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ILLE - Comité spécial

Drogues illicites (spécial)


Délibérations du comité spécial sur les
drogues illicites

Fascicule 19 - Témoignages


MOUNT PEARL, le mardi 4 juin 2002

Le Comité sénatorial spécial sur les drogues illicites se réunit aujourd'hui à 8 h 34 afin de réexaminer les lois et les politiques antidrogues canadiennes.

Le sénateur Pierre Claude Nolin (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Bonjour à tous et bienvenue à nos audiences.

Le but de la séance d'aujourd'hui est d'élargir le débat public sur les lois et les politiques antidrogues canadiennes en ce qui a trait au cannabis.

Il nous fait plaisir d'être accueillis par les gens de Mount Pearl, et les représentants de Mount Pearl. Un de vos conseillers nous a accueillis hier soir. Nous remercions la population de Mount Pearl d'avoir accepté notre invasion.

Hier soir, nous avons entendu des gens qui ont participé à une table ronde et quelques représentants du public. Ce matin, des ONG locales et régionales viennent nous parler des drogues illicites, plus particulièrement du cannabis.

Notre premier témoin ce matin est le maire adjoint de la ville de Mount Pearl, M. Steve Kent.

M. Steve Kent, adjoint au maire, Ville de Mount Pearl: Au nom du conseil municipal, j'aimerais souhaiter la bienvenue au comité du Sénat et à son personnel de soutien dans notre ville, et naturellement, notre nouvel hôtel de ville. Nous sommes ravis d'accueillir une institution aussi importante pour le Canada. Nous espérons que votre séjour ici vous a plu jusqu'à présent et nous vous souhaitons une autre journée productive et agréable avec nous aujourd'hui.

En tant que maire adjoint du Conseil municipal de Mount Pearl, je copréside la Stratégie municipale de lutte antidrogue de Mount Pearl avec le conseiller John Walsh que vous avez rencontré hier soir. En plus de mes responsabilités municipales, je suis directeur exécutif de Big Brothers/Big Sisters de l'est de Terre-Neuve, et je suis ancien président du Comité pour la prévention du crime chez les jeunes de Mount Pearl. Le conseiller Walsh est directeur d'une de nos écoles secondaires ici à Mount Pearl.

Le rôle d'un gouvernement municipal est de veiller au développement général et à l'amélioration d'une saine collectivité. Notre mandat est exécuté dans le contexte du respect, de la participation, du soutien, du partenariat, du leadership, de la collaboration, de la responsabilisation et des meilleures pratiques. Nous sommes d'avis que le développement et le bien-être de la collectivité comprennent la santé sociale, économique, physique, mentale et environnementale de tous ceux qui vivent et travaillent dans notre ville et qui viennent la visiter. Notre ville est un endroit vibrant où il fait bon vivre et élever une famille. Elle se trouve au centre de la région nord-est d'Avalon, et joue un rôle clé dans la croissance et le développement économique de notre région.

Mount Pearl compte un peu plus de 25 000 habitants, dont 47 p. 100 âgés de moins de 30 ans. Notre profil démographique a été l'une des principales raisons pour laquelle nous avons été choisis avec huit autres municipalités pour participer au programme de la Stratégie antidrogue de la Fédération canadienne des municipalités. Le programme nous donne l'occasion de mettre l'accent sur les problèmes d'alcool et de drogues chez nos jeunes. Notre municipalité est une collectivité de classe moyenne, qui n'est pas sans problèmes ou préoccupations socio-économiques. Mount Pearl est généralement considérée comme étant une collectivité assez affluente dans le contexte provincial, et bien en mesure de subvenir à ses besoins. Naturellement, cela peut mener parfois à certains problèmes particuliers de la classe moyenne, notamment, l'accès facile à l'argent pour les jeunes, deux parents qui travaillent et qui sont très occupés et dont les horaires exigeants font en sorte que les enfants restent seuls à la maison, tant la semaine que la fin de semaine, et parfois aussi la banalisation de l'alcool.

Le cannabis est facilement accessible dans notre collectivité, et il est facilement accessible chez nos jeunes. Il semble y avoir une acceptation sociale et culturelle croissante de l'usage du cannabis. Tout indique que les jeunes consomment occasionnellement du cannabis. En fait, notre patrouille d'été dans les parcs nous a permis de constater que certains jeunes ne s'inquiètent pas trop d'être pris sur le fait. Par ailleurs, l'âge d'expérimentation de l'alcool et du cannabis semble diminuer, et la consommation de drogues est une préoccupation croissante dans les écoles secondaires de premier cycle. En tant que dirigeants communautaires, nous pouvons parler pour les parents, les éducateurs et la communauté en général, lorsque nous disons que c'est une préoccupation réelle dans notre collectivité. Pour cette raison, nous vous félicitons d'avoir pris l'initiative de ce genre de consultations auprès des collectivités.

Nous sommes extrêmement encouragés par le processus d'audiences publiques qu'a entrepris le comité sénatorial spécial, processus que nous appuyons, afin de se pencher clairement sur les questions entourant la distribution illégale, la vente, la consommation et les influences criminelles des drogues, particulièrement du cannabis.

La question de la légalisation du cannabis est une question complexe, et je ne prétends certainement pas être un expert en la matière. Bien qu'il n'y ait pas eu de sondage officiel, je doute que la population d'âge légal de Mount Pearl appuie la décriminalisation du cannabis. En même temps, il y a des arguments probants tant pour que contre la décriminalisation. On sait que l'application de la Loi sur le cannabis au Canada coûte environ 400 millions de dollars par an. En ce qui a trait à l'impact pour la société, un casier judiciaire pour possession de cannabis a des conséquences énormes aux niveaux social, professionnel et économique. Nous savons par ailleurs que les ressources sont inadéquates pour les programmes de traitement et prévention nécessaires. Je crois par ailleurs qu'un segment de notre population poserait la question suivante: «Dans quelle mesure voulons-nous que la loi nous dicte nos propres comportements en matière de santé? Où doit-on tirer la ligne?»

La Ville de Mount Pearl estime qu'il est nécessaire d'éduquer plus clairement le public et les décisionnaires afin qu'ils aient davantage de connaissances scientifiques pour mieux cerner le milieu de la drogue illicite, et particulièrement les conséquences pour la santé. On est loin de bien connaître et comprendre cette question très complexe. Les Canadiens doivent être mieux informés afin d'être en mesure de participer à un dialogue public valable qui pourra ultimement influencer les décisions de politique publique. Comme nous sommes un organisme municipal, nous ne sommes pas en mesure de prendre une décision relativement à une politique pour légaliser une drogue. Nous préconisons cependant le développement et la durabilité d'une saine collectivité en général.

La Stratégie antidrogue municipale est un projet qui met l'accent sur une réponse intégrée à l'abus des drogues et de l'alcool à l'échelle de notre collectivité. Le projet s'appuie sur quatre piliers: la sensibilisation et l'éducation, l'application et le traitement. Un autre élément important de ce programme est le partenariat. Nous travaillons avec des agences qui desservent les jeunes, les groupes de jeunes, les écoles, la police, les fournisseurs de santé communautaire et le ministère des Parcs et des loisirs afin d'encourager la participation des jeunes. Encore une fois, nous encourageons fermement le public et tous les paliers de gouvernement à appuyer l'élaboration et l'amélioration des programmes de stratégie antidrogue municipaux.

Le processus de consultation du Comité sénatorial spécial sur les drogues illicites donne l'occasion aux municipalités de recommander au gouvernement d'appuyer les programmes qui améliorent la santé de tous les citoyens et particulièrement de nos jeunes. Ce processus de consultation a créé un environnement qui permet de mettre à nouveau l'accent sur les problèmes auxquels nos jeunes font face. Si l'on fait un petit examen environnemental, on s'aperçoit que les services offerts aux jeunes sont toujours fragmentés et qu'il y a des lacunes au niveau du type de services offerts aux jeunes dans toute notre région.

À partir du modèle de développement et de santé globale de la collectivité, nous préconisons l'amélioration de programmes accessibles au moyen d'un guichet unique afin que les jeunes puissent avoir accès à ces programmes auprès des intervenants en matière de santé, et dans le cadre des activités de loisirs, des initiatives de défense des intérêts des jeunes et des services d'emploi. Nous sommes d'avis que ce type de développement crée un environnement qui encourage le renforcement de la capacité communautaire et la collaboration des services pour les jeunes.

Nous aimerions faire les recommandations suivantes selon notre expérience et conformément à notre mandat de gouvernement municipal.

Tout d'abord, nous appuyons le maintien d'un processus de consultation qui est une occasion de sensibiliser et d'éduquer le public et qui lui donne la possibilité de participer.

Deuxièmement, nous appuyons le financement de programmes qui aident au développement de notre population de jeunes, notamment, les projets pilotes et de démonstration, comme la Stratégie antidrogue de la Fédération canadienne des municipalités, les programmes de surveillance scolaire, et cetera.

Troisièmement, nous appuyons les politiques publiques qui visent à prévenir les conséquences négatives de l'alcoolisme et de la toxicomanie et qui préconisent une intervention.

Quatrièmement, nous appuyons et encourageons la collecte continue d'informations et de compétences scientifiques qui permettent de prendre des décisions éclairées en matière de politique.

Cinquièmement, la ville appuie le comité sénatorial spécial qui contribue à stimuler le débat et encourager la consultation publique sur les drogues qui exigent une politique publique.

Enfin, nous appuyons un engagement permanent du gouvernement fédéral à l'égard du financement durable pour que les municipalités puissent trouver de nouvelles façons d'offrir des services aux jeunes et aux familles qui mettent l'accent sur une vie saine.

Je vous remercie beaucoup de l'occasion qui m'a été donnée de vous présenter cet exposé au nom de la Ville de Mount Pearl ce matin. Je vous souhaite bonne chance dans vos délibérations et j'espère que vous profiterez du reste de votre séjour dans notre belle province.

Je vous invite maintenant à me poser des questions si vous en avez ce matin.

Le sénateur Banks: Merci beaucoup de votre hospitalité et de nous avoir présenté cet exposé ce matin. Qu'avez-vous besoin de savoir dans la Ville de Mount Pearl? Vous avez dit à plusieurs reprises qu'il fallait avoir davantage d'information et faire plus de recherche. De quel genre d'information avez-vous besoin à l'heure actuelle au sujet du cannabis en particulier?

M. Kent: Je crois qu'en général, le public est mal informé et peu sensibilisé à la question. Comme je l'ai dit, je crois que la majorité de nos citoyens ne seraient pas en faveur de la décriminalisation du cannabis aujourd'hui. Cependant, j'ai l'impression qu'ils ne sont pas vraiment sensibilisés à la question et qu'ils ne comprennent pas vraiment le pour et le contre. Je pense que cela se reflète peut-être dans le nombre de personnes que nous avons vues hier soir et que nous verrons peut-être aujourd'hui ici. Je me demande si le taux de participation de la collectivité au processus n'est pas attribuable au fait que les gens ne soient pas très bien informés sur la question.

Je pense qu'il est nécessaire de faire d'autres recherches vraiment scientifiques, financées par le gouvernement, afin que les Canadiens disposent d'information et de conclusions plus solides, plus définitives, sur les drogues illicites comme le cannabis. J'ai entendu des arguments convaincants pour les deux points de vue. Cependant, en tant que jeune qui a grandi dans cette collectivité, presque tout ce que j'ai entendu est du oui-dire et provient de diverses sources informelles. Je n'ai pas vu de recherches ou de preuves convaincantes qui puissent me permettre de décider clairement si le cannabis devrait être légalisé et quelles en seraient les conséquences réelles.

Le sénateur Banks: Je pense que la plupart des gens seraient d'accord pour dire qu'en général, il vaut mieux éviter toute drogue psychodysleptique.

M. Kent: Absolument. Je pense que cela est vrai, particulièrement en ce qui a trait aux jeunes. Naturellement, que le cannabis soit ou non un jour légalisé dans une certaine mesure ou non, nous reconnaissons que toute drogue a des effets négatifs et nous voulons certainement détourner les jeunes de l'alcool ou d'autres drogues, comme le cannabis. C'est une préoccupation constante en ce qui a trait à nos jeunes. Il semble qu'ils font l'expérience de drogues comme l'alcool de plus en plus tôt. Cela préoccupe considérablement les dirigeants de la collectivité comme nous.

Je suis certainement d'accord avec vous lorsque vous dites que cela a des effets négatifs comme pour la consommation d'alcool et de tabac. Cependant, à mon avis, il faudrait faire davantage de recherche pour que les Canadiens soient mieux informés lorsqu'ils prennent des décisions qui ont des conséquences pour leur santé, leur bien- être et leur sécurité dans notre société.

Le sénateur Banks: Pouvez-vous nous dire quelles raisons convaincantes vous avez entendues en faveur de la décriminalisation, ou la légalisation du cannabis? Nous avons entendu des arguments sérieux de gens d'expérience qui nous ont dit que dans certains cas, le cannabis en particulier pouvait être consommé pour des raisons médicales. Cependant, cela est vrai également de l'héroïne. Dans certains cas, on prescrit de l'héroïne et de la codéine et toutes sortes d'autres substances psychodysleptiques. Cependant, ce sont là des substances contrôlées et elles sont illégales. On ne peut pas acheter et vendre de la cocaïne ou de grandes quantités de codéine ou d'héroïne pure. Quel genre d'arguments convaincants avez-vous entendus en faveur de la légalisation ou de la décriminalisation du cannabis?

M. Kent: Je tire mes renseignements de conversations avec ma famille, mes amis et d'autres membres de la collectivité. Je ne prétends pas posséder une base solide ou suffisante sur cette question. Certains des arguments que d'aucuns, selon moi, semblent prendre pour preuve à l'appui de la légalisation et de la décriminalisation reposent sur des mythes. Cependant, il semble que la décriminalisation du cannabis à des fins médicales jouit d'une faveur réelle. C'est un sentiment que j'entends régulièrement exprimer à cause de certains des avantages perçus et compris de l'utilisation de cette drogue à des fins médicales.

J'entends aussi beaucoup de choses sur la répression. J'y ai fait allusion un peu plus tôt dans mes commentaires. Selon ce que j'en comprends, sur la base de recherches très limitées, la répression coûte des centaines de millions de dollars par an. Or, nous savons que l'administration policière devient un problème de plus en plus important pour notre municipalité et pour les municipalités voisines. Nous ne cessons de rappeler au gouvernement provincial que nos ressources policières sont insuffisants et ne répondent pas aux besoins de notre collectivité. Les effectifs et les moyens sont insuffisantes pour répondre à temps. Nous savons que nos agents de police sont surchargés de travail. Nous savons que nous n'avons pas suffisamment de policiers dans la région pour répondre aux besoins de la collectivité. Quand une partie très importante des effectifs policiers de ce pays sont affectés à la répression du trafic de cannabis, j'ai l'impression en discutant avec mes concitoyens que le débat est loin d'être clos. Je suis donc fort encouragé quand je vois un comité comme le vôtre se lancer dans un tel exercice pour consulter les Canadiens sur cette question.

Le sénateur Banks: Permettez-moi de vous poser une question sur cette rationalisation. Il y a deux manières de résoudre ce problème. La première est d'augmenter les fonds affectés aux forces policières et la deuxième est de reconnaître que c'est un délit, mais de l'ignorer. En poussant cet argument à l'extrême, il serait facile de conclure à la possibilité de libérer une bonne partie des ressources policières et de les affecter à des choses plus importantes; tout comme nous pourrions décider de supprimer les limites de vitesse et laisser les gens conduire à la vitesse qu'ils veulent. Peut-être que ces choses ne sont pas moins nocives que d'autres, mais si nous adoptions cette solution, nous libérerions les forces policières pour qu'elles puissent faire certaines choses que nous pensons plus importantes. Ce n'est pas un très bon argument.

M. Kent: Je suis d'accord avec vous, sénateur. C'est un argument qui se défend. Il faut réfléchir à ce que nous voulons. Pour moi, c'est une question d'acceptation sociale. Il semble que sur le plan social l'usage du cannabis soit de plus en plus accepté. Nous avons changé un certain nombre de lois au cours des dernières années de notre histoire, et je ne préconise certes pas la légalisation et la décriminalisation du cannabis. En tant que dirigeant communautaire, je n'estime être ni en position de le faire ni être suffisamment informé pour trancher entre les deux camps.

Cependant, au cours de notre histoire moderne, certaines lois ont été modifiées pour prendre en compte de nouvelles acceptations sociales et l'évolution de l'opinion publique. Par exemple, certaines lois concernant la santé et l'orientation sexuelle ont été modifiées sous la pression de l'opinion publique et de l'évolution du point de vue public. L'acceptation sociale est intimement liée à la répression.

J'ai également entendu certains, devant le nombre considérable de Canadiens poursuivis chaque année pour simple possession de cannabis, s'inquiéter des conséquences à long terme pour ces personnes condamnées pour des délits de possession mineure. Même s'ils bénéficient d'une absolution conditionnelle ou s'ils paient une petite amende, ils se retrouvent avec un casier judiciaire. Nous savons tous quelles peuvent en être les conséquences, surtout pour les jeunes qui quittent l'école et qui se mettent sur le marché du travail, qui entrent en apprentissage, qui commencent une carrière, créent une famille ou décident de voyager. Ce fardeau est un énorme coût économique, professionnel et social.

Cela ne veut pas dire pour autant que ces changements devraient uniquement être dictés par cette seule raison. C'est un argument faible en faveur de la légalisation, mais il n'en reste pas moins que c'est une réalité, des centaines de milliers de Canadiens sont poursuivis chaque année pour des délits mineurs de possession.

Pour ce qui est des autres commentaires que j'ai entendus en faveur de la légalisation, j'ai entendu des gens dire que le cannabis ne crée pas de dépendance physique. J'ai eu un peu de mal à comprendre, n'étant pas spécialiste des questions liées à la consommation de drogues. J'ai fait quelques petites recherches et parlé à des spécialistes qui en savent un peu plus que ceux que j'ai abordés dans la rue pour discuter de cette question. Bien que cette drogue ne crée pas de dépendance physique, je crois comprendre que la consommation de cannabis peut avoir des effets négatifs réels, surtout à long terme.

Un autre commentaire que j'ai entendu qui contredit l'argument de la dépendance concerne le fait que le cannabis est une drogue d'introduction et qu'elle peut potentiellement mener à la consommation accrue d'autres substances illicites, surtout chez les jeunes. C'est une drogue expérimentale et d'introduction qui séduit certainement beaucoup de jeunes. Elle brûle le jugement. La consommation de cannabis peut de toute évidence être dangereuse pour ceux qui conduisent après avoir fumé de la marijuana. Les spécialistes m'ont également parlé d'effets à long terme sur la mémoire. Je crois que c'est une drogue liposoluble, ce qui veut dire que les effets à long terme sur le cerveau sont peut- être plus nocifs que les gens ne semblent le comprendre quand ils disent que cette drogue ne crée pas de dépendance physique.

Encore une fois, je ne prétends pas avoir fait beaucoup de recherches ou d'études sur cette question, mais ce sont certains des arguments que j'ai entendus. J'espère avoir tant soit peu répondu à votre question dont je vous remercie.

Le sénateur Cochrane: Steve, j'aurais souhaité que soyez là hier soir quand nous avons entendu le Dr McKim, de l'Université Memorial. Il a publié un livre dont vous pourriez trouver la lecture utile.

Je suis heureuse de voir que vous êtes proche des jeunes. À mon avis, il n'y a pas suffisamment de jeunes gens comme vous qui s'occupent des jeunes et des groupes et des dirigeants de jeunes.

Le Dr McKim nous a dit que la marijuana ou le cannabis n'est pas une drogue d'introduction, que la consommation de marijuana ne mène pas à la consommation d'autres drogues comme la cocaïne ou le LSD. Les résultats de ses recherches le confirment. Vous voudrez peut-être le contacter pour avoir ces renseignements. Vous pourriez peut-être en parler à ceux que vous rencontrez dans votre travail quotidien.

Le Dr McKim nous a également dit que lorsque les enfants arrivent en 8e ou en 9e ils arrêtent de consommer de la marijuana. C'est plus ou moins une habitude sociale. Les jeunes fument de la marijuana parce qu'ils s'ennuient. C'est ce qu'il nous a dit hier soir. Ce serait une bonne idée de le contacter car il pourrait vous donner quelques conseils.

M. Kent: Je vous remercie de vos remarques. Je n'ai fait que vous rapporter ce que j'avais entendu.

J'ai l'impression que les jeunes qui font l'expérience de l'alcool risquent à un certain moment de faire celle de drogues comme la marijuana.

Quant à savoir si techniquement on peut dire que c'est une drogue d'introduction, j'ai l'impression que le jeune qui fait l'expérience de l'alcool ou de la marijuana est peut-être plus enclin à faire l'expérience d'autres substances illicites qui ne sont pas aussi accessibles pour les jeunes. Cependant, je n'ai pas suffisamment d'information pour me former une opinion définitive sur le potentiel de tremplin de la marijuana. Mon problème, c'est que je crains que l'alcool et la marijuana, que les jeunes peuvent facilement se procurer, n'aient un impact important sur leur prestation scolaire, leurs chances de carrière professionnelle, sur leur développement général.

Je dis simplement que les chances d'expérimenter d'autres drogues sont plus grandes chez les jeunes qui font l'expérience de l'alcool et du cannabis. Je travaille avec les jeunes et c'est ce que je crains. La croissance de l'acceptation sociale est inquiétante. C'est la raison pour laquelle à mon avis, et de l'avis de la ville, plus nous interviendrons en termes d'éducation, de sensibilisation et de prévention, mieux ce sera.

Nous venons tout juste de tenir la semaine dernière la première réunion de notre Comité consultatif communautaire sur notre stratégie antidrogue. Étaient présents des spécialistes de divers domaines de la santé et de nos écoles, ainsi qu'un certain nombre de jeunes. Nous leur avons posé la question suivante: Le temps étant très limité tout comme nos ressources, que doit faire notre collectivité pour empêcher les jeunes de s'engager sur la voie de l'alcool et de la drogue? Dans l'écrasante majorité ils ont répondu: Éduquez-les le plus tôt possible. Dès qu'ils entrent à l'école, informez-les sur les conséquences, les menaces et les dangers que représentent la drogue et l'alcool, afin que les jeunes dès leur plus jeune âge soient associés à des programmes solides de prévention.

Je crois que notre système scolaire fait de l'excellent travail en éduquant nos jeunes sur les divers problèmes qui les attendent dans la société, mais il reste qu'il y a un besoin manifeste de programmes de prévention plus solides à partir du plus jeune âge. Ne commencer à parler de drogues et d'alcool qu'au premier cycle du secondaire n'est pas suffisant puisque les jeunes peuvent déjà avoir expérimenté ces substances. Les programmes d'éducation et de prévention doivent débuter aussitôt que possible. En tant que dirigeant communautaire, c'est un des principaux messages que je tiens à livrer ce matin.

Le sénateur Banks: Bien sûr. Dans les écoles, chaque province a sa propre recette. Le degré et la manière sont différents. Jusqu'à présent, personne n'a proposé de solution qu'on pourrait raisonnablement qualifier de pratique et d'efficaces pour convaincre les jeunes de ne pas fumer du tabac. Cela fait des décennies que nous essayons et cela n'a pas marché. Cela ne marche pas.

Je crois qu'il serait très difficile de trouver un jeune en 7e ou en 8e qui ne sait pas que fumer est mauvais pour la santé, qui ne sait pas qu'être drogué n'est pas bon pour la santé et qui ne sait pas, d'une manière générale, que la drogue, c'est pas bon. Les jeunes savent que leurs parents pensent — ne confondons pas avec ce qu'ils font — que la drogue, c'est pas bien. Cependant, nous n'avons pas réussi à les dissuader de faire ces choses et c'est en partie dû au principe du «pot de confitures». Quand on dit à un enfant: «Ne fais pas ça», et surtout quand on lui dit «Ne fais pas ça, ce n'est pas de ton âge», comme les compagnies tabacoles l'ont dit, c'est interprété par les jeunes comme le principe du «pot de confitures». La première chose qu'un enfant veut faire c'est y mettre les doigts. Tous les enfants savent que conduire trop vite, ce n'est pas bien. Tous les enfants savent que fumer n'est pas bien. Tous les enfants savent que devenir drogué n'est pas bien. Malgré tous nos efforts éducatifs, malgré toute l'information publique disponible et malgré toutes nos gesticulations, nous ne sommes pas arrivés à empêcher les jeunes d'essayer.

Quel genre de programme, selon vous, est nécessaire pour réussir? C'est une question de 30 secondes qui réclame une réponse de quatre jours, mais c'est la nature du problème. Tout ce que nous avons essayé n'a pas marché.

M. Kent: Vous avez raison, c'est une question très complexe, et je ne suis pas certain d'être le mieux placé pour y répondre mais je vais faire de mon mieux selon mes compétences.

Premièrement, je crois que lorsque les jeunes font l'expérience de l'alcool, du tabac et d'autres drogues c'est le symptôme d'un problème plus important. Vous avez raison, les jeunes savent que fumer n'est pas bon et que boire de l'alcool n'est pas bon non plus. Il y a une compréhension générale et une sensibilisation générale au problème, mais à mes yeux, la consommation de ces substances est le symptôme d'un problème plus important. Il est possible que ces jeunes soient simplement curieux et qu'ils veuillent essayer pour en savoir plus.

Le sénateur Banks: Ils se croient indestructibles.

M. Kent: Peut-être. Peut-être qu'ils ont des problèmes à la maison ou des problèmes avec leurs copains. Peut-être qu'ils sont soumis à d'énormes pressions. Peut-être qu'ils ont des problèmes à l'école, des problèmes de dévalorisation. Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles ils décident de prendre de l'alcool et de la drogue. Le problème est que ceux qui le font et finissent par tomber dans le piège ou dans les ennuis, ont besoin de savoir à qui s'adresser. Au plan de l'éducation et de la sensibilisation, il y a un besoin réel de faire en sorte que les jeunes sachent quoi faire s'ils tombent dans les ennuis. Je ne suis pas certain que les programmes d'éducation et de prévention actuels le fassent bien.

Il y a une chose que je recommanderais. Je crois qu'il nous faut adopter une approche beaucoup plus globale s'agissant des jeunes car, qu'ils essaient le tabac, l'alcool, le cannabis ou d'autres drogues, qu'ils aient des problèmes de rapport avec leurs copains, de dévalorisation, d'assiduité scolaire, de problèmes familiaux ou de travail, tous ces problèmes auxquels sont confrontés les jeunes aujourd'hui sont intimement liés dans une certaine mesure. Je crois qu'une approche plus globale des problèmes des jeunes serait opportune, une approche qui permettrait aux jeunes d'accéder à toute une série de services sous un même toit ou relevant d'un réseau central communautaire. À mon avis, ce serait une bonne solution.

En lançant les programmes de prévention et d'éducation le plus tôt possible, l'impact serait plus grand.

J'ajouterais que nous n'avons pas suffisamment de programmes confraternels. L'expérience à Mount Pearl nous montre que lorsque les jeunes sont eux-mêmes associés aux solutions, les résultats sont remarquables. Prenez un problème municipal tout bête comme la pratique de la planche à roulettes dans la rue. Nous avons organisé pour les jeunes plusieurs débats publics pour les associer à la recherche de solutions et nous sommes arrivés à la solution qu'il y a l'assentiment pratiquement général des jeunes au niveau de la construction d'installations pour planches à roulettes. C'est la même chose pour les questions sociales et les autres problèmes auxquels est confrontée la jeunesse.

Nous avions un problème de vandalisme, qui existe toujours, dans une certaine mesure, dans nos parcs, nos aires de loisirs et nos écoles. La ville a financé et appuyé un programme dans le cadre duquel ce sont les jeunes eux-mêmes qui ont la responsabilité de livrer le message à leurs condisciples. L'impact est remarquable. En cinq ans nous avons constaté une réduction remarquable du vandalisme.

Il n'y a pas de solution simpliste qui puisse mener au succès du jour au lendemain s'agissant de la consommation d'alcool, de tabac et de cannabis chez les jeunes. Responsabiliser les jeunes au niveau de la solution, leur permettre de jouer un rôle au sein de la collectivité, leur accorder le soutien et les ressources pour y arriver, et commencer le plus tôt possible sont certains des éléments qui mènent au succès. J'aimerais pouvoir vous donner une meilleure réponse.

Le sénateur Banks: Vous avez tout à fait raison. C'est exactement ce que nous devons faire. Les responsables des campagnes d'éducation et de publicité — quoi qu'ils en pensent — ne savent pas parler aux jeunes. Vous avez mis le doigt dessus.

M. Kent: La publicité a fait des progrès, mais ce n'est tout simplement pas encore suffisant, et elle n'aura pas l'impact à long terme escompté sur le problème. Il nous faut des solutions communautaires véritablement globales et intelligentes si nous voulons réussir.

Le sénateur Banks: Il faut que ce soit des jeunes qui s'adressent aux jeunes.

M. Kent: Absolument et il faut commencer dès le plus jeune âge.

Le sénateur Banks: C'est la solution.

Le sénateur Cochrane: Je conviens avec vous et avec le sénateur Banks que les jeunes doivent être associés aux décisions sur les questions les concernant. Il faudrait que ce soit les jeunes eux-mêmes qui s'en chargent. Ils sont éduqués, ils sont instruits et ils peuvent prendre ces décisions pour eux-mêmes. Souvent nous ne leur permettons pas et c'est dommage.

Vous faites de l'excellent travail pour votre collectivité, et j'espère que vous continuerez.

Est-ce que vous avez des exemples de gens plus âgés qui consomment aussi du cannabis?

M. Kent: Oui. Ce qui me surprend — et j'avoue ma naïveté — c'est la prévalence de la consommation chez les personnes âgées. Je suppose qu'il y a certains stigmates associés à la consommation de drogues. J'ai été surpris par l'éventail des consommateurs de cannabis. Les membres des professions libérales, les citoyens émérites. Je ne veux pas dire que la consommation soit généralisée, mais je peux penser à plusieurs exemples de personnes dont je sais qu'elles fument occasionnellement du cannabis, et ce sont des membres productifs et dynamiques de la collectivité. C'est un élément du conflit et de la lutte auxquels nos décideurs, notre gouvernement, sont confrontés.

Pour répondre à votre question, oui, c'est aussi prévalent chez les personnes plus âgées. Je me suis concentré sur la jeunesse car c'est un facteur important pour notre collectivité. La réalité c'est que le cannabis est disponible, consommé et accessible.

Le sénateur Cochrane: Avez-vous remarqué ou a-t-on remarqué des effets nocifs de la consommation de cannabis chez les personnes plus âgées?

M. Kent: Ce n'est pas quelque chose dont on parle nécessairement publiquement, tout du moins, dans le cercle de mes contacts, donc je ne peux pas vraiment vous dire. D'après ce que j'ai entendu dire ou lu dans les médias ou dans divers documents de recherche produits par d'autres sources du domaine de la santé, j'ai l'impression que les effets à long terme sont tout à fait connus et documentés. Cependant, je crois qu'il y a beaucoup de mythes et de confusion. Personnellement, je n'en sais pas assez pour pouvoir faire des commentaires.

Le sénateur Cochrane: Permettez-moi de vous poser une question à propos de ces gens qui ont été condamnés et qui se retrouvent avec un casier judiciaire. Avez-vous remarqué si ces personnes ont des problèmes d'obtention d'emploi ou de conservation d'emploi?

M. Kent: Je peux vous parler de mon expérience dans le secteur bénévole. Quand vous vous portez candidat pour devenir bénévole dans un certain nombre d'agences de services aux jeunes aujourd'hui, si vous n'avez pas de certificat de bonne conduite ou d'attestation de la police, vous avez un gros problème, même si vous voulez vous porter volontaire pour travailler pour l'Association de scouts ou de louveteaux de votre propre enfant. C'est la même chose pour les bénévoles de mon organisation. Cela pose un gros problème, et pas uniquement concernant la consommation de cannabis, mais aussi quand il s'agit d'autres délits mineurs dont on peut s'être rendu coupable quand on était très jeune. Vingt ans plus tard, ce délit mineur fait que vous avez un casier judiciaire, à moins d'avoir bénéficié d'une réhabilitation, et avoir un casier judiciaire a des conséquences.

Cela a des conséquences si vous voulez participer à la vie communautaire, et définitivement au niveau de l'emploi. Beaucoup de nos employeurs demandent aux candidats de fournir un certificat de bonne conduite ou une attestation de la police. Oui, je crois que c'est un gros problème.

Le sénateur Cochrane: Et les tests sanguins?

M. Kent: Je ne pense pas que cela soit très courant. Bien entendu, cela peut dépendre du genre de profession. Pour la majorité des métiers, je suppose que ce n'est probablement pas exigé aujourd'hui, mais il est évident que cela pose quelques petits problèmes.

Le sénateur Cochrane: Cela pose un problème si vous travaillez pour les pétroliers.

M. Kent: Exactement.

Le président: Quand vous parlez d'attestation de la police, que voulez-vous dire?

M. Kent: Je veux parler soit d'un rapport du CIPC, soit d'une attestation de la police — un rapport de vérification effectué par le service de police locale. Les rapports du CIPC, c'est pour tout le monde. Quel que soit le service de police auquel vous vous adressez pour avoir une attestation, vous pouvez faire appel au service national du CIPC.

Il n'existe pas au Canada de système national uniforme qui permette de vérifier les antécédents criminels d'un particulier; cela complique les choses si l'on veut vérifier les casiers judiciaires. La capitale est la responsabilité du Royal Newfoundland Constabulary. Si je commettais un acte criminel dans cette région, il serait possible de lire le dossier sur cette infraction dans les bases de données du Royal Newfoundland Constabulary. Cependant, si je me rendais, à une heure de route, à Whitbourne dans la région de St. John, qui relève de la GRC, certaines de mes infractions mineures inscrites dans mon dossier au service de la police de St. John ne seraient pas relevées lors d'une vérification par la GRC. Cela représente un grave problème pour les employeurs et pour les organismes bénévoles.

Je sais que ça ne touche pas directement la question de la légalisation, mais ça touche une question plus générale qui nous inquiète lorsqu'on parle des défis auxquels seront confrontés les services de police, les gouvernements, les organismes communautaires et les employeurs.

Le président: Nous nous inquiétons de la double mesure, et des différences qui existent au sein des provinces car dans deux régions des mêmes provinces les répercussions sont complètement différentes, si l'on choisissait par exemple Toronto et London. Il faut combler cet écart. Nous voudrons peut-être communiquer avec vous par écrit pour obtenir plus de renseignements sur certains aspects de la question.

M. Kent: Je vous remercie de m'avoir offert cette occasion de vous rencontrer ce matin. Je vous souhaite beaucoup de chance dans vos travaux. Je vous remercie d'avoir choisi Mount Pearl. Bonne journée.

Le président: Chers collègues, nous accueillons maintenant Tracy Butler, du Salvation Army Harbour Light Addiction and Rehabilitation Treatment Centre.

Mme Tracy Butler, directrice de programme, Salvation Army Harbour Light Addiction Rehabilitation Treatment Centre: Honorables sénateurs, lorsqu'on m'a demandé de comparaître devant le comité, j'ai été très heureuse d'accepter cette offre. Je travaille déjà depuis 12 ans auprès des toxicomanes. Même si je suis directrice du Centre de traitement des toxicomanes de l'Armée du Salut, mes commentaires aujourd'hui s'inspireront plutôt de mon expérience de clinicienne. Certaines de mes opinions sont reflétées dans le programme de l'Armée du Salut mais, puisque je suis praticienne d'exercice privé et conseillère en toxicomanie dans une clinique privée, je vous parlerai aujourd'hui en fonction de mon expérience dans le domaine. Je suis certaine que l'Armée du Salut a un énoncé de position sur la question, et je voulais simplement que vous compreniez bien que je vous parle en mon nom personnel aujourd'hui.

Lorsque j'ai étudié le document de recherche qui avait été rédigé et que j'ai lu les renseignements disponibles sur le sujet sur Internet, j'ai constaté que la recherche existe, et qu'elle a déjà été faite il y a plusieurs années. J'appuie la recherche, mais je suis consciente du fait que vous pouvez interpréter de bien des façons les résultats ainsi obtenus. J'ai fait certaines recherches moi-même, et j'ai suivi les cours du Dr McKim, quoi qu'il ne se souvienne probablement pas de moi. Tout travail de recherche est caractérisé par des pour et des contre. Je vous parlerai donc de mon expérience, l'expérience de quelqu'un qui a travaillé avec des toxicomanes.

Nous avons étudié une quantité extraordinaire de faits qui changent sans cesse. Il y a plusieurs années le cannabis était employé pour le traitement du SPM — c'est quand même pas mal — mais les choses ont changé depuis. Au fil des ans, on a utilisé le cannabis pour toutes sortes de raisons. Puis, cette substance a cessé d'être populaire pour le redevenir à nouveau aujourd'hui. Aujourd'hui les avis sont très partagés sur l'utilisation du cannabis.

Une chose n'a pas changé, cependant, soit le fait que le cannabis est une drogue fort complexe. Nous connaissons certains aspects de cette substance, mais pas tous.

Les travaux de recherche qui ont été effectués font état d'une relation dose-effet. Les chercheurs en sont venus à cette conclusion après avoir étudié et comparé les gros utilisateurs, les utilisateurs occasionnels et les non-utilisateurs. La décriminalisation aurait un impact sur les variables de l'opportunité, de la fréquence et du rythme de la consommation. Cela entraînerait une augmentation du pourcentage d'individus qui manifestent les effets typiques.

Un aspect particulier de la consommation du cannabis fait couler beaucoup d'encre, soit la possibilité que le cannabis soit en fait une drogue d'introduction. Même s'il n'y a pas de relation causale, je crois qu'il existe quand même certains liens. Les consommateurs de marijuana sont prédisposés à utiliser d'autres drogues. J'allais citer le Dr McKim, mais je crois qu'il a raison de dire qu'une relation causale ne peut pas être prouvée. Nous ne pouvons pas écarter simplement le lien qui existe entre la consommation de marijuana et l'utilisation d'autres drogues. Il doit y avoir une explication, et il s'agit sans aucun doute d'un syndrome motivationnel. Cela a probablement plus à voir avec la sociologie qu'avec la pharmacologie. Une forte consommation de marijuana ne prédispose pas une personne au point de vue pharmacologique à l'utilisation d'autres drogues, elle offre cependant un milieu, une motivation et une opportunité sociale d'utiliser des drogues. De plus, les caractéristiques de personnalité associées à la propension à prendre des risques par simple curiosité qui pousse une personne à consommer de la marijuana la pousseront probablement à utiliser d'autres drogues.

J'ai remarqué, au centre de traitement où je travaille, que ceux qui consomment de la marijuana ne passent pas nécessairement à d'autres drogues, alors que tous ceux qui ont consommé des drogues dures ont également consommé de la marijuana. Le contraire est donc vrai.

Les travaux de recherche effectués à l'Université Columbia révèlent que la marijuana cible les mêmes centres d'euphorie du cerveau que l'héroïne, la cocaïne et l'alcool, et qu'on peut y voir en fait un danger parce qu'il pourrait y avoir un mécanisme biologique qui ferait de cette drogue une drogue d'introduction.

Les nouvelles techniques horticoles ont permis d'accroître la puissance de la marijuana et donc de nombreux autres produits dangereux, ce qui accroît sans aucun doute les dangers pour la santé. Nous avons toutes les raisons de croire que les progrès effectués dans le domaine horticole vont s'intensifier.

Il faudrait peut-être envisager un code des meilleures pratiques, une stratégie de contrôle, et des politiques portant sur l'usage médical et thérapeutique de la marijuana. Nous avons que la marijuana employée à des fins médicales et thérapeutiques ne guérit pas, mais nous savons qu'elle est utile lors des traitements parce qu'elle agit comme antiémétique lors des traitements de chimiothérapie, des traitements pour le glaucome et diverses autres maladies. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose, mais il faut absolument assurer des contrôles de l'utilisation de ce produit ainsi qu'élaborer des lignes directrices visant les meilleures pratiques.

Il importe d'avoir un cadre réglementaire faisant la promotion de la recherche sur les cannabinoïdes. Des recherches plus poussées permettront certainement de découvrir de nouvelles choses car les technologies sont de plus en plus perfectionnées. Nous pourrons à ce moment-là identifier certains des avantages thérapeutiques du cannabis.

Quant à la question de l'abus des substances par les enfants, encore une fois, plusieurs documents de recherche ont été publiés. Cependant, études plus récentes effectuées sur les enfants révèlent que les capacités de planification des mères qui fument de la marijuana sont moins bonnes. Ces changements ne sont souvent pas visibles à l'oeil nu, parce qu'on parle ici des activités les plus poussées du cerveau. Nous savons que ces fonctions sont nécessaires surtout compte tenu de l'évolution technologique constante de la société. Ces personnes ont donc plus de difficulté à planifier, à organiser, à établir un calendrier des étapes ou même à appliquer leur expérience passée à ce qu'elles vivent actuellement.

Le sénateur Banks: De quelles études venez-vous de parler? Nous aimerions avoir les coordonnées exactes.

Mme Butler: J'ai ces renseignements, je vous en ferai une copie.

Quant à la conduite avec facultés affaiblies, on a démontré que l'utilisateur avait une perte de facultés motrices, et cela a un impact sur sa conduite car sa perception de l'espace et du temps se trouve faussée. L'utilisateur est également moins en mesure de prendre des décisions rapidement.

Comme on l'a indiqué dans le document de travail, nous ne pouvons pas nous permettre de faire les mêmes erreurs ou de causer les mêmes problèmes que dans le cas de la conduite avec facultés affaiblies en raison de la consommation d'alcool. Je crois que les statistiques sur le nombre de décès attribuables à la conduite avec facultés affaiblies seraient plus élevées si l'on cherchait à détecter la présence de cannabis dans ces circonstances. On ne vérifie pas la présence de cannabis chez les conducteurs jugés en état d'ébriété, certainement pas sur la route. Il n'existe pas d'analyse sur place pour détecter la présence de cannabis, mais je sais qu'il est facile de détecter la présence de cette substance dans l'urine. Nous procédons à des évaluations de la qualité du cannabis au centre de traitement où je travaille, et je crois qu'il serait assez simple de détecter la présence de cette substance dans l'urine ou dans le sang de l'individu. Si l'on craint l'affaiblissement des capacités, je crois qu'il serait peu judicieux d'encourager un plus grand nombre de personnes à consommer le cannabis. Je crois que nombre de citoyens respectueux de la loi ne consomment pas cette substance simplement parce qu'elle est illégale; cependant, si cette consommation était légalisée, ils consommeraient probablement ce produit simplement en raison de la perception de la différence qui existe entre l'impact de ce produit et celui de l'alcool sur les compétences du consommateur. Quant à la conduite avec facultés affaiblies, je ne crois pas que nous puissions prendre ce risque. Nous connaissons tous le nombre de décès qui sont associés à la conduite en état d'ébriété et nous savons que nombre de personnes innocentes en deviennent les victimes. La même situation vaudrait pour le cannabis. Je ne crois pas que cela serait utile à long terme.

Nous savons que la dépendance psychologique attribuable au cannabis est plus importante que la dépendance physique, sauf si l'on consomme de très fortes doses.

Votre document de discussion fait observer que les gens n'ont pas à suivre une thérapie pour mettre fin à leur dépendance à l'égard du cannabis. J'en doute sincèrement parce que les personnes qui s'adressent à mon centre ont certainement besoin de traitement. Les personnes qui disent avoir une dépendance à l'égard de la marijuana peuvent avoir beaucoup de mal à cesser leur consommation de cette drogue.

À Harbour Light, où je travaille, 37 p. 100 des personnes admises en 2001 l'ont été parce qu'elles consommaient du THC. Bon nombre des personnes admises à notre centre considèrent cette drogue comme la drogue qu'elles préfèrent. Comme en font état des études, bon nombre de ceux qui consomment du THC consomment aussi d'autres drogues, mais ce n'est pas le cas de tous les utilisateurs de THC. La plupart des personnes ayant consommé des drogues dures ont sans doute commencé par consommer des drogues douces, mais il est difficile de faire un lien causal entre la consommation de ces deux types de drogue. Les personnes qui se présentent au centre pour se défaire de leur dépendance à l'égard du seul cannabis disent avoir du mal à le faire pour des raisons psychologiques et d'autres raisons liées au traitement. Si ceux qui ont une dépendance à l'égard du cannabis voient celle-ci comme un problème, on ne peut douter que ce problème soit réel et exige un traitement. Je ne sais pas trop quel sens on attribue au mot «thérapie» dans le document de discussion.

Le président: Je voudrais m'assurer que nous parlons de la même chose. Voici ce qu'on lit dans le document de discussion:

La dépendance au cannabis est relativement bénigne et la cessation de consommation pendant quelques jours suffirait à en faire disparaître les symptômes. Lorsqu'une intervention thérapeutique est nécessaire, les formes existantes auraient démontré leur efficacité.

Est-ce le passage du document de discussion auquel vous faites allusion?

Mme Butler: Oui.

Le président: Le document ne dit pas que le problème n'existe pas et que ceux qui ont une dépendance à l'égard du cannabis n'ont pas besoin d'être traités. La plupart des consommateurs de cannabis ne développent pas une dépendance à l'égard de cette drogue. Nous ne contestons pas l'efficacité des interventions thérapeutiques actuelles dans le cas de ceux qui ont développé cette dépendance.

Mme Butler: Je parle des personnes qui se présentent au centre pour subir un traitement. Le simple fait qu'elles s'adressent à nous montre qu'elles ont un problème. Nous savons que toutes les drogues psychoactives ont des effets positifs et des effets négatifs. Il est peu probable que nos choix en matière de stratégie de contrôle du cannabis reposent simplement sur des considérations de santé. Il ne faudrait pas oublier que nos tribunaux sont débordés.

Je travaille aussi pour le ministère de la Justice. Je mets en oeuvre des programmes de lutte contre la dépendance dans les institutions provinciales et je travaille donc auprès de toxicomanes qui sont incarcérés ou qui vivent dans la collectivité. En collaboration avec les Services correctionnels du Canada, nous offrons des traitements aux libérés conditionnels et aux détenus jouissant d'une permission de sortir.

Je ne sais pas s'il faut vraiment tenir compte du fait que le système juridique est débordé. Les médecins auxquels j'ai parlé du problème m'ont dit que s'il n'y a pas de place dans les prisons pour ces toxicomanes, ils seront simplement envoyés dans des hôpitaux. Il s'agit d'un facteur important étant donné surtout s'il existe un risque plus grand pour la santé découlant du fait que des populations plus importantes consomment de la marijuana et en abusent peut-être aussi.

On a aussi fait des recherches sur les personnes qui se présentent à la salle d'urgence d'un hôpital et dans le sang desquelles on trouve de la marijuana. On peut s'attendre à ce que la dépendance à l'égard du cannabis soulève un certain nombre de problèmes d'ordre psychiatrique et qu'il soit nécessaire de mettre en oeuvre davantage de programmes de désintoxication. Le problème risque aussi d'avoir une incidence sur notre système d'éducation si l'on devait établir un lien entre la consommation de cannabis et les déficits cognitifs.

Je me pose certaines questions au sujet de l'utilisation qui doit être faite des fonds dont nous disposons. Je sais que le meilleur investissement est parfois celui qui consiste à mettre l'accent sur le traitement. Dans le cas de la dépendance à l'égard des jeux de hasard, la province n'investit qu'une faible proportion des revenus que génèrent ces jeux. Doit-on vraiment investir de l'argent pour aider les rares personnes qui ont développé une dépendance à l'égard du cannabis? Investirait-on dans la mise en oeuvre de programmes de traitement les sommes qu'on investit actuellement dans le système juridique?

Lorsque les gens se présentent à mon centre, ils se sont rendu compte qu'ils avaient un problème. Ils ont eu des démêlés avec la Justice, se sont séparés de leur conjoint, connaissent des difficultés familiales ou ont perdu leur emploi. La thérapie, c'est autre chose. Compte tenu du fait que certaines personnes développent une dépendance à l'égard du cannabis, je me demande vraiment si la décriminalisation est une bonne solution. Je me pose des questions quant à la façon dont nous procéderons.

Le sénateur Banks: Quel pourcentage des gens qui ont recours à vos services s'adressent à vous seulement parce qu'ils ont une dépendance à l'égard du cannabis?

Mme Butler: Trente-sept pour cent de nos clients disent consommer du THC. Ils pourraient évidemment consommer aussi d'autres drogues.

Le sénateur Banks: Lesquelles?

Mme Butler: La cocaïne, les médicaments d'ordonnance ou l'alcool.

Le sénateur Banks: Y a-t-il des gens qui s'adressent à votre centre et qui n'ont qu'une dépendance à l'égard du cannabis?

Mme Butler: Je n'ai pas de statistiques précises à vous donner, mais il y a effectivement des gens qui s'adressent à nous seulement pour une dépendance à l'égard du cannabis.

Le sénateur Banks: Vous dites ne pas avoir de statistiques précises, mais s'agit-il de 5 p. 100 ou de 10 p. 100?

Mme Butler: Je ne voudrais pas vous donner un chiffre inexact. Je pense que ce doit être autour de 10 p. 100.

Le sénateur Banks: À quel groupe d'âge appartiennent-ils?

Mme Butler: Les plus jeunes ont 18 ans et il n'y a pas de limite d'âge.

Le sénateur Banks: Il n'y a pas de limite d'âge mais les plus jeunes ont 18 ans.

Mme Butler: Les plus jeunes ont 18 ans et j'ajouterais que notre programme ne s'adresse qu'aux hommes.

Le sénateur Banks: Est-ce pour une raison juridique?

Mme Butler: Le fait qu'ils doivent avoir 18 ans?

Le sénateur Banks: Oui.

Mme Butler: Nous avons constaté que les jeunes de moins de 18 ans ne s'intègrent pas bien à nos programmes. D'autres services sont destinés à ces jeunes dans la province. Quelqu'un vous en parlera un peu plus tard.

Le sénateur Banks: Votre centre n'accepte pas un patient de 16 ans.

Mme Butler: Non.

Le président: Dans votre présentation, vous avez parlé de meilleurs mécanismes de contrôle pour l'utilisation médicinale de la marijuana. À quel type de mécanisme songez-vous?

Mme Butler: Je sais que nous avons formulé des politiques sur la question. Certaines études et certaines personnes avec lesquelles j'ai parlé de la question estiment que le cannabis permet d'atténuer la douleur. Si les autres thérapies n'ont pas été efficaces, bien que le cannabis ne constitue pas une cure, mais permette simplement d'atténuer les symptômes, je pense qu'on devrait permettre aux gens d'en consommer sans craindre d'être poursuivis.

Je ne sais pas si on a mis sur pied le meilleur mécanisme possible pour distribuer la marijuana à ceux qui en ont besoin pour des raisons médicales. On pourrait peut-être trouver une meilleure façon de permettre aux personnes qui ont l'accord d'un médecin et qui ont besoin de consommer de la marijuana à des fins médicales de le faire sans crainte de s'exposer à des sanctions.

Si je dis qu'il nous faut de meilleures politiques, c'est que nous savons que des gens ont recours à des médicaments qui ne sont pas vraiment nécessaires comme les benzodiazépines. Il faudrait évidemment s'assurer que la consommation de marijuana est nécessaire pour des raisons médicales.

Certains patients psychiatriques appellent à lire le DSM et s'adressent au médecin pour obtenir les médicaments qu'ils souhaitent.

Je sais que le cannabis serait normalement utilisé pour traiter des problèmes physiques qui peuvent être clairement établis au moyen de tests médicaux.

Le président: Connaissez-vous le règlement actuel sur l'utilisation médicinale du cannabis?

Mme Butler: Je sais qu'un règlement est en place, mais je ne le connais pas à fond.

Le président: Savez-vous que les médecins participent au processus tout au long de celui-ci?

Mme Butler: Oui.

Le président: Savez-vous que trois médecins différents doivent recommander qu'un patient ait accès à de la marijuana à des fins médicales pour que leur demande soit prise en compte? Connaissez-vous des personnes qui ont obtenu de la marijuana à des fins médicales dans le cadre de ce processus?

Mme Butler: Non, je ne connais personne qui a été traité au moyen de la marijuana.

Le sénateur Cochrane: Comment les patients qui n'ont qu'une dépendance à l'égard du cannabis sont-ils dirigés vers votre centre?

Mme Butler: Ils peuvent venir d'eux-mêmes au centre ou ils peuvent y être dirigés par un médecin, un travailleur social ou un psychologue. Dans le cas des patients qui nous viennent du service correctionnel, un agent de gestion des cas, un agent de libération conditionnelle ou un agent d'évaluation établit, lors de l'entrevue initiale avec le détenu, s'il a un problème lié à la consommation de drogue. Le détenu est ensuite dirigé vers notre programme. Nous évaluons ensuite les personnes qui nous sont adressées.

Le sénateur Cochrane: Qu'est-ce que font ces gens qui les distinguent des autres? Comment se comportent-ils?

Mme Butler: Vous parlez de ceux qui consomment du cannabis par opposition à d'autres drogues?

Le sénateur Cochrane: Oui.

Mme Butler: C'est une question à laquelle il est difficile de répondre parce que bien que nous examinions les effets de diverses drogues, nous ne faisons pas de distinction entre ceux qui consomment de la drogue et ceux qui en abusent. Lors de séances de counseling personnalisé, nous faisons un examen plus approfondi des conséquences dans leur vie du choix d'une drogue par rapport à une autre. Je ne sais pas s'il y a quelque chose qui les distingue vraiment des personnes qui consomment une autre drogue parce que toutes ces personnes connaissent des problèmes semblables. Nous essayons de les aider à régler ces problèmes.

Le sénateur Cochrane: Pouvez-vous recommander un traitement particulier pour les consommateurs de cannabis? Pouvez-vous songer à un traitement qui a été efficace?

Mme Butler: Les gens consomment des drogues pour diverses raisons et il n'y a pas vraiment de profil type. Lorsqu'une personne consomme des drogues, c'est souvent parce qu'elle ne veut pas faire face à certains problèmes et n'accepte pas le changement. Il faut découvrir ce qui incite la personne à consommer des drogues. Nous mettons l'accent sur le changement de mode de vie.

Nous avons recours à tout un ensemble de thérapies. Comme nous travaillons pour l'Armée du Salut, nos programmes mettent évidemment l'accent sur la spiritualité par opposition à la religion, mais nous pensons que notre rôle est d'aider les gens à régler leurs problèmes. Je songe en particulier à certains consommateurs de cannabis qui se sont adressés à notre centre. Certains d'entre eux consommaient surtout du cannabis à des fins récréatives. Lorsque des gens s'adressent à nous, c'est habituellement parce qu'ils ont d'autres problèmes et qu'ils ont choisi le cannabis comme drogue pour les aider à échapper à cette réalité.

Le sénateur Cochrane: Le fait que vos programmes mettent l'accent sur la spiritualité aide-t-il certains à faire face à la réalité?

Mme Butler: Chacun a sa propre idée à ce sujet. J'ai cependant constaté que ceux qui n'ont pas connu de rechutes avaient profité de l'aspect spirituel de nos programmes. Nous permettons aux personnes qui participent à nos programmes de définir ce que la spiritualité signifie pour elles. Ce n'est pas à nous de le faire. Je pense que ceux qui font place à la spiritualité dans leur vie trouvent que cela les aide à composer avec la réalité.

Le sénateur Cochrane: Le centre de réadaptation de l'Armée du Salut offre donc des programmes de ce genre.

Mme Butler: Nous considérons la personne comme un tout. Nous nous intéressons aux aspects physique, psychologique, social, émotif et spirituel de la personne. Nous favorisons le changement de comportement et la prévention des rechutes. Notre programme de six semaines repose sur tous ces éléments. Nous abordons tous les aspects de la réadaptation.

Le sénateur Banks: Je vous remercie, madame Butler, d'avoir bien voulu comparaître devant le comité. Je connais personnellement plusieurs personnes qui ont attribué à l'élément spirituel du traitement qu'elles ont reçu le fait qu'elles vivent maintenant une vie productive. Je songe en particulier aux programmes offerts par l'Armée du Salut. Au nom de certains de mes amis, j'aimerais exprimer ma gratitude à l'Armée du Salut.

Je paraphrase peut-être, mais j'ai cru comprendre que vous aviez dit que la marijuana ne créait pas de dépendance sauf à des doses très élevées. Pensez-vous donc que lorsqu'on consomme de la marijuana à des doses très élevées, cela peut créer une dépendance physique?

Mme Butler: Je crois qu'on a déjà prouvé que c'était le cas.

Le sénateur Banks: Pouvez-vous nous fournir les études auxquelles vous songez?

Mme Butler: Je peux certainement vous obtenir la source de ma citation.

Le sénateur Banks: La raison pour laquelle je vous pose la question, c'est que bien des gens nous ont dit que la consommation de cannabis pouvait engendrer une dépendance psychologique. Le Dr McKim nous a dit qu'il ne convenait pas de toujours faire cette distinction. Bien des gens nous ont dit qu'on ne pouvait pas parler de dépendance physique ou psychologique au sens narcotique dans le cas de la marijuana, mais nous aimerions savoir exactement ce qu'il en est. Vous pourriez peut-être transmettre cette information au greffier lorsque vous le pourrez.

Mme Butler: Je le ferai.

Le sénateur Banks: La réponse à la question que je vous pose dépend de la définition qu'on donne au terme, mais vous avez dit qu'on ne pouvait pas aborder le problème de l'acceptation de la drogue simplement en se reportant aux conséquences que cela a pour sa santé. Quels sont les autres facteurs dont on doit tenir compte?

Mme Butler: Je pense que certains prennent en compte le facteur qui a été mentionné lorsque vous parliez avec Steve Kent, à savoir l'existence d'un casier judiciaire. On peut aussi se demander si quelqu'un doit être emprisonné parce qu'il consomme du cannabis ou en abuse. J'ai demandé à nos clients quel était leur avis à ce sujet il y a une semaine ou deux. Ils ont tous consommé du cannabis et certains d'entre eux ont même été emprisonnés pour cette raison. Ils ont pensé que cela créerait un marché clandestin encore plus important parce qu'on ne va pas cesser de vendre cette drogue illégalement. C'est un facteur dont on doit tenir compte.

Quant à savoir s'il serait utile de modifier la loi, la question que ces personnes se sont posée était de savoir si les gens n'allaient pas trouver des astuces pour se conformer à la loi. Ils m'ont fait certaines observations.

Bien qu'il s'agissait de personnes qui consommaient du cannabis depuis longtemps, lorsque je leur ai demandé s'ils approuveraient que leurs enfants ou leurs petits-enfants en consomment régulièrement, ils m'ont répondu que non. Cette réponse reflète certaines de leurs opinions sous-jacentes.

Je pense qu'on doit tenir compte d'autres facteurs que celui de la santé bien que ce puisse être un facteur primordial. Il y a aussi le facteur juridique. Nous devons tenir compte de tous les aspects de la question lorsque nous prendrons une décision. C'est de toute évidence ce que vous faites dans le cadre de cette étude.

Le sénateur Banks: Comme on nous l'a fait remarquer, le simple fait qu'on porte des accusations criminelles contre quelqu'un comporte des conséquences. Il n'est pas nécessaire que cette personne soit condamnée. On prend les empreintes digitales, par exemple, de toute personne contre laquelle des accusations criminelles sont portées. Vous voyez le problème de près.

Faisons abstraction pour un instant de l'aspect médical de la question. Vous aurez constaté à la lecture de nos délibérations que bon nombre de personnes pensent que la marijuana est moins nocive que l'alcool. On nous a dit, par exemple, que les gens qui consomment de la marijuana conduisent trop lentement et que cela ne pose pas beaucoup de problèmes. On nous a aussi dit que le fait de décriminaliser la possession de la marijuana priverait du crime organisé de l'un de ses outils.

Comme vous nous l'avez dit, si une drogue mène à l'autre, c'est plutôt pour des raisons culturelles et sociales. La personne qui vend de la marijuana vend aussi d'autres drogues. Et le consommateur a ainsi accès à d'autres produits.

Bon nombre de personnes se sont prononcées en faveur d'un assouplissement des lois sur les drogues, en particulier en ce qui touche au cannabis. Comme je l'ai dit, vous faites face au problème tous les jours. Quel est votre avis à ce sujet?

Toute mesure comporte des avantages et des inconvénients. L'assouplissement des lois portant sur la simple possession de cannabis comporte de grands avantages. Elle comporte aussi des inconvénients. Vous êtes bien placée pour voir les deux côtés de la médaille. S'il vous appartenait aujourd'hui de décider s'il convient d'assouplir ou non dans ce domaine, que décideriez-vous?

Mme Butler: Comme je travaille avec des gens sur les premières lignes qui savent que le cannabis a causé un très grave problème dans leur vie et aussi comme mère de famille, je suis convaincue que le seul moyen de se protéger entièrement contre ces effets négatifs ou indésirables est de s'abstenir d'en consommer.

Le sénateur Banks: Je suis bien d'accord, mais cela n'a rien à voir avec la loi.

Mme Butler: Sans pénalité, je pense que plus de gens consommeront du cannabis. Comme je l'ai déjà dit, il y a beaucoup de citoyens respectueux de la loi qui n'en consomment pas parce que c'est interdit. On ne peut pas vraiment comparer le cannabis à l'alcool. Selon moi, l'alcool est une drogue très dangereuse si l'on en consomme trop.

Le sénateur Banks: Pensez-vous que les gens consommeraient moins d'alcool si c'était interdit par la loi?

Mme Butler: Il y a probablement bien des gens qui respecteraient la loi. Cependant, la consommation d'alcool est autorisée par la loi depuis longtemps. Ce serait très difficile de décider de l'interdire.

Peu importe les restrictions qu'on peut imposer pour une substance quelconque, un certain pourcentage de la population la consommera, peu importe de quoi il s'agit. D'autres ne le feront pas à cause de la loi.

Je sais que le SCC est en train d'adopter une politique pour ne pas vérifier la présence de THC. Cela aura des conséquences pour nous parce qu'il y a beaucoup de libérés conditionnels à notre centre. Une de leurs inquiétudes, c'était que, si leur formulaire de libération conditionnelle contenait une clause de restriction d'usage de la drogue, si un test de THC produisait un résultat positif, la libération conditionnelle serait révoquée. Le SCC envisage d'autres possibilités de traitement et d'autres procédures.

Aux fins du traitement, je ne pense pas que ce soit une bonne chose d'appliquer des mesures punitives pour ceux qui récidivent, mais si leur problème vient de l'alcool ou du cannabis, et ce sont les deux substances pour lesquelles il n'y aura pas de test, cela va causer certaines difficultés du point de vue du traitement. Il n'existe pas vraiment de solution facile au problème.

J'ai peur de ce qui arrivera ensuite si nous ouvrons la porte au cannabis. Est-ce que les gens vont commencer à consommer une autre drogue et allons-nous vouloir la décriminaliser aussi? Je sais qu'il est difficile de décider ce qu'il faut faire. Je suis de l'autre côté de la barrière. Je vois des gens qui ont vraiment des problèmes. À mon avis, le cannabis réduit les fonctions cognitives. Selon moi, ce n'est pas une bonne chose pour des adolescents de fumer régulièrement du cannabis. Je ne voudrais pas que mes enfants en fument. C'est ce que je pense à cause de mon travail.

Le président: Quelle population est desservie par votre centre?

Mme Butler: En quoi la population consiste-t-elle?

Le président: Oui.

Mme Butler: Je dirais que 40 p. 100 de nos clients nous sont renvoyés par les services communautaires et environ 60 p. 100 par la Justice.

Le président: Est-ce que cela représente une centaine de clients?

Mme Butler: Nous traitons probablement environ 120 personnes par année.

Le président: Vous offrez vos services à combien de milliers de personnes au total?

Mme Butler: Nous acceptons les personnes de toute l'île.

Le président: D'accord, mais j'essaie de voir ce que cela représente par 100 000 habitants.

Mme Butler: Nous desservons normalement les habitants de la région de St. John's-Mount Pearl.

Le président: Quel est le nombre d'habitants à St. John's?

Mme Butler: Je pense que c'est environ 130 000. Je n'en suis pas certaine.

Le sénateur Cochrane: Tracy, les personnes que vous traitez à votre centre ont-elles parfois des problèmes à se trouver de l'emploi?

Mme Butler: Nous essayons de tenir des chiffres sur l'emploi, surtout l'emploi rémunéré. Dans la plupart des cas, ceux qui n'obtiennent pas un emploi rémunéré n'ont pas les compétences voulues. Dans bien des cas, ils ont des antécédents d'emploi minimes ou bien n'ont jamais eu d'emploi. Cela vient probablement aussi de bien d'autres problèmes sociologiques que leur toxicomanie. Parfois, c'est le contraire et c'est parce qu'ils ont consommé de la drogue qu'ils n'ont pas pu travailler et qu'ils ont perdu leur emploi.

Le sénateur Cochrane: Le principal problème est le manque de compétence?

Mme Butler: Oui.

Le Dr William A. McKim, chef par intérim, Département de psychologie, Memorial University of Newfoundland: Comme je l'ai dit hier soir, je suis heureux que vous m'ayez invité. Je me trouve en très bonne compagnie.

Je suis enseignant et chercheur dans le domaine de la psychologie, surtout en ce qui concerne l'utilisation de la drogue, pas seulement les effets de la drogue sur le comportement, mais aussi l'interaction de la drogue et du comportement surtout dans le cas de la toxicomanie.

Vu ce que vous venez d'entendre, je ne veux pas vous induire en erreur. Je ne m'occupe pas de thérapie. Je ne suis pas un psychologue clinique et je ne traite pas les toxicomanes, quoique je respecte beaucoup ceux qui le font et qui réussissent aussi bien que votre dernier témoin.

Sauf pour ma recherche, je suis essentiellement un psychologue théorique. Je travaille à l'université, je fais des recherches et j'enseigne. Je tenais aussi à le signaler.

J'ai pu jeter un coup d'oeil aux mémoires que vous avez reçus grâce à l'Internet. Vous avez certainement reçu beaucoup d'information, mais une bonne partie de cette information semble contradictoire. Les gens emploient aussi des termes différents. Ils parlent de «toxicomanie», de «dépendance» et de dépendance «physique» ou «psychologique». Je voudrais passer en revue brièvement ce que nous savons là-dessus.

Peut-être que cela nous permettra de mieux comprendre pourquoi certains consomment de la drogue et pourquoi certains en consomment trop. Il est bien évident qu'il y a des gens qui peuvent consommer de la drogue à l'occasion sans subir d'effet néfaste particulier, alors que d'autres continuent de consommer de la drogue d'une façon qui peut sembler irrationnelle et qui a des effets néfastes sur le reste de leur vie. Souvent, ils se font traiter pour leur problème. Ils ne veulent pas consommer de la drogue, mais ils se sentent obligés de le faire et ils essaient de comprendre pourquoi.

Traditionnellement, nous avons expliqué ce phénomène en parlant de dépendance physique. Le mot «dépendance» vient de l'hypothèse selon laquelle la personne continue de consommer de la drogue de façon irrationnelle parce qu'elle a peur des symptômes de sevrage. Quand un toxicomane s'abstient de consommer de la drogue, les symptômes sont tellement désagréables que le toxicomane est prêt à faire n'importe quoi pour les éviter. C'est pour cela qu'ils font n'importe quoi pour obtenir de la drogue, même si c'est souvent au détriment de tous les autres aspects de leur vie, de leurs relations familiales, de leur mariage, de leur travail, et cetera.

Nous savons maintenant que ce n'est pas le cas et la dépendance physique n'est pas ce qui pousse les toxicomanes à consommer de la drogue de façon irrationnelle, mais c'est ce qu'on a pensé pendant des années. Pendant les années 30, 40 et 50, on a constaté que les toxicomanes pouvaient consommer de la drogue qui ne produisait pas de dépendance physique. Au lieu de modifier la théorie de base, on l'a simplement modifiée. On a inventé quelque chose qu'on appelle la dépendance psychologique. On croyait que cela expliquerait sans perdre de vue l'explication de base pourquoi des toxicomanes ressentiraient le besoin compulsif de consommer des drogues qui ne produisent aucune dépendance physique réelle.

Soit dit en passant, on peut ressentir des symptômes d'abstinence lorsqu'on cesse de consommer toutes sortes de produits. Ceux qui prennent beaucoup d'aspirine et qui arrêtent d'en prendre peuvent ressentir certains changements physiologiques. La présence ou l'absence de symptômes physiques de sevrage n'est pas vraiment importante.

Pour revenir à la question de la dépendance psychologique, on a eu l'impression qu'il devait y avoir une dépendance et des symptômes d'abstinence quelconques, mais que c'était à l'intérieur du cerveau. On a donc appelé ce phénomène la «dépendance psychologique». On a dit que, si quelqu'un consommait par compulsion ou irrationnellement une drogue qui ne produit pas de symptômes de sevrage très désagréables, les symptômes de sevrage devaient se produire à l'intérieur du cerveau où l'on ne peut pas les voir. C'est donc le cerveau lui-même qui devient accoutumé à la drogue et, lorsqu'on cesse d'en consommer, il se passe toutes sortes de choses à l'intérieur du cerveau qui ne se manifestent pas ailleurs, mais qui sont néanmoins très désagréables et le toxicomane est toujours prêt à faire n'importe quoi pour obtenir de la drogue et soulager ses symptômes d'abstinence.

La notion de sevrage psychologique est essentiellement circulaire et c'est ce qui ne va pas. Elle n'explique rien. Pour expliquer que quelqu'un consomme une drogue, on dit: «Il en est dépendant psychologiquement parce que c'est un usage compulsif de cette drogue.» Et ensuite on ajoute: «Pourquoi prend-il cette drogue? Parce qu'il en est dépendant psychologiquement.» C'est un cercle vicieux. Cela peut décrire la situation, mais ce n'est pas une explication.

Les gens ont donc expliqué ainsi pourquoi certains consommaient une drogue — leur cerveau en étant en quelque sorte dépendant et ils éprouvent des symptômes de sevrage que l'on ne peut pas voir. L'expression «dépendance psychologique» est utilisée à tort et à travers dans ce cas-là car c'est une notion qui n'a aucune logique, du moins du point de vue scientifique.

Les gens ont utilisé l'expression «dépendance psychologique» d'une autre façon. Ainsi, elle sert à décrire la motivation ou à expliquer une consommation compulsive de drogue en présumant que ce n'est pas le sevrage qui compte mais le plaisir que procure la drogue. Les gens ainsi continuent de consommer cette drogue car elle produit une euphorie, un plaisir. On a utilisé diverses expressions pour décrire le phénomène. On évoque la motivation. Je pense que c'est plus près de la vérité.

Il est clair que la consommation de drogue — toutes les drogues dont on abuse ont cela en commun — intensifie l'activité dans une partie du cerveau qui porte divers noms mais que j'appellerai le système mésolimbique dopaminergique. C'est une partie très importante du cerveau de presque tous les organismes. Cette partie se développe très tôt. C'est un système qui contrôle le comportement. Quand on fait quelque chose d'adaptatif, c'est grâce à cette partie du cerveau qu'on souhaite le faire de nouveau. C'est important. C'est un mécanisme adaptatif dont sont dotés la plupart des organismes. Un animal qui cherche de la nourriture et la trouve à un certain endroit se souviendra comment trouver de la nourriture de nouveau à cet endroit, et il sera motivé à y retourner pour continuer de trouver sa nourriture. Cela lui permet de s'adapter à l'environnement.

Nous avons dans le crâne un mécanisme que, faute d'une meilleure expression, j'appellerai «le système refaites-le». Le cerveau est programmé pour faire certaines choses qui sont bonnes pour le corps ou pour l'espèce, comme manger, boire et avoir des relations sexuelles. On veut répéter ces actions. Le cerveau fait que vous voulez répéter cette activité. On l'appelle parfois «un centre de plaisir», en fait, parce que l'expérience subjective de cette partie active du cerveau est euphorisante. La partie agréable, je pense, est peut-être ce que l'on pourrait appeler un «épiphénomène». Il n'est pas nécessaire d'avoir une expérience agréable pour que ce système fonctionne. Il peut contrôler votre comportement sans que vous éprouviez une sensation agréable.

Subjectivement, quand on essaie de comprendre pourquoi on fait quelque chose, on dit: «Cela m'a plu donc je vais le refaire.» Toutefois, en réalité, c'est une partie de votre cerveau qui nous dit: «C'était bon pour l'espèce; tu devrais le refaire.» Quand on réfléchit, quand on analyse son propre comportement, on se dit: «J'ai fait cela parce que cela me plaisait.»

Il y a une recherche intéressante au cours de laquelle on a donné de très petites quantités de doses de cocaïne à des gens, des doses si infimes que les gens ne pouvaient pas la détecter. Ces gens ne savaient même pas qu'ils avaient consommé de la cocaïne mais souvent la méthode de cette recherche veut que l'on donne aux gens une pilule rouge, et une pilule bleue, et ensuite une pilule rouge et une pilule bleue, jour après jour, et qu'on leur demande ensuite quelle pilule ils souhaitent prendre. Ils choisissent l'une ou l'autre et cette méthode est souvent utilisée pour vérifier le caractère renforçateur des drogues. On découvre souvent, et les chercheurs l'ont démontré, que si la pilule rouge est un placebo, la pilule bleue contenant une dose de cocaïne, les gens vont d'ordinaire choisir la pilule bleue. Cela se produit même à des doses si infimes que les gens ne peuvent pas dire si on leur a administré quelque chose. Leur cerveau sait cependant qu'on leur a administré quelque chose, mais subjectivement, eux l'ignorent.

Si je vous ai expliqué cela, c'est pour expliquer le rôle du plaisir dans tout cela. Le plaisir est un phénomène subjectif. Il peut se produire ou non. Il se produit sans doute 99 p. 100 du temps, mais pas nécessairement. Ce qui est vraiment important est le déclenchement de cette partie du cerveau qui fait qu'on veut répéter la même activité.

Bien entendu, essentiellement, toutes les drogues menant à l'abus stimulent cette partie du cerveau, ce système mésolimbique dopaminergique qui fait que vous voulez répéter ce que vous avez fait. C'est le dénominateur commun de toutes les drogues. En fin de compte, elles intensifient l'intensité dopaminergique dans ce système. Ces drogues court-circuitent cette partie du cerveau qui s'est développée en tant que mécanisme adaptatif de contrôle du comportement de sorte que le cerveau pense que vous avez fait quelque chose de bien, alors que ce n'est pas le cas. Vous avez fait quelque chose de vraiment mauvais, mais votre cerveau ne le sait pas, et il vous dicte de le refaire. C'est le résultat de toutes ces drogues, la cocaïne, l'alcool, le tabac, et, en fait, la marijuana. Le THC et la marijuana ont cet effet particulier.

Cela explique au départ les gens s'adonnent aux drogues et en consomment avec excès.

La plupart des autres théories concernant la toxicomanie évoquent la possibilité de divers mécanismes intervenant dans l'usage occasionnel d'une drogue et dans l'usage compulsif, ce que nous qualifierions d'asservissement. Aborder les choses sous cet angle laisse entendre un élément qualitatif plutôt que quantitatif. C'est le même mécanisme qui nous pousse à prendre une drogue à l'occasion et à en prendre de façon compulsive. Pourquoi alors ne devenons-nous pas tous toxicomanes dès que nous prenons une bière ou que nous fumons une cigarette ou un joint? Le cerveau a également développé d'autres mécanismes pour empêcher cela.

L'étude du comportement nous permet de constater que nous avons tendance à aller vers les aspects de l'environnement qui ont cet effet-là sur notre cerveau. Bien des choses auront cet effet-là sur notre cerveau. Comme je vous l'ai dit, des choses élémentaires comme la nourriture ou la sexualité auront cet effet-là, mais l'interaction sociale l'aura aussi. La plupart des activités qu'on considère agréables ont cet effet-là étant donné l'effet qu'elles produisent dans cette partie-là du cerveau.

Bien des choses dans notre environnement sont susceptibles de causer cet effet et le cerveau est ainsi constitué qu'il nous pousse à aller vers ces diverses sources. Je vais utiliser l'expression «source renforçatrice», car en fait, du point de vue du comportement, Skinner et d'autres chercheurs ont décrit un phénomène qu'ils appellent «renforcement positif». Nous savons maintenant que le renforcement positif est l'équivalent, sur le plan du comportement, de la stimulation du système mésolimbique dopaminergique. Les deux recherches se sont faites en parallèle pendant un certain temps, mais nous comprenons maintenant que le phénomène décrit est le même.

Le mécanisme met en branle le mécanisme du cerveau. Nous consommons des drogues parce que c'est un système naturel. Ce n'est pas une maladie, par exemple. C'est un système naturel. Certains en viennent à consommer de façon compulsive. Pourquoi est-ce vrai chez certains et pas d'autres? Les explications sont légion. Je pense que le milieu a beaucoup à voir. La disponibilité d'autres sources renforçatrices est extrêmement importante.

On constate fréquemment que les drogues ont un effet de spirale. Un des effets secondaires d'une surconsommation de drogue — et je dis effets secondaires car ces effets ne découlent pas directement de la stimulation du système mésolimbique dopaminergique — la consommation d'alcool, par exemple, est la difficulté de s'adonner à autre chose sous son influence. Si vous êtes alcoolique, vous avez du mal à travailler. Il est difficile d'avoir une solide vie de famille si vous êtes ivre constamment. Ce qui se produit alors est que la gratification que vous tirez de ces autres sources tend à diminuer et cela vous pousse à dériver toute votre gratification de l'alcool. Votre famille vous quitte; vous perdez votre emploi; votre santé se dégrade. Vous cessez de faire de l'exercice. Il ne vous reste plus que l'alcool. Nombre de ces drogues ont tendance à miner les autres sources de renforcement, elles contrôlent votre comportement et produisent une réaction compulsive.

Sur le plan thérapeutique, il est intéressant de constater qu'un des facteurs qui aboutit à la réussite est le rétablissement d'une vie de famille normale, d'une vie professionnelle normale et le rétablissement de la santé. À Toronto, il y a un programme épatant appelé COPA. Il s'adresse aux personnes âgées qui ont un problème d'alcoolisme, aux personnes qui éprouvent des problèmes de toxicomanie à la fin de leur vie. Peu d'entre elles consomment de la marijuana, mais la plupart consomment de l'alcool. Quand le programme accueille quelqu'un, on ne lui dit pas: «Vous êtes un toxicomane», ou «Vous êtes un alcoolique», ou «Vous êtes un ivrogne et nous allons vous aider». Très souvent on ne prononce même pas le mot, on ne parle pas d'alcool.

En revanche, les intervenants rencontrent ces gens et essaient d'améliorer certains aspects de leur vie. Ils améliorent leurs conditions de logement, par exemple, leur santé également, et les aident à prendre contact avec les professionnels de la santé. Ils leur donnent la possibilité d'avoir des contacts sociaux en offrant le transport pour se rendre à des clubs sociaux, par exemple. Très souvent, le problème d'alcoolisme disparaît tout seul. On n'a même pas besoin de dire: «Vous êtes un ivrogne» ou «Vous êtes alcoolique et nous allons vous aider». En fait, ces personnes âgées refuseraient d'être aidées si on leur parlait ainsi. La société jette l'opprobre sur les alcooliques.

On essaie d'améliorer la qualité de vie de ces gens et très souvent, pas toujours, le problème d'alcoolisme ou de toxicomanie disparaît.

Il est important de comprendre pourquoi les gens s'adonnent aux drogues au départ, et pourquoi ils en deviennent des consommateurs compulsifs. Souvent, rien dans leur vie ne peut faire concurrence à l'alcool.

J'évoque souvent l'exemple de l'essence que l'on renifle à Davis Inlet. L'inhalation de solvants est un problème insidieux que l'on rencontre souvent dans les localités rurales isolées. Pourquoi ces problèmes surgissent-ils dans certaines localités et pas ailleurs? C'est un mystère. J'ai trouvé sidérant qu'on retire ces enfants innus de leur milieu pour les soigner, et qu'on les renvoie sans rien changer dans la même collectivité. Comme rien n'avait changé, ils ont repris leurs habitudes. tout le monde s'est étonné qu'on ait dépensé sans succès des millions de dollars pour les soigner. Ce n'est pas étonnant du tout. C'est exactement ce à quoi on peut s'attendre dans une telle situation.

De toute façon, j'ai probablement déjà trop parlé. Je répondrai volontiers à vos questions.

Le président: Hier soir, vous avez évoqué vos recherches sur les animaux. Pouvez-vous nous expliquer comment un chercheur peut, grâce à des constatations faites sur des animaux, par exemple sur des rats, faire des corrélations, des transferts et des extrapolations pour déterminer le résultat dans le cas des humains?

Le Dr McKim: Ce n'est pas très difficile. On a affaire au cerveau d'un rat. Quand on s'intéresse aux mécanismes du cerveau que j'ai décrits, et qu'on essaie de comprendre la toxicomanie dans ce contexte, ce n'est pas très difficile. Les rats sont des mammifères qui ne sont pas très différents de nous, car nous descendons tous d'un ancêtre lointain qui avait le même type de mécanisme cérébral. Le cerveau du rat fonctionne à peu près de la même façon que le cerveau humain, s'agissant du contrôle du comportement. Quant à nous, nous avons des fonctions de conscience, de parole, de symbolisation et d'exécution que le cerveau du rat ne possède pas, mais les rats ont quand même un système mésolimbique dopaminergique qui fonctionne à peu près de la même façon que le nôtre. On peut brancher le système circulatoire d'un rat sur un cathéter et lui donner le moyen de pousser le levier pour s'injecter une dose de drogue; les rats absorbent presque toutes les drogues que les humains consomment. Par contre, la marijuana est l'exception; et c'est une exception intéressante.

Le président: Je songeais précisément à cette exception. Comment l'expliquer?

Le Dr McKim: Je ne comprends pas et bien des gens ne comprennent pas, mais je suppose que cela a quelque chose à voir avec la méthode d'absorption. Les humains ne s'injectent pas le THC. Mais ils l'inhalent. La façon d'administrer une drogue est importante pour déterminer les effets qu'elle a sur le comportement. On a essayé en fait de faire inhaler de la fumée de marijuana à des rats, mais sans grand succès. Dès que l'on essaie de faire inhaler des drogues à des rats, on se heurte à une difficulté. Je pense donc que c'est la méthode d'administration qui fait problème. Si nous pouvions trouver le moyen d'administrer le THC à des rats d'une manière semblable à l'inhalation par les humains, nous constaterions sans doute qu'ils le consommeraient d'eux-mêmes. Toutefois, c'est une question intéressante, technique plutôt que pratique.

Le président: Le National Institute on Drug Abuse, aux États-Unis, se réfère fréquemment à une recherche sur les effets de la marijuana sur le cerveau, et cette recherche, effectuée sur des rats, a abouti à déterminer que la marijuana peut ou pourrait dégrader les cellules du cerveau. Lorsque nous avons consulté les résultats de cette recherche, nous avons découvert que des quantités colossales de marijuana avaient été injectées à des rats quotidiennement. Connaissez-vous cette recherche?

Le Dr McKim: Je connais diverses études qui se sont penchées sur les effets d'une exposition continue à des doses assez élevées, et sur les modifications permanentes qui en résultent. Certaines études ont été menées à bien par la Fondation de la recherche sur la toxicomanie à Toronto, il y a quelques années. On a fait des études sur les singes aux États-Unis.

Le président: Quelles sont les conclusions de ces études?

Le Dr McKim: L'étude à laquelle je songe a été effectuée par la Fondation de la recherche sur la toxicomanie par Kevin Fehr. C'est une étude phare. C'est l'une des premières et elle a utilisé des doses massives pendant une longue durée.

Le président: Des doses massives de quoi?

Le Dr McKim: Je peux me renseigner, mais je ne peux pas vous le dire faute de mémoire. Les doses étaient beaucoup plus élevées en fait que ce qu'un consommateur pourrait absorber.

Le président: Pour bien comprendre, si un consommateur régulier absorbait deux ou trois grammes par jour, il pourrait être considéré comme un gros consommateur. S'agit-il ici de plus de trois grammes par jour?

Le Dr McKim: L'étude a été menée à bien par Fehr, Kalant et d'autres. Kalant a déjà témoigné. On a fait absorber à des rats de fortes doses quotidiennes de THC pendant six mois et il me faudra consulter de nouveau cette étude pour vous dire exactement quelle était la dose. Le THC a causé une réduction de perspicacité qui persistait deux mois après qu'on a cessé d'administrer la drogue. Les chercheurs en ont conclu que la drogue avait causé une lésion cérébrale permanente. En fait, d'autres études ont démontré que la structure et la fonction cérébrales des rats sont modifiées, surtout l'hippocampe, après une exposition chronique au THC. On a constaté que des niveaux élevés de THC — et encore une fois ce n'est pas précis — sont toxiques pour les cellules cultivées de l'hippocampe des rats. Il s'agit ici de cellules cérébrales retirées et exposées au THC.

Toutefois, il y a une autre étude plus définitive. Elle a été faite sur des singes rhésus par William Slikker et ses collègues au National Centre for Toxicological Research à Jefferson, en Arkansas. Ils ont entraîné des singes à des actes de comportement, avec plan progressif, afin d'obtenir un bout de nourriture à la banane. Un groupe de singes a été exposé à l'équivalent d'une consommation humaine de quatre à cinq cigarettes de puissance faible à moyenne absorbées à travers un masque qui couvrait le nez et la bouche et ce, tous les jours, pendant un an. Les singes ont absorbé l'équivalent de quatre à cinq joints quotidiennement pendant un an.

Un deuxième groupe a été exposé à la même dose, les week-ends seulement, et des groupes témoins absorbaient la fumée sans THC. Pendant l'exposition, on a constaté des effets sur certains niveaux d'hormones, résultant sans doute du stress, mais sept mois après l'exposition, on n'a pas pu constater de différence décelable dans le comportement, le volume de l'hippocampe, la taille des neurones ou l'activité synaptique et dendritique. C'est une étude plus récente, et je pense qu'elle est plus probante, le niveau des doses semblant mieux adapté.

Le président: L'absorption massive fait la différence.

Le Dr McKim: Le dernier paragraphe de l'étude rappelle que les comparaisons entre les cellules de culture chez les rats, les singes et les humains doivent prendre en compte la durée d'exposition par rapport à la durée de vie de l'organisme. Cela signifie qu'une exposition de trois mois et nécessaire pour causer des effets neurotoxiques chez les rats, et cela représente 8 à 10 p. 100 de la durée de vie d'un rat. L'équivalent chez les singes serait de trois ans, et chez les humains, de sept à dix ans.

Le président: À quelle page de votre livre en êtes-vous?

Le Dr McKim: Page 316. J'ai lu récemment d'autres études épidémiologiques faites sur des humains qui sont des utilisateurs chroniques de longue date. Certaines études annoncent une forme de démence permanente, les effets durant au moins un an après l'arrêt de l'absorption de drogue. D'autres études n'aboutissent pas à cette conclusion. La difficulté dans les études épidémiologiques est de trouver des gens qui ne consomment que de la marijuana. Si on tire une conclusion, il n'est pas clair que ce soit lié à la marijuana.

Le sénateur Cochrane: Monsieur McKim, je voudrais que vous me disiez ce que vous pensez des propos de M. Steve Kent, de Mount Pearl, qui a dit ce matin, et je cite:

En nous inspirant d'un modèle de développement communautaire et sanitaire général, nous préconisons la bonification de programmes accessibles à un guichet unique afin que les jeunes puissent obtenir l'aide de professionnels de la santé et participer à des activités récréatives, avec débouchés d'emploi et initiatives axées sur les jeunes.

Que pensez-vous d'un modèle de ce genre? Pensez-vous que cela permettrait d'empêcher les jeunes de s'initier au cannabis?

Le Dr McKim: Je pense que la démarche qui passe par le développement communautaire est géniale, car elle tient compte de la totalité du milieu où vit l'individu. Elle n'isole pas l'individu et l'encourage à rompre avec la drogue. Elle soigne toute la collectivité et je pense que c'est vraiment important. C'est nettement le choix qu'il faut faire.

Toutefois, je ne pense pas que cela va empêcher les gens de faire une expérience, et d'une certaine façon, ils ne cesseront pas de consommer de la marijuana. Ce genre d'approche va sans doute empêcher l'abus dans la mesure où l'individu aura le choix de s'adonner à un grand nombre d'activités.

Comme je l'ai expliqué, ce qui compte ce n'est pas tant l'effet de la drogue sur le cerveau que les autres possibilités qu'offre un milieu pour créer une distraction. C'est une compétition. Si je peux paraphraser Nancy Reagan, je dirais: «Dites non aux drogues.» Mais ce n'est que la moitié de l'équation. Il est beaucoup plus facile de refuser les drogues quand on peut accepter quelque chose d'autre. Il faut donner aux gens la possibilité de dire «oui» à autre chose.

Le sénateur Cochrane: Quand je songe à Davis Inlet, je frémis. En tant que docteur en psychologie de l'université Memorial, avez-vous des solutions à proposer pour régler ce problème? Je constate qu'on vient d'injecter 25 millions de dollars supplémentaires à Davis Inlet pour tenter de résoudre le problème. Toutefois, je ne pense pas que l'argent suffise. Comme vous l'avez dit, sortir ces enfants de ce milieu, les envoyer en Alberta ou au Manitoba, pour les ramener par la suite, n'a pas résolu quoi que ce soit. On n'a pas résolu le problème. Que pouvons-nous faire?

Le Dr McKim: Comme Steve Kent l'a signalé, c'est un problème à l'échelle de la collectivité. Il faut guérir la collectivité et non pas l'individu. Il faut guérir le cadre où il vit. Les gens de Davis Inlet vont déménager dans une localité tout à fait nouvelle. Cela pourra peut-être régler le problème. Tout dépendra des installations récréatives disponibles là-bas.

Cependant, ce n'est qu'une partie de l'équation. Le mode de vie traditionnel des Innus est très important pour eux et cela signifie qu'on passe du temps avec les aînés et qu'on chasse dans les bois. Il faut tenir compte de cela également.

Il y a beaucoup d'autres choses à faire au Labrador outre renifler de l'essence et ces jeunes doivent avoir la possibilité de s'adonner à des activités et être encouragés à le faire. La construction d'un centre récréatif améliorerait la situation. Il faudrait également avoir des entraîneurs de basketball et des piscines.

Toutefois, quand il s'agit d'une collectivité ethnique différente, il y a bien des éléments du problème que vous et moi ne comprenons pas assez bien pour pouvoir donner de bons conseils. Beaucoup de choses sont liées au mode de vie traditionnel des Innus. Je pense qu'ils savent eux-mêmes ce qu'il faut faire. Les aînés le savent probablement. Nous devons pouvoir leur donner les moyens de le faire. N'étant pas sur place, je ne sais pas ce que cela représente. Je ne sais pas si cela donnera des résultats. Je songe par exemple à des campements en pleine nature. Tout ce que je sais, c'est qu'à la base, il faut offrir aux jeunes une activité qui fasse concurrence à l'inhalation d'essence. C'est la façon la plus facile, la plus accessible et la moins coûteuse de stimuler le système mésolimbique dopaminergique. Ils vont s'y adonner à moins qu'on leur offre d'autres choix.

Le sénateur Banks: Je vais vous présenter des arguments tout simplement pour obtenir des renseignements. Hier soir, et encore aujourd'hui, vous nous avez dit que pendant longtemps nous avions une fausse perception de ce qu'est la crainte du sevrage dans un cas de dépendance physiologique — ce ne serait pas la raison principale pour laquelle les gens continuent d'être accros. Je pense avoir bien compris, n'est-ce pas?

Le Dr McKim: Oui.

Le sénateur Banks: J'ai vu des héroïnomanes passer par le processus de sevrage. L'héroïne crée une dépendance physiologique et le processus de sevrage est horrible. C'était pire que ce que j'avais jamais pu imaginer. Le sevrage brutal est un processus horrible pour tous ceux qui y participent. C'est tellement horrible que j'ai du mal à croire qu'il n'engendre pas une crainte suffisante pour empêcher les gens de rompre avec la drogue parce que pour eux, physiologiquement, la drogue est à peu près l'équivalent d'une nourriture. Leur organisme la réclame. Peu importe qu'il s'agisse d'une dépendance psychologique ou physiologique. L'état de manque a des conséquences si horribles quand soudainement ils n'ont plus accès à une dose que j'ai du mal à comprendre pourquoi vous dites que la dépendance physiologique et la crainte du sevrage ne sont pas des facteurs empêchant de rompre avec l'habitude. La raison pour laquelle les gens se sont adonnés à la drogue au départ est presque secondaire. Pouvez-vous développer un peu cet aspect? Je sais que cela n'a rien à voir avec le cannabis, mais ce que vous avez dit m'intrigue.

Le Dr McKim: Votre perception et votre évaluation de la situation sont justes. Le retrait de l'héroïne n'est pas une expérience plaisante. Quand on a voulu comprendre pourquoi les gens consommaient de façon compulsive des substances comme la morphine, l'héroïne et l'alcool, toute substance — les opiacés sous forme de morphine et d'alcool — qui semblait poser un grave problème à l'époque, on a constaté des symptômes dénotant un état de manque. Le sevrage de l'alcool est pire que le sevrage de l'héroïne. Il était donc logique d'en conclure que la crainte du sevrage était la raison qui expliquait ce comportement, selon toute apparence.

Toutefois, cela pose deux problèmes. Pourquoi font-ils une rechute si c'est si terrible? Un toxicomane qui a déjà été en sevrage d'héroïne va se remettre à en consommer. On aurait cru qu'il n'aurait jamais voulu repasser par là. C'est la même chose pour l'alcool, évidemment. Ça n'explique pas vraiment pourquoi les gens rechutent et les taux de rechute sont extrêmement élevés pour beaucoup de drogues, y compris ces deux-là. Ça n'explique pas non plus pourquoi les gens consomment des drogues qui ne causent pas de symptômes de sevrage très aigus et qui les consomment de façon tout aussi destructrice et compulsive. C'est un facteur, et si je vous ai amenés à croire que cela n'a rien à voir avec la consommation de drogue, alors j'ai fait une erreur. Cela joue. De fait, cela peut même augmenter la motivation.

Je vais me référer à nouveau aux études sur les rats, si vous le permettez. Une façon de mesurer le risque d'abus que présente une drogue est d'observer l'effort qu'est prêt à consentir un rat pour s'injecter la drogue. On fait travailler le rat très dur. Pour une drogue comme la cocaïne, on peut amener l'animal à appuyer sur un levier 7 000 ou 8 000 fois pour recevoir une dose. Dans le cas d'un rat physiquement dépendant qui éprouve des symptômes de sevrage et dans le cas de rats qui ne sont pas en sevrage, il n'y a pas de grande différence d'effort pour obtenir l'héroïne. Ils vont faire plus d'efforts s'ils sont en sevrage d'héroïne, mais pas beaucoup plus.

Ça n'a pas beaucoup d'effet sur le sevrage de l'alcool. Les rats feront un effort aussi grand pour obtenir de l'alcool, qu'ils soient en sevrage ou pas. Je pense bien que c'est ça. C'est un facteur et cela fait une différence, mais ce n'est pas le facteur déterminant et ce n'est pas un facteur suffisamment important, qui explique pourquoi les gens consomment de la drogue de manière aussi compulsive ou destructrice.

Je précise une chose. Vous connaissez évidemment l'entretien à la méthadone. La méthadone est un opioïde qui retarde l'apparition de symptômes de sevrage. Les héroïnomanes entrent souvent dans un programme d'entretien à la méthadone et en prendront tous les jours pendant des années, ne serait-ce que pour éviter les symptômes du sevrage.

L'idée à l'origine de ce programme, c'est que les gens consomment la drogue pour éviter le sevrage. Ce qu'il faut savoir, c'est que pour obtenir la méthadone, il faut subir un test qui confirme que le sujet est physiquement dépendant de l'héroïne. On lui fait une injection de maloxone, un antagoniste, qui provoque instantanément des symptômes de sevrage chez les sujets physiquement dépendants. Il arrive souvent que des gens se présentent pour s'inscrire au programme d'entretien à la méthadone. Or, le test révèle que la personne n'est pas physiquement dépendante de l'héroïne, même si elle pense l'être. Pourtant, elle fait la vie d'un héroïnomane: elle se pique, mais la dose n'est pas suffisamment élevée pour produire une dépendance physique même si elle est convaincue du contraire. Ce n'est pas que la personne essaie de tricher pour obtenir la méthadone gratuitement. Elle se pense réellement physiquement dépendante et est convaincue qu'elle va éprouver les symptômes du sevrage si elle cesse, mais ce n'est pas le cas.

C'est un facteur et c'est important, mais je ne crois pas que cela explique pourquoi les gens se conduisent de façon aussi compulsive et irrationnelle uniquement pour éviter les symptômes de sevrage, quelque pénibles qu'ils soient.

Le président: Merci beaucoup, monsieur McKim. Je sais que les attachés de recherche ont hâte de lire les divers chapitres de votre livre. Je vais le remettre à la secrétaire.

Le Dr McKim: Je précise que j'ai participé à un projet de recherche il y a quelques années. Il en a été question hier soir. Vous vous souviendrez que Jim Power avait un rapport sur la consommation de drogue chez les jeunes, qui faisait partie d'une série d'études réalisées par la Dre Christiane Poulin, épidémiologiste à la Faculté de médecine de Dalhousie. Elle a effectué dans les provinces maritimes des enquêtes à grande échelle dans les écoles secondaires tous les deux ou trois ans. Jim Power avait le rapport de 1966 et je pense qu'il y en a eu un en 1968. Un autre avait été préparé deux ans auparavant. Que je sache, rien n'a été fait depuis. C'est de l'excellent travail.

Ces études portaient sur de très grands échantillons d'élèves partout dans la région des Maritimes, Terre-Neuve y compris, et on posait la même question dans les mêmes circonstances, ce qui permet de déceler des tendances et de voir quelles drogues sont consommées. J'ai remarqué que le sénateur Cochrane a posé des questions concernant l'âge des consommateurs. Ces études vous donneront ces renseignements.

Vous voulez peut-être la contacter pour obtenir des exemplaires de ces rapports. Elle a étudié les classes de 7e, 9e et 12e. Il restait donc les classes de 8e et de 11e. Nous avons greffé une nouvelle étude sur la sienne. Nous avons fait une analyse des pistes causales, une modélisation par équation structurelle — à peu près impossible à décrire dans sa complexité mathématique, au point où je dois reconnaître que moi-même je ne la comprends pas. Cela vous donne ce genre de résultats et englobe tous les facteurs. C'est une recherche sociale complexe qui examine les quantités de drogue consommées par chacun. Cela examine les valeurs personnelles des gens, si leurs parents en consommaient et d'autres éléments. Tout est rassemblé de manière mathématique et l'on peut voir l'influence de chacune des variables. J'ai apporté ici les rapports sur la consommation de marijuana, de haschisch et de solvants, que vous pourrez consulter à loisir. Je vais les remettre eux aussi à votre secrétaire.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous accueillons maintenant M. Robert Pike, du Penitentiary Addictions Group.

M. Robert Pike, agent de classement, Penitentiary Addictions Group: Mon intervention s'inspire de mon expérience de travail et ne représente pas la position de mon ministère ou de ses services. Comme agent de classement, je travaille auprès de délinquants aux prises avec des problèmes de toxicomanie. Au nombre de mes fonctions, j'évalue la gravité de la toxicomanie et oriente les sujets vers nos programmes de lutte contre la toxicomanie. Je suis aussi le coanimateur d'un programme antitoxicomanie pour les détenus masculins provinciaux et fédéraux au pénitencier de Sa Majesté. Ma position sur la décriminalisation de la marijuana est le résultat des entretiens que j'ai eus avec les délinquants masculins toxicomanes et du travail que j'ai fait auprès d'eux. De par mes fonctions, j'ai acquis des connaissances de base sur les effets négatifs de la consommation de marijuana et les problèmes importants qu'elle leur cause, à eux et à leur famille.

Je suis opposé à la décriminalisation de la marijuana pour des motifs moraux, juridiques et sanitaires. Nos convictions et nos valeurs traditionnelles sont essentiellement les bonnes vis-à-vis de la consommation de la marijuana. Il y a des objectifs de base qu'il faut conserver dans notre société. Par exemple, il faut offrir la possibilité d'atteindre ses buts, d'encourager l'activité physique et de promouvoir un mode de vie sain. On a toujours dissuadé le comportement criminel. Or voilà que l'on envisage aujourd'hui d'apporter des changements en raison des pressions qui s'exercent.

Les consommateurs de marijuana aujourd'hui, contrairement à ceux des années 60, proviennent de tous les milieux et le mouvement en faveur de la décriminalisation est le résultat d'autres valeurs culturelles et modes de vie. C'est ce qui a affaibli nos valeurs et nos convictions au sujet de la marijuana et du respect des lois. Doit-on, comme société, réduire notre qualité de vie pour autoriser l'introduction d'un autre psychotrope dans nos communautés? Sommes-nous prêts à décriminaliser un psychotrope à cause de l'attitude des gens face à une infraction et à minimiser la gravité de leurs actes au motif que la simple possession est dérisoire? Jugera-t-on un jour le simple vol comme acceptable?

Nous connaissons tous certains des effets psychologiques et physiques de la marijuana. Les personnes qui en consomment le font pour différentes raisons. Par exemple, certains recherchent l'effet psychologique de la drogue, pour s'évader de la réalité. Il faut donc se demander si nous devons donner aux gens un autre moyen de se soustraire à leurs responsabilités et de se droguer pour modifier leurs pensées et leurs émotions? Le gouvernement actuel a l'obligation morale de garder le cap en refusant de décriminaliser la consommation de marijuana.

Si on aborde le problème du point de vue juridique, on sait que les lois existent pour protéger la société. Je pense que la décriminalisation de la marijuana entraînera avec le temps d'autres crimes liés aux drogues. Il suffit de songer aux conséquences de l'abus d'alcool. On ne répare pas une erreur par une autre erreur. D'après les études sur le sujet, une minorité de consommateurs de marijuana finissent par avoir des problèmes à cause de leur consommation. Il en irait de même dans le cas de la surconsommation d'alcool: un faible pourcentage des consommateurs d'alcool éprouvent des difficultés liées à l'alcoolisme. Or, chacun connaît les coûts humains et sociaux de l'alcoolisme, c'est-à-dire les coûts qu'il entraîne pour le système judiciaire, le système de santé et les familles touchées. Allons-nous maintenant permettre à nos préadolescents, nos adolescents et nos jeunes adultes de développer une dépendance qui pourrait les amener à commettre des actes criminels pour pouvoir continuer à consommer de la drogue? De nos jours, des jeunes délinquants disent qu'ils ont pris de la marijuana avant de passer à d'autres drogues illicites. Certains d'entre eux avouent même avoir pris plusieurs drogues ensemble pour obtenir des sensations plus fortes ou différentes. La dépendance à une substance psychoactive est puissante et, pour certaines personnes, le besoin de consommer est plus fort que le besoin d'éviter les comportements criminels.

Permettez-moi de citer un extrait de votre communiqué de presse: «Par exemple, la preuve scientifique semble indiquer que la marijuana n'est pas une drogue d'introduction. Il y aurait peut-être lieu de la considérer davantage comme l'alcool ou le tabac plutôt qu'une drogue dure». En ce qui concerne l'alcool, pensez un instant à toutes les victimes de l'ivresse au volant et au nombre de crimes contre les biens commis sous l'influence de l'alcool. L'alcool est une drogue licite. Si nous décriminalisons la marijuana, le nombre de personnes qui conduisent avec des facultés affaiblies va-t-il augmenter? La marijuana fausse sensiblement les perceptions des conducteurs, parce qu'après en avoir fumé, ils pensent qu'ils conduisent mieux. Cette fausse perception est alarmante et très dangereuse. Ce n'est pas parce que certaines personnes décident d'enfreindre la loi en prenant de la marijuana que l'on doive décriminaliser la marijuana.

Certains partisans de la décriminalisation de la marijuana font valoir que beaucoup de fonds publics sont consacrés à la répression policière dans ce domaine. En fait, la décriminalisation entraînera le simple déplacement de ces dépenses vers un autre organisme ou ministère. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui prétendent que si nous maintenons le cap, il y aura moins de sensibilisation et de prévention dans ce domaine. La sensibilisation et l'éducation du public sont toujours des mesures positives.

Pour la plupart des citoyens, la loi a un effet de dissuasion. Ainsi, en atténuant les conséquences de la possession de marijuana, on se trouve à encourager l'augmentation de la consommation de cette drogue. En supprimant l'effet négatif de la possession de marijuana, par exemple, l'établissement d'un casier judiciaire, on risque de rendre la marijuana plus accessible. Les partisans de la décriminalisation de la marijuana sont peut-être eux-mêmes des consommateurs qui estiment que le risque de se faire prendre est faible comparativement à l'effet euphorique de cette drogue. Ils semblent attacher plus d'importance aux effets psychologiques de la marijuana qu'aux conséquences judiciaires d'en avoir en sa possession. Dans ces conditions, on peut se demander s'ils ne préfèrent pas changer la loi plutôt que d'y obéir. Les gens voudront en consommer si cela leur procure une sensation de bien-être.

De façon générale, on peut dire que les arguments relatifs à la santé mis de l'avant lorsqu'on parle de l'opportunité de décriminaliser la marijuana reposent sur des recherches. Les effets psychologiques et physiques de la marijuana sont bien documentés. En ce qui concerne la dépendance à la marijuana, la théorie à laquelle chacun adhère peut déterminer son point de vue sur la consommation de marijuana et l'apparition d'une telle dépendance.

Quoi qu'il en soit, la consommation de marijuana comporte des risques pour la santé. La marijuana est la substance la plus fumée dans notre société, après le tabac. Nous connaissons bien les effets du tabagisme sur la santé. Dans la plupart des cas, la marijuana est fumée. Elle cause de l'irritation des bronches et des voies respiratoires. Le fumeur de marijuana inhale profondément et retient la fumée plus longtemps. Par ailleurs, la fumée de marijuana contient des substances chimiques cancérigènes.

En ce qui concerne l'effet sur le cerveau, on sait que la marijuana ne se limite pas à provoquer des sensations. Elle déclenche une série de changements du fonctionnement cérébral et du comportement. La fumée de marijuana a des effets sur l'humeur, l'énergie, l'appétit, l'attention, l'apprentissage et la mémoire. Elle peut également diminuer la concentration et provoquer une tendance aux oublis. La marijuana peut entraver la capacité d'accomplir des tâches complexes, notamment de conduire un véhicule. Il existe une abondance de données sur les coûts qu'engendre la consommation de marijuana pour le système de santé. Si jamais on décriminalise la marijuana, les coûts diminueront pour les services de police, mais ils augmenteront d'autant pour le système de santé.

Il est vrai que certains jeunes vantent les mérites de la marijuana prise à des fins récréatives, mais sommes-nous prêts, en tant que société, à accepter les effets nocifs importants de la marijuana sur nos enfants, nos petits-enfants et les générations futures? Je pense que l'attitude intelligente dans ce domaine consiste à travailler avec nos éducateurs et nos jeunes pour les aider à combattre la consommation de drogue. La lutte contre le tabagisme a remporté un certain succès. Nous devons travailler ensemble à promouvoir des habitudes de vie saine et à refuser la décriminalisation de la marijuana.

En terminant, je voudrais remercier le comité de m'avoir donné l'occasion d'exprimer pourquoi je suis contre la décriminalisation de la marijuana. J'ai hâte de lire vos recommandations. Je vous remercie.

Le président: Si je vous ai bien compris, vous trouvez que l'interdiction de la marijuana est une bonne chose et que nous devons maintenir le statu quo.

M. Pike: En effet, c'est ma position.

Le président: Vous avez étudié la prévalence de la consommation de marijuana et du cannabis dans l'ensemble de la population. Souhaitez-vous que nous continuions à réprimer la consommation de marijuana comme nous le faisons en ce moment, c'est-à-dire en investissant massivement dans la police?

M. Pike: La population à laquelle je fais allusion est bien sûr la population carcérale, celle des pénitenciers.

Le président: Moi, je parle de la prévalence dans l'ensemble de la population. Dix pour cent de la population canadienne fume de la marijuana. On sait que 10 p. 100 de la population canadienne fume de la marijuana, mais, malgré ce grand nombre de consommateurs, vous pensez quand même qu'il faut interdire la marijuana, si j'ai bien compris.

M. Pike: Oui.

Le président: Vous avez dit que la raison d'être du droit pénal est de protéger la société. Poussons le raisonnement un peu plus loin. Des universitaires et des experts parlent du principe des méfaits: si un comportement cause du tort à autrui, il doit être pénalisé. Quel degré de méfait ou de torts devons-nous tolérer?

M. Pike: Il faut qu'il y ait un équilibre entre les différents moyens, notamment l'emprisonnement, qui sont utilisés à des fins de dissuasion. Il faut mettre dans la balance la justice, la protection de la société et l'intervention visant à aider la personne à découvrir les motifs de sa consommation de marijuana et l'aider à y mettre fin. Les programmes offerts dans les établissements pénitentiaires du Canada répondent aux besoins de chaque personne. Au moment de sa libération, le détenu sera mieux en mesure de décider ce qu'il veut faire de sa vie, au lieu de retourner au milieu de la drogue et de recommencer à fumer de la marijuana.

D'après les chercheurs, la consommation régulière de marijuana peut entraîner chez certaines personnes une perte d'intérêt et de motivation généralisée. Certains des détenus que j'ai évalués m'ont avoué qu'ils avaient décroché de l'école, qu'ils n'éprouvaient plus d'intérêt pour quoi que ce soit et qu'ils se contentaient de fumer de la marijuana avec les copains.

Les prisons nous permettent d'aider une personne à réintégrer la société. En incarcérant une personne, on réduit les méfaits de ses éventuels comportements, on la retire du milieu de la rue et on intervient pour l'aider à corriger son comportement.

Le président: Vous avez dit que la plupart des consommateurs de marijuana finissaient par éprouver des problèmes. Est-ce que vous faisiez allusion à la clientèle avec laquelle vous travaillez ou à l'ensemble de la population?

M. Pike: Bien entendu, j'interviens auprès des détenus qui ont commis une infraction ou ont adopté un comportement qui a incité les tribunaux à intervenir et à les retirer de leur milieu. Des 10 p. 100 de la population qui prennent de la marijuana, on peut penser qu'environ 10 p. 100 éprouvent effectivement des problèmes. Bien sûr, il y a des consommateurs de marijuana qui n'ont pas eu de démêlés avec la justice, mais beaucoup d'entre eux éprouvent d'autres problèmes.

Le président: Statistiquement, cela veut dire qu'environ 1 p. 100 des consommateurs ont des problèmes. Les chiffres ne nous disent cependant pas si ce sont les 90 p. 100 des consommateurs qui l'utilisent régulièrement à des fins récréatives ou 10 p. 100 qui l'utilisent plus régulièrement, de façon chronique. Êtes-vous toujours d'avis que la consommation de marijuana a des effets défavorables dans la plupart des cas?

M. Pike: Chaque joint que l'on fume a des conséquences sur la santé. Il y a des conséquences physiques et psychologiques. Si on en fume régulièrement, on développe une dépendance psychologique à la drogue. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, les gens de tous les milieux condamnent énergiquement le tabac. Certains gouvernements et certaines personnes intentent des poursuites contre les fabricants de cigarettes.

Dans l'avenir, nous risquons de nous trouver devant le même problème à cause des effets nocifs de la marijuana sur la santé, qui entraînera des coûts importants pour la société. Bien sûr, nous assumons actuellement certains coûts pour faire respecter la loi, mais il faut tenir compte du coût des soins de santé qui grimpera si nous décriminalisons la marijuana. Et vous savez tout autant que moi que le système de soins de santé est déjà sous-financé.

Le sénateur Banks: Monsieur Pike, si vous aviez assisté à nos délibérations antérieures, vous sauriez que pour ma part, je trouve que la meilleure façon d'obtenir de l'information est de se renseigner et de se faire l'avocat du diable, peu importe le témoin que l'on interroge. Je vais donc vous poser quelques questions dans cet esprit.

Vous avez dit que nous avons réussi dans une certaine mesure à réduire la consommation de tabac. Qu'est-ce qui vous porte à le croire? Quel programme à votre avis a réussi à réduire le tabagisme? Je dois vous dire que j'en doute; en fait, je pense que c'est faux et que nous n'avons pas réussi à réduire la consommation de tabac où que ce soit au Canada. Je sais que certains pays y sont parvenus, mais pas le Canada. Qu'est-ce qui vous porte à parler de succès à cet égard?

M. Pike: Je me fonde sur ce que j'ai lu dans les journaux sur la question du tabagisme.

Le sénateur Banks: Nous faisons bien des efforts pour essayer de convaincre les jeunes de ne pas fumer.

M. Pike: Je pense que ces efforts portent leurs fruits.

Le sénateur Banks: Croyez-vous?

M. Pike: J'aime à le penser. On voit des jeunes prendre part à des publicités télévisées contre la cigarette. Je pense que cela a un impact. Je n'ai pas d'études à citer à l'appui de mes propos qui reposent strictement sur ce que j'ai observé. Je n'avais pas le temps de faire de grandes recherches.

Dans mon exposé, j'ai fait état des problèmes associés au tabagisme: coûts pour le système de santés, cancer, maladies pulmonaires, maladies cardiaques, et cetera. Tous ces effets du tabagisme sont bien documentés, et des problèmes semblables sont associés à la consommation de marijuana.

Le sénateur Banks: Est-ce exact? Nous savons que chaque année, 45 000 décès sont attribuables à la cigarette. C'est un fait démontrable par la statistique. Y a-t-il des cas connus de décès attribuables à la marijuana?

M. Pike: Non.

Le sénateur Banks: Aucun décès pour cette raison n'a été signalé.

M. Pike: Je l'ignore. Comme la consommation de marijuana est un acte criminel, les gens hésitent à l'admettre. Cela pourrait expliquer que les médecins ne puissent attribuer le décès d'une seule personne à la consommation de marijuana. Mais s'il était possible de faire des recherches et de tenir des statistiques à ce sujet, je suis sûr que l'on trouverait une corrélation entre la consommation de marijuana et les décès.

Le sénateur Banks: Si nous décidions d'interdire l'alcool, pensez-vous que moins de gens en boiraient?

M. Pike: Oui, je crois.

Le sénateur Banks: Tout le monde reconnaît que nous devons consacrer beaucoup d'efforts à traiter l'abus de n'importe quelle substance, par n'importe quel moyen. Dans la mesure du possible, nous devons empêcher les gens d'abuser de différentes substances, notamment de toutes les drogues connues, de l'alcool, de la marijuana, de l'héroïne, des médicaments et j'en passe. On entend souvent dire que la prohibition n'est pas efficace et qu'il vaut mieux montrer aux gens à faire un usage raisonnable de ces substances.

J'aimerais vous expliquer ma façon de penser. L'Église à laquelle j'appartiens, du moins en théorie, loin d'interdire l'utilisation de l'alcool, la prescrit pour le sacrement de la communion. Il faut que ce soit de l'alcool parce qu'autrement, le fait que beaucoup de personnes boivent de la même coupe présenterait de graves dangers sur le plan de la santé. Ainsi, l'Église prescrit littéralement la consommation d'alcool dans l'un de ses rites les plus importants, et il y a d'autres religions qui font de même.

On n'a pas décidé d'interdire l'alcool sous prétexte que certaines personnes pourraient se faire du tort en buvant trop. Nous pensons que chacun doit apprendre à boire de façon prudente dans les rencontres sociales. Si je buvais beaucoup de vanille, je pourrais devenir complètement ivre. Et pourtant, personne ne demande que l'on interdise la vanille. Personne ne propose non plus d'interdire les substances qui se vendent en aérosol, ou encore l'essence, sous prétexte qu'on peut s'en servir pour se droguer. Ce que je veux faire valoir, c'est qu'il existe beaucoup de substances dont certaines figurent sur les listes des stupéfiants, tandis que d'autres sur la liste des substances réglementées et d'autres, comme la vanille, ne figurent sur aucune liste.

Il me semble illogique d'interdire une substance et pas l'autre. Notre tâche consiste à montrer aux gens à se conduire de façon raisonnable. La consommation de ces substances devient alors une question de choix personnel, au lieu d'être interdite. Il suffit de penser à l'expérience de la prohibition de l'alcool aux États-Unis, qui a été un échec malgré les énormes efforts qu'on y a consacrés.

J'aimerais connaître votre réaction au point de vue que je viens d'exprimer, c'est-à-dire que nous devrions tâcher d'apprendre aux gens à user de façon responsable des différentes substances qui existent, y compris le café, au lieu d'en interdire la consommation, parce que les interdictions ont toujours abouti à des échecs.

M. Pike: D'emblée, je vous répondrais par une question: jusqu'où pouvons-nous aller dans cette voie?

Le sénateur Banks: Voilà la question. Est-il préférable de prohiber certaines choses, d'appliquer le «principe de la jarre à biscuits» et de dire aux gens qu'ils ne peuvent pas en avoir? Est-ce là la meilleure attitude à votre avis? Ou est-il préférable d'éduquer les gens au sujet de beaucoup de choses qui existent dans le monde, dont certaines sont fabriquées dans des laboratoires de chimie par des individus qui se moquent bien de votre santé.

Devons-nous consacrer nos efforts, notre argent et notre réflexion à montrer aux gens à user de façon raisonnable de ces substances? Ou devrions-nous opter pour une autre stratégie: celle de dire à la population que, parmi les centaines de substances qui existent, il y en a six ou sept qui lui sont tout simplement interdites?

M. Pike: Vous avez mentionné l'échec de la prohibition décrétée dans les années 20 et 30. Les problèmes liés à l'alcool et à l'alcoolisme sont connus, tout comme les problèmes associés au tabac. Vous avez également évoqué l'utilisation d'alcool dans les services religieux. Pourquoi ne pas parler également du beurre d'arachides, étant donné que bien des gens y sont allergiques? Devrions-nous retirer le beurre d'arachides des tablettes de toutes les épiceries?

Quant à la marijuana, des recherches ont établi ses effets directs sur la santé de quiconque en consomme, et ses effets indirects sur d'autres personnes, par exemple dans les cas où quelqu'un prend le volant après avoir fumé de la marijuana.

Au cours des six derniers mois, j'ai eu connaissance du cas de certaines personnes qui sont persuadées que leur aptitude à conduire est extraordinaire lorsqu'elles fument de la marijuana. Cela me fait peur. Ces personnes présentent un risque non seulement pour elles-mêmes, mais pour autrui. Il est extrêmement dangereux de conduire lorsqu'on a pris de la marijuana.

Je pense que vos opinions sont tout à fait pertinentes, et je les respecte, mais j'estime que nous pouvons aborder la question de deux points de vue. À mon avis, en choisissant cette option, avec le temps, la marijuana créera de plus graves problèmes pour l'ensemble de la société. Quelles seraient les ramifications d'interdire l'alcool et le tabac, que nous essayons d'interdire? Il n'est pas question de légaliser la marijuana, mais plutôt de la décriminaliser. À mon avis, si nous pouvons punir pour possession, cela constitue une mesure de dissuasion plus grande pour ceux qui ne sont pas certains de vouloir en consommer. Si nous décriminalisons la marijuana, ça pourrait encourager plus de gens à l'utiliser.

Il y a plus de 400 produits chimiques connus dans une cigarette de marijuana. Qu'est-ce qu'il y a d'autre?

Le sénateur Banks: Nous ne le savons pas. Il faut faire des recherches à ce sujet.

Vos clients se trouvent déjà partie dans le système pénal.

M. Pike: Oui, en effet.

Le sénateur Banks: Parlons de la question du tort causé à autrui par opposition à soi-même. Je fume, je me cause du tort, mais grâce à des lois éclairées, je ne peux plus causer de tort à d'autres en fumant dans des endroits publics.

En ce qui concerne le tort causé à autrui, je vais présumer que vous avez probablement eu des contacts avec de nombreuses personnes qui ont commis des agressions en état d'ébriété. Après tout, l'alcool rend parfois les gens agressifs. Je sais que ceux qui ont une dépendance soit physiologique ou psychologique à des opiacés, si je peux les qualifier ainsi, commettent des vols, s'introduisent dans des voitures, volent des voitures pour s'approvisionner en drogue.

Toutefois, je dirais que j'ai l'impression — et j'aimerais savoir ce que vous en pensez — que vous ne trouverez pas de gens qui commettent des agressions après avoir pris de la marijuana parce qu'en fait, l'effet est exactement le contraire. C'est la même chose dans le cas des excès de vitesse. En général, ceux qui fument de la marijuana conduisent trop lentement. Habituellement aussi, le coût d'une quantité suffisante de marijuana pour satisfaire même un usager constant ne dépasse pas les moyens de la plupart des gens. On ne volera pas un véhicule pour acheter de la marijuana, on ne s'introduira pas par effraction dans une pharmacie pour obtenir suffisamment d'argent pour s'en procurer non plus. Est-ce bien la situation des personnes à qui vous avez affaire quotidiennement?

M. Pike: C'est une assez bonne description. Pour ce qui est de la violence, l'un des principaux facteurs qui contribuent à ce genre de comportement agressif, c'est l'alcool. Je le reconnais. À vrai dire, certains des détenus auprès de qui je travaille font valoir qu'ils ne font que fumer de la marijuana, qu'ils ne boivent pas, et donc qu'ils ne sont pas violents.

Vous avez raison. En règle générale, les consommateurs de marijuana ne commettent pas d'infractions financer leur dépendance. Toutefois, je pense que certains d'entre eux risquent de passer à autre chose, sous l'influence des vendeurs de drogue avec qui ils sont en contact. Je considère donc que la marijuana est une drogue d'introduction.

L'usager, en se procurant de la marijuana, peut se voir offrir une drogue plus dure.

Le sénateur Banks: On pourrait alors faire valoir, dans de telles circonstances, que si vous pouviez cultiver de la marijuana dans votre cour, il y aurait moins de contacts avec des vendeurs de drogue, n'est-ce pas?

M. Pike: Je n'en sais rien.

Le sénateur Cochrane: Monsieur Pike, pouvez-vous nous parler des programmes à votre disposition pour aider ceux qui, comme vous le dites, ont une dépendance à l'égard du cannabis?

M. Pike: Il y a deux genres de programmes offerts à l'établissement pénitentiaire de Sa Majesté. Tout d'abord, il y a un programme psychoéducatif à l'intention de ceux qui demandent volontairement de l'aide pour leur problème de dépendance. Au cours de séances de groupe, nous leur donnons de l'information, nous leur faisons part des effets négatifs de leur drogue préférée, que ce soit l'alcool, les médicaments prescrits, ou autre chose. Nous parlons des effets de cette drogue particulière sur la personne, au niveau physique, psychologique, légal et familial. Nous parlons de rechute. Nous les aidons à prendre des décisions sur ce qu'ils veulent faire lorsqu'ils sortiront de prison.

Notre programme de deuxième niveau est plus thérapeutique. Nous consacrons du temps à examiner ce qui les a influencés, ce qui se passe dans leur vie et qui les influence, pourquoi ils se tournent vers la drogue pour faire face à des problèmes personnels. Nous travaillons là-dessus. C'est plus exhaustif que le programme du premier niveau. Nous aidons la personne à élaborer un plan pour sa libération, un plan en cas de rechute, quelle que soit la localité où elle se rendra. Les détenus au niveau deux peuvent avoir fait l'aller-retour à de nombreuses occasions pour possession, infractions contre les biens ou d'autres infractions, et reconnaissent maintenant qu'ils ont une dépendance depuis de nombreuses années. Ils veulent de l'aide pour s'attaquer à leur problème de drogue. Pour certains, notre programme est le premier auquel ils participent. Un certain nombre de participants continuent à suivre des programmes d'intervention après leur libération. Même s'ils reviennent faire de la prison, leur consommation de drogue a parfois diminué, ce qui pour nous représente un certain succès.

Le sénateur Cochrane: Est-ce que vous recommandez, par exemple, qu'ils continuent à voir un psychologue? Que recommandez-vous après leur départ?

M. Pike: Pour un bon nombre d'entre eux — et je parle de jeunes de 19 et 20 ans — c'est une question de mode de vie. Certains ont commencé à fumer de la marijuana quand ils avaient 9 ou 10 ans. C'est donc une habitude bien ancrée. Ils ont beaucoup de difficulté à changer de mode de vie. En ce qui concerne la réintégration, souvent nous utilisons le programme Le Phare du Havre comme point de départ, pour leur donner une certaine structure lors de leur libération, tout en continuant notre intervention. Il y a d'autres organismes, commerciaux, entre autres, dans la communauté, auxquels nous pourrons les référer.

Le sénateur Cochrane: Avec quel groupe d'âge travaillez-vous surtout?

M. Pike: Les 18 ans et plus.

Le sénateur Cochrane: Combien plus?

M. Pike: 78 ans.

Le sénateur Cochrane: Il s'agit là de ceux qui, dites-vous, ont une dépendance, n'est-ce pas?

M. Pike: Pour une raison quelconque — peut-être pour des raisons juridiques, ils ont décidé d'abandonner la drogue — en vieillissant, c'est surtout l'alcool qui les intéresse.

Le sénateur Cochrane: À quel âge constatez-vous que la drogue perd son attrait?

M. Pike: Je dirais vers 30 ans. Je n'ai pas de données à l'appui, mais je dirais entre 25 et 30 ans.

Le sénateur Cochrane: Permettez-moi de passer à autre chose. Vous n'êtes pas d'accord avec la décriminalisation de la marijuana. Que pensez-vous de l'utilisation de la marijuana pour éliminer la douleur? Je viens d'entendre parler d'une femme qui l'utilise uniquement pour éliminer la douleur liée à la maladie de Crohn. Quelle est votre position sur la marijuana à des fins médicales?

M. Pike: Je ne connais pas la maladie de Crohn. Toutefois, l'utilisation à des fins médicales de la marijuana préoccupe de nombreuses personnes. Si une personne est atteinte d'une maladie terminale, il n'y a pas grand-chose à faire pour elle. Prenez la sclérose en plaques et le sida, par exemple. Mon frère est mort de sclérose en plaques. Dans les derniers jours, les dernières semaines, les derniers mois, si la marijuana avait pu le soulager, j'aurais probablement été d'accord pour qu'on lui en donne.

Toutefois, faut-il en donner à tout le monde? Voilà le dilemme, à mon avis, en ce qui concerne l'usage de la marijuana à des fins médicales pour soulager la douleur des maladies terminales. En ce qui concerne la maladie de Crohn et la colite, il y a d'autres formes de traitement. La marijuana peut aider jusqu'à un certain point, je ne le conteste pas. Toutefois, est-ce qu'il ne faut pas chercher d'autres moyens de soulager la douleur sans utiliser de marijuana? Je n'en sais rien.

Le sénateur Cochrane: Bien que cette personne dont je parle a des médicaments qui lui sont prescrits, ça ne fonctionne pas aussi bien que la marijuana. C'est ce qu'on m'a dit hier soir.

Le président: Qui prépare les documents que vous utilisez dans vos cours? Qui réunit l'information que vous utilisez?

M. Pike: Nous faisons appel à des spécialistes qui, à contrat, viennent mettre sur pied des programmes fondés sur leurs connaissances et leur expertise dans le domaine des dépendances. Nous utilisons également des publications que nous recevons de différents éditeurs et d'autres organismes et qui portent sur l'abus de substances psychoactives. C'est ainsi que nous préparons nos programmes.

Le président: Nous avons entendu dire que les détenus qui consomment de la drogue peuvent passer de la marijuana à la cocaïne ou même à l'héroïne, parce qu'il est beaucoup plus facile de déceler, à long terme, la marijuana dans leur sang que la cocaïne et l'héroïne. Ils changent leur drogue de prédilection, si possible, et ils ont les moyens de payer. Est- ce que c'est votre avis?

M. Pike: Oui, je dirais que c'est le cas. Ce n'est pas arrivé dans notre établissement, compte tenu du fait que nous sommes une institution provinciale qui compte au maximum 170 détenus, surtout incarcérés par la province. Toutefois, je pense que dans les établissements fédéraux, où il y a un problème de drogue continuel, c'est effectivement le cas. On peut trouver des traces de marijuana dans l'urine jusqu'à 30 jours après consommation. Pour la cocaïne, je pense que c'est trois ou cinq jours ou moins.

Le président: Quelles sont les conséquences, dans votre établissement, si vous décelez des drogues dans l'organisme d'un détenu?

M. Pike: Les conséquences sont la ségrégation, la perte de rémunération, perte de sortie, et selon la façon dont le détenu a obtenu ces drogues, il peut y avoir perte de certains privilèges, visites et appels téléphoniques, ce genre de choses. Nous prenons cela très au sérieux.

Le président: Les conséquences sont-elles différentes dans le cas de la marijuana par opposition à l'héroïne?

M. Pike: La situation ne s'est pas présentée. Nous n'avons commencé qu'il y a six à dix mois à faire des analyses de drogue. Nous continuons notre apprentissage. Nous n'avons jamais fait d'analyses pour les drogues dures comme la cocaïne ou l'héroïne. Je serais surpris si c'était nécessaire, vu notre population. Je dirais que pour être juste et équitable, les conséquences seraient les mêmes. Évidemment, c'est ma propre opinion et non celle du service.

Le sénateur Cochrane: Ai-je bien compris qu'il y a moins de drogues dures comme la cocaïne ici dans la province?

M. Pike: J'ai dit qu'il y en avait moins dans l'établissement. Je ne peux pas parler de l'ensemble de la collectivité, évidemment, car je n'ai pas accès à ce genre d'information, à ce genre de données.

Le sénateur Cochrane: Vous dites que cela se présente moins souvent chez vous, qu'il y a plus de marijuana que d'autres drogues, n'est-ce pas?

M. Pike: Oui.

Le sénateur Banks: Vous avez mentionné que beaucoup de gens à qui vous avez eu affaire sont passés, en vieillissant, de la marijuana ou d'autres substances, à l'alcool. C'est bien cela?

M. Pike: Ils ont commencé par la drogue, mais pour une raison ou pour une autre, ils y ont renoncé et se sont mis à boire. Dans certains cas évidemment, c'est simplement une question de substitution. L'alcool est licite. Une personne peut s'asseoir sur son perron et prendre quelques bières, sans conséquence. Ce n'est pas le cas des drogues.

Le sénateur Banks: Les gens dont vous parlez sont tous des hommes, n'est-ce pas?

M. Pike: Oui.

Le sénateur Banks: D'après votre impression, est-ce que leur mauvais comportement, si je peux le qualifier ainsi, est causé par a drogue? Je ne suis pas écolo, ni une âme sensible, et je ne cherche pas à rejeter la faute sur quelqu'un d'autre. Toutefois, pensez-vous que ces individus éprouvent de la difficulté à vivre en société à cause de la drogue ou à cause du contexte social d'où ils viennent? Ils avaient peut-être beaucoup d'argent, mais n'ont pas eu une bonne éducation morale.

M. Pike: Je dirais tout ce qui précède. Je dis toujours que ce sont de bon gars qui n'ont tout simplement pas ce qu'il faut pour prendre de bonnes décisions, souvent en raison de la façon dont ils ont été élevés. Bon nombre d'entre eux proviennent de familles dysfonctionnelles qui font ouvertement abus de drogues et d'alcool. Certains entrent très jeunes en contact avec l'alcool et la marijuana et continuent d'en faire usage. Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles une personne peut décider de consommer de la drogue et de l'alcool.

Le président: Merci, monsieur Pike, pour être venu ici aujourd'hui.

Nous allons maintenant entendre Mme Diane Power-Jeans, de la Janeway Community Mental Health Division.

Mme Diane Power-Jeans, travailleuse sociale, Janeway Community Mental Health Division, Health Care Corporation, St. John's: Je suis ici pour représenter l'équipe qui travaille auprès des adolescents. Notre équipe de professionnels s'occupe de jeunes âgés de 12 à 21 ans. Nous offrons un service complet et coordonné aux adolescents et à leurs familles. Notre équipe utilise une combinaison d'interventions individuelles, familiales et collectives pour répondre à tout problème émotionnel, social ou de comportement que pourraient avoir les adolescents.

L'équipe utilise habituellement une liste d'attente pouvant aller jusqu'à huit mois, mais les adolescents qui ont des problèmes liés à la toxicomanie et à l'alcool, reçoivent un service selon un protocole qui a été établi il y a cinq ans en matière de toxicomanie. Ce protocole est le suivant: «Tout adolescent ayant des problèmes de toxicomanie sera vu dans un délai de deux semaines suivant la date de renvoi initial pour évaluation ou traitement». Ce protocole a été institué afin de s'occuper de tout problème de toxicomanie chez les adolescents avant que le problème ne prenne de l'ampleur. Après avoir examiné les données recueillies dans le cadre du protocole sur la toxicomanie, on a remarqué plusieurs tendances.

Au cours des cinq dernières années, il y a toujours eu plus d'adolescents que d'adolescentes qui ont été dirigés vers notre service dans le cadre du protocole sur la toxicomanie. L'âge moyen pour les deux sexes au moment où la personne est dirigée vers notre service, est de 15 ans et demi, les garçons étant légèrement plus âgés. Les adolescents sont reconnus comme étant polytoxicomanes, c'est-à-dire qu'ils consomment ce qu'ils trouvent, et qu'ils sont en mesure d'identifier une drogue de choix la plupart du temps. L'alcool et la marijuana se suivent de très près comme premier et deuxième choix, tandis que l'abus de médicaments délivrés sur ordonnance, soit le ritalin et le valium, arrivent en troisième et quatrième place.

Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les jeunes consomment ces drogues, notamment l'ennui, l'influence des copains, la curiosité, l'automédication pour des problèmes psychologiques et aussi pour échapper à des problèmes émotionnels et familiaux. Bien que bon nombre d'adolescents consomment occasionnellement de l'alcool et de la drogue, ceux que nous rencontrons dans le cadre de notre programme sont souvent arrivés progressivement à la troisième et à la quatrième étape de la consommation de drogue chez les adolescents, soit la dépendance et la toxicomanie, respectivement. Cela signifie que les adolescents que nous évaluons ont perdu le contrôle et qu'il ne s'agit plus pour eux d'un choix de prendre ou non de la drogue; c'est la drogue qui les contrôle. La consommation de drogue et d'alcool crée de nombreux problèmes pour les adolescents. Les problèmes que l'on cite le plus souvent sont des problèmes au niveau éducationnel, juridique, financier ainsi que des problèmes physiques et familiaux.

En fait, je considère que la criminalisation de nos jeunes est l'une des conséquences les plus dévastatrices de notre système actuel. Pour financer leur habitude, les jeunes tombent dans la délinquance. Nous croyons que les adolescents devraient être tenus responsables de leurs actes, qu'il y ait ou non accusation criminelle ou comparution devant les tribunaux. Cependant, c'est la criminalisation continue des jeunes toxicomanes qui à notre avis, ne rend pas service à nos adolescents. Nous devons offrir à ces jeunes des services pour traiter leur toxicomanie et les causes sous-jacentes de leur consommation de drogue. Si nous n'avons pas les ressources voulues pour aider à la réadaptation des adolescents, en mettant l'accent sur les retards de développement causés par leur toxicomanie, ces jeunes seront irrécupérables.

Étant donné ce que coûte la garde en milieux ouvert et fermé aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants, le coût des abandons scolaires pour notre système d'éducation, les coûts médicaux pour régler les problèmes de santé créés par la toxicomanie et le coût de l'éclatement de la famille pour notre société, il est évident qu'il serait plus rentable de consacrer cet argent au traitement.

Pour ce qui est de savoir si la marijuana devrait être décriminalisée, on ne sait pas exactement quel impact cela aurait sur les adolescents. Le fait qu'ils n'aient pas le droit de consommer de l'alcool ne semble pas être un facteur important de dissuasion pour les adolescents que nous rencontrons. Cela aurait peut-être ou non un impact important sur la quantité de marijuana que les adolescents consomment, mais cela pourrait peut-être aussi leur permettre d'avoir accès à davantage de services qui les aideront à se débarrasser de cette toxicomanie, au lieu de les punir.

Au nom des adolescents de notre région, je vous remercie du temps que vous m'avez accordé, et je vous invite à faire des observations ou à me poser des questions.

Le sénateur Banks: Que pensez-vous de l'idée selon laquelle toute personne, y compris un jeune, tôt ou tard, doive être tenue entièrement responsable de ses actes, ne puisse se débarrasser de cette responsabilité, peu importe ce qu'elle fait, sur quelqu'un d'autre, et que la société ne puisse pas faire cela non plus.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez, par rapport aux jeunes que vous rencontrez.

Mme Power-Jeans: Bien que je sois ici pour représenter l'équipe de service aux adolescents, le Community Mental Health Program travaille auprès de tous les enfants, de la naissance à 21 ans. Dans nos groupes d'éducation familiale et dans les thérapies familiales et individuelles, nous insistons pour que les enfants et les adolescents soient tenus responsables de leurs actes, dans la mesure où ils peuvent l'être. Par conséquent, si un enfant fait une crise de colère, on doit lui imposer une suspension de renforcement.

Permettez-moi de vous expliquer ce que je tente de dire dans mon exposé. Bon nombre des adolescents que je rencontre font l'objet d'accusations criminelles; en fait, certains sont même en période de probation. Souvent, en fait, nous rencontrons ces jeunes parce que le tribunal a ordonné qu'ils suivent un traitement. Bon nombre d'entre eux, lorsqu'ils ont comparu devant le tribunal, ont dit que s'ils avaient fait un vol à l'étalage ou commis une agression, c'était en partie à cause de leur consommation de drogue. Par conséquent, on leur ordonne de suivre un traitement. C'est une bonne chose qu'on les tienne responsables de leur toxicomanie. Cependant, ce que je constate de plus en plus et, ce qui à mon avis n'est pas utile, et même très mauvais, ce sont les conséquences d'un manquement aux conditions de la probation en raison de la consommation d'alcool ou de drogue. Ces jeunes, qui ont commis un délit relativement mineur comme un vol à l'étalage, sont maintenant incarcérés parce qu'ils ont fumé un joint.

À cet égard, les adolescents sont très facilement institutionnalisés, particulièrement s'ils viennent d'une famille dans laquelle il n'est pas très agréable de vivre. Un adolescent qui se retrouve dans un établissement de garde fermée, où il reçoit tout ce qu'il lui faut, un bon lit, trois repas par jour, des programmes récréatifs et une école facilement accessible, a souvent tendance à récidiver. Les adolescents nous disent qu'en fait, ils veulent se faire prendre pour qu'on les renvoie dans un établissement de garde fermée. La chose la plus triste que j'entends comme thérapeute, c'est un adolescent qui me dit: «Je suis mieux enfermé.» Cela en dit long sur notre société.

Nous desservons mieux ces adolescents en leur demandant ce qu'ils retirent de la consommation de la drogue, ce que cela leur apporte et comment nous pouvons améliorer leur situation.

Une fois par semaine nous réunissons un groupe d'adolescents toxicomanes. On ne parle pas des avantages de la consommation de drogue, mais pour les adolescents, ces avantages sont nombreux. Comment obtenir les mêmes avantages différemment? Comment leur apprendre à mieux faire face à leurs problèmes? Comment peuvent-ils avoir ce rush d'adrénaline en faisant quelque chose qu'ils ne sont pas censés faire?

Nous leur proposons des activités comme l'escalade de rocher et le kayak. Nous tentons de leur montrer qu'ils peuvent avoir ce même rush avec une activité qui est socialement acceptable, ou qui n'est pas aussi nocive que l'alcool ou la drogue. Encore une fois, cependant, ils devraient toujours être tenus responsables de leurs actes.

Le sénateur Banks: Nous parlons surtout de la marijuana, bien que cela nous amène constamment à d'autres choses, naturellement, comme vous le savez mieux que moi. Vous avez dit tout à l'heure que, souvent, un adolescent justifie son comportement en disant qu'il consomme de la drogue.

En passant, vous avouent-ils jamais avoir commis un vol à l'étalage ou agressé quelqu'un à cause de la marijuana?

Mme Power-Jeans: Je ne voulais pas dire que les adolescents invoquent devant le juge leur consommation de marijuana pour excuser leur comportement. Ce que je voulais dire, c'est que souvent, lorsque le juge apprend qu'un adolescent consomme également de la drogue, il en déduit que parce que le jeune a fumé un joint il a besoin de suivre une désintoxication, ce qui souvent n'est pas nécessaire. La consommation de marijuana augmente-t-elle l'agressivité? Rarement. Au contraire, la marijuana réduit souvent l'incidence de la violence parce que c'est une drogue très amotivante. Le plus souvent, elle entraîne une perte d'énergie.

Les adolescents savent très bien expliquer les effets relaxants de la marijuana, comment lorsqu'ils sont super-excités, fumer un joint les calme. D'après eux, cela les empêche de commettre d'autres bêtises.

Le sénateur Banks: Est-ce que le risque d'avoir un casier judiciaire a un effet dissuasif? Est-ce que vous pensez que ça marche?

Mme Power-Jeans: Non, pas quand il s'agit de marijuana.

Le sénateur Banks: Pourquoi?

Mme Power-Jeans: Il arrive souvent que les inculpés traînés devant les tribunaux en nient la gravité, même s'ils ne cessent de recomparaître devant le même juge. C'est un sentiment souvent renforcé par le système judiciaire, car ils sont systématiquement remis en liberté conditionnelle jusqu'à ce que le juge décide de les incarcérer. Souvent c'est exactement ce que recherchent ces adolescents, être incarcérés.

L'autre gros problème à Terre-Neuve, c'est qu'il n'y a pas de clinique de désintoxication pour les adolescents. J'envoie les adolescents participer à un programme de traitement à long terme au Nouveau-Brunswick ou à un programme de traitement à court terme en Nouvelle-Écosse. Beaucoup de nos jeunes savent que le seul moyen d'arrêter de prendre de la drogue, c'est de se faire incarcérer, donc ils cherchent délibérément à se faire incarcérer pour arrêter de consommer.

Le sénateur Cochrane: Quel est le pourcentage des adolescents que vous traitez qui veulent ça?

Mme Power-Jeans: Qui veulent suivre le traitement, dans une autre province ou à Whitbourne; c'est ce que vous me demandez?

Le sénateur Cochrane: Oui.

Mme Power-Jeans: Je dirais 25 p. 100. La population concernée par ce protocole est composée d'adolescents toxicomanes. Néanmoins, il est évident que beaucoup de ces jeunes flirtent avec l'alcool et la drogue, mais ne sont pas véritablement des toxicomanes. Ceux que je traite sont ceux qui sont véritablement devenus dépendants. Souvent, c'est le dernier appel au secours.

Le sénateur Cochrane: Combien de personnes traitez-vous?

Mme Power-Jeans: L'année dernière, nous en avons traités 35. La moyenne, c'est environ trois par mois.

Le sénateur Cochrane: C'est juste pour la région d'Avalon?

Mme Power-Jeans: C'est pour la seule région de Saint-Jean.

Le sénateur Cochrane: Et Mount Pearl?

Mme Power-Jeans: Cette région inclut Mount Pearl, Kilbride et The Goulds.

Le sénateur Cochrane: C'est une population d'environ 200 000 habitants, n'est-ce pas?

Mme Power-Jeans: Je ne suis pas certaine.

Le sénateur Cochrane: Combien de temps ces enfants restent-ils avec vous? Combien de temps restent-ils sous votre supervision?

Mme Power-Jeans: Une chose qui ne faut pas oublier avec les adolescents, c'est que contrairement aux adultes qui ont besoin d'une rééducation, les adolescents eux, ont besoin d'une éducation. Lorsqu'ils commencent à prendre de la drogue, ils n'apprennent pas ce qu'ils sont censés apprendre à 13, 14, 15 et 16 ans. Dès qu'ils commencent à consommer de la drogue, leur développement s'arrête. La durée du traitement dépend de l'âge auquel ils ont commencé à consommer et du nombre d'années de consommation au moment où nous les rencontrons. Nous leur apprenons à s'adapter, à communiquer, à résoudre les conflits, toutes ces capacités que les jeunes apprennent en grandissant sans s'en rendre compte.

Il y a une autre variable, la famille. S'il y a beaucoup de problèmes dans le milieu familial de l'adolescent, cela prend plus de temps. Il faut travailler avec la famille tout autant qu'avec l'adolescent. Il est très rare que la drogue soit le seul problème. Très souvent il y en a d'autres.

Je dirais cependant que d'une manière générale, ces adolescents restent en traitement pendant près d'un an. J'ai des clients que je vois depuis quatre ou cinq ans. J'ai des clients qui se sont enrôlés dès la première année du programme, il y a cinq ans, et que je continue à voir. L'abstinence n'est pas une obligation. Comme notre objectif c'est de les aider, de leur redonner le pouvoir de contrôler leur propre vie, nous ne les chassons pas s'ils se remettent à consommer de la drogue ou s'ils continuent de le faire, mais nous essayons de réduire le risque.

Le sénateur Cochrane: L'âge limite c'est 21 ans, n'est-ce pas?

Mme Power-Jeans: Vingt et un ans pour la prise en charge. Cependant, je n'arrêterai pas de voir un jeune que je vois depuis qu'il a 18 ans sous prétexte qu'il vient d'en avoir 21. J'ai une fille de 24 ans qui continue à participer aux séances du groupe, mais qui, sur le plan du développement, n'a pas dépassé 19 ans.

Le sénateur Cochrane: Comment décidez-vous que quelqu'un n'a plus besoin de vos services?

Mme Power-Jeans: Généralement la décision est prise d'un commun accord.

Le sénateur Cochrane: Que se passe-t-il après 21 ans? Prenons l'exemple d'un jeune qui vient vous voir à 19 ans et qui à 21 a fait beaucoup de progrès et que vous laissez partir.

Mme Power-Jeans: Nous ne l'abandonnons pas. À environ 20 ans, nous commençons à offrir des services de soins continus. Un client peut continuer à participer à nos séances de groupe tout en participant à celles d'un groupe plus adulte. Il peut participer aux séances des deux groupes pendant environ six mois. Dès qu'il s'en sent capable, il peut passer au programme pour adultes. Nous dépendons aussi beaucoup de groupes d'entraide comme Narcotiques Anonymes.

Le sénateur Cochrane: Donc vous me dites que les choses ne s'arrêtent pas là, c'est ça?

Mme Power-Jeans: Absolument.

Le sénateur Banks: Quand on compare les deux choses, d'une part la consommation de drogue et de l'autre l'incapacité à faire face à la vie ou à fonctionner correctement dans la société, est-ce que la consommation de drogue est la cause ou l'effet?

Mme Power-Jeans: C'est différent d'un adolescent à l'autre, mais pour certains c'est de l'automédication. En d'autres termes, ils ont suffisamment de problèmes dans leur vie pour que la consommation de drogues deviennent une solution et bien entendu, cela crée d'autres problèmes. Cependant, le pourcentage de ceux qui consomment de la drogue comme solution est moins important. Le plus souvent, dans cette catégorie, il y a des problèmes d'éducation, dans la mesure où la consommation de la drogue interfère avec leur capacité à apprendre et à retenir ce qu'ils ont appris. Le plus souvent, chez mes clients, il est très facile de comprendre la raison de la consommation.

Nous parlons de coffre à outils. Lorsque nous ouvrons le coffre à outils de nos clients, nous constatons que le tiroir capacités de communication et d'adaptation est vide et que le plus souvent il n'y a rien d'autre dans les autres tiroirs que de la drogue. La drogue est la seule chose qui se trouve dans leur coffre à outils. C'est tout ce qu'on leur a appris, tout ce qu'ils ont vu chez eux et tout ce qu'ils ont vu à l'école. Une fois le processus d'apprentissage lancé, ils veulent apprendre autre chose, la consommation de drogue diminue. Le besoin ne se fait plus aussi pressant.

Il y a ceux qui continuent à flirter avec la drogue pendant toute leur vie, mais ils réduisent le risque au point où il n'y a plus de dépendance. Nous expliquons la dépendance aux adolescents de la manière suivante: nous leur demandons, faites-vous quelque chose qui vous apporte autant de plaisir que la consommation de marijuana? Y a-t-il un plaisir quelconque dans votre vie, ou consommez-vous de la marijuana pour mettre fin à votre souffrance? Et généralement, il s'agit de souffrance psychologique, car la plupart du temps il ne s'agit pas d'une souffrance physique de sevrage. Généralement, c'est une dépendance psychologique qu'ils traduisent par: «J'en ai besoin, j'en ai besoin. Plus rien ne me plaît sans».

La séance est levée.


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