Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères
Fascicule 4 - Témoignages du 30 novembre 1999
OTTAWA, le mardi 30 novembre 1999
Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 16 h 30 pour examiner les ramifications pour le Canada de la modification apportée au mandat de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et au rôle du Canada dans l'OTAN depuis la dissolution du pacte de Varsovie, de la fin de la guerre froide et de l'entrée récente dans l'OTAN de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque et du maintien de la paix, surtout la capacité du Canada d'y participer sous les auspices de n'importe quel organisme international dont le Canada fait partie.
Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, notre réunion d'aujourd'hui sera la dernière où nous entendrons des témoignages dans le cadre de notre mandat concernant le rôle futur du Canada dans l'OTAN et le maintien de la paix. Nous avons entendu des témoignages très intéressants et nous avons eu la possibilité d'explorer les opinions des experts et des autorités non seulement du Canada, mais aussi de nos alliés européens et américains.
Notre exploration a été à la fois longue et fascinante et il est tout naturel que, sur le point d'examiner nos conclusions, nous entendions les deux ministres qui contribuent le plus à déterminer l'avenir de la politique étrangère ainsi que de la politique de défense du Canada.
Notre comité a beaucoup d'admiration pour la façon dont les Forces armées canadiennes se sont acquittées de leur mission dans les Balkans. Nous avons reçu un témoignage remarquable du colonel Calvin et de ses hommes au sujet du rôle crucial qu'ils ont joué dans la poche de Medak. Nos forces ont participé à 10 p. 100 des frappes aériennes au Kosovo. Nous sommes intéressés d'entendre ce que les ministres ont à dire après avoir rencontré tellement de gens ces derniers mois.
En tant que votre nouveau président, c'est avec un grand plaisir que j'accueille, au nom du comité, nos éminents invités, l'honorable Lloyd Axworthy, ministre des Affaires étrangères et l'honorable Arthur Eggleton, ministre de la Défense nationale.
Avant d'inviter les ministres à nous faire une brève déclaration liminaire après laquelle nous leur poserons des questions, je vous signale que mon prédécesseur, le sénateur John Stewart, est des nôtres.
Le sénateur Lynch-Staunton: Si vous le permettez, monsieur le président, je propose que le sénateur Stewart se joigne à nous à la table.
Le président: Sénateur Stewart, voudriez-vous venir à la table? Nous vous avons préparé une place.
Des voix: Bravo!
Le président: Monsieur Eggleton, la parole est à vous.
L'honorable Arthur C. Eggleton, ministre de la Défense nationale: Monsieur le président, je tiens à vous féliciter de votre nomination à la présidence de ce comité. Je suis ravi de constater que le sénateur qui se présente comme étant de Bloor et Yonge, mon quartier favori, occupe maintenant le fauteuil de ce prestigieux comité.
Je suis accompagné aujourd'hui de deux personnes en uniforme: le vice-chef d'état-major de la Défense et vice-amiral Gary Garnett, et le sous-chef d'état-major de la Défense, le lieutenant-général Ray Henault.
Je me réjouis, avec mon collègue Lloyd Axworthy, de l'occasion qui m'est offerte de prendre part à votre analyse des rapports entre le Canada, l'OTAN et le maintien de la paix. Le choix de ce thème arrive certainement à un moment opportun étant donné que le 50e anniversaire de l'OTAN a été marqué par des opérations importantes en Bosnie et au Kosovo.
Nous avons élaboré un nouveau Concept stratégique, façonné par les défis particuliers à l'après-guerre froide, dans un monde qui n'est plus bipolaire. Ce nouveau concept témoigne de la réflexion de l'OTAN quant à son rôle dans ce nouveau contexte.
[Français]
Mes commentaires porteront sur deux types de relations, celles qui unissent le Canada et l'OTAN et celles de l'OTAN avec les opérations de maintien de la paix.
[Traduction]
L'Alliance de l'Atlantique Nord constitue un pilier de la politique canadienne de défense depuis la signature du Traité de Washington en 1949. Cinquante ans plus tard, le Canada demeure entièrement dévoué à l'OTAN. Nous prenons très au sérieux nos obligations dans le contexte de l'Alliance. La participation de nos militaires ne se dément pas, que ce soit au quartier général de l'OTAN ou dans ses exercices et unités opérationnelles, et ce, malgré un effectif réduit, au même titre que les autres pays membres de l'Alliance.
Permettez-moi de vous citer quelques exemples. Nous avons maintenu une présence régulière au sein de la Force permanente navale de l'Atlantique -- laquelle est présentement sous les ordres d'un Canadien et nous jouons un rôle important dans l'escadron aérien de détection lointaine de l'OTAN.
Le Canada est membre de la Force mobile du Commandement allié en Europe de l'OTAN, et notre bataillon affecté à la force de réaction immédiate demeure prêt au déploiement dans n'importe quel pays de l'Alliance. Et un Canadien assumera prochainement le commandement de la Force mobile du Commandement allié en Europe.
Comme nous pouvons le voir, les Forces canadiennes sont prêtes à participer aux opérations de l'Alliance; le meilleur exemple en est notre contribution récente à la campagne aérienne au Kosovo. Les pilotes canadiens ont effectué 682 sorties de combat. Comme le président l'a souligné, cela représente près de 10 p. 100 des missions dirigées contre des objectifs terrestres fixes et ils ont commandé environ la moitié des assauts auxquels ils ont pris part. Ils ont participé à un nombre de missions proportionnellement plus élevé que la taille des Forces canadiennes présentes sur le terrain. En fait, nous étions un des cinq pays à faire usage de munitions à guidage de précision, ce que nous n'aurions pas pu faire au moment de la guerre du Golfe. Nos capacités se sont améliorées entre temps.
Cette contribution du Canada a été rendue possible par l'aptitude au combat de nos CF-18, la compétence de nos pilotes et l'interopérabilité des forces que nous envoyons sur le terrain avec nos alliés.
L'autre domaine d'activité de l'OTAN -- un nouveau rôle pour l'Alliance depuis quelques années -- est celui du maintien de la paix. Là encore, le Canada est bien placé pour faire sa part. Par exemple, nous sommes en Bosnie depuis 1991 et, lorsque l'OTAN a organisé sa première opération de paix en 1995, les Forces canadiennes y ont pris part, comme nous l'avons fait plus tard au Kosovo. Il s'agit d'opérations complexes et dangereuses.
Permettez-moi de réfuter d'emblée toute suggestion voulant que les Forces canadiennes ne soient pas convenablement entraînées ou équipées pour le genre d'opérations de paix que mène actuellement l'OTAN. Nous soutenons depuis des années que les meilleurs gardiens de la paix sont des soldats bien entraînés au combat.
[Français]
C'est-ce que nous avons au sein des Forces armées canadiennes.
[Traduction]
Au plan des compétences, ils comptent parmi les meilleurs soldats que peut déployer l'Alliance. De plus, même si notre programme de modernisation est toujours en cours, comme vous le savez, les Forces canadiennes sont adéquatement équipées pour les opérations de paix auxquelles se livre l'Alliance. Nous avons commandé de nouveaux transports de troupes blindés et le Coyote présentement déployé au Kosovo compte parmi les meilleurs véhicules de sa catégorie dans le parc de l'OTAN. C'est ce que des généraux d'autres pays m'ont dit.
Nos frégates, qui font partie de la force permanente de l'OTAN dans l'Atlantique et ont été déployées près des côtes de l'ancienne Yougoslavie à l'occassion du conflit, sont de toute première classe, et nos chasseurs offrent un excellent rendement.
Si les Forces canadiennes ont un défi à surmonter dans le domaine des opérations de paix, c'est plutôt celui de la cadence opérationnelle extrêmement exigeante qu'on leur demande de soutenir. L'annonce récente concernant la rationalisation des troupes en Bosnie aidera, en partie du moins, à réduire la demande. En nous concentrant sur la Bosnie, nous évitons le chevauchement des quartiers généraux, des ressources logistiques et des unités de soutien au combat. Nous retrouvons également une certaine latitude qui nous permettra d'intervenir si jamais il survient une autre crise.
Un fait tout aussi important, ce redéploiement réduit le fardeau imposé aux hommes et aux femmes des Forces canadiennes et à leurs familles. La qualité de vie ne se limite pas à la rémunération, aux indemnités et au logement. Être affecté trop souvent à l'étranger perturbe autant la vie familiale que toute autre situation.
L'autre question à laquelle je sais que votre comité s'intéresse est celle des perspectives d'avenir de l'OTAN en ce qui a trait aux opérations de paix et les répercussions qu'elles entraîneraient sur le rôle joué par les Nations Unies. Ces questions préoccupent bien des personnes dans la conjoncture de l'après-Kosovo, mais je trouve erronées certaines des conclusions avancées.
En 1994, lorsque le gouvernement a promulgué sa politique de défense, nous avons soutenu que l'OTAN pourrait contribuer plus que par le passé à la sécurité collective et coopérative; selon nous, cette contribution pourrait inclure de nouveaux rôles. Le nouveau Concept stratégique, adopté par l'Alliance au Sommet de Washington d'avril 1999, reconnaît que l'OTAN peut exercer un rôle militaire au-delà des territoires de ses membres. Cependant, ce rôle ne peut pas s'exercer en toutes occasions ou en n'importe circonstance. Nous ne pouvons pas tout faire et être partout; ce serait de la folie que de le croire. L'OTAN ne vit pas présentement une transformation qui vise à en faire le policier de la planète.
Je ne crois pas non plus que nous puissions concevoir des critères qui nous permettraient de définir les circonstances justifiant l'intervention de l'Alliance. Les crises internationales ne se conforment à aucun schéma prévisible; il est donc peu raisonnable de chercher à créer une liste de contrôles qui détermineraient méthodiquement la réaction de l'OTAN et même celle du Canada.
Comme le suggère le Concept stratégique de l'OTAN, chaque crise doit être envisagée au cas par cas. Lorsqu'il y a consensus quant à l'opportunité et à l'efficacité d'une intervention de l'Alliance, l'OTAN est en position de réagir.
Cette question évoque un autre malentendu propre à l'après-Kosovo: je parle de l'inquiétude exprimée par certains à l'effet que l'OTAN pourrait supplanter les Nations Unies comme principal intervenant lorsque des crises de sécurité ou des drames humanitaires surviennent. Une telle hypothèse déroge à la politique de l'OTAN. De plus, elle ne reflète pas la position du Canada. Nous continuons de croire que l'ONU et bel et bien l'instance multilatérale la plus appropriée, ayant l'autorité politique nécessaire au traitement des questions de sécurité internationale et des problèmes d'ordre humanitaire.
Cette perspective est généralement partagée par nos alliés, et je crois que les événements récents présagent bien de ce que réserve l'avenir. Les opérations actuelles de l'OTAN au Kosovo sont menées en vertu d'un mandat de l'ONU. La force internationale présentement déployée au Timor oriental est une coalition sanctionnée par l'ONU. Cependant, l'expérience du Kosovo n'a démontré qu'une chose: dans des circonstances particulièrement urgentes, un blocage à l'ONU ne doit pas entraver la volonté exprimée par la collectivité internationale d'éviter les tragédies humaines. Il ne s'agissait pas d'un indice de la faillite de l'ONU. Mais il ne fait aucun doute que nous devons raffermir la capacité de l'ONU à réagir aux crises qui menacent la sécurité internationale ou les principes humanitaires.
Le dernier sujet que j'aimerais aborder concerne le rôle que jouent les Forces canadiennes afin de promouvoir les intérêts et les valeurs du Canada à l'échelle internationale. Dans le discours du Trône, le gouvernement a indiqué qu'il a l'intention de mettre l'accent sur la sécurité humaine. Aucun autre organe du gouvernement n'est plus actif que les Forces canadiennes dans la promotion de cet objectif. Bien entendu, nos habiles diplomates des Affaires étrangères et nos dévoués représentants de l'ACDI sont indispensables à la réalisation des objectifs du Canada. Mais lorsque les problèmes dépassent le cadre des programmes d'aide de la diplomatie, les Forces canadiennes sont le seul outil dont le Canada dispose pour rétablir la sécurité humaine. Où seraient les Kosovars aujourd'hui sans les efforts des Forces canadiennes et de leurs alliés?
Pour promouvoir la sécurité humaine, le Canada doit être en mesure de participer sur tous les fronts -- le développement, la diplomatie et les opérations de paix des Forces canadiennes. Il s'agit de trouver un juste équilibre entre la puissance douce et les capacités militaires. Faire appel à la puissance douce lorsque la situation s'y prête. Et recourir à des moyens plus musclés lorsque la puissance douce ne peut prévaloir à elle seule.
[Français]
Autrement dit, pour promouvoir la sécurité humaine, il faut s'appuyer sur des forces militaires adéquates.
[Traduction]
Pour conclure, je me réjouis de l'intérêt que manifeste votre comité à l'égard du Canada, de l'OTAN et du maintien de la paix; ce sujet mérite bien l'attention que vous lui avez accordée et j'ai l'intention de poursuivre le dialogue avec vous à ce sujet lorsque mon collègue, le ministre des Affaires étrangères, aura fait sa déclaration.
L'honorable Lloyd Axworthy, ministre des Affaires étrangères: Monsieur le président, permettez-moi de vous féliciter moi aussi pour votre nomination à la présidence de ce comité. Je vous souhaite bonne chance pour les travaux très approfondis qui vous attendent.
Je me réjouis également de la présence du sénateur Stewart, qui étudie ces questions depuis si longtemps au Sénat et au Parlement. Il est encourageant de le voir présent à cette table pour apporter sa contribution.
[Français]
Quand les Canadiens considèrent leur classement dans le monde, notre tradition de maintien de la paix vient sans doute à leur esprit. En conséquence, j'appuie l'étude que vous entreprenez de ce sujet. C'est une bonne occasion de vous adresser la parole, avec mon collègue, M. Eggleton, et de répondre à vos questions. C'est un message très important et contemporain.
[Traduction]
Monsieur le président, en ouvrant la séance, vous avez dit que vous aviez eu l'occasion d'examiner un certain nombre de considérations importantes.
Je suis rentré récemment du Kosovo où j'ai passé un certain temps à parler, aux Nations Unies et aux ONG, de la mise en oeuvre de l'engagement du Canada à aider à rebâtir, reformer et revitaliser la société. J'ai également profité de cette occasion pour discuter activement avec les dirigeants politiques serbes et albanais du Kosovo. J'ai passé presque tout un après-midi à dialoguer directement avec les dirigeants politiques de la région. Je leur ai avant tout fait valoir qu'il était important de se fixer la conciliation comme objectif premier et d'assurer la sécurité et la stabilité pour toute la population du Kosovo, et pas seulement un groupe ou l'autre. Je me ferai un plaisir de relater plus longuement aux membres du comité certaines de nos discussions de même que certaines réactions que nous avons constatées au cours de cette période.
Contrairement aux attentes initiales, pratiquement tous les réfugiés kosovars sont maintenant rentrés chez eux. Néanmoins, en même temps, les actes de violence se poursuivent malheureusement contre les groupes minoritaires, qu'ils soient serbes ou Romanis. Dans le cadre du mandat assumé par la KFOR, les Nations Unies et l'OSCE, il est important que nous n'épargnions aucun effort pour que tout le monde soit traité de façon juste et équitable.
Une des principales choses qui m'ont frappé lors de mon séjour là-bas est le rôle important et parfois très dangereux joué par les médias. Certains d'entre vous se souviendront d'un rapport publié il y a deux ans environ sur les causes du génocide au Rwanda. Il soulignait qu'une des causes les plus malsaines de cette tragédie a été la façon dont les médias ont stimulé la haine ethnique, la violence et l'hostilité entre les deux groupes.
C'est certainement ce qui se passe toujours au Kosovo. Dans le cadre de notre contribution de 100 millions de dollars que le Cabinet a approuvée il y a quelques semaines, nous examinons comment nous pouvons soutenir et améliorer l'indépendance des médias dans le but de favoriser une plus grande tolérance culturelle au sein de cette société. Ce n'est pas facile et cela prendra beaucoup de temps, mais c'est l'un des principaux objectifs que nous nous sommes fixés.
Cette question m'amène à vous parler, étant donné que c'est relié à l'étude de votre comité, du récent rapport déposé aux Nations Unies sur le massacre de Srebrenica. Ce rapport condamne sévèrement les responsables, surtout Karadzic et Mladic, qui ont été reconnus coupables par le Tribunal des crimes de guerre et souligne que des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité sont perpétrés. En pareil cas, il s'agit surtout d'exiger des comptes.
Le rapport attribue également une part de responsabilité importante aux Nations Unies et à la communauté internationale pour n'avoir pas su prendre les mesures voulues pour protéger les civils dans ce conflit. La guerre n'est pas terminée. Elle s'est seulement internalisée et ses victimes sont des civils. Quatre-vingt-dix pour cent des victimes de la guerre dans les Balkans sont des civils, surtout des innocents.
La communauté internationale a la responsabilité de protéger ces innocents, de protéger les gens vulnérables contre les atrocités, les massacres, l'épuration ethnique et le nouveau panthéon de normes que ce monde tente de ressusciter et de promouvoir. Comme l'a déclaré le secrétaire général Kofi Annan, l'expérience de l'ONU en Bosnie était autant une cause morale qu'un conflit militaire. La tragédie de Srebrenica hantera notre histoire pour toujours. Dans sa tentative d'établir des zones sûres, la communauté internationale n'a pas su prendre des mesures voulues pour faire respecter le droit humanitaire, ce qui a eu d'horribles résultats.
Ce sont des leçons que nous ne pouvons pas oublier. Nous ne pouvons simplement pas les placer sur l'étagère de l'histoire en disant qu'elles n'ont aucune importance pour nous, car nous avions à l'esprit l'exemple du Rwanda et de Srebrenica lorsque nous avons été confrontés au conflit au Kosovo.
Il ne fait aucun doute que la décision de lancer une intervention armée pour des raisons humanitaires est une des plus difficiles que l'on puisse prendre sur la scène internationale et personne ne la prend à la légère. Toutefois, en même temps, il est entendu que, pour assurer la primauté du droit et le respect de normes qui protègent les civils contre les crimes de guerre, nous devons être prêts à faire respecter le droit. Nous devons être prêts à assurer cette protection.
Il est vrai que la majorité des crises internationales devraient être réglées au moyen de la négociation, de sanctions ciblées et de divers moyens de persuasion et de pression. Votre comité est particulièrement bien placé pour savoir, en raison de son étude, combien cela a été long dans le cas du Kosovo. Il a fallu près de deux ans d'efforts soutenus pour trouver des solutions diplomatiques et politiques à ce problème, dans diverses tribunes, au moyen de diverses méthodes et en faisant intervenir divers acteurs. Finalement, ces efforts ont échoué.
Il arrive parfois -- et c'est l'une des grandes questions de notre époque à l'aube du prochain siècle -- qu'il faille déplacer le concept traditionnel du maintien de la paix pour protéger la vie des innocents pris au milieu de ces conflits. Il existe de rares occasions où il faut déployer la force militaire pour mettre un terme aux violations des droits de l'homme.
Je vous rappelle que c'est conforme à l'engagement que notre propre gouvernement a pris de protéger la sécurité humaine dans le récent discours du Trône. Depuis deux ou trois ans, mes collègues et moi-même nous sommes progressivement dirigés vers une conception de nos responsabilités internationales qui considère de plus en plus que les risques pour la sécurité des personnes sont aussi importants que les risques pour la sécurité nationale. Je ne veux pas dire que les risques pour la sécurité nationale n'existent plus, mais que le risque pour les gens, pour les personnes, devient de plus en plus une priorité. Qu'il s'agisse des risques venant des terroristes, des seigneurs de la guerre, des gouvernements qui commettent des atrocités contre leur propre peuple ou du crime organisé ou des trafiquants de stupéfiants, nous devons commencer à reformuler nos normes, nos pratiques et nos institutions en tenant compte de l'insécurité qui menace certaines personnes. Sans cette protection, tous nos autres objectifs, qu'il s'agisse de contribuer au développement, de créer des sociétés stables ou de promettre un avenir deviennent compromis. Par conséquent, il est essentiel que le Parlement, le gouvernement et les sociétés civiles s'entendent pour trouver des moyens efficaces et adéquats de mettre en oeuvre et d'activer un programme de sécurité humaine. Nous devons réfléchir à la façon dont le Canada peut contribuer à ces efforts.
À l'ouverture de l'Assemblée générale, cet automne, le secrétaire général, M. Kofi Annan, a inscrit la question de l'intervention humanitaire au centre du programme international et a mis au défi les pays comme le nôtre à proposer des solutions et des réponses. C'est également l'une des importantes initiatives que nous prenons aux Nations Unies et dont je vous parlerai plus tard. Les formes d'intervention dont nous parlons et que vous étudiez doivent se fonder sur une justification légitime de la sécurité humaine, mais elles doivent également correspondre à la volonté politique et à la capacité d'intervention.
Cet impératif humanitaire de protéger la sécurité des personnes remet certainement en question les concepts traditionnels du maintien de la paix, des responsabilités militaires et de la sécurité proprement dite. Il change la nature du maintien de la paix qui a évolué de façon spectaculaire depuis que Lester Pearson a contribué à créer ce concept, au milieu des années 50. À l'époque, les Casques bleus se contentaient de surveiller une ligne de cessez-le-feu entre les belligérants. Aujourd'hui, le maintien de la paix est un ensemble complexe, intégré et bien orchestré d'interventions de la part du personnel militaire, des ONG et des organismes internationaux qui combinent tous leurs efforts pour créer un nouveau cadre dans lequel les gens se sentiront protégés contre les risques. Je peux vous citer d'excellents exemples dont j'ai été témoin pendant mon séjour au Kosovo, il y a une semaine.
À la fin de la journée, j'ai pris l'avion jusqu'au secteur canadien, à l'extérieur de Pristina, où le colonel Ward et ses adjoints, qui ont entrepris de sécuriser la zone, ont commencé à remettre en état les écoles et les logements de certains quartiers de ce secteur. J'ai trouvé fascinant, réconfortant et encourageant de constater cette collaboration. Lorsque les forces serbes se sont retirées, elles ont placé environ 400 mines terrestres au voisinage de l'école afin de la rendre inutilisable. Les forces armées ont créé un cordon de sécurité à l'intérieur à l'intérieur duquel les démineurs canadiens du groupe Wolf Flats, de l'Alberta, et un groupe du Cap-Breton sont venus enlever les mines afin que l'école puisse être rouverte. Ils ont travaillé en collaboration avec un groupe de construction de Montréal qui a aidé à rebâtir les murs, les plafonds et les toitures afin que les enfants puissent revenir pour suivre leur scolarité.
Si nous voulons parler du nouveau visage de l'intervention, du nouveau visage du maintien de la paix, du nouveau visage de l'édification de la paix, il était bien apparent dans ce petit microcosme où nos Casques bleus travaillaient en collaboration avec la communauté internationale, avec les ONG et le secteur privé pour créer un nouvel environnement pour cette collectivité et ce village situé juste au sud de Pristina. C'est exactement le genre de modèle et de projet pilote que nous commençons à développer dans le monde pour apporter la contribution du Canada. Autrement dit, la dimension de plus en plus humaine des conflits armés exige une réponse beaucoup plus complexe et exigeante que ne le prévoyait l'ancien concept.
J'aimerais vous parler du travail que nous accomplissons aux Nations Unies où nous avons occupé notre siège au Conseil de sécurité en janvier. En février, nous avons lancé au conseil un débat ouvert sur la protection des civils dans les conflits armés. Il partait du principe que les civils sont les cibles et pas seulement des victimes indirectes. Ils sont la cible d'une action militaire directe. Les civils deviennent des pions sur l'échiquier. On se sert d'eux pour atteindre le but visé par les responsables du conflit.
Nous avons eu un débat très animé et très ouvert. À la suite de cette initiative, le secrétaire général, Kofi Annan, a déposé cet automne un rapport sur la protection des civils dans les conflits armés. Plusieurs de ses recommandations portaient sur l'établissement et le maintien de la paix et visaient notamment à améliorer la capacité de l'ONU à planifier et à déployer rapidement des missions; le déploiement d'observateurs militaires dès le début du conflit pour assurer la sécurité des camps de réfugiés; l'examen d'un déploiement préventif de forces de maintien de la paix ainsi que l'examen des mesures d'application appropriées en cas de violations massives et constantes des droits de l'homme.
Nous appuyant sur ce rapport, nous profitons de notre temps de parole au Conseil pour réclamer des missions beaucoup plus efficaces, pour élargir la notion de sécurité de façon à y inclure cette dimension humaine et pour faire en sorte que le mandat de maintenir la paix établi par les Nations Unies et d'autres intègre également le mandat de protéger les civils.
C'est ainsi que le mois dernier, des missions de maintien de la paix ont été constituées pour le Timor oriental et le Sierra Leone et cela de façon entièrement nouvelle. Ces deux résolutions établissent clairement que les Casques bleus des Nations unis ont le droit d'utiliser tous les moyens nécessaires pour protéger les civils. C'est une grande première pour le Conseil de sécurité. Cela démontre que les événements qui se sont produits depuis notre initiative de février dernier ont conduit au genre de forces de maintien de la paix qui auraient pu empêcher les atrocités à Srebrenica et au Rwanda. Cela aurait permis aux Nations Unies d'appliquer et d'utiliser ces Casques bleus adéquatement pour protéger contre de tels abus.
Nous reconnaissons -- comme le ministre de la Défense nationale vient de le dire -- que pour accroître leur capacité, il faut renforcer les Nations Unies. Il faut une force permanente et une force d'intervention rapide. Là encore, le Canada a pris beaucoup d'initiatives.
Nous avons besoin d'une intervention militaire rapide, mais il nous faut aussi une intervention civile rapide. Il faut que la composante bleue et la composante blanche travaillent ensemble, comme on en a parlé à propos du Kosovo.
L'une des principales questions qui se pose est la suivante: Comment mobiliser nos ressources et les intégrer? Le ministre de la Défense nationale, le ministère de la Coopération internationale, le solliciteur général et moi-même travaillons ensemble en tant qu'équipe internationale pour que nous puissions fournir les ressources le plus rapidement possible dans ces circonstances exigeantes. Ce que nous faisons actuellement au Kosovo est un excellent exemple de ce nouveau travail d'équipe ou de ce partenariat.
Nous constatons -- c'est tout aussi important et cela nous ramène à la question que M. Eggleton a soulevé -- que nous n'avons pas toujours à être présents sur le terrain pour démontrer notre engagement. L'une des principales demandes que nous recevons est d'appliquer les compétences et l'expérience que les Canadiens ont acquises au cours des 40 dernières années de maintien de la paix pour aider à former les pays prêts à participer. Le ministère de la Défense nationale participe activement, par l'entremise de son programme d'entraînement militaire et du centre de maintien de la paix Lester Pearson, en Nouvelle-Écosse et à Montréal, à la formation des officiers de maintien de la paix des armées, des aviations et des marines des pays du monde entier. Nous sommes sans doute les principaux experts de cet aspect fondamental des relations civilo-militaires.
Comment assurer cette nouvelle intégration des interventions militaires et civiles? Nous partageons ces connaissances avec d'autres pays. Nous sommes très en demande en ce qui concerne ces compétences spécialisées. Nous avons été le seul pays non africain à participer à une mission de maintien de la paix dans une république d'Afrique centrale. Pourquoi? Le ministère de la Défense nationale a une équipe de communication bilingue très compétente. Aucun pays à part le Canada ne pouvait fournir ce service. Si nous sommes tellement en demande c'est parce que nous possédons des compétences et des connaissances très particulières.
Nous traversons une période de changements fondamentaux, spectaculaires et fascinants. Le Canada est tout à fait au centre de ces changements et contribue à les modeler, à les formuler et à les créer. Ce travail est en train de se faire. Personne n'a encore de solutions complètes. Néanmoins, les travaux de votre comité et l'examen auquel nous pouvons nous livrer à titre de parlementaires -- ce qui élargit le débat au Canada et avec d'autres pays -- nous apporterons non seulement les instruments dont nous avons besoin, mais les concepts nécessaires pour créer un monde nouveau fondé sur les principes humanitaires dont j'ai parlé tout à l'heure.
Le sénateur Lynch-Staunton: Monsieur Eggleton, vous avez souligné que le Canada pouvait intervenir en dehors de son territoire. Néanmoins, il ne peut pas aller partout. Chaque situation d'urgence doit être examinée une par une. Toute intervention a lieu une fois que l'on est parvenu à un consensus.
Comment établit-on un consensus au sein de l'OTAN? Il y a 19 pays membres. Je suppose que vous avez employé délibérément le mot «consensus». Cela ne veut pas dire l'unanimité. Qu'entendez-vous par «consensus»?
M. Eggleton: Il n'y a pas de votes formels. Le consensus correspond généralement à l'unanimité ou du moins au fait que personne n'exprime de fortes objections sur une question. Les pays ne souscriront peut-être pas entièrement à ce qui est proposé, mais à moins qu'ils ne fassent formellement part de leurs objections, il y a consensus.
La campagne de frappes aériennes au Kosovo a fait clairement l'objet d'un consensus. Pendant toute cette crise, l'OTAN a pu maintenir un consensus.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je m'abstiendrai de me lancer sur ce sujet, car si nous devions revivre le Kosovo, le scénario ne serait peut-être pas le même.
Disons que les cinq ou six grandes puissances, dirigées par l'OTAN, décident d'adopter un plan d'action, mais que deux ou trois des puissances mineures ne soient pas d'accord. Qu'est-ce qui empêcherait le déroulement de ce plan d'action?
M. Eggleton: Personnellement, je n'ai pas encore vu la chose se produire.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est une question hypothétique.
M. Eggleton: Le ministre des Affaires étrangères, qui était également là-bas -- nous y sommes allés tous les deux, même si ce n'était pas en même temps -- pourra peut-être vous en dire plus. Néanmoins, lorsque j'étais là-bas, il y a eu un consensus général.
Le sénateur Lynch-Staunton: Monsieur Axworthy, permettez-moi de parler de l'appel très éloquent que vous avez lancé pour la sécurité humaine et la protection des civils dans les conflits armés.
Nous nous sommes trouvés devant ce genre de confrontations au Tibet et en Irlande du Nord, même si l'on peut espérer en voir la fin et, bien entendu, en Tchétchénie. La Tchétchénie peut se comparer au Kosovo pour ce qui est des civils, des réfugiés et de la destruction des biens. Néanmoins, à ma connaissance, l'OTAN n'a jamais considéré la Tchétchénie comme un territoire où une intervention militaire est indispensable pour faire cesser les effusions de sang. Quelle est la différence qui explique le manque d'intérêt vis-à-vis de la Tchétchénie? Pourquoi ce manque d'intérêt de la part de l'OTAN et de l'ONU alors qu'on a pris de tels engagements envers le Kosovo. En quoi les deux situations se comparent-elles?
M. Axworthy: Tout d'abord, sénateur, je ne dirais pas qu'il y a un manque d'intérêt. En fait, l'intérêt est très grand.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je sais que vous avez fait des déclarations en ce sens, mais le Conseil de sécurité n'a pas été saisi de la situation en Tchétchénie.
M. Axworthy: Cela nous ramène à ce que M. Eggleton a dit tout à l'heure. Il arrive parfois que certaines questions ne soient pas inscrites à l'ordre du jour à cause du droit de veto de certains des cinq membres permanents. Nous avons essayé, sans succès, en tant que membre élu du Conseil, d'amener sur le tapis la question de la Tchétchénie, mais nous en avons été empêchés pour des raisons évidentes.
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous pourriez proposer une résolution.
M. Axworthy: Nous pourrions proposer une résolution uniquement sur l'accord, si nous pouvons l'inscrire à l'ordre du jour. Nous avons soulevé la question par l'entremise de notre représentant permanent, mais sans avoir pu lancer le débat ou la discussion.
Des rapports ont été présentés, comme c'est arrivé également dans le cas du Kosovo. En préparation de la campagne de mars, nous avons essayé par divers moyens de faire examiner la question par le Conseil de sécurité, mais en tant que membre élu, nous n'avons pas réussi à l'emporter sur le droit de veto des cinq membres permanents, ce qui pourrait faire l'objet d'une autre discussion avec le comité. Certains défauts structurels existent aux Nations Unies.
Le sénateur Lynch-Staunton: Le Conseil de sécurité a le droit de veto. Lorsque la question du Kosovo n'a pas été soumise au Conseil de sécurité, l'OTAN a immédiatement agi de son propre chef. Pourquoi pas dans ce cas-ci?
M. Axworthy: Là encore, on a tenu compte des circonstances. Cela faisait deux ans que nous cherchions des moyens de résoudre la crise humanitaire au Kosovo sans pouvoir trouver de réponse satisfaisante. Nous ne pouvions pas obtenir un arrêt des agissements du régime Milosevic.
J'ai eu une première réunion avec le ministre des Affaires étrangères de Russie au début de l'année. Les Russes ont fait valoir qu'ils faisaient l'objet de diverses attaques terroristes émanant de la Tchétchénie, une province russe et qu'ils essayaient simplement d'empêcher ces attaques.
De toute évidence, ils ont élargi leurs opérations et c'est une question qui a été abordée énergiquement à la récente réunion de l'OSCE. Cela fera également l'objet d'un échange de vues à la réunion des ministres des Affaires étrangères du G-8 qui aura lieu dans deux semaines.
Ce n'est pas toujours nécessairement l'un ou l'autre. Il est possible d'utiliser un certain nombre d'instruments internationaux pour appliquer le critère. L'OSCE a certainement déployé le maximum d'efforts et continue à le faire. Le ministre des Affaires étrangères, M. Knut Vollebaek, le président en exercice, était à Moscou hier pour discuter des accords auxquels nous sommes parvenus en Turquie. Suivant la politique que nous avons décrite, nous avons cherché à ce que les organisations humanitaires interviennent pour aider les populations civiles de Tchétchénie, tant des personnes déplacées à l'intérieur de la province que de celles qui fuient. Nous n'avons pas réussi en partie parce que nous ne pouvions pas engager le Conseil de sécurité à cause du droit de veto.
Le sénateur Lynch-Staunton: Est-ce une simple coïncidence ou est-il vrai que, lorsque les intérêts nationaux des cinq membres permanents du Conseil de sécurité sont en jeu, le reste du monde a tendance à céder sous les pressions d'un ou plusieurs de ces cinq membres, mais que lorsque ces derniers ont moins d'intérêts nationaux en jeu, l'ONU et l'OTAN semblent plus libres d'agir?
Pourquoi sommes-nous intervenus au Timor oriental, en Bosnie, au Kosovo et en Sierra Leone, où les cinq membres permanents n'ont pas beaucoup d'intérêts en jeu? Au Tibet, en Irlande du Nord, en Tchétchénie et ailleurs, où les massacres, la destruction, les viols et le problème des réfugiés est aussi grave, sinon pire, nous restons silencieux.
M. Axworthy: Il s'agit, sans aucun doute, d'une des réalités auxquelles nous devons faire face. Cela remonte aux ententes institutionnelles issues de la Seconde Guerre mondiale. Je ne dirais pas que les cinq membres permanents sont tous des grandes puissances. Certains acquièrent une grande puissance simplement parce qu'ils possèdent un droit de veto et voilà pourquoi ils se battent autant pour le conserver.
En réalité, lorsque ces intérêts sont contestés -- et ils le sont parfois -- il est difficile d'obtenir un consensus international, mais cela ne veut pas dire que ce soit impossible. Par exemple, nous avons contesté l'intérêt national de nos voisins du Sud au sujet des mines terrestres. Comme cela ne leur plaisait pas, nous avons quand même obtenu un traité en dehors des Nations Unies.
Vous avez soulevé la question du Tibet. J'ai reçu, la semaine dernière, un rapport d'un groupe de dirigeants ecclésiastiques canadiens selon lesquels nous avons pu obtenir des Chinois de visiter leur pays pour étudier la question de la liberté de religion. Cela fait partie de l'entente que nous avons avec la Chine. Nous avons élargi un peu ce périmètre et, pour la première fois, un groupe international -- et il s'agit là encore d'une initiative canadienne -- commence à examiner ces questions de façon plus directe.
Autrement dit, il existe un moyen de s'attaquer à ces problèmes. Dans chaque circonstance, nous devons nous servir des instruments et de l'influence dont nous disposons.
Le sénateur Stewart: Monsieur le président, j'apprécie la courtoisie du comité et j'aurais une question à poser. Ma question ne doit pas être jugée hostile ou critique. Je la pose pour obtenir un éclaircissement sur un point que je juge important. C'est au sujet des interventions de l'OTAN sans l'autorisation du Conseil de sécurité. Je voudrais faire trois brèves citations. Il s'agit d'abord des paroles de M. Javier Solana, l'ancien secrétaire général de l'OTAN:
Pour la première fois, une alliance défensive a lancé une campagne militaire pour éviter une tragédie humanitaire en dehors de ses propres frontières.
M. Solana et les ministres qui sont avec nous, ont insisté sur les considérations humanitaires.
M. Arthur Eggleton a pris la parole à l'université Harvard, le 4 octobre de cette année. Il a établi un lien entre le fait que l'OTAN avait agi sans l'autorisation du Conseil de sécurité et la détermination à prévenir des désastres humanitaires. Il a fait valoir la même idée ici, cet après midi. À Harvard, il a déclaré ceci:
Ce que le Kosovo nous a bel et bien appris toutefois, c'est que, quand le temps presse, un imbroglio à l'ONU ne suffit pas à contrecarrer la volonté de la communauté internationale de prévenir une tragédie humaine.
Je félicite le ministre d'avoir de la suite dans les idées. J'ai été impressionnée par la façon dont le ministre des Affaires étrangères partage l'opinion de son collègue comme ce qu'il a déclaré ici cet après-midi le démontre.
Je voudrais citer quelqu'un d'autre. Il s'agit de M. James B. Steinberg, conseiller national adjoint du président des États-Unis pour la sécurité. Voici ce qu'il a écrit:
En fait, 19 alliés de l'OTAN, malgré toute la diversité de leur culture politique et de leurs relations historiques avec les Balkans, ont estimé avoir absolument intérêt à mettre fin à la violence au Kosovo. Un conflit prolongé dans cette région, n'aurait pas eu de frontières naturelles.
Autrement dit, M. Steinberg souligne la crainte d'une propagation du conflit.
Ces paroles soulèvent une importante question et peut-être une ou deux questions subsidiaires.
Quelle était la raison fondamentale de l'intervention de l'OTAN au Kosovo? Était-ce effectivement une raison humanitaire, comme on pourrait le conclure des propos tenus ici cet après-midi, ou était-ce la crainte d'une propagation du conflit aux Balkans, comme l'a déclaré M. Steindberg?
M. Eggleton: Vous pourriez faire valoir qu'il y avait peut-être un peu des deux. La majeure partie de la discussion à laquelle j'ai participé à l'OTAN et au Canada pour l'élaboration de notre politique se rapportait à la crise humanitaire. Des gens ont été chassés de leur foyer et expulsés de leur pays sous la menace d'être tués ou blessés. Les Canadiens ne peuvent pas rester les bras croisés. Cela ne correspond pas à nos valeurs. Ce n'est pas le genre de choses que nous ferions.
Nos alliés ont ressenti la même chose. Sans aucun doute, on a eu très peur que le conflit ne déborde des frontières du Kosovo et ne se répande dans les Balkans et dans les pays voisins. La déstabilisation de la Macédoine, de l'Albanie et des autres pays à la frontière préoccupait énormément l'OTAN et les pays européens. Oui, ce conflit était en dehors du champ d'action de l'OTAN et des pays qui l'intéressent directement, mais il se situait dans la communauté régionale des intérêts de l'OTAN. Au cours des discussions, j'ai surtout entendu parler de la nécessité d'intervenir pour éviter une crise humanitaire.
Un tas de choses terribles se sont certainement passées à ce moment-là. Il a fallu un certain temps à l'OTAN pour contrôler le terrain en menant une campagne aérienne, mais nous y sommes finalement parvenus. Il reste encore de nombreux défis à relever, mais si nous n'avions rien fait, la situation aurait été beaucoup plus grave.
M. Axworthy: Sénateur Stewart, je voudrais compléter ce qu'a dit M. Eggleton. Premièrement, le Conseil de sécurité avait adopté les résolutions 1199 et 1203, qui demandaient directement au régime et au gouvernement serbes de cesser leurs agissements contre les populations civiles, ce qu'ils ont refusé. Deuxièmement, ils ont également rejeté l'appel lancé par le Conseil de sécurité pour qu'un tribunal international ait accès au pays afin d'enquêter. Les discussions se sont alors déroulées en dehors du Conseil de sécurité parce que nous ne pouvions pas parvenir à une décision à cause de l'utilisation préventive ou de la menace d'utilisation préventive du droit de veto par certains des cinq membres permanents. La décision n'a pas été facile à prendre et c'est pourquoi il a fallu longtemps pour trouver une solution.
Nous avons déployé énormément d'efforts pour négocier un règlement. Nous l'avons fait par l'entremise de la mission de l'OSCE qui a envoyé des observateurs au Kosovo pour empêcher les Serbes de poursuivre leurs exactions en assurant une présence internationale. Encore une fois, cela n'a pas donné de résultats. Les négociations ont donc été rompues.
Je ne prétends pas que tous les torts étaient du même côté. De nombreux Kosovars albanais faisaient preuve de la même obstination à ne pas trouver de terrain d'entente parce qu'ils voulaient leur indépendance.
Aucun d'entre nous qui siégions à la table à ce moment-là et qui avions vécu les événements de Srebrenica ou du Rwanda ne voulait voir l'expérience se reproduire. Par conséquent, nous avons pris les mesures que nous avons prises en nous basant sur la Charte des droits de l'homme. Il y a une convention contre le génocide. Il existe des principes de droit fondamental qui remontent aux procès pour crimes de guerre de Nuremberg. Cette jurisprudence nous a permis de dire que si le Conseil de sécurité était bloqué, nous devions trouver quelqu'un prêt à intervenir.
Le sénateur Stewart: Vos deux réponses insistaient sur les considérations humanitaires. À part ces considérations, la crainte d'une propagation du conflit aux Balkans était-elle suffisante pour justifier l'intervention de l'OTAN, y compris la participation du Canada, sans l'autorisation du Conseil de sécurité?
M. Axworthy: Je ne pense pas que nous pouvons résoudre cette question pour le moment. Ce qui nous a surtout motivés, c'est le désir de sauver des vies.
Le sénateur Stewart: De toute évidence, vous aviez prévu la question et la réponse.
Quand on dit qu'on a insisté sur les considérations humanitaires telles que le désir de mettre fin au nettoyage ethnique pour justifier une intervention non autorisée de l'OTAN, vous répondez que cela ne tient pas debout.
M. Axworthy: Je dire même plus, sénateur Stewart. C'est contraire à la réalité.
Le sénateur Grafstein: Je souhaite la bienvenue aux deux ministres.
Monsieur le président, si vous le permettez, je voudrais poser une question à M. Eggleton, et je céderai peut-être la parole aux autres membres du comité. Je me réserve le droit de revenir poser une question à M. Axworthy.
En Europe, j'ai entendu d'excellentes nouvelles au sujet des Forces canadiennes. Lorsque nous étions à Londres, Paris, Bonn et Mons, en Belgique, j'ai posé la question suivante aux conseillers militaires les plus haut gradés de ces pays ainsi qu'à l'OTAN: s'il devait y avoir un engagement vigoureux sur le terrain, un combat aérien ou une bataille en mer, lequel de tous les partenaires de l'OTAN préféreriez-vous avoir à vos côtés? Dans chaque cas -- en Angleterre, en France, en Allemagne et au quartier général de Belgique -- les hauts conseillers militaires m'ont répondu que, personnellement, ils préféreraient avoir les Canadiens au sol, dans les airs ou en mer.
J'ai également constaté qu'à ma grande surprise, à moins d'un mille de chez moi, nous avions le Collège d'état-major de Toronto, que les experts militaires reconnus considèrent comme l'un des plus grands collèges d'état-major au monde. C'est une bonne nouvelle, mais permettez-moi d'aborder l'autre élément de l'équation.
Malgré ces beaux compliments des experts militaires, lorsque nous sommes arrivés au prestigieux comité des affaires étrangères de la Chambre des communes en Angleterre, un de mes collègues, M. George -- nous avons siégé ensemble à l'OSCE -- a vivement critiqué le Canada en disant que, sur le plan militaire, notre pays ne faisait pas sa juste part au sein de l'OTAN. À notre retour au Canada, nous avons découvert que le secrétaire général de l'OTAN était venu ici et avait adressé le même reproche au Canada.
À la conférence de l'OTAN qui a eu lieu à Toronto, en septembre 1999, on a mentionné qu'en 1999 le Canada n'avait atteint que 51 p. 100 des 129 objectifs qui lui avaient été fixés par l'OTAN en ce qui concerne les besoins en effectifs. D'après ce que j'ai compris -- mais je me trompe peut-être -- le Canada n'a accepté que 48 des 129 objectifs que l'OTAN lui avait fixés en 1998. Le Canada fait-il sa juste part au sein de l'Alliance?
M. Eggleton: Oui. Avant d'entrer dans les détails, je vous remercie pour toutes les bonnes nouvelles que vous nous avez transmises, car d'après ce qu'on peut lire dans les quotidiens, c'est une chose dont on parle moins. J'aimerais maintenant préciser ce que je viens de dire quant au rôle du Canada.
Il suffit d'examiner les chiffres pour voir si nous faisons notre part. Je préfère toutefois examiner les résultats et les mesures que nous avons prises.
Ce que vous venez de dire au sujet de la campagne aérienne au Kosovo démontre que nous faisons notre part. Nous étions en quatrième place sur la liste des pays qui ont participé à ces frappes aériennes. Étant donné l'équipement dont nous disposions, nous avons fait plus que notre juste part.
Comme l'a mentionné le président, nous avons participé à 10 p. 100 des missions aériennes. Sur 682 missions, nous en avons dirigé la moitié. Plusieurs pays y participaient, y compris les États-Unis, qui possédaient la majeure partie de l'équipement. Nous étions placés en tête. J'ai parlé au général chargé de coordonner cette action et il m'a dit que le Canada faisait partie de sa première équipe, que nous avions des professionnels dévoués qui connaissaient leur travail et qui savaient quoi faire.
J'ai parlé à nos militaires et j'ai été très impressionné par le dévouement avec lequel ils participent à tout cet effort ainsi que leur foi dans cette cause.
Lorsqu'il a assisté à la réunion de l'OTAN, à Toronto, dont j'ai été l'hôte en septembre, George Robertson a déclaré que nous devions dépenser plus d'argent, mais cela s'appliquait à tout le monde. Il voulait que tous les pays consacrent plus d'argent à la défense. Si un ancien ministre de la Défense devient secrétaire de l'OTAN et désire augmenter la capacité de l'OTAN, il est normal qu'il veuille que tout le monde consacre plus d'argent à la défense. Un certain nombre d'alliés de l'OTAN craignent que la réduction des budgets de défense ait été trop importante au cours de l'après-guerre froide, mais M. Robertson a parlé de façon générale. Il ne parlait pas seulement du Canada.
Lorsqu'il a parlé du Canada, M. Robertson a dit que nous étions un allié important, un bon allié et un allié fiable. Lorsqu'il a examiné le budget de défense du Canada, il n'a pas dit qu'il était suffisant. Il aurait voulu qu'il soit plus important, tout comme moi. Il a toutefois déclaré que le Canada fait un meilleur usage de son budget de défense que la plupart des autres pays.
Vous avez mentionné un autre chiffre, le chiffre de 51 p. 100 concernant les besoins d'effectifs de l'OTAN, tels qu'on les appelle. Ce chiffre se rapporte à la réalisation de 100 p. 100 des objectifs en ce qui concerne ces besoins. Ces objectifs ne peuvent pas se comparer d'un pays à l'autre étant donné qu'ils sont différents pour chaque pays.
Il arrive souvent que nous puissions répondre à 90 p. 100 des besoins, sans que cela figure dans ce chiffre de 51 p. 100. Pourtant, tous les autres pays sont dans la même situation, y compris les États-Unis. Ils ne sont pas entièrement d'accord avec chaque objectif ou ne s'y conforment pas entièrement. Néanmoins, si vous prenez notre pourcentage, qu'il soit complet ou partiel, il est beaucoup plus élevé que 51 p. 100. En fait, nous ne rejetons que quelques-uns des 129 objectifs, si bien que nous faisons largement notre part.
Si vous prenez les chiffres indiquant quel pourcentage de leur PIB les pays dépensent, nous sommes avant-dernier. Seul le Luxembourg est en dessous de nous. Un autre chiffre indique que nous sommes au sixième rang des 19 pays de l'OTAN pour ce qui est des dépenses militaires. Tout dépend des statistiques que vous examinez.
La preuve réside dans les résultats que nous obtenons. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la Première Guerre mondiale, la guerre de Corée, toutes les missions de maintien de la paix auxquelles nous avons participé, et plus récemment, la campagne au Kosovo, démontrent que nous faisons notre part.
Le sénateur Andreychuk: Je voudrais moi aussi remercier les ministres d'être venus devant le comité. Nous allons rédiger un rapport qui, je l'espère, formulera de bonnes recommandations au gouvernement canadien, surtout en ce qui concerne l'OTAN. Notre étude consistait à examiner la modification apportée au mandat de l'OTAN, mais nous sommes plus près de dire que le Kosovo a changé ce mandat et la perception que l'on a de l'OTAN.
Si j'ai bien compris ce qu'a dit M. Eggleton, il n'y a pas de critères établissant quand l'OTAN devrait intervenir, mais on semble s'entendre pour dire que l'OTAN peut agir pour des raisons humanitaires sans la participation des Nations Unies. Si j'ai bien compris le programme de sécurité humaine que vous avez exposé, vous tenez compte des êtres humains dans leur collectivité plutôt que des États. Vous mesurez la sécurité en fonction de la sécurité et du bien-être des gens et de leur collectivité. Vous reconnaissez que la sécurité des États est essentielle, mais pas suffisante pour assurer la sécurité et le bien-être de l'individu.
Je voudrais parler du Kosovo. Le Canada a toujours accordé beaucoup d'importance à la vie humaine. Toute vie est importante et sacrée. Au cours de la période qui a précédé le Kosovo, avec l'Accord de Rambouillet et les mesures que nous prenions, nous savons ce que Milosevic allait faire. Il allait intensifier son action contre les Albanais. Nous savions également ou nous aurions dû savoir que nous si faisions des promesses aux Albanais, les Serbes seraient la cible d'attaques et ils l'ont été, de même que les Romanis.
Comment justifions-nous l'usage de la force dans le domaine de la sécurité humaine si nous n'avons pas une série de critères qui nous permet de savoir que notre intervention entraînera la mort de civils et de plus en plus de victimes?
M. Axworthy: Sénateur, cela fait partie du dialogue qui se poursuit. Si nous voulons prendre le Kosovo comme repère, il est très important d'en tirer la leçon et c'est ce qu'a demandé le secrétaire général et ce que j'ai moi-même demandé dans mon discours devant l'Assemblée générale cet automne. J'ai dit que nous devrions réexaminer sérieusement la situation et examiner les motifs d'intervention. Nous avons bien précisé que le Conseil de sécurité avait adopté des résolutions. Le cadre juridique des Nations Unies, les conventions contre le génocide, la Charte et la jurisprudence des crimes de guerre établissent que la souveraineté nationale n'est pas un droit absolu. Les gouvernements ne peuvent pas se retrancher derrière le concept de la souveraineté nationale pour commettre des atrocités contre leurs propres citoyens. Nous devons commencer à établir un cadre -- qu'il s'agisse de l'OTAN, du Conseil de sécurité ou d'autres organisations comme la CEDEAO en Afrique -- qui pourront servir de base. Nous avons travaillé à l'élargissement et à la reformulation du concept de sécurité au Conseil de sécurité. Je voudrais trouver un moyen pour que les organisations régionales qui sont visées par l'article 51 de la Charte puissent se reporter au Conseil de sécurité pour l'établissement de ces critères.
Honorables sénateurs, le paradigme évolue. Nous changeons notre façon de concevoir le travail dans un environnement international, ce qui constitue un environnement très différent. À la réunion des ministres des Affaires étrangères du G-8, qui aura lieu à Berlin, dans deux semaines, les questions clés seront les suivantes: quels sont les motifs d'une intervention humanitaire? Comment commençons-nous à établir les règles et où sont-elles appliquées? Quels sont les domaines d'imputabilité entre les différentes organisations internationales?
Il est important que le processus soit multilatéral. Comme nous l'avons démontré dans ce cas, si nous avions eu un mandat bien clair de la part du Conseil de sécurité, nous nous serions simplement acquittés de ce mandat, comme nous le faisons dans plusieurs autres endroits du monde. Nous avons pris une décision en fonction du droit fondamental régissant les droits de l'homme dans le système des Nations Unies.
Pour que la leçon du Kosovo soit positive, nous devons faire en sorte, beaucoup plus efficacement, que les droits de tous les Kosovars soient reconnus et protégés, y compris ceux de la minorité serbe. Tel est le message que j'ai apporté au Kosovo il y a 10 jours et c'est celui que nous continuerons à transmettre aux réunions du conseil de l'OTAN où nous assisterons, M. Eggleton et moi-même.
Le sénateur Andreychuk: Ai-je raison de dire qu'il n'y avait pas de critères pour une intervention humanitaire dans le cadre de l'OTAN? Au mieux, il s'agissait de considérer ce que l'ONU aurait pu faire si une résolution avait pu être adoptée.
M. Axworthy: Au contraire. Il y avait des critères bien clairs. Il y avait des conventions contre le génocide. Il y avait les résolutions du Conseil de sécurité aux Nations Unies. Il y avait des précédents juridiques établis dans le cadre des divers procès pour crimes de guerre. Il y avait la nécessité bien claire d'intervenir du fait que le Conseil de sécurité n'avait pas pu s'entendre. En ce qui nous concerne, tout cela était établi dans un cadre juridique bien clair.
Le sénateur Andreychuk: J'ai l'impression que dans la définition de «sécurité humaine» nous tenons compte, en fait, de la convention civile et politique de la Déclaration universelle. Estimez-vous que la violation de la convention économique, sociale et culturelle, qui peut conduire au génocide, est tout aussi importante?
M. Axworthy: Si l'on examine la nécessité de protéger la sécurité humaine, il y a environ sept conventions des Nations Unies différentes, touchant la torture, le génocide, les atrocités, et je pourrais vous en donner toute la liste -- qui forment les fondements du droit à examiner.
Nous essayons d'établir un nouveau cadre législatif. Je ne pense pas que le droit humanitaire que nous avons maintenant suffise à couvrir les risques que courent les civils. Par exemple, nous travaillons activement à l'élaboration d'un protocole pour les enfants soldats. Environ deux millions d'enfants ont été tués dans divers conflits ces dernières années. La protection des enfants en temps de guerre n'est pas suffisante. Nous avons besoin d'un protocole qui fera partie de l'entente des Nations Unies et le Canada joue le rôle de chef de file dans ce domaine. J'ai annoncé, la semaine dernière, que nous allions tenir une conférence internationale -- un peu comme la conférence sur les mines terrestres -- au Canada, l'année prochaine, pour réunir les ONG, les gouvernements ayant une optique commune et les organisations internationales afin d'établir un protocole pour la protection des enfants lors des conflits.
Nous devons commencer à nous servir des normes que nous avons et à les renforcer. La nature des conflits et des guerres a changé énormément et modifié les cibles, les victimes et les résultats.
Je ne prétends pas qu'il existe des solutions toutes faites, mais le système des Nations Unies comprend la Charte, les conventions sur le génocide et les sept conventions pour la protection des femmes et la protection contre la torture. D'un autre côté, l'article 27 porte que la souveraineté nationale doit servir de base aux prises de décisions. La conciliation de ces deux concepts représente le travail que nous devons accomplir. Personne ne possède la solution, mais je suis heureux de dire que le Canada cherche à trouver des réponses, contrairement aux autres pays.
Le sénateur Andreychuk: Lorsque les Nations Unies ont échoué, l'OTAN semblait avoir la capacité, selon vous, d'intervenir pour des raisons humanitaires et cela parce que l'OTAN dispose d'une force militaire. Cela n'établit-il pas une norme distincte pour l'Europe et l'Amérique du Nord par opposition aux groupes de pays qui n'ont pas la même capacité et la même force?
M. Axworthy: Pas nécessairement. Au moment de l'intervention au Kosovo, une organisation d'États d'Afrique de l'Ouest, la CEDEAO, voulait entreprendre une action militaire pour mettre fin au massacre en Sierra Leone, car ce qui se passait là-bas était aussi horrible que ce qui se passait dans les Balkans. Cette organisation n'avait pas non plus de mandat des Nations Unies, mais maintenant elle en a un. Nous avons travaillé très activement pour envoyer en Sierra Leone une mission de maintien de la paix qui est maintenant mandatée par les Nations Unies. C'était une situation où les États d'Afrique avaient vu des horreurs -- on tuait des enfants, on coupait des bras et des jambes. Des millions de personnes déplacées et de réfugiés fuyaient le Sierra Leone et c'est seulement récemment que la communauté internationale a pu amener le conseil à agir.
Ce phénomène ne se produit pas uniquement dans le contexte de l'OTAN. De plus en plus, nous constatons que ces organisations régionales assument une plus grande capacité opérationnelle. Le Timor oriental en est un autre exemple.
J'aurais préféré que nous ayons un mandat clair de l'ONU dans un grand nombre de ces cas, mais à cause des restrictions financières venant du fait que certains pays n'ont pas payé leurs factures, le Conseil de sécurité a hésité à conférer un plein mandat aux Nations Unies. Le conseil a dit: «Nous allons vous donner le drapeau, mais vous devez amener les pays qui partagent vos vues à unir leurs forces afin qu'ils paient leurs propres factures.» C'est un des autres problèmes auxquels il faut remédier.
Le sénateur Kenny: Monsieur Axworthy, le rôle de l'OTAN est inévitablement relié à l'efficacité des Nations Unies. Vous avez parlé tout à l'heure de la nécessité d'une réforme fondamentale des Nations Unies. Vous parliez sans doute du droit de veto des membres permanents du Conseil de sécurité, de la composition du Conseil de sécurité afin qu'il reflète mieux l'ensemble des Nations Unies, des questions concernant la gestion interne et le gaspillage bureaucratique, la possibilité d'une force d'intervention rapide des Nations Unies, tout cela avec un commandement et un contrôle efficaces. Quelles sont les réformes requises selon vous? Ont-elles de bonnes chances de se produire bientôt?
M. Axworthy: Je crois que vous avez fait un assez bon inventaire, sénateur. Ces réformes seront apportées à des étapes différentes.
Il sera très difficile de changer le droit de veto, qui est un droit enchâssé. Il est très important que nous n'élargissions pas ce droit de façon à ne pas le conférer à un plus grand nombre de pays.
Une chose tout aussi importante pour le Conseil de sécurité -- et cela a été notre stratégie -- consistait à modifier, lentement mais sûrement, par divers moyen, la définition de «sécurité». Cette définition doit être élargie pour tenir compte de la dimension de la sécurité humaine, ce qui permettait au conseil de régler des questions comme le trafic de stupéfiants, les enfants soldats et les petites armes. Nous avons eu un certain succès en ce qui concerne les deux récentes missions de maintien de la paix.
Du côté financier, sénateur Kenny, les Nations Unies font de leur mieux. Elles ont effectué des compressions et ont eu un budget base zéro depuis deux ou trois ans. La question la plus fondamentale est l'hésitation de certains pays à payer leur facture. Cela a eu un effet inhibiteur énorme sur la capacité d'intervention des Nations Unies, surtout dans le domaine du maintien de la paix.
Même maintenant, pour ce qui est de la coalition de pays, au sein de laquelle le Canada joue un rôle important qui désire envoyer des Casques bleus des Nations Unies au Timor oriental, on hésite sérieusement parce que certains pays ne veulent pas payer leur quote-part. Nous devons nous attaquer à ce problème financier.
Je suis d'accord, en partie, avec la position des États-Unis quant à la nécessité de réviser la formule de calcul, mais les Américains doivent également payer la totalité de leur quote-part, et pas seulement une partie.
Une troisième question importante concerne l'utilisation plus efficace des autres organes et agences des Nations Unies. L'Assemblée générale n'a pas été utilisée aussi efficacement qu'elle aurait dû l'être pour certaines de ces questions touchant la sécurité. Elle doit être plus transparente et jouer un plus grand rôle dans ces dossiers.
Nous avons besoin de nouveaux instruments. Le sénateur en a décrit quelques-uns, tels que la force de déploiement rapide. Cette initiative a été étouffée, surtout pour des raisons financières. Nos diplomates aux Nations Unies travaillent activement à redéfinir le concept des sanctions de façon à parvenir à une approche beaucoup plus ciblée. Nous voulons nous éloigner des moyens musclés que nous appliquons actuellement et nous servir des sanctions adéquatement en fonction du genre de problèmes ou de difficultés auxquels les Nations Unies sont confrontées. Il y a plusieurs fronts sur lesquels la reformulation aura lieu.
Je trouve encourageante la déclaration que Kofi Annan a faite à l'Assemblée générale. Nous avons assisté au dépôt de 40 recommandations dans le document qui portait sur les civils dans les conflits. Avec ces 40 recommandations, nous avons maintenant un plan pour la réforme des Nations Unies. Si nous pouvons réaliser ne serait-ce que 50 p. 100 d'entre elles, nous aurons des Nations Unies nouvelles au cours du prochain millénaire.
Le sénateur Kenny: Quand?
M. Axworthy: Il nous reste encore une autre année au Conseil de sécurité et nous allons en profiter pour faire le maximum.
Le sénateur Kenny: Monsieur Eggleton, on s'inquiète de voir s'atrophier notre armée à tel point qu'elle ne peut plus s'acquitter des missions que le gouvernement lui confie. Peut-être pourriez-vous nous en parler. Plus particulièrement, pourriez-vous indiquer les domaines dans lesquels il y a des lacunes, selon vous?
M. Eggleton: Comme je l'ai dit en répondant au sénateur Grafstein, nous faisons notre part dans le cadre de l'OTAN. Nous avons des difficultés financières et cela se répercutera en cours de route sur notre capacité à faire notre part.
Pour le moment, nous avons environ 4 400 Casques bleus déployés dans 22 pays et c'est l'un des niveaux de participation les plus élevés depuis la guerre de Corée. Pourtant, nous avons le tiers de soldats en moins qu'il y a 10 ans. Cela veut dire que nous avons une cadence opérationnelle très élevée. Pour chaque millier de soldats que nous engageons, nous en engageons réellement 4 000 en raison du roulement de six mois. Nous avons pour politique de ramener nos troupes au pays pour un an. Cela veut dire qu'au cours des derniers roulements, nous en avions 2 000 ici, 1 000 dans le théâtre d'opérations et 1 000 autres qui s'apprêtent à partir. Par conséquent, si vous prenez le chiffre de 4 000, cela correspond à 16 000.
Comme nous l'avons indiqué au moment d'envoyer nos troupes terrestres au Kosovo, nous ne pouvions pas les garder là-bas pendant longtemps. Un grand nombre de ces missions de maintien de la paix se prolongent pendant des années et des années, comme à Chypre et au Golan. Nous venons de célébrer le 25e anniversaire de la mission sur le plateau du Golan et nous sommes toujours là-bas.
Il n'est pas possible de garder tous nos soldats au Kosovo et nous en retirons 1 000. Il n'est pas possible de les maintenir non plus au Timor oriental. Nous avons ramené l'équipage de nos Hercules. Nous avons dans le secteur des marins que nous allons ramener d'ici le printemps. Nous allons passer à 4 400 soldats à 3 000, un chiffre qui sera beaucoup plus facile à maintenir.
Nous avons toujours des difficultés financières. Nous pouvons peut-être les surmonter pour le moment, mais cela deviendra de plus en plus problématique.
Nous pouvons aller jusqu'à 4 400 lorsqu'il y a un besoin pressant, comme nous l'avons fait, mais nous ne pouvons pas soutenir ce rythme pendant longtemps. D'ici le printemps prochain, nous ramènerons ce chiffre à un niveau plus tolérable, mais nous avons quand même de nombreux défis à relever, surtout en ce qui concerne notre situation financière.
Le président: Nous avons pour mandat d'examiner les ramifications pour le Canada de la modification apportée au mandat de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, ce qui s'est révélé être une cible mouvante étant donné qu'on semble avoir modifié ce mandat au moins deux fois au cours de la décennie. Notre comité s'est penché sur la question du Kosovo parce que les événements au Kosovo se sont produits au moment où nous entamions notre étude.
Ma question concerne le Kosovo et je crois que c'est une question que de nombreux Canadiens se posent. Le nombre d'atrocités a-t-il été amplifié à des fins de relations publiques ou parce que l'information venait de sources peu objectives? Tout le monde semble se poser cette question au Canada depuis deux semaines.
M. Axworthy: Je ne pense pas que ce soit l'un ou l'autre. Nous savions que des atrocités étaient commises. Nous n'avions aucun accès aux organismes internationaux présents au Kosovo. Comme vous le savez, le tribunal international s'est vu refuser l'accès à la région et nous ne pouvions évaluer la situation que d'après les rapports des réfugiés qui traversaient la frontière.
Lorsque je suis allé au Kosovo, il y a neuf jours, le tribunal international avait seulement exhumé environ 150 des 600 sites que l'on pensait être des centres de génocide ou des sites où l'on pensait trouver des tombes. Le tribunal n'avait procédé qu'à 20 p. 100 de son examen et avait découvert environ 1 500 corps.
Il faudra attendre que le tribunal international termine son enquête. Il retournera sur place au printemps, encore une fois avec l'aide du Canada, pour faire davantage d'expertises judiciaires. Il est beaucoup trop tôt pour porter ces jugements rapides, sénateur Stollery.
Je voudrais vous poser la question suivante et je crois que M. Eggleton l'a déjà fait. Combien d'autres morts y aurait-il eu si nous n'étions pas intervenus? J'en reviens à l'exemple de Srebrenica. Voulons-nous vraiment attendre d'avoir toutes les preuves du massacre pour intervenir ou voulons-nous prendre des mesures préventives pour empêcher que n'ait lieu le massacre, comme c'est arrivé ailleurs dans le monde?
Quoi qu'il en soit, il y a eu de graves atrocités qui sont examinées par le Tribunal des crimes de guerre. Nous devons le laisser faire son travail au lieu de nous perdre en suppositions.
Le président: Je vous cite le témoignage d'un expert en criminalistique espagnol qui est rentré en Espagne avec son équipe et qui nous a dit qu'il y avait eu beaucoup moins d'atrocités qu'on ne nous l'a raconté.
[Français]
Le sénateur Bolduc: Je m'adresse au ministre de la Défense. Vous avez dit qu'on a une armée efficace et qu'on tient notre bout, même si le député et président de la commission permanente anglaise a dit qu'on ne faisait pas le poids. Pendant la guerre du Kosovo, on a tenu notre bout. D'autre part, vous dites qu'il faudrait avoir plus de ressources et en faire plus. Vous allez vous battre pour cela. Allez-vous vous régler pour 10 p. 100 ou 20 p. 100 d'augmentation?
[Traduction]
Allez-vous demander 1 million ou 2 millions de dollars? Nous devons être concrets.
M. Eggleton: Allez-vous pouvoir me donner cet argent?
Le sénateur Bolduc: Non, mais le ministre des Finances semble avoir beaucoup d'argent.
M. Eggleton: Oui, je vais réclamer des ressources supplémentaires. En même temps, comme nous parlons de l'argent des contribuables, il nous revient de tirer le maximum des ressources que nous avons déjà. C'est ce que nous faisons.
Nos troupes sont efficaces. Elles font un excellent travail. Elles doivent parfois se débrouiller avec de l'équipement qui n'est pas tout à fait conforme aux normes modernes, mais nous remplaçons la majeure partie de ce matériel. Ou bien nous avons de l'équipement neuf qui doit bientôt arriver ou bien nous modernisons d'autres pièces de matériel.
Il ne fait aucun doute que nos ressources financières sont limitées. À moins de pouvoir régler ce problème de ressources, nous risquons d'avoir du mal à nous acquitter de notre mission à l'avenir.
Comme on l'a souligné -- et vous avez répété les observations de ce monsieur en Angleterre -- si vous examinez le tableau sur le pourcentage du PIB, vous ne serez pas impressionné. Si c'est sur cette base que vous portez votre jugement, je comprends que les gens trouveront que nous ne faisons pas notre part.
Il y a toutes sortes de statistiques. Ce dont il faut tenir compte, c'est des mesures prises et des résultats. Tout le monde a estimé que les Canadiens avaient fait leur part au Kosovo.
[Français]
Le sénateur Bolduc: Il y a une vieille tradition dans le système britannique où les prérogatives de la Couronne sont là. Donc le gouvernement décide de la politique étrangère. Il a les moyens de la déterminer et de la mettre en <#0139>uvre sans avoir trop de contraintes législatives. Par exemple, la Loi du ministère des Affaires étrangères signifie que le ministère n'a pas de contraintes, que le ministre peut jouir d'une grande discrétion. C'est un des derniers parmi les ministres qui peut faire cela dans notre régime parlementaire.
Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'à l'avenir, il faudrait peut-être que le Parlement participe d'une façon quelconque pour donner une sorte de légitimité à l'imputabilité politique? Avant d'envoyer des soldats au Kosovo, ne faudrait-il pas avoir une résolution du Parlement, au moins des élus? Vous voyez bien que je ne prêche pas pour ma paroisse. On est bien conscient au Sénat qu'on n'a pas la même légitimité que la Chambre des communes.
[Traduction]
Croyez-vous que nous devrions obtenir le feu vert des représentants du peuple avant d'envoyer des soldats? Personne n'a été tué, mais certains auraient pu l'être.
Nous devrions nous débarrasser de l'ancien système qui confère ce que j'appellerais une masse de pouvoirs discrétionnaires au ministre. Vos fonctionnaires sont excellents. Je ne discuterai pas de la qualité de votre personnel, car je sais que ce sont de bons officiers...
[Français]
...comme à la cour de Louix XIV, les agents de Napoléon.
[Traduction]
Ne serait-il pas possible que vous ayez un cadre d'action? Nous n'avons pas de critères pour dépenser l'argent lorsqu'il s'agit de l'aide extérieure, si ce n'est peut-être les renseignements que vous nous avez donnés ici cet après-midi en ce qui concerne la convention.
J'ai l'impression que nous devrions avoir un cadre au sein duquel le ministère des Affaires étrangères et les ministres pourraient agir. Qu'en pensez-vous?
M. Axworthy: Nous avons eu des débats à la Chambre des communes. Les mesures qui ont été prises ont reçu l'appui de tous les partis. Il y a eu des audiences intensives devant le comité. Lors du conflit, M. Eggleton et moi-même avons comparu régulièrement devant le comité mixte où nous avons répondu à des questions. Nous accordons une très haute importance à la participation des parlementaires.
Dans un système parlementaire, comme vous l'avez dit, la décision ultime revient au Cabinet. Ce n'est pas seulement au ministre. C'est une décision prise par le Cabinet, mais elle se fonde sur une consultation active, et pas seulement avec le Parlement. Nous avons un programme de consultations publiques. Chaque année, une tribune nationale parcourt le pays pour demander l'opinion des gens. Nous tenons chaque année une tribune des droits de la personne qui se déroule pendant 10 jours, ici à Ottawa et où tous les groupes de défense des droits de la personne viennent discuter de ce que nous devrions faire aux réunions de la Commission des droits de l'homme à Genève et de toutes les autres questions qu'ils désirent aborder. Nous avons une série de tables rondes. Nous tenons activement des consultations. Nous le faisons aussi sur la scène internationale.
Je suis d'accord avec vous pour dire que les choses ont changé. Il faut davantage de transparence et nous faisons de notre mieux sur ce plan-là. Si vous en voulez un bon exemple, consultez le site Web du ministère des Affaires étrangères où vous trouverez la totalité des discours, des déclarations et des politiques ainsi que des réponses, une interaction et un dialogue.
Nous avons également un programme pour les jeunes de nos écoles, qui consiste à les faire participer à des discussions sur la sécurité humaine et les droits de la personne afin d'obtenir leur réaction. Nous avons un programme très actif au Québec à l'heure actuelle, dans les cégep où l'on constitue des clubs des Nations Unies où les jeunes peuvent s'intéresser aux questions touchant les Nations Unies et y répondre. Je les rencontre périodiquement pour voir ce qu'ils font. Nous étendons ce programme aux autres programmes du pays. Au fur et à mesure que nos ressources nous le permettent, nous essayons de rejoindre le maximum de gens.
Le sénateur Bolduc: Pensez-vous que vous devriez vous en tenir à un cadre plus précis? Par exemple, pour ce qui est des engagements financiers internationaux, nous savons que lorsque M. Martin va à Washington, quand il revient, nous devons débourser 200 millions de dollars pour ceci ou pour cela. Lorsque les choses vont mal en Asie du Sud-Est, nous devons y investir de l'argent. Tout se fait en dehors du Parlement. C'est la même chose non seulement pour l'aide extérieure, mais également pour les autres questions reliées à nos relations étrangères.
M. Axworthy: Ce n'est pas vrai, sénateur. Tous les ministres comparaissent devant des comités qui examinent leur budget et à qui ils doivent rendre compte de leurs dépenses.
Le président: Monsieur le ministre, le comité pourrait examiner cette question lorsqu'il se penchera sur le budget du ministère des Affaires étrangères.
[Français]
Le sénateur Bolduc: Ce n'est pas nouveau. Quand notre premier ministre se promenait, cela coûtait 25 millions ici et là, dans chaque pays où il allait, il remettait les dettes. On l'a fait encore cette semaine et cela sera fait aussi dans le prochain budget. Dans les prochains estimés supplémentaires, près de 200 millions de dollars de remise de dette seront accordés à différents pays d'Afrique, mais nous n'avons pas de critères.
[Traduction]
M. Eggleton: Monsieur le président, nous devions partir à 17 heures, car nous devons comparaître devant un comité du Cabinet. Nous sommes attendus.
Le président: Je m'excuse, mais on m'avait dit que vous seriez ici jusqu'à 17 h 30. Le problème, en ce qui nous concerne, -- je voulais seulement le préciser -- est que nous travaillons à notre rapport et que vous êtes nos derniers témoins. C'est une réunion importante pour nous. Nous avons passé des centaines d'heures à essayer de régler cette question.
M. Axworthy: M. Eggleton et moi-même avons des questions à examiner au Cabinet qui sont directement en rapport avec les sujets dont nous discutons.
Le président: Messieurs les ministres, si vous devez partir, nous allons devoir nous en accommoder, mais nous vous demanderons de revenir. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir malgré un emploi du temps de toute évidence très chargé.
La séance se poursuit à huis clos.