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ILLE - Comité spécial

Drogues illicites (spécial)

 

Délibérations du comité spécial sur les
drogues illicites

Fascicule 14 - Témoignages - 11 mars 2002 (séance de l'après-midi)


OTTAWA, le lundi 11 mars 2002

Le Comité sénatorial spécial sur les drogues illicites se réunit aujourd'hui à 13 h 01 pour réexaminer les lois et les politiques antidrogues canadiennes.

Le sénateur Pierre Claude Nolin (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, je constate un quorum. Conséquemment, je déclare réouvertes les délibérations publiques du Comité sénatorial spécial sur les drogues illicites. Cet après-midi, nous recevons un premier panel de médecins représentant l'Association médicale canadienne et la Société médicale canadienne sur l'addiction.

Laissez-moi vous présenter adéquatement le Dr Henry Haddad. Il est aussi professeur de médecine et ancien chef de la gastro-entérologie et vice-doyen aux Affaires professionnelles et étudiantes de l'Université de Sherbrooke au Québec.

Le Dr Haddad est originaire de Sherbrooke et il a fait ses études à l'Université Bishop et à l'Université d'Ottawa où il a obtenu son diplôme de médecine en 1963 et où il fut médaillé d'or. Il a terminé sa formation de deuxième cycle en médecine interne et en gastro-entérologie à l'hôpital général de Montréal et à l'Université de Pennsylvanie respectivement.

Membre du personnel enseignant de l'Université de Sherbrooke depuis 1969, le Dr Haddad a été nommé professeur titulaire en 1982. Le Dr Haddad a représenté la faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke au Conseil médical du Canada. Président de l'Association médicale du Québec, de 1997 à 1999, il siège depuis longtemps au conseil d'administration de cet organisme. Il a aussi présidé le Comité d'éducation de l'Association médicale du Québec.

Sur la scène nationale, le Dr Haddad siège au conseil d'administration de l'Association médicale canadienne depuis 1994. Il a été élu au comité exécutif de l'AMC en 1997. Il préside à la fois le comité du Programme de la conférence de l'AMC sur le leadership depuis 1995, et le groupe consultatif du Projet sur les systèmes flexibles de formation médicale depuis 1998.

Il a aussi siégé au Comité des effectifs médicaux et représenté l'AMC au Comité d'agrément des facultés de médecine canadienne. Le Dr Haddad a aussi présidé le groupe de travail qui a rédigé le Code de protection des renseignements personnels sur la santé, document ayant pour objet de protéger la vie privée des patients en cette ère de l'électronique.

À l'Université Bishop, le Dr Haddad était jusqu'à tout récemment membre du comité exécutif et président du Comité de la construction. À l'Université de Sherbrooke, il a présidé de nombreux comités dont le Comité de santé et de sécurité au travail en médecine et le Comité de la promotion des étudiants de premier cycle.

Le Dr Haddad a certaines passions à part la médecine, mais que je ne rendrai pas publiques aujourd'hui.

Je vous souhaite la bienvenue, Dr Haddad, et merci d'avoir accepté notre invitation. Nous vous remercions de l'intérêt que vous portez aux travaux importants de ce comité. Vous êtes accompagné du docteur Bill Campbell.

[Traduction]

M. Campbell est également médecin. Il est président de la Société canadienne sur l'addiction. Bill Campbell est né et a grandi en Alberta. Il a obtenu une maîtrise ès sciences de l'Université de l'Alberta à Calgary et un doctorat en médecine de l'Université de l'Alberta. M. Campbell a ensuite fait un internat par rotation au Holy Cross Hospital de Calgary puis a pratiqué la médecine interne pendant deux ans au Foothills Hospital. Il s'est lancé dans la pratique de la médecine familiale puis s'est intéressé en 1980 à la toxicomanie. Il a été agréé par l'American Society of Addiction Medicine en 1986 et a reçu le titre de fellow de cet organisme en 2000.

M. Campbell est membre de la Société médicale canadienne sur l'addiction depuis la fondation de l'organisme à Calgary en 1989. Il a notamment occupé les fonctions de secrétaire et de membre du Conseil représentant l'Alberta. Il est professeur clinicien agrégé en médecine familiale à l'Université de Calgary, pratique la médecine spécialisée en toxicomanie en cabinet privé et agit comme médecin-conseil au centre de toxicomanie du Foothills Medical Centre et au centre de désintoxication en milieu non hospitalier de Calgary. Il est également médecin légiste à temps partiel.

Monsieur Campbell, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Nous vous souhaitons la bienvenue à tous deux. Vous avez une heure et demie pour les deux exposés, puis mes collègues vous poseront des questions.

Allez-y.

[Français]

M. Henry Haddad, président, Association médicale canadienne: À titre de président de l'Association médicale canadienne, je suis ici aujourd'hui pour représenter nos membres, soit 53 000 médecins à travers le Canada. Comme vous l'avez noté, je pratique la gastro-entérologie. J'ai une expertise en maladies digestives. Je n'ai pas de compétences spécialisées en toxicomanie mais, en tant que gastro-entérologue, je suis de façon quotidienne en contact avec des complications de différentes toxicomanies, telles que la cirrhose du foie, les hépatites B et C et le HIV.

Je suis heureux que mon collègue, le docteur Campbell de la Société médicale canadienne sur l'addiction comparaisse avec moi, aujourd'hui, pour présenter le point de vue de la société qu'il représente et aussi pour m'aider à répondre aux questions.

[Traduction]

Les politiques et les prises de position en ce qui concerne la consommation de drogues illicites sont extrêmement étendues, elles sont multidisciplinaires et peuvent être discutables. Dans le débat sur la décriminalisation, les représentants des deux camps ont cité de façon habile la position de l'Association médicale canadienne. Nous espérons aujourd'hui dissiper la confusion qui entoure la position de l'AMC sur la consommation non médicale de drogues illicites et la décriminalisation de la possession simple de marijuana.

Étant donné les domaines qui intéressent tout particulièrement votre comité, notre mémoire intitulé Le cannabis et les autres drogues illicites du point de vue de la santé publique est axé sur quatre questions: Quels sont les effets sur la santé du cannabis et des autres drogues illicites? Quel a été l'impact de l'application de la Loi sur la consommation des drogues illicites? Quelle expérience a-t-on de la décriminalisation? Et quelles modifications de l'approche du Canada face à la consommation de drogues illicites, y compris la décriminalisation possible, faut-il envisager?

Je parlerai surtout aujourd'hui des aspects médicaux liés à la consommation de cannabis et d'autres drogues illicites et des possibilités d'adopter un traitement plus efficace à l'égard de la consommation de telles drogues et de la décourager.

Alors que nos connaissances sur tous les effets à long terme possibles des drogues sur la santé, qui en prolongent la consommation au Canada, ne cessent d'évoluer, celles que nous possédons à ce sujet sont inquiétantes. Les risques pour la santé vont de certains effets aigus comme l'anxiété, la dysphorie ou la sensation d'être malade ou encore le déficit de la cognition, à des effets chroniques comme la bronchite, l'emphysème et le cancer. Les jeunes consommateurs canadiens ont eu en outre des problèmes pulmonaires comparables à ceux dus à la consommation de tabac quoique les effets soient beaucoup plus aigus et rapides. Les études indiquent que la consommation de deux ou trois cigarettes de cannabis par jour a les mêmes répercussions sur la santé que celle de 20 cigarettes ordinaires. Par conséquent, les effets potentiels à long terme de la consommation de cannabis pourraient être très graves.

C'est notamment en raison de ces préoccupations au sujet des conséquences de la consommation de cannabis que l'AMC s'oppose au règlement fédéral actuel sur l'accès médical à la marijuana. Dans la lettre qu'elle a adressée le 7 mai 2001 au ministre de la Santé, l'AMC a signalé que l'on ne possédait pas des renseignements plausibles sur les risques et les avantages de la consommation de la marijuana à des fins médicales. Au cours des discussions que nous avons eues au sujet du règlement fédéral sur la consommation de marijuana à des fins médicales.

Nous avons mis l'accent sur les préoccupations que l'on a au sujet de ses effets sur la santé et sur des études qui indiquent que la marijuana est une substance qui provoque une accoutumance et qui a des effets psychoactifs connus et que, consommée sous forme de cigarette, elle est particulièrement nocive.

Nous sommes arrivés à la conclusion que si les effets bénéfiques de l'usage médical de la marijuana ne sont pas encore connus, sa consommation comporte bel et bien des risques pour la santé. Par conséquent, il serait inapproprié que des médecins prescrivent de la marijuana à leurs patients; c'est une prise de position qui a l'appui de l'Association médicale canadienne.

Un de nos objectifs en venant témoigner aujourd'hui est de faire comprendre clairement aux Canadiens et Canadiennes que le cannabis présente des risques pour la santé. L'AMC leur déconseille vivement de consommer du cannabis et encourage les toxicomanes à chercher de l'aide médicale.

[Français]

Comme le savent les membres du comité, la consommation de cannabis au Canada est relativement répandue et augmente graduellement, surtout chez les adolescents et les jeunes adultes. Étant donné ces tendances et les risques pour la santé associés à la consommation de cannabis, il s'impose de mettre au point une démarche intégrée pour en décourager l'utilisation.

Pour le moment, c'est la menace des sanctions criminelles qui sert à décourager la consommation des drogues illicites. Or, les résultats de plusieurs études montrent que le risque perçu pour la santé et la désapprobation sociale ont constitué des mesures de dissuasion beaucoup plus importantes que la menace de la loi, surtout dans le cas de la consommation de cannabis.

Ainsi, l'AMC est d'avis qu'il faut étudier des mesures moins coercitives afin de décourager la consommation des drogues illicites. Lorsqu'on examine tous les faits, la consommation de drogues illicites est principalement un enjeu de santé et un problème social, non un problème criminel.

Malheureusement, les dépenses du gouvernement ne traduisent pas cette réalité et sont fortement biaisées en faveur d'une approche de justice criminelle. La grande majorité des ressources consacrées à la lutte contre les drogues illicites est affectée aux activités d'application de la loi. Une portion de ces ressources, surtout celles qui servent actuellement à lutter contre la possession simple de marijuana par la voie du système pénal, pourrait être mieux utilisée si elle était redirigée vers des stratégies de santé publique.

[Traduction]

Malgré l'approche pénale dans le cadre de laquelle la plupart des accusations concernant la consommation de drogues illicites a trait au cannabis et, pour la plupart, à la possession, la consommation augmente. Chaque année, des milliers d'adolescents et de jeunes adultes ont un casier judiciaire pour possession simple, qui limite leurs chances d'obtenir un emploi. L'état de santé a un profond impact. Les chances d'emploi réduites à cause de la consommation de drogues ou d'un casier judiciaire ont entraîné une détérioration de la situation financière et par conséquent de l'état de santé des personnes concernées.

Il convient de signaler par ailleurs que les prisons ne sont pas un cadre idéal pour le traitement des toxicomanies. L'incarcération d'un toxicomane a pour effet probable de l'inciter à consommer des drogues plus dures, ce qui ne fera qu'aggraver le problème et pourrait être à la source d'autres maladies et infections graves comme l'hépatite B, l'hépatite C et le sida. La toxicomanie est une maladie récurrente pour laquelle il existe des traitements efficaces. Ceux- ci ne sont toutefois pas accessibles dans tout le pays.

L'approche pénale à l'égard d'une maladie est inappropriée, surtout lorsqu'on reconnaît de plus en plus qu'elle est inefficace et aggrave la situation. Par conséquent, les activités répressives devraient être axées sur la distribution et la production de drogues illicites plutôt que sur la possession simple de marijuana pour usage personnel.

Alors que les résultats obtenus dans d'autres pays indiquent que la décriminalisation n'entraînerait pas une forte augmentation de la consommation, ces données ne sont, à notre avis, pas concluantes. Par conséquent, la décriminalisation devrait être considérée uniquement comme un volet d'une stratégie nationale globale sur la consommation de drogues illicites à des fins non médicales comprenant un programme d'abandon de la consommation de cannabis axé sur les jeunes. En raison de ces effets nocifs potentiels, il est capital que les modifications aux dispositions pénales concernant la consommation de cannabis n'encouragent pas et ne banalisent pas celle-ci.

L'AMC craint que le présent débat concernant la décriminalisation et l'usage de la marijuana à des fins médicales ne légalise dans une certaine mesure sa consommation dans un simple but de détente. Il est important que le message que nous vous communiquons au sujet de la décriminalisation soit clair et bien compris. Celle-ci doit être liée à une stratégie nationale de sensibilisation et de prévention fondée non seulement sur la recherche mais aussi sur un traitement global et sur un contrôle du programme.

L'AMC ne donnera son aval à la décriminalisation que si l'on adopte une telle approche pluridimensionnelle.

Un processus strict de contrôle et d'évaluation est en outre essentiel dans le contexte de la décriminalisation. Une évaluation systématique des incidences des modifications devrait être prévue et effectuée parallèlement à ces modifications éventuelles. L'AMC estime que tout changement concernant la politique en matière de drogues illicites devrait être progressif. Comme pour toute autre question liée à la santé publique, l'éducation et la sensibilisation aux effets potentiellement nocifs associés à la consommation de cannabis et d'autres drogues illicites sont essentielles dans le cadre de la lutte contre la toxicomanie.

Il est également important de faire l'éducation des Canadiens sur la toxicomanie pour faire disparaître les stigmates qui y sont associés. Un peu comme dans le cas d'une maladie mentale, on a tendance à considérer que ceux qui souffrent de toxicomanie sont en quelque sorte des êtres plus faibles que les autres. Il faut savoir que la toxicomanie est une maladie et que ceux qui en souffrent ont besoin d'aide médicale au même titre que les personnes qui sont atteintes d'une maladie cardiaque ou d'un cancer. Nous craignons fort que les stigmates associés à cette maladie ne dissuadent les toxicomanes de rechercher de l'aide.

[Français]

Dans le résumé de notre mémoire, vous trouvez des recommandations qui font écho à notre présentation d'aujourd'hui. Ces recommandations sont axées sur la prévention, le traitement et la réadaptation, la recherche, la surveillance, le leadership et la coordination à l'échelle nationale.

Pour conclure, l'AMC estime que les politiques gouvernementales sur la consommation non médicale des drogues illicites devrait avoir pour but de décourager la consommation de cannabis et de toute autre drogue illicite et de procurer aux personnes asservies des services de traitement et de réadaptation. La toxicomanie doit être considérée une maladie et, par conséquent, il faudrait détourner, dans la mesure du possible, les toxicomanes de l'appareil judiciaire criminel vers les milieux de traitement et de réadaptation.

[Traduction]

M. Bill Campbell, président, Société médicale canadienne sur l'addiction: Honorables sénateurs, la SMCA est un organisme regroupant des médecins et des scientifiques qui s'intéressent à la consommation abusive d'alcool et autres drogues et à l'alcoolisme ou la toxicomanie. Je suis heureux de pouvoir faire un exposé en même temps que le Dr Haddad, de l'Association médicale canadienne, et je tiens à vous remercier de me donner cette occasion d'exposer les opinions de la SMCA.

L'Association médicale canadienne a donné un aperçu des préoccupations médicales suscitées par la décision de modifier le statut de toute drogue susceptible de faire l'objet d'une consommation abusive ou d'engendrer une accoutumance. La plupart des opinions que j'exprimerai aujourd'hui sont fondées sur les principes sur lesquels repose notre énoncé de politique nationale sur les drogues.

Les partisans de la décriminalisation de la marijuana ont de nombreux arguments valables sur l'innocuité relative de cette drogue comparativement à d'autres comme la nicotine, l'alcool, la cocaïne et l'héroïne. Cependant, les cas personnels faisant état d'aspects positifs de la consommation de la marijuana sont anecdotiques. Ils ne font pas état des problèmes qu'aura une partie de la population lorsqu'elle sera exposée à la drogue.

La marijuana peut avoir des effets nocifs chez certaines personnes. Je voudrais signaler quelques-uns des faits importants qui sont connus et des problèmes associés à cette drogue.

Nos connaissances médicales sur les effets de la marijuana sur le cerveau ont été plus tardives qu'en ce qui concerne l'alcool, les narcotiques et la cocaïne. Ce n'est que depuis six à huit mois que des études indiquent l'incidence qu'ont les ingrédients actifs de la marijuana sur le cerveau et sur quelles parties du cerveau. C'est pour cette raison que nous n'avons pas encore les réponses nécessaires pour évaluer adéquatement l'innocuité de la marijuana sur le plan médical. Pour bien comprendre les effets de la marijuana, il faudra débloquer de toute urgence davantage de fonds pour la recherche, la surveillance, la prévention des problèmes sociaux qui y sont associés et l'administration d'un traitement aux membres de la population qui en consomment.

La marijuana engendre des problèmes sociaux. Mise à part la question de la légalité de cette substance, la consommation de marijuana est assortie de divers coûts sociaux. Les personnes qui prétendent que la marijuana n'a entraîné aucun décès ne tiennent pas compte du fait que sa consommation réduit la capacité d'exécuter les fonctions motrices et exécutrices normales.

Il a été prouvé que la marijuana est associée à la conduite dangereuse et à des accidents de la route. Il est prouvé qu'elle est peut-être responsable d'un nombre appréciable de cas de décès et de blessures à la suite d'accidents de la route au Canada. Il a été démontré qu'elle a des incidences négatives sur la performance scolaire et le développement social de certains adolescents. La marijuana peut être la source de problèmes émotifs et médicaux. Son usage chronique peut être associé à des maladies pulmonaires telles que la bronchite, l'emphysème et le cancer. Chez certaines personnes, elle peut entraîner une psychose et dans certains cas, elle peut être la source de symptômes psychiatriques comme l'anxiété, un mauvais moral, la dépression et la panique.

On sait que la marijuana crée une accoutumance. Le pourcentage de cas d'accoutumance est variable mais se situe entre 5 p. 100 et 10 p. 100. Je tiens à signaler que l'accoutumance est une maladie et que la marijuana peut engendrer une accoutumance chez certaines personnes ayant des prédispositions génétiques.

L'accoutumance est une anomalie du cerveau due aux gènes qu'a l'individu à sa naissance et au contact avec la substance en cause dans son milieu. Tout changement politique et social facilitant l'accès à une drogue pouvant engendrer la toxicomanie augmente les risques de dépendance. Il a été établi que la marijuana provoque des symptômes de sevrage et qu'elle est la raison pour laquelle plusieurs personnes veulent suivre une cure. On ne se rend pas compte que la toxicomanie peut non seulement avoir des conséquences morales et sociales négatives mais qu'elle peut en outre avoir des conséquences qui ne produisent aucun effet physique négatif ou n'entraîne aucune désapprobation sociale.

Même dans le cas des substances qui ont des conséquences spectaculaires et souvent terribles, l'aspect le plus déplorable de l'accoutumance est la perte de capacités du ou de la toxicomane de se réaliser pleinement. Une absence d'agressivité est associée à la marijuana et c'est pourquoi on considère que c'est une drogue ayant des conséquences minimes et qui est relativement inoffensive par rapport à d'autres. Cependant, la marijuana a bel et bien des conséquences néfastes lorsqu'elle empêche un individu de se réaliser pleinement.

La marijuana risque d'avoir des effets nocifs sur un sous-groupe de Canadiens. Bien que ses effets ne soient pas aussi spectaculaires que ceux d'autres drogues causant une accoutumance, la Société médicale canadienne sur l'addiction insiste sur le fait qu'elle aura des conséquences néfastes pour un sous-groupe de ceux et celles qui en consomment. La SMCA ne s'oppose pas à la décriminalisation de la marijuana mais vous demande d'être conscients des problèmes affectifs et physiques et de l'accoutumance qu'elle peut engendrer dans un groupe de personnes particulièrement vulnérables.

En ce qui concerne le problème général des drogues causant une accoutumance, dont la marijuana n'est qu'un échantillon, la SMCA recommande d'adopter une stratégie non ambiguë contre la culture, la fabrication, l'importation, la distribution, la promotion, la vente, la possession et la consommation de psychotropes, qu'ils soient licites ou illicites. La possession de drogues pour usage personnel devrait être décriminalisée et faire l'objet d'une distinction par rapport au trafic, à la vente ou à la distribution illégale de drogues qui devraient faire l'objet de sanctions pénales appropriées. Les conséquences de la consommation abusive ou de la consommation d'une substance et de l'accoutumance à l'échelle individuelle et collective doivent être prises en compte en tout temps par les personnes qui font partie du système judiciaire ou qui y sont associées.

Une évaluation en vue de confirmer le degré de gravité d'un problème de consommation de telles substances et le dépistage des toxicomanies sont essentiels lorsqu'on a affaire à des personnes qui sont en possession de drogues illicites ou en consomment. Il faut prévoir des fonds suffisants pour provoquer une diminution de l'offre et de la demande de divers psychotropes susceptibles de donner lieu à une consommation abusive ou d'entraîner une accoutumance et faire suivre un traitement aux toxicomanes.

Les politiques et règlements nationaux doivent faire état d'une stratégie globale et coordonnée ayant pour but de réduire les conséquences personnelles, familiales et sociales de toutes les drogues provoquant une accoutumance, qu'elles soient licites ou illicites. Des programmes de prévention axés sur toutes les drogues créant un état de dépendance doivent être mis au point pour sensibiliser davantage la population et influencer les attitudes sociales en diffusant des informations scientifiques sur la pharmacologie des drogues et sur les conséquences personnelles, familiales, communautaires et sociales de leur consommation occasionnelle ou abusive. Des programmes de sensibilisation, d'identification, d'orientation et de traitement pour tous les toxicomanes doivent augmenter en nombre et être diversifiés jusqu'à ce qu'ils soient accessibles dans toutes les régions du pays à tous ceux et celles qui en ont besoin.

Les mesures de répression ayant pour but de réduire la distribution des drogues illicites doivent être contrebalancées par des programmes de traitement et de prévention fondés sur des connaissances scientifiques et des programmes visant à améliorer les facteurs sociaux qui accentuent l'accoutumance, avec les divers problèmes qu'elle engendre. Toute modification des lois ayant une incidence sur l'accès à des drogues créant une accoutumance devrait être soigneusement pesée et mise en oeuvre graduellement, en faisant l'objet d'évaluations scientifiques à toutes les étapes.

La perception des conséquences morales et sociales de toutes les assuétudes est généralement négative et le financement de la recherche et du traitement est le premier à en souffrir car les fonds disponibles sont restreints. L'accoutumance est pourtant une maladie. Ceux qui en sont atteints en souffrent beaucoup et méritent des soins aussi bien que toute personne atteinte d'une maladie. C'est le message que j'espère communiquer à tous les Canadiens et Canadiennes.

Le président: Je voudrais faire un commentaire avant de passer aux questions. Nous n'avons pas reçu votre mémoire d'avance et, par conséquent, nous avons consulté vos sites Web pour préparer nos questions. Il est possible que certaines des réponses se trouvent dans votre mémoire, que nous lirons attentivement après la séance. Je vous communiquerai toutefois par écrit nos questions supplémentaires et vous nous enverrez vos réponses. Ces questions et réponses seront affichées sur notre site Web.

[Français]

Au cours de la dernière année et demi que siège le comité, nous avons entendu une série d'experts en différents domaines. Le domaine de la santé est définitivement un des domaines où le comité s'est attardé sciemment et volontairement. Je vais vous résumer, quant à la consommation du cannabis, ce que l'on a découvert jusqu'à présent et je vais vous demander vos réactions.

Nous avons appris qu'au Canada les personnes qui consomment du cannabis pour le plaisir sont des consommateurs temporaires et occasionnels, et qu'environ 10 p. 100 d'entre eux — et cela touche 90 p. 100 des consommateurs canadiens de cannabis — vont devenir, au fil de leur expérience, des consommateurs chroniques. On les identifie à des consommateurs de un gramme par semaine, soit cinq joints par semaine. C'est pour nous la définition d'un consommateur chronique. Toujours dans le 100 p. 100 des consommateurs, les experts s'entendent pour dire que de 2 à 5 p. 100 vont développer une dépendance faible.

Ce sont des informations que nous avons accumulées depuis un an et demi. Quelle est votre réaction face à ce que je viens de vous dire?

M. Haddad: Est-ce que je suis surpris? Non. On sait que les données sont plus favorables, si je peux utiliser ce terme, que les données sur l'usage du tabac et de l'alcool, qui est beaucoup plus répandu.

Le président: Vous voulez dire au niveau de la dépendance?

M. Haddad: Oui. Est-ce que cela va changer nos soumissions? Non. Nous avons quand même 10 p. 100 des consommateurs qui ont une consommation chronique.

Il y a un point que le Dr. Campbell a soulevé et qui m'inquiète. Les études, surtout au Québec, démontrent que les adolescents qui fument de façon chronique à l'école, soit environ cinq joints par semaine, ont une performance beaucoup plus faible que leurs pairs, ce qui, par conséquent, aura un effet sur le reste de leur vie, par exemple, pour ce qui est de leur habilité à se trouver un emploi.

Cette consommation de cinq joints par semaine et le taux de 2.5 p. 100 de dépendance chez le consommateur, même s'il s'agit d'une dépendance faible, aura néanmoins un effet sur le plan social, sur la santé et sur le plan familial. Également, tel qu'indiqué dans notre soumission, il y a un danger au point de vue de la conduite automobile.

Ainsi, cela ne change pas notre recommandation. Si jamais on doit procéder à une décriminalisation de la possession simple de la marijuana, cela doit être fait conjointement avec un programme compréhensif de prévention, de traitement, de surveillance et de recherche. Comme le Dr. Campbell l'a mentionné, il reste encore beaucoup à apprendre sur la marijuana. Nous savons que des études sont en cours sur les utilisations médicales de la marijuana. Toutefois, je ne suis pas convaincu que ces études, plutôt limitées dans leur étendue, vont pouvoir nous aider de façon importante.

Le président: En lisant votre bibliographie, j'y vois une série d'études citées à l'appui de votre mémoire. Une de mes questions était justement à savoir quelles sur quelles études votre opinion est-elle basée. Nous en saurons plus long en examinant votre bibliographie, mais s'il reste des lacunes, je vous écrirai.

M. Haddad: Notre position est également celle de plusieurs autres organisations telles les organisations médicales du Sud des États-Unis. C'est une position Nord-américaine.

Le président: Lors de la préparation de vos mémoires, avez-vous examiné ce qui se fait en Europe au niveau de la santé?

M. Haddad: Oui, je n'en n'ai pas parlé lors de ma présentation. Toutefois notre mémoire mentionne des références en Europe et en Australie.

Le président: En novembre 2001, il y a quelques mois, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale de France a publié un document intitulé: Cannabis: Quels effets sur le comportement et la santé? Avez-vous pris connaissance de cette étude?

M. Haddad: Je ne suis pas certain. Je devrai consulter mon personnel de l'AMC pour savoir s'ils ont examiné ce document.

Le président: Cela fera partie des questions qui vous seront envoyées. Les études neuropharmacologiques auxquelles le comité a eu accès tendent à démontrer que premièrement, le cannabis n'est pas un narcotique, mais plutôt un sédatif, et que deuxièmement, c'est à peine une drogue; elle n'entraîne qu'une très faible dépendance et les symptômes sont plutôt négligeables. Quel est votre avis sur ces deux affirmations?

M. Haddad: Nous ne sommes pas d'accord. Mon collègue passe sa vie à traiter les effets nocifs de la marijuana vous dira que c'est une drogue qui amène une toxicomanie. Dans ma pratique très limitée de gastro-entérologie, certains de mes patients, qui ont des maladies chroniques telles que les maladies inflammatoires d'un intestin, prennent de la marijuana. C'est misérable de traiter ces jeunes hommes et ces jeunes femmes qui ont une accoutumance à la marijuana. Ils ne sont presque pas traitables. C'est à la fois misérable pour moi, en tant que médecin, et pour leurs parents et leurs proches qui les voient dépérir parce qu'ils ne sont pas du tout compatibles avec le traitement. C'est une drogue qui mène à la dépendance, ce qui a des effets nocifs, aiguës et chroniques sur la santé. À notre avis, nous devrions la traiter comme une maladie et l'approche ne devrait pas être axée sur la loi criminelle, mais sur le traitement, la réhabilitation et la prévention, surtout dans le milieu scolaire de nos adolescents.

Le président: J'aimerais vous parler d'éducation. Vous êtes Québécois. Êtes-vous familier avec ce petit document que le ministère de la Santé du Québec a autorisé il y a quelques semaines?

M. Haddad: Dans les écoles?

Le président: C'est pour une distribution au grand public. Le titre est: Dogues: savoir plus, risquer moins. Vous n'êtes pas familier avec ce document?

M. Haddad: Non, monsieur le président.

Le président: Le ministère français de la Santé a autorisé un document semblable à partir duquel le deuxième s'est inspiré. Il date de l'an 2000. Êtes-vous familier avec le document français?

M. Haddad: Je ne pense pas que mon personnel soit familier avec ce document.

[Traduction]

Le sénateur Christensen: Monsieur Haddad, votre association dit que la possession de drogue pour usage personnel doit être décriminalisée. Qu'entendez-vous par là? Quelles seraient les sanctions dans ce cas?

M. Haddad: On ne devrait pas avoir de casier judiciaire pour possession simple. Nous avons expliqué clairement que la consommation de marijuana est grave à nos yeux. Il faut l'examiner sous l'angle de l'accoutumance qu'elle peut créer. Le sénateur a parlé d'un taux de 2 p. 100 à 5 p. 100.

M. Campbell: Le chiffre que j'ai est de 5 p. 100 à 10 p. 100.

M. Haddad: Un taux de 10 p. 100 de cas de toxicomanie est un taux élevé. La marijuana a des effets psychoactifs graves et des effets nocifs sur la santé. Sa consommation affecte le rendement scolaire.

Nous estimons que sa possession doit être décriminalisée mais tenons à ce qu'un programme global de prévention, d'éducation, de sensibilisation, de réadaptation et de traitement soit mis sur pied. M. Campbell peut parler des efforts de réadaptation et de traitement à l'échelle nationale. Nous pourrions faire davantage dans ce domaine. Un problème d'accès aux soins médicaux se pose dans notre pays. Le problème d'accès à des soins adéquats est encore plus aigu en ce qui concerne les toxicomanes qu'en ce qui concerne les autres citoyens.

Il faut examiner ce que l'on peut faire dans le domaine de la recherche, de la réadaptation et du traitement et en matière d'opinion publique. Toute modification à la loi devrait être mise en oeuvre de façon progressive et suivie de près. Nous ne tenons pas à donner l'impression qu'il est normal de fumer de la marijuana. Ce n'est pas normal; il faut dissuader les jeunes enfants et les adolescents d'en fumer, au même titre qu'on essaie de les dissuader de consommer du tabac. C'est sérieux et cela peut avoir des incidences à court et à long terme non seulement sur la santé physique mais aussi sur le bien-être social.

La consommation de marijuana devrait être considérée comme un problème d'hygiène publique et un problème social et non comme un problème de criminalité.

Le sénateur Christensen: Comment envisagez-vous la mise en oeuvre de ces programmes si aucune disposition législative n'interdit la consommation de cette substance? Pensez-vous qu'il faille adopter la même démarche qu'en ce qui concerne l'alcoolisme? Autrement dit, pensez-vous qu'en cas d'infraction et qu'en cas d'accusation de conduite avec facultés affaiblies ou d'autres types d'accusations dues à la consommation de marijuana, l'étape suivante soit le traitement?

M. Haddad: Nous avons examiné les possibilités de délit civil. On pourrait imposer une amende au même titre qu'en ce qui concerne la conduite en état d'ébriété. Cela dépendrait de la gravité du cas.

Le sénateur Christensen: La consommation de marijuana ne se prête pas à l'imposition d'une amende.

M. Haddad: Il faut la prendre au sérieux. Si on veut la décriminaliser — et on l'a en quelque sorte légalisée à des fins médicales — il faut s'assurer qu'on ne la considère pas comme un comportement social normal.

J'ai lu dans les journaux que les attitudes sociales à son égard se relâchent depuis que l'on a dit qu'elle est acceptable à des fins médicales. Il ne faut surtout pas que les jeunes aient l'impression qu'il est acceptable de fumer de la marijuana. Ce ne l'est pas. Pas plus que de consommer du tabac.

Le sénateur Christensen: De nombreuses drogues à usage exclusivement médical sont déjà sur le marché.

Monsieur Campbell, dans votre exposé, vous avez dit que la marijuana entraîne une accoutumance dans 5 p. 100 à 10 p. 100 des cas. Quel est le taux d'accoutumance pour d'autres drogues, pour l'alcool ou la cigarette?

M. Campbell: Les taux varient avec les normes sociales, la facilité d'accès et les complications juridiques. Le taux est probablement moyen en ce qui concerne l'alcool. Le problème en ce qui concerne la marijuana est que l'accoutumance d'une personne n'est pas toujours manifeste étant donné que les comportements ne sont pas jugés de façon aussi négative ou jugés aussi répréhensibles sur le plan social qu'en ce qui concerne la cocaïne, l'héroïne ou l'alcool.

On a déjà signalé que ce n'est pas une drogue présentant des risques élevés d'accoutumance. Ce n'est pas manifeste parce qu'on n'associe pas nécessairement certains comportements liés à la toxicomanie à l'accoutumance à la marijuana ou à sa consommation. Ce n'est pas aussi facile qu'en ce qui concerne l'alcool, qui est aisément détectable par l'haleine. La consommation de marijuana est à la base de plusieurs comportements que l'on associe à la toxicomanie mais elle n'est pas souvent détectée.

C'est une des plus grosses difficultés en ce qui concerne cette drogue. Elle risque pourtant d'entraîner une accoutumance. Elle a des effets sur une zone du cerveau que l'on commence seulement à connaître. On avait des difficultés à étudier l'accoutumance parce qu'on n'en connaissait pas très bien les mécanismes.

Des études plus récentes faites au cours des années 90 indiquent toutefois que la marijuana a une incidence sur certaines régions cachées du cerveau et peut provoquer des changements importants chez certains types de personnes.

Le sénateur Christensen: Quels sont les symptômes de l'accoutumance à la marijuana et quels sont les symptômes de sevrage?

M. Campbell: La question du sevrage est assez complexe. Les symptômes ne sont pas très visibles; le sujet est légèrement high. Une accoutumance est une consommation chronique malgré des dommages évidents. En ce qui concerne l'alcool, on sait que sa consommation est nuisible lorsqu'on tombe et qu'on se casse la jambe en état d'ébriété mais on se cause du tort également lorsqu'on est apathique, lorsqu'on se sent intérieurement heureux mais qu'on ne se réalise pas pleinement. Notre définition de l'accoutumance variera probablement pendant un certain temps.

Ce qui est quelque peu déroutant en ce qui concerne l'accoutumance à la marijuana, c'est que nous n'en avons pas la même conception que de l'accoutumance à l'alcool, à l'héroïne, à la cocaïne ou au tabac. Ce n'est pas une drogue dont les effets sont manifestes mais on constate que sa consommation est nocive lorsqu'on évalue les changements qu'entraîne une consommation prolongée chez les jeunes adolescents ou les adultes. Elle est bel et bien nocive. Il y a des signes de sevrage lorsqu'une personne est agitée et se sent irritable. Il était question de signes de plus en plus manifestes d'hostilité dans le dernier document que j'ai lu à ce sujet. On perçoit des signes de sevrage mais ils ne sont pas aussi manifestes qu'en ce qui concerne les autres drogues.

Le sevrage n'est pas un indice sûr du pouvoir toxicomanogène d'une drogue. En ce qui concerne la cocaïne, les symptômes de sevrage sont minimes mais elle crée une forte accoutumance alors qu'en ce qui concerne l'alcool, les symptômes de sevrage sont visibles.

Le sénateur Maheu: De nombreuses personnes affirment que la consommation de cannabis perturbe leur capacité d'étudier ce qui, comme l'a mentionné M. Haddad, augmente les risques que ces personnes éprouvent des difficultés plus tard dans la vie. J'essaie d'associer vos propos à ce que nous ont dit la plupart des témoins, à savoir que les risques liés à la consommation de cannabis sont minimes par rapport à bien d'autres risques. On dirait que vous insistez sur les incidences négatives de la consommation de cannabis alors que la plupart des autres témoins ne l'ont pas fait.

Pourriez-vous tenter d'expliquer la différence entre vos constatations et celles de nombreux autres professionnels des milieux de la santé qui ne manifestent pas autant d'appréhension que vous?

M. Campbell: Si je comprends bien, vous demandez si nous mettons la marijuana sur le même pied que les autres drogues.

Le sénateur Maheu: Non, la plupart des autres témoins parlaient de marijuana. Plusieurs estiment qu'elle ne présente pas beaucoup de risques et qu'il faudrait en décriminaliser immédiatement la consommation ne fût-ce que parce que la police ne fait pas beaucoup de répression de la possession simple et que, comme on l'a signalé ce matin, les avocats aiment les causes liées à la drogue parce qu'ils n'ont pas affaire à des meurtriers ni à des violeurs. Vous semblez avoir une opinion totalement différente, à moins que j'aie mal compris.

M. Campbell: Nous ne nions pas du tout la gravité des problèmes associés aux autres drogues qui créent une accoutumance mais nous insistons sur le fait que, malgré ce qu'on peut en dire, divers problèmes et risques sont associés à la consommation de marijuana, du moins en ce qui concerne un sous-groupe de la population. Ce n'est peut- être pas aussi grave sur le plan social, mais en ce qui concerne le toxicomane qui ne s'est pas réalisé pleinement, la nature de la drogue importe peu. Cette seule raison suffit pour que l'on considère que c'est une drogue nocive. Toute mesure susceptible de faciliter l'accès à cette drogue aura pour effet d'augmenter les risques d'accoutumance et les problèmes potentiels. Les problèmes ne sont peut-être pas aussi évidents sur le plan social mais, en ce qui concerne un sous-groupe de la population, ils seront présents à des degrés variables.

Le sénateur Maheu: Il s'agit d'un groupe qui représente de 5 p. 100 à 10 p. 100 des cas. Est-ce bien cela?

M. Campbell: Oui. Nous ne nions pas la différence par rapport à plusieurs autres drogues en ce qui concerne les comportements sociaux et moraux; nous ne la nions pas du tout. Un alcoolique qui est soûl a un comportement très différent de celui d'un gros consommateur de marijuana qui est high. Nous ne tentons pas de mettre les deux cas sur le même pied; nous parlons uniquement du problème des effets de la marijuana sur la population, sans vouloir les comparer à ceux des autres drogues créant une accoutumance.

Le sénateur Maheu: Je ne faisais pas une comparaison. Je parlais de marijuana dans les deux cas. Je pense que nous sommes d'accord en ce qui concerne la nécessité d'éduquer les jeunes. Cependant, si l'on exclut les jeunes pour parler uniquement de la population adulte, pensez-vous que la marijuana soit aussi dangereuse pour notre santé que le tabac ou l'obésité par exemple?

M. Campbell: Je suppose que non, sur le plan démographique. Cependant, lorsque je vois une personne qui s'est fait du tort en consommant de la marijuana, le degré d'accoutumance m'importe peu. J'insiste sur les risques de ne pas se réaliser pleinement. Le pire danger que j'associe à l'accoutumance à la marijuana est que les personnes concernées se demandent ce qu'elles ont fait de leur vie. Elle s'est envolée en fumée.

M. Haddad: Comme médecin, c'est le mal que cela cause qui me préoccupe. La marijuana peut être dommageable. On peut dire qu'elle est dommageable pour de 2 p. 100 à 5 p. 100, voire 10 p. 100, des personnes qui en consomment. Ce n'est pas un pourcentage très élevé mais les médecins ont le devoir de préconiser des politiques qui ne causent aucun préjudice. Voilà ce que je voulais dire.

[Français]

Le président: Je présume que votre dernière réponse veux dire: «qui ne crée pas de problèmes pour la santé ».

M. Haddad: Oui, qui ne crée pas de problème social et physique. La marijuana peut aussi causer des problèmes sociaux au point de vue de la famille et de l'emploi, ainsi que sur la route, mais il y a aussi des problèmes de santé aigus et chroniques comme ceux dont nous vous avons fait part.

Souvent, on met l'accent sur les problèmes de santé, mais on oublie tout le bouleversement que cela peut causer à l'intérieur d'une famille ou dans le milieu de travail. C'est pour cela qu'on dit qu'on ne devrait pas voir la simple possession de marijuana comme un acte criminel. On peut imposer une amende, mais on devrait davantage voir cela comme un problème de santé publique et un problème social.

Le président: Si on compare ce problème à celui de l'alcool qui, selon les informations que nous avons sur le sujet, génère une dépendance chez 12 à 15 p. 100 des usagers, ou encore au tabac, qui génère une dépendance chez 35 à 40 p. 100 des usagers, nous notons qu'il n'y a pas d'infraction dans ces deux cas, même civile, rattachée à l'usage. Il y a des infractions criminelles quant à la fabrication illégale de ces produits, je vous l'accorde, mais comment pouvez-vous réconcilier ces deux réalités? Dans les deux cas que je vous ai nommés, ce sont deux produits totalement légaux, dont la consommation est permise chez les personnes majeures à tout le moins; on sait que les personnes mineures en utilisent beaucoup, mais c'est illégal. Concentrons-nous alors sur les personnes majeures. Dans le cas du cannabis, vous dites que cela crée des problèmes. Quant à la proportion, je pense que c'est plus près de 2 p. 100 que de 5 p. 100, mais je suis prês à lire votre documentation. Vous parlez de 5 p. 100 des usagers, alors comment puis-je réconcilier votre opinion avec ce qui se fait? On sait que les dommages causés par l'alcool sont énormes.

[Traduction]

M. Haddad: Ma mère m'a appris il y a des années qu'on ne guérit pas le mal par le mal.

[Français]

Je pense que toute notre politique est axée sur l'alcool. Je traite quotidiennement des complications de cas d'éthylisme, que ce soit une cirrhose du foie, une pancréatite ou des hémorragies digestives. Ces complications sont épouvantables, non seulement au point de vue physique, mais aussi au point de vue social. Le tabagisme également, c'est bien connu.

J'espère que l'on va apprendre, suite aux problèmes que nous avons avec l'alcool et le tabac, à ne pas les répéter avec la marijuana. Il y a des problèmes sociaux qu'on tente de corriger du mieux que l'on peut. On connaît les programmes de cessation ou de prévention de l'utilisation du tabac parmi les adolescents. Peut-être qu'on ne les utilise pas adéquatement et qu'on devrait mieux les utiliser. Je suis d'accord. On sait qu'on a enlevé les annonces publicitaires de Molson du paysage télévisuel. Toutefois, pas grand-chose n'est fait au niveau de l'alcool parmi nos adolescents.

J'ai des enfants qui vont au collège. Jamais personne ne vient leur parler de la façon dont on peut prévenir l'alcoolisme et de ses conséquences. J'espère qu'on va apprendre de ces lacunes sur le plan de la prévention et de l'éducation sur l'alcool et sur le tabac, et qu'on ne répétera pas les mêmes erreurs avec la marijuana.

Le président: C'est la raison pour laquelle je vous posais la question sur ces deux derniers documents.

M. Haddad: J'aimerais bien les consulter.

Le président: Je vais vous les laisser à la fin de la séance.

M. Haddad: Merci. Je l'apprécie.

Le président: Ces documents sont destinés au grand public. Les Français ont conclu, justement — comme vous venez de le démontrer —, qu'il y avait un manque au niveau de l'éducation. Il faut informer les gens adéquatement sur les conséquences de l'usage et surtout sur les conséquences de l'abus d'une substance. Ces documents parlent du tabac et de l'alcool comme des autres drogues. Au Québec, on a décidé d'adapter ce document à la réalité québécoise. Je reviendrai sur la question du règlement de l'usage médical.

[Traduction]

Monsieur Campbell, je voudrais que vous expliquiez les critères sur lesquels on se fonde pour évaluer l'état de dépendance à la marijuana.

M. Campbell: La toxicomanie est établie d'après une évaluation de la capacité d'une personne d'arrêter de consommer une drogue lorsqu'il est manifeste que c'est préférable. C'est ainsi que nous procéderions pour évaluer la dépendance à la marijuana. Il faut chercher les symptômes de tolérance ou de dépendance. La dépendance est un terme impliquant une description des effets visibles d'une accoutumance ou de la consommation abusive d'une drogue par une personne. C'est donc dans un certain sens un concept abstrait.

Le président: Nous connaissons le DSM-IV. Les critères de la dépendance sont-ils définis dans ce document?

M. Campbell: Si vous employez le terme dépendance, il faut consulter le DSM-IV parce qu'il décrit les critères sur lesquels on se base. La marijuana répond aux critères de dépendance.

Le président: Nous le savons. C'est pourquoi je tiens à m'assurer que nous parlons de la même chose.

[Français]

Docteur Haddad, votre collègue, le Dr Campbell, nous a longuement parlé d'individus qui pouvaient, parce qu'ils avaient consommé du cannabis dans leur jeunesse, rater une occasion de vie. Si je vous disais que plus du tiers des médecins ont consommé du cannabis dans leur jeunesse, pensez-vous qu'ils ont raté leur vie?

M. Haddad: Non, je ne dirais pas cela, mais vous savez que les médecins ne sont pas à l'abri des problèmes de santé. Ils n'ont pas développé une immunité contre les problèmes de santé mentale. Le Dr Campbell peut le dire, il y a un bon pourcentage de médecins qui ont des problèmes de drogue ou de surconsommation de médicaments. Nous ne sommes pas différents du reste de la population.

J'ai été vice-doyen pour la vie étudiante pendant 11 ans à la faculté de médecine, et croyez-moi, les problèmes psychologiques que nos étudiants rencontrent ne sont pas du tout différents de ceux rencontrés par les étudiants en droit, en génie ou en biologie. Si on regarde les statistiques, c'est la même chose.

Le président: Parlons maintenant du nouveau règlement sur l'usage médical du cannabis. Plusieurs ont été témoins des conférences de presse qui ont été tenues par votre organisme. Vous vous opposez au fait d'être les gardiens du système. Tout au long du processus, lorsqu'on examine de près le règlement, les médecins sont appelés à jouer un rôle déterminant qui mène au consentement des autorités canadiennes à émettre une exemption à un individu qui le demande.

Votre association connaît-elle des médecins qui prescrivent des médicaments à des fins non indiquées sur l'étiquette? Autrement dit, connaissez-vous, dans votre association, des médecins qui vont prescrire un médicament, même si ce n'est pas prévu spécifiquement par la pharmacopée canadienne? Je pense à l'Aspirine, entre autres, qui a pendant longtemps été utilisée pour les maux de tête et qui, tout d'un coup, est utilisée pour le coeur.

M. Haddad: Je ne suis vraiment pas au courant de cette situation. Vous avez entièrement raison, vous avez bien décrit notre position en tant qu'association médicale sur la marijuana à des fins médicales.

Le président: Votre association a exprimé des préoccupations concernant les doses appropriées. À cause du manque d'informations adéquates, les médecins ne sont pas à même de prescrire une dose de cannabis plutôt qu'une autre. Est- ce que cela peut arriver que des médecins, qui ne sont pas familiers avec les doses, vont y aller de façon empirique en disant: «On va commencer par 5 mg et si on voit que cela ne fait pas effet, on va monter à 10 mg»? Je peux vous parler de mon cas personnel avec le Zocar. Mon médecin a commencé par dire: «On va essayer à 5mg et si cela ne marche pas, on va essayer à 10 mg.» Cela peut aller jusqu'à 15 mg.

M. Haddad: Il existe une échelle bien établie, par des études, qui nous permet d'avoir une idée des effets secondaires des médicaments. Par exemple, lorsque j'ai un cas de maladie inflammatoire de l'intestin et que je débute le traitement avec ce que j'appelle un 5 ASA, «5 milligrams of acetacylic acid», je commence toujours avec une petite dose pour voir si le patient tolère bien le médicament et je vais par la suite augmenter à la dose maximale efficace. Cependant, j'ai une très bonne idée des effets secondaires potentiels de ce médicament. Si le patient n'a pas développé les effets secondaires à 500 mg trois fois par jour, il ne les développera pas plus à 500 mg huit fois par jour. Les études claires qui ont été menées sur ce médicament, avant qu'il ne soit mis sur le marché, vont me donner des indications sur les posologies, les effets secondaires et les effets bénéfiques.

Lorsque je prescris un médicament à un patient, je discute avec lui des raisons pour lesquelles je recommande ce médicament, des effets bénéfiques perçus, des risques possibles et des effets secondaires possibles que je base sur des données probantes. Je suis entièrement d'accord avec vous. Les données probantes ne sont pas disponibles sur tout ce qu'on fait en médecine.

Lorsque j'étais jeune médecin, ce n'était pas disponible à plus de cinq à 10 p. 100. Aujourd'hui, on a probablement des données probantes sur peut-être 70 p. 100 de ce qu'on fait. Si on regarde la marijuana, comme l'a dit le Dr Campbell, on a peu de données sur ses effets secondaires. On connaît ses effets nocifs au point de vue psychologique et physique, mais on a peu de données sur les effets bénéfiques. J'ai parlé à des médecins experts en marijuana qui disent que les effets sont des effets psychoactifs. Tout le reste, c'est de la poudre aux yeux.

Comment un médecin peut être un gardien et prescrire de la marijuana s'il a très peu de connaissances sur les effets bénéfiques et sur la posologie appropriée dans cette condition?

Lorsque le premier règlement a commandé l'emploi de la marijuana pour des patients en phase terminale, on ne s'est pas objecté. On sait que les patients en phase terminale ont une survie de 12 mois ou moins. On a pensé que si cela faisait un effet chez ces gens qui étaient déjà dans un état de santé lamentable, on était prêt à vivre avec cela. En tant que scientifique, j'ai déploré que nous avons eu 250 à 300 patients qui ont pris le médicament avec ce règlement initial et je n'ai vu aucune donnée suite à cela.

Le président: Lorsque vous parlez du règlement initial, que voulez-vous dire?

M. Haddad: Il s'agit du premier règlement qui a permis l'utilisation de la marijuana pour des fins médicales. C'était limité au groupe A, les patients en phase terminale. Maintenant, il y a plus que le groupe A.

Le président: La Cour d'appel de l'Ontario a décidé que l'article56 qui permettait au ministre d'accorder des exemptions n'était pas valable. Est-ce que c'est à cela que vous faites référence?

M. Haddad: Oui, je pense que cela a commencé en 1997.

Le président: Il s'agit de l'exemption ministérielle en vertu de l'article 56?

M. Haddad: Pour des patients jugés en phase terminale, donc qui ont une survie de 12 mois ou moins.

Le président: Le ministre n'a jamais élaboré sur les conditions qu'il attachait à l'attribution de l'exemption. D'ailleurs, cela a été le problème devant les tribunaux. Les tribunaux ont décidé que le ministre jouissait d'une latitude qui nécessitait d'être encadrée plus précisément. On a maintenant un règlement beaucoup plus détaillé qui prévoit trois catégories.

M. Haddad: Dans la catégorie A, l'utilisation de marijuana permet aussi l'utilisation possible lors de conditions chroniques où les patients ont une survie de plusieurs années. Dans cette situation nous avons des problèmes. On a eu moins de problèmes avec les patients utilisant la marijuana et jugés dans une phase terminale, c'est-à-dire pour une durée de vie de moins de 12 mois.

Maintenant, on peut utiliser la marijuana pour des fins chroniques prolongées et ce, avec le peu de connaissances que nous avons. On a eu beaucoup de problèmes avec les effets physiques et sociaux à long terme de la marijuana.

Le président: Oublions, pour les fins de la discussion, les effets secondaires et pensons plutôt à la capacité thérapeutique. Vous nous dites que le traitement n'est pas bon, et ce, même pour la deuxième catégorie de patients qui souffrent d'épilepsie, de cancer, de problèmes d'appétit, et même si la littérature répertoriée par le ministère de la Santé dans un document que vous avez sûrement lu, est un document d'information qui précède son règlement. Il y a un document — très bien fait d'ailleurs — qui fait un examen exhaustif de l'état des connaissances face à une série de maladies.

M. Haddad: Il faut regarder sur quoi ces connaissances sont basées, à savoir si les données sont probantes ou pas. Je vais vous donner un exemple. Je suis professeur à l'Université de Sherbrooke et nous utilisons la marijuana pour le traitement de la douleur.

Le président: Ce n'est pas la deuxième catégorie? Il y a de la recherche à l'Université McGill sur ce point.

M. Haddad: Prenons, par exemple, la marijuana pour les patients en phase terminale, catégorie A. Un bon nombre de Canadiens ont eu recours à la marijuana. Le problème au Canada, c'est le traitement donné à la fin de la vie des patients, ce qu'on appelle «compassionate care at the end of life». Des experts disent qu'il y a seulement 10 à 15 p. 100 des cas où cela est bien fait.

Au Centre universitaire hospitalier de Sherbrooke, c'est bien fait, et j'en suis fier. J'en ai parlé il y a quelques mois à notre équipe d'experts en soins palliatifs, soit des infirmières, des pharmaciens, des médecins et des travailleuses sociales qui voient plusieurs centaines de patients. Il y a un réseau de 250 000 personnes qui se présentent à Sherbrooke. Est-ce-qu'on vous a déjà demandé de prescrire de la marijuana? Avez-vous déjà ressenti le besoin de prescrire de la marijuana? Non, non et non, parce que les soins palliatifs sont bien faits. Les soins de l'équipe en place peuvent très bien soulager la douleur, offrir un appui spirituel et un appui familial.

Il est important que l'on regarde tout le contexte dans lequel la marijuana a été offerte aux fins médicales. Il faut regarder si on a bien fait au Canada et ce qu'on doit offrir à nos patients, selon des connaissances bien établies. C'est cela qu'on ne maîtrise pas.

Le président: Dans un dossier judiciaire, l'histoire de M. Parker a mené à la mise en oeuvre d'un règlement spécifique en mettant de côté l'article 56. Dans ce cas, il s'agit d'un individu qui a des problèmes d'épilepsie. Les tribunaux ont entendu une série d'experts. D'un côté comme de l'autre de la médaille, certains ont dit qu'il existe des façons éprouvées de guérir ces problèmes. De l'autre côté, M. Parker et ces experts disaient que le cannabis allait donner un résultat thérapeutique que les médicaments déjà sur les tablettes et provenant des compagnies pharmaceutiques ne pouvaient pas lui procurer. Les tribunaux à deux reprises ont donné raison à M. Parker.

M. Haddad: Je n'ai malheureusement pas le détail de ce dossier.

Le président: Le ministère de la Santé fait la revue des connaissances scientifiques en matière d'usages thérapeutiques et établit, dans la première catégorie ceux qui sont en phase terminale, c'est-à-dire les personnes ayant 12 mois ou moins d'expectative de vie, le règlement pour des maladies très précises pour la deuxième catégorie de patients.

Lorsqu'on lit le document au soutient de son règlement, on s'aperçoit que les connaissances techniques et scientifiques démontrent qu'il peut y avoir une aide auprès de ces patients qui ont des maladies précises. Je présume qu'ils n'ont pas inventé cela.

M. Haddad: Vous savez qu'ils travaillent quand même avec des placebos. On a des résultats thérapeutiques, ne serait-ce qu'avec des placebos. Il faut faire attention en tant que scientifiques.

Le président: C'est quand même la base d'un règlement qui est d'application générale à travers le Canada. Je comprends que vous ne soyez pas d'accord avec le règlement, mais le règlement est là. J'essaie de comprendre votre opinion.

M. Haddad: Je respecte beaucoup ce que vous venez de dire, mais il y a toujours des exceptions à la règle. Il ne faut pas être bornés. Quand je questionne des gens qui encouragent certains patients à prendre de la marijuana, comme je l'ai dit avant, ils sont convaincus que le seul effet est psychotropique.

Je disais à mes collègues que Sir William Osler était l'un des grands médecins canadiens qui a fondé tout l'enseignement médical au chevet des patients. Il était l'un des présidents de l'AMC. Il a été aussi aux universités de Johns Hopkins et Oxford. Il prescrivait de la marijuana pour les céphalées vasculaires. Il était convaincu à ce moment- là que la marijuana était efficace pour les céphalées vasculaires; la migraine. Personne n'en parle aujourd'hui. Sa prescription n'était pas basée sur des preuves probantes.

Le président: Si vous lisez la documentation sur la migraine, vous découvrirez que des gens soignent des migraines avec le cannabis. On retrouve cela dans la littérature médicale. La question du cannabis n'est pas anecdotique. Nous, membres du Comité sénatorial spécial sur les drogues illicites, sommes très rigoureux dans notre approche parce que nous éliminons d'emblée les témoignages basés uniquement sur des opinions. Nous nous concentrons vraiment sur des résultats probants.

Je suis d'accord avec vous, mais en matière de cannabis, s'il y a un domaine où la recherche est exponentielle depuis les 40 dernières années, c'est bien celui du cannabis. Il existe un éventail d'informations.

M. Haddad: Peut-être que le docteur Campbell aurait une opinion «on the research on the medical use of marijuana»?

[Traduction]

M. Campbell: Vous vouliez parler de recherche médicale.

Le président: De la recherche en général.

M. Campbell: Je ne sais plus que penser. Les études sur la marijuana dont il est question dans les revues médicales donnent des informations ambiguës dans la plupart des cas. Elles donnent toutefois quelques indications en ce qui concerne sa consommation.

Le président: Pas dans celles que nous lisons et nous les lisons toutes.

M. Campbell: Bien dans celles que nous lisons. La médecine que je pratique est basée sur certains documents médicaux et sur une méthode précise qui oblige à examiner les études générales et autres sources d'information analogues. Il y a des indications en ce qui concerne la marijuana. Je n'ai toutefois vu aucune information pour ou contre le tabagisme.

Le président: Nous avons entendu parler des préoccupations que suscite le tabagisme. Personne ne conteste le fait qu'il cause le cancer et d'autres complications pulmonaires. Nous savons que la teneur en goudron est plus élevée.

M. Campbell: Il existe des données médicales en ce qui concerne l'utilisation de la pilule mais ce n'est pas vraiment mon domaine. Il reste que dans les documents ou les autres sources d'information que je consulte, on ne trouve pas de méthode claire que les médecins tentent de suivre en ce qui concerne la marijuana — je parle de documents comme le British Medical Journal ou d'un organisme comme l'Institute of Medicine des États-Unis.

Le président: La revue Lancet est claire en ce qui concerne la marijuana.

M. Campbell: Que dit-elle?

Le président: Que les effets nocifs sont bénins.

M. Campbell: C'est peut-être le cas pour plusieurs personnes, mais pas toutes. C'est l'argument auquel je m'en tiens. De nombreuses drogues ne sont certes pas nocives. Certaines personnes consomment de l'héroïne sans pour autant ressentir des effets nocifs. Nous n'en approuvons pas la consommation pour autant. De nombreuses personnes consomment de l'alcool sans ressentir d'effets nocifs. Plusieurs personnes affirment que l'alcool aide un sous-groupe de personnes susceptibles de contracter une maladie cardio-vasculaire. Ce n'est pas une raison pour que je prescrive la consommation d'alcool à mes patients parce que d'une façon générale, l'alcool est nocif pour la santé.

Une consommation limitée de marijuana peut présenter un certain intérêt à court terme. Je suis convaincu qu'elle soulage les maux de personnes qui en consomment pour atténuer les effets de douleurs chroniques. Cependant, les effets à long terme nous préoccupent. Un des problèmes que j'ai mentionnés dans mon exposé est que l'état de nos connaissances sur les drogues causant une accoutumance et sur leurs effets sur le cerveau n'évolue considérablement que depuis une dizaine d'années, depuis que les examens par IRM et que les tomographies par positrons nous permettent de voir ce qui se passe au niveau cellulaire.

Ce n'est que depuis environ huit ans que nous connaissons l'emplacement du récepteur anandamide pour la marijuana et les leptons dans le cerveau et que nous connaissons leur influence sur l'appétit et sur les émotions. Je pense qu'on commence seulement à comprendre les effets que la marijuana peut avoir sur le cerveau humain.

L'ignorance des effets de la marijuana nous pousse à ne pas recommander l'usage de cette drogue tant que nous ne posséderons pas des données plus précises à ce sujet. Tant que l'on n'aura pas fait des études d'une très grande portée indiquant que des maladies comme l'épilepsie peuvent être soignées grâce à la marijuana, je n'en recommanderai pas la consommation parce que je ne pense pas que ce soit un remède efficace. Je ne prescrirai pas cette drogue en m'appuyant uniquement sur des données anecdotiques.

Le président: J'ai posé une question au sujet de M. Parker, cet Ontarien qui a convaincu deux paliers de tribunaux de l'efficacité de la marijuana dans le traitement de son problème d'épilepsie. Il est parvenu à convaincre les deux tribunaux.

M. Campbell: En ce qui me concerne, le problème est qu'il n'est pas parvenu à convaincre le corps médical. Comme médecin, je dois faire ce qui me semble le mieux et éviter de faire du mal. Tant que je ne serai pas absolument certain des effets bénéfiques de la marijuana, je ne passerai pas aux actes. Je suis conscient de l'importance des tribunaux mais je ne pense pas qu'ils puissent décider comment on doit pratiquer la médecine au Canada. L'exercice de la médecine repose sur une tradition médicale qui remonte à l'époque de William Osler, voire plus loin.

[Français]

M. Haddad: La raison d'être du Collège des médecins du Québec est de protéger le public. Le Collège a aussi fortement recommandé aux médecins de ne pas prescrire de la marijuana. D'après leurs études, ils pensaient que c'était une erreur pour les médecins de prescrire de la marijuana à des fins médicales. Notre position n'est pas là pour enlever un traitement qui aide les patients, mais pour protéger la population contre un traitement qui, nous le pensons, a le potentiel d'apporter des effets secondaires indésirables au point de vue physique et social. Dieu sait que comme médecin, si un traitement est efficace et qu'il y a peu de conséquences négatives, nous serons sûrement en faveur. La position mise de l'avant par nos deux associations, celle de certains collèges à travers le pays et celle de l'Association médicale de protection convergent toutes vers le même avis que ce n'est pas quelque chose de désirable. On peut fournir des études des deux côtés de la médaille, mais la question demeure. Je respecte beaucoup ce que vous m'avez transmis comme information, mais la profession médicale n'est pas convaincue par les données.

Le président: Une des préoccupations de votre organisation concerne la responsabilité légale des médecins qui prescrivent de la marijuana. Pouvez-vous élaborer sur cela?

M. Haddad: Nous ne nous prononçons pas sur les aspects légaux. Celui qui le fait est l'Association canadienne de protection médicale, située à Ottawa, et où la grande majorité des médecins canadiens ont une assurance de responsabilité civile. Cette association a aussi recommandé aux médecins canadiens de ne pas remplir les parties 3 et 4 du formulaire; la partie 3 où le médecin doit faire foi qu'il a discuté des risques et des bénéfices de ce médicament avec son patient et aussi informé le patient que cette substance n'a pas reçu toute l'approbation de conformité d'un médicament ordinaire. Ils ont recommandé la même chose au sujet de la quatrième partie, dans laquelle le médecin doit recommander une posologie appropriée, ceci compte tenu de renseignements insuffisants sur la posologie. Ce n'est pas l'Association médicale canadienne qui l'a dit, mais l'Association pour l'assurance aux médecins.

Le président: Le fait que le patient signe un abandon de recours parce qu'il n'y a pas d'avis de conformité, ne devrait- il pas vous relever de cette préoccupation de responsabilité civile?

M. Haddad: Je ne suis pas avocat, mais gastro-entérologue. Du point de vue de cette association qui a tous les avocats nécessaires et l'expertise juridique disponible, la recommandation faite au médecin a été celle de ne pas remplir les partie 3 et 4. Je dois faire confiance à cette association qui est là pour offrir une protection légale aux médecins.

Le président: J'aimerais poser une question, mais sentez-vous à l'aise d'y répondre ou non. Quelle est la relation entre les compagnies de produits pharmaceutiques et les médecins au sujet du cannabis?

M. Haddad: À ma connaissance, il n'y en a aucune.

Le président: Il n'y a aucune compagnie productrice de médicaments, qui ont isolé certains cannabinoïdes, aucune entreprise de produits pharmaceutiques qui entretient, qui vous informent ou qui participent à vos réflexions?

M. Haddad: Je ne suis pas au courant, mais je pourrais sûrement m'informer.

Le président: D'accord. Nous examinerons vos mémoires et allons les lire attentivement. Nous allons les comparer avec nos notes et vous écrire, espérant recevoir des réponses. On publiera vos réponses ainsi que les questions que nous aurons posées.

Nous terminerons notre séance d'aujourd'hui en accueillant un panel de policiers représentant l'Association canadienne des chefs de police. Ce panel est formé de M. Michael J. Boyd, président du Comité sur la toxicomanie et sous-chef du Service de police de Toronto; M. Barry King, président sortant de ce comité sur la toxicomanie et chef du Service de police de Brockville. M. King est accompagné de M. Robert G. Lesser, surintendant principal de la GRC.

[Traduction]

Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation et pour l'intérêt que vous avez manifesté à notre égard.

Veuillez faire votre exposé; nous poserons ensuite des questions. Nous profiterons également de l'occasion pour vous écrire si nous avons des questions plus précises ou d'ordre technique à vous poser. Les questions et réponses seront affichées sur notre site Web.

M. Michael J. Boyd, président du Comité sur la toxicomanie et sous-chef du Service de police de Toronto, Association canadienne des chefs de police: Je tiens tout d'abord à vous remercier de nous avoir invités, au nom de l'Association canadienne des chefs de police. Notre ex-président, Barry King, chef du service de police de Brockville, m'accompagne. À ma gauche se trouve le vice-président du comité, Robert Lesser, surintendant principal de la GRC. Nous représentons à nous trois plus d'un siècle d'expérience dans les services policiers.

L'Association canadienne des chefs de police compte 932 membres représentant les dirigeants de 300 services de police du Canada et leurs 55 000 agents de police. Notre devise est d'être des promoteurs du progrès dans les services policiers.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, nous sommes certains qu'à ce stade-ci de vos travaux, vous savez que les problèmes associés aux drogues illicites sont très étendus et variés. Vous nous avez soumis deux questions importantes, l'une portant sur l'incidence de la législation en matière de drogues et l'autre sur l'évaluation des ressources consacrées à l'application des lois sur les drogues; je vous communiquerai les réponses à ces questions vers la fin de notre exposé.

Nous ferons, bien entendu, de notre mieux pour répondre à vos questions. En ce qui concerne celles auxquelles nous serons incapables de répondre tout de suite, nous tenons à ce que vous sachiez que nous nous efforcerons de vous donner une réponse dans les prochains jours.

Dans les milieux policiers, nous sommes en contact avec tous les aspects de l'offre et de la demande du marché des drogues illicites. En ce qui concerne l'offre, nous faisons des enquêtes et sommes au courant des procédés de culture ou de production; nous faisons en outre des enquêtes et nous nous informons sur leur importation ou sur leur exportation, puisque le Canada est maintenant un pays exportateur de drogues.

Nous faisons en outre des enquêtes sur le trafic aux échelons supérieurs, aux échelons moyens et à l'échelle locale et nous comprenons ces divers volets. Nous menons des enquêtes sur la violence associée au trafic des drogues illicites, à tous les niveaux. Nous enquêtons pour comprendre le lien qui existe entre les drogues illicites ou le crime organisé et le terrorisme.

En ce qui concerne la demande, l'Association canadienne des chefs de police constate les expériences que font les jeunes Canadiens des drogues illicites et mène des enquêtes à ce sujet. Nous sommes aux premières loges pour constater que ces drogues représentent une menace de plus en plus lourde pour la jeunesse à risque. Nous constatons l'incidence et l'influence des drogues illicites sur leur éducation et leur développement et l'influence exercée par leurs camarades qui les poussent à en consommer. Nous constatons les conséquences de l'accoutumance et le besoin d'approvisionnement régulier qu'elle crée. Nous faisons des enquêtes sur la violence et sur les victimes d'actes liés à la drogue. Nous faisons en outre des enquêtes sur les délits criminels et les perturbations que cela entraîne au niveau des quartiers et répondons aux appels à l'aide de nos collectivités.

Si nous sommes conscients de la participation d'autres groupes sociaux à divers niveaux, la police est le seul groupe dont la présence soit constante, à tous les niveaux. Étant donné que nous sommes de proches témoins, nous pouvons distinguer clairement les incidences des diverses facettes du problème. Grâce à l'information acquise par sa participation, l'Association canadienne des chefs de police a l'occasion unique de prendre du recul pour avoir une vue d'ensemble. Nous voyons les liens qui unissent les diverses facettes entre elles, la réaction en chaîne que déclenchent des changements et, bien entendu, les conséquences globales de la consommation ou de l'abus des drogues illicites pour le Canada et les Canadiens.

C'est à la lueur de cette expérience que nous faisons nos exposés. L'exposé que nous ferons aujourd'hui est axé sur trois thèmes principaux: le premier est que les drogues illicites, y compris le cannabis, sont nocives; le deuxième est qu'il faut trouver des solutions efficaces ensemble; et le troisième est que nous avons besoin de leadership pour soutenir nos efforts.

Le premier message est que les drogues, y compris le cannabis, sont nocives. Le cannabis consommé à l'heure actuelle a une teneur en THC qui oscille entre 5 p. 100 et 31 p. 100, soit jusqu'à cinq fois plus que le cannabis que la plupart des adultes ont connu dans les années 60 et 70. De nombreuses conceptions erronées circulent au sujet des conséquences physiologiques de la consommation de cannabis. Une forte consommation a incontestablement des conséquences néfastes sur la santé. Ces conséquences se traduisent la plupart du temps par des troubles respiratoires, un manque de coordination physique, des problèmes de développement pendant la grossesse et après la naissance, des troubles de mémoire et des troubles cognitifs, sans compter les effets psychiques. Les Canadiens sont au courant des méfaits de la cigarette. Le fait de fumer du cannabis ne peut-il pas avoir les mêmes effets nocifs, outre les effets néfastes que nous venons d'énumérer.

Les effets nocifs de la consommation d'autres drogues illicites comme la cocaïne, le crack, l'héroïne et l'ecstasy, pour n'en citer que quelques-unes, sur la santé des consommateurs sont incontestables.

La consommation de cannabis est à la hausse et atteint des niveaux comparables à ceux des années 70. Nous estimons que les efforts préventifs actuels sont insuffisants pour enrayer les causes de cette recrudescence de la consommation depuis la fin des années 80. Un sondage effectué en 1995 dans les milieux étudiants en Ontario par la Fondation de recherche sur l'alcoolisme et la toxicomanie, maintenant appelé Centre de toxicomanie et de santé mentale, a révélé que 23 p. 100 des étudiants avaient signalé qu'ils en avaient consommé au cours des 12 derniers mois, au lieu de 13 p. 100 en 1993. D'après une étude plus récente (1999) effectuée par le centre, le pourcentage actuel est de 29 p. 100.

Le pourcentage de consommateurs varie selon les régions du pays. Par exemple, le taux de consommation de cannabis est particulièrement élevé chez les jeunes qui vivent dans la rue: il varie de 66 p. 100 à Halifax à 92 p. 100 à Toronto.

La conséquence logique est que la hausse de la consommation de drogues entraînera une augmentation du nombre de personnes qui en subiront les conséquences. On pense que le cannabis est la drogue avec laquelle la plupart des jeunes s'initient à la consommation de drogues illicites. Il est par conséquent essentiel d'examiner sa consommation dans ce contexte, dans celui de la consommation d'autres drogues. Bien qu'on ne possède pas encore de preuves concluantes à ce sujet, des études récentes indiquent qu'un symptôme aigu de sevrage est associé à la consommation du cannabis et que la réapparition de ces symptômes pourrait être évitée en continuant d'en consommer.

Le concept de passerelle existe depuis longtemps et que, même si l'on ne possède aucune preuve concluante, le National Institute on Drug Abuse a signalé que d'après les résultats de recherches neurotoxicologiques, la marijuana pourrait altérer le cerveau au point d'accroître la vulnérabilité à d'autres drogues.

De nombreuses personnes estiment que la consommation du cannabis est un point de départ pour ceux et celles qui cherchent à accentuer les effets psychotropes d'une drogue. Le sondage sur la consommation de drogues effectué auprès des étudiants en Ontario en 1989 a en outre permis de constater que la consommation d'ecstasy est passée de 2,9 p. 100 en 1997 à 7,3 p. 100 en 1999. La consommation de cocaïne est également passée de 2,7 p. 100 en 1997 à 6,4 p. 100 en 1999. En ce qui concerne la consommation de méthamphétamine, elle a augmenté de 2,1 p. 100 en 1997 à 7,2 p. 100 en 1999.

Des conseillers en traitement ont signalé une tendance à la hausse de la consommation de cocaïne et d'héroïne chez les jeunes. La Addiction Foundation of Manitoba a publié les résultats d'une étude appelée Manitoba Student Survey qui indique que 81 p. 100 des étudiants participants avaient consommé de l'alcool et 40 p. 100, des drogues, au cours des 12 derniers mois. Parmi ceux qui ont déclaré avoir consommé des drogues, 58 p. 100 ont précisé qu'ils en avaient consommé alors qu'ils étaient en voiture et 48 p. 100 pendant les heures de cours.

Le nombre de décès dus à une surdose d'héroïne est élevé. Alors que les statistiques concernant les diverses régions du pays indiquent que, dans plusieurs régions, le nombre de décès provoqués par une surdose d'héroïne avait diminué, il demeure toujours trop élevé. Dans certaines régions, comme à Toronto, le nombre moyen de décès provoqués par l'héroïne se situe entre 36 et 40 par année. En 1994, on avait enregistré une pointe de 67 décès mais le nombre a diminué depuis lors, en raison de divers facteurs. Des gestionnaires de risques diraient que si c'était prévisible, c'était évitable. En raison de la consommation croissante d'ecstasy, le nombre de décès associés à cette drogue est également à la hausse.

Les conséquences néfastes des drogues illicites sur le plan social se manifestent surtout au niveau du développement des jeunes et particulièrement des jeunes qui sont vulnérables ou des jeunes à risque. L'incidence des drogues sur les jeunes et sur la société et les coûts qui y sont liés augmentent d'autant plus que les habitudes de consommation ou d'abus s'incrustent. Les problèmes sociaux dus à la consommation de drogues illicites ne touchent pas uniquement les consommateurs mais aussi d'innocentes victimes, leur famille et les collectivités, notamment lorsque des consommateurs de cannabis conduisent un véhicule ou manoeuvrent de la machinerie en état d'intoxication.

Bien que la consommation sporadique de drogues ait relativement peu d'incidences négatives, il est faux que le cannabis est une drogue dont les conséquences sont bénignes. La plupart des étudiants qui ont participé à l'enquête effectuée au Manitoba ont répondu qu'ils n'approuvaient pas la conduite en état d'ébriété mais semblent être moins préoccupés par la conduite sous l'influence du cannabis. D'après une étude récente du Centre de toxicomanie et de santé mentale, les jeunes ont actuellement tendance à trouver la conduite sous l'influence de la drogue plus acceptable que la conduite sous l'influence de l'alcool. Cette mentalité démontre que les perceptions des risques liés à la drogue sont minimisées et prouve l'efficacité d'une campagne contre la conduite sous l'influence de l'alcool ou des drogues.

Dans le cadre du sondage qui a été fait au Manitoba, 9 p. 100 des étudiants ont signalé avoir eu des problèmes légers ou graves en raison de la consommation de drogues par des membres de la famille et plus de la moitié des participants considèrent que la consommation d'alcool et de drogues est un problème majeur dans leur établissement.

La situation est différente en ce qui concerne les conséquences sociales néfastes d'autres drogues illicites. Dans plusieurs collectivités ou quartiers du pays, les préjudices subis par d'innocentes victimes de crimes avec violence et de délits contre les biens son considérables. Les victimes de délits avec violence subissent généralement des blessures physiques et des traumatismes psychologiques. Ces délits sont commis par des toxicomanes qui essaient de se procurer l'argent nécessaire pour assouvir leur besoin de consommation. Les toxicomanes fréquentent généralement des quartiers où l'on peut s'approvisionner en drogues. Il s'agit parfois de quartiers où le taux de criminalité et le nombre de victimes est élevé et où l'offre répond à la demande. Il s'agit souvent de quartiers touchés par des perturbations ayant parfois des conséquences physiques et sociales à la fois. Dans de nombreux cas, ces localités ou quartiers sont à la dérive. Il en résulte un niveau de crainte élevé, une baisse réelle ou perçue du niveau de sécurité et une diminution de la qualité de vie de toutes les personnes qui y vivent ou y travaillent.

Les problèmes économiques liés à la consommation de drogues illicites ont une incidence sur les services sociaux. Le plus souvent, la valeur des propriétés situées dans les quartiers fréquentés par des toxicomanes diminue. Il faut tenir compte également des coûts liés aux interventions et à la présence policières dans les quartiers qui demandent et parfois implorent de l'aide pour réduire la criminalité, le nombre de victimes et les troubles sociaux. Ces interventions déclenchent le processus judiciaire pénal, ce qui accroît les coûts.

Grâce aux études qui indiquent que le taux de consommation du cannabis chez les jeunes en général, et plus particulièrement chez les jeunes de la rue et les jeunes à risque, et aux connaissances sur les méfaits de la consommation de drogue, nous savons que le problème devient de plus en plus aigu. Nous savons que nous efforts collectifs de prévention, d'application des lois, de réadaptation et de recherche ne produisent pas des résultats entièrement satisfaisants. Ce n'est pas le moment d'occulter le problème mais plutôt de s'en occuper sérieusement. La légalisation n'est pas une solution. Il ne faut pas envisager de légaliser des drogues illicites uniquement parce que plusieurs personnes pensent que les peines sont trop lourdes ou les dépenses trop élevées. Le moment est venu de mobiliser et de maximiser nos efforts collectifs pour en accroître l'efficacité.

D'après l'étude intitulée Monitoring the Future effectuée par l'université du Michigan en 1996, à notre époque, les adolescents ont moins tendance à considérer que la consommation de drogues est nocive et présente des risques et ils sont plus enclins à croire qu'elle est répandue et tolérée; en outre, ils subissent davantage de pressions que jamais au cours des dix dernières années les incitant à essayer des drogues illicites.

Le sondage effectué dans les écoles ontariennes en 1999 a donné lieu à quelques conclusions analogues. Il indique que la perception des risques est affaiblie, et c'est un facteur important. Le pourcentage de personnes qui essaient la cocaïne a diminué en 1999 (34 p. 100), par rapport à 1991 (43 p. 100). Il indique en outre que l'on désapprouve moins la consommation de drogues. Un autre facteur important en ce qui concerne la consommation de cocaïne est sa diminution de 55 p. 100 à 42 p. 100 de 1991 à 1999. La même étude révèle une perception de facilité d'approvisionnement accrue (de 14 p. 100 en 1991 à 20 p. 100 en 1999) et une perception analogue en ce qui concerne le cannabis (de 29 p. 100 en 1991 à 53 p. 100 en 1999).

On peut en déduire que ce sont des facteurs qui ont une influence sur une augmentation ou une diminution du taux de consommation des drogues. La légalisation de drogues illicites ne pourrait qu'atténuer davantage ces perceptions. Elle indiquerait à nos enfants que les adultes pensent que l'on peut faire une utilisation judicieuse des drogues. Elle porterait à croire que les risques sont moins élevés et que les drogues sont plus acceptables. La conclusion que l'on tire à cet égard est fondée sur la sévérité des sanctions associées à l'usage d'une drogue. Si une drogue était jugée légale et que sa consommation n'était assortie d'aucune sanction, la perception des risques serait affaiblie.

Un autre facteur est l'influence qu'exercent les médias et le pouvoir de la communication. La description dans les médias de personnes qui fument de la marijuana dans des clubs de cannabis porte les enfants à croire que la consommation de drogue peut être intéressante. Dans un tel contexte, il est très difficile, voire impossible, de convaincre les enfants que la prise de drogue est nocive. Une plus grande accessibilité et une plus forte consommation accentueront les problèmes de criminalité. Une consommation accrue a de terribles conséquences pour les citoyens.

Le deuxième message est qu'il faut collaborer pour trouver des solutions efficaces. Aucun organisme ou groupe ne peut résoudre seul les problèmes associés à la consommation et à l'abus de drogues illicites.

On ne trouvera des solutions efficaces que si divers groupes de la société unissent leurs efforts et s'attachent à résoudre les problèmes. En leur qualité de dirigeants des services policiers du Canada, les membres de l'Association canadienne des chefs de police accordent beaucoup d'importance à la recherche d'une solution aux problèmes causés par la consommation de drogues illicites et à la collaboration dans ce domaine.

Dans le modèle que nous avons décrit, nous avons mentionné les cinq groupes suivants dont la collaboration est essentielle pour trouver une solution à des problèmes qui touchent la société: premièrement, les dirigeants politiques; deuxièmement, les organismes sociaux et publics; troisièmement, la collectivité, que ce soit au niveau commercial ou résidentiel; quatrièmement les médias, en raison du pouvoir de la communication; et cinquièmement, la police. Nous les appelons les cinq intervenants majeurs.

L'ACCP pense qu'une approche intégrée menée par les cinq groupes d'intervenants aux trois paliers de gouvernement est essentielle. Nous estimons en outre que l'approche doit être menée sur plusieurs fronts pour obtenir les résultats recherchés.

Nous pensons que l'identification du problème est une étape essentielle à l'efficacité de ce processus. Autrement dit, l'opinion de personnes bien informées, d'organismes ou groupes choisis parmi les cinq types d'intervenants majeurs est nécessaire pour identifier et résoudre le problème.

L'Association canadienne des chefs de police a été, est et restera partenaire à ce processus. Nous collaborons avec d'autres groupes pour essayer de résoudre des questions liées aux drogues et ces partenariats sont efficaces. Le changement d'attitude et de comportement depuis la campagne menée depuis quelques années contre la conduite en état d'ébriété témoigne de l'efficacité de cette approche. Elle n'a pas fait disparaître complètement le problème mais a entraîné une très forte diminution du nombre de cas de conduite avec facultés affaiblies.

Nous avons déjà remporté de petites victoires dans les quatre secteurs cibles sur lesquels nous avons concentré nos efforts, à savoir la prévention, l'application des lois, la réadaptation et la recherche. Chaque domaine comprend des sous-catégories.

Le Canada a pris beaucoup de bonnes initiatives. De nombreux groupes de notre société ont pris et prennent encore de bonnes initiatives. Il reste toutefois à coordonner ces initiatives pour qu'elles soient encore plus efficaces. Nous devons également conjuguer nos efforts. Nous devons décupler notre efficacité en réglant les problèmes. Voici, à titre d'exemple, quelques initiatives qui permettraient d'améliorer la situation actuelle.

La législation actuellement en place a un effet tant préventif que dissuasif. Cependant, parce que les stratégies, les ressources et les programmes sont insuffisants, la phase de prévention actuelle ne permet pas de faire face au nombre croissant de jeunes qui commencent à consommer des drogues illicites ou continuent à le faire. La Loi réglementant certaines drogues et autres substances est nécessaire sous sa forme actuelle pour appuyer les efforts de prévention et de dissuasion, comme on a pu le constater en ce qui concerne les lois et règlements utilisés pour soutenir les efforts de changement de comportements en ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies et l'utilisation des ceintures de sécurité et des sièges spéciaux pour enfants dans les voitures. Le nombre d'accusations portées pour possession de cannabis représente en moyenne moins d'une accusation par agent de police par année au Canada. Un grand nombre d'accusations sont portées à la suite de l'arrestation de la personne pour un autre délit criminel.

La législation doit faire comprendre clairement à la population que l'on ne fera preuve d'aucune tolérance à l'égard des drogues illicites, y compris le cannabis. Nous devons tenter de régler les problèmes dus aux perceptions sur les probabilités que les contrevenants soient pris en flagrant délit ou sur l'absence de conséquences lorsqu'ils le sont. Nous devons en outre axer principalement nos efforts sur l'efficacité que peut avoir la prévention, parce que c'est la méthode la plus efficace.

Nous devrons mettre davantage la population au courant des conséquences néfastes de la consommation de drogues illicites, y compris le cannabis. Il est important de sensibiliser les particuliers, les familles, les collectivités et la société en général.

Nous devons élaborer et communiquer des messages plus percutants, produisant le genre d'effets que produisent les campagnes contre la conduite avec facultés affaiblies et contre le tabagisme. Il faut en outre examiner les possibilités d'utiliser des outils de communication efficaces permettant d'atteindre les groupes visés.

Nous devons mettre à profit les leçons apprises au cours des récentes études effectuées par le Centre de toxicomanie et de santé mentale et mettre les éducateurs au courant des méthodes qui sont efficaces et de celles qui ne le sont pas lorsqu'il s'agit de concevoir et de dispenser des programmes éducatifs sur les drogues. Nous devons éviter de gaspiller de précieuses ressources pour des programmes inefficaces.

Nous devons trouver des moyens d'encourager les personnes qui font une consommation abusive de drogues illicites à suivre un traitement, sans compter sur la répression policière pour appréhender les toxicomanes, et les orienter vers des programmes moins répressifs. Ces programmes doivent disposer de ressources suffisantes et la cure doit avoir lieu au moment adéquat.

Il faut mettre en oeuvre davantage de programmes semblables au tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto pour les contrevenants qui sont de bons candidats au traitement et à d'autres programmes de réadaptation. Nous devons obtenir de meilleurs résultats dans des programmes de déjudiciarisation et dans l'intégration et le soutien après le traitement.

Il est nécessaire de renforcer les programmes de traitement pour les contrevenants incarcérés et les compléter par une stratégie vigoureuse de réinsertion sociale. C'est nécessaire pour éviter qu'ils ne remettent le doigt dans l'engrenage de la criminalité, forçant le système judiciaire pénal à intervenir à nouveau. Des études supplémentaires doivent être effectuées dans des domaines qui n'ont pas encore été suffisamment examinés afin de déterminer quelles sont les pratiques exemplaires en matière de programmes de déjudiciarisation.

Nous devrons trouver des possibilités de dispenser une formation en application des lois et en réadaptation lorsqu'on découvre de nouvelles techniques comme l'expertise en matière de différenciation des drogues. Voilà quelques secteurs où nous pouvons accroître davantage notre efficacité.

Notre troisième message est que nous avons besoin de leadership pour soutenir nos efforts collectifs. Plusieurs personnes considèrent la consommation et l'abus de drogues illicites comme un problème d'application de la loi. D'autres le considèrent comme un problème de santé. En fait, les deux points de vue sont justes. Cependant, ils sont axés sur des aspects différents du problème de la consommation de drogues illicites et aucun leader commun ne s'est manifesté.

Nous avons besoin d'un champion de cette cause au Parlement fédéral, quelqu'un qui comprenne le lien entre les deux points de vue, qui soit capable de les concilier et qui porte le flambeau en assurant un rôle de leadership. Nous avons besoin de quelqu'un qui établisse la vision à l'échelle nationale et dirige l'élaboration d'une nouvelle stratégie nationale antidrogue résolument axée sur la prévention, fixant des objectifs à court et à long termes qui soient clairs et mettent l'accent sur l'importance de la collaboration entre les cinq intervenants majeurs. Nous avons besoin d'une stratégie antidrogue qui renforce l'approche axée sur la résolution des problèmes, accompagnée de fonds suffisants pour être efficace.

Nous avons pour la plupart conjugué nos efforts parce que la nécessité de le faire nous sautait aux yeux. Nous avons besoin du leadership du Parlement et d'une vision qui s'impose.

Je reviens à nos principaux thèmes: premièrement, les drogues illicites sont nocives; deuxièmement, nous devons trouver des solutions ensemble; et troisièmement, nous avons besoin de leadership pour soutenir nos efforts.

Monsieur le président, honorables sénateurs, nous félicitons le Sénat pour le leadership dont il a fait preuve en instituant le Comité spécial sur les drogues illicites. Nous voudrions vous soumettre les recommandations suivantes.

Premièrement, l'Association canadienne des chefs de police recommande que le gouvernement du Canada ne légalise pas le cannabis. Nous ne sommes pas en faveur de la légalisation d'une des drogues actuellement illicites.

Deuxièmement, l'Association canadienne des chefs de police recommande vivement au Comité spécial sur les drogues illicites de former un partenariat avec le comité des communes pour établir les fondements d'une stratégie canadienne antidrogue renouvelée, grâce à l'intervention des divers paliers de gouvernement, fédéral, provincial, territorial et municipal, pour accroître la sécurité dans le pays et améliorer l'état de santé de sa population, sous l'égide du gouvernement fédéral.

Troisièmement, l'Association canadienne des chefs de police recommande vivement de donner à une nouvelle stratégie canadienne antidrogue la visibilité et les ressources spéciales nécessaires pour lutter efficacement contre le problème des drogues illicites au Canada en réduisant la demande et l'offre par le biais de la prévention, de l'application des lois, de la réadaptation et de la recherche qui constituent les quatre piliers de cette stratégie.

Notre exposé est terminé. Vous nous avez demandé de répondre à deux questions. La première est: quelle est l'incidence de la législation en matière de drogue sur les services policiers? La deuxième est: pourriez-vous évaluer les ressources consacrées à l'application des lois sur les drogues?

En ce qui concerne la première question, nous pensons que les dispositions législatives actuelles sur les drogues sont satisfaisantes à une seule exception près: nous contestons la validité de la limite de 30 gr. Les problèmes que pose la loi découlent de précédents récents et moins récents qui sont la source de diverses difficultés pour les services policiers.

La deuxième question, concernant l'évaluation des ressources consacrées l'application de ces lois, est toujours une source de difficultés pour nous. C'est variable selon qu'il s'agit d'importation, d'exportation ou de culture. Il est manifeste qu'il faudrait davantage de ressources. Les ressources dont nous disposons ne permettent jamais de faire face aux énormes quantités de drogues illicites importées au Canada.

Voyons toutefois un autre exemple d'effort d'application des lois à l'échelle communautaire. Certaines villes et localités ont besoin de l'aide de la police et d'autres personnes pour éviter la dégradation de leurs quartiers. Les habitants de ces quartiers réclament une intervention de la police. Ils nous implorent de les aider.

Lorsque nous collaborons avec d'autres partenaires au niveau des quartiers et des localités, nous sommes efficaces. Nous ne savons pas très bien comment faire une évaluation précise de notre degré d'efficacité mais on nous a dit que nos efforts sont efficaces.

Nous intervenons au niveau de nombreux aspects du problème de la drogue. Malgré tous les efforts que nous consacrons à l'application des lois et à la prévention, avec l'aide de nos partenaires, ce n'est pas suffisant.

Par conséquent, il faut faire des études pour élaborer des méthodes d'évaluation de notre efficacité. De telles études pourraient nous aider dans le domaine de la répression et dans ceux de la réadaptation, du traitement, de la prévention ainsi que dans les autres domaines sur lesquels nous axons nos efforts de lutte antidrogue.

Le président: Je vous remercie, monsieur Boyd. Vos collègues ont-ils des commentaires à ajouter?

M. Barry King, président sortant du Comité sur la toxicomanie et chef du Service de police de Brockville, Association canadienne des chefs de police: Honorables sénateurs, je voudrais parler pendant quelques minutes du rôle de la prévention. Nous avons fait distribuer un petit souvenir qui est le fruit d'un partenariat avec Postes Canada et les Nations Unies. Ces pochettes de timbres-poste commémoratifs ont été produites initialement à l'occasion du millénaire. Il en restait qui n'étaient plus vendables après le 1er janvier 2001, pour des raisons évidentes.

On nous les a cédés. Nous avons décidé qu'il fallait avant tout communiquer un message clair aux jeunes du Canada, dans les deux langues officielles. Si nous avons pris cette décision, c'est parce que, depuis 1997, dans le cadre de la stratégie antidrogue actuelle, les ressources consacrées à l'éducation préventive et à la sensibilisation sont très maigres.

Essayez de vous souvenir du dernier message de prévention antidrogue que vous avez vu à la télévision. Un que la plupart d'entre nous reconnaîtraient probablement est celui de l'oeuf poêlé représentant l'effet des drogues sur le cerveau humain. Il s'agit toutefois d'une publicité américaine. Je ne me souviens pas d'avoir vu dernièrement une annonce antidrogue canadienne à la télévision.

D'autres documents à caractère préventif ont été produits dans bien d'autres domaines au Canada. Il suffit de penser à la campagne antitabac et à la campagne concernant la prévention du cancer du sein. Par contre, dans le domaine de la lutte antidrogue, les documents à caractère préventif sont très peu nombreux.

Nous ne voulons pas davantage d'argent pour les services policiers et pour les arrestations. Nous trouvons que nous disposons de fonds suffisants dans ce domaine. Nous pensons cependant que non seulement la prévention mais aussi la sensibilisation aux drogues sont des outils essentiels qui font une différence.

Postes Canada et les Nations Unies ont fourni 2,3 millions de pochettes de timbres. Le message communiqué aux jeunes est le suivant: L'avenir du Canada repose à 100 p. 100 sur vous. Nous sommes allés dans toutes les classes de 4e, 5e et 6e année du pays. Ce mois-ci et le mois prochain, des agents de police remettront les pochettes contenant le message que l'avenir du Canada repose à 100 p. 100 sur les jeunes, même s'ils ne représentent que 20 p. 100 de la population.

Nous voulons leur communiquer ce message tout simple. Les enfants reçoivent tellement de messages ambigus et négatifs qu'ils ne savent plus que penser.

Vous êtes probablement au courant de la politique antidrogue que notre comité a établie en 1999 et qui est fondée sur d'autres types de mesures que des mesures répressives. On en a tiré la conclusion qu'il s'agissait de décriminalisation. Depuis lors, c'est ainsi qu'on l'interprète à l'échelle mondiale. Même dans les meilleures conditions, nous avons de la difficulté à communiquer notre message.

Nous pensons que la police à un rôle à jouer en matière de prévention et de sensibilisation comme en matière d'application des lois. Nous avons établi d'excellents partenariats avec des enseignants, des parents et des groupes communautaires. Les services de police communautaires n'existent que depuis une dizaine d'années.

Nous avons non seulement ouvert les portes des postes de police pour permettre aux citoyens de déposer des plaintes mais nous avons en outre ouvert notre esprit. Nous essayons de vous expliquer ce qu'en pensent nos agents qui vont dans 17 000 écoles des diverses régions du pays, cinq jours par semaine, pour parler aux parents, aux enseignants et aux étudiants au sujet de leurs souhaits.

Un des problèmes qui se posent est que plusieurs de nos programmes datent. On consacre très peu d'efforts à la prévention. Je ne tiens pas à citer des montants précis. Cependant, d'après un document publié il y a un an, le gouvernement américain investit une douzaine de dollars par habitant dans la prévention et la sensibilisation. Au Canada, on y consacre moins de 1 $. Je crois que c'est environ 20 ou 30 cents.

L'abus de substances psychoactives a des incidences négatives sur notre qualité de vie. Nous voulons des collectivités plus sûres et plus saines. Nous voulons que les jeunes soient informés. Nous pensons qu'ils sont davantage en mesure de prendre des décisions judicieuses grâce à des informations constructives et factuelles que si l'on essaie de les effrayer.

Nous utilisons une version canadienne adaptée du programme DARE qui ne correspond pas à ce que la plupart des citoyens entendent dire à son sujet depuis des années. Grâce à ce programme, nous obtenons de bons résultats et une meilleure acceptation.

Un des problèmes majeurs est que nos programmes ne sont pas assortis d'un mécanisme d'évaluation. Chaque fois que nous avions l'occasion de mettre en oeuvre de nouveaux programmes, c'était fait à la hâte et le travail était bâclé. On disposait de très peu de fonds. On se contentait de faire des essais pour voir si c'était efficace.

Nous avons appris que si l'on voulait intervenir, il fallait le faire de façon adéquate. Il faudrait établir de nouveaux programmes comportant un mécanisme d'évaluation afin de savoir s'ils permettraient d'atteindre les objectifs de façon satisfaisante et en temps opportun. Autrement dit, il faudrait tenir compte du message, de son destinataire et de l'efficacité.

Est-ce que la prévention est efficace? On ne peut évidemment pas évaluer de façon rigoureusement scientifique toutes les réactions des agents de police. Le président du comité a posé la question à notre président. Comment peut-on faire une évaluation adéquate?

Nous affectons un agent à la lutte contre les narcotiques.

Au bout d'un certain temps, la tâche comporte également la collecte de renseignements et très rapidement la lutte contre le terrorisme. Comment peut-on déterminer au cours de l'année les résultats qu'obtient une personne? C'est un des problèmes qui se posent.

En ce qui concerne la prévention, il faut plusieurs années pour acquérir une maîtrise complète du sujet. Il faudra attendre de 5 à 15 ans après avoir mis en place des processus d'évaluation et fait des études adéquates. Les Instituts canadiens de recherche en santé n'ont été créés que récemment. Nous ne pensons pas que le gouvernement fédéral ou qu'un autre organisme apporte des modifications à la loi sans avoir fait au préalable des études efficaces. Nous avons besoin des meilleurs renseignements possible pour faire des recommandations judicieuses.

En ce qui concerne les partenariats, ils sont incontestablement la pierre angulaire des services de police au Canada. Notre comité sur la toxicomanie a été créé il y a environ 17 ans et il réunissait alors sept ou huit chefs de police. Il y a une dizaine d'années, il n'y avait que 10 ou 12 chefs de police, un par province. Le comité comprend maintenant 25 membres dont des représentants des ministères de la Santé et de la Justice, le Solliciteur général, des chercheurs du secteur privé, des médecins et des avocats.

On nous fait des recommandations. C'est une des raisons pour lesquelles, depuis cinq à sept ans, l'Association canadienne des chefs de police fait preuve d'une plus grande ouverture d'esprit à cet égard. Il y a 10 ou 15 ans, nous aurions réclamé des fonds et des agents de police supplémentaires. Ce n'est pas ce dont nous avons besoin actuellement. Nous avons les effectifs nécessaires et nous disposons d'une législation qui, quoique imparfaite, nous procure les outils nécessaires.

Nous ne voulons toutefois pas minimiser l'importance de ces outils car nous en avons toujours besoin. Comme dans le cas de la ceinture de sécurité, nous avons parfois besoin de dispositions législatives et réglementaires. Nous ne voulons pas mettre trop l'accent sur la répression mais nous ne voulons pas non plus adopter une attitude trop laxiste à cet égard. Nous estimons que nous devons nous préoccuper de la protection publique et de la sécurité communautaire. Deux de nos trois recommandations ont trait à la nécessité d'adopter une stratégie antidrogue renouvelée, assortie de ressources et de possibilités d'intervention adéquates, une stratégie qui ne soit pas uniquement un document de principe.

M. Robert G. Lesser, vice-président, Comité sur la toxicomanie, Association canadienne des chefs de police: Honorables sénateurs, j'abonde dans le sens de MM. Boyd et King au sujet de l'importance de la collaboration avec la collectivité et avec les divers partenaires. Pendant l'exposé de M. Boyd, j'ai parcouru le mémoire de l'Association médicale canadienne. La plupart de ses recommandations sont semblables aux nôtres. Le fait que l'AMC et l'Association canadienne des chefs de police aient des messages semblables à communiquer, sans s'être consultées, est intéressant.

Je sais que vous travaillez consciencieusement depuis plusieurs mois et que de nombreux thèmes émergent.

M. Boyd: Un des documents de la trousse que nous vous avons remise est une déclaration conjointe de l'Association canadienne des chefs de police et de l'Association canadienne des policiers, portant sur les drogues illicites. Cette déclaration marque une étape très importante pour nous parce qu'il s'agit d'une position commune sur les drogues illicites des agents de police canadiens, à tous les niveaux des services policiers.

Cette déclaration a été cautionnée récemment et nous tenions à l'inclure dans la documentation. Cette documentation contient également un document qui fait l'historique de la sensibilisation en matière de consommation abusive des drogues, des programmes de prévention dans les écoles et de la tâche accomplie par l'ACCP, ainsi qu'une liste des membres de notre comité sur la toxicomanie. Ce document démontre que, comme l'a mentionné M. King il y a quelques instants, nous collaborons avec des professionnels de divers milieux.

Le sénateur Maheu: Je voudrais poser des questions au sujet du rapport intitulé Les drogues illicites: le rôle du gouvernement fédéral, publié en 2001 par le vérificateur général du Canada.

On y signale que 95 p. 100 des dépenses fédérales destinées à la lutte contre les drogues illicites sont affectées à la réduction de l'offre, à l'application des lois et règlements ou à la prohibition. Ces fonds ont été remis à vos forces. Demandez-vous des fonds supplémentaires? Estimez-vous avoir respecté l'engagement pris par le gouvernement en matière de réduction de l'offre avec les crédits que vous avez reçus jusqu'à présent?

M. Lesser: Comme nous l'avons signalé dans notre exposé, la plupart de nos recommandations vont dans le même sens que celles du vérificateur général qui préconise l'adoption d'une stratégie antidrogue renouvelée fondée sur une évaluation du rendement et sur d'autres bases analogues. Le chiffre que vous citez concerne uniquement les ressources fédérales. Il comprenait environ 170 millions de dollars pour couvrir les frais de la GRC, environ 170 millions de dollars pour les frais de Corrections Canada, environ 70 millions de dollars pour Justice Canada et 15 millions de dollars seulement pour Santé Canada. Ce n'est qu'un des piliers du système. Ces fonds ne couvrent pas le secteur de l'éducation parce qu'il relève de la compétence provinciale.

Le sénateur Maheu: N'avez-vous pas reçu également des fonds des provinces et des municipalités?

M. Lesser: Pour l'application des lois?

Le sénateur Maheu: Oui.

M. Lesser: Oui, mais pas pour l'éducation. La police a des programmes éducatifs dans les écoles et les frais correspondants n'ont pas été couverts. Les coûts de santé n'ont pas été couverts non plus, à part les maigres fonds qu'y consacre Santé Canada en sa qualité d'organisme de surveillance du gouvernement fédéral.

Ce chiffre de 95 p. 100 est à mon avis erroné. La plupart des activités ne sont pas couvertes par les fonds. Nous recevons certes des fonds supplémentaires des provinces et des municipalités pour l'application des lois mais pas pour l'éducation.

Le sénateur Maheu: Si vous me le permettez, je voudrais poser une question. Est-ce que vous dites que les provinces ne financent pas du tout l'éducation?

M. Lesser: Je dis que le rapport du vérificateur général ne reflète pas les dépenses faites par les municipalités au chapitre des services d'éducation et de soins de santé. Il ne couvre pas — et ce n'était pas là le but — les crédits accordés par les provinces. Ce que je dis, c'est qu'il est inexact que 95 p. 100 des fonds consacrés à la lutte antidrogue au Canada sont affectés à l'application des lois parce qu'il faut faire une distinction entre les mandats fédéraux et les mandats provinciaux.

Vous voulez savoir si nous avons besoin de fonds supplémentaires ou si ce que nous recevons est suffisant, voire trop? Il y a toujours plus à faire. Cependant, il faut d'abord examiner les programmes actuellement en place, non seulement en matière de services de police mais aussi en matière de prévention, d'éducation, de traitement et de réadaptation, et en assurer une meilleure coordination.

Comme nous l'avons dit dans cet exposé et comme l'ont indiqué également les exposés de plusieurs autres témoins, nous avons besoin d'un leadership qui regroupera les trois paliers de gouvernement — fédéral, provincial et municipal. De nombreuses autres activités sont en cours mais elles ne sont pas coordonnées. On investit des sommes considérables sans connaître les dépenses d'autres paliers de gouvernement. Le défi que votre comité et que le Canada auront à relever consiste à élaborer une stratégie qui regroupe les quatre piliers et les divers paliers de gouvernement.

Dans un premier temps, on pourrait probablement s'en tirer avec les fonds dont nous disposons actuellement, en matière d'application des lois en tout cas. On a besoin de fonds supplémentaires pour la coordination des activités, la santé et l'éducation. Plusieurs écoles n'ont pas encore de programme national d'éducation en matière de prévention. C'est la grosse différence entre nous et plusieurs autres pays dont nous avons entendu parler, comme l'Australie et les Pays-Bas.

Nous devons mettre davantage à profit les ressources actuelles. Lorsque nous aurons décelé les lacunes et que nous serons au courant de ce qui se passe, nous serons davantage en mesure de déterminer si nous avons besoin de fonds supplémentaires.

Le sénateur Maheu: Vous demandez de toute façon des fonds supplémentaires. Vous déplorez qu'on n'investisse pas suffisamment dans l'éducation mais ne pensez-vous pas que celle-ci relève de la compétence provinciale? Nous ne pouvons pas intervenir dans ce secteur. Avez-vous l'intention de demander des fonds supplémentaires pour l'éducation aux gouvernements provinciaux?

M. Lesser: Nos résolutions ont été adressées à tous les paliers de gouvernement, ainsi qu'au premier ministre, aux ministres fédéraux et à leurs homologues provinciaux.

Le sénateur Maheu: Des fonds importants sont investis dans les programmes antidrogue. On a mentionné que la police préfère les affaires liées à la drogue aux affaires de vol, de meurtre, de viol et autres affaires analogues. Est-ce en raison des fonds supplémentaires que vous avez reçus ou est-il plus facile de poursuivre des jeunes à l'école et de les arrêter pour possession simple que de poursuivre de grands criminels?

M. King: J'ai signalé que nous représentons 57 000 agents de police et que les accusations portées en ce qui concerne la drogue équivalent à moins d'une accusation par agent par an. Nous avons fait une étude à Ottawa il y a deux ans qui a révélé que 92 p. 100 des accusations pour possession étaient portées à l'occasion d'un autre délit. Par exemple des personnes arrêtées dans une voiture volée qui étaient en possession de drogues ont été accusées de vol et de possession. Dans d'autres cas, il s'agit de personnes qui ont été arrêtées pour introduction par effraction et qui étaient en possession de drogues au moment de leur arrestation.

Comme je vis dans une petite localité, je peux suivre au jour le jour ce qui s'y passe. Dans notre localité, on porte environ 150 accusations par an, soit moins d'une tous les deux jours à la suite de plaintes reçues par des agents en patrouille à vélo au sujet de problèmes liés à la boisson, au tapage ou à d'autres facteurs. Ils n'arrêtent pas les gens dans la rue pour les fouiller.

En Colombie-Britannique, les preuves sont réunies et analysées par le procureur fédéral, en raison des contraintes de la cour et d'autres facteurs. En Ontario ou en Alberta, on peut condamner quelqu'un pour possession en vue de faire du trafic par exemple alors qu'en Colombie-Britannique, il s'agit d'une accusation pour possession pure et simple parce qu'on veut procéder par déclaration sommaire de culpabilité.

Les agents veulent garder le contrôle de la situation parce que le problème de la drogue préoccupe les parents, les enseignants et les étudiants. Cependant, nous investissons nos ressources dans la répression des vols qualifiés et des délits violents parce qu'ils seront indiqués sur la fiche de rapport de nos localités.

Le nombre d'accusations liées à la drogue pourrait être beaucoup plus élevé si nous y consacrions davantage de ressources. Nous avons tellement d'autres priorités qui changent régulièrement que, pour certaines personnes, le nombre d'accusations est exorbitant. Le nombre est élevé mais, en ce qui nous concerne, les accusations de possession découlent généralement d'autres types d'accusations.

Le sénateur Maheu: Le nombre d'arrestations de jeunes de moins de 21 ans pour possession simple non liée au trafic ou à d'autres délits est-il trop élevé? Établissez-vous des statistiques? Je parle de l'Ontario.

M. King: Statistique Canada publie des statistiques pour les diverses provinces. Vous ne risquez pas moins d'être arrêté par un agent de police pour possession de drogue si vous êtes âgé de plus de 21 ans que si vous êtes plus jeune. L'arrestation est généralement liée à un autre délit qui donne lieu à ces accusations supplémentaires. Dans certains cas, il peut s'agir d'événements aussi anodins que des plaintes concernant des jeunes qui font de la planche à roulettes. On constate souvent la présence d'un autre problème à l'occasion de l'arrestation d'un jeune ou on se rend compte que ce jeune est recherché pour une autre raison ou qu'il n'a pas respecté une condition imposée par le tribunal à propos d'un autre incident. C'est à l'occasion de leur arrestation et de la fouille que l'on découvre que les jeunes sont en possession de drogue.

Le président: Monsieur King, vous avez dit qu'aux États-Unis, on investit l'équivalent de 12 $ par habitant dans la prévention. Pensez-vous que ce soit efficace?

M. King: Je n'ai pas participé aux évaluations américaines mais je vous signale qu'il y a une dizaine ou une quinzaine d'années, Santé Canada avait investi des ressources importantes dans la communication d'un message cohérent à travers le pays. Cette initiative avait été prise en collaboration avec la compagnie Shoppers Drug Mart et de nombreux autres partenaires et son coût s'élevait à environ 1 million de dollars par an pendant cinq ans. Les messages publicitaires étaient échelonnés dans les médias, y compris à la télévision.

Ce genre d'information et de dépenses préventives font défaut actuellement. Les jeunes ont besoin d'outils, ils ont besoin d'informations qu'ils sont capables de comprendre et qui les incitent à réfléchir, pour avoir un point d'appui lorsque leurs camarades les encouragent à consommer. Nancy Regan a mis en place une campagne contre la drogue intitulée Dites non. Que faire si vous n'arrivez pas à dire non et que beaucoup d'autres personnes n'y arrivent pas non plus. Il faut intervenir.

Vous vous demandez s'il est efficace d'investir des fonds dans des campagnes nationales de sensibilisation communiquant un message cohérent? Je pense que oui. Je ne pourrais pas dire avec précision si c'est plus efficace que d'autres stratégies mais l'absence de sensibilisation a des incidences très négatives.

Le président: Nous sommes des partisans convaincus d'une éducation appropriée de toute la population. Cela fera l'objet d'une de nos principales recommandations. Pensez-vous toutefois que cela ait une influence sur le degré d'utilisation? Si la population est informée des conséquences de la consommation abusive d'une substance, les personnes concernées se borneront-elles à en faire une consommation occasionnelle? Personne ici n'est capable de confirmer si, aux États-Unis, un investissement de 12 $ par habitant dans la prévention a une influence directe sur le degré d'utilisation. Il est le même qu'au Canada.

M. King: Les États-Unis font un gros investissement dans la prévention mais je pense que le problème a atteint un degré d'acuité beaucoup plus marqué qu'au Canada. Nous ne tenons pas à en arriver là. D'après le nombre de prisons et de détenus, notre taux de criminalité n'a pas encore atteint le même niveau qu'aux États-Unis.

Le président: Nous nous intéressons aux chiffres concernant les étapes préjudiciaires, notamment au degré de consommation à l'échelle de la population. Nous avons examiné des programmes, des lois et des politiques de divers autres pays et nous sommes pratiquement convaincus qu'ils n'ont aucune influence sur le niveau de consommation. Si l'on compare les statistiques concernant des pays très prohibitionnistes comme la Suède ou les États-Unis aux chiffres concernant des pays libéraux comme la France, les Pays-Bas, l'Allemagne ou la Suisse, on constate que le niveau de consommation de drogues est semblable. Cela veut dire qu'un autre facteur intervient.

La prévention passe par l'éducation de la population. C'est un point sur lequel nous sommes tous d'accord mais quelle influence a-t-elle sur la prévalence de la substance? Ce serait très bien de dépenser 12 $ par habitant au Canada pour l'éducation si cela aidait la population à comprendre ce qu'elle fait. Il est illusoire de croire que cela nous débarrassera du problème de la drogue à l'échelle nationale.

M. King: Je ne pense pas que nous ayons dit cela. Presque tous les documents que nous avons publiés au cours des cinq dernières années recommandent de faire de la recherche. Nous pensons qu'il faut faire des études appropriées sur les incidences avant que des décisions ne soient prises. Comme vous le dites, je ne pense pas qu'on puisse être sûr d'obtenir tel ou tel résultat en investissant tel ou tel montant.

La grosse majorité des jeunes Canadiens sont très bien. Certains jeunes ont déjà dépassé la limite et d'autres sont juste à la limite mais la plupart d'entre eux sont très bien. Il faut agir sur plusieurs fronts, comme dans le cas de la conduite en état d'ébriété ou des sièges de voiture pour enfants ou encore dans celui de l'utilisation de la ceinture de sécurité. On n'atteindra pas le but si plusieurs maillons de la chaîne manquent. Si la prévention pouvait dissuader mes petits-enfants de consommer de la drogue, j'en serais heureux.

M. Lesser: Je n'ai pas les chiffres sous la main mais, au cours des six derniers mois, l'Office of National Drug Control Policy américain a publié des statistiques indiquant que la consommation de certaines drogues avait considérablement diminué aux États-Unis.

Le président: Le chiffre est de 1 p. 100.

M. Lesser: Un pour cent de la population américaine, c'est beaucoup de personnes, surtout s'il s'agit de vos enfants ou des miens. Je ne pense pas que les résultats changent selon qu'il s'agit d'une étude étalée sur deux, cinq ou dix ans. Une étude américaine sur le tabagisme étalée sur une période de plus de 15 ans, qui a coûté 15 millions de dollars, a permis de constater que c'est un problème qui touche l'ensemble de la collectivité et que le programme en question n'avait aucune influence. Il faudra faire l'éducation à la fois des parents et des enfants.

Même si les enfants sont ciblés dans le cadre des meilleurs programmes qui soient sur la conduite sécuritaire, sur les méfaits du tabagisme ou sur ceux des drogues illicites, le comportement ne changera pas en une génération s'ils ne vivent pas dans un milieu familial propice ou s'ils sont prédisposés génétiquement à la toxicomanie. C'est un défi qui s'étendra sur plusieurs générations.

Il y a toutefois un début à tout et il faut s'attaquer au problème à un moment ou l'autre. Il est facile de dire, après avoir reconnu un problème, qu'on pourra le régler en légalisant la consommation de drogues. Le défi est bien plus complexe lorsqu'il s'agit de chercher une solution à long terme. Nous ne verrons peut-être pas de différence chez nos enfants mais j'espère bien que nous en verrons une chez nos petits-enfants. C'est un effort de longue haleine.

M. Boyd: En ce qui concerne nos programmes de prévention, je ne pense pas que nous ayons fait des efforts suffisants dans ce domaine, quels que soient les critères d'évaluation sur lesquels on se base, et que les programmes en place soient efficaces. Je dis cela en partie parce que le Centre de toxicomanie et de santé mentale vient de terminer une étude consistant à déterminer les initiatives qui sont efficaces et celles qui ne le sont pas. À l'échelle du pays, nous avons fait tout notre possible pour éduquer et sensibiliser les jeunes mais c'est un domaine où l'on a surtout besoin de formation dans le domaine affectif pour entraîner un changement d'attitude ou de comportement. C'est un domaine où l'éducation et la formation sont particulièrement ingrates.

On attend avec impatience ce rapport du Centre de toxicomanie et de santé mentale pour savoir ce qui se passe. Quand il paraîtra, les éducateurs, les enseignants, les responsables de la santé, les conseillers en traitement et les agents de police restructureront probablement les programmes actuels pour tenter d'adopter des méthodes efficaces. C'est une question de recherche et d'utilisation des résultats de cette recherche pour changer son fusil d'épaule et accroître l'efficacité des programmes en place.

Le sénateur Maheu: Quel genre de formation donne-t-on aux agents de police qui ont affaire aux jeunes? Je parle de possession simple. Dit-on aux agents de police de ne rien laisser passer aux jeunes parce que c'est illégal d'avoir des joints en poche? Je ne parle pas de cas liés à d'autres délits. Il est un fait qu'ils ont acheté des joints mais est-ce qu'on fait l'éducation des agents de police en ce qui concerne la possession simple?

M. Boyd: Les agents de police sont tellement occupés à répondre aux appels et à intervenir dans les cas d'infraction avec violence qu'ils n'ont pas le temps de s'intéresser à la possession de marijuana.

Je rappelle que, comme l'a signalé M. King, les agents de police découvrent parfois que les interpellés sont en possession de marijuana dans le cadre d'une enquête ou d'une arrestation liées à d'autres types de délits.

En ce qui concerne les agents de police de Toronto, ils n'ont vraiment pas le temps de se soucier d'accusations pour possession de marijuana. La seule exception sont les agents qui travaillent dans les petits quartiers ou dans les petites localités et essaient de répondre aux besoins de la collectivité. Ces agents consacrent leurs efforts à améliorer la situation. Cependant, d'une manière générale, nous n'avons plus le temps de nous préoccuper de la possession de drogue.

Dans divers milieux, on a parfois l'impression que la police voudrait intervenir à ce niveau. J'avoue franchement que nous sommes à la limite de nos capacités alors que le nombre de délits ne cesse d'augmenter.

Le sénateur Maheu: C'est la situation dans les très grandes villes. Je me demande si M. King pourrait nous parler de quelques plus petites localités.

M. King: J'ai été à Toronto et à Mississauga qui constituent en fait un groupement de plusieurs collectivités. Dans des régions comme les nôtres, de petits problèmes prennent parfois beaucoup d'importance aux yeux de la collectivité. Par exemple, un vendredi soir, dix amateurs de planche à roulettes qui s'amusent sur le monument érigé à la mémoire des anciens combattants peuvent susciter une réaction tout aussi vive qu'un grave incident dans une grande ville. Les habitants du quartier nous appellent pour nous demander d'interpeller ces jeunes. Dans des cas analogues, même si nous n'avions pas initialement l'intention de leur demander s'ils sont en possession de drogues, nous en trouvons souvent.

Vous avez parlé d'éducation des agents de police. Il ne faut pas oublier que les drogues sont une substance illicite. Faut-il dire aux agents de fermer les yeux? Nous ne pouvons tout de même pas faire ça. S'ils trouvent une substance illicite, ils doivent la saisir et la remettre à leurs supérieurs.

Dans nos résolutions antérieures et dans la présente déclaration, nous avons abordé le sujet des mesures de remplacement. Nous n'avons rien contre les mesures de remplacement pour autant qu'elles soient mûrement réfléchies et qu'elles fassent partie d'une stratégie globale. Ce que nous craignons, c'est que si l'on opte pour le traitement ou pour les services de consultation, on constate qu'il y a un long délai d'attente. Dans ce cas, nous savons que les jeunes auront à nouveau affaire à la justice avant d'avoir eu l'occasion de recevoir des services de consultation. C'est ce qui nous préoccupe. Nous voulons que l'on fasse une évaluation globale des méthodes qui pourraient être efficaces.

Nous avons essayé d'apporter des améliorations à notre politique en 1999. Nous ne préconisons pas la légalisation de la drogue mais nous avons besoin d'outils. Nous avons besoin d'autres méthodes qui soient efficaces. Nous clamons haut et fort depuis deux ou trois ans qu'un casier judiciaire pour possession ou une déclaration sommaire de culpabilité ne sont pas appropriés en ce qui concerne les jeunes. Nous pensons que l'on peut avoir recours à d'autres méthodes au cours de cette étape préjudiciaire pour autant que l'on ne se trouve pas en présence d'autres circonstances particulières.

Le sénateur Maheu: Une des raisons pour lesquelles je pose cette question, c'est que certains jeunes ont finalement un casier judiciaire et que je me demande quand ils arriveront à s'en débarrasser, s'ils y arrivent un jour.

M. Lesser: En ce qui concerne la formation des agents de la GRC à Regina, je signale que la plupart des recrues sont âgées d'environ 25ans, tout au plus 27 ans, et ont par conséquent grandi dans une société un peu plus libérale que nous. Ces agents ne sont pas nécessairement en faveur de l'incarcération systématique des jeunes qui fument un joint. Je pense qu'ils ont une mentalité différente lorsqu'ils s'engagent dans la police.

Dans tous les services de police, même à l'échelle communautaire, on enseigne aux agents d'examiner diverses options. Un des scénarios que l'on utilise comme exemple à Regina est un groupe de jeunes qui fument des joints dans le centre commercial local. Ce qu'on apprend aux nouvelles recrues, c'est que si l'on peut continuer à dresser procès- verbal et à les faire comparaître devant un tribunal, on peut aussi essayer d'intervenir au niveau de la collectivité, au niveau des jeunes, des commerces et des centres de loisirs. On peut envisager d'autres solutions à l'échelle communautaire. C'est ce qu'on leur enseigne.

Nous avons parlé de chiffres et je sais que c'est un des facteurs qui vous préoccupe et qui préoccupe également d'autres personnes lorsqu'on examine ce genre de problèmes. De nombreux chiffres ont été cités. Je recommande de jeter un coup d'oeil attentif sur ces chiffres et d'essayer de savoir ce qu'ils veulent dire.

Un de ces chiffres par exemple indique que 55 000 personnes ont été accusées de possession. Dans le rapport de 1999 du vérificateur général, le nombre était d'un peu plus de 21 000. Ce chiffre ne représente pas un pourcentage important d'une population de 30 millions de personnes. Cependant, nous savons qu'un grand nombre de ces 21 000 personnes ont été accusées pour culture de 200 plants ou plus de marijuana et que ces accusations ont été réduites à des accusations de possession simple. Ce chiffre couvre aussi d'autres cas auxquels mes collègues ont fait allusion et inclut des personnes initialement accusées de possession dans le but de faire le trafic, accusations qui ont été remplacées par celle de possession simple.

Lorsqu'il s'agit de jeunes âgés de 17 ans ou moins, les accusations sont portées aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants. Lorsqu'ils atteignent l'âge de 18 ans, ils n'ont pas de casier judiciaire. Par conséquent, les étudiants du niveau secondaire qui sont reconnus coupables de possession simple n'ont pas de casier judiciaire et commettront le même type de délit lorsqu'ils auront 18 ans ou plus. Les chiffres sont souvent interprétés, volontairement ou non, de diverses façons.

Le sénateur Maheu: Voulez-vous dire que le nombre de personnes accusées de possession est plutôt de 21 000 que de 60 000?

M. Lesser: Je cite le chiffre publié dans le rapport du vérificateur général de 1999: 21 381 cas de possession.

Le président: Monsieur Boyd, vous avez dit que la teneur en THC était de 31 p. 100. Sur quelles informations vous basez-vous? Nous avons posé la question à de nombreuses reprises. Aux États-Unis, le taux de THC enregistré est de 15 p. 100.

J'ai notamment posé la question au surintendant Lesser.

Quelqu'un a signalé que le fait qu'il fallait 30 grammes pour qu'interviennent les dispositions de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pose un problème. Est-ce que c'est trop? Voulez-vous que l'on réduise la quantité à cinq grammes?

M. Boyd: Nous estimons que c'est trop; cependant, il serait utile d'en discuter avec des représentants d'autres milieux que ceux de la police. En ce qui concerne la possession pour usage personnel, 30 grammes, c'est beaucoup et nous pensons qu'il faut réexaminer la question.

Le président: Je présume que lorsque le gouvernement a fixé cette limite, il s'est inspiré de ce qui se faisait à Amsterdam. Depuis lors, la quantité a été réduite à cinq grammes aux Pays-Bas. C'est pourquoi je dis qu'il serait peut- être bon d'adopter la même limite.

Monsieur Lesser, vous avez signalé que les opinions des chefs de police au sujet de la décriminalisation avaient été mal interprétées et que cette interprétation erronée avait été répandue à travers le monde. Vous avez laissé entendre que cela s'était retourné contre vous. Quelle a été la réaction des Américains lorsqu'ils ont appris que leurs voisins du Nord étaient en faveur de la décriminalisation de la marijuana?

M. Lesser: Nous avons expliqué notre position aux Américains. Nous leur avons dit que nous étions prêts à envisager des mesures judiciaires de rechange à certaines conditions, consistant en l'occurrence à opter pour la décriminalisation ou peut-être pour une contravention; ils ont alors mieux compris. La presse a largement diffusé la rumeur que les chefs de police étaient en faveur de la légalisation ou de la décriminalisation. Nous avons toutefois mis un certain nombre de conditions et je pense que M. Boyd a signalé dans son exposé que ces conditions n'avaient pas été remplies, notamment que le gouvernement n'avait pas intensifié ses efforts en matière d'éducation.

M. King a abordé plusieurs de ces questions avec ses collègues américains.

M. King: À cette époque, on interprétait la légalisation de la marijuana à des fins médicales comme de la décriminalisation. Si nous avons élaboré une politique, c'est pour définir — même si c'est à notre façon — les concepts de légalisation et de décriminalisation. La difficulté a surgi lorsqu'un journal a répandu le bruit que nous étions en faveur de la décriminalisation de toutes les drogues. C'est ce qui est à l'origine des difficultés qui ont surgi à l'échelle mondiale. Nous en subissons encore les conséquences.

Nous avons donné des explications à nos collègues américains et la déclaration que nous vous avons remise aujourd'hui reflète fidèlement nos opinions. Elles n'ont pas changé depuis 1999 sauf que nos deux associations sont d'accord et que nous avons étoffé notre position.

Le plus important, c'est que nous ayons dit que les chefs de police avaient décidé de faire preuve d'ouverture d'esprit et d'examiner un plus grand nombre d'options et que nous reconnaissons qu'il y a d'autres options raisonnables et nécessaires. À notre époque, il n'est pas facile de relever la barre parce que la plupart de nos collègues nous demandent quels sont les antécédents et disent que nous avons imposé de nombreuses conditions mais que si les autres conditions ne tiennent pas debout, on se contentera de n'en respecter qu'une partie. Nous n'avons pas de stratégie globale comme telle.

C'est la raison pour laquelle nous avons établi des conditions qui n'ont malheureusement jamais été mentionnées par les médias. Nous estimons que c'est une position responsable. Nous le pensions alors et nous en sommes toujours convaincus. Nous pensons que notre position est actuellement renforcée par la signature de l'Association canadienne de police et nous essayons d'obtenir également l'appui de la Fédération canadienne des municipalités. Nous pensons y arriver.

Nous voulions établir un dialogue pour nous permettre de rencontrer les personnes qui prendront les décisions. Nous estimons que cette possibilité de tenir des consultations sérieuses et de faire des recommandations est une excellente occasion pour le Canada.

Nous apprécions l'occasion que vous nous donnez d'exprimez nos opinions.

Le président: La loi a-t-elle un effet dissuasif sur la consommation de drogues?

M. Lesser: Je pourrais peut-être citer un cas qui n'est pas lié à la drogue, puis voir si, en toute logique, il peut être appliqué à celle-ci.

La conduite en état d'ébriété est un exemple de choix. Au cours des années 70 et au début des années 80, il était tout à fait acceptable de reprendre le volant en état d'ébriété. Ceux qui attendaient de ne plus être en état d'ébriété étaient des héros. Plus tard, un programme d'éducation comprenant notamment des déclarations publiques a été mis en place. Quelques dizaines d'années plus tard, ce genre de comportement n'était plus très acceptable socialement.

Certaines personnes continuent de prendre le volant après avoir trop bu. Pour les personnes qui ne comprennent pas le message, il faut prévoir des mesures dissuasives. Je crois que nous avons toujours besoin de nos lois en matière de conduite en état d'ébriété parce que, même si l'optique de la société a changé d'une façon générale, certaines personnes n'ont pas encore compris le message. Ces personnes-là ont besoin de mesures plus coercitives. C'est donc pour elles qu'on maintient les règlements qui permettent de leur retirer leur permis de conduire et de leur interdire de prendre le volant, afin d'épargner des vies.

La ceinture de sécurité est un cas analogue. On a maintenu certaines sanctions. Et même dans le cas du tabagisme, si le gouvernement fédéral fait tout ce qu'il peut pour décourager les gens de fumer, les municipalités ont pris des arrêtés ou des règlements qui indiquent les lieux où il est permis et ceux où il est interdit de fumer et qui interdisent la vente de cigarettes aux mineurs.

Dans la plupart des cas où l'on arrive à provoquer un changement de comportement, cela se fait par le biais de mesures de prévention ou de sensibilisation aux risques pour la santé et par le biais de mesures dissuasives. J'estime qu'il faut appliquer le même principe en ce qui concerne les drogues.

Le président: L'élément qui manque est donc la réaction sociale à l'égard d'une attitude.

M. Lesser: C'est l'acceptation.

Le président: Si le milieu social n'accepte pas ce comportement, les mesures dissuasives seront efficaces. Sinon, elles seront vaines.

M. Lesser: C'est important. Les gens pourraient dire qu'il ne sert à rien d'adopter une loi rien que pour le principe et qu'il faut qu'elle repose sur des motifs, quels qu'ils soient, qu'il s'agisse de conduite à 120 km/hre sur la 401 ou de consommation de diverses drogues. Si l'on n'éprouve aucun respect pour une loi ou qu'on ne la valide pas, les mesures de mise en application ne seront pas utiles.

Ce fut le cas au Canada en ce qui concerne la législation fiscale qui n'empêche pas que payer sous la table soit une pratique largement acceptée. Quant à savoir si cette situation est due à une décision politique ou non, il faudrait en discuter.

La situation est la même en ce qui concerne la contrebande d'alcool et de tabac. Il y a plusieurs années, elle était acceptée. Ce qui a le plus d'influence à cet égard, c'est la diminution des taxes sur les cigarettes et l'alcool. Elle a résolu de nombreux problèmes de criminalité dans ce secteur.

Le président: Ce n'était pas une question de contrebande mais d'évasion fiscale.

M. Lesser: Les citoyens détestent de devoir payer des taxes. Je me demande pourquoi.

Le président: Personne n'aime payer des taxes.

Je m'efforce de penser à l'importance des attitudes de la société à l'égard d'un délit criminel ou d'une infraction. Si un nombre croissant de Canadiens ne désapprouvent pas un délit, on aura beau faire ce qu'on veut, on n'appréhendera, bon an mal an, que 1,5 à 2 p. 100 des consommateurs.

M. Lesser: Vous dites que si un pourcentage élevé de la population ne désapprouve pas la possession de cannabis, aucune loi ne pourra l'empêcher, c'est probablement vrai. Je dirais toutefois que la population doit être bien informée. Elle doit être au courant des informations que publie l'Association médicale canadienne ainsi que d'autres organismes médicaux.

Dans ce domaine, la recherche est loin d'être aussi poussée qu'en ce qui concerne le tabac. On publie actuellement dans les journaux des messages publicitaires indiquant que chaque année, 45 000 Canadiens décèdent des suites du tabagisme. Personne ne conteste ce chiffre. Il est accepté.

La plupart des études dont vous avez entendu parler communiquent des messages contradictoires. Lorsqu'un chercheur publie les résultats d'une étude, d'autres font immanquablement des déclarations contradictoires.

Quelques questions simples que j'aurais tendance à poser en tant qu'agent de police et que parent sont: combien de joints faudrait-il que je fume et quelle devrait être leur teneur en THC pour que mes facultés soient affaiblies? Quelle quantité faudrait-il pour que mes facultés soient trop affaiblies pour conduire en toute sécurité un véhicule, ou pour manoeuvrer une souffleuse à neige ou une tondeuse à gazon? Quel est l'effet cumulatif d'un ou deux joints et de quelques bouteilles de bière? Ce sont des questions élémentaires. Malgré les lois actuelles, plusieurs personnes prennent le volant après avoir fumé des joints ou après avoir bu. Nous ne connaissons pas les effets exacts de ces habitudes. Nous n'y portons pas une attention particulière.

Le président: Je dirais qu'on fait beaucoup de recherche à ce sujet. Encore faut-il que les résultats soient diffusés.

M. Lesser: Je pense qu'on a besoin de réponses.

Le président: En France, depuis environ 18 mois, et maintenant au Québec depuis un mois, on diffuse des brochures pour informer la population. En France, les attitudes des citoyens ont changé après la publication de cette brochure, pas à l'égard de l'interdiction, mais on essaie de mieux comprendre la situation et de savoir quelles dispositions législatives devraient être adoptées. Une population informée réagit intelligemment.

C'est pourquoi j'insiste sur le fait que l'aspect social de l'attitude est très important pour que vos efforts soient efficaces. Sinon, ils sont inutiles.

M. King: On ne peut assurer une surveillance policière qu'avec le consentement de la société.

Le président: C'est une simple question de sagesse.

Nous examinerons vos mémoires. Nous aurions préféré les recevoir d'avance pour être mieux préparés. Nous avons accès à vos sites Web et nous y avons examiné vos communiqués. Nous lirons attentivement votre mémoire et nous examinerons la déclaration que vous avez mentionnée.

Je vous communiquerai par écrit les autres questions que nous voudrions éventuellement vous poser et nous les publierons, avec les réponses, sur notre site Web. Je vous remercie.

[Français]

Le président: Ceci conclut nos travaux de la journée. Avant de mettre fin à cette séance, je tiens à rappeler à tous ceux et celles qui s'intéressent aux travaux du comité qu'ils peuvent lire et s'informer sur le sujet des drogues illicites en rejoignant notre site Internet à l'adresse suivante: www.parl.gc.ca. Vous y retrouverez les exposés de tous nos témoins, leur biographie, toute la documentation argumentaire qu'ils auront jugée nécessaire de nous remettre, ainsi que plus de 150 liens Internet relatifs aux drogues illégales. Vous pouvez aussi utiliser cette adresse pour nous transmettre vos courriels.

Au nom du Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites, je désire vous remercier de l'intérêt que vous portez à notre importante recherche.

La séance est levée.


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