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Sous-comité de mise à jour de "De la vie et de la mort"

 

Délibérations du sous-comité de
mise à jour de «De la vie et de la mort»

Fascicule 2 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 15 février 2000

Le sous-comité de mise à jour de «De la vie et de la mort» du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 h 05 pour examiner les faits nouveaux survenus depuis le dépôt, en juin 1995, du rapport final du comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide intitulé «De la vie et de la mort».

Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Bonjour, honorables sénateurs, messieurs les témoins et membres du public qui nous écoutez à la télévision. Nous en sommes à notre deuxième jour d'audience, en vertu de notre mandat de mettre à jour les recommandations unanimes contenues dans le rapport de 1995 du comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide, qui s'intitulait: «De la vie et de la mort».

Je rappelle à mes collègues ainsi qu'aux témoins que le présent comité n'a pas pour mandat de rouvrir le débat sur l'aide au suicide et l'euthanasie. Il doit plutôt traiter uniquement des points du rapport pour lesquels le comité initial a établi des recommandations unanimes. Je vous demanderais de ne pas perdre de vue ce fait au cours des audiences.

Nous avons aujourd'hui deux témoins. Je vous souhaite la bienvenue. Je vous prie de respecter la limite de 15 minutes qui vous est impartie pour vos remarques liminaires. Rassurez-vous, cependant, ce n'est pas 15 minutes montre en main.

Avant d'entendre nos témoins, le sénateur Roche voudrait y aller de quelques commentaires.

Le sénateur Roche: Je serai bref, et je ne désire pas lancer un débat. Ce que j'ai à dire concerne le point que j'ai soulevé hier, au sujet de la portée des travaux de notre comité et de la distinction à faire entre les aspects majoritaires et minoritaires du rapport.

Je n'avais pas sous les yeux le mandat, hier, pour me rafraîchir la mémoire au sujet du second point. Le premier point prévoit que le comité doit étudier les recommandations unanimes du comité de 1995, mais d'après le second, il doit également étudier tous les aspects, et je me demandais comment le comité allait établir une différence.

Mon interprétation de ce qu'ont dit hier les témoins -- qui avaient parfaitement le droit d'exprimer leurs opinions --, c'est qu'ils entraient dans des domaines qui ont auparavant divisé le comité, en cherchant à déterminer des moyens par lesquels on pourrait étendre la façon dont on peut aider les gens à prendre leurs décisions.

Comme je l'ai dit, je n'ai pas l'intention de lancer un débat. Vous pouvez choisir de réserver vos commentaires sur le sujet pour m'en faire part plus tard. Cela me convient parfaitement.

Les limites à imposer aux témoins ne sont pas parfaitement claires dans mon esprit. Si, en quelque sorte, les témoins orientent les travaux du comité, comme ils l'ont fait, d'après moi, hier, il me semble que mes collègues, quand ils vont se pencher sur ce qu'ils vont discuter et, par conséquent, recommander, auraient de la difficulté à voir cet écueil. Il serait difficile d'établir une distinction claire entre ce que la minorité recommandait au sujet de l'aide au suicide ou de l'euthanasie volontaire et ce que le comité dans son ensemble a recommandé.

Il y a là une ambiguïté, à mon avis. Je voulais vous en faire part et vous demander ce que vous en pensez. Y a-t-il des limites réelles à ce que le comité va examiner, en particulier en ce qui concerne le deuxième point du mandat?

La présidente: Tout ce que je peux dire, c'est que, dans les Journaux du Sénat, le point 2 parle de faits nouveaux, au Canada, se rapportant aux questions traitées dans le rapport. On peut certainement se pencher sur quelques-unes des questions dont traitait le rapport, mais je pense qu'avant tout, notre comité doit étudier les progrès dans la mise en oeuvre des recommandations unanimes du rapport. À la rédaction de notre rapport final, ces recommandations seront au coeur de ce que nous écrirons. Je crois que c'est ce sur quoi nous devrions insister.

Cela dit, il y a des faits nouveaux, au Canada, qui s'ajouteront au document, mais nous ne passerons pas de jugement sur eux. Par exemple, si certaines causes juridiques viennent étoffer l'ensemble des connaissances, nous devrions y faire référence. Toutefois, je ne pense pas que nous devrions porter des jugements sur ces causes juridiques.

Le sénateur Roche: Je trouve vos commentaires fort utiles. J'aimerais cependant répéter que j'ai des réserves à ce sujet. Il serait peut-être possible de discuter à nouveau de la question en temps et lieu. Je crois que ce serait utile.

La présidente: Nous en discuterons certainement lorsque nous allons donner nos instructions à ceux qui vont rédiger le rapport final.

Nous allons maintenant commencer par le témoignage du Dr Lapointe.

[Français]

M. Bernard Lapointe, président de l'Association canadienne des soins palliatifs et de l'Association québécoise de soins palliatifs: Monsieur le président, la position de l'Association canadienne des soins palliatifs vous a été présentée il y a six ans par le Dr Ina Cummings, présidente de l'association à l'époque. Notre position sur les questions de l'euthanasie et du suicide assisté est demeurée inchangée depuis.

Ce matin, je vais concentrer mes commentaires, plus particulièrement, sur chacune des recommandations de votre rapport qui concernaient le développement des soins palliatifs.

Je tiens souligner, au nom de l'Association canadienne, le courage et le leadership dont vous avez fait preuve lors de l'examen de ces questions difficiles et douloureuses dans votre rapport de 1995. Je vous remercie de l'occasion qui nous est donnée de vous rencontrer ce matin et de vous faire rapport de l'évolution des soins palliatifs.

Comme vous l'avez noté dans votre rapport, plusieurs facteurs influencent la décision de demander le suicide assisté ou l'euthanasie: la douleur et les symptômes physiques non soulagés, la dépression ou la souffrance psychologique, l'isolement ou encore des conditions de vie sous-humaines, la perception ou la réalité d'être un fardeau à la fois pour son conjoint, sa conjointe, sa famille ou la société, ou encore, le désespoir et une atteinte profonde de l'estime de soi qui accompagnent une maladie catastrophique.

[Traduction]

Comme vous le savez, l'approche des soins palliatifs, comme nous la décrivons, à l'Association canadienne des soins palliatifs -- la définition se trouve en page 4:

[...] a pour objet de soulager la souffrance et d'améliorer la qualité de vie des personnes qui souffrent ou qui meurent d'une maladie en phase terminale, ou de leurs proches. Elle cherche à entretenir la vie, mais considère la mort comme un processus normal. Elle ne hâte ni ne retarde la mort. Elle cherche à soulager la douleur et tout autre symptôme pénible. Elle intègre les aspects psychologiques et spirituels des soins aux patients. Elle offre un système de soutien destiné à aider les patients à vivre le plus activement possible jusqu'à leur mort. Elle offre également un système de soutien pour aider les familles à mieux supporter la maladie du patient, de même que leur propre processus de deuil.

Notre association est un porte-parole national pour les soins palliatifs au pays. Nous représentons plus de 18 000 bénévoles et professionnels des soins de santé au Canada, et nous comptons parmi nos membres 11 associations provinciales, dont l'Association québécoise de soins palliatifs.

[Français]

L'Association québécoise de soins palliatifs compte environ 650 membres répartis dans les quatre coins de la province.

[Traduction]

L'Association canadienne des soins palliatifs cherche à assurer l'excellence dans la prestation des soins palliatifs, afin que la souffrance physique, la solitude et la souffrance morale soient réduites le plus possible. Elle cherche à s'acquitter de sa mission en collaborant avec divers organismes nationaux, et en se faisant représenter au sein de ces organisations.

Nous cherchons à sensibiliser le public aux soins palliatifs, à lui transmettre des connaissances à ce sujet et à lui faire connaître les compétences existantes dans ce domaine par le biais de notre ligne téléphonique sans frais, que peuvent consulter tous les Canadiens qui désirent en savoir plus long sur les soins et les services qu'ils peuvent obtenir au sein de leur propre communauté, auprès de bénévoles et de prestataires de soins de santé.

De même, nous cherchons à atteindre nos objectifs par le développement de normes nationales de pratique des soins palliatifs au Canada, et je reviendrai sur la question, par le soutien à la recherche dans le domaine et par des représentations sur la nécessité d'améliorer les politiques relatives aux soins palliatifs, l'attribution des ressources financières et le soutien aux soignants.

Ce matin, je suis venu vous dire que le temps presse. Malgré les quelques progrès réalisés dans l'accès et la qualité des soins dans certaines régions, nous sommes très inquiets à propos de l'avenir des soins palliatifs pour les Canadiens.

Comme vous le savez, la société canadienne vit à l'heure actuelle de profonds changements démographiques. Notre population vieillit. Également, on prévoit une hausse importante du taux de mortalité pour les 15 prochaines années.

Ces changements démographiques montrent bien le besoin pressant qui existe pour les soins palliatifs et, sans aucun doute, ils seront à l'origine de nombreux débats sur l'euthanasie et sur l'aide au suicide dans notre société. Nous savons tous que la population canadienne vieillit. Malheureusement, le système de soins de santé et nos politiques en matière de santé ne se préparent pas de façon adéquate à cette crise potentielle. Par exemple, à la page 12, un tableau montre la croissance du nombre de Canadiens qui ont plus de 85 ans. Ce nombre va augmenter de façon importante au cours des prochaines décennies. Déjà, il est passé de 21 000 en 1921 à 140 000 en 1971. Statistique Canada a estimé à 400 000 le nombre de personnes de plus de 85 ans en 1998, et on estime qu'il y aura plus de 1,6 million de personnes ayant plus de 85 ans en l'an 2041. Comme vous le savez tous, les besoins les plus pressants pour les personnes de plus de 85 ans concernent le soutien social et les soins de santé.

Statistique Canada a souligné que, en 1996, 46 p. 100 de toutes les personnes âgées hospitalisées avaient plus de 85 ans. Nous savons tous que certaines maladies dégénératives, et notamment la maladie d'Alzheimer, touchent un nombre élevé et croissant de personnes de ce groupe d'âge.

L'autre facteur qui va de pair avec la population vieillissante, et qui est sans doute moins connu, est l'augmentation du nombre de décès totaux qui se produiront au cours de la prochaine décennie. Nous ne disposons pas de données publiées par Statistique Canada à ce sujet, mais il y a des statistiques publiées par le ministère de la Santé du Québec qui révèlent que, à partir de 1996, où il y a eu selon les estimations 54 078 décès, nous allons en arriver à 69 700 décès en l'an 2015. Ces chiffres peuvent paraître quelque peu différents. Toutefois, comme vous pouvez le constater, la population va augmenter.

À la page suivante, on voit les chiffres pour 100 000 habitants, ce qui nous permet d'en déduire qu'il y aura une hausse importante, c'est-à-dire 21 p. 100 du nombre de décès entre 1996 et 2015 au Québec. Toutes les collectivités du Canada connaîtront une augmentation équivalente du nombre de décès. Nous savons quel fardeau cela représente pour ces collectivités, les familles, etc.

Le nombre de décès va augmenter. La proportion de décès dans notre société va s'accroître. Ce n'est pas le seul facteur à prendre en ligne de compte. Nous savons également que la cause de ces décès va changer. Depuis 1980, selon Statistique Canada, le nombre de décès liés aux maladies cardiovasculaires a considérablement diminué. Il y en avait 34 p. 100 de moins en 1996 qu'en 1980. Toutefois, la proportion de décès dus au cancer et à d'autres maladies dégénératives va continuer d'augmenter au cours des prochaines décennies. Par conséquent, de plus en plus de Canadiens nécessiteront et exigeront des soins palliatifs et d'accompagnement en fin de vie assurés par des personnes compétentes et compatissantes.

Les sondages d'opinions que nous avons effectués et les consultations que nous tenues avec des groupes d'intérêts dans tout le pays nous apprennent que les Canadiens veulent être certains que leurs êtres chers reçoivent les meilleurs soins possible en fin de vie. Toutefois, à l'heure où nous nous parlons, seule une minorité de Canadiens ont accès à des soins palliatifs. La majorité des gens meurent inutilement dans la douleur, la souffrance et le malaise. La qualité de la mort de la plupart des Canadiens est fonction de la maladie dont ils souffrent, de leur réseau social et de leurs moyens financiers. Étant donné que les soins sont de plus en plus assurés par la famille, les fardeaux financiers et émotifs qu'elle doit assumer risquent de déstabiliser la famille.

Je voudrais maintenant parler des recommandations que renfermait votre rapport de 1995. La première visait à faire des programmes de soins palliatifs une priorité dans la restructuration du système de soins de santé. À ma connaissance, quatre provinces seulement ont désigné les soins palliatifs comme un service essentiel doté d'un budget propre. Depuis la publication de votre rapport, le nombre de lits pour les soins palliatifs a diminué dans tout notre pays à la suite de la réforme des services de santé. Le maintien de nombreux programmes est compromis à cause des problèmes qu'il y a à recruter des médecins et d'autres employés dûment qualifiés.

Étant donné que les services de soins palliatifs ne sont pas suffisamment financés en comparaison des autres services de santé, les services de soins palliatifs en hospice dépendent de façon disproportionnée des dons de charité pour être assurés, par exemple, pour rémunérer les infirmiers et infirmières, les coordonnateurs bénévoles, les psychologues, etc. Le gouvernement fédéral n'a pas encore fait preuve de leadership en proposant une stratégie nationale relative aux soins palliatifs.

Il n'existe aucune planification stratégique efficace inter ou intraministérielle envisagée à Santé Canada relativement aux questions touchant les soins palliatifs en hospice et l'accompagnement en fin de vie. Il n'existe pratiquement aucun service de soins palliatifs dans les réserves des Premières nations ou les pénitenciers fédéraux.

Cette année, Santé Canada a mis fin au financement opérationnel qu'il allouait à l'Association canadienne des soins palliatifs par le biais du programme national des organisations bénévoles de santé. Comparativement à la Société canadienne du SIDA qui reçoit un million de dollars par an de financement opérationnel, l'Association canadienne des soins palliatifs recevait 30 000 $ par an.

La deuxième recommandation de votre rapport portait sur la poursuite de l'élaboration et de la mise en oeuvre de lignes directrices et de normes nationales. En 1995, avec l'appui de Santé Canada par le biais de la Stratégie nationale sur le sida, on a atteint un consensus préliminaire à l'égard d'une première série de normes. En 1998, grâce au financement d'initiatives canadiennes de lutte contre le cancer du sein, on s'est entendu au niveau national sur 70 p. 100 de normes.

En l'an 2000, l'Association a reçu 46 000 $ de Santé Canada sur un montant estimé de 450 000 $ de frais liés à la mise au point et à la diffusion de normes nationales. Cette initiative progresse à pas de tortue. Le Canada doit se doter de normes nationales pour s'assurer que tous les Canadiens ont accès à des services de soins palliatifs en hospice de qualité. Faute de normes nationales, il risque d'y avoir des services d'accompagnement des mourants de qualité inférieure et des souffrances injustifiées. Je parle ici des gens qui prétendent assurer des soins palliatifs à domicile. Nous avons vu des hospices où les patients ont dû être portés à dos d'homme par des bénévoles, au deuxième étage. Il y a aussi parmi ces patients des gens dont l'état nutritionnel est inacceptable, et j'en passe.

Une autre de vos recommandations prévoyait une expansion des cours de formation offerts aux professionnels de la santé dans tous les domaines des soins palliatifs. Je dois vous dire que le nouveau certificat de médecine palliative créé conjointement par le Collège des médecins de famille du Canada et le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada représente un énorme pas dans la bonne direction. Toutefois, à l'heure où nous nous parlons, seulement 7 des 16 collèges médicaux canadiens ont fait une demande pour offrir ce programme.

Malgré tout ce que nous savons au sujet de l'importance croissante des soins d'accompagnement en fin de vie et de l'explosion des connaissances cliniques dans ce domaine, seule une poignée de programmes de soins médicaux, infirmiers et de travail social, de psychologie et d'autres soins de santé comprennent des cours en soins palliatifs. Il n'y a pas de processus d'accréditation au Canada qui garantisse la compétence professionnelle dans les soins palliatifs pour ceux qui exercent dans leur domaine.

Votre comité avait également recommandé d'adopter une stratégie intégrée relativement à la prestation des soins palliatifs, que ce soit à domicile, dans les hospices ou dans les établissements de santé, avec l'aide des bénévoles. Vous dites qu'il faut coordonner tous les services pour garantir une efficacité maximum et que les soins de relève constituent un élément essentiel. À l'exception de certaines initiatives mises sur pied à Calgary, Edmonton, Ottawa et dans certains quartiers de Montréal, ce projet est encore illusoire. Les réductions touchant les budgets des soins de santé ont entravé l'élaboration de partenariats et de modèles de collaboration. La plupart des Canadiens n'ont pas le choix de l'endroit où ils seront soignés. Qu'ils habitent au centre-ville ou dans les régions rurales du pays, une bonne partie des personnes âgées ne peuvent pas compter sur l'appui de leur famille lorsqu'elles sont atteintes d'une maladie grave. Les soins de relève sont rares et, de ce fait, l'épuisement des personnes soignantes oblige les malades à être réhospitalisés.

Votre dernière recommandation prévoyait la poursuite et l'amélioration des recherches sur les soins palliatifs, et notamment le contrôle de la douleur et l'allégement des symptômes. Nous convenons avec vous que la meilleure façon d'améliorer la qualité des soins palliatifs offerts aux Canadiens en fin de vie consiste à accroître nos connaissances grâce à la recherche. L'Association canadienne des soins palliatifs n'a ménagé aucun effort pour insister sur l'utilité des recherches sur les soins palliatifs -- par exemple, un programme canadien de recherche sur les soins palliatifs, l'organisation de réunions dans tout le pays ainsi que des consultations avec le grand public, les fournisseurs de soins et l'équipe de chercheurs en 1999.

Nous avons également entrepris des négociations interminables et malheureusement infructueuses avec Santé Canada en vue d'élaborer une initiative canadienne de soins palliatifs axée sur la formation et la recherche.

Il ressort d'une analyse effectuée par une entreprise de conseil indépendante sur le financement accordé au cours des cinq dernières années par trois importants organismes de financement de la recherche que l'on ne soutient pas suffisamment la recherche dans le domaine des soins palliatifs, toutes proportions gardées.

En fait, les deux principaux organismes qui offrent un financement permanent aux chercheurs canadiens, le Conseil de recherches médicales et l'Institut national du cancer du Canada, n'ont financé que quelques subventions de fonctionnement pour la recherche sur les soins palliatifs, ce qui représente une fraction minime du financement global alloué à la recherche sur la santé dans notre pays.

L'absence de financement soutenu de la part des deux principaux organismes nationaux de financement de la recherche, soit le CRM et le INCC, constitue un obstacle sérieux à la création de nouvelles connaissances susceptibles d'améliorer les soins offerts aux mourants et à leurs familles au Canada.

Depuis la publication de votre rapport, le Canada a perdu un nombre important de ses principaux chercheurs. Sur les 10 principaux chercheurs que nous avions à l'époque, en 1995, quatre ont quitté le Canada pour d'autres pays au cours des trois dernières années. Les perspectives d'avenir semblent bien sombres si l'on tient compte du fait que la nouvelle structure des instituts canadiens de recherche en santé ne prévoit absolument aucune recherche sur les soins palliatifs et les mesures d'accompagnement des mourants, malgré l'énergie que notre association et ses membres ont consacrée à la défense de cette cause.

La pénurie actuelle de chercheurs indépendants dans le domaine des soins palliatifs et de l'accompagnement des mourants représente un obstacle important au progrès. Seule une stratégie de recherche immédiate et concertée visant à accroître la capacité de recherche permettra au nouveau domaine que représente la recherche des soins palliatifs de se maintenir au cours de la prochaine décennie dans notre pays.

Pour conclure, les responsables des soins en hospice et des soins palliatifs de notre pays sont très reconnaissants au Sénat d'avoir reconnu clairement dans son rapport de 1995 l'importance que revêtent les soins palliatifs pour tous les Canadiens atteints de maladie mortelle et leurs familles. Dans notre témoignage, nous avons fait ressortir le fait que vos recommandations de 1995 n'ont guère eu de suite. Nous vous demandons instamment de faire preuve de leadership pour que tous les Canadiens reçoivent en fin de vie des soins assurés par des personnes compétentes et compatissantes et qu'aucun Canadien ne considère l'euthanasie et l'aide au suicide comme la seule façon pour lui d'exercer un contrôle sur une vie faite de douleur, de souffrance affective, d'isolement social, outre le sentiment d'être un fardeau pour sa famille et la société.

La présidente: Vos observations ne m'ont pas surprise, même si elles ont été encore plus catégoriques que ce à quoi je m'attendais. Je vous sais gré de votre franchise.

J'invite maintenant le Dr MacLachlan à se présenter.

M. Richard MacLachlan, directeur, faculté de médecine, Université Dalhousie, Collège des médecins de famille du Canada: Madame la présidente, j'apprécie beaucoup l'occasion qui m'est offerte, pour la deuxième fois en six ans, de comparaître devant le Sénat pour participer à cette importante discussion. En ces deux occasions, j'ai représenté le Collège des médecins de famille du Canada. Dans le mémoire qui vous a été distribué ce matin, du moins je l'espère, se trouvent certains renseignements au sujet du collège. Ce mémoire est disponible dans les deux langues officielles. Je ne répéterai pas ce qui s'y trouve, mais je dirai simplement que notre collège est un organisme bénévole qui représente plus de 15 000 médecins de famille au Canada. Notre groupe offre des soins médicaux primaires à la majorité des Canadiens.

J'aimerais vous présenter les activités du comité d'éthique du collège au cours des cinq années qui ont suivi notre comparution en novembre 1994. À la suite de la publication de votre rapport intitulé «De la vie et de la mort» en juin 1995, nous avons poursuivi nos discussions sur les questions soulevées dans le mémoire que nous vous avions présenté au mois de novembre précédent et sur votre rapport et vos recommandations. Il nous apparaissait important d'encourager le débat national sur ces questions et, à l'issue de notre consultation élargie, nous avons publié un document de travail dans Le médecin de famille canadien, la revue du collège qui est distribuée à plus de 30 000 généralistes et médecins de famille canadiens. L'article publié en février 1997 s'intitulait «Lobbying the lawmakers: the College and Assisted Death». Vous trouverez le texte de cet article dans la trousse d'information qui vous a été remise ce matin. Dans cet article, nous avons essayé de situer le contexte de notre témoignage devant votre comité en 1994 ainsi que notre sentiment du besoin urgent d'un débat public et professionnel sur ce sujet, parallèlement à une initiative gouvernementale. Nous incitions également nos lecteurs à nous donner leur avis à ce sujet.

Au cours des deux années qui ont suivi, soit en 1997 et 1998, nous avons poursuivi activement nos discussions sur le sujet, y compris l'analyse des très nombreuses réponses de nos lecteurs après la publication de l'article de 1997. En fonction de ces commentaires et de notre position de l'époque, nous avons rédigé un énoncé de principe sur l'euthanasie et l'aide médicale au suicide qui a été présenté à deux autres comités du collège, notamment le comité des soins aux personnes âgées et le comité des soins palliatifs, ainsi qu'à certains autres intervenants importants du domaine des soins de santé dans tout le pays. Nous avons tenu une réunion regroupant les trois comités en novembre 1998 en vue de remanier notre énoncé de principe et nous y avons apporté des changements en profondeur. Le mois suivant, en décembre 1998, nous avons présenté notre énoncé de principe sur l'euthanasie et l'aide médicale au suicide au conseil d'administration du Collège des médecins de famille du Canada qui l'a adopté à l'unanimité.

Le comité d'éthique du collège a ensuite distribué l'énoncé de principe sur l'euthanasie et l'aide médicale au suicide aux 16 facultés de médecine du Canada, aux organismes d'accréditation et à d'autres intervenants importants. Néanmoins, nous avons senti le besoin de diffuser plus largement l'énoncé et avons décidé de rédiger un article explicatif, lequel a été -- peut-être est-ce plus un heureux hasard qu'une circonstance opportune -- publié vendredi dernier et distribué aujourd'hui à 32 000 médecins de famille canadiens. Cet article est publié en éditorial du numéro de février de la revue Le médecin de famille canadien. Vous en avez également une copie dans votre mémoire. Je pense que cela suscitera une discussion importante sur ces questions.

Je tiens à signaler que la copie que vous avez en main referme une coquille. Il y est dit que cet énoncé a été adopté en décembre 1999 alors qu'il s'agit de décembre 1998, comme je vous l'ai dit. L'erreur a été corrigée pour la revue, mais vous avez reçu une copie préliminaire.

Dans cet éditorial, et dans notre énoncé, nous avons tenté de délimiter ce que nous considérons une bonne pratique clinique qui soit acceptable du point de vue éthique et les activités qui sont actuellement illégales au Canada. Dans la mesure du possible, nous avons essayé de réitérer certains énoncés factuels clairs de votre rapport intitulé «De la vie et de la mort». Par exemple, la déclaration selon laquelle «la décision de cesser ou de refuser certains traitements pourrait précipiter le décès d'un patient, mais cette conséquence est acceptable sur le plan éthique et permissible légalement si elle est prise après mûre réflexion», est à mon avis tout à fait conforme à l'esprit de votre rapport.

Nous nous sommes concentrés sur l'importance de déterminer ce que souhaitent les patients, et notamment leur désir éventuel de renoncer à tout traitement susceptible de prolonger la vie, idéalement bien avant que la crise ne surgisse. Nous avons signalé qu'il faut faire participer les autres membres de la famille aux décisions qui sont prises, surtout quand le patient n'est plus en mesure d'exprimer ses souhaits. Nous nous sommes concentrés sur l'intention des soins, soulignant, comme vous le faisiez dans votre document «De la vie et de la mort», que: «Il est légal d'offrir un traitement dans le but de soulager la souffrance même s'il risque de précipiter le décès.»

Nous avons essayé d'être explicites à l'effet que «tous les soins visant à soulager les symptômes imputables à une maladie avancée et terminale sont acceptables sur le plan éthique et permissibles légalement s'ils sont administrés pour soulager la souffrance du patient, s'ils sont proportionnés au degré de souffrance et s'ils ne sont pas un geste délibéré pour provoquer la mort.»

Nous avons noté une exagération des préoccupations entourant le fait que les traitements visant à soulager la souffrance puissent à l'occasion accélérer la mort du patient, surtout en ce qui a trait aux doses excessives d'opiacés ou de narcotiques. Nous avons souligné que, en réalité, la souffrance de nombreux patients mourants est causée par un traitement insuffisant, ou est associée à celui-ci.

Nous avons incité nos lecteurs, qu'ils soient professionnels ou profanes, à poursuivre leurs discussions sur ces questions importantes et avons demandé leurs commentaires au sujet de notre énoncé. Depuis la publication de cet article il y a 14 mois, la réaction a été extrêmement positive.

Lorsque je repense aux discussions qui ont eu lieu en 1994 et 1995, j'affirme que le comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide mettait apparemment au défi la médecine conventionnelle, nos associations professionnelles et les facultés de médecine de faire preuve de leadership dans ce domaine. Je soutiens que nous avons fait notre maximum -- pour citer Rogers et Hammerstein -- sans procéder à une réforme législative ni sans la moindre initiative gouvernementale, comme le recommandait votre rapport de 1995.

Il reste encore beaucoup à faire pour donner suite aux recommandations que renfermait le rapport «De la vie et de la mort». Vous avez demandé des conseils et des commentaires. Il nous a paru très encourageant de voir que les recommandations que nous avions faites au Sénat en 1994 étaient en grande partie incorporées dans votre rapport de 1995. Malheureusement, et là mon sentiment rejoint celui du Dr Lapointe, il y a eu peu d'activités perceptibles au cours des cinq dernières années. La présidente de votre comité, le sénateur Carstairs, dans sa motion visant à établir le sous-comité, a indiqué que celui-ci avait pour mandat d'examiner les progrès réalisés pour mettre en oeuvre les recommandations unanimes de votre rapport, et c'est pourquoi je vais essayer de répondre point par point à votre rapport de 1995.

Le premier chapitre comportant des recommandations était le chapitre 3, sur les soins palliatifs. Je conviens avec le Dr Lapointe qu'il y a eu peu d'initiatives perceptibles de la part du gouvernement pour donner suite aux cinq recommandations. Je reconnais que l'on a parlé d'accorder une attention accrue aux soins à domicile. Comme l'a signalé le Dr Lapointe, le Collège royal des médecins et des chirurgiens et mon collège, le Collège des médecins de famille du Canada, se sont entendus pour offrir une année commune supplémentaire de formation en soins palliatifs qui sera acceptable pour les deux collèges, suivent l'accréditation par l'un ou l'autre. Que l'on ait terminé un programme du collège royal en neurologie ou en oncologie ou en soins respiratoires, ou que l'on ait terminé mon programme en médecine familiale, les futurs médecins feront une année commune de spécialisation en soins palliatifs. Nos collèges se sont entendus pour établir le cadre des programmes afin de soumettre des propositions. Celles-ci sont en cours à l'heure actuelle et il est possible que les programmes débutent dès l'été prochain. Toutefois, il faut l'appui du gouvernement pour mettre en place des programmes de formation. Une poignée seulement des facultés de médecine ont réussi à obtenir cette aide pour entreprendre ces programmes de formation des médecins.

Quant à l'élaboration et à la mise en oeuvre de lignes directrices et de normes nationales pour les soins palliatifs, comme vous l'avez recommandé en 1995, le Comité des soins palliatifs du collège élabore actuellement un guide de pratique clinique pour les soins aux patients mourants. Nous n'avons pas constaté de changement ni de progrès important faisant suite à vos recommandations -- c'est-à-dire la recherche en soins palliatifs, particulièrement sur le contrôle de la douleur et le soulagement des symptômes --, à l'exception de l'aide offerte par Santé Canada à l'Association canadienne des soins palliatifs pour qu'elle constitue un groupe de travail dont le mandat serait de se pencher sur le contenu du programme de recherche, comme l'a signalé plus tôt le Dr Lapointe.

Il faut se rappeler que cinq ans se sont écoulés et que l'on attend encore une aide financière pour élaborer un programme. À mon avis, nous avons perdu une période cruciale de cinq ans pour amorcer ces recherches. Comme je l'ai dit devant le Sénat en 1994, et comme vous le rappelez dans votre rapport, on ne pourra envisager l'euthanasie ou l'aide médicale au suicide que lorsqu'il existera dans tout le pays un programme global de soins palliatifs. Mes sentiments n'ont pas changé sur ce point.

Le chapitre 4 traite du contrôle de la douleur et des pratiques de sédation. À notre connaissance, peu de progrès ont été faits pour donner suite aux recommandations contenues dans ce chapitre. En fait, la cause Regina c. Dr. Nancy Morrison en Nouvelle- Écosse -- et cela se passait dans mon hôpital, où toutes les poursuites criminelles ont été depuis abandonnées -- nous laisse songeurs sur le traitement analgésique approprié à administrer aux patients mourants. Vous disiez à la page 33 de votre rapport que «le comité reconnaît qu'administrer un traitement destiné à soulager la souffrance au risque d'abréger la vie est légal.» Votre première recommandation au chapitre 4 prévoyait «que le Code criminel soit modifié afin de clarifier la situation concernant l'administration d'un traitement destiné à soulager la souffrance au risque d'abréger la vie.»

Le fait de n'avoir pas précisé quelle modification il fallait apporter pour étayer votre première recommandation et l'absence d'initiative d'ordre législatif ont peut-être accidentellement ajouté de la confusion à toute cette question, et risqué d'entraîner le sous-traitement de nos patients.

Le chapitre 5 traite de l'abstention et de l'interruption de traitement de survie. À notre connaissance, il n'y a guère eu de progrès entourant les cinq recommandations de ce chapitre. Comme je l'ai dit plus tôt, notre collège a modifié ses lignes directrices professionnelles pour qu'elles soient conformes à votre rapport, mais nous ne pouvons pas faire plus. Nous ne pouvons pas continuer à modifier nos lignes directrices professionnelles si le gouvernement ne modifie pas la législation en vigueur ou ne prend pas d'autres mesures comme le recommande votre rapport de 1995.

Le chapitre 7 porte sur l'aide au suicide. Nous ne sommes témoins d'aucune activité donnant suite aux deux recommandations de changement que renferme ce chapitre.

Le chapitre 8 porte sur l'euthanasie. Cette question est souvent remise en cause par l'interprétation actuelle du terme euthanasie, mais il ne faut pas oublier que, selon l'étymologie grecque, cela signifie «bonne mort». Nous recommandons tous une bonne mort, mais dans le contexte de votre rapport, on interprète différemment l'euthanasie. À notre connaissance, aucun progrès n'a été fait pour donner suite aux deux recommandations unanimes de ce chapitre qui incitaient le gouvernement à prendre des mesures précises.

En résumé, je réitère les remarques du Dr Lapointe, selon lesquelles nous sommes reconnaissants au Sénat d'avoir décidé de relancer le débat sur cet important sujet après cinq ans de quasi-inactivité. Le dialogue public se poursuit, et cette question a fait l'objet d'un grand nombre de manchettes dans les journaux nationaux la semaine passée. Le collège s'est efforcé de favoriser un débat public et professionnel sur ces questions cruciales et complexes. Notre énoncé sur l'euthanasie et l'aide médicale au suicide a été bien accueilli par de nombreuses personnes qui le considèrent comme un important pas en avant. Nous vous demandons de bien vouloir l'examiner attentivement lors de vos délibérations visant à donner suite aux travaux amorcés par le Sénat en 1994-1995.

L'absence d'initiative parlementaire à la suite de votre rapport de 1995 entretient manifestement une confusion injustifiable et cause inutilement des souffrances aux patients, à leurs familles et aux personnes qui les soignent.

La présidente: Un certain nombre de sénateurs ont déjà indiqué qu'ils ont des questions à vous poser.

[Français]

Le sénateur Pépin: Docteur Lapointe, on parle de tous les services qui ont été réduits à cause des réductions dans les budgets des hôpitaux. Le virage des différents services de santé semble s'orienter vers les services à domicile. Si de nouvelles recommandations sont faites relativement aux services qui seront offerts, ne croyez-vous pas que les services à domicile occuperont une plus grande place? Devrait-on porter une attention particulière à la question des services à domicile?

Il en coûtera moins cher aux hôpitaux et plus cher aux patients. Les gens les plus gravement malades doivent bien sûr aller dans les hôpitaux, mais de plus en plus, il y a une tendance à retourner les gens à domicile. Ne devrait-on pas porter une attention particulière aux services à offrir à ces gens?

M. Lapointe: Pour la plupart d'entre nous, le domicile représente le lieu où la qualité de vie peut être optimisée. C'est le lieu où on vit avec notre famille, nos relations et notre communauté. La vie s'y déroule et le pivot en est, bien sûr, le domicile.

Cependant, il faut briser le mythe du désir d'être à domicile de toutes les personnes confrontées à une maladie terminale. En réalité, des sondages effectués l'an dernier démontrent que l'ensemble des Canadiens veulent être soignés à domicile s'ils étaient atteints d'une maladie terminale.

Toutefois, lorsqu'on examine la question par tranches d'âge, on s'aperçoit que la réponse est de moins en moins forte au fur et à mesure qu'on dépasse 65 ans. À 75 ans et plus, la réponse est moins forte et après 85 ans, c'est le contraire qui se produit; on ne souhaite plus être soigné à domicile pour plusieurs raisons.

Une de ces raisons est l'absence d'un soignant naturel, un membre de la famille disponible et capable de prodiguer des soins. Il peut s'agir de la présence du conjoint, de la conjointe ou d'enfants en mesure de soigner. Pensons aux personnes âgées qui vivent dans de petits villages en Gaspésie et dont les enfants vivent en milieu urbain. Pensons aux gens qui vivent isolés au centre-ville et qui ne peuvent voir les membres de leur famille.

Lorsqu'on parle de soins à domicile, il faut savoir qu'il peut y avoir mort à domicile. Les soins à domicile sont souhaitables lorsque les conditions le permettent. Il faut prévoir des alternatives dans les services offerts.

Au Canada, certaines institutions spécialisées dans les communautés recréent un domicile pour les grands malades et des services hospitaliers sont offerts à ceux qui les demandent. Nous savons que les coûts des soins à domicile sont en grande partie assumés par la famille.

La présence de personnel soignant est limitée par des budgets qui, comme une peau de chagrin, rétrécissent selon la période de l'année. Par exemple, avant le mois de mars, à la fin de l'année fiscale, la disponibilité du personnel infirmier est très réduite. Cela signifie que le conjoint ou le membre de la famille qui soigne à domicile doit perdre des jours de travail et la sécurité de revenu n'est pas assurée.

Cette année, à l'Association canadienne des soins palliatifs, nous avons adopté comme objectif principal de communication de souligner au gouvernement fédéral l'importance de protéger les familles contre les conséquences souvent désastreuses d'accepter de soigner un de leurs proches à domicile. Nous savons que cela s'accompagne de pertes d'emploi, de revenus, et cetera.

Le sénateur Pépin: Ces personnes ne peuvent jamais prendre congé.

M. Lapointe: Non. Le domicile est certes le lieu privilégié de la vie, mais quand on parle de soins à domicile, on pense à un système d'administration des soins de fin de vie efficaces et capables de répondre à la demande sept jour sur sept, 24 heures sur 24. Si une crise survient à deux heures du matin, on ne veut pas faire appel à une boîte vocale. Nous avons besoin, au sein de nos communautés, de résidences ou d'institutions recréant le milieu familial mais à moindres coûts, pouvant faire face à des crises qui nécessitent des soins aigus ou et même une hospitalisation. Il faut penser aux Canadiens atteints de maladies dégénératives, comme l'Alzheimer, qui se retrouvent dans des centres d'accueil et qui n'ont pas accès à l'expertise de soins palliatifs.

Le sénateur Pépin: Selon vos statistiques, on note une augmentation de 21 p. 100 des personnes au seuil de la mort. Je suis bouleversée de constater que les agences de lutte contre le sida ont reçu un million de dollars en subventions alors que votre société n'a reçu que 30 000 $. Un peu plus loin, on voit qu'il y a eu une augmentation en 1998. Pourriez-vous m'expliquer de quoi il s'agit?

M. Lapointe: La comparaison ne dénonce pas le fait que la Société canadienne du sida ait reçu de tels montants mais elle pondère les montants des subventions visant les budgets d'exploitation. En ce sens, nous comparons 30 000 $ à un million pour des budgets de fonctionnement et non pour des budgets liés à des projets spécifiques. Bien sûr, nous avons bénéficié, et je l'ai indiqué, de d'autres sources de financement qui ont permis, entre autres, la production de documents de formation pour des auxiliaires familiaux et pour des intervenants qui fournissent des soins palliatifs dans la rue auprès des usagers de drogues intraveineuses. Nous avons publié des documents, des cours et des curriculum vitae pour un ensemble de professionnels grâce à ces soutiens. Malheureusement, il arrive que nous dépensions les fonds au complet dans ces projets, mais entretemps, il faut survivre. Même si l'Association canadienne des soins palliatifs est la seule organisation de promotion des soins palliatifs et des soins de fin de vie au Canada, elle se retrouve actuellement dans une situation très difficile.

[Traduction]

Le sénateur Pépin: Ma question suivante s'adresse à vous deux. À la page 27, vous dites que seulement 7 des 16 collèges médicaux canadiens ont présenté une demande pour offrir ce programme en soins palliatifs. Savez-vous pourquoi?

M. MacLachlan: Permettez-moi de vous citer l'exemple de ma faculté de médecine. Nous comptons offrir ce programme d'un an à compter de l'été 2001. Nous n'avons pas encore réussi à obtenir l'aide du gouvernement pour rémunérer des médecins résidants. Pour suivre ce programme, un médecin résidant devra être rémunéré pendant cette année. Cela coûtera environ 42 000 $ par an, plus quelques autres dépenses liées à la formation. Nous n'avons pas encore obtenu le financement. C'est pourquoi nous ne pensons pas être en mesure d'offrir le programme pour l'été 2000.

De nombreuses autres facultés sont dans la même situation que nous. Nous voulons offrir ce programme et il ne fait aucun doute que nous disposons des ressources et des compétences voulues pour le faire. Il nous manque simplement l'aide financière pour payer les résidants. Il semble inutile d'offrir ce programme tant que nous n'aurons pas obtenu cette aide.

Est-ce la même chose pour vous ou pour d'autres facultés, à votre connaissance, docteur Lapointe?

M. Lapointe: Dans quelques universités, on n'a pas les compétences spécialisées requises pour participer au programme de résidence en soins palliatifs. Nous surveillons la situation dans les programmes d'études offerts. Nous sommes particulièrement inquiets de voir que, dans la majorité des facultés de médecine, on n'offre pas de programme de premier cycle en soins palliatifs ou soins aux mourants, outre des questions de communication et des questions éthiques. Autrement dit, dans bon nombre de facultés de médecine, il n'y a pas de programme véritable sur le contrôle de la douleur et l'allégement des symptômes. Il n'y a pas de programme proprement dit sur les soins à donner aux mourants. C'est inquiétant.

Le sénateur Pépin: Dans votre mémoire, vous dites que le nouvel Institut canadien de recherche en santé ne finance absolument pas les travaux de recherche sur les soins palliatifs en fin de vie.

[Français]

Si je comprends bien, actuellement, aucune recherche n'est faite dans le domaine des soins palliatifs?

M. Lapointe: Si vous regardez la documentation fournie par les instituts canadiens, on y parle de recherches sur le cancer, mais nulle part, on n'y fait mention de soins palliatifs ou de soins de fin de vie. De façon très vigoureuse, nous rencontrons de nombreuses personnes capables d'influencer le développement des instituts sur les soins de fin de vie et les soins palliatifs afin que ces lieux soient concentrés et non pas disséminés au bon vouloir de la plupart des instituts. Il est certain que lorsqu'on se retrouve face au choix de la recherche entre guérir les gens d'une maladie ou soulager des gens qui vont en mourir, traditionnellement, le poids a toujours penché d'un côté.

Nous sommes très inquiets de l'absence de volonté à l'égard de la création d'un institut sur les soins de fin de vie ou sur le vieillissement où on retrouverait clairement les préoccupations de soins palliatifs et de soins de fin de vie.

[Traduction]

M. MacLachlan: Les recherches de l'Institut canadien de recherche en santé sont souvent axées sur une maladie précise, par exemple le sida ou le cancer. Nous mourrons tous un jour, mais nous ne mourons pas tous du sida ou du cancer. Bon nombre d'entre nous mourrons d'une maladie du coeur ou au service d'urgence. Bon nombre mourront dans les services de soins intensifs. Bien des gens mourront d'une maladie pulmonaire, mais pas nécessairement liée au cancer. Si nous nous concentrons trop sur une maladie plutôt que sur le processus de la mort, on n'accorde pas assez d'importance aux soins palliatifs. C'est un véritable problème compte tenu du mandat de l'institut.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Docteur Lapointe, vous dites que tout le monde est en faveur des soins palliatifs et que l'on devrait se doter de standards nationaux. Je pense bien que c'est vrai, parce que la médecine est la même partout.

Mais vous qui êtes à la tête d'un mouvement canadien, fédéral, et cetera, et qui connaissez très bien la situation au Québec, envisagez-vous dans ce domaine certains problèmes de juridiction? La santé est du ressort provincial ou fédéral selon ses aspects.

Pour les soins palliatifs, j'ai bien l'impression que les provinces ont un assez grand rôle à jouer et nous devons en tenir compte dans notre rapport. Nous sommes tous favorables aux soins palliatifs et nous voulons tous que le gouvernement fédéral intervienne, mais y voyez-vous un problème de juridiction?

M. Lapointe: Il est certain que l'administration de soins et de services de santé est une compétence provinciale. C'est d'ailleurs pourquoi je me suis attardé ce matin à vous souligner l'absence de soins palliatifs, donc une absence de leadership, dans les domaines de juridiction fédérale, c'est-à-dire entre autres dans l'administration de soins et de services de santé dans les réserves des Premières nations, de même que dans les pénitenciers fédéraux. Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle proéminent de leadership et il commence dans sa propre cour, comme on dit au Québec: d'une part, il doit manifester un intérêt à dispenser des soins et des services dans les pénitenciers canadiens pour les personnes incarcérées qui vivent avec un cancer ou le sida et, d'autre part, dans les réserves des Premières nations, pour les autochtones et leurs familles qui font face à une maladie terminale pour accorder des soins de fin de vie qui leur sont culturellement spécifiques.

Le sénateur Beaudoin: Et les militaires?

M. Lapointe: Merci de me le rappeler, dans les hôpitaux militaires également. Ensuite, il y a des rôles de promotion de la santé qui appartiennent au ministère fédéral de la Santé. Par exemple, la formation des professionnels relève du ministère de la Santé, par le biais du soutien au développement de normes nationales.

Souvenez-vous, il y a quelques années, lorsqu'on essayait d'implanter la gériatrie comme pratique émergeante au Canada. De nombreux médecins disaient pratiquer la gériatrie parce qu'ils soignaient des personnes âgées. Ce n'est pas parce qu'on soigne des mourants qu'on offre des soins palliatifs et qu'on a les connaissances et l'expertise nécessaire pour soigner ces personnes. Tous peuvent le prétendre, mais tant et aussi longtemps que des normes et des standards de pratique n'édictent pas les «best practices», nous avons un problème.

Il y a aussi le rôle du ministre fédéral de la Santé dans l'éducation postsecondaire et la recherche. Il est certain que des subventions permettraient l'émergence d'une masse critique de chercheurs et d'enseignants dans les écoles de médecine, de nursing et autres écoles professionnelles.

Donc d'emblée, oui, il y a des juridictions et chacune de nos associations provinciales forment un lobby. Je peux vous informer, par exemple, que l'association québécoise remettra au cours des prochaines semaines un rapport assez important et imposant sur une tournée provinciale où nous avons vérifié la disponibilité des services telle que vécue dans chacune des régions, avec un état de la situation de chacune de ces régions. Elle proposera à la ministre un plan stratégique pour pouvoir combler les lacunes que nous avons notées sur l'ensemble du territoire québécois. Ce lobby est assuré par chacune de nos associations provinciales, mais il y a toutefois, au gouvernement fédéral, amplement de champs de compétence qui relèvent du ministre fédéral de la Santé.

Le sénateur Beaudoin: Je suis tout à fait d'accord avec vous, à savoir que les deux paliers de gouvernement ont beaucoup de champs de compétence selon les secteurs.

[Traduction]

Ma deuxième question s'adresse au Dr MacLachlan. Une partie de vos activités portent sur l'interruption et la non-initiation de traitement et le Code criminel, car il s'agit d'une loi fédérale. Depuis la publication de notre rapport en 1995, y a-t-il eu des progrès importants au niveau juridique dans l'un de ces deux domaines? La loi est en évolution constante. Nous modifions régulièrement le Code criminel du Canada. Notre Code criminel est bon, mais rien n'est parfait; il faut donc le modifier de temps à autre. Il y a également des procès devant les tribunaux. Notre système judiciaire est très solide et, à mon avis, exact.

Au cours des cinq dernières années, je n'ai remarqué que peu de procès en rapport avec ces deux questions, mais je sais qu'il doit y en avoir eu certains. Vous nous avez dit que dans l'affaire Morrison, les poursuites ont été abandonnées. Cela s'est passé dans votre province. Dans d'autres provinces, il y a la jurisprudence du tribunal de première instance, de la Cour d'appel et de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Rodriguez. Y a-t-il eu une évolution quelconque dans ces deux domaines au cours des cinq dernières années, c'est-à-dire en ce qui a trait à la non- initiation ou à la cessation de traitement?

M. MacLachlan: La différence entre 1994 et l'an 2000, c'est que les fournisseurs de soins savent désormais qu'il est acceptable, sur le plan éthique et juridique, d'interrompre ou de ne pas entreprendre un traitement à l'égard d'une personne mourante. Il existe des directives à ce sujet et, comme je l'ai déjà dit, la meilleure façon de faire est d'en discuter avec le patient, idéalement lorsqu'il est en mesure de donner des directives quant à ce qu'il souhaite. À défaut de cela, on peut en discuter avec les membres de la famille. Toutefois, il est très clair, tant d'après les décisions des tribunaux que d'après les normes de pratiques professionnelles, que nous ne sommes pas obligés d'offrir un traitement inutile. C'est très clair.

Il y a eu quelques bosses de ralentissement au niveau judiciaire. Dans un cas, à Winnipeg, les tribunaux ont ordonné le rétablissement du besoin de procéder à la ressuscitation cardiopulmonaire, mesure à laquelle on a renoncé par après consécutivement à une discussion exhaustive avec la famille. Je crois que c'était là beaucoup plus une question de communication. Ce cas nous a causé de l'inquiétude dans la mesure où, en effet, les tribunaux allaient se substituer aux soignants qui disaient que la ressuscitation cardiopulmonaire dans ce cas-là serait inutile.

La présidente: Permettez-moi d'intervenir, je crois que vous parlez de l'affaire Sawatsky.

M. MacLachlan: Oui.

La présidente: En fait, docteur MacLachlan, il n'y a pas eu cessation du traitement. Le patient est décédé. Sa femme avait entamé des poursuites judiciaires contre l'hôpital au moment de son décès.

M. MacLachlan: Je vous remercie de cette clarification.

Cela nous a donné un coup, comme qui dirait, parce que nous étions partis de l'idée que tout était clair, que nous nous conformions à votre rapport sur l'abstention et l'interruption de traitement, que c'était une norme professionnelle admise dans les cas où tout traitement était inutile et où, idéalement, une telle mesure était respectueuse des voeux du patient ou de la famille.

Pour ce qui est de l'abstention ou l'interruption de traitement, je ne crois pas que cela suscite de grandes controverses au pays. Je crois que c'est une norme admise, dans les cas où l'on peut démontrer que tout traitement est inutile et que, idéalement, on a le consentement du patient ou de la famille.

Le sénateur Beaudoin: Nous étions unanimes sur ces deux points, et je crois que nous étions également unanimes relativement aux lignes directrices. À mon avis, les lignes directrices sont très importantes. Elles peuvent peut-être varier d'une année à l'autre, dans une certaine mesure, parce que telle est la manière dont nous légiférons dans notre pays. Nous tâchons d'améliorer les lois. À mon avis, c'est là le rôle du Sénat.

Êtes-vous au courant de cas où l'on aurait amélioré la situation dans ce domaine particulier?

M. MacLachlan: Je ne suis au courant d'aucun cas qui aurait amélioré la situation. L'affaire Sawatsky nous a incités à la prudence.

La mise en oeuvre des premières recommandations de votre rapport de 1995 clarifierait bien des choses dans ce domaine. Nous pourrions alors soutenir la troisième recommandation visant à mettre au point des lignes directrices professionnelles qui concorderaient avec le Code criminel modifié.

Le sénateur Corbin: Docteur MacLachlan, dans votre texte, vous parlez d'éthique et de morale. Quelle distinction tracez-vous entre les deux?

M. MacLachlan: C'est une distinction subtile. Le comportement individuel est encadré par un ensemble de valeurs morales. Les valeurs morales sont davantage axées sur l'individu, et elles guident le comportement. L'éthique constitue beaucoup plus une mise en commun de ces valeurs morales, à partir desquelles on essaie d'établir une norme sociétale. Les deux peuvent être dynamiques. Cependant, l'éthique reflète beaucoup plus la pensée morale d'une société à une époque donnée.

Le sénateur Corbin: J'ai siégé au premier comité et j'ai entendu, entre autres, un témoin de Montréal qui parlait d'éthique. Ce témoin disait qu'à notre époque, on n'impose plus de code d'éthique aux jeunes étudiants de médecine. Ce n'est peut-être pas ce qu'il a dit exactement. Ce qu'il voulait dire, c'est que l'on définit de manière générale l'éthique médicale, et de là, chaque praticien de la médecine interprète l'éthique dans un milieu clinique de la manière qu'il veut.

Voici ma question: existe-t-il un code d'éthique médicale, et dans quelle mesure chaque praticien y adhère-t-il? Y a-t-il de la place pour une interprétation large? Est-ce que le sens moral d'une personne intervient dans ces situations, ou applique-t-on strictement une éthique froide, clinique?

Vous mentionnez plusieurs fois dans votre texte vos lignes directrices, que je n'assimile pas à la morale ou à l'éthique. Quels sont les obstacles? Quels sont les points communs entre ces diverses notions? Comment un médecin en situation clinique résout-il finalement ces difficultés?

M. MacLachlan: Notre meilleure référence déontologique, en ce qui concerne la pratique de la médecine, s'exprime probablement dans le code de déontologie de l'Association médicale canadienne, lequel existe depuis plus de 100 ans et est révisé fréquemment. Sa dernière révision remonte à il y a quatre ans.

Si vous me demandez sur quoi je me fonde aujourd'hui pour prendre des décisions, je vous dirai qu'il s'agit d'une brochure affichée au mur de mon bureau et au mur de toutes mes salles d'examen, une brochure qui donne le code de déontologie de l'AMC. Il est utile de savoir ce que cet organisme préconise. Mon collège et le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada ont avalisé ce code.

C'est peut-être le meilleur point de départ pour déterminer ce qui constitue une ligne de conduite professionnelle dans ce cas. Malheureusement, il s'agit plutôt d'énoncés généraux tels que: Je ne dois pas dénigrer la réputation de mes collègues, mais je dois faire rapport de toute activité non professionnelle au responsable approprié. Toutefois, est-ce que cela s'applique dans le cas d'un médecin qui à mon avis ne prescrit pas les médicaments appropriés? Les codes de déontologie ont tendance à offrir des énoncés très généraux.

À partir de ces généralités, nous élaborons des directives qui visent la pratique clinique et les activités professionnelles d'un domaine précis. C'est ce que nous tentons de faire avec cette déclaration sur l'euthanasie et l'aide au suicide. Nous voulions refléter ce qui se trouve dans le code de déontologie actuel de l'Association médicale canadienne et appliquer ces mêmes principes à l'aide au suicide et à l'euthanasie. Nous espérions faire une distinction entre la pratique professionnelle, une bonne pratique clinique et ce que nous considérons des pratiques clairement illégales, en ce moment au Canada.

On trouve de nombreux renseignements, surtout dans le rapport. Je crains que si l'on demandait à n'importe quel des 55 000 médecins au Canada aujourd'hui quel est le meilleur endroit où trouver des écrits sur l'objet des soins et l'allégement de la souffrance et sur la possibilité d'abréger la vie, ils ne seraient pas nombreux à avoir dans leurs étagères «De la vie et de la mort». C'est déplorable; c'est un document très bien rédigé.

Nous avons voulu choisir des points de référence qui à notre avis étaient clairs et les travailler pour en faire des lignes directrices à l'intention des médecins à compter du mois de février 2000 pour le soin des malades. Notre objectif consistait à prendre un code de déontologie ainsi que des documents de référence, tels que votre rapport, et d'élaborer un guide pratique dans les décisions cliniques à l'intention des médecins.

Un des aspects que nous avions soulevés avec vous en novembre 1994, c'est le fait que nous nous trouvons en présence d'une dyade patient-médecin. Nous devons prendre des décisions au cas par cas dans le soin des patients en tenant compte du cadre moral du patient, de son environnement, de ses souhaits et de ceux de sa famille. Voilà le site de notre intervention dans une relation un à un avec un patient et sa famille dans leur environnement et contexte.

La loi n'est pas particulièrement utile dans une telle situation de un à un. Nous ne voulons pas encourager les fournisseurs de soins de santé à enfreindre la loi, mais la loi doit s'appliquer à l'échelle du pays. Nous devons fonctionner en relation un à un avec vous et votre famille. Voilà pourquoi il nous faut des lignes directrices peut-être un peu plus claires, mais nous ne pouvons pas préconiser des activités qui sont clairement illégales. Voilà pourquoi nous essayons de dire aux médecins: «Au-delà de ce point, c'est illégal. Ne le faites pas».

Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, monsieur le sénateur Corbin.

Le sénateur Corbin: Les exposés de ce matin étaient importants du point de vue de la déontologie, de la moralité, de la philosophie et des questions de vie et de mort. Je ne suis pas en mesure actuellement de dire que j'ai absorbé tout ce qui a été dit. Je tiens certainement à y réfléchir. J'écrirai peut-être aux témoins pour leur demander de préciser certaines de leurs affirmations.

J'ai lu l'éditorial rapidement. J'en conclus que les choses évoluent constamment. La médecine doit se réadapter aux normes, à la déontologie, etc. Vous le faites, c'est encourageant. Vous tentez d'aider vos membres et la population.

Malheureusement, à mon avis, le Parlement a refusé de s'attaquer à cette question. Notre comité doit dire aux gouvernements, au Parlement et aux assemblées législatives qu'ils n'assument pas leur responsabilité. L'une des choses les plus exaspérantes constatées après la publication de votre rapport, c'est que très peu de ceux qui auraient dû réagir l'ont fait.

M. MacLachlan: Pour répondre à votre commentaire dans le contexte que j'ai mentionné plus tôt, il ne fait aucun doute qu'à mon hôpital, après l'arrestation du Dr Nancy Morrison, notre approche au contrôle de la douleur a été très différente. Je ne suis pas certain que nous en soyons revenus là où nous étions, encore moins au niveau des normes actuelles.

Ce fut un choc pour tous qu'un médecin qui semblait vouloir soigner un patient et soulager la douleur -- je ne vais pas entrer dans les détails de l'affaire, et il semblait à la plupart d'entre nous qui connaissent un peu l'affaire que l'intention était de soulager la douleur -- soit accusé de meurtre. Les répercussions de cette affaire, bien qu'on ait retiré les accusations, n'ont pas encore été oubliées. Je vous exhorte à aller de l'avant et à nous donner les précisions dont nous avons besoin.

Le sénateur Roche: Ma question se veut un commentaire au Dr MacLachlan mais cela n'empêche pas le Dr Lapointe d'y répondre s'il le souhaite. Comme le sénateur Pépin, je n'étais ni sénateur ni membre lorsque le comité a préparé ce rapport. Et puisque je n'ai pas participé aux travaux du comité, je suis peut-être un peu plus libre que mes collègues de dire que c'est un excellent rapport.

M. MacLachlan: En effet.

Le sénateur Beaudoin: Je partage votre avis.

Le sénateur Roche: C'est bien ce que j'avais pensé. Je cherche toujours l'entente.

Bien qu'il m'ait fallu un peu de temps, je pense avoir enfin compris la raison d'être de ce comité. Je suis assis là à me demander pourquoi le gouvernement n'a pas pris au sérieux les recommandations sur les soins palliatifs, le contrôle de la douleur et les directives préalables, etc. Le témoignage de nos deux témoins ce matin constitue une condamnation percutante de l'inaction du gouvernement.

J'en conclus donc que bien que les soins palliatifs qui étaient au coeur de la discussion de ce matin représentent un besoin social croissant au pays, cette question n'est pas à l'ordre du jour politique, et je me demande pourquoi. Docteur MacLachlan, dans votre dernier commentaire au sénateur Corbin, vous avez parlé d'une chose à laquelle je pensais, c'est-à-dire la confusion dans l'esprit du public et la tendance du gouvernement à esquiver une fois encore une question controversée dans la société. Je pense que c'est l'incapacité ou l'hésitation de la population à faire une distinction entre des soins palliatifs en bonne et due forme et tout ce que cela comporte, y compris le débranchement de l'équipement essentiel au maintien de la vie, l'aide au suicide et l'euthanasie involontaire.

Je ne prétends pas qu'il s'agit d'une analyse définitive, mais je me demande si le gouvernement, lorsqu'il a reçu ce rapport, a noté que les membres du comité étaient divisés sur la question de l'aide au suicide et de l'euthanasie involontaire. Je me demande si cette division a attiré l'attention des représentants gouvernementaux au ministère de la Justice ou des Finances -- j'espère que nous en entendrons parler au moment opportun -- et si cela n'a pas détourné leur attention et ainsi réduit l'attention qu'ils ont donnée aux conclusions unanimes dans ce rapport. En termes plus crus, les membres du comité étaient divisés parce que certains voulaient que le gouvernement réagisse avec plus de cran pour prendre les mesures très importantes qu'il faut prendre. Nos deux distingués témoins de ce matin ont affirmé que la société souffre à cause de l'inaction du gouvernement qui n'a pas pris les mesures que le comité jugeait nécessaires pour améliorer la condition de vie des malades en phase terminale.

Je suppose que le sénateur Carstairs et ses collègues avaient raison de dire que cette fois-ci, il faut un rapport qui porte sur ce qui avait été convenu à l'unanimité en 1995, un rapport qui exhorte le gouvernement à prendre des mesures sur ce que nous préconiserons tous et dont il a été question ce matin, c'est-à-dire les soins palliatifs. Cette fois-ci le gouvernement écoutera peut-être.

Docteur MacLachlan, vous avez mentionné les retombées de l'affaire Morrison, disant que les membres de votre profession étaient apeurés si on peut dire, et craignaient de prendre les mesures qu'ils étaient appelés à prendre. Cela les a probablement empêchés d'approcher le gouvernement. En d'autres termes, tout le monde met des gants de velours pour exercer des pressions sur le gouvernement en ce qui concerne les soins palliatifs et les soins à domicile et tout le reste parce qu'on craint d'être mal interprété et d'être vu comme préconisant l'euthanasie involontaire ou l'aide au suicide.

Les défenseurs de l'aide au suicide et de l'euthanasie involontaire reçoivent beaucoup de publicité dans notre pays, ce qui nous a amenés ici ce matin, à cette table, pour parler du suicide plutôt que des soins palliatifs à cause de l'interprétation que la population fait de cette question.

Les défenseurs des soins palliatifs sont assimilés aux défenseurs de l'aide au suicide. J'avance ces idées, non pas comme une analyse définitive, parce que je ne suis pas ici depuis assez longtemps, mais j'aimerais savoir ce que vous pensez de mes idées.

M. MacLachlan: Vous avez manifestement beaucoup réfléchi à la question. On trouve au début du rapport une liste de définitions où l'on tente de préciser la différence entre l'euthanasie, l'aide au suicide et l'abstention de traitement. On y décrit l'euthanasie comme un acte qui provoque la mort; l'aide au suicide comme aider quelqu'un à se donner la mort; et l'abstention de traitement ou l'interruption de traitement comme le fait de cesser de maintenir le patient en vie, si je paraphrase correctement les définitions.

Vous avez raison de penser que peut-être nous confondons les bonnes pratiques de soins palliatifs et l'aide au suicide. C'est pourquoi je tenais à mettre en relief ce qui me semble l'une des mesures essentielles que vous avez recommandées en 1995. Il faut revoir le Code criminel en fonction de l'énoncé très clair dans votre rapport où vous dites qu'il est légal d'administrer un traitement destiné à soulager la souffrance au risque d'abréger la vie. Vous l'avez énoncé très clairement en ajoutant au chapitre IV que peut-être faudrait-il modifier le Code criminel afin de le dire clairement. Vous faites allusion au fait qu'il nous faut intervenir de façon urgente pour que les soins palliatifs ne soient pas assimilés à l'aide au suicide ou à l'euthanasie. Nous convenons tous de ce que vous préconisez là.

Les bons soins palliatifs sont les soins qui conviennent pour soulager la douleur. Cela peut abréger la vie. Dans de nombreux cas, on a exagéré ce phénomène. Les soins appropriés au moyen de narcotiques et d'opioïdes n'abrègent pas nécessairement la vie, au contraire, puisqu'une personne qui a moins de stress a moins de douleur.

Vous avez tout à fait raison de dire que peut-être avons-nous mal servi les soins palliatifs en ne précisant pas clairement ce que nous préconisions en disant qu'il est légal d'administrer des traitements destinés à soulager la souffrance au risque d'abréger la vie. Un énoncé clair et peut-être aussi des modifications au Code criminel auraient peut-être permis d'éviter l'angoisse provoquée par l'affaire Morrison.

M. Lapointe: J'aimerais moi aussi parler de l'effet involontaire, c'est-à-dire qu'en donnant des médicaments adéquats et appropriés à un patient afin de soulager sa douleur ou d'autres symptômes, on peut précipiter sa mort. Dans la plupart des cas, ces médicaments prolongeront la vie du patient. Le risque est très exagéré. C'est un mythe. En fait, il est extrêmement rare qu'il y ait des risques rattachés à l'utilisation de la morphine ou d'autres narcotiques puissants ou drogues de cette nature lorsqu'ils sont administrés par des personnes expérimentées capables de compter sur les connaissances acquises au cours des 30 dernières années dans le domaine des soins palliatifs. Je dit «extrêmement rare» en sachant qu'il y a des cas où ces produits précipiteront la mort, que l'effet sera double. En fait, la crainte existe chez les médecins qui utilisent ces drogues pour soulager la douleur car ils craignent d'être accusés d'avoir précipité la mort, tout comme ils craignent que les préoccupations des membres de la famille du patient face à ces drogues les empêchent de soulager la douleur et provoquent des souffrances chez de nombreux patients au Canada. Le Sénat doit détruire ce mythe. En accordant trop d'importance à l'effet double, cela provoque en soi un effet double qui a des répercussions néfastes sur le patient.

La présidente: J'ai plusieurs questions pratiques que je veux vous poser. Lorsque nous avons fait notre étude initiale, on nous a dit encore et encore que 5 p. 100 des mourants avaient accès à de véritables soins palliatifs. Pour la plupart, il s'agissait de patients atteints de cancer parce que dans de nombreux cas, la mort par cancer est très douloureuse. Est-ce que ce chiffre est toujours valable, a-t-il augmenté ou diminué?

M. Lapointe: Je dois avouer que je n'ai pas les données pour répondre à votre question. J'ai parlé plus tôt d'une étude d'un an sur la situation au Québec. Nous avons constaté que tous déclaraient offrir des soins palliatifs. Ainsi, si vous demandez à un centre de santé s'il y a un programme de soins palliatifs, on répond «oui». Toutefois, si vous demandez si du personnel précis est affecté à ce programme, le nombre de réponses affirmatives diminue. Lorsque vous demandez si le centre a un programme de détection des membres de la famille qui ont un risque élevé d'avoir une réaction pathologique au deuil, alors un petit pourcentage de ceux qui avaient d'abord répondu «oui», sont toujours en mesure de dire «oui».

Je ne saurais dire si 5 p. 100 est le chiffre exact. Tout ce que je sais, c'est que c'est une minorité de Canadiens. Si vous regardez les patients atteints de cancer, d'Alzheimer et d'autres maladies dégénératives, vous constatez l'absence de soins palliatifs, l'absence de soins de fin de vie offerts par des professionnels dans la majorité des foyers pour personnes âgées du pays. Nous n'avons pas en mains les statistiques que vous demandez, madame la présidente.

La présidente: Vous avez parlé du fardeau financier et émotif des familles qui s'occupent d'un mourant à domicile. Vous avez parlé tout particulièrement des personnes très âgées qui, j'en ai l'impression, parce qu'elles n'ont personne pour s'occuper d'elles ou parce qu'elles souhaitent ne pas être un fardeau, choisissent de mourir à l'hôpital. Avez-vous des données sur les séquelles pour la santé de la personne qui s'occupe d'un mourant?

Ma propre expérience me dit que ma mère aurait probablement vécu de nombreuses années de plus, malgré une maladie cardiaque qui s'aggravait, si elle n'avait pas été pendant 10 ans la principale responsable des soins à son mari, victime d'un accident cérébrovasculaire, diabétique insulino-dépendant et souffrant de plusieurs autres maladies.

Avez-vous des données à ce sujet?

M. Lapointe: Je pourrais vous fournir certaines données de recherche qui démontrent par exemple que les personnes en deuil, ou en deuil depuis peu, courent un risque plus élevé de problèmes de santé. En fait, bon nombre de personnes dont le deuil est récent consultent un médecin pour des problèmes de santé directement liés au deuil ou à la perte récente d'un être cher.

Nous poursuivons en ce moment des projets de recherche qui examinent la qualité de vie des membres de la famille et des soignants à Montréal et dans d'autres centres au pays. Avec le temps, nous devrions pouvoir vous faire part des résultats. Ce sont là des questions très importantes car nous confions de plus en plus la responsabilité des soins à des personnes qui, bien souvent, sont mal préparées pour prendre soin d'un être cher.

Une étude effectuée au Canada révèle que la réussite dépendait des moyens financiers si l'on voulait qu'un être cher meurt chez lui. C'est-à-dire que vous pourriez accéder au souhait d'un être cher de mourir à domicile si vous aviez les moyens financiers de retenir des services privés.

M. MacLachlan: C'est toujours ennuyeux d'ajouter une anecdote, mais dans ce cas-ci, c'est peut-être pertinent. J'ai parlé à un médecin qui offre des services de consultation à l'hôpital Royal Victoria. Il m'a raconté les circonstances d'une visite à domicile qu'il a faite la semaine dernière à un homme de 54 ans qui prend soin de sa mère de 93 ans à la maison. Elle est en stade terminal de la maladie d'Alzheimer et est incapable de communiquer depuis 10 ans. Elle demeure à la maison avec l'aide de personnel payé par son fils et reçoit des soins 24 heures sur 24. Il faut environ trois heures par repas pour la nourrir de la purée qu'elle mange. Ses soins sont impeccables. Toutefois, son fils dit qu'il ne peut plus fournir ces soins. Il dit: «Ça fait 10 ans que je fais cela. Ce n'est pas ma mère. C'est simplement le souvenir de ma mère. Veuillez m'aider. Y a-t-il quelque chose que nous pouvons faire à la maison?» Le médecin lui a dit qu'il ne pouvait pas l'aider et lui a expliqué pourquoi. Le fils a répondu: «Je comprends, mais je pense que nous allons devoir la placer en foyer ou à l'hôpital». Il a ajouté: «Je parierais qu'elle sera morte dans les deux semaines.» Le malheur, c'est qu'à cause des réductions budgétaires et du reste, il a probablement raison.

Vous faites valoir un argument très juste à propos du fardeau imposé aux membres des familles qui dispensent les soins. Je ne veux embrouiller les choses avec des anecdotes, mais vous avez mentionné un certain nombre d'arguments importants. Il existe un fardeau indirect pour ceux qui donnent des soins palliatifs à la maison sans aide officielle.

La présidente: Docteur Lapointe, vous dites qu'il coûte extrêmement cher -- sans parler pour l'instant du coût émotif -- de soigner à domicile un patient gravement malade. À l'heure actuelle, il n'existe pas de dispositions à cet égard dans le régime fiscal. La situation est meilleure au Québec que dans d'autres provinces, mais d'après mon expérience, il n'existe pas de dispositions dans ce domaine. Il n'existe pas non plus de dispositions pour aider les personnes qui renoncent à leur emploi, surtout des femmes, pour s'occuper d'un membre de leur famille qui souffre d'une maladie mortelle.

Est-ce bien ce que vous constatez aussi?

M. Lapointe: Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que les soins sont surtout dispensés par les femmes, qui se retrouvent obligées de s'occuper de leurs parents et souvent des parents de leur conjoint et qui se demandent à leur tour qui prendra soin d'elles.

Deuxièmement, il n'existe à l'échelon fédéral aucune disposition fiscale ou des dispositions sous le régime de la loi sur la sécurité du revenu pour protéger les membres des familles au Canada. Ce sont des mesures qu'il faudrait adopter. Il faudrait agir rapidement pour éviter, à tout le moins, de décourager les gens de se faire soigner à domicile. Comme je l'ai dit, les gens préfèrent vivre dans leur foyer, si c'est possible, et il faudrait éviter de décourager les soins à domicile. Modifions le système, toutes les lois et les règlements, afin d'accroître la sécurité et d'éviter que certaines familles doivent s'endetter au risque de perdre leur maison, entre autres, comme c'est actuellement le cas.

Si je me souviens bien, la Loi canadienne sur la santé a été adoptée pour éviter que des familles puissent être déstabilisées financièrement par la maladie et perdent ainsi tout espoir de vie prospère. À l'heure actuelle, lorsqu'un membre d'une famille souffre d'une maladie qui menace sa vie, nous nous trouvons dans cette situation que nous espérions éviter en adoptant la Loi canadienne sur la santé. Nous devons agir rapidement pour corriger cette situation.

La présidente: Enfin, il y a un aspect de votre présentation que je n'ai pas bien compris. Vous pourriez peut-être me l'expliquer. Vous avez dit quelque part que dans l'une de nos recommandations -- et je ne suis pas certaine s'il s'agissait de l'abstention ou l'interruption de traitement ou des traitements contre la douleur --, nous avons empirer les choses plutôt que de les améliorer. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

M. MacLachlan: Ce dont j'ai parlé, c'est de la première recommandation au chapitre 4, au sujet des pratiques en matière de traitement de la douleur et de sédation. Le comité recommandait que le Code criminel soit modifié afin de clarifier la situation concernant l'administration d'un traitement destiné à soulager la souffrance au risque d'abréger la vie. Ce qui me dérange, dans cette recommandation, c'est que malgré le texte qu'on trouve à son appui dans le chapitre, le comité ne précise pas quels amendements il estime nécessaires pour appuyer vos déclarations de la page 33, que tous nos organismes approuvent, c'est-à-dire: «Le comité reconnaît qu'administrer un traitement destiné à soulager la souffrance au risque d'abréger la vie est légal.» C'est une déclaration claire et nette. Quand j'ai lu votre première recommandation, je me suis demandé quelles modifications il faudrait apporter au Code criminel, si ces traitements sont légaux. Je vous signale que je viens de la région où a eu lieu l'affaire Morrison et que je suis peut-être plus chatouilleux que d'autres à ce chapitre, mais votre rapport ne précisait pas quels articles devaient être modifiés pour préciser de façon absolue l'exactitude de votre déclaration. C'est là que c'est embrouillé. Je ne mettais pas en doute ce que vous avez dit, mais si vous trouvez qu'il y a des lacunes dans le Code criminel, il aurait été utile que vous les identifiiez et que vous proposiez des correctifs. J'espère que cela précise ma remarque.

La présidente: Je comprends.

Le sénateur Beaudoin: Permettez-moi un commentaire à ce sujet. S'il y a de la souffrance, il faut la soulager. J'en conviens. Le patient mourra peut-être plus tôt que prévu, mais le but du traitement, c'est de soulager la douleur. Ce que le comité a recommandé, c'est que ce soit clair dans le Code criminel. On nous a dit que certains médecins et des infirmiers et infirmières, et d'autres gens en général, ne savent pas exactement l'état de la loi à ce sujet. Dans une société démocratique, les lois doivent être aussi claires que possible. C'est peut-être pour cette raison que nous avons libellé notre recommandation de cette façon.

Mais évidemment, même si un comité du Sénat prépare un rapport, c'est au gouvernement qu'il incombe d'apporter les changements. Le gouvernement fait ce qu'il veut, quand il le veut. Le Code criminel est modifié fréquemment et il peut l'être de nouveau. Toutefois, le but des lois est d'améliorer le sort de la société, et il est possible pour cela de modifier le Code criminel.

Si les médecins, les infirmiers et infirmières et tous les participants au régime de soins de santé ne connaissent pas exactement leurs droits et l'état des lois, c'est nécessaire. C'est le devoir du Sénat et de la Chambre des communes -- du Parlement du Canada -- d'adopter des lois aussi claires que possible.

M. MacLachlan: Oui. Vous avez raison. Dans votre première recommandation, où vous dites que le Code criminel devrait être modifié afin de clarifier la situation concernant l'administration d'un traitement destiné à soulager la souffrance au risque d'abréger la vie, il aurait peut-être mieux valu ajouter quelques mots à la fin, pour indiquer qu'un tel traitement est légal. Il aurait suffi de quelques mots à la fin de cette recommandation pour atténuer mes craintes.

Le sénateur Beaudoin: Nous pouvons améliorer cela, rien n'est impossible.

La présidente: Merci à tous les deux d'être venus nous rencontrer ce matin.

Je suis heureuse de constater que le sénateur Roche semble maintenant comprendre exactement ce que nous essayons de faire. Cela me donne de l'espoir pour notre étude. Ce que nous voulons examiner, ce sont les éléments sur lesquels il n'y avait pas de désaccord afin que nous puissions amener le gouvernement à reconnaître qu'il n'a rien fait; nous ne voulons pas embrouiller les choses, car il y a eu des recommandations qui n'ont pas fait l'unanimité.

Honorables sénateurs, la séance est levée.

La séance est levée.


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