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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 6 - Témoignages du 22 avril 2004


OTTAWA, le jeudi 22 avril 2004

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel ont été renvoyés le projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada, et le projet de loi S-17, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté, se réunit aujourd'hui à 11 heures pour en faire l'examen.

Le sénateur Marjory LeBreton (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente: Nous recevons aujourd'hui deux groupes pour examiner deux projets de loi différents. Le premier est le projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada, qui porte sur l'admissibilité aux régimes de soins de santé et de soins dentaires. Bien entendu, nous avons déjà tenu deux séances sur cette mesure législative. Nous aborderons ensuite le projet de loi S-17, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté. C'est la première séance au cours de laquelle nous entendrons des témoins sur cette mesure législative.

Nous commencerons par le projet de loi C-24. Deux témoins comparaissent ce matin. Il s'agit de Bernard Potvin, conseiller principal de Mercer Human Resources Consulting, et de Bruce Winchester, directeur de la recherche de la Fédération canadienne des contribuables. Messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue et vous remercions infiniment d'avoir accepté de comparaître devant nous.

Nous commencerons par M. Potvin.

[Français]

M. Bernard Potvin, conseiller principal, Mercer consultation en ressources humaines: Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant votre comité, ce matin. J'aimerais tout d'abord faire quelques remarques préliminaires.

Notre firme est une firme de consultation nationale dans le domaine des ressources humaines, incluant des régimes de retraite et des avantages sociaux. Nos clients sont essentiellement des clients de tout genre, que ce soit du secteur privé ou public, et même des organismes à but non lucratif.

Je suis avec Mercer depuis 16 ans. Je suis actuaire et je me spécialise dans le financement et le design de régimes d'avantages sociaux. Nous avons quelques statistiques qui pourraient être intéressantes pour le comité. J'ai également quelques commentaires généraux à faire.

Chaque année, nous faisons un sondage des politiques et des pratiques des employeurs. En 2003, selon notre sondage, environ 53 p. 100 des employeurs au Canada fournissaient des régimes d'assurance médicale après retraite à leurs employés.

Mon premier commentaire est à l'effet qu'environ la moitié des employeurs qui ne fournissent pas de régime d'assurance médicale après la retraite. Ces retraités doivent donc dépendre de leurs épargnes personnelles et de la couverture disponible des provinces pour pouvoir subvenir à leurs besoins médicaux. À ce point de vue, le régime des employés du Parlement est plus généreux que ce qui est disponible pour plusieurs Canadiens.

Dans le secteur public autant que dans le secteur privé, la majorité des régimes requièrent que l'on quitte son emploi ou que l'on prenne sa retraite avec une rente immédiate afin d'être admissible au régime d'assurance médicale. La grande majorité des régimes d'assurance privés fonctionnent de cette façon. Le régime de la fonction publique fait exception, mais en grande majorité, l'on doit prendre notre retraite avec une rente immédiate pour avoir droit au régime d'assurance médicale.

Par exemple, si quelqu'un a travaillé pendant 20 ans dans une entreprise, qu'il prend sa retraite à 50 ans ou à 55 ans, et qu'il commence à recevoir une pension de retraite, en règle générale, cette personne ne sera pas admissible à un régime médical de son ancien employeur.

Encore une fois, à ce niveau, le régime des employés du Parlement, bien qu'il n'y ait pas, dans cet exemple, de couverture qui soit fournie dès l'âge de 50 ou 55 ans, au moins, l'admissibilité n'est pas perdue au régime d'assurance médicale: lorsque l'on arrive à l'âge de 55 ans, on est admissible au régime d'assurance médicale de la fonction publique. À ce point de vue, le régime des employés du Parlement est probablement plus généreux que ce qui est la norme pour les autres employeurs, tant aux niveaux public que privé.

Essentiellement, c'était les commentaires que je voulais faire. Je comprends que le cas qui a amené cette situation est peut-être un cas particulier de la loi. En règle générale, dans le domaine privé et même dans le domaine public, il y a souvent moyen de faire exception lorsque des circonstances particulières font qu'une personne devrait bénéficier d'une couverture plutôt que de modifier la règle de façon générale.

[Traduction]

La vice-présidente: Je vous remercie infiniment, monsieur Potvin. Il est important que nous ayons l'opinion d'un actuaire, et je pense que vous avez très bien précisé certaines questions qu'avait soulevées notre dernier groupe de témoins.

Je cède maintenant la parole à M. Bruce Winchester de la Fédération canadienne des contribuables. Nous vous remercions aussi d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui, monsieur Winchester.

M. Bruce Winchester, directeur de recherche, Fédération canadienne des contribuables: La Fédération canadienne des contribuables est heureuse de comparaître devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui étudie le projet de loi C-24.

[Français]

Ma présentation sera en anglais, mais si vous avez des questions, j'y répondrai dans la langue de votre choix.

[Traduction]

Même si les contribuables sont compatissants envers les fonctionnaires et les parlementaires qui ont peut-être besoin d'une protection complémentaire en matière de soins de santé et d'assurance-invalidité de longue durée, ce qu'accorde le projet de loi C-24 suscite de sérieuses réserves de note part.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je souhaiterais présenter aux honorables sénateurs un aperçu de la Fédération canadienne des contribuables, la FCC. Fondée en 1990 dans l'ouest du Canada, la FCC compte maintenant 65 000 membres au Canada. Notre mandat consiste à préconiser une diminution des impôts et du gaspillage ainsi que la reddition des comptes par le gouvernement. Je comparais aujourd'hui au nom des contribuables pour trois raisons.

Voici quelles sont les trois raisons pour lesquelles les contribuables s'opposent au projet de loi: premièrement, la façon dont le projet de loi a été adopté; deuxièmement, le coût éventuel pour les contribuables; troisièmement, le souci d'équité envers tous les contribuables.

Abordons la première raison: la Chambre des communes a adopté le projet de loi C-24 presque en un temps record et sans aucune annonce publique. Je suppose que les leaders à la Chambre étaient d'avis que la question revêtait une telle importance qu'il était préférable de la dissimuler et de la faire oublier aux électeurs. Heureusement, vous, les honorables sénateurs, avez choisi d'effectuer le second examen objectif nécessaire.

Un groupe indépendant s'est déjà penché sur la question de la rémunération des députés. Cependant, la commission Lumley sur la rémunération des députés a recommandé, dans son rapport de 2001, de remplacer le système de rémunération des députés par un régime analogue à celui établi pour les juges. Malgré le bon travail qu'elle a accompli, la commission Lumley n'a pas abordé certains aspects de la réforme de la rémunération véritable des députés dans son rapport final, ni la réforme des avantages sociaux comme l'assurance-invalidité de longue durée et l'assurance-maladie complémentaires. Lorsqu'elle s'est présentée devant la commission Lumley, la FCC a souligné qu'il fallait abandonner le régime actuel de pension et d'avantages sociaux pour mettre en oeuvre un système fondé uniquement sur le modèle du régime enregistré d'épargne-retraite, le REER.

S'il y avait une lacune dans le rapport de la commission Lumley, ce fût de recommander le maintien du régime actuel de pension et d'avantages sociaux. En proposant un système fondé sur le modèle du REER, nous avions formulé une recommandation simple pour modifier le régime de pension des députés. En ce qui concerne les avantages sociaux complémentaires, nous ne sommes pas en faveur d'accorder aux parlementaires un régime analogue à celui des cadres supérieurs de la fonction publique. Contrairement aux fonctionnaires de carrière, les parlementaires ont à la fois le privilège et le devoir de demander aux électeurs de les réélire, ce qui implique une différence notable par rapport aux fonctionnaires de carrière. L'horizon prévisionnel d'un parlementaire est beaucoup moins long — du moins, il devrait l'être — et, même si des avantages sociaux complémentaires peuvent être accordés aux députés, ceux-ci ne devraient plus y avoir droit après leur mandat. De plus, quel que soit le niveau de rémunération établi pour les parlementaires, il est évident qu'il devrait correspondre aux attentes du public. Donc, il faut peut-être fixer un niveau inférieur à celui que les élus souhaitent ou croient mériter.

En ce qui concerne le coût que devraient assumer les contribuables, beaucoup feront valoir que cette modeste modification est peu coûteuse. Ce sera peut-être le cas au début, mais il arrive souvent que ce qu'on croyait être peu coûteux au début puisse devenir fort coûteux au fil du temps. Peu importe qui paye les cotisations, un nouveau régime ou un régime complémentaire d'avantages sociaux fait augmenter le coût de fonctionnement du Parlement et la part non capitalisée assumée par le gouvernement.

Selon le Budget principal des dépenses de 2004-2005, les dépenses du Parlement s'établiront à 451 millions de dollars. C'est une augmentation de 41 p. 100 en 10 ans. C'est 31 p. 100 plus élevé que la hausse générale des dépenses publiques. Une partie de l'augmentation des coûts est imputable à l'augmentation de la rémunération ainsi qu'à la bonification du régime de pension et d'avantages sociaux des parlementaires.

Contrairement à ce que pensent la majorité à Ottawa, les contribuables se soucient des coûts qu'il faudra engager pour accorder ces avantages à des élus qui reçoivent un salaire qui, à 141 000 $ par année, est plus de deux fois supérieur au revenu moyen d'un ménage. Les personnes gagnant plus de 100 000 $ représentent moins de 3 p. 100 de tous les contribuables. Les parlementaires font certes partie de la catégorie qui touche un revenu élevé, et les contribuables se demandent pourquoi ils ont besoin d'avantages sociaux complémentaires.

Lorsqu'il a comparu devant le comité, M. Saada a tenu, sur l'équité, des propos qui mettaient l'accent généralement sur le concept étroit d'équité à l'endroit de 406 parlementaires par rapport aux fonctionnaires. Pour les autres, c'est-à- dire 32 millions de Canadiens, l'équité comporte un concept beaucoup plus vaste.

Les députés peuvent se plaindre que leur dur labeur n'est pas rémunéré correctement. Ils semblent avoir oublié qu'une charge publique n'est pas censée être lucrative, car personne n'est tenu de se porter candidat et une carrière publique constitue partiellement une récompense. Elle ne doit certes pas permettre d'accorder à ces «représentants du peuple» des revenus très élevés ou une gamme d'avantages sociaux particuliers.

La majorité des Canadiens n'ont pas droit aux régimes d'assurance complémentaire proposés dans le projet de loi C- 24. Seulement 46 p. 100 des travailleurs canadiens disposent d'un régime enregistré de pension et seulement la moitié jouissent de régimes complémentaires offerts par l'employeur, qu'il s'agisse de soins dentaires, de soins de santé, d'assurance-vie ou d'assurance-invalidité. Ces statistiques ne tiennent pas compte de la portée ni de la valeur de cette protection. En ce qui concerne les régimes d'épargne-retraite, simplifier le régime de rémunération et d'avantages sociaux demeure une des principales recommandations qui garantirait l'équité.

Tout régime d'avantages sociaux offert par l'employeur comporte le problème fondamental de mettre fin à l'admissibilité ou de la restreindre à la fin de l'emploi. Cela pose particulièrement un problème en ce qui concerne les régimes d'assurance. Dans de tels régimes, l'employé économise beaucoup sur les cotisations. Lorsqu'il quitte son emploi, il doit rétablir son admissibilité aux fins de l'assurance. La liberté que procure le marché du travail d'aujourd'hui permet à beaucoup d'entre nous de changer d'emplois et de mener une carrière professionnelle enrichissante. Cependant, le régime d'avantages sociaux complémentaires constitue un problème pour certains, car lorsqu'on change d'emploi, on perd souvent la protection d'un régime avantageux. La personne peut et devrait toujours avoir le choix de souscrire une assurance. Le gouvernement ne peut pas faire grand-chose pour combler l'écart éventuel entre la couverture offerte par l'assurance et les règles de souscription. Il faut choisir entre annuler ou acheter une assurance-invalidité de longue durée ou toute autre forme d'assurance. Le projet de loi C-24 n'offre pas d'options aux travailleurs canadiens.

L'évidente nécessité d'avoir une assurance-maladie et une protection complémentaire font ressortir l'échec fondamental du système de soins de santé à niveaux multiples. Nous subissons tous les désavantages d'un système à un seul niveau: absence de choix, restriction des options en matière d'assurance, absence de mécanisme de préfinancement et relâchement des normes en matière de soins de santé et de remplacement du revenu. Les Canadiens n'ont pas l'avantage d'avoir un système de soins de santé de première classe fondé sur la capitalisation parce qu'il y a d'autre part des écarts importants qui se creusent au chapitre des soins de santé publics. Pour de nombreux Canadiens, l'assurance- maladie complémentaire constitue une partie de la solution, mais elle ne permet pas d'offrir une véritable solution à la diminution de la protection universelle. Ces questions préoccupent réellement les Canadiens. Toutefois, nous pouvons comprendre que les députés craignent d'être confrontés à une telle réalité après leur carrière dans la vie politique. Cependant, le projet de loi C-24 ne permet nullement d'améliorer le sort de tous les Canadiens, lorsqu'il s'agit d'accorder de nouvelles options, d'offrir des soins de santé et de les financer.

Comment les députés peuvent-ils dire aux Canadiens que le système de soins de santé est adéquat pour ensuite leur refuser le droit d'utiliser leur revenu après impôts pour acheter une assurance-maladie complémentaire tout en concluant qu'ils en ont besoin à un plus jeune âge?

Au fond, les contribuables ont de bonnes raisons d'être cyniques. Le rapport Romanow a nécessité 18 mois et n'a débouché sur aucune modification pertinente du système de soins de santé. Le comité sénatorial Kirby a consacré plus de deux ans à étudier le système de soins de santé et à rédiger un rapport, alors que peu de ses recommandations valables ont été mises en oeuvre. En moins de 20 minutes, les députés ont adopté une assurance-maladie et une assurance-invalidité généreuses pour ensuite avoir le culot de parler d'équité.

Il est injuste d'accorder la priorité aux privilèges des parlementaires pendant que les Canadiens attendent que soient mises en oeuvre des mesures novatrices comme des comptes d'épargne-santé, le préfinancement des soins de santé ou la création de régimes d'épargne-retraite obligatoires. Ces mesures ne semblent pas être envisagées par les parlementaires, mais elles le devraient.

La solution à ce problème est plus simple. Comme le reste d'entre nous, les parlementaires devraient pouvoir souscrire une assurance-invalidité et une assurance-maladie complémentaires.

La vice-présidente: Merci, monsieur Winchester de nous avoir transmis très clairement les opinions de la Fédération canadienne des contribuables. Les témoignages précédents vous auront appris que bon nombre d'entre nous sont inquiets de la façon rapide dont le projet de loi a été adopté à la Chambre des communes.

Je souhaiterais obtenir une précision. Monsieur Potvin, vous avez dit que, à la retraite, environ la moitié des Canadiens n'ont plus droit aux prestations de maladie à moins de toucher immédiatement leurs prestations de retraite. S'ils attendent d'avoir 55 ans pour les toucher, ils n'ont plus droit aux prestations de maladie, contrairement aux députés. Est-ce ce que vous avez dit?

M. Potvin: Une précision s'impose. Je parlais des régimes privés. En règle générale, la vaste majorité des régimes privés exigent que vous preniez votre retraite et touchiez immédiatement votre pension pour avoir toujours droit aux prestations du régime offert par l'employeur. Si vous quittez votre emploi à 50 ans et attendez d'avoir 55 ans pour recevoir votre pension, vous n'aurez pas droit aux prestations du régime offert par l'employeur.

La vice-présidente: J'ai une autre question. On sait que la mesure législative a été rédigée et adoptée en fonction d'un député particulier. Les députés sont admissibles aux prestations d'invalidité de longue durée. Monsieur Potvin, vous avez dit que chaque cas devrait être traité au cas par cas. J'ai alors demandé s'il était pertinent que ce député demande des prestations d'invalidité de longue durée parce qu'il était encore député à temps plein. Cette solution n'aurait-elle pas permis de traiter ce cas sans devoir présenter un projet de loi? Cette situation n'aurait-elle pas été avantageuse sur le plan financier?

M. Potvin: C'est une bonne question. Je crois comprendre qu'un député aurait droit à une pension d'invalidité. Je ne suis pas au courant des particularités du cas auquel vous faites allusion. La seule raison qui me vient à l'esprit pour justifier un tel traitement, c'est que l'invalidité de cette personne n'est peut-être pas protégée par un régime d'assurance- invalidité. Sinon, je dirais qu'il serait avantageux de demander une prestation d'invalidité, si l'état de santé était grave. Parallèlement, cette personne toucherait une prestation d'invalidité tout en conservant la protection de l'assurance- maladie.

La vice-présidente: Avez-vous des observations, monsieur Winchester?

M. Winchester: Je suis surpris qu'une telle solution n'ait pas été utilisée. Il y aura peut-être un autre député qui se retrouvera dans la même position et qui pourra demander des prestations d'invalidité de longue durée pour des raisons différentes. Cependant, je dirais que, dans le cas présent, la personne n'est pas encore admissible, mais qu'elle sait — si c'est celle à laquelle je pense — que la maladie ou l'invalidité progressera et qu'elle sera ultérieurement admissible à la protection de l'assurance. C'est peut-être le problème.

Toutefois, je dirais encore une fois que la personne devrait alors envisager de se présenter de nouveau aux élections. C'est à elle qu'il revient de faire un choix personnel.

Le sénateur Keon: Monsieur Winchester, j'ai l'impression que vous n'appuyez pas ce projet de loi. La question a été posée plus tôt et je croyais que vous alliez y répondre, mais vous ne l'avez pas vraiment fait. Si ce projet de loi était adopté, ne finirait-il pas par viser l'ensemble de la fonction publique? J'aimerais avoir votre avis à ce sujet.

M. Winchester: Je ne veux pas préjuger des négociations ni des intrigues qui pourraient se produire une fois le projet de loi adopté, mais il ouvre certainement la porte à des prestations plus vastes au bénéfice des fonctionnaires. Si cela devait arriver, nous nous opposerions encore davantage au projet de loi. Comme je l'ai dit, il s'agit d'un seul cas qui ne semble pas être extrêmement coûteux, mais c'est comme ça que les choses commencent et qu'on peut, au bout d'un certain laps de temps, arriver à un milliard de dollars.

Le sénateur Keon: Avez-vous quelque chose à dire, monsieur Potvin?

M. Potvin: Je conviens également que cela créerait un précédent. Actuellement, dans la fonction publique, un employé peut prendre sa retraite à l'âge de 50 ans et choisir de ne pas recevoir de pension de retraite avant l'âge de 55 ou 60 ans. Dans le cas d'un député, le fait de prétendre qu'il doit avoir droit à une couverture médicale même s'il ne reçoit pas de pension de retraite pourrait certainement créer un précédent pour les fonctionnaires.

Le sénateur Cook: J'ai besoin de précisions à cet égard. Disons par exemple qu'au cours de mon mandat de parlementaire, mon médecin me dise que je souffre d'une maladie chronique. Si je me tourne vers l'avenir, que je ne serai plus parlementaire, que je ne pourrai plus me présenter à des élections, quelles seraient mes options au moment même où je devrais décider d'acheter une d'assurance? Serais-je admissible, sachant bien que j'ai une maladie?

M. Winchester: Je ne connais pas les détails du genre de couverture dont bénéficient les parlementaires ni du moment où elle s'applique. J'imagine qu'en cas de maladie chronique, on pourrait faire une demande de prestations d'invalidité à long terme et, à un moment donné cesser d'être parlementaire. Toutefois, pour ce qui est de l'achat de votre propre assurance, une fois que vous avez appris que vous avez un genre de maladie chronique, vous allez être confronté à un problème fort difficile, mais qui n'est pas différent de celui que connaissent tous les Canadiens lorsqu'ils s'aperçoivent — souvent trop tard — qu'ils ont peut-être une maladie donnée ou qu'ils courent le risque d'un certain handicap. L'industrie de l'assurance est très claire: tout le monde devrait acheter une assurance pour maladies graves ou pour invalidité à long terme; c'est la responsabilité de tout un chacun.

Nous savons que cela existe déjà. Toutefois, dans une perspective de politique générale, les sénateurs et les députés devraient proposer d'autres moyens offrant aux gens d'autres options. Tout va bien si votre employeur vous offre cette prestation — en fait, vous avez beaucoup de chance en pareil cas. Toutefois, vous devez également assumer cette responsabilité pour vous-même, pour votre famille et pour votre propre planification financière à long terme. Si la politique générale et le gouvernement ne vous donnent pas les options voulues pour économiser en cas de problèmes ou de frais médicaux plus tard dans votre vie, cela veut dire que la société ne se préoccupe nullement de certains de ses membres. Nous n'assumons pas cette responsabilité. Nous avons des REER, mais nous n'avons pas de compte d'épargne médicale et nos options en matière d'assurance complémentaire et d'assurance-maladie sont limitées. Peu de choses ont été faites pour modifier cette réalité, en partie parce que la Loi canadienne sur la santé l'en empêche.

Le sénateur Cook: Je comprends que d'après vous, je ne peux pas actuellement acheter d'assurance. Je dois en acheter lorsque je suis en relativement bonne santé et que tout va bien. Je peux vous parler de ma propre expérience: lorsque mon conjoint est décédé et que je me suis retrouvée sans revenu et sans assurance collective, j'ai simplement dû acheter une assurance à ce moment-là. Ce que je veux savoir c'est s'il est possible d'acheter une assurance complémentaire au moment où vous apprenez que vous avez une maladie chronique. Si je comprends bien, ce n'est pas possible.

M. Winchester: Dans certains cas, je pense que c'est possible, dans d'autres, c'est hors de prix.

Le sénateur Morin: J'aimerais poser mes questions à M. Winchester. Dans votre document vous dites, si je ne me trompe, que 50 p. 100 des employés canadiens ont accès à une assurance médicale, dentaire et d'invalidité, n'est-ce pas?

M. Winchester: D'après Statistique Canada.

Le sénateur Morin: Pourquoi dites-vous dans votre conclusion que tous les parlementaires devraient faire comme tout le monde et acheter leur propre assurance-maladie et d'invalidité? C'est soit 50 p. 100 de la population, soit tout le monde. Que voulez-vous dire exactement?

M. Winchester: Les 50 p. 100 visent ceux qui ont un genre d'assurance complémentaire. Ils n'ont pas nécessairement accès à un régime complémentaire dont ils peuvent continuer de bénéficier une fois qu'ils quittent leur emploi. J'ai une assurance complémentaire, mais à partir du moment où je quitte mon emploi de la Fédération des contribuables canadiens — à 65 ans ou dès la semaine prochaine — je ne peux pas acheter ces prestations d'assurance ni continuer d'en bénéficier. Beaucoup de travailleurs sont dans la même situation.

Le sénateur Morin: Je le comprends. Vous me dites que lorsque vous prendrez votre retraite, vous n'aurez plus d'assurance dentaire et médicale.

M. Winchester: C'est en vertu du régime dont je bénéficie actuellement.

Le sénateur Morin: Vous bénéficiez d'un régime restreint, mais M. Potvin conviendra avec moi que beaucoup d'institutions, sociétés et employeurs importants maintiennent la couverture même après le départ à la retraite, si bien qu'il n'y a rien d'inhabituel à ce sujet, n'est-ce pas?

M. Potvin: C'est exact. Lorsque j'ai cité les statistiques, elles ne visaient pas tous les employeurs, mais environ 53 p. 100 d'entre eux à l'échelle du pays.

Le sénateur Morin: Le fait que le régime soit maintenu après la retraite n'est pas inhabituel ni exceptionnel. Je veux que ce soit clair, car on semble dire ici que le maintien de la couverture après la retraite est inhabituel et ne correspond pas à la situation des autres employés. Ce n'est pas vrai. Au contraire, la plupart des industries et des employeurs d'importance maintiennent la couverture après la retraite.

M. Potvin: C'est exact.

Le sénateur Morin: À ce moment-là, les parlementaires ne sont pas différents, n'est-ce pas?

M. Potvin: Effectivement.

Le sénateur Morin: Il ne s'agit pas alors de débattre du maintien de la couverture après le départ à la retraite. Nous parlons d'une période de temps très limitée — entre 50 et 55 ans, avant le départ à la retraite — au cours de laquelle l'assurance médicale, dentaire et d'invalidité serait maintenue. C'est très circonscrit, n'est-ce pas?

M. Potvin: Oui.

Le sénateur Morin: Si l'on s'en tient au projet de loi lui-même, pourquoi une période aussi limitée entraînerait très rapidement un coût aussi énorme?

M. Potvin: Je ne suis pas sûr de comprendre votre question.

Le sénateur Morin: Permettez-moi de la répéter en reprenant les propos de M. Winchester. Il a dit que ce qui est considéré comme un coût infime au départ peut augmenter rapidement et devenir un coût énorme. Comment le projet de loi, en lui-même, peut-il entraîner très rapidement un coût élevé? Les parlementaires qui ont entre 50 et 55 ans et qui n'ont pas pris leur retraite bénéficieraient de l'assurance médicale, l'assurance-vie et l'assurance en cas d'invalidité. Nous parlons d'un nombre très restreint de personnes et cela ne pourrait pas se traduire par un coût élevé.

M. Winchester: Je sais que certains honorables sénateurs souhaiteraient que cette question soit de portée limitée et aimeraient la décrire comme telle. Comme l'un de vos collègues l'a fait remarquer, cela pourrait dépasser le cadre des parlementaires et s'appliquer à la fonction publique. Le nombre de personnes employées à la fonction publique ne cesse de croître régulièrement depuis 1997 environ. Nous parlons de près d'un demi-million de fonctionnaires. Par conséquent, ce projet de loi peut effectivement donner lieu à un coût assez important.

Nous savons également que ce qui se passe dans le cas des fonctionnaires donne le ton pour ce qui est de la situation des fonctionnaires provinciaux et locaux. Nous parlons alors d'un bassin de près de trois millions de personnes cette année. Cela pourrait entraîner des coûts importants non seulement pour les contribuables fédéraux — qui vous préoccupent, bien sûr — mais aussi pour les contribuables provinciaux et locaux, que nous représentons en tant qu'organisme.

Il s'agit en fait d'après nous d'une question beaucoup plus vaste. Je comprends que vous souhaitiez l'envisager comme une question plus restreinte et que vous aimeriez vous concentrer sur cette mesure législative et, en fait, sur une personne en particulier. Toutefois, ce ne sont pas tous les Canadiens qui y ont accès et à cet égard, ce n'est pas juste. Les Canadiens pourraient avoir le sentiment d'une injustice dans le cas des cadres supérieurs de la fonction publique ou des gestionnaires fort à l'aise de sociétés privilégiées. La réalité que vivent la plupart des Canadiens dans les petites entreprises et dans les entreprises individuelles, c'est qu'ils n'ont pas accès à ces grands regroupements d'assurance.

Nous nous opposons à ce projet de loi en partie parce qu'il va coûter de l'argent et aussi parce qu'il laisse de côté certains problèmes fondamentaux qu'il faudrait régler. Je ne vous vise pas, honorables sénateurs, bien sûr, sous prétexte que vous en parlez aujourd'hui. Toutefois, les parlementaires ont-ils si peu de questions à débattre qu'ils doivent débattre de la façon dont ils peuvent s'octroyer plus d'avantages? Je ne suis pas sûr que ce soit bien vu des contribuables, ni non plus de ceux qui nous appuient et pour lesquels je suis ici.

Peut-être devrais-je m'excuser pour mes propos sans ambages, mais le témoignage du ministre devant votre comité m'a dérangé. Il considère qu'il s'agit d'une question de portée limitée, ce que je comprends, mais je ne suis pas d'accord. Dans leur ensemble, les contribuables considèrent qu'il s'agit d'une question plus vaste.

Le sénateur Morin: Vous vous plaignez en disant que ce projet de loi a été présenté de manière précipitée, et maintenant vous vous opposez à ce que nous en débattions. C'est soit l'un soit l'autre.

M. Winchester: Je vous félicite d'en discuter et je me suis montré méprisant à l'égard de...

Le sénateur Morin: Vous avez dit que nous n'avons rien d'autre à faire.

M. Winchester: Je me suis montré méprisant uniquement à l'égard des députés et non à l'égard des honorables sénateurs. Si je me suis mal fait comprendre, je vous prie de m'en excuser.

La vice-présidente: Vous ne vous êtes pas fait mal comprendre, monsieur Winchester. C'est ce que le témoin a dit, sénateur Morin.

Le sénateur Morin: Je vais passer à une autre question. Le Parlement coûte 450 millions de dollars, une hausse de 41 p. 100. Quel pourcentage de l'augmentation provient de la rémunération?

M. Winchester: Je répondrais spontanément en disant que je ne le sais pas, il faudrait que je consulte les comptes publics.

Le sénateur Morin: Si vous faites un calcul rapide, c'est entre 10 et 20 p. 100.

M. Winchester: Je serai prêt à envoyer par courriel ou par télécopie une ventilation détaillée de ces chiffres à partir des comptes publics. Toutefois, je ne les ai pas en tête.

Le sénateur Morin: Que pense votre organisme au sujet d'une plus grande responsabilisation des parlementaires qui joueraient un plus grand rôle et auraient plus de pouvoirs en matière de questions gouvernementales? Pensez-vous qu'il faudrait leur donner plus de ressources? En pareil cas, ne pensez-vous pas que les coûts du Parlement augmenteraient?

M. Winchester: Les coûts de l'État peuvent augmenter pour de bonnes et légitimes raisons. Il est intéressant que vous parliez de la responsabilisation des parlementaires, car je pense que c'est une bonne idée. Les parlementaires — qu'il s'agisse des députés ou des sénateurs — devraient exercer leur indépendance et avoir les ressources voulues pour faire des observations poignantes.

On parle de «déficit démocratique»; or, j'ai remarqué à propos de l'augmentation des coûts à la Chambre des communes et de l'accroissement des ressources à cet égard, que par suite d'une décision en matière de rémunération des chefs de cabinet ou des ministres, certains chefs de cabinet gagnent en fait davantage que les simples députés.

Je ne sais pas ce que cela signifie en termes de responsabilité et de déficit démocratique. Ce que je sais cependant, c'est que si vous augmentez le budget des bureaux des parlementaires, si vous leur donnez plus d'argent pour les ressources et les études, si vous leur donnez davantage l'occasion de s'exprimer sur les projets de loi, cela va coûter de l'argent. Quand les parlementaires partent en tournée dans le but de rencontrer des Canadiens et de discuter avec eux de questions d'intérêt public et d'enjeux importants, cela coûte de l'argent. Nous appuyons toutefois les dépenses de ce genre.

Par ailleurs, quand nous voyons que des fonds sont utilisés à mauvais escient, nous sommes doublement inquiets parce que l'argent n'est pas dépensé comme il devrait l'être. Il est dépensé de façon frivole, ce qui choque les contribuables.

Le sénateur Morin: Le fait est que vous ne donnez aucune précision. Vous dites que les dépenses du Parlement ont augmenté de 40 p. 100 sur 10 ans. Une partie de cette hausse, comme vous venez de le mentionner...

M. Winchester: Le coût du régime de rémunération des députés a augmenté de 22 p. 100. Les salaires ont augmenté de 22 p. 100. La valeur nominale des pensions a augmenté de 42 p. 100. Je n'ai pas les chiffres exacts avec moi, mais l'actuaire a recommandé que des fonds additionnels soient consacrés au régime de pension des députés pour tenir compte du nombre de députés qui vont partir à la retraite et de l'augmentation des coûts.

Je ne sais peut-être pas comment les coûts sont répartis, mais il semble, d'après les données empiriques qui existent, que la rémunération plus élevée des députés compte pour une bonne part de ceux-ci. Nous ne sommes pas contre le fait que les députés soient payés selon la méthode proposée par la commission Lumley. L'allocation non imposable disparaîtrait. La formule est claire et simple, et l'échelle salariale, plutôt raisonnable.

Ce qui l'est moins, ce sont les prestations de pension et les avantages généreux qui sont versés, parce que quand vous comptez parmi les 2 p. 100 de contribuables qui font partie de la tranche de revenus la plus élevée, on peut présumer que vous êtes en mesure de mettre de l'argent de côté, de souscrire à une assurance complémentaire, ainsi de suite. Vous savez quoi? C'est une décision que les 406 parlementaires devront prendre séparément. Je ne peux pas décider à leur place.

Le sénateur Morin: Nous avons déjà souligné le fait que 50 p. 100 des Canadiens possèdent ce type d'assurance.

J'aimerais revenir à ce que vous avez dit au sujet du régime de soins de santé. Je ne comprends pas très bien votre logique. Vous semblez croire qu'il est désavantageux d'avoir un système de soins de santé à un seul palier qui n'offre aucun choix, aucune option d'assurance, des soins de faible qualité, ainsi de suite. Que voulez-vous dire au juste?

La vice-présidente: Avant de répondre à la question, monsieur Winchester, je remarque, en passant, que vous en faites mention dans votre exposé. Nous avons abordé bon nombre de ces points dans notre étude sur les soins de santé. Cela n'a rien à voir avec le projet de loi à l'étude. Quoi qu'il en soit, puisqu'il a posé...

Le sénateur Morin: Il y a une page complète là-dessus. S'il veut la retirer de son document, je ne m'y opposerai pas.

La vice-présidente: On s'écarte du sujet. Il est question ici du projet de loi C-24. Monsieur Winchester, je vous demanderais d'être aussi bref que possible.

M. Winchester: Je ne m'écarterai pas du sujet, parce que je sais que le comité a consacré beaucoup de temps à cette question et que les honorables sénateurs sont conscients des lacunes que comporte notre système de soins de santé à plusieurs paliers.

Or, le simple fait que les parlementaires jugent nécessaire d'avoir des prestations de maladie et d'invalidité complémentaires montre que nous avons un système de santé à plusieurs paliers. Nous avons un système de base, c'est- à-dire un système de santé financé par l'État auquel tout le monde a accès, et nous avons plusieurs autres paliers, en fonction de la couverture médicale supplémentaire que vous décidez d'acheter, même si elle est limitée, ou que vous fournit votre employeur. Je ne vois rien d'inacceptable dans tout cela.

Toutefois, si vous ne rétablissez pas l'équilibre en autorisant l'achat non seulement d'une couverture médicale complémentaire, mais aussi de soins de santé — et je crois, sans équivoque aucune, qu'il nous faut un système de soins de santé privé et parallèle — nous risquons d'avoir et problème et c'est à cela que je fais allusion. Encore une fois, je souhaite que les honorables sénateurs et les députés de la Chambre des communes envisagent sérieusement la possibilité de créer un tel système. Il faut procéder de façon juste et équitable. C'est là que réside la solution du problème.

Je reviendrai volontiers vous parler du système de soins de santé ou encore des études que nous avons effectuées sur le sujet au cours des quatre ou cinq dernières années. Notre position est assez claire. Je n'en dirai pas plus.

La vice-présidente: Monsieur Winchester, nous allons probablement vous prendre au mot à un moment donné.

J'aimerais avoir une précision. Quand des employés quittent la fonction publique ou prennent une retraite anticipée et qu'ils touchent leurs prestations de retraite non pas immédiatement, mais cinq ans plus tard — disons qu'ils quittent à 50 ans —, ont-ils droit, quand ils y deviennent admissibles, à l'assurance médicale et dentaire?

M. Potvin: Ils y ont droit, oui.

La vice-présidente: Mais ils n'y ont pas droit entre 50 et 55 ans?

M. Potvin: C'est exact.

La vice-présidente: Par conséquent, pour revenir à ce qu'a dit le sénateur Keon, il s'agirait là d'un outil de négociation fort utile pour les fonctionnaires qui veulent...

M. Potvin: Absolument. Ce serait un précédent.

Le sénateur Fairbairn: Monsieur Potvin, vous avez indiqué que, mis à part ce que propose ce projet de loi, il y a des exceptions qui s'appliquent à la couverture médicale offerte aux personnes qui ont des problèmes de santé ou autres. Pouvez-vous nous donner quelques exemples?

M. Potvin: Il n'y a pas d'exceptions, mais plutôt des circonstances particulières qui pourraient en admettre. Par exemple, l'employeur du secteur privé a souvent recours à des exceptions si le régime, dans son ensemble, ne couvre pas certains services. S'il y a des circonstances particulières qui admettent une exception, on va avoir recours à cette formule au lieu de modifier, de façon générale, les modalités du régime.

Le sénateur Fairbairn: Est-ce qu'on procéderait au cas par cas?

M. Potvin: Oui. Il n'est pas rare, par exemple, d'avoir un régime médical qui ne couvre pas certains services. Si, pour une raison ou pour une autre, l'employeur juge que le traitement dont doit subir une personne devrait être couvert, une exception sera admise. Cette façon de faire n'est pas inhabituelle.

Le sénateur Callbeck: On a déjà abordé le sujet, mais j'aimerais poser une brève question à M. Winchester. Vous dites que, peu importe la formule utilisée pour calculer la rémunération des politiciens, celle-ci devrait correspondre aux attentes du public.

Je présume que cette rémunération ne cadre pas, selon vous, avec les attentes du public. Or, comment doit-on s'y prendre pour définir, justement, ces attentes?

M. Winchester: D'abord, je pense que le salaire actuel des députés et des sénateurs correspond aux attentes du public. Il y a, certes, un petit groupe de Canadiens qui jugent que le salaire est un peu trop élevé, et un petit groupe qui juge que le salaire n'est pas suffisamment élevé. Toutefois, la plupart des Canadiens s'entendent pour dire que la rémunération qui est versée est juste. Ce sont plutôt les avantages supplémentaires et les prestations de pension qui suscitent beaucoup de mécontentement.

Je reçois régulièrement des demandes de la part de médias et de membres — habituellement, après qu'un député annonce qu'il ne se représentera pas aux prochaines élections — qui veulent savoir à combien s'élèvera la pension de ce député. Si certains pensent, à tort, que le régime de pension est beaucoup plus généreux qu'il ne l'est en réalité, c'est parce que nous sommes passés de la formule de six à 14 ans. Le député qui a été élu en 2001 devra siéger pendant une période allant de 10 à 25 ans avant d'avoir droit à une pension.

Il y a un problème de communication. La Chambre des communes et les parlementaires, en général, devraient faire preuve de transparence et afficher leur rémunération clairement et visiblement, comme le fait le gouvernement de l'Alberta — surtout les composantes pension et salaire.

Il y a de nombreux Canadiens qui ne reçoivent pas de prestations supplémentaires. Ils travaillent pour des petites entreprises ou à leur compte, ou encore pour une compagnie qui offre des avantages — s'ils figurent parmi les 50 à 53 p. 100 de travailleurs qui les reçoivent — moins généreux. Pour ce qui est de l'assurance médicale et invalidité complémentaire, dans presque tous les cas, vous devez toucher une pension pour y avoir droit. Je suis certain qu'il y a des exceptions; les cadres supérieurs des sociétés comme Nortel ont droit à toutes sortes d'exceptions.

Toutefois, pour le simple citoyen canadien, cette assurance- invalidité complémentaire ne correspond pas du tout à ce qu'ils touchent. Je pense que de nombreux Canadiens ne comprennent pas vraiment la teneur du projet de loi. S'ils étaient mieux renseignés, si on ne donnait pas au projet de loi un sens aussi restrictif, je pense qu'ils s'y opposeraient davantage. C'est peut-être une bonne stratégie de la part des parlementaires de le présenter à un moment où les gens sont beaucoup plus préoccupés par, disons, le témoignage de M. Guité. Je trouve toutefois l'attitude des parlementaires injuste.

Vous avez posé une question au sujet du processus. La commission Lumley a présenté un bon rapport. Elle n'est pas allée assez loin pour ce qui est du régime de pension. Les parlementaires auraient intérêt à adopter la formule du régime enregistré d'épargne-retraite. Cela leur permettrait d'exercer un plus grand contrôle sur leur pension. Ils pourraient s'en servir à des fins médicales ou autres, et toucher plus ou moins d'argent. Le régime est transférable. Ils ne se sentiraient pas coincés — je ne dis pas que vous vous sentez coincés; vous êtes probablement satisfaits de votre travail — mais ce régime offrirait plus d'options, ce qui est une bonne chose.

Concernant les avantages, il faut plus de transparence pour ce qui est des prestations de départ et autres qui sont versées aux parlementaires et aux personnes faisant l'objet d'une nomination politique. Le principe, en ce qui concerne ce palier-ci de gouvernement et tous les autres, est très simple: si vous êtes un fonctionnaire, vous avez droit à une prestation de départ et, dans une certaine mesure, à des prestations d'invalidité à long terme. Vous pouvez même y avoir droit avant même de prendre votre retraite. Toutefois, dans le cas des personnes qui font l'objet d'une nomination politique ou des représentants élus, ces prestations doivent cesser d'être versées le jour où ils quittent leur poste.

Les députés reçoivent une indemnité de départ — et nous ne nous attarderons pas là-dessus — mais je trouve que cela dépasse un peu les bornes. Il y a des représentants élus, des personnes nommées, des membres de comité, des personnes qui ont fait l'objet de nominations publiques qui reçoivent de généreuses indemnités de départ lorsqu'elles quittent leur poste, et il n'y a rien qui choque plus les contribuables.

Il est important que les parlementaires et les personnes nommées connaissent bien les règles à leur arrivé et qu'ils sachent, au moment de leur départ, qu'ils n'ont pas droit à d'autres avantages. Ils peuvent ensuite s'organiser en conséquence. S'ils craignent de tomber malades ou d'être frappés d'une invalidité, ils peuvent souscrire à une assurance complémentaire ou mettre de l'argent de côté s'ils n'ont pas droit à une couverture. C'est ce que font les autres contribuables canadiens.

Je pense que le processus est bon. J'aimerais qu'il prenne la forme d'un RÉER. C'est en fait ce que je vous demande aujourd'hui. Certaines questions peuvent être réglées plus tard. Je trouve toutefois étonnant, comme je l'ai déjà dit, que les parlementaires aient le temps de se pencher sur cette question, mais pas sur les véritables enjeux d'intérêt public qui nous intéressent. C'est déplorable.

Le sénateur Callbeck: Ma question portait sur le processus. Vous êtes d'accord avec la commission Lumley.

M. Winchester: Oui, c'est un bon processus.

Le sénateur Cook: Nous faisons référence à quelqu'un qui devient handicapé et qui a besoin d'une qualité de vie que nous devrions tous avoir dans ce grand pays. Nous parlons d'une possibilité de six années d'emploi. Avec un REER, le montant accumulé au bout de six ans serait de combien?

M. Winchester: Dans un REER?

Le sénateur Cook: Je sais que cela dépend de ce qu'on achète.

M. Winchester: C'est fonction de l'orientation que prendront les marchés financiers. Les REER ne sont pas parfaits, mais ils constituent un bon instrument d'épargne-retraite.

Le sénateur Cook: Êtes-vous en train de dire que c'est possible pour quelqu'un entre 50 et 55 ans? Si quelque chose était établi aujourd'hui, nous n'aurions pas besoin de ceci?

M. Winchester: Cela dépend du montant d'argent versé dans le REER. Rappelez-vous qu'une partie viendrait de ce qu'un parlementaire aurait accumulé précédemment et d'autres sources, comme des héritages ou des redevances. Il existe beaucoup de choses qu'on peut mettre dans un REER comme revenu supplémentaire.

La vraie solution à ce problème n'est pas tant le REER. Les députés doivent souscrire à ce type de régime parce que c'est dans leur intérêt. Un REER leur permettra de disposer de plus d'argent — particulièrement s'ils sont jeunes. Il leur donnera aussi davantage de liberté, ce qui est un élément intangible, mais non négligeable. Il faut chercher la solution dans l'assurance-maladie complémentaire. Cela a à voir avec le compte d'épargne à usage médical. C'est un sujet totalement distinct et un problème complètement différent, mais il est vraiment regrettable que les parlementaires n'aient pas décidé de centrer leur attention là dessus au lieu d'opter pour cette mesure.

La vice-présidente: Nous n'avons plus de questions. J'aimerais vous remercier tous les deux, monsieur Potvin et monsieur Winchester, pour ce débat animé. Vous avez fait d'excellentes remarques sur cette mesure législative.

J'ai dit, lors de séances précédentes, que je considérais que ceci avait été adopté à toute vapeur par la Chambre des communes et que cette hâte n'était pas justifiée. Je suis vraiment contente que nous ayons pu entendre vos témoignages aujourd'hui.

Au nom de mes collègues, j'aimerais vous remercier d'avoir comparu.

Nous allons maintenant examiner le projet de loi S-17, loi modifiant la Loi sur la citoyenneté.

Nos témoins viennent du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration ainsi que du ministère de la Justice.

Je vais céder la parole à Mme Patricia Birkett. Je vous remercie beaucoup de comparaître devant nous dans le cadre de l'étude de ce projet de loi.

Mme Patricia Birkett, directrice générale par intérim, Direction générale de l'intégration, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration: L'une des raisons d'être du projet de loi S-17 est qu'entre le 1er janvier 1947 et le 14 février 1977, certains mineurs de moins de 21 ans ont perdu la citoyenneté canadienne alors que leurs parents responsables, citoyens canadiens, ont cessé d'être Canadiens après avoir obtenu une autre nationalité. Le terme «parent responsable» avait une définition particulière dans le contexte de cette loi. Normalement, le parent responsable était le père des enfants nés dans les liens du mariage, la mère des enfants nés hors mariage, la mère veuve ou celle qui avait la garde légale des enfants.

La Loi sur la citoyenneté actuelle, entrée en vigueur en février 1977, prévoit que d'anciens Canadiens peuvent recouvrer la citoyenneté canadienne. Ceux qui le souhaitent doivent devenir résidents permanents, vivre au Canada pendant un an et ne pas être frappés de certaines interdictions. En 2003, on a mis en oeuvre une politique publique visant à faciliter l'octroi de la résidence permanente aux personnes ayant perdu leur citoyenneté lorsqu'elles étaient mineures puisque l'une des exigences pour recouvrer la citoyenneté canadienne est de devenir résident permanent.

Le projet de loi S-17 modifie l'article 11 de la Loi sur la citoyenneté actuelle, qui exige que les anciens Canadiens acquièrent le statut de résident permanent et vivent au pays pendant une année avant de recouvrer la citoyenneté canadienne. Il propose d'éliminer l'exigence d'acquérir le statut de résident permanent et de vivre au Canada durant un an, mais seulement pour les personnes ayant perdu la citoyenneté canadienne lorsqu'elles étaient d'âge mineur.

Par ailleurs, j'aimerais signaler que la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ainsi que la Loi sur la citoyenneté s'appliquent de concert lorsqu'il s'agit d'accorder la citoyenneté à quelqu'un. En vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, quiconque souhaite obtenir la résidence permanente doit satisfaire aux critères d'admissibilité. Les personnes ayant commis des crimes graves, que ce soit au Canada ou à l'étranger, ou qui constituent un problème pour la sécurité, peuvent être jugées inadmissibles.

La Loi sur la citoyenneté, en vertu de laquelle les gens demandent à recouvrer leur citoyenneté canadienne, ne prévoit que les interdictions liées à des accusations criminelles au Canada, et ces interdictions ne sont pas permanentes. Elles ne s'appliquent que durant une période limitée.

En ce qui concerne la sécurité, la Loi sur la citoyenneté nous permet de refuser d'accorder la nationalité à un individu pour des raisons de sécurité en vertu de l'article 20, mais il est difficile d'appliquer ce type de dispositions si la personne n'a pas vécu au Canada car le système fonctionne en coopération avec le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, et cetera pour ce qui est des menaces à l'égard du Canada. L'approche de l'immigration en matière de sécurité est pas mal plus large que l'approche prévue dans la Loi sur la citoyenneté.

Les conséquences du projet de loi S-17 sont telles qu'elles permettraient de faire entrer au Canada des anciens Canadiens qui sont actuellement interdits de territoire pour des raisons de sécurité et de criminalité. En outre, d'autres anciens Canadiens pourraient se plaindre d'avoir eu à suivre tout le processus, dont l'obtention de la résidence permanente et l'obligation de vivre au Canada pendant un an.

J'aimerais maintenant vous entretenir du problème d'apatridie. On a beaucoup parlé de la question de la perte de citoyenneté, et certaines informations diffusées par les médias ne sont pas tout à fait exactes. Les dispositions sur la perte de citoyenneté contenues dans la loi de 1947 ne rendent pas les gens apatrides. Selon ces dispositions, les personnes qui ont perdu leur nationalité canadienne avaient acquis la citoyenneté d'un autre pays. Étant donné que le Canada appliquait ce type de dispositions entre 1947 et 1977, il n'a violé aucune de ses obligations internationales et il a respecté ses engagements conformément à la Convention sur la réduction des cas d'apatridie.

En ce qui concerne les femmes et les enfants, afin de régler certains problèmes qui sont apparus, la Loi sur la citoyenneté de 1947 a permis de corriger des inégalités engendrées par la législation britannique, qui était en vigueur avant que le Canada n'adopte sa propre loi en la matière.

Pour ce qui est des enfants, il existe une décision de justice, dans l'affaire Sieradzki c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration). Dans ce cas, le tribunal a conclu qu'il n'y avait pas eu de discrimination parce qu'un parent avait pris une décision pour un enfant mineur. Les parents doivent prendre beaucoup de décisions concernant leurs enfants et certaines ont des conséquences à long terme; il n'est pas discriminatoire pour un parent de prendre une décision pour son enfant.

Il y a là un facteur de choix. Lorsque ces dispositions décourageant la double nationalité ou les nationalités multiples étaient en vigueur au Canada, certaines personnes ont préféré rester canadiennes. En faisant ce choix, elles ont dû renoncer à des possibilités d'emploi et à d'autres avantages pour justement conserver leur citoyenneté. Ces gens avaient le choix de demeurer Canadiens ou pas.

Je voudrais maintenant vous faire part de certaines considérations concernant la perception du public. Entre 1947 et 1977, divers facteurs entraînaient la perte de la citoyenneté canadienne. Aujourd'hui, la situation a changé. En effet, la perte de la citoyenneté ne survient qu'en cas de renonciation volontaire, pour un nombre limité de personnes, ou de révocation, qui s'applique là aussi à un très petit groupe d'individus. J'ajouterais que les personnes qui ne demandent pas à conserver leur citoyenneté pour la deuxième génération née à l'étranger perdront également leur citoyenneté canadienne, mais il s'agit là d'un point technique concernant uniquement les personnes nées à l'étranger de parents également nés à l'étranger.

En vertu de la Loi actuelle sur la citoyenneté, les demandes de réintégration sont toutes évaluées de la même façon. Peu importe quelles circonstances ont entraîné la perte de la citoyenneté, les exigences pour recouvrer la citoyenneté canadienne sont les mêmes en vertu de la loi.

Des changements apportés aux exigences relatives au recouvrement de la nationalité pour certaines personnes ayant perdu la citoyenneté canadienne en vertu de l'ancienne loi peuvent amener une série de réclamations d'autres groupes jugeant leur situation tout aussi méritoire.

Il existe des recours, en vertu de la loi actuelle, pour les personnes qui veulent recouvrer leur citoyenneté canadienne. Les exigences relatives à l'acquisition du statut de résident permanent ont été conservées pour assurer l'intégrité du programme. La politique publique mise en place pour les personnes ayant perdu la citoyenneté lorsqu'elles étaient mineures est très souple, mais il s'agit d'une politique d'immigration. Les changements apportés aux exigences applicables aux résidents permanents pourraient créer d'autres problèmes en voulant corriger des événements passés.

La vice-présidente: Je vous remercie beaucoup.

Le sénateur Morin: Pourriez-vous nous donner davantage de détails au sujet de l'intégrité du programme? Pourriez- vous nous expliquer les difficultés que présente ce projet de loi? Je peux en saisir les avantages, mais quels en sont les inconvénients? Par exemple, vous avez fait référence à l'intégrité du programme. Voulez-vous parler des soins de santé et d'autres choses du genre?

Mme Birkett: Non. Dans ce contexte, l'intégrité du programme concerne les personnes ayant vécu à l'étranger depuis leur enfance et qui y ont été reconnues coupables de crimes ou qui ont été impliquées dans des activités du crime organisé ou autres; si elles ne doivent pas passer par le processus d'immigration en vertu de ce projet de loi, elles peuvent rentrer au pays comme Canadiennes malgré leur passé criminel ou certaines menaces à la sécurité qu'elles posent dans d'autres pays.

Le sénateur Morin: Si, en tant que Canadien, je suis reconnu coupable d'un crime dans un autre pays, puis-je retourner au Canada comme Canadien?

Mme Birkett: Oui.

Le sénateur Morin: Même si j'ai été accusé d'un crime à l'étranger?

Mme Birkett: Oui. Cela fait partie du droit d'être Canadien. Ce projet de loi fait référence aux personnes qui n'ont pas la citoyenneté canadienne.

Le sénateur Morin: Ce ne sont pas des Canadiens. Ce n'est pas la même chose que d'abandonner sa citoyenneté.

Vous avez dit que certains éléments pourraient engendrer d'autres problèmes en essayant de corriger des événements survenus dans le passé, que voulez-vous dire?

Mme Birkett: Cette Loi sur la citoyenneté a été en vigueur pendant 30 ans, de 1947 à 1977. Beaucoup de personnes ont satisfait aux exigences permettant de recouvrer la citoyenneté. Si, demain matin, je disais à quelqu'un qui a perdu sa citoyenneté en 1952 que les règles du jeu ont changé pour lui, je laisserais de côté ce qui est arrivé dans le passé. Par conséquent, il y aurait une application rétroactive de la loi. Une autre personne, qui devrait passer par tout le processus pour recouvrer sa citoyenneté, y compris l'obligation d'obtenir la résidence permanente, pourrait contester cette décision.

Par ailleurs, nous avons adopté une politique publique pour le programme d'immigration à l'intention des mineurs, mais cette politique nous permet encore d'examiner la situation dans son ensemble. D'ailleurs, les considérations humanitaires en vertu du programme d'immigration nous ont permis d'étudier la situation d'anciens Canadiens ou d'autres pour lesquels il était justifié d'autoriser l'entrée au Canada.

Si nous commençons à faire des lois qui changent les choses pour certaines catégories d'individus, les autres s'en plaideront et les contesteront.

Le sénateur Morin: La question de la double citoyenneté ne joue absolument aucun rôle dans ce cas. Cela a-t-il changé? Cette modification de la loi aura-t-elle une incidence sur les personnes ayant la double nationalité?

Mme Birkett: Entre 1947 et 1977, le Canada a mis en place des règles décourageant la double citoyenneté. C'était conforme à la façon dont les choses fonctionnaient à l'époque, y compris dans d'autres pays, et le Canada avait adopté le même type d'approche. En 1977, lorsque l'actuelle Loi sur la citoyenneté est entrée en vigueur, les règles visant à décourager l'obtention de la double citoyenneté ont été abandonnées. Les gens avaient le choix. Entre 1947 et 1977, ils devaient savoir que s'ils obtenaient une autre nationalité, ils perdraient la citoyenneté canadienne. Depuis 1977, les gens savent qu'obtenir une autre nationalité n'a pas nécessairement d'incidence sur la citoyenneté canadienne.

Je dis cela sous toute réserve; c'est une question complexe. Il y a des pays, par exemple, où, si vous voulez adopter leur nationalité, vous devez renoncer à votre citoyenneté canadienne, et c'est encore le cas maintenant. Certains pays ont encore des règles pour décourager les nationalités multiples; pas nous.

Le sénateur Keon: À ce que je comprends, vous préféreriez que ce projet de loi ne soit pas adopté, n'est-ce pas?

Mme Birkett: Oui, c'est vrai.

Le sénateur Keon: Si le projet de loi est adopté, comment pourrait-il être modifié pour contourner ce problème des criminels qui ne sont pas Canadiens pour qu'en quelque sorte, ils ne bloquent pas l'accès aux gens qui ne sont pas des criminels?

Mme Birkett: Je ne pense pas qu'il y ait de réponse facile à cela, monsieur le sénateur. Nous devons effectivement repenser tout le processus. À la façon dont les choses fonctionnent maintenant, le processus d'immigration, pour les non-Canadiens, sert à empêcher des gens dont nous ne voulons pas d'obtenir la citoyenneté pendant qu'ils ne sont pas encore Canadiens.

Je ne pense pas qu'il soit faisable d'essayer de dire qu'en vertu de la Loi sur la citoyenneté, nous allons entreprendre d'imposer toute une gamme de règlements pour prévoir cela, mais accepter certaines autres personnes.

Le sénateur Keon: Est-ce que vous pensez que le processus actuel est équitable? D'après certains, il ne l'est pas, ils ne peuvent pas sortir du dédale de la bureaucratie, et tout le reste. Est-ce que vous êtes convaincue qu'il est équitable de le maintenir?

Mme Birkett: Pour moi, l'équité, c'est que tout le monde soit traité de la même manière. En 2004, je réponds encore à des gens en leur disant voici les règles pour retrouver la citoyenneté. J'aimerais pouvoir continuer de donner la même réponse et ne pas avoir soudainement à changer et à dire «Maintenant, nous avons décidé que même si vous avez fait quelque chose en 1952, nous avons changé les règles». Ce n'est pas juste. Pour moi, «juste» signifie que nous avons des règles uniformes qui s'appliquent de la même manière à tout le monde. L'équité dans le sens de ce qui est gentil ou compatissant, c'est autre chose.

Avec le programme d'immigration, nous avons toujours eu une certaine manière de traiter les gens. En regardant leur situation particulière, nous disons «Cela ne va pas». Je peux vous donner un exemple. J'ai travaillé, au cours de ma carrière, pour les programmes de citoyenneté et d'immigration. Avant 1977, j'ai eu affaire à un couple d'âge moyen. Ils étaient troublés. Ils m'ont expliqué que leur fille était allée vivre en Australie avec son époux. À l'époque, ils avaient adopté la citoyenneté australienne, ce qui signifiait qu'ils avaient perdu leur citoyenneté canadienne, en connaissance de cause. Ils voulaient refaire leur vie en Australie, et c'est ainsi qu'il fallait faire. Ils ont eu cinq enfants. Tout allait bien jusqu'à ce que le mari soit tué dans un accident. Cette femme s'est retrouvée en Australie avec ses cinq enfants, tous nés là-bas, pas des Canadiens. Les parents m'ont dit «Nous aimerions vraiment que notre fille puisse revenir au Canada». En tant qu'agente à l'immigration, j'ai consigné leur demande. À l'époque, nous utilisions une formule de parent nommément désigné. À l'endos, j'ai écrit cette triste histoire à l'agent des visas en disant «Peut-être pourriez- vous regarder ce cas-là, quelles que soient ses compétences en tant qu'immigrante, parce qu'il s'agit de compassion».

Les parents ne sont jamais revenus me voir. Je travaillais dans un très petit bureau à l'époque. Je suis convaincue que si cela n'avait pas fonctionné, ces gens-là seraient revenus me voir. Ils savaient que je disais «D'accord, je peux comprendre pourquoi cette situation est particulière», avec compassion et gentillesse.

L'équité, ça veut dire les mêmes règles pour tout le monde. La Loi sur l'immigration laisse la place à la discrétion, au cas par cas. La Loi sur la citoyenneté est plus stricte. On est Canadien ou on ne l'est pas. Un point c'est tout. Il n'est pas question de mériter d'être Canadien, mais de déterminer si on l'est ou pas, en termes de nationalité. C'est mieux ainsi.

Le sénateur Keon: Aux yeux de quelqu'un qui est assis en face de vous et qui essaie de se faire entendre, vous apparaissez comme quelqu'un d'assez dur. Je ne suis pas sûr d'être d'accord avec votre définition de l'équité. Parfois, notre bureaucratie est absolument suffocante, et tout à faire injuste, quelles que soient les règles. Votre exposé était excellent, et je comprends très bien ce que vous dites.

Je suis submergé de plaidoyers de médecins qui veulent devenir des citoyens canadiens, mais je ne peux pas vraiment dire que je connais un seul cas de quelqu'un qui n'ait pas été traité équitablement. Il apparaît terriblement difficile d'entrer dans ce pays pour des gens qui voudraient y entrer et y faire une importante contribution.

Mme Birkett: Il est difficile de prendre des décisions sur des gens d'après les règles, mais s'il n'y a pas ces règles, c'est encore pire d'essayer de prendre des décisions à propos de gens, parce que là, cela devient vraiment arbitraire. Par nature, par formation et par profession, j'aime un système de règlements bien établi, que tout le monde connaît et qu'on respecte au pied de la lettre.

Il est assez facile de reprendre la citoyenneté canadienne. Ce que je n'ai peut-être pas dit, dans les exigences, c'est qu'au contraire d'autres gens, ils n'ont pas à répondre aux exigences de langue, de connaissances et cetera. Une année, c'est un engagement minimum au Canada, et nous pouvons leur rendre leur citoyenneté.

Nous pourrions passer bien du temps à parler des aléas du programme d'immigration, mais ce n'est pas ce que je suis venue exposer ici, aujourd'hui.

La vice-présidente: J'aimerais poser une autre question, à ce sujet de l'équité. Vous êtes, sans aucun doute, au courant de la décision Benner c. Canada, de la Cour suprême, où la Cour a décrété que la loi de 1947 enfreignait de manière flagrante les droits des enfants nés à l'étranger de femmes canadiennes. Elle a donc reconnu des droits afin que les enfants, même s'ils étaient nés à l'étranger de femmes canadiennes, puissent retourner au Canada comme citoyens canadiens tout simplement en en faisant la demande au gouvernement.

Au nom de l'équité, alors, comment pouvez-vous justifier de ne pas accorder le même traitement aux enfants qui sont nés au Canada? Au nom de l'équité, comment les enfants nés de mères canadiennes à l'étranger peuvent être traités d'une manière, alors que les enfants nés au Canada, et c'est l'objet de ce projet de loi, sont traités autrement?

Mme Birkett: Dans le cas de Benner, c'est la loi qui a été déclarée injuste. Elle a été déclarée injuste parce qu'à l'époque, M. Benner a dit «J'aimerais tirer parti d'une disposition temporaire qui dit que les enfants de femmes canadiennes peuvent maintenant avoir la citoyenneté». Il a été déclaré criminellement inadmissible. Il a soutenu que c'était injuste, parce qu'en exigeant qu'il ne soit pas criminellement inadmissible, on l'a traité de manière différente des enfants de parents canadiens. Voyant qu'il était traité autrement après l'entrée en vigueur de la Charte, on a décrété que la loi actuelle est injuste. Par conséquent, le paragraphe voulant que les enfants nés de mères canadiennes puissent obtenir la citoyenneté a été réinterprété. Ils n'ont pas à passer par les interdictions, les dispositions sur la criminalité, ni à être assermentés.

La décision Benner concernait réellement la loi actuelle. Que la loi de 1947 à 1977 ait été juste, selon les normes que nous appliquons aujourd'hui, est probablement une question à débattre. La loi de 1947 était un produit de son époque, et donc elle contenait toutes sortes de notions qui n'existent plus. Tout cela a changé en 1977.

Cependant, nous ne pouvons pas revenir et refaire ce qui est arrivé il y a très longtemps. Face à un cas valable en droit de nos jours, nous pouvons examiner les mérites du cas. Nous avons tous les outils qu'il faut pour cela.

La vice-présidente: Si quelqu'un a besoin de rester au Canada pendant un an avant de ravoir sa citoyenneté, comment peut-il entrer au pays et travailler pour gagner sa vie? Quels sont les processus en place maintenant pour lui permettre de vivre au pays de manière à respecter le critère d'un an?

Mme Birkett: La personne doit d'abord devenir résidente permanente, ce qui signifie qu'elle doit demander un visa d'immigrant et commencer par vivre au Canada pendant un an. Selon la politique officielle, lorsque nous évaluons l'admissibilité de la personne en tant qu'immigrant, nous devons prendre en compte cette perspective humanitaire si c'est quelqu'un qui a déjà été citoyen canadien.

La vice-présidente: C'est une oeuvre de taille pour quelqu'un de s'arracher de ses racines et venir vivre ici comme résident permanent. Ces gens-là sont des gens d'âge mûr. Cela revient à ce que disait le sénateur Keon; ne trouvez-vous pas que c'est excessivement bureaucratique?

Mme Birkett: Non, je ne le pense pas. Je pense que c'est un processus qui est tout à fait accessible. Il s'agit ici de gens qui ont vécu hors du Canada pendant au moins 27 ans. Nous leur demandons de démontrer leur engagement et leur sincérité à l'égard du Canada en y revenant et en vivant ici pendant cette période minimale d'un an.

Le sénateur Callbeck: Je voudrais tirer au clair ce qu'est la situation actuellement, et ce qu'elle serait avec cette loi. Les gens qui ont perdu leur citoyenneté canadienne et veulent la retrouver, en vertu de la loi actuelle, pourraient être refusés pour des raisons de sécurité ou d'infraction criminelle?

Mme Birkett: Oui.

Le sénateur Callbeck: Avec cette nouvelle loi, ces motifs seraient supprimés?

Mme Birkett: Oui, pour ceux qui ont perdu leur citoyenneté quand ils étaient mineurs. C'est parce que les gens n'auraient plus à passer par le processus d'immigration. C'est ce processus qui comporte le filtre de la criminalité et de la sécurité.

Le sénateur Callbeck: Vous dites qu'en 2003, une politique officielle est entrée en vigueur pour faciliter aux personnes qui ont perdu leur citoyenneté quand elles étaient mineures d'obtenir le statut de résident permanent au Canada. J'aimerais savoir ce qu'est cette politique.

Lorsque j'étais député, j'ai eu affaire à bien des gens qui trouvaient difficile d'obtenir cette citoyenneté canadienne. En quoi est-ce plus facile en 2003?

Mme Birkett: C'était une politique ministérielle d'immigration, pas de citoyenneté en tant que telle, bien qu'elle ait eu un lien avec les situations prévues dans la Loi sur la citoyenneté. Un communiqué de presse a été diffusé, en 2003, au sujet des personnes qui avaient perdu leur citoyenneté avant l'âge adulte. Je vais citer ce qu'a dit le ministre Coderre à l'occasion:

J'ai écouté les préoccupations d'anciens Canadiens [...] et j'ai la volonté d'appliquer des règles beaucoup moins rigides dans leurs cas [...] Pour ce faire, j'ai demandé aux responsables de s'assurer de traiter ces cas le plus rapidement possible en vertu des dispositions législatives en vigueur sur l'immigration et la citoyenneté. [...] Ces personnes seront exemptées des critères normaux de sélection pour la résidence permanente. [...] J'ai également demandé que ces personnes soient dispensées de l'exigence sur le fardeau excessif en matière de soins médicaux.

Ce sont là deux éléments clés qui facilitent la vie aux gens qui sont dans cette situation. Tout d'abord, on n'attend pas d'eux qu'ils répondent aux critères de sélection — le système de points, si l'on veut. Deuxièmement, ces gens ne peuvent être déclarés inadmissibles parce qu'ils présentent un fardeau excessif en matière de soins médicaux. C'est pourquoi j'ai répondu plus tôt que ceci n'est vraiment pas au sujet des soins médicaux.

Le sénateur Callbeck: Savez-vous combien de personnes cela pourrait toucher? Est-ce que c'est de l'ordre de centaines de milliers?

Mme Birkett: Nous ne savons pas combien ont déménagé ou sont allés vivre ailleurs depuis 1947, ou même avant. C'est difficile à dire.

J'ai cependant quelques statistiques, ici. Depuis cinq ans, 215 personnes ont repris leur citoyenneté. Je ne peux pas vous dire combien l'avaient perdue alors qu'elles étaient mineures. Nous savons que les gens qui sont déterminés à revenir vivre ici ont pu passer ce processus. L'exigence, c'est de revenir. Nous ne savons pas combien vivent ailleurs, qui n'ont aucune intention de revenir vivre ici, ou qui sont parfaitement heureux là où ils vivent. Je devrais dire que la plupart des cas que j'ai vus sont ceux de gens qui étaient allés vivre aux États-Unis.

Le sénateur Fairbairn: Lorsque vous dites que c'est pour la plupart des gens qui sont allés vivre aux États-Unis, y a-t- il des registres où on peut savoir si les gens qui veulent revenir sont des personnes âgées, ou des personnes motivées par des besoins médicaux à revenir au Canada?

Mme Birkett: Non. Par les chiffres, on sait inévitablement que ce sont des gens qui ont perdu leur citoyenneté avant février 1977. Par conséquent, le plus jeune de ceux-là pourrait n'avoir que 27 ans. Ils sont probablement plus vieux que cela. Je n'aime pas faire d'hypothèse. C'est tout à fait anecdotique. Il m'arrive de voir des lettres d'information. Il y a des gens nés dans les années 30, qui veulent ravoir leur citoyenneté maintenant. Je ne peux pas vous dire s'ils reviennent pour des raisons médicales.

Le sénateur Fairbairn: Qu'en est-il des gens qui ont été à l'étranger et qui, entre-temps, ont été déclarés coupables de crimes? Y a-t-il une porte qui leur est ouverte pour revenir?

Mme Birkett: Est-ce que vous parlez de gens qui étaient Canadiens auparavant?

Le sénateur Fairbairn: Oui.

Mme Birkett: La porte n'est pas ouverte sur l'obtention d'un permis de résident permanent pour les gens qui ont été déclarés coupables de crimes graves. Pour un délit comme le vol à l'étalage, c'est autre chose; mais lorsque je dis «crime», je parle d'actes équivalant aux actes criminels prévus dans notre Code criminel.

Le sénateur Fairbairn: Cela pourrait entrer en ligne de compte.

Mme Birkett: Oui, c'est possible maintenant, parce que les gens doivent d'abord passer par le processus d'immigration.

La vice-présidente: Peut-être ne connaissez-vous pas le cas suivant. J'ai lu dans le journal l'histoire d'une enseignante de Kelowna, en Colombie-Britannique, Mme Magali Castro-Gyr, qui parle couramment le français, l'anglais et l'espagnol. D'après l'article, elle a dépensé 20 000 $ en frais juridiques pour ravoir ses droits qui lui avaient été volés. Elle est née à Montréal, c'est une Canadienne de la quatrième génération. Son père a immigré au Canada de la France en 1952 et est devenu citoyen canadien en 1958. En 1968, il a pris un emploi aux États-Unis, avec la carte verte, et est devenu citoyen américain en 1975, alors que Magali avait 16 ans, et à ce moment-là elle a cessé d'être citoyenne canadienne. L'article la cite quand elle dit qu'en tant que mineure, elle était la propriété de son père et que le fait qu'il ait obtenu la citoyenneté américaine lui a fait perdre à elle la citoyenneté canadienne. Elle dit «Aujourd'hui, on me refuse mon droit de conserver ma nationalité canadienne». L'article dit que «ironiquement, en 2000, son père a retrouvé sa citoyenneté canadienne, mais pas Magali». De plus, elle a pu parrainer son mari, d'origine suisse, pour qu'il vienne au Canada, et il est devenu citoyen. Aujourd'hui, il est citoyen canadien, mais pas elle.

Peut-être ne pouvez-vous pas commenter certains aspects de ce cas particulier, mais c'est le genre d'histoire qui fait les manchettes de journaux nationaux et qui font les gens s'arracher les cheveux.

Mme Birkett: Vous savez que je ne peux pas parler d'un cas particulier ni révéler aucune information. Les journaux ne disent jamais toute l'histoire.

La vice-présidente: Ce cas particulier à part, lorsqu'un citoyen canadien va vivre aux États-Unis, prend la citoyenneté américaine et retourne au Canada, est-ce que l'enfant de cette personne n'a pas quelque droit? De toute évidence, l'enfant n'est même pas conscient du fait que la citoyenneté est transférable avec le parent.

Est-ce que vous dites, dans votre témoignage, qu'en règle générale, normalement, ce ne serait pas un problème? Si la citoyenneté de quelqu'un lui est retirée à son insu parce son parent est allé vivre aux États-Unis, et si cette personne suit le processus normal, cela ne devrait pas poser de problème parce que la citoyenneté canadienne avait été établie par le droit de naissance au Canada?

Mme Birkett: Je me demande comment on peut ne pas savoir. Les gens qui vivent dans d'autres pays pendant de nombreuses années ont besoin d'un document de voyage. S'ils pensaient être Canadiens, ils devaient demander un passeport canadien. Il y a des questions, sur la demande de passeport, qui auraient amené le Bureau des passeports à signaler quelqu'un dans cette situation aux autorités de la Citoyenneté, qui peuvent décider que cette personne n'est pas canadienne.

Je ne sais pas comment cela a pu arriver, et chaque cas est différent de l'autre. Lorsque les gens disent qu'ils ne savaient pas, c'est une possibilité; et il arrive que nous voyions ce genre de situation. Supposez qu'une personne revenue au Canada à l'âge de 22 ans se présente à la frontière avec un vieux certificat de naissance en main; elle est passée et a affirmé ne pas savoir.

Aujourd'hui, cette personne pourrait venir et dire «Oups, j'ai maintenant 65 ans, je suis ici depuis de nombreuses années, mais je ne savais pas que je n'étais plus canadienne». Nous avons des moyens pour composer avec quelqu'un qui est dans cette situation. Nous avons une politique, dans nos livres, pour composer exactement avec ce genre de cas- là. Il nous arrive parfois d'entendre des histoires très bizarres. Quelqu'un peut être né hors du Canada, et arriver bébé au pays, dans les bras d'un parent, sans que tous les détails soient donnés au passage de la frontière. La personne pourrait apprendre toute l'histoire bien des années après, mais nous avons toutes sortes de moyens pour composer avec ces cas-là; et nous le faisons.

La vice-présidente: C'est l'objet de ma question.

Mme Birkett: Nous avons eu affaire à ces cas-là et ils ont été résolus. C'est ce que vous voulez entendre?

La vice-présidente: Lorsque des Canadiens vont maintenant aux États-Unis et travaillent avec la carte verte, et en fin de compte, ils demandent et obtiennent la citoyenneté américaine, est-ce qu'ils conservent leur citoyenneté canadienne?

Mme Birkett: Aujourd'hui, oui, parce que nous n'avons plus les règles voulant qu'on cesse d'être Canadien.

La vice-présidente: Est-ce que les Américains l'exigent?

Mme Birkett: Les Américains sont des gens merveilleux — j'en ai épousé un — mais ils ont des drôles de règles et le serment de citoyenneté, aux États-Unis, est un serment de renonciation. Il dit: «I hereby renounce all my loyalty [...]» et cetera, et cetera.

La vice-présidente: Nous n'exigeons pas cela au Canada.

Mme Birkett: Non, mais j'ai entendu des gens dire qu'ils n'étaient pas au courant qu'ils devaient faire ce genre de serment. À tout le moins, ils auraient dû le vérifier parce que cette exigence est en vigueur depuis très longtemps.

Selon la loi américaine, vous cessez d'être Américain si vous prêtez serment d'allégeance à un autre pays. Nous savons que des gens l'ont contesté devant les tribunaux aux États-Unis et, dans des cas particuliers, cette règle pourrait ne pas s'appliquer. Je suis heureuse que nous ayons, selon moi, des règles plus transparentes, qui sont claires et facilement accessibles.

La vice-présidente: Je suis sûre que de nombreux Canadiens qui ont cotisé au Régime de pension du Canada n'apprécieraient pas de devenir inadmissibles à leurs prestations de retraite s'ils vont vivre aux États-Unis et qu'ils perdent leur citoyenneté canadienne.

Mme Birkett: Un grand nombre des prestations sociales ne dépendent pas de la citoyenneté, mais des cotisations. L'assurance maladie dépend de la situation de résidence. Bien des aspects auxiliaires n'ont rien à voir avec la citoyenneté. Ils concernent des règlements fiscaux, qui sont fondés sur la résidence. Je ne prétends pas être experte sur toutes ces règles.

La vice-présidente: Quoi qu'il en soit, elles n'auraient pas d'incidence l'une sur l'autre.

Mme Birkett: Les prestations du Régime de pension du Canada n'ont rien à voir avec la citoyenneté.

La vice-présidente: Au nom du comité, je tiens à remercier nos témoins d'être venus et d'avoir présenté un excellent témoignage au sujet du projet de loi C-7.

La séance est levée.


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