Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 4 - Témoignages du 8 février 2005
OTTAWA, le mardi 8 février 2005
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 37 pour étudier le projet de loi C-14, Loi mettant en vigueur l'accord sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale conclu entre le peuple tlicho, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et le gouvernement du Canada et modifiant la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et d'autres lois en conséquence.
Le sénateur Nick G. Sibbeston (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Permettez-moi de vous présenter les membres du comité : le sénateur Christensen, du Yukon, le sénateur Léger, du Nouveau-Brunswick, le sénateur St. Germain, de la Colombie-Britannique, et le sénateur Watt, du Nord du Québec. Je remercie les représentants du peuple tlicho qui sont venus de très loin, c'est-à-dire des Territoires du Nord-Ouest, pour être présents aujourd'hui. Nous sommes privilégiés et honorés que vous soyez venus en si grand nombre pour assister à l'adoption du projet de loi par le Sénat.
Selon ce qu'on m'a dit, les Tlichos commencent toujours leurs réunions et leurs activités par une prière. Je demanderais donc à M. Zoe de nous présenter l'aîné qui va prononcer la prière. Veuillez, s'il vous plaît, vous lever.
M. John B. Zoe, négociateur en chef, Conseil des Dogribs signataires du traité no 11 : M. Edward Weyallon va réciter la prière.
(Prière)
Le président : À la suite de ses délibérations sur le projet de loi C-14, le comité fera rapport de ses progrès au Sénat.
Monsieur Zoe et chef Nitsiza, vous avez la parole.
M. Zoe : Je vais présenter les personnes qui m'accompagnent. Le chef Ntisiza fera une déclaration liminaire, puis j'enchaînerai avec mon exposé. Nous nous ferons ensuite un plaisir de répondre à vos questions. Je suis accompagné aujourd'hui par l'un des négociateurs tlichos, M. Erasmus, le chef Charlie Nitsiza de Wha Ti, ainsi que par M. Salter et Mme Bertha Rabesca-Zoe, tous deux de Pape & Salter.
Le grand chef adjoint Charlie J. Nitsiza, Conseil des Dogribs signataires du traité no 11 : Comme bon nombre de nos aînés ne parlent pas l'anglais, je voudrais faire mon exposé dans la langue tlicho. M. Erasmus fera fonction d'interprète.
[Interprétation]
Je remercie les membres du comité de prendre le temps de nous écouter. J'aimerais souligner que plus de 60 délégations de Tlichos sont venues aujourd'hui à Ottawa pour voir la démocratie canadienne à l'œuvre. Je suis le chef de Wha Ti. Les membres de notre équipe de négociation ainsi que nos conseillers juridiques m'accompagnent aujourd'hui.
Nous sommes le peuple tlicho. Nous vivons dans les quatre localités de Behchoko, Wha Ti, Gameti et Wekweti, dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous parlons le tlicho et notre mode de vie traditionnel est axé sur la chasse, la pêche et le piégeage.
Je remercie les aînés qui ont joué le rôle de conseillers pendant les négociations. Il s'agit de MM. Alexis Arrowmaker, Jimmy B. Rabesca, Harry Simpson et Joe Migwi. Ils ont pu venir à Ottawa avant Noël pour assister à la troisième lecture du projet de loi C-14 à la Chambre des communes et à la première lecture au Sénat.
Pendant les négociations, nous avons perdu un aîné, M. Johnny Nitsiza. Sa femme Dora, son frère aîné Phillip et son petit-fils Vincent nous accompagnent aujourd'hui. Nous avons également perdu notre chef, Eddie Paul Rabesca. Sa femme Rosa, son fils aîné Larry et sa fille Claudia sont ici avec nous.
En 1921, notre dirigeant, Monfwi, a signé avec le Canada le traité no 11. Aujourd'hui, l'accord sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale se fonde sur ce que Monfwi a dit à l'époque et sur le vœu exprimé par le chef Jimmy Bruneau lors de la construction de notre école dans les années 60. En 1971, Jean Chrétien, alors ministre des Affaires indiennes, est venu à Rae et a inauguré l'école portant le nom du chef Jimmy Bruneau à Edzo. Le chef Bruneau a alors formulé le souhait que les Tlichos soient forts comme deux peuples, qu'ils puissent évoluer dans les deux mondes et parler les deux langues, à savoir le tlicho et l'anglais.
Au cours des négociations, bon nombre de nos aînés sont décédés. Nos aînés et les Tlichos ont donné à leurs négociateurs le mandat de négocier un accord sur la revendication territoriale fondé sur les souhaits exprimés par Monfwi et le chef Jimmy Bruneau. L'entente de revendication territoriale et d'autonomie gouvernementale des Tlichos représente l'aboutissement de 10 ans de négociations engagées en 1992.
Pendant tout ce temps, les négociateurs tlichos ont tenu le peuple au courant des négociations. Ils lui ont expliqué l'ensemble de l'accord lors de rassemblements annuels, de réunions régionales et de visites dans les collectivités.
En juin 2003, le peuple tlicho a ratifié l'accord final par un vote favorable de 92 p. 100. Les Tlichos attendent patiemment que l'accord soit ratifié par les deux gouvernements, surtout depuis que le premier ministre de l'époque, Jean Chrétien, et son homologue des Territoires du Nord-Ouest, Stephen Kakfwi, ainsi que le grand chef Joe Rabesca sont venus à Rae pour signer l'accord final en août 2003. Pour l'occasion, bon nombre de personnes étaient présentes, notamment le sénateur Sibbeston, l'honorable Ethel Blondin-Andrew, Mme Sue Barnes et M. Phil Fontaine. Les Tlichos ont célébré cette journée historique. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a adopté à l'unanimité sa loi sur l'accord du peuple tlicho en octobre 2003.
L'accord ne concerne pas seulement les Tlichos d'aujourd'hui. Il vise aussi les générations futures. L'accord nous donnera les outils nécessaires pour nous gouverner, des outils que nous pourrons transmettre aux autres générations pour que le mode de vie, la culture et la langue des Tlichos soient protégés et préservés pendant des générations.
Nous préparons l'avenir de nos jeunes. Nous collaborons avec les écoles et les organismes pour veiller à ce qu'ils soient bien préparés. Nous travaillons également avec les aînés, car ils nous relient au passé et assurent notre avenir. Chacun de nous est fort comme deux peuples.
Les Tlichos ont ratifié l'accord et ils en sont satisfaits. En ce sens les Tlichos ont fait leur part, et c'est maintenant au tour du gouvernement du Canada de respecter son engagement.
L'Accord Tlicho est pour une deuxième fois soumis au processus parlementaire. Il franchit maintenant les dernières étapes du processus législatif au Sénat, ce qui explique notre présence ici aujourd'hui. Le peuple tlicho exhorte le Sénat à adopter le projet de loi sur l'Accord Tlicho le plus tôt possible pour que nous puissions faire de l'autonomie gouvernementale des Tlichos une réalité.
Nous sommes honorés d'être ici aujourd'hui et nous vous remercions de nous permettre de prendre la parole sur le projet de loi C-14.
Je vais maintenant demander à M. John B. Zoe, notre négociateur en chef, de faire son exposé. Nous serons ensuite heureux de répondre à vos questions.
[Traduction]
M. John B. Zoe, négociateur en chef, Conseil des Dogribs signataires du traité nº 11 : Cette démarche remonte à longtemps, mais elle a commencé pour moi et pour le sénateur Sibbeston au début des années 80, alors qu'il était ministre de l'Administration locale. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest avait décidé de créer des conseils régionaux. On venait tout juste de sortir du bois, si je peux m'exprimer ainsi, et on apprenait à s'organiser dans le contexte des temps modernes. On commençait à se documenter sur les façons de faire, ce qui nous a conduit là où nous sommes aujourd'hui. On ne connaissait ni les règles, ni les procédures des conseils régionaux. J'avais donc été invité à accompagner le sénateur Sibbeston à Pond Inlet pour apprendre comment le conseil régional de Baffin menait ses affaires. Au cours de ce voyage, nous avons été exposés aux éléments de la nature. Nous nous sommes en effet retrouvés bloqués là pendant trois jours. Lorsque cela se produit, tous les services de la ville sont paralysés. Je me souviens très bien de cette expérience. Cela m'a fait prendre conscience de l'éloignement des habitants du Nord et des conditions climatiques extrêmes dans lesquelles ils doivent survivre.
Je suis vraiment très heureux de témoigner devant le comité présidé par le sénateur Sibbeston avec qui j'ai partagé cette expérience. Le chemin qui a mené à la signature de l'Accord Tlicho a été long et, dans le cadre du processus parlementaire, il est maintenant soumis à l'examen et à l'approbation du comité sénatorial. Je suis ravi d'être venu aujourd'hui avec des représentants du peuple tlicho pour assister au processus de ratification par le gouvernement fédéral et pour voir les monuments historiques de la capitale fédérale qui relatent le chemin que le Canada a parcouru pour être ce qu'il est aujourd'hui.
Comme c'est également le cas chez d'autres peuples autochtones, nous ne possédons pas de langue écrite, mais nous avons une tradition orale inscrite à même les terres. Un événement du passé est remémoré par un lieu qui porte un nom évocateur de l'événement en question. Selon la tradition orale et les désignations géographiques, l'Accord tlicho n'est pas la seule entente conclue par notre peuple. C'est le prolongement d'accords antérieurs. Les noms de lieux géographiques et les enseignements des aînés nous apprennent que nos premiers accords ont été négociés avec les animaux, desquels nous dépendons pour coexister. Pour compenser notre passage sur le territoire, nous faisons des offrandes à la terre afin que les animaux continuent d'assurer notre subsistance dans l'environnement qui nous entoure.
Les arguments que nous présentons en faveur des évaluations environnementales s'appuient sur ces principes. Il nous incombe de préserver l'environnement et de veiller à ce que les animaux soient protégés pour assurer leur survivance. Ce sont d'ailleurs les mêmes principes que nous appliquons dans le monde moderne et dans les pratiques de gestion actuelles.
En ce qui a trait aux activités de développement à grande échelle dans le Nord, nous avons trois mines de diamants, dont deux en activité et l'autre, à l'étape de la construction. Dans le cadre des évaluations environnementales que nous avons menées, nous avons su relever les défis associés à ces activités. Nous sommes fidèles à ces principes et nous estimons qu'ils ne représentent pas une menace au développement, mais qu'ils constituent plutôt un complément à la gestion durable de l'environnement.
Au cours de ce processus, nous avons établi de bonnes relations de travail avec les exploitants de mines de diamants comme BHP Billiton, Diavik Diamond Mines et DeBeers. Nos rapports sont à ce point favorables que les dirigeants des trois mines ont remis au peuple tlicho une lettre destinée aux parlementaires dans le but de signaler leur appui au projet de loi C-14. Voilà certes un geste qui nous rassure.
Après plus de 12 ans de négociations, nous sommes parvenus à conclure l'Accord tlicho, et ce, dans le cadre des lois canadiennes. Cette entente n'est pas la seule à laquelle nous avons consacré des efforts au cours de cette période. De fait, la même équipe de négociation, en collaboration avec des membres de la collectivité — dont les compétences nous sont indispensables —, a réussi à négocier avec les trois mines de diamants des ententes sur les répercussions et les avantages, y compris des accords de protection. Nous avons également conclu avec chacune des trois sociétés minières des accords environnementaux et socio-économiques.
Outre l'Accord tlicho, nous avons participé avec les mines de diamants à des négociations portant sur neuf ententes. Les échéanciers ont dû être considérablement réorganisés pour faire en sorte que les choses soient faites convenablement. Par ailleurs, le fait de discuter avec des représentants de l'industrie et des groupes d'intérêts nous a permis de mieux comprendre leurs points de vue et d'acquérir des connaissances que nous avons mises en pratique dans le cadre des négociations de l'Accord tlicho, pour consolider le développement dans le Nord et pour rassurer tout le monde.
Un autre accord qui fait partie de notre tradition orale porte sur le territoire et les noms de lieux géographiques. Il a été conclu avec les voisins autochtones qui nous entourent. Par ce traité de paix, nous nous sommes engagés à nous respecter les uns les autres. Nous avons appliqué les mêmes principes pour négocier deux ententes qui se recoupent, en plus de l'Accord tlicho. C'est ce qui nous a amenés à appliquer à l'Accord tlicho les articles 2.7.1, 2.7.2 et 2.7.3 qui protègent les droits permanents et existants de nos voisins autochtones.
Notre histoire est aussi étroitement liée au commerce des fourrures. C'est en effet au cours de cette période que les Tlichos se sont unis comme peuple afin de relever les défis économiques de l'époque.
Fidèles aux principes qui nous avaient guidés dans le cadre des négociations de l'Accord tlicho, nous sommes parvenus à conclure une entente avec la Société d'énergie des Territoires du Nord-Ouest, une société d'État du gouvernement territorial. Aux termes de l'entente, le peuple tlicho s'est engagé à financer et à construire un barrage hydroélectrique de 4,3 mégawatts sur une rivière coulant sur ses terres. L'ouvrage est relié à une ligne provenant de Yellowknife, la capitale des Territoires du Nord-Ouest.
Nous avons également acquis de l'expérience dans l'élaboration de partenariats et de relations d'affaires mutuellement avantageuses avec les grandes entreprises canadiennes parce que nous voulons faire en sorte que tous les partenaires jouissent des mêmes avantages. Nous avons ainsi pu travailler au perfectionnement de nos ressources humaines et offrir aux membres de notre peuple de la formation et des emplois de façon à participer de manière significative au développement économique. Nous avons, en outre, acquis l'assurance nécessaire pour négocier l'Accord tlicho. Toutes ces expériences ont en quelque sorte rehaussé notre seuil de tolérance.
On retrace dans nos toponymes une entente conclue avec le gouvernement du Canada en 1921. Le traité no 11 a été signé par notre représentant. Selon nos aînés, le peuple tlicho a réussi à négocier ce traité d'égal à égal. C'est ce qui nous a convaincus d'inclure l'autonomie gouvernementale dans l'entente sur les revendications territoriales de façon à affermir et à maintenir la relation.
Les négociateurs du peuple tlicho qui ont amorcé le processus sont toujours en poste. Aucun changement n'a été apporté à notre équipe de négociation. Les premiers négociateurs seront là jusqu'à la ratification et après, espérons-le.
Nous savons que l'équipe de négociation du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a pris sa retraite après la signature de l'accord. Il convient de souligner que les équipes de négociation, tant celle du gouvernement fédéral que celle du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, sont toujours demeurées fidèles à leurs principes. Elles ont négocié de bonne foi et ont accompli de l'excellent travail pour faire en sorte que leurs principes, leurs politiques et leur sens de l'équité soient mis en valeur lors des pourparlers.
Si cela a pu être accompli, c'est qu'on a fait preuve d'un même respect à l'égard des opinions de toutes les parties et qu'on a tenté de trouver des solutions au lieu de créer un climat de confrontation. On a plutôt cherché à trouver des solutions au chevauchement des compétences et des relations de travail pour veiller à déterminer clairement la façon de faire les choses.
Cette expérience nous a donné la confiance voulue pour aller au-delà de la coopération et a fait en sorte que les consultations auprès de la population du Nord soient faites dans un esprit de respect.
Des membres de notre équipe m'accompagnent aujourd'hui. L'Accord tlicho est la seule entente au pays à avoir été paraphée à deux reprises. Cela n'a jamais été fait auparavant. En règle générale, on paraphe l'accord final pour le ratifier. Dans ce cas, nous l'avons signé une première fois pour qu'il fasse l'objet de consultations publiques. Nous avons bien analysé les observations constructives qui ont alors été formulées, ce qui nous a donné l'occasion d'éclaircir des zones grises qui, au dire des gens, nécessitaient des éclaircissements. Cela a même aidé à mieux faire comprendre l'accord.
L'accord a été paraphé une deuxième fois au début de 2003 en vue d'être ratifié. En juin de la même année, nous avons été les premiers à le signer, forts de l'appui de plus de 90 p. 100 des Tlichos qui s'étaient prononcés en faveur de l'accord.
L'accord a été ratifié à l'unanimité par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et il est en voie de l'être par le gouvernement fédéral. La sanction royale est à portée de main. Nous sommes très près du but.
Comme le chef Charlie Nitsiza l'a fait remarquer, nous sommes très heureux d'avoir participé à ce processus, qui s'est certes avéré long. L'ancien premier ministre du Canada, M. Chrétien, a fait l'effort de venir à Behchoko pour signer l'accord final, un engagement qu'il avait pris alors qu'il était ministre des Affaires indiennes dans les années 1960. Bon nombre de nos aînés ont été heureux de le rencontrer à cette occasion et de l'accueillir comme un vieil ami.
Durant les négociations de l'Accord tlicho, beaucoup de facteurs étaient en jeu. Nous avons réellement ressenti le besoin de nous assurer que le terrain était préparé et entretenu pour les générations futures tout au long de la démarche, parce que bien que nous vivions dans un monde moderne, cela ne veut pas dire que nous devions oublier qui nous sommes, notre langue et notre culture, et ne pas les protéger. Nous tenons à les préserver.
Nous avons, depuis six ans, investi plus d'un demi million de dollars par année de nos propres deniers dans des bourses d'étude. Ce montant a été augmenté à 600 000 $ l'été dernier. Cela a permis de créer un programme d'étude postsecondaire pour aider nos étudiants pendant les dernières années du secondaire, les préparer à poursuivre leurs études. Une base de données a aussi été créée sur les cours auxquels peuvent s'inscrire les étudiants, l'hébergement disponible, et toute l'information connexe. C'est un programme de soutien avec un coordonnateur à temps plein à l'école secondaire, qui a tous les numéros de téléphone des étudiants de programmes d'études postsecondaires, et ils peuvent l'appeler n'importe quand. Il y a un numéro sans frais 1-800 ainsi qu'un numéro de télécopieur, et ainsi ils peuvent toujours être en contact, au besoin.
La préparation des jeunes par l'éducation est une bonne chose, mais en même temps, nous devons adhérer aux principes que défendent nos aînés, comme Jimmy Bruneau, qui a parlé de la nécessité de nous assurer de préserver notre langue tout autant que notre culture. Depuis 1995, nous offrons ce que nous appelons un programme « on-the- land canoe » dans le cadre duquel nous amenons nos jeunes sur le lac pendant dix jours ou plus, qu'ils passent à pagayer, chasser et pêcher. On leur fait connaître tous les lieux de chasse, de camping et les lieux funéraires qu'il y a sur leur chemin, pour qu'ils comprennent mieux leur histoire et puissent lire ces noms de lieux que j'ai décrits. Comme le dirait un aîné « Vous tournez des pages à chaque coup de votre pagaie dans l'eau ». Ce programme a eu un tel succès que l'été dernier, nous avons emmené plus de 160 personnes en canoe pour des séjours pouvant durer jusque deux semaines.
L'Accord tlicho a été rédigé par les équipes de négociation des trois parties. Le dévouement, l'appui et l'encouragement de gens comme les membres présents, qui nous écoutent aujourd'hui, est une force dans laquelle nous puisons pour faire en sorte qu'il y ait une lumière au bout du tunnel. Pour nous, c'est toute une victoire que d'être ici aujourd'hui à faire une présentation.
Le projet de loi C-14 reconnaît les choses dont nous avons hérité de nos ancêtres, en tant que membres du peuple tlicho, et notre capacité de transmettre ces droits aux générations futures. Comme je le disais plus tôt, l'Accord tlicho est le prolongement de notre passé de peuple qui conclut des accords et relève les défis qui se présentent.
Cela étant dit, je tiens à remercier les membres du comité de nous avoir écoutés. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Le président : Je remercie le chef Charlie Nitsiza et M. John Zoe pour leurs observations. Vous êtes libres de poser vos questions.
Le sénateur St. Germain : Merci, monsieur le président. Tout d'abord, je tiens à remercier les aînés du peuple tlicho, et aussi vous, les présentateurs et tous les visiteurs que nous avons ici. C'est l'une des plus vastes délégations que j'aie jamais vues, grand chef, et je pense qu'il est important que ces représentants soient ici, non pas seulement pour leur éducation, mais aussi pour la nôtre, à nous les sénateurs, et celle du pays dans son ensemble.
Comme vous le savez, cette réunion est télévisée et ainsi, après l'excellente présentation que vous avez faite tous les deux ce matin, le public pourra mieux comprendre ce que nos peuples autochtones essaient d'accomplir.
Lors de l'audience de la deuxième lecture du projet de loi au Sénat, j'ai soulevé cinq préoccupations. La première était que l'Accord ne parvenait pas à un règlement définitif et manquait de la constance qui lui est essentielle, puisqu'il peut être modifié. Je pense que nous en avons déjà discuté.
J'ai eu l'occasion de rencontrer diverses délégations des Tlichos, et bon nombre de ces questions ont trouvé réponse. Cependant, je voulais qu'elles soient consignées au compte rendu du comité. La première était une préoccupation. La deuxième concernait la diminution du pouvoir souverain du pays sur la scène internationale. Cette question a aussi obtenu réponse et été clarifiée.
La troisième question portait sur la perception qu'un troisième ordre de gouvernement allait être créé. C'est un argument toujours récurrent avec ces projets de loi sur l'autonomie gouvernementale. Vous avez décrit votre gouvernement comme étant beaucoup plus comme une administration municipale. Vous pouvez me corriger si je me trompe.
La quatrième question portait sur la Charte des droits. On a laissé entendre que la présence, dans l'Accord, de dispositions relatives aux langues officielles constituait une violation des droits de la personne.
Le sujet que je voulais creuser était de savoir si les Métis avaient été suffisamment consultés.
Un autre problème, c'est la question du droit matrimonial et de la famille. Est-ce que les femmes autochtones mariées à un Autochtone ont la même protection que leur offriraient des lois provinciales? Peut-être pourriez-vous préciser cela. C'est une question qu'un groupe de la Colombie-Britannique, ma province, m'a demandé de vous poser. Je pense qu'il est tout à fait juste que je vous la pose.
J'ai encore deux ou trois questions sur la situation des Métis.
M. Richard B. Salter, conseiller juridique, Conseil des Dogribs signataires du traité no 11 : Monsieur le président, je répondrai à la question sur le droit matrimonial et de la famille qu'a posée le sénateur de la Colombie-Britannique — c'est aussi ma province. La loi territoriale de la famille s'appliquera aux Tlichos qui sont résidents des collectivités tlichos. Ils sont assujettis à toutes les lois territoriales portant sur les questions de droits matrimonial et de la famille. Il n'y a pas de réserves dans cette situation et, par conséquent, la Loi sur les Indiens ne s'applique pas maintenant et ne s'appliquera pas dans le futur. Ces questions seront réglées en vertu de la loi territoriale, qui s'applique à chaque femme du territoire.
Le sénateur St. Germain : Au sujet des droits des Métis, en vertu de l'article 35, à ce que je comprends, il paraît qu'il n'y a pas eu pleine consultation, pendant les négociations, des Métis de la région qui font partie de la collectivité. J'ai eu des entretiens avec vous en privé à ce sujet, quand j'essayais de mieux comprendre cette question, pour m'assurer que les membres de la population métisse sont correctement représentés. À ce que je comprends, il y a 300 ou 400 Métis qui vivent sur le territoire tlicho dont il est question.
En tant que négociateur en chef, monsieur Zoe, pensez-vous que les Métis ont été pleinement consultés pendant les négociations, et que la majorité des Métis étaient d'accord et qu'ils ont été consultés comme ils le devaient dans cette situation?
M. Zoe : Lorsque je parlais tout à l'heure de la consultation pendant six mois à la suite du premier paraphage, c'était pour rassurer les groupes de Métis et autres groupes autochtones de la région.
Cela ne veut pas dire que ça été la seule consultation. Il y a eu des préconsultations avant cela, mais ainsi nous avons pu mieux comprendre, et intégrer à l'Accord la définition d'un citoyen tlicho. Elle n'est pas exclusive, elle est plutôt inclusive. C'est à la personne qui veut faire reconnaître sa citoyenneté tlicho qu'il incombe de le demander.
En même temps, l'Accord n'enfreint pas les droits de ceux qui considèrent habiter la région. Ils gardent leurs droits, et cet accord ne vise qu'à décrire les droits des Tlichos et non pas à définir les droits des Premières nations ou groupes autochtones voisins qui peuvent vivre dans la région. Nous nous sommes retrouvés devant un tribunal, et le juge a déclaré que ces droits n'étaient pas touchés.
Le sénateur St. Germain : Vous vous êtes retrouvés devant le tribunal avec qui?
M. Zoe : Le groupe métis dont nous parlons pensait que l'Accord tlicho aurait des répercussions sur ses droits, et il a fait une demande d'injonction. Au bout du compte, le juge a décidé que l'Accord tlicho n'enfreignait en rien les droits des Métis.
C'est l'une des choses qui est arrivée depuis 12 ans.
Le sénateur St. Germain : Tout cela a pris du temps, et vous avez perdu certains de vos négociateurs des premiers jours. Ils ne peuvent pas être ici avec nous.
J'aimerais parler de l'éducation. Je suis à Ottawa depuis plus de 20 ans, à débattre de questions similaires. Ce que j'ai remarqué, c'est que le seul véritable moyen que nos peuples autochtones occupent leur place légitime dans la société, c'est par l'éducation. Le chef Charlie James Nitsiza y a fait allusion dans sa présentation, quand il a clairement dit que nos aînés et nos chefs du passé voulaient parler les deux langues pour être forts.
Dans les discussions avec divers représentants de votre nation, nous sommes parvenus à la conclusion que l'éducation dans les régions isolées pose un défi. Comment allez-vous le relever? D'après ce que j'ai compris, vous avez une excellente école à Edzo, d'où vous administrez vos programmes de bourses d'études et les étudiants obtiennent leur diplôme d'études secondaires avant de poursuivre leurs études au niveau postsecondaire.
Le problème signalé, c'est que le personnel enseignant va dans les régions isolées acquérir de l'expérience, puis il s'en va. Il n'y a pas de continuité, et la qualité de l'enseignement dans certaines de ces régions n'est pas aussi bonne qu'elle devrait l'être. Cela restreint les chances des enfants locaux d'exceller comme ils le devraient.
A-t-on prévu quelque chose pour régler ce problème? Apparemment, il y a aussi des problèmes d'habitation. Les coûts sont tellement exorbitants qu'ils dissuadent les enseignants d'aller vivre dans ces régions isolées. J'ai appris que vous avez trois collectivités isolées en territoire Tlicho. Je pose une question directe et sincère, parce que ma bête noire, c'est qu'on n'insiste pas assez sur l'éducation des peuples autochtones pour en remonter le niveau. Apparemment, il leur faudra 27 ans pour atteindre le niveau des étudiants du reste du Canada.
M. Zoe : Sénateur, c'est aussi ma bête noire, et je m'en préoccupe depuis plusieurs années. Le passé nous a appris qu'il y avait peu de contrôle sur l'éducation. Nous sommes le produit des externats fédéraux, et le gouvernement fédéral logeait les enseignants, quand il y avait ce système. Ces maisons toutes prêtes étaient réservées exclusivement à l'usage des enseignants. Lorsque la responsabilité de l'éducation a été transférée au gouvernement territorial, la responsabilité de l'hébergement des enseignants lui a aussi été transférée en partie.
Le Nord est en train de se développer au point que le marché libre de l'habitation a été encouragé. Bon nombre de ces unités d'habitation ont été éliminées, ce qui a créé une pénurie d'habitations pour les enseignants venus dans la région. C'en est au point où la responsabilité de l'éducation est dévolue à l'administration régionale, tandis que l'embauche des enseignants relève des commissions scolaires locales. Dans certains cas, le logement est fourni par des corporations communautaires locales. À un moment donné, il se peut que nous trouvions le juste milieu, mais nous n'en sommes pas encore là.
Nous n'avons pas participé au processus de transfert de la responsabilité de l'habitation du niveau fédéral au niveau territorial, mais nous savons que nous aurons voix au chapitre lorsque la responsabilité sera transférée du niveau territorial au niveau régional. Nous n'avons pas l'expérience nécessaire pour régler cela ou formuler des principes fondés sur les méthodes traditionnelles. Nous avons une occasion de tirer leçon des expériences des Navahos de l'Arizona, avec qui nous entretenons des rapports étroits. Plusieurs Tlichos sont allés en Arizona pour voir comment sont constitués leurs conseils. Ces modèles ont été amenés dans la région Behchokò et, les premières années, les commissions scolaires étaient copiées sur eux.
Nous avons assisté à la conférence mondiale sur l'éducation des Autochtones, en Nouvelle-Zélande, en 1990. Il doit y avoir une autre conférence cet été. Nous y avons discuté de quelque chose qui capte bien l'essence de ce dont nous parlons ici — le défi de préserver sa langue et son héritage dans le système d'éducation moderne. Nous avons adopté un proverbe des Maoris de la Nouvelle-Zélande, que nous avons fait nôtre dans notre énoncé de mission pour les écoles tlichos. Ils disent qu'on n'intègre pas sa culture dans l'éducation, mais qu'on intègre l'éducation dans sa culture. Ainsi, la tradition, la culture et la langue sont préservées. Nous les absorberions. Ces solutions sont en train d'être élaborées. Nous sommes constamment aux aguets de remèdes à certaines des expériences et certains des problèmes qu'ont connus d'autres gouvernements avant nous. Nous sommes toujours conscients que ces solutions peuvent être formulées à l'échelle locale.
Le président : Estimez-vous que vos écoles et vos enseignants offrent à vos étudiants une bonne éducation?
M. Zoe : Actuellement, nous entretenons avec les enseignants une excellente relation de travail. Tous les enseignant fraîchement recrutés qui arrivent dans la région tlicho, et aussi certains des anciens, sont amenés au début de l'année scolaire passer une semaine avec les aînés et les étudiants auxquels ils devront enseigner. Certains passeront une semaine en terre stérile à chasser le caribou, et généralement à vivre de ce qu'offre la région pour s'habituer les uns aux autres, parce qu'ils devront travailler ensemble toute une année.
Le sénateur St. Germain : Pensez-vous que les étudiants diplômés de votre école secondaire d'Edzo sont compétitifs et ont les compétences nécessaires pour accéder à la plupart des universités? Est-ce qu'ils ont les compétences comparables à celles des étudiants d'une école secondaire du Sud du Canada?
M. Zoe : L'éducation a été transférée au niveau régional. Avant ce transfert, nous n'avions en moyenne qu'un ou deux diplômés du secondaire par année. Depuis que c'est une responsabilité régionale, nous pouvons nous attendre à une trentaine de diplômés par année, sinon plus. Nous avons plus de 100 étudiants qui fréquentent l'école secondaire. C'est probablement le plus grand nombre d'étudiants inscrits à une école des Territoires du Nord-Ouest, pour un groupe autochtone.
Le sénateur Christensen : Je souhaite la bienvenue aux aînés et aux jeunes qui sont ici aujourd'hui. Les jeunes gens feront progresser cet accord et le concrétiseront. Votre présence ici illustre votre détermination et votre engagement envers cette réalisation. Lorsque vous serez des aînés, quand vous songerez en rétrospective à ce processus, vous y verrez un nouveau début et une nouvelle opportunité.
Au Yukon, le processus de ratification est différent pour chacune de nos bandes. Vous avez dit qu'en juin, il y a eu 92 p. 100 de votes favorables à l'Accord, sur les 93 p. 100 de personnes qui ont voté. Pourriez-vous expliquer les exigences et le mode de scrutin appliqué au processus de ratification?
M. Zoe : Le principe sous-jacent est tel que si vous ne votez pas, c'est considéré comme un vote négatif. Les gens ont été encouragés à voter, et beaucoup l'ont fait.
Le sénateur Christensen : Avez-vous une idée, de mémoire, du nombre de personnes admissibles à voter?
M. Zoe : Je pense que M. Erasmus saurait probablement le nombre de personnes admissibles, le nombre de personnes qui ont voté et le nombre de votes positifs.
M. Eddie Erasmus, négociateur, Conseil des Dogribs signataires du traité no 11 : Sur le nombre de personnes admissibles, 93 p. 100 ont voté, et 92 p. 100 ont voté en faveur de l'Accord.
Le sénateur Christensen : C'est effectivement excellent.
Mon autre question concerne le projet de loi C-14 et les rôles de la Couronne. Une autre loi antérieure, qui a été ratifiée, sur les revendications territoriales dans les Territoires du Nord-Ouest, précisait que l'Accord était exécutoire pour la Couronne. Ni l'Accord Nisga'a, ni le projet de loi C-14 ne renferment cette disposition, bien que la première version, le projet de loi C-31, la comportait. Pourquoi a-t-elle été éliminée du projet de loi C-14?
M. Salter : C'est une excellente question. Nous avons posé la même question lorsque le gouvernement a proposé ce changement. Nous sommes parvenus à une décision collective, après discussion avec les représentants du ministère de la Justice, que l'Accord était exécutoire pour la Couronne. Nous n'en doutons pas un instant. Le projet de loi C-14 donne à l'Accord tlicho force de loi, et nous donne toutes les garanties que nous voulions — en contraignant la Couronne. Par conséquent, il n'était pas nécessaire d'ajouter cette disposition dans le projet de loi, parce que d'autres changements ont été faits. Il n'y a pas eu que ce changement qui a été apporté au projet de loi.
Le sénateur Christensen : Peut-être devrais-je parler un peu du processus de consultation. Certains groupes diront qu'il n'y a pas eu pleine consultation sur le processus, et pourtant vous nous avez dit qu'il y avait eu deux paraphages de l'Accord. Il a été paraphé, puis il y a eu un vaste processus de consultation. Est-ce que ce processus, après le paraphage du projet de loi, a englobé des non-Autochtones, et aussi d'autres Premières nations de la région? Est-ce que c'était six mois?
M. Zoe : Après le premier paraphe, des avis publics ont paru dans les journaux des Territoires afin d'inviter les gens qui souhaitaient être consultés individuellement ou en privé. Des consultations ont été menées avec différents groupes d'intérêt, tels que la Chambre des mines, la Chambre de commerce, les municipalités, les pourvoyeurs et d'autres groupes d'intérêt de la région.
Nous avons consulté les Premières nations et des ministères du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest avant d'ouvrir le processus aux particuliers dans le cadre d'un forum public. Nous avons loué une grande salle avec les deux autres parties, tous les membres des équipes sont venus et tous ceux qui désiraient faire un exposé ou poser des questions ont pu le faire. La réunion a été enregistrée, transcrite, et rendue publique. Au bout des six mois, nous avions amassé une énorme pile de documents.
Le sénateur Christensen : Avez-vous noté des changements après ces six mois?
M. Zoe : Des améliorations au niveau de la clarté et de la citoyenneté du peuple tlicho ont été observées.
Le sénateur Léger : J'ai déjà rencontré plusieurs Autochtones qui sont des modèles d'inspiration, mais c'est la première fois que je rencontre une communauté qui est un modèle en soi. Le fait que vous vous soyez déplacés en si grand nombre et que vous veniez de si loin le dénote parfaitement. Certes, les mots sont importants, mais votre présence est quasiment sacrée.
D'après vos propos, je peux entrevoir une vision des choses qui, chez vous, est ancrée dans vos racines. Ce sont des stratégies, la passion et beaucoup de courage qui vous permettent d'avancer étape par étape. Compte tenu de votre conception de la vie, je crois que ces négociations reposent sur des principes qui, selon moi, n'existent pas toujours. J'ai été renversée de vous entendre parler d'accords de coexistence avec les animaux. Cela prouve que votre présence ici est profonde et sincère.
Vous avez fait de l'excellent travail, surtout quand on pense que vous avez permis à des gens comme vous et moi d'aborder le processus de près et de le comprendre. Toutes mes félicitations.
Le sénateur Watt : Notre séance d'aujourd'hui a lieu dans la salle des sénateurs et des peuples autochtones.
Comme vous, j'ai déjà eu à négocier des traités modernes et je sais que ce n'est pas facile. C'est un long processus. Je ne vous poserai pas trop de questions, puisque je sais très bien ce que vous vivez. Vous vous retrouvez probablement dans la même situation que moi au cours des années précédant mon élection au Sénat. Comme vous, j'étais activiste et négociateur pour le compte des Inuits de l'Arctique de l'Est du Nunavik. Je pourrais dire que nous avons été les premiers à proposer un traité moderne en 1975.
Avant d'y parvenir, je me rappelle qu'on a dû surmonter bien des obstacles, mon peuple et moi, comme toutes les fois où j'ai dû parler devant des comités comme celui-ci. Certaines des questions qui m'étaient posées alors n'étaient pas très encourageantes et c'est pourquoi je ne vais pas vous les poser à mon tour. Vous et personne d'autre devrez vous accommoder de l'accord, le mettre en oeuvre et en rendre compte auprès de votre peuple.
Je vous félicite pour tout le travail que vous avez accompli et pour les résultats positifs obtenus. Je sais que vous n'êtes pas satisfait de tout ce qui vous a été accordé jusqu'à présent; on ne l'est jamais vraiment, mais il faut laisser le temps faire son oeuvre. Il viendra un moment peut-être même au cours de cette année où des changements pourront être apportés et où vous pourrez obtenir ce que vous n'avez pu obtenir aujourd'hui. Vous pouvez continuer à vous attaquer à ces problèmes dans les années à venir; c'est ce que nous avons fait.
Je félicite aussi ceux des vôtres qui se sont joints à nous aujourd'hui. J'ai déjà eu à le faire, sachant qu'il ne serait pas facile de témoigner devant les comités. Cependant, vous devez montrer à votre peuple que vous prenez votre rôle au sérieux, et vous l'avez fait. Vous avez prouvé au comité que vous voulez aller de l'avant et que vous prévoyez mettre en oeuvre cet accord.
J'ai une question à vous poser. La Chambre des communes a déjà adopté cette loi et c'est maintenant au Sénat de le faire. Après cela, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest — qui peut promulguer des mesures législatives relevant de la compétence qui lui a été conférée par le gouvernement fédéral — adoptera-t-il une loi pour édicter certaines parties de cette entente?
Comment le gouvernement territorial, dans les années à venir, vous aidera-t-il à mettre en application les dispositions de cet accord, en reconnaissant bien sûr que le gouvernement du Canada devra remplir certaines obligations en vertu du projet de loi? Cela créera-t-il un problème? Vous aurez à faire face à cette situation. Comme vous le savez, on ne reconnaît que deux ordres de gouvernement dans ce pays. Vous ne constituez pas un troisième ordre. Nous savons tous deux ce que cela veut dire.
Le gouvernement territorial devra-t-il adopter un projet de loi pour mettre en vigueur cet accord, ou cela se fera-t-il par une loi générale du gouvernement fédéral?
M. Salter : Je vous remercie, monsieur le président. M. Zoe m'a demandé de répondre à cette question. L'accord est structuré d'une telle façon que le gouvernement territorial doit en effet adopter un projet de loi pour mettre en œuvre l'accord et le déclarer comme ayant force de loi. D'ailleurs, c'est chose faite. L'accord exige l'adoption de deux autres projets de loi. Le premier met en vigueur ce que nous appelons le chapitre 8, intitulé « Établissement des gouvernements communautaires Tlicho ». Ce projet de loi a été présenté à la Chambre, a suivi la procédure et a été édicté par l'assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest.
Il reste une loi à édicter, comme l'a mentionné le premier ministre Handley. Elle mettra en vigueur notre accord distinct, appelé l'entente de services intergouvernementaux, visant à créer un nouvel organisme qui gèrera les soins de santé, les services sociaux et l'éducation dans les communautés tlichos. Je ne fais que reprendre les propos du premier ministre, c'est-à-dire que le projet de loi est passé par le processus de consultation, a été examiné par le comité et sera déposé devant l'assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest ce mois-ci et qu'il devrait être rapidement adopté.
Bien sûr, d'après votre expérience, vous savez que ce sont les lois fédérales qui donnent lieu à tous ces projets de loi, parce que lorsqu'elles sont en vigueur, les lois territoriales le deviennent automatiquement. Nous sommes pleins d'espoir grâce à la négociation d'un plan trilatéral de mise en œuvre signé par les trois parties, lesquelles sont donc tenues de remplir leurs engagements, ce qui inclut les éléments financiers nécessaires.
Avec tout le respect que je dois au savoir du Sénat, monsieur le président, c'est l'expérience des demandes précédentes, particulièrement celle concernant la Baie James, au Nunavik, qui nous a conduit à suivre ce chemin en espérant éviter certains problèmes auxquels nous avons fait face par le passé.
Nous sommes aussi au fait de ce qu'a dit la vérificatrice générale à propos de la mise en œuvre et sommes convaincus d'avoir créé la structure voulue pour la réaliser.
En fait, cet accord est à la fois une revendication territoriale et une entente d'autonomie gouvernementale, et c'est la première fois que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a signé en tant que partie. Lors des revendications territoriales précédentes, faites par les Gwich'ins, les Sahtus et les Inuvialuits, les représentants du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest faisaient partie des observateurs de l'équipe fédérale. J'ai toujours pensé que c'était une approche colonialiste. Ils sont signataires d'un accord pour la première fois et ne sont donc plus dans l'ombre du gouvernement fédéral; nous encourageons le Parlement du Canada à les laisser jouer ce rôle. Ils participent pleinement aux négociations, d'égal à égal avec le gouvernement fédéral et les Tlichos, et cette place leur revient de plein droit.
Le sénateur Watt : Je suis d'accord sur ce que dit le conseiller juridique. C'est un accord exceptionnel, appuyé par le gouvernement territorial. Le comité devrait tenter d'accélérer l'adoption du projet de loi en le renvoyant à la salle du Sénat pour l'adopter le plus rapidement possible. Ainsi, les intéressés rentreront chez eux, l'esprit tranquille, et pourront commencer à mettre en œuvre les dispositions de cet accord.
Le sénateur St. Germain : Ma question renvoie à la Loi sur les Indiens. J'ai deux bêtes noires : le manque d'éducation adéquate chez les peuples autochtones et l'attitude paternaliste que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a toujours adoptée envers les peuples autochtones. En quoi, le cas échéant, serez-vous régis par la Loi sur les Indiens après l'adoption de cet accord?
M. Zoe : La Loi sur les Indiens ne sera plus en vigueur.
Le sénateur St. Germain : Absolument pas?
M. Zoe : Uniquement pour ce qui est de la définition d'Indien vu que des droits y sont rattachés. Généralement, le reste de la Loi sur les Indiens ne serait plus en vigueur.
Le sénateur St. Germain : C'est ça, en résumé. Le sénateur Watt et moi siégeons ici depuis un certain temps et avons entendu de nombreuses délégations. J'espère que la mise en oeuvre de cet accord ne représentera pas un obstacle pour vous, parce que le gouvernement — et je n'essaie pas de prendre le parti de qui que ce soit vu que je parle autant des gouvernements conservateurs que libéraux — a conclu des accords dont la mise en oeuvre s'est révélée ardue. J'espère que ce ne sera pas le cas ici.
Je voudrais tous vous remercier de votre présence et de votre excellent exposé. Merci également de nous avoir informés en privé des efforts que vous avez déployés, particulièrement les jeunes. Je pense notamment aux jeunes qui vous remplaceront et qui témoigneront à l'avenir devant des sénateurs beaucoup plus jeunes que moi, j'espère. Que Dieu vous bénisse tous. Merci.
Le président : Comme c'est la dernière fois que nous voyons la délégation tlicho, j'aimerais vous féliciter du travail que vous avez accompli pour aboutir à cet accord. Dans les Territoires du Nord-Ouest, le développement fait partie intégrante de notre longue histoire, et l'accord conclu avec le peuple tlicho est, en partie, le point culminant des progrès accomplis par les peuples du Nord sur les plans gouvernemental, économique, politique et culturel.
C'est seulement vers 1965 que s'est formé le gouvernement territorial des Territoires du Nord-Ouest. En fin de compte, le conseil territorial a été établi et beaucoup de gens comme James Washee, moi-même et d'autres, ont été élus au conseil territorial et à l'assemblée législative. Il y a eu énormément de progrès.
Je trouve assez remarquable que quelqu'un comme moi soit devenu sénateur.
Grâce au travail acharné des chefs et de nombreuses personnes dans les petites collectivités, vous avez franchi une étape de plus vers l'établissement de votre propre gouvernement. C'est remarquable. Je vous félicite tous.
Nous tiendrons une autre réunion demain soir à 18 h 15, au cours de laquelle nous entendrons des représentants de l'Assemblée des Premières nations, l'APN. Billy Erasmus, ancien président de la nation dénée dans le Nord, fera un exposé.
Nous entendrons aussi des représentants métis. Je sais que la plupart des peuples métis qui ont fait partie du processus de ratification ont adhéré à l'accord, mais certains pensent avoir été mis de côté. Nous entendrons ce qu'ils ont à dire.
Si les sénateurs sont d'avis que nos réunions se sont révélées concluantes, à la fin de la séance demain soir, nous procéderons à l'examen article par article en vue de faire rapport du projet de loi. La troisième lecture se fera sans doute au cours de la semaine prochaine. C'est ce qui est au programme. J'aimerais vous inviter encore demain soir pour notre réunion du comité. J'espère que vous passerez de bons moments à Ottawa.
En conclusion, j'aimerais indiquer que notre comité sénatorial fait une étude afin de connaître les raisons pour lesquelles certains peuples autochtones réussissent en affaires et d'autres non. Nous voulons examiner les éléments qui expliquent pareille réussite. Nous nous rendrons à Yellowknife pour rencontrer quelques-uns de vos représentants qui nous informeront de votre engagement, de votre participation et de vos partenariats d'affaires dans le Nord. Nous avons hâte de revoir certains d'entre vous dans le Nord. Bien entendu, nous ne pouvons pas aller dans cette région sans visiter une mine de diamants, c'est au programme.
La séance est levée.