnité à 180 $ par jour. Le ministère des Anciens combattants a laissé tomber les anciens combattants quand il a accepté de verser cette indemnité, qui est celle qui s'applique aux établissements de bienfaisance.

Le moral au Centre Perley-Rideau est très bas, mais le problème ne s'arrête pas là. L'indemnité «complémentaire», comme on l'appelle, que verse le ministère des Anciens combattants doit prendre fin en l'an 2000. À partir de ce moment-là, en raison de la baisse de financement répartie sur sept ans qu'a décrétée le gouvernement de l'Ontario, l'indemnité passera à 97 $ par jour, par lit, en l'an 2003, ce qui est inférieur au taux de prestation d'aide sociale. L'entente tripartite conclue entre le gouvernement de l'Ontario, le Centre Perley et le ministère des Anciens combattants a été violée de façon unilatérale par le gouvernement de l'Ontario.

À mon avis, la situation à long terme et même à court terme des anciens combattants est grave. Nous incitons votre sous-comité à demander immédiatement au ministère des Anciens combattants de rappeler au ministère de la Justice que ce n'est pas lui qui le dirige, malgré la lettre que le ministère de la Justice lui a envoyée le 17 mars. Le ministère des Anciens combattants a promis que l'indemnité versée permettrait d'offrir des soins de longue durée de qualité. C'est ce que nous vous soumettons.

Je vais rappeler certaines dates pour vous rafraîchir la mémoire. Tout a commencé en 1945 quand les anciens combattants sont revenus de l'étranger pour recevoir des soins à Ottawa, dans un établissement rattaché à l'Hôpital Civic. Les traitements chirurgicaux et les autres soins offerts aux anciens combattants étaient très bons.

En 1960, on a fermé les ailes de l'Hôpital Civic réservées aux anciens combattants, qui ont été transférés au Centre médical de la Défense nationale ou au Foyer Rideau pour anciens combattants. En 1988, des contrats ont été préparés avec la participation du gouvernement de l'Ontario pour la construction du Centre de santé Perley-Rideau pour anciens combattants. À l'époque, j'étais membre de la Fondation Rideau et mon collègue, M. Forbes, siégeait au conseil d'administration du Centre Perley-Rideau. Nous avons participé à toutes les négociations.

La construction a commencé en 1994 et, en 1995, l'hôpital a été inauguré en grande pompe. Malgré quelques insatisfactions, nous avions le sentiment que les choses iraient bien. Mais en 1996, nous avons reçu tout un choc quand le sous-ministre de la Santé de l'Ontario a retiré unilatéralement au Centre Perley-Rideau son statut d'hôpital pour en faire un établissement de bienfaisance. Depuis, les indemnités versées par le ministère des Anciens combattants ne permettent pas d'assurer les soins nécessaires, parce qu'elles correspondent au tarif consenti aux établissements visés par la Loi sur les établissements de bienfaisance et non à celui des hôpitaux.

Le financement du gouvernement fédéral a été de 37,75 millions de dollars. Le gouvernement de l'Ontario, qui a violé unilatéralement l'entente, a versé la somme mirobolante de 19,5 millions de dollars. C'est tout. La contribution du Centre Perley a été de 9,75 millions de dollars.

Sur une période de sept ans, le Centre de santé Perley-Rideau recevra seulement 14,5 millions de dollars alors qu'il en recevrait 31 millions s'il avait le statut d'hôpital. L'indemnité par jour d'hospitalisation sera ramenée de 167 $ à 94,02 $ en l'an 2003.

Le changement de statut du Centre de santé représente une aubaine pour le gouvernement fédéral. Je ne vois pas d'autres façons de qualifier la chose. Si l'entente avait été respectée, c'est-à-dire si le gouvernement de l'Ontario avait bel et bien versé l'argent nécessaire à la prestation de soins adéquats, le tarif accordé au centre ne serait pas de 167 $ par jour. Il se rapprocherait davantage de ce que touchent les établissements Parkwood ou Sunnybrook, c'est-à-dire 230 $ par jour d'hospitalisation.

J'aimerais parler de la qualité des soins, sujet auquel votre sous-comité s'intéresse depuis un certain nombre d'années. Selon les obligations contractuelles, la qualité des soins devait être la même au Centre Perley et au Centre médical de la Défense nationale. Mais ce ne sera pas possible de maintenir la qualité des soins avec des indemnités de 178 $ par jour.

Je tiens à préciser que nous ne demandons pas à votre sous-comité d'intervenir dans la poursuite en justice. Le Conseil national des associations d'anciens combattants aura peut-être à le faire. Nous envisageons actuellement cette possibilité en collaboration avec l'Hôpital Sunnybrook.

Ce que le sous-comité peut faire actuellement, c'est se saisir du dossier, l'étudier et peut-être demander des explications au ministère des Anciens combattants. Si la situation est telle que je l'ai expliquée, le sous-comité devrait immédiatement signaler au ministère des Anciens combattants qu'il ne peut pas agir ainsi parce qu'il est censé protéger les intérêts des anciens combattants. Il faut faire comprendre au ministère que, s'il laisse le gouvernement de l'Ontario ramener arbitrairement le tarif versé au centre à celui qui s'applique aux établissements de bienfaisance et s'il refuse d'intervenir dans l'action en justice, il laisse le Centre Perley-Rideau dans l'incertitude.

Nous n'avons pas de boule de cristal, mais il va sans dire qu'après nouvel examen de la question la juge Bell -- qui a déjà signifié les documents voulus au ministère des Anciens combattants et s'est fait dire par le ministère de la Justice que le litige opposait seulement le Centre Perley et le gouvernement de l'Ontario -- va se prononcer contre le Centre de santé Perley-Rideau parce que le ministère des Anciens combattants, principale partie dans cette affaire, se défile.

Le Conseil national des associations d'anciens combattants, ainsi que d'autres organismes d'anciens combattants, prennent les intérêts de leurs membres à coeur. Le ministère des Anciens combattants, agissant au nom des anciens combattants, a investi beaucoup de fonds du Trésor dans cet établissement, plus de 35 millions de dollars, sans compter ce que valait le Foyer Rideau pour anciens combattants, soit au moins 12 millions de dollars. Certaines associations d'anciens combattants ont aussi fait d'importantes contributions au Centre Perley-Rideau, comme les Amputés de guerre du Canada qui ont versé 75 000 $ à la fondation. Nous estimons être bien placés pour demander au sous-comité que des mesures soient prises.

Je présume que vous avez tous reçu notre mémoire et que la plupart d'entre vous ont eu l'occasion de le lire. Je passerai donc directement aux recommandations qui y sont formulées à la page 8.

Nous recommandons que le ministère des Anciens combattants soit tenu de fournir immédiatement au sous-comité une explication sur son refus d'appuyer les intérêts des anciens combattants relativement au changement de statut du Centre de santé Perley-Rideau. Autrement dit, je ne pense pas que nous pouvons laisser le ministère de la Justice écrire au nom du ministère des Anciens combattants que le litige oppose seulement le Centre Perley-Rideau et le gouvernement de l'Ontario.

En deuxième lieu, nous recommandons que le ministère des Anciens combattants soit tenu de se joindre au conseil d'administration du Centre Perley-Rideau dans la procédure judiciaire visant à faire exécuter le protocole d'intention et d'autres ententes. Il n'est pas trop tard pour le faire. J'ai fait certaines vérifications aujourd'hui. Même si la cause doit être entendue à la fin du mois de juin, si le ministère des Anciens combattants et le ministère de la Justice changeaient d'idée et décidaient d'intervenir dans cette cause, j'imagine que le tribunal reporterait la procédure pour permettre aux deux ministères de se préparer.

En troisième lieu, nous recommandons que, dans l'intervalle, le ministère des Anciens combattants négocie le montant de l'indemnité journalière avec le Centre Perley-Rideau de façon à permettre la prestation de soins qui soient de la même qualité que ceux qui sont dispensés aux anciens combattants dans d'autres établissements. C'est peut-être accidentel mais, dans l'entente de transfert, il est prévu qu'on peut examiner le tarif versé et déterminer que le montant de 178 $ est insuffisant. En attendant, le ministère des Anciens combattants pourrait combler la différence pour que l'indemnité atteigne celle qui est versée à l'établissement Sunnybrook et peut-être même celle que reçoit l'Hôpital Sainte-Anne, soit 250 $ par jour. Cependant, si la situation perdure et qu'on laisse le Centre Perley-Rideau fonctionner avec un budget décroissant, qui correspond à 172 $ par jour aujourd'hui et qui, dans cinq ans, sera de 94 $ par jour, les soins qui y seront offerts seront nettement insuffisants.

Enfin, le ministère des Anciens combattants devrait prendre immédiatement des mesures pour fixer des normes concernant le niveau de qualité des soins acceptables en fonction des besoins des anciens combattants.

J'ai été heureux de constater que vous aviez recommandé de ne pas fermer l'Hôpital Sainte-Anne. Tant que cet hôpital existe, nous avons une norme, qui sur le plan budgétaire est d'à peu près 250 $ par jour.

Je vous soumets ce nouveau dossier en toute légitimité. Nous avons obtenu les renseignements nécessaires seulement quand nous avons su que le conseil d'administration du Centre de santé Perley-Rideau pour anciens combattants allait porter la question à votre attention. J'ai rencontré les administrateurs qui accusent le gouvernement de l'Ontario, ce qui est fondé, mais nous avons intérêt à faire intervenir le ministère des Anciens combattants au nom du Centre Perley-Rideau pour qu'il défende les intérêts des anciens combattants.

Le président: Vous avez dit que le tribunal devrait reprendre ses audiences sur le litige qui oppose le Centre Perley-Rideau au gouvernement provincial le 30 juin.

M. Chadderton: Oui.

Le président: Aucune date précise n'a été fixée à ce sujet, n'est-ce pas?

M. Chadderton: Je demanderais à M. Forbes, qui est en communication constante avec l'avocat qui représente le centre, de vous répondre.

M. Brian Forbes, secrétaire général honoraire, Conseil national des associations d'anciens combattants du Canada: Deux requêtes ont été soumises comme mesures provisoires. Les avocats du Centre Perley ont demandé un jugement sommaire parce que la cause est on ne peut plus claire. La preuve est tellement évidente qu'on doit incriminer le ministère de la Santé. De leur côté, les avocats de la province de l'Ontario ont demandé une requête en irrecevabilité.

Les requêtes ont été entendues pour la première fois en janvier. M. Chadderton a signalé que la juge Bell, qui a entendu la cause, a demandé que la partie absente, le ministère des Anciens combattants, reçoive notification de l'action en justice. L'audition de la cause a ensuite été reportée au 30 juin. La requête dont je parle sera entendue le 30 juin. L'affaire est assez urgente aujourd'hui, mais tous les avocats en cause pensent que le litige donnera lieu à un procès plus tard. Les requêtes, qui sont diamétralement opposées, seront entendues par la juge Bell en l'absence du ministère des Anciens combattants. Selon M. Chadderton, c'est inacceptable.

M. Chadderton: M. John Connelly, qui travaille dans le cabinet d'avocats Lang Michener et qui représente le Centre Perley, a dit -- et son opinion vaut ce qu'elle vaut -- que si le ministère des Anciens combattants n'intervient pas, il lui sera très difficile d'obtenir un jugement sommaire. Et, sans ce jugement, il aura beaucoup de mal, en bout de ligne, à défendre les intérêts d'une partie. Il est difficile de comprendre pourquoi le ministère des Anciens combattants, le ministère fédéral qui a investi tout cet argent et fait toutes ces promesses, se retire du dossier et déclare que le litige oppose seulement le Centre Perley et le gouvernement de l'Ontario.

Le président: Savez-vous comment le Centre de santé Perley-Rideau pour anciens combattants pourrait recueillir les fonds dont il aura besoin s'il y a procès?

M. Chadderton: J'ai fait partie de la fondation du Centre pendant six ans. Pendant cette période, nous avons recueilli un peu plus de 2 millions de dollars. C'est une opération difficile. Cependant, d'après le directeur M. Fougère, le Centre Perley-Rideau doit soit engager les poursuites judiciaires, et un procès si nécessaire, soit fermer ses portes. Il manque d'argent.

Quelles seront les répercussions? Les anciens combattants ont besoin de soins spéciaux, pour incontinence, troubles psychiatriques ou alcoolisme. Tous les programmes de soins spéciaux doivent être financés, mais les représentants du Centre Perley-Rideau nous ont dit -- et je présume qu'ils vous l'ont dit aussi -- qu'ils ne peuvent pas les maintenir si le gouvernement de l'Ontario leur verse le financement réservé aux établissements de bienfaisance. Le centre en ressent déjà les conséquences. Selon les derniers chiffres que j'ai vus, 70 employés ont été licenciés et ce nombre a peut-être augmenté depuis.

M. Forbes: Vous touchez là un sujet très épineux pour le conseil d'administration du Centre Perley dont j'ai été membre pendant six ans. Ces poursuites coûtent et vont coûter cher. Le conseil éprouve déjà des difficultés financières compte tenu de la réduction des indemnités. Il utilise des fonds qui devraient servir à l'administration de l'hôpital. C'est un peu le combat de David contre Goliath étant donné que le conseil d'administration du Centre de santé Perley-Rideau pour anciens combattants s'en prend à la province de l'Ontario pendant que le ministère des Anciens combattants, l'autre participant de l'entente tripartite, reste en coulisses. La juge Bell a déjà fait remarquer que ça ne semblait pas normal.

Le président: Même si le centre gagnait sa cause, la province pourrait en appeler du jugement et l'affaire pourrait durer jusqu'en l'an 2003 alors qu'il ne restera pas beaucoup d'anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale.

M. Chadderton: C'est exact. C'est pourquoi nous proposons que le ministère des Anciens combattants respecte son engagement et s'assure que les soins dispensés aux anciens combattants sont de qualité suffisante d'ici à ce qu'un règlement intervienne entre le Centre Perley et le gouvernement de l'Ontario. Ainsi, le ministère majorerait l'indemnité de 167 $ pour qu'elle atteigne à peu près ce que reçoivent les établissements Parkwood ou Sunnybrook, soit 230 $ par jour.

Le sénateur Johnstone: La visite que nous avons effectuée jeudi dernier au Centre Perley-Rideau m'a rendu plutôt nostalgique. Je traînais souvent de l'arrière pour parler aux anciens combattants. J'essayais de reconnaître sur les photos des jeunes officiers de l'Aviation royale du Canada les patients du centre. Ça m'a rappelé beaucoup de souvenirs.

Quel est l'âge moyen des anciens combattants qui résident au Centre Perley-Rideau?

M. Chadderton: Environ 75 ou 76 ans.

Le sénateur Johnstone: Si jeunes que ça?

M. Chadderton: Oui.

Le sénateur Johnstone: Comme j'ai 73 ans je ne trouve pas ça très vieux.

M. Chadderton: C'est peut-être plus. Je vous donne l'âge moyen des anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale. Le Programme pour l'indépendance des anciens combattants, mis en oeuvre par le ministère, favorise le maintien à domicile. Mais, un jour ou l'autre, les anciens combattants ont besoin de recevoir des soins en milieu institutionnel. L'âge moyen est peut-être plus élevé. C'est sûrement entre 75 et 80 ans.

Le sénateur Johnstone: On nous a dit, et je pense avoir bien compris, qu'un ancien combattant tombe malade en moyenne cinq ans plus tôt qu'une autre personne.

M. Chadderton: Oui.

Le sénateur Johnstone: Vous devez donc vous occuper de gens qui ont besoin de plus de soins, et vous ne recevez pas plus d'argent, mais moins d'argent.

M. Chadderton: Oui.

Le sénateur Johnstone: La visite que nous avons effectuée au centre a été très émouvante. La question qu'il faut maintenant se poser est la suivante: quelle est la prochaine étape?

Le président: Je signale au comité que le sénateur Andreychuk a une vaste expérience juridique. Elle a été procureure de la Couronne et juge. Elle va discuter des aspects juridiques de cette affaire.

Le sénateur Andreychuk: Vous parlez d'une entente tripartite. Y a-t-il eu une ou deux ententes? Y a-t-il eu une entente entre trois parties ou deux ententes distinctes?

M. Chadderton: Il y a eu plusieurs ententes. Les parties étaient, d'un côté, le gouvernement de l'Ontario et, de l'autre, le Centre Perley-Rideau et le ministère des Anciens combattants. Le ministère de la Défense nationale était aussi en cause parce qu'il y avait 50 anciens combattants hospitalisés dans le Centre médical de la défense nationale. Il y a vraiment deux parties.

Le sénateur Andreychuk: Y a-t-il eu deux ententes?

M. Chadderton: Au début, il y a eu un protocole d'intention, puis une entente de transfert. J'ai utilisé le mot «ententes» parce que les documents ont été modifiés à différentes occasions. Pour ne pas semer la confusion, ce dont nous parlons est l'entente de transfert modifiée.

Le sénateur Andreychuk: Je crois comprendre que le ministère des Anciens combattants a une responsabilité envers les anciens combattants. Peu importe le mécanisme utilisé pour la respecter, que ce soit par l'entremise du gouvernement de l'Ontario, ses propres structures ou une oeuvre de bienfaisance, il a une obligation à remplir.

D'après ce que j'entends, je ne pense pas que la voie des tribunaux soit la seule solution. Vous devriez vous adresser directement au ministère des Anciens combattants, en insistant sur le fait que le ministère a une responsabilité envers les anciens combattants. Même si les circonstances changent, le ministère reste toujours responsable envers eux. La qualité des soins dispensés doit être raisonnable. Ne devrait-on pas négocier maintenant avec le ministère, indépendamment de la date à laquelle la cause sera entendue?

M. Chadderton: Oui.

Le sénateur Andreychuk: Vous pouvez engager des poursuites judiciaires, qui pourront vous donner gain de cause ou non, mais vous devriez invoquer immédiatement l'argument de la responsabilité auprès du gouvernement fédéral. Une promesse a été faite et devrait être respectée peu importe si les circonstances ont changé. Avez-vous parlé au ministre?

M. Chadderton: Oui. Nous avons entretenu une abondante correspondance avec le sous-ministre qui a dit qu'il s'en remettait au ministère de la Justice. C'est pourquoi la lettre du 17 mars, qui est annexée à mon mémoire, porte l'en-tête de la Direction juridique, Justice, des Anciens combattants, et est signée par l'avocat Peter D. Clark. Ça clôt le dossier. Autrement dit, le sous-ministre nous a dit que l'affaire ne relève pas de lui. Pour intenter des poursuites contre le gouvernement de l'Ontario, le ministère des Anciens combattants devrait obtenir l'approbation du ministère de la Justice. Cette approbation ne lui a pas été donnée.

Cela dit, je suis un peu déçu que le ministère des Anciens combattants n'ait pas réagi plus vivement à la position adoptée par le ministère de la Justice et insisté pour respecter son engagement. L'entente de transfert est claire. Cependant, le ministère de la Justice, selon le sous-ministre, a dit qu'il ne s'occuperait pas de cette affaire. La lettre du 17 mars met fin à son intervention. C'est pourquoi nous avons jugé bon de venir vous rencontrer. Que pouvions-nous faire d'autre?

Le sénateur Andreychuk: Il me semble que c'est davantage une question politique. Le ministère de la Justice présente un avis juridique au ministère. Le ministère n'est pas obligé d'accepter cet avis, pas plus que vous êtes obligés de suivre ce que vous disent vos avocats. Qui donne les instructions à qui? C'est la question. Ne pourrait-on pas demander au ministre des Anciens combattants s'il s'occupe de la conduite des affaires de son ministère ou si c'est le service juridique du ministère de la Justice qui s'en charge?

Il y a des avocats qui donnent un avis mais ils n'usurpent pas le pouvoir du ministre.

M. Chadderton: C'est exact. Il est très difficile pour les quelque 350 organismes que regroupe le Conseil national de comprendre que le ministère des Anciens combattants ne défend pas cette cause avec le Centre Perley-Rideau. C'est un bris de contrat. C'est ce que je pense et c'est sûrement l'opinion de notre avocat et celle des avocats qui représentent le Centre Perley-Rideau.

Le sénateur Andreychuk: Je ne veux pas me prononcer là-dessus parce que les avocats sont payés pour avoir des opinions. C'est le tribunal qui tranchera. C'est aux tribunaux de déterminer s'il y a eu bris de contrat. Même s'il n'y a pas eu bris de contrat, le dossier n'est pas clos pour autant parce que, d'abord et avant tout, le ministère a une responsabilité envers les anciens combattants.

M. Chadderton: Vous avez tout à fait raison.

Le sénateur Andreychuk: Il faut qu'une volonté politique pèse presque plus que la question d'ordre juridique.

M. Chadderton: On nous a fermé la porte au nez. Nous avons soumis la question au sous-ministre. Des représentants des Amputés de guerre et de la Légion ont mis l'épaule à la roue pour faire accepter cette entente et ont finalement découvert, un an après sa mise en place, que le gouvernement ontarien avait arbitrairement retiré au centre de santé son statut d'hôpital.

Nous sommes revenus à la charge auprès du sous-ministre qui nous a répondu qu'il est lié par une décision du ministère de la Justice. Il en est question dans la lettre de Peter Clark.

Le président: Croyez-vous, sénateur Andreychuk, que le sous-ministre ou le ministre des Anciens combattants n'est pas nécessairement lié par l'avis exprimé par le ministère de la Justice?

Le sénateur Andreychuk: C'est la raison pour laquelle les gouvernements obtiennent toujours des avis de l'extérieur relativement à certaines questions, de même que des avis internes. Il s'agit simplement d'une opinion. Je ne vois pas pourquoi ils seraient tenus de la suivre.

Je peux voir pourquoi le ministère dit qu'il n'a pas l'intention de se battre pour un contrat. Il y a peut-être une autre raison, mais je ne crois pas que cela le décharge de ses responsabilités envers les anciens combattants.

Si le ministère refuse de poursuivre l'affaire devant les tribunaux, c'est son choix, mais comment offrira-t-il des soins de qualité aux anciens combattants dont il est responsable? Il doit trouver une solution innovatrice. Le ministère ne peut se soustraire à ses responsabilités.

C'est une question politique qui tient aux responsabilités fondamentales du gouvernement, lesquelles consistent à protéger les anciens combattants et à leur garantir des soins raisonnables. La seule défense peut consister à dire qu'à 93 $, les soins sont raisonnables. Il ne serait pas très malin d'agir ainsi si des lignes directrices sont en place. Ils doivent prouver qu'avec 93 $, les soins prodigués sont de qualité raisonnable. Voilà la question. Ils disposent d'un certain pouvoir discrétionnaire quant à la façon d'atteindre leur objectif, mais ils sont tenus de le réaliser.

M. Chadderton: Nous estimons que l'entente de transfert prévoit ce que nous appelons un «appoint».

M. Forbes a communiqué avec l'avocat du Centre de santé Perley-Rideau pour anciens combattants et faisait partie du conseil d'administration lorsque tout cela s'est passé. Il a quelque chose à ajouter.

M. Forbes: Sénateur, vous avez été très perspicace. Si le ministère des Anciens combattants juge approprié de se retirer de cette action en justice -- et nous estimons qu'il est scandaleux qu'il ait décidé de ne pas intenter de poursuites au ministère de la Santé de l'Ontario pour inexécution d'une obligation -- cela porte à conséquence. Le ministère est partie à une entente de transfert. Il souscrit depuis le début à toute entente conclue entre ces trois parties. Il ne peut se soustraire à son obligation envers les anciens combattants. Si le ministère des Anciens combattants veut être le seul à financer des soins de qualité, comme vous l'avez si bien dit, qu'il en soit ainsi. S'il décide de ne pas exercer de pressions sur le gouvernement ontarien pour qu'il assure la qualité de soins que prévoit l'entente de transfert, je crois alors qu'il devrait payer pour les pots cassés du point de vue politique et peut-être du point de vue juridique.

Ce problème devient sérieux en ce sens qu'en l'an 2000 le ministère des Anciens combattants est censé en théorie ne plus être partie à cette entente de transfert. Je souscris à votre conclusion. Le ministère ne peut se retirer s'il n'exige pas que la norme soit maintenue après l'an 2000. Je crois que votre comité est saisi d'une question assez intéressante.

Le président: Si je comprends bien, le Centre de santé Perley- Rideau est devenu un hôpital en vertu d'un décret. Est-ce exact?

M. Forbes: Oui, en vertu de la Loi sur les hôpitaux publics.

Le président: Je ne suis pas au courant de la façon dont un hôpital se voit retirer son statut en tant que tel. Pouvez-vous me donner des précisions à cet égard?

M. Forbes: Je crois qu'on pourrait parler d'un geste arbitraire et unilatéral. Cela s'est passé en 1996 lorsque, comme l'a dit M. Chadderton, le sous-ministre ontarien de la Santé a retiré son statut d'hôpital au Centre de santé Perley-Rideau pour le faire passer à celui d'établissement de charité en vertu de la Loi sur les hôpitaux publics de l'Ontario, un événement législatif marquant.

M. Chadderton: J'ai lu toute la correspondance. Un haut fonctionnaire du ministère de la Santé de l'Ontario a envoyé une courte lettre dans laquelle il affirmait que l'on retirerait à l'établissement son statut d'hôpital. Les dirigeants de Perley ont répondu qu'on ne pouvait pas faire cela. La lettre suivante était un avis: «Votre statut d'hôpital vous est retiré».

Je n'ai pas vu de référence juridique ou de décret. La décision a été prise dans le cadre du programme de réduction des services dans les divers hôpitaux mis en branle par le gouvernement de l'Ontario. Nul ne fût plus étonné que nous d'apprendre que l'établissement Perley-Rideau perdait son statut d'hôpital et devenait un établissement de bienfaisance. On a été incapable de nous dire comment était fixé le tarif d'un établissement de bienfaisance, mais on a pu par contre nous dire que, dans sept ans, il serait de 95 $.

Le président: Les anciens combattants de l'établissement Perley-Rideau se retrouvent maintenant dans un établissement de bienfaisance, ce qui va carrément à l'encontre de la loi et de la politique établie depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Que je sache, ils sont les seuls à se trouver dans un établissement de bienfaisance, et je crois qu'il est très important, pour cette raison, de renverser la décision.

Le sénateur Andreychuk a fait quelques suggestions d'ordre juridique. Elle a parlé de volonté politique. Je donnerai certains conseils politiques au conseil d'administration du Centre de santé Perley-Rideau et je ferai remarquer qu'aux termes de l'entente, le ministère des Anciens combattants a à sa disposition des locaux qui lui sont réservés pour s'acquitter de ses fonctions dans l'hôpital. Fait encore plus important, deux aires de stationnement lui sont réservées. Je crois qu'ACC s'est battu plus férocement pour obtenir les deux aires de stationnement qu'il n'est disposé à le faire au sujet de la réduction des soins prodigués aux anciens combattants.

M. Chadderton: Dans son exposé, l'avocat énumère les services qui ne seront plus, semble-t-il, fournis, soit la gestion du comportement lié à l'alcoolisme, la gestion du comportement en général, les soins concentrés, les soins de convalescence, la psychiatrie gériatrique, la réadaptation fonctionnelle de personnes âgées, les soins de relève et les problèmes d'incontinence. Tous ces services ne seront plus offerts. D'après les plaintes que nous recevons d'anciens combattants et de membres de la famille d'anciens combattants qui vivent dans cet établissement, ces services ont déjà commencé à disparaître.

Le président: Vous avez mentionné la nécessité pour notre comité de passer à l'action. Je crois plutôt que c'est le Sénat tout entier qu'il faut mobiliser. Pour l'instant, naturellement, il s'apprête à ajourner pour l'été. Cependant, le comité envisagera probablement la possibilité de soulever la question au Sénat même et essaiera d'obtenir d'ici la fin juin, si ce n'est avant l'ajournement, que le leader du gouvernement au Sénat ou le ministre des Anciens combattants communique par écrit avec lui.

Je ne crois pas que nous ayons le temps d'en débattre à fond, mais nous essaierons de faire quelque chose de cette nature.

Je vous remercie beaucoup de votre exposé et de vos suggestions.

Nous accueillons maintenant les porte-parole de la Légion royale canadienne. Le premier témoin sera M. Jim Rycroft, directeur du Bureau d'entraide. M. Rycroft est un habitué de nos réunions. Il n'a donc pas besoin d'une présentation plus détaillée.

M. Jim Rycroft, directeur, Bureau d'entraide, Légion royale canadienne: Je vais me borner à faire ressortir quelques-uns des points expliqués dans le mémoire. Ce soir, je suis accompagné de M. Jim Margerum, président du comité des anciens combattants (Ontario), de M. Jim Mayes, président du comité des anciens combattants du district «G», et de Mme Helen Allard, présidente de la section 462 de la Légion royale canadienne et présidente de son comité des anciens combattants.

Se faisant l'écho du conseil national, la légion a demandé au ministre des Anciens combattants de faire preuve de leadership en vue de faire respecter les obligations à l'égard des anciens combattants prévues dans les ententes de transférabilité en ce qui concerne non seulement le Centre de santé Perley-Rideau, mais également les autres établissements transférés.

Ce soir, nous vous parlerons surtout du Centre de santé Perley-Rideau. La réponse que nous avons obtenue, lorsque nous avons demandé au ministre des Anciens combattants de faire preuve de leadership, nous est venue du directeur général des Soins de santé qui nous a dit que le ministère ferait de son mieux pour voir au maintien des normes. Nous aurions aimé lui demander à quelles normes au juste il faisait allusion.

Vous comprendrez donc à quel point il importe de ne pas transférer les installations de Sainte-Anne, comme l'a dit M. Chadderton, jusqu'à ce que le ministère fédéral ait prouvé concrètement, par exemple dans le dossier du centre Perley-Rideau, qu'il est capable de prendre l'initiative de maintenir la norme fédérale confirmée. Il est hors de question de transférer les installations de Sainte-Anne si nous voulons avoir un établissement à citer en exemple de l'application de cette norme.

Mon camarade Jim Margerum vous expliquera au moyen d'exemples clairs ce qui arrive quand l'entente de transfert n'est pas respectée. Vous entendrez parler de plusieurs cas très précis où cela influe directement sur la vie des résidents du Centre de santé Perley-Rideau, des membres de leurs familles et de ceux dont le ministère des Anciens combattants a la charge.

M. Jim Margerum, président, comité des anciens combattants (Ontario), Légion royale canadienne: Honorables sénateurs, le comité de l'Ontario est heureux de cette occasion qui lui est donnée de vous parler de questions très importantes concernant le niveau des soins, la qualité de vie et la sécurité de ceux qui occupent des lits et qui utilisent des installations obtenues par contrat en Ontario, plus particulièrement de ceux du Centre de santé Perley-Rideau pour les anciens combattants.

Depuis que la responsabilité pour les soins prodigués aux anciens combattants a été cédée à la Province de l'Ontario et à l'établissement Perley-Rideau géré par l'Hopital Perley Incorporé, il y a eu une baisse notable du niveau des soins, de la qualité de vie des anciens combattants et des services assurés. Les initiatives que nous avons mises de l'avant pour régler les problèmes ont échoué. Il semble que les trois parties à l'entente de transfert ne sont pas disposées à faire en sorte que les anciens combattants continuent de recevoir le niveau élevé de soins auxquels ils étaient habitués ou qu'elles n'en ont pas la capacité. Cela nous a obligés, fait sans précédent, à demander au vérificateur général du Canada et au vérificateur de la province de faire un audit complet de l'entente de transfert.

Passons maintenant aux questions et aux problèmes centraux qui ont donné naissance aux nombreuses plaintes déposées par les anciens combattants qui vivent dans l'établissement, par leurs conjoints ou les membres de leurs familles, par le personnel concerné, par les organismes représentant les anciens combattants et par de nombreux bénévoles.

Les normes concernant les services d'alimentation font l'objet de nombreuses plaintes. Avant le transfert, les résidents avaient reçu l'assurance, à l'annexe 1, point 6, que la qualité des aliments et les portions ne changeraient pas. En fait, pendant les trois premiers mois au Centre de santé Perley-Rideau, on servait aux résidents des repas cuisinés et préparés sur place. Ensuite, ce fut la catastrophe. On s'est mis à réchauffer des plats cuisinés ailleurs. Les gens se plaignent que la nourriture est fade, qu'elle ne goûte rien, que c'est de la bouillie, qu'elle est soit trop chaude, soit trop froide. Je vous épargne les autres qualificatifs.

Prenons le cas de Rideau 1 Sud. Le personnel doit nourrir 16 résidents, dont cinq dans leur chambre, ce qui lui prend entre une heure et demie et deux heures environ. Les derniers servis ont droit à du gruau froid, à du café froid, à du thé froid et à toutes sortes d'autres aliments froids qui sont censés être servis chauds.

On trouvera une description d'autres problèmes relatifs à l'alimentation dans le rapport d'inspection du 16 décembre 1997 du ministère de la Santé qui figure à l'annexe 2 de notre mémoire et dans le rapport de vérification du ministère des Anciens combattants sur la qualité des soins et sur certains services assurés aux anciens combattants à l'établissement Perley-Rideau, en date du 10 avril 1997.

À notre avis, la seule solution consiste à laisser tomber les plats réchauffés et à recommencer à servir des plats maison préparés et cuisinés sur place. Nos anciens combattants méritent bien cette amélioration de leur qualité de vie.

Avant d'aller plus loin dans le rapport sur les soins, j'aimerais vous lire une lettre reçue le dimanche 7 juin et qui a été rédigée par une dame et signée par 21 résidents ou membres de famille qui prodiguent des soins à leurs conjoints dans l'établissement.

La lettre dit:

Messieurs,

Nous sommes des conjoints et des amis de la famille des anciens combattants du Centre de santé Perley-Rideau. Nous avons désespérément besoin de votre aide.

Parfois, à compter de 15 heures, il n'y a qu'une seule infirmière pour s'occuper de deux services. Nous ne voyons pratiquement jamais l'infirmière parce qu'elle est trop occupée et qu'elle a trop à faire... tout comme les travailleurs médicaux.

Évidemment, les patients sont nourris, habillés et lavés, mais les infirmières, qui sont absolument débordées, les remettent ensuite dans leurs fauteuils roulants. Nous savons que le personnel est surchargé, qu'il est très fatigué et qu'il fait de son mieux. Il n'a pas le temps de faire autre chose avec les résidents. Il faut constamment qu'il travaille, qu'il en fasse plus et toujours plus. Les anciens combattants deviennent si agités qu'ils se chicanent entre eux et ont de vives altercations.

Pourquoi nos anciens combattants perdent-ils tant de poids? Pourquoi y a-t-il tant de va-et-vient d'ambulances? Pourquoi y a-t-il eu tant d'accidents depuis quelque temps? Pourquoi tant d'anciens combattants meurent-ils? Nous pouvons vous le dire. C'est parce qu'il n'y a pas assez de personnel. Ces pauvres vieillards ont donné les meilleures années de leur vie pour nous, pour leur pays. Ils les ont aussi données, messieurs, pour vous et pour vos familles. Quand ces traitements cruels cesseront-ils? Quand tous les anciens combattants seront morts?

C'est une honte! Le gouvernement devrait avoir honte de négliger ces pauvres vieillards ainsi.

Oh, bien sûr, on dit qu'on n'a pas d'argent, qu'on ne peut rien faire! N'est-il pas étrange, cependant, qu'il y ait de l'argent quand vient le temps de se voter une augmentation de salaire? Pourquoi certains d'entre nous doivent-ils maintenant visiter leur époux deux fois par jour?

Pourquoi ne leur coupe-t-on plus les ongles comme avant?

Où est allé tout l'argent que le ministère des Anciens combattants et la Légion ont investi dans l'établissement? Pourquoi est-il impossible d'obtenir des bénévoles pour aider nos anciens combattants? Certains d'entre nous ne sont pas en très bonne santé; d'autres vieillissent. Il serait tellement utile d'avoir des bénévoles qui peuvent pousser les fauteuils roulants pour que nos hommes puissent prendre l'air, écouter de la musique, regarder la télévision.

Messieurs, savez-vous combien de ces hommes ne sont pas encore allés prendre l'air à l'extérieur en dépit du beau temps qu'il fait cette saison-ci? À quoi servent ces belles cours que l'on a aménagées?

Pensez aux autres et permettez à nos anciens combattants de garder un bon souvenir de leurs dernières années.

Nous vous supplions de nous venir en aide.

La lettre est signée par une épouse et par 21 autres personnes. Je sais que deux autres lettres ont été signées par plusieurs personnes. Malheureusement, je ne les ai pas encore reçues. Cependant, elles devraient reprendre les plaintes que nous faisons au sujet des soins.

D'ailleurs, ces soins sont rapidement en train de devenir la principale source de plaintes, depuis qu'on a réduit les effectifs et qu'on a augmenté le recours à du personnel d'agence qui ne connaît pas les soins à donner aux résidents et les besoins des anciens combattants. Les conjoints nous ont signalé une nette augmentation de l'agressivité et de l'agitation de certains résidents et ils en sont très inquiets. Pour vous faire une idée du genre de plainte que nous recevons, vous lirez la lettre qui figure à l'annexe 3.

J'aimerais maintenant vous donner d'autres exemples de la baisse des soins et des services fournis. On prétend que certains résidents de Rideau 1 Nord et de Rideau 1 Sud ne sont jamais sortis dans la cour pour une longue période, faute de personnel, et que les cours sont presque toujours désertes.

La zone clôturée au nord de l'aile Rideau était censée être un endroit où se promener à l'extérieur et faire de l'exercice. Elle n'a jamais été aménagée par manque de fonds. Cela semble indiquer que l'on «entrepose» les résidents et c'est l'une des causes de l'agressivité et de l'agitation remarquée par les conjoints et les bénévoles.

Une dame a été informée qu'il faudra que son mari cède son lit électrique à un autre résident qui est réputé en avoir besoin plus que lui. Plutôt que de retirer le lit à un résident qui en a lui aussi besoin, il faudrait que le ministère des Anciens combattants ou le ministère de la Santé en obtienne un autre.

On se plaint aussi qu'en raison de la réduction des effectifs, les couches ne sont pas toujours changées, l'après-midi.

Les conjoints et le personnel ont affirmé que le personnel d'agence ne reçoit pas d'instructions par écrit et ne connaît pas les besoins et les soins à prodiguer aux résidents. Ceux de Rideau 2 Nord et Sud ont décrit le même problème et affirmé qu'il était pire, le week-end.

Il semble que certains conjoints et membres de famille ont peur de se plaindre et de passer pour des fauteurs de troubles. Ils m'ont demandé d'organiser une rencontre avec la légion et avec les membres du sous-comité sénatorial que cela intéresse. Ils souhaitent leur exposer, de vive voix, leurs plaintes et leurs préoccupations concernant la détérioration du niveau des soins et des services fournis. J'organiserai avec plaisir ou faciliterai une pareille rencontre, à une date qui vous convient.

Nous croyons que la baisse du niveau des soins, de la qualité de vie et de la qualité des services peut être attribuée aux causes que voici. Tout d'abord, l'article 60 de l'entente de transfert entrée en vigueur le 25 mars 1992 exige que les parties procèdent à un examen quinquennal de l'entente. Cet examen n'a pas eu lieu, ce qui est en nette violation de l'entente et qui a contribué à certains des problèmes.

Il n'existe pas de normes nationales des soins fournis aux anciens combattants, et le niveau des soins varie d'une province à l'autre, en fait d'un établissement à l'autre. Les normes de dotation nationales reposent sur des conditions optimales. Elles ne satisfont pas aux besoins de tous les établissements, selon l'aménagement physique et la taille de chacun.

Il faut faire comprendre au Centre de santé Perley-Rideau qu'il est tenu d'assurer le niveau de soins et de services prévu dans la loi fédérale, en conformité avec le Règlement sur les soins de santé pour anciens combattants et les programmes du ministère des Anciens combattants. Il faut qu'ACC débloque les fonds additionnels requis là où les dispositions provinciales de financement de lits communautaires ne suffisent pas.

En 1996, le ministre de la Santé de l'Ontario a promis de modifier le règlement provincial en vue d'y inscrire les droits des anciens combattants, mais il ne l'a pas fait, si bien qu'il a trahi les anciens combattants. La vérification de la qualité des soins d'ACC au Centre de santé Perley-Rideau précise que les Soins infirmiers du ministère tiennent à signaler aux gestionnaires du centre et aux fonctionnaires du ministère que toute nouvelle réduction des ratios de dotation existants pour la thérapie physique, l'ergothérapie, les soins infirmiers et la récréologie risquerait d'avoir un effet néfaste sur les soins prodigués aux patients. Le pdg du Centre de santé Perley-Rideau a reconnu que l'établissement ne satisfait pas à la norme minimale dans ces domaines.

Il semble certainement que le ministère des Anciens combattants ne lit pas ses propres rapports ou qu'il ne donne pas suite à ses recommandations. Lors d'une réunion du comité de liaison du Centre de santé Perley-Rideau, on a dit que le ministère des Anciens combattants ne pouvait pas débloquer plus que le tarif quotidien payé par la province.

Le ministère des Anciens combattants est malgré tout obligé de fournir un niveau de soins conforme au règlement fédéral en la matière. Non seulement il fuit sa responsabilité, mais il trahit aussi les personnes dont il a la charge.

L'entente de transfert du Foyer Rideau pour anciens combattants entrée en vigueur le 25 mars 1992 n'a jamais été appliquée ni respectée dans sa totalité et, selon nous, elle a été violée par toutes les parties. L'entente est un échec. Il faudra la passer en revue et la modifier pour faire en sorte que les anciens combattants reçoivent les soins et aient la qualité de vie qu'ils méritent tant et que le Canada leur a promis. Nous ne permettrons pas que nos anciens combattants soient trahis.

Nous recommandons vivement que tous les lits obtenus par contrat pour les anciens combattants, soit 130 lits au total, soient regroupés au Foyer Rideau et que le reste, soit 120 lits, le soient au Foyer d'Ottawa. Cela permettra de mieux contrôler, suivre et vérifier les soins fournis aux anciens combattants par le ministère des Anciens combattants et d'autres intervenants. Il est possible d'affecter le personnel voulu et de le former pour lui permettre d'assurer le niveau de soins et de services spéciaux auxquels ont droit les anciens combattants, ce qui réduira aussi le roulement du personnel. Cela sera moins exigeant pour nos bénévoles qui vieillissent, sans compter que cela les aidera beaucoup à offrir le confort et les services parrainés par les organismes d'anciens combattants. Nous sommes d'avis qu'il faudrait confier le règlement des plaintes à un ombudsman indépendant des trois parties à l'entente de transfert.

C'est tout ce que j'avais à dire. Je demeure à votre disposition pour répondre aux questions.

Le sénateur Andreychuk: On nous avait dit que le gouvernement de l'Ontario avait pris des mesures unilatérales qui avaient posé des problèmes. Cependant, d'après votre rapport, il semble que la situation soit bien pire. On n'a pas respecté l'entente de transfert. Pourquoi ne souhaiteriez-vous pas vous allier au ministère des Anciens combattants en tant que codéfendeur plutôt que d'être codemandeur?

M. Margerum: Je siégeais également au Conseil d'administration du comité d'examen du Foyer Rideau pour anciens combattants mis sur pied par la Direction de l'Ontario, qui s'est penché sur la situation entourant l'absence d'un établissement de soins acceptable pour nos anciens combattants pendant les dernières années de leur vie.

Je n'y ai pas siégé très longtemps parce que je me suis fait le porte-parole des anciens combattants. On m'a accusé d'avoir un intérêt personnel. J'ai démissionné comme membre mais aussi comme vice-président du Conseil d'administration qui ne croyait pas que l'entente de transfert protégerait adéquatement les droits du Centre de santé Perley-Rideau pour anciens combattants tant au niveau financier qu'à celui du libellé.

Les membres du conseil ne considéraient pas adéquats les engagements pris par le gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral. Je partageais leur point de vue. J'estimais aussi que l'entente n'allait pas suffisamment dans les détails pour assurer la sûreté, la sécurité et la qualité de vie des anciens combattants.

Il y a eu deux ententes. La première, une entente temporaire, disposait que le Centre de santé Perley-Rideau devait s'occuper des anciens combattants du Foyer Rideau avant leur transfert dans le nouvel établissement. Il y a eu ensuite une période de transition qui a été suivie de la signature de l'entente principale.

Le deuxième point porte sur les soins. Les définitions sont claires. Les «soins» s'entendent des services fournis pour répondre à des besoins de santé à long terme comme les définit le système de la province d'Ontario, ce qui est l'équivalent des besoins de santé de type I ou III pour des soins «intermédiaires» ou «chroniques» selon la définition énoncée dans le Règlement sur les soins de santé pour anciens combattants.

Tout le monde était au courant de ce qui était nécessaire, mais AAC, dans sa sagesse, se dérobe. Vous pouvez en savoir davantage à ce sujet à l'Annexe 5.

AAC a fait savoir qu'il était difficile de maintenir le niveau de soins en raison des compressions et qu'il ne fallait pas blâmer l'hôpital qui ne pouvait se permettre de garder le personnel nécessaire. C'était leur propre ministère qui rédigeait un rapport critiquant les répercussions des compressions effectuées par la province.

À une réunion de liaison le 18 mars, quelqu'un a demandé ce qu'il fallait faire. M. Greg Fougère a alors dit qu'il fallait s'adresser à la Cour de l'Ontario (Division générale) pour obtenir une date d'audition de l'affaire. M. Power a confirmé que si l'hôpital Perley-Rideau devait avoir gain de cause il reviendrait à son indemnité quotidienne initiale de 187 $. Il a ajouté que, si le juge donnait raison à l'Ontario, l'établissement connaîtrait sept années de réduction de l'indemnité quotidienne, selon l'indice de groupement des cas.

M. Fougère a déclaré que le gouvernement pourrait faire l'appoint de l'indemnité quotidienne pour les soins des anciens combattants, comme dans le cas des établissements municipaux de soins de longue durée. C. Power a ensuite déclaré que, selon les conseils juridiques donnés par le gouvernement fédéral, il ne pourra accorder plus de financement que l'indemnité quotidienne versée par la province. Peut-être s'agissait-il de ses conseils juridiques, mais il ne s'agit pas de son droit moral. Il n'a pas non plus le droit de refuser aux anciens combattants ce que leur garantit la population canadienne. Lorsque les anciens combattants sont revenus de la guerre, le gouvernement fédéral leur avait assuré que le ministère des Anciens combattants serait habilité à veiller sur eux. Il s'en remet maintenant à un article d'un contrat.

Le gouvernement choisit les articles qu'il veut faire appliquer. Dans l'intervalle, cela fait de nos anciens combattants des otages. Tout le monde s'en sert dans le combat qui se livre pour trouver une solution. L'établissement ne peut tout simplement pas assurer les services parce qu'il n'a pas l'argent pour embaucher le personnel supplémentaire nécessaire.

Le sénateur Johnstone: L'uniforme que portent ces messieurs m'est très familier et je le revêts moi-même. Je leur souhaite du succès dans leur entreprise.

Le sénateur Phillips et moi-même nous connaissons depuis longtemps. Nous fréquentions la même école lorsque nous étions enfants. Nous avons joint les rangs des forces armées à quelques mois près. Nous avons tous les deux volé avec la force de combat. Nous sommes au courant de la situation. Nous vous comprenons et sympathisons avec vous. Nous avons des idées sur ce que nous pourrons peut-être faire. Nous en avons discuté au retour de notre visite du Centre de santé Perley-Rideau pour anciens combattants. Le sénateur Phillips m'a invité à luncher et nous avons sérieusement discuté de la question. Ne pensez pas que vous allez partir d'ici sans notre appui.

M. Margerum: Je vais vous raconter un autre incident qui montre comment on s'est servi des anciens combattants. En 1988, le gouvernement de l'Ontario et l'Hôpital Sunnybrook ont fermé 44 lits, apparemment pour à peu près trois mois parce qu'on ne pouvait embaucher assez de personnel infirmier. Quatre ans et demi plus tard, au cours d'une réunion réunissant le sous-ministre des Anciens combattants, des fonctionnaires provinciaux et des membres de la Légion, on a découvert que la province n'avait pas réduit le budget pendant toute cette période et que l'hôpital avait reçu des fonds pour les 44 lits fermés. Qui plus est, le ministère des Anciens combattants a participé aux coûts en versant environ 1 million de dollars pendant deux ans et demi avant que le vérificateur général ne s'en aperçoive et mette fin à cette pratique. C'est donc dire qu'environ 15 millions de dollars n'ont pas été utilisés aux fins prévues.

Je vais vous lire les propos d'un fonctionnaire provincial consignés dans le procès-verbal de la réunion du 8 décembre 1993:

M. Thompson signale qu'avant 1993-1994 le ministère de la Santé n'a pas réduit le budget de l'Hôpital Sunnybrook; il n'a seulement pas affecté à l'hôpital les fonds correspondant à la hausse de ses coûts. En 1993-1994, il y a eu réduction réelle du budget en raison du contrat social. M. Thompson signale également que l'Hôpital Sunnybrook reçoit un budget global qu'il est libre de répartir comme il l'entend.

Ce que je veux vous souligner ici c'est que le ministère des Anciens combattants verse des fonds, tout comme la province, mais on n'a pas la garantie absolue que les fonds sont utilisés pour les anciens combattants. Je crains fort qu'on gaspille l'argent des contribuables et qu'on ne rende pas service aux anciens combattants quand on n'utilise pas l'argent aux fins prévues.

Le président: À la page 7 de votre mémoire, au paragraphe 7, vous recommandez de loger les lits contractuels d'anciens combattants au Foyer Rideau et le reste au Foyer d'Ottawa. Le sénateur Johnstone et moi-même avons visité le Centre Perley-Rideau la semaine dernière, mais je dois avouer ne pas très bien comprendre ce que vous entendez par le «Foyer Rideau» et le «Foyer d'Ottawa». Pourriez-vous me donner des explications là-dessus?

M. Margerum: Oui. Il y a trois ailes dans l'établissement qui comptent 450 lits. Il y a 130 lits dans l'aile Rideau et ils sont tous occupés par des anciens combattants. Les autres lits réservés aux anciens combattants sont dispersés ailleurs dans l'hôpital. C'est donc très difficile de vérifier les soins dispensés et de fournir des traitements à un petit nombre de gens. Il arrive que les anciens combattants ne peuvent profiter des services assurés par des organismes bénévoles.

Il y a des personnes âgées, des anciens combattants qui sont bénévoles à l'hôpital. Vous avez pu constater la longueur de l'établissement. C'est toute une tâche de transporter deux résidents de l'aile Rideau jusqu'à l'auditorium.

Nous éprouvons certains problèmes de bénévolat au Centre Perley, mais les choses se règlent graduellement. On ne cesse de nous répéter que les lits des anciens combattants sont comme les autres lits, que les anciens combattants reçoivent ou sont censés recevoir les mêmes soins, mais nous avons un point de vue différent.

L'établissement a été créé pour deux raisons. Premièrement, pour s'occuper des anciens combattants au nom de la province de l'Ontario et, deuxièmement, pour s'occuper des résidents de la communauté. Quand il n'y aura plus d'anciens combattants, le centre deviendra un établissement de soins communautaires. Nous espérons qu'il n'y aura plus de guerre, et donc plus d'anciens combattants. Nous comprenons les raisons des réductions de fonds.

Toutefois, il existe une loi qui précise que les anciens combattants ont droit à des soins spéciaux à cause des traumatismes dont ils ont souffert. Certains ont des problèmes aux ongles, mais il n'y a pas de podiatres pour s'occuper d'eux. Un bon nombre d'entre eux souffrent du diabète et on pratique des amputations. Les épouses ont peur de parler parce qu'elles ont le sentiment qu'on va les traiter d'agitatrices. Le cas de Debra Johnson à l'Hôpital Sunnybrook, dont vous avez entendu parler à la dernière séance, en est un bon exemple. On la traite d'agitatrice. Les fonctionnaires du ministère des Anciens combattants sont aussi traités de fauteurs de troubles parce qu'ils sont là trop souvent.

De quel droit voulons assurer que les anciens combattants reçoivent les soins suffisants? Le Centre Perley a beaucoup fait pour aplanir les difficultés des groupes d'anciens combattants comme le nôtre et, l'an dernier, nous avons versé 60 000 $ pour les soins aux anciens combattants. Nous avons payé pour tous les raccordements au câble pour améliorer leur qualité de vie. À cause des problèmes de personnel, nous ne pouvons regrouper les anciens combattants dans un secteur. Si leur conjoint ou leurs proches ne viennent pas les voir pour les faire sortir, ils passent toute la journée dans leur chambre. Certains me disent qu'ils ont l'impression de vivre en prison.

Si nous pouvions regrouper les anciens combattants dans l'aile d'Ottawa et l'aile Rideau, ce serait beaucoup plus facile pour nous. On pourrait demander au personnel de dispenser les soins spéciaux mis à la disposition des anciens combattants. Il y aurait un moins grand roulement de personnel. Actuellement, beaucoup d'anciens combattants ne savent jamais qui va s'occuper d'eux d'une journée à l'autre; ce n'est pas agréable de se faire donner son bain par des employés différents. En passant, l'âge moyen des anciens combattants est de 78 ou 79 ans. Leur espérance de vie moyenne est d'environ trois ans et demi. Pendant combien d'années encore aurons-nous à nous occuper des anciens combattants?

Si le ministère des Anciens combattants n'agit pas et n'assume pas ses responsabilités à l'égard des anciens combattants, et s'il n'aide pas le Centre Perley-Rideau à régler ses problèmes financiers avec la province de l'Ontario, quel sort attend nos anciens combattants?

L'annexe 4 montre ce qui est arrivé par le passé. Il y a quelques années, quand les néo-démocrates étaient au pouvoir en Ontario, il y a eu des audiences sur le projet de loi 101. On voulait transformer le Centre Perley-Rideau en établissement de soins prolongés visé par la Loi sur les établissements de bienfaisance. Personne n'y croyait. Quand les conservateurs ont pris le pouvoir, nous leur avons signalé que le transfert du centre à la province ferait perdre les indemnités versées par le ministère des anciens combattants, ce qu'ils ont admis. Leurs avocats ont rédigé deux amendements au projet de loi 101 et à toute autre mesure législative concernant les soins dispensés aux anciens combattants. Essentiellement, ces deux amendements garantissent une place aux anciens combattants dans un établissement et la responsabilité de la province à cet égard. La province est tenue de fournir le tarif communautaire, et le ministère des Anciens combattants doit combler la différence.

Le ministre de la Santé de l'époque nous l'avait promis. Le premier ministre de la province nous a assuré qu'il examinerait la question, mais nous avons eu beaucoup de mal à organiser une rencontre avec lui. Il a refusé de nous rencontrer. Nous n'avons pas discuté de la question avec le nouveau ministre de la Santé. Nous voulons avoir l'assurance que la qualité des soins dispensés répond aux besoins des anciens combattants conformément au règlement du ministère des Anciens combattants.

Pour ce qui est du financement, les contribuables sont toujours les mêmes. Cependant, tout montant complémentaire serait versé par le gouvernement fédéral, ce qui est juste. L'annexe 5 signale que «... selon les conseils juridiques donnés par le gouvernement fédéral, il ne pourra accorder plus de financement que l'indemnité quotidienne versée par la province».

Où sont les règles? Où est la loi? Sur quoi le ministère se fonde-t-il pour oser faire cette déclaration quand il est très clair que le ministère des Anciens combattants a été créé pour s'occuper des anciens combattants et s'assurer que les soins sont dispensés conformément au règlement?

En 1968, le fédéral a jugé bon de transférer tous les établissements à la province parce qu'il trouvait que ce n'était pas à lui de s'occuper de gérer les hôpitaux. Mais les ententes sont bidon. Le ministère n'a pas de courage. Il ne s'est pas occupé des anciens combattants et c'est pourquoi nous sommes en difficulté.

Nous avons pris l'initiative extraordinaire de demander au vérificateur général d'examiner la question et de déterminer si les soins facturés étaient dispensés. Le ministère des Anciens combattants n'a tout simplement pas fait son travail. D'après le ministère, ses lois et ses programmes sont les meilleurs au monde. C'est ce qu'il prétend et je suis d'accord. Mais, la prestation des services s'est détériorée et, malheureusement, il s'agit des services dispensés en bout de ligne, quand les prestataires en ont le plus besoin. En plus, ceux qui fournissent les soins, leurs conjoints, souffrent aujourd'hui comme ils ont souffert pendant la guerre. Il faut mettre fin à cela. Il faut régler le problème maintenant, pas demain, parce qu'il sera trop tard.

Le président: Quand nous avons fait notre visite, nous avons rencontré quelques patients et j'ai vu la signature de l'épouse d'un d'entre eux sur la lettre dont vous avez parlé. Ce patient souffrait de la maladie d'Alzheimer. S'il était resté à domicile, il aurait eu droit à certains soins dans le cadre du Programme pour l'autonomie des anciens combattants. Le programme prévoit une indemnité pour soins auxiliaires s'il reste à la maison avec sa femme. Pour quelle raison le ministère cesse de verser cette indemnité et les autres indemnités quand l'ancien combattant est placé dans un établissement comme le Centre Perley-Rideau?

M. Rycroft: Je ne pense pas que le versement des indemnités cesse. On met fin aux soins prévus par le programme, mais pas aux indemnités.

Le président: Peut-être que cette dame n'a pas compris ma question, mais elle m'a donné l'impression qu'elle ne recevait aucune aide.

M. Rycroft: Il faudrait que j'obtienne une confirmation, mais je crois comprendre que l'indemnité continue d'être versée. Le Programme pour l'autonomie a continué de s'appliquer pendant trois mois. À la suite d'un récent changement de politique, il s'appliquera un an après le placement de l'ancien combattant en établissement. Autant que je sache, l'indemnité continue d'être versée une fois l'ancien combattant placé en établissement.

Le président: Savez-vous combien de résidents du foyer auraient droit à cette indemnité et combien la reçoivent? Y a-t-il moyen de vérifier cela rapidement? Je pense qu'il est très important que nous le sachions.

M. Margerum: J'évaluerais à 60 ou 65 p. 100 la proportion de ceux qui ont droit à une forme d'aide étant donné qu'ils peuvent se procurer des fauteuils roulants électriques et d'autres appareils. Les employés du ministère qui sont sur place font de l'excellent travail.

J'ai des problèmes avec l'administration du ministère des Anciens combattants à l'Île-du-Prince-Édouard, même si je sais que vous venez de là. Les conseillers locaux arrivent à régler très rapidement nos problèmes. Je ne suis pas expert en la matière et je ne connais pas toutes les modalités de cette indemnité. Il faut se rappeler que beaucoup de gens ne savent pas ce à quoi ils ont droit et qu'ils n'osent pas le demander. Quand quelqu'un a un problème et qu'il a droit à une pension, nous téléphonons aux agents responsables pour qu'ils s'occupent du cas. Nous n'essayons pas de le faire nous-mêmes. Nous confions le dossier aux personnes compétentes.

Le sénateur Johnstone: Monsieur le président, le mot «bénévole» a été prononcé à quelques reprises. Dans quelle mesure devez-vous dépendre des bénévoles et sont-ils victimes d'épuisement?

M. Margerum: Nous avons perdu beaucoup de bénévoles pour deux raisons. Quand les établissements ont été intégrés, nous avons eu quelques problèmes de gestion. Nous avions des bénévoles de 30 à 35 qui ont simplement laissé tomber.

Certaines nouvelles mesures concernant la réorganisation des soins de santé en Ontario nous ont touchés, mais notre réseau de bénévoles était très solide. Il l'est moins maintenant en raison du vieillissement des bénévoles et à cause de l'atmosphère qui règne. Ce qui se passe à l'heure du repas du midi est un exemple. Je ne pense que vous étiez au centre à ce moment-là de la journée. Au premier étage Sud de l'aile Rideau, il y a quatre personnes pour nourrir 16 résidents entre 11 h 30 et 13 heures, mais la pause-repas de deux employés est prévue en même temps. S'il n'y a pas de parents ou de bénévoles pour faire manger des résidents, cette opération prend beaucoup plus de temps que prévu, et parfois les résidents ne mangent pas.

Le réseau de bénévoles est très important. Si on pouvait restructurer le système et si les gens oubliaient leurs différends pour s'occuper des anciens combattants quoi qu'il arrive, ça pourrait fonctionner aussi bien qu'avant. Mais à cause de l'indifférence du ministère des Anciens combattants et de la province de l'Ontario, les gens ont perdu intérêt. Malheureusement, ce sont les anciens combattants qui en subissent les conséquences.

Le président: On nous a fait remarquer durant notre visite qu'une douzaine de patients avaient besoin qu'on les aide à manger le matin. Souvent, on commence à les nourrir à 8 heures et on ne finit pas avant 10 h 30, si bien que le repas est froid et beaucoup moins appétissant. C'est ainsi à cause des réductions de personnel et parce qu'il y a seulement deux personnes qui peuvent s'occuper de faire manger les résidents.

Au Centre Perley-Rideau et à l'établissement Sunnybrook, où il y a eu des réductions de personnel en raison des compressions budgétaires, pourquoi le ministère des Anciens combattants ne fournit pas d'employés? Vous avez dit que l'Hôpital Sunnybrook recevait un budget global. Il est évident que les anciens combattants requièrent plus de personnel que les autres patients. On pourrait sûrement affecter plus d'employés et ne pas invoquer les compressions budgétaires pour expliquer le manque de personnel. Ça ne prendrait que quelques employés de plus.

M. Margerum: Actuellement, le ministère a prévu un employé de plus parce qu'un prisonnier de Hong Kong a été agressé deux fois. Dans cette aile, il y a un employé de plus qui est payé par le ministère.

Il faut rappeler que c'est leur lieu de résidence. Ce n'est pas une prison, ni un hôpital. C'est une résidence qui offre des soins médicaux.

Le ministère fournit des soins à quelqu'un qui reste à domicile, comme mon frère, qui est un ancien combattant de la guerre de Corée. Il bénéficie du Programme pour l'autonomie des anciens combattants. Quand il est sorti de l'hôpital, il a reçu la visite de personnes payées par le ministère. Si le ministère voulait vraiment s'occuper des anciens combattants et respecter ses engagements, il pourrait le faire dès demain. La loi prévoit les mesures pour le faire. S'il y a des problèmes avec la loi, les avocats pourront se charger de les régler plus tard. On peut sûrement offrir les services conformément à d'autres dispositions. Il faudra peut-être interpréter les règlements de façon plus souple, mais ça peut se faire. Les conseillers peuvent aller évaluer la situation et fournir les services requis immédiatement. C'est la meilleure façon de procéder. Les batailles juridiques peuvent se régler devant les tribunaux. Notre priorité est de s'occuper des résidents maintenant, et de s'assurer qu'ils reçoivent les soins nécessaires et que les services spéciaux dont ils ont besoin leur sont dispensés, même de façon provisoire, en attendant que les questions juridiques soient réglées.

Le président: Pour revenir au Programme pour l'autonomie des anciens combattants, je vais demander au personnel de communiquer avec M. Fougère pour qu'il nous fournisse plus de renseignements à ce sujet. Dans l'intervalle, si votre organisme ou le Conseil national des associations d'anciens combattants a des informations là-dessus, nous aimerions beaucoup qu'elles nous soient communiquées.

J'ai le sentiment qu'il y a des résidents qui ne savent pas qu'ils ont droit à cette indemnité. Ce n'est pas nécessairement voulu; c'est peut-être un manque de communication.

Y a-t-il d'autres questions?

Le sénateur Johnstone: Nous sommes très heureux que vous soyez venus nous rencontrer ce soir. Nous allons sûrement essayer de vous aider.

Le président: Merci beaucoup de votre participation.

La séance est levée.


Haut de page