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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 9 - Témoignages du 8 juin 2005


OTTAWA, le mercredi 8 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 18 h 19 pour étudier, afin d'en faire rapport, la participation des peuples et entreprises autochtones aux activités de développement économique au Canada.

Le sénateur Nick G. Sibbeston (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare la séance ouverte. Ce soir, le comité poursuit son étude sur la participation des peuples et entreprises autochtones aux activités de développement économique du Canada. Tout au long de cette étude, le comité a entendu les témoignages d'universitaires et de fonctionnaires. À l'avenir, nous allons nous rendre dans diverses régions du Canada pour entendre d'autres témoins.

Je souhaite la bienvenue ce soir à MM. Jim Farrell et Brian Wilson, de Ressources naturelles du Canada. Monsieur Farrell, vous avez la parole.

M. Jim Farrell, directeur général, Direction de la politique, de l'économie et de l'industrie, Service canadien des forêts, Ressources naturelles Canada : Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant ce comité. J'aimerais faire pour les sénateurs un survol de certains des enjeux que connaît le secteur forestier, en rapport avec les peuples autochtones du Canada. M. Wilson parlera de quelques programmes dont s'occupe actuellement le ministère.

Pour commencer, j'aimerais parler du ministère des Ressources naturelles du Canada pour vous situer un peu en contexte. En gros, le ministère est divisé en quatre secteurs économiques : l'énergie; les minéraux et métaux; les sciences de la terre, ce qui comprend l'établissement de cartes, la géodésie, et la Commission géologique du Canada. Les ressources naturelles du Canada ont relevé de nombreux ministères depuis 102 ans, mais nous apprécions notre relation actuelle avec le reste des secteurs des ressources naturelles.

Nous sommes principalement une organisation scientifique, avec cinq installations régionales de recherche, à Victoria, Edmonton, Sault Ste. Marie, Québec et Fredericton. L'organisation est donc décentralisée, ce qui est une bonne chose du point de vue de la prestation des programmes. Le ministère des Ressources naturelles compte un effectif d'environ 1 000 employés, dont 80 p. 100 sont en dehors d'Ottawa.

Le mandat du Service canadien des forêts, le SCF est de promouvoir le développement durable des forêts canadiennes et la compétitivité du secteur forestier canadien. Je vais parler de la participation des Autochtones dans les dimensions économiques de ce secteur. Ensuite, je dresserai un profil de la participation autochtone dans les activités forestières au Canada et je ferai ressortir certains facteurs fondamentaux qui, selon nous, nuisent à la participation des Autochtones dans le secteur forestier canadien. M. Wilson et moi-même parlerons en outre de quelques-uns des programmes de l'AFC.

L'organisation estime la superficie de terres forestières sous propriété ou contrôle des peuples autochtones, dans les réserves et hors réserves, à environ six millions d'hectares, et elle ne cesse de grandir. En fait, c'est l'équivalent de la superficie de toutes les terres forestières du Nouveau-Brunswick. La foresterie et les services connexes constituent une activité économique d'envergure et une source de revenu importante pour la majorité des collectivités des Premières nations. La participation des Autochtones dans le secteur forestier est plus élevée, en moyenne, que leur participation dans le reste des secteurs manufacturiers du Canada. Les travailleurs autochtones représentent 2,1 p. 100 de l'effectif de l'ensemble des industries du Canada, et dans le secteur forestier, ils représentent 4,2 p. 100. C'est un peu plus haut dans le secteur de la foresterie et de la coupe de bois, soit la récolte, la plantation d'arbres, la lutte contre les incendies et la sylviculture. Dans l'industrie du sciage et de la fabrication de panneaux, ils sont en moyenne 4,2 p. 100. La moyenne est plus faible dans le secteur des pâtes et papier, ce qui pourrait poser un problème au plan de la capacité, à mon avis. De plus, le secteur des pâtes et papier a perdu de nombreux emplois depuis 15 ou 20 ans. Il remplace la main-d'œuvre par la technologie pour rester compétitif. Les permis forestiers détenus par des Autochtones ou collectivités autochtones portent au total sur environ sept millions de mètres cubes, soit 4,1 p. 100 du total national. Une analyse menée en 2002 par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, concernant les entreprises dans les réserves, touchant 60 p. 100 des Premières nations à l'échelle du pays, relevait environ 1 500 entreprises dans le secteur forestier, donnant de l'emploi à quelque 17 000 personnes.

L'un des facteurs qui favorisent la participation des Autochtones dans le secteur forestier est lié à la démographie. La collectivité autochtone représente une main-d'œuvre jeune et disponible. Le nombre de jeunes en âge de travailler a augmenté de 25 p. 100 chez les Autochtones entre 1996 et 2001, comparativement à 4 p. 100 seulement dans la population non autochtone. Dans le secteur forestier, c'est un facteur important, surtout parce que l'industrie en général, pas seulement le secteur des pâtes et papier, remplace la main-d'œuvre par la technologie. En conséquence, le profil démographique de la main-d'œuvre disponible est plus âgé, en moyenne. D'après certains de mes collègues de l'industrie, il y aura pénurie de main-d'œuvre dans le secteur des produits forestiers ces dix prochaines années.

Un autre facteur est l'assise territoriale des peuples des Premières nations, qui est en pleine croissance, et le partage des bénéfices issus des ressources forestières par la gestion directe des terres se fait plus courant. Tandis que progresse la résolution des revendications territoriales, nous constatons une hausse des exigences, dans les lois provinciales, relativement à la participation des Autochtones. Un phénomène est survenu sur le marché du travail, relativement à la certification de la gestion des forêts; celui de l'exigence de participation des peuples autochtones, non pas seulement au Canada, mais dans le monde entier. Depuis cinq ou sept ans, nous avons assisté à un renforcement des liens avec plusieurs des principales compagnies du Canada.

En même temps, certains facteurs font obstacle à la participation des Premières nations et collectivités métisses dans le secteur forestier. L'un d'eux est le manque de capacité. Actuellement, bien des particuliers et collectivités autochtones n'ont pas les compétences nécessaires, les connaissances de la gestion des forêts et l'expertise du développement des entreprises qui leur seraient nécessaire pour accroître leur participation dans leur secteur L'emploi reste confiné, de façon disproportionnée, à des postes moins bien rémunérés, dans la récolte et la sylviculture.

Un autre obstacle est le manque de ressources financières. L'époque où il suffisait d'acheter une scie à chaîne pour créer une entreprise est depuis longtemps révolue. Le seuil de dépense d'équipement initial est élevé, même dans les secteurs les plus traditionnels de la récole, ce qui complique l'accès. Sans capitaux adéquats, les collectivités et particuliers ne peuvent participer aux projets de grande envergure ou aux coentreprises. De plus, il y a aussi le manque d'accès aux ressources forestières. Sans un accès dégagé aux zones forestières commerciales grâce à des infrastructures et des modalités de tenure appropriées, les entreprises ne sont pas portées à participer à la mise en valeur des ressources forestières. Il est difficile d'attirer l'investissement et le capital.

C'est notre point de vue du potentiel et des dimensions positives relativement à la participation des Autochtones dans le secteur forestier, ainsi que de certains des défis qui restent à relever. Je vais demander à M. Wilson de parler particulièrement de certains programmes du Service canadien des forêts, en rapport avec les collectivités autochtones.

M. Brian Wilson, directeur, Division des programmes, Direction des sciences et des programmes, Ressources naturelles Canada : Le Service canadien des forêts joue un rôle déterminant dans le renforcement des capacités pour faciliter leur participation dans le secteur forestier. Il y gère une enveloppe de dépenses annuelles des Autochtones d'environ sept millions de dollars, dont 3,25 millions proviennent d'un fonds de partenariat du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien pour le Programme forestier des Première nations.

Ce programme, une initiative conjointe, est en œuvre depuis 1992. J'ai des rapports du comité et de son groupe de recherche sur divers aspects du Programme forestier des Premières nations. Il y a le rapport annuel aux ministres et diverses études qui ont été entreprises par le biais du PFPN. Plus récemment, deux études ont été entreprises par l'Institut sur la gouvernance relativement aux pratiques exemplaires entre l'industrie et les Premières nations au Canada et en Colombie-Britannique. Je laisserai ces documents au greffier du comité.

Je voudrais signaler que le PFPN est un programme de partenariat engageant l'industrie et les Premières nations. Les fonds versés dans le Programme forestier des Premières nations mobilisent à leur tour des investissements de 11 millions de dollars. C'est le genre de fonds de lancement qui permet aux partenaires de réaliser des projets en foresterie et en gestion des forêts.

Le Service canadien des forêts parraine en outre quelques activités d'extension en sciences et technologie à l'appui de la recherche sur les utilisations traditionnelles des terres et la mise en valeur des produits forestiers autres que le bois de coupe. Il appuie aussi des initiatives de lutte contre le dendroctone du pain avec des collectivités des Premières nations en Colombie-Britannique. Nous avons, de plus, le Programme canadien des forêts modèles, qui jouit d'une forte participation des Autochtones et à divers volets. Ce programme de recherche et de démonstration vise à encourager l'innovation dans la gestion des forêts sur place et engage les intérêts des collectivités métisses et des Première nations, ou des groupes environnementaux, de l'industrie et des gouvernements. C'est un programme de partenariat unique très intéressant.

Dans cette composante de programme, il y a une forêt modèle, connue sous le nom de forêt Waswanapi. Elle gère spécifiquement le territoire cri du nord du Québec et ce partenariat unique englobe l'industrie, le gouvernement provincial, le gouvernement fédéral, des universités, des groupes environnementaux, et bien d'autres encore. Je laisserai au greffier du comité une copie du rapport sur la forêt modèle cri Waswanapi.

Un autre aspect de programme de forêt modèle est celui de certaines des activités d'extension qu'entreprennent certaines forêts modèles en particulier. Le projet d'extension des Innus du Labrador comprend le soutien et le mentorat pour intégrer la forêt modèle de l'ouest de Terre-Neuve dans la collectivité innue, afin de munir celle-ci de certains outils qui lui seront nécessaires pour gérer son territoire au Labrador une fois que les revendications territoriales seront réglées. De même, l'Initiative stratégique autochtone, relativement au programme des forêts modèles, offre des ateliers et diverses activités visant à englober les valeurs autochtones dans la gestion des forêts dans l'industrie en général, et le partage des innovations au moyen de divers ateliers et conférences entre l'industrie et les groupes autochtones.

Pour ces programmes, 7 millions de dollars ne semblent peut-être pas une somme suffisante, mais elle favorise un apport énorme d'autres participants et un soutien non budgétaire d'envergure, sous forme de mentorat, par les intéressés, comme le Service canadien des forêts, une aide technique et divers autres qui participent au réseau. Ce programme est un mécanisme éprouvé d'exécution sur le terrain, qui facilite l'établissement de partenariats des Premières nations dans le secteur forestier, car c'est l'un des meilleurs moyens de faciliter la participation des Autochtones au développement économique dans ce secteur. Depuis sa création, le programme a financé environ 1 700 projets, pour une valeur totale de 137 millions de dollars, dont 39 millions de dollars provenant du PFPN. Ces partenariats ont créé des débouchés pour plus de 600 membres des Premières nations, qui ont pu perfectionner leurs compétences et mettre en application des pratiques de gestion forestière durables. Grâce à des initiatives de formation, les travailleurs des Premières nations acquièrent les compétences techniques voulues pour obtenir de l'emploi dans le secteur forestier. De plus, ils ont des possibilités de contrats de sylviculture et de lutte contre les incendies avec la province. J'aimerais citer deux exemples : les Premières nations de l'Alberta ont obtenu l'accréditation de niveau 2 en lutte contre les incendies et offrent maintenant leurs services à la province dans le cadre de marchés de services; la Première nation Nak'azdli de la Colombie-Britannique a reçu de l'aide afin de former des membres de la bande, et cette dernière a conclu une entente de coentreprise de cinq ans avec une compagnie forestière. De plus, les Premières nations sont de plus en plus nombreuses à acquérir des baux fonciers et permis forestiers hors réserves. À titre d'exemple, à Terre-Neuve-et-Labrador, les Micmacs Miawpukek négocient avec la province un bail à long terme portant sur 10 000 hectares de terres forestières supplémentaires pour les besoins d'une nouvelle scierie.

Il y a un autre cas de réussite, lié au rôle du PFPN dans la conclusion de l'initiative forestière autochtone du Nouveau-Brunswick. Il s'agit d'un partenariat régional de formation professionnelle d'une valeur de 4 millions de dollars sur quatre ans, dans le cadre duquel on offrira de la formation et du perfectionnement des compétences à 500 travailleurs forestiers autochtones. On encouragera la formation d'entreprises autochtones; et on appuiera les placements de jusque 150 travailleurs dans l'industrie. Les initiatives régionales comme celles-ci offrent une approche permettant de franchir nombre d'obstacles qui limitent la participation des Autochtones dans le secteur forestier. De plus en plus, le PFPN constate que les initiatives de perfectionnement des compétences hors réserve sont le principal moyen de créer des avantages durables et de favoriser le développement économique. Cette initiative de partenariats au Nouveau-Brunswick englobait l'industrie, la province, le financement du Partenariat pour les compétences et l'emploi des Autochtones par RHDCC, les organismes de développement régional et les universitaires. C'est véritablement un vaste partenariat. Le PFPN a été le catalyseur qui a rassemblé les gens et permis le versement de fonds de lancement pour en faire une réalité.

Ces programmes sont des éléments intégrants de la contribution de RNCAN à une plus vaste participation autochtone et à la stimulation de l'économie. Nous pensons que ces programmes sont efficaces. Ils sont offerts sur le terrain et, bien qu'ils ne soient pas particulièrement visibles et de dimensions faramineuses, ils fonctionnent bien là où vivent les Premières nations. Vous en entendrez de nombreux témoignages dans vos déplacements dans tout le pays.

La foresterie constitue une activité économique importante pour la majorité des Autochtones et des collectivités autochtones. Les perspectives d'emploi, la passation de marchés et de développement des affaires sont plus nombreuses et l'industrie forestière est disposée à conclure diverses formes de partenariats. Toutefois, le manque de ressources techniques, humaines et financières constitue un défi important à une participation accrue des Autochtones aux débouchés économiques reposant sur la forêt. Le Service canadien des forêts veut augmenter la participation des Autochtones dans le secteur forestier, en partenariat avec d'autres intervenants de ce secteur et les peuples autochtones. Nous vous remercions de votre accueil et souhaitons vous apporter toute l'aide que nous pourrons.

Le sénateur Peterson : Aidez-moi à comprendre. Les travailleurs autochtones ne comptent que pour 4,2 p. 100 de tous les travailleurs employés dans le secteur forestier. Est-ce que ce pourcentage est si faible parce que le secteur forestier est si vaste?

M. Farrell : Nous pourrions le comparer aux statistiques dans le secteur manufacturier en général. Le pourcentage est certainement plus élevé que dans les secteurs du pétrole et du gaz. La raison qui fait qu'il demeure si faible reste un défi constant. Une raison pourrait être que l'industrie élimine continuellement des postes plutôt que d'en créer. La perte d'emplois s'est chiffrée à quelque 50 000 dans le secteur des produits forestiers depuis cinq ans. Cela reste un défi. Certaines compagnies ont établi des cibles, pour elles-mêmes, d'augmentation du niveau de participation des Autochtones dans leur effectif. Le pourcentage est plus élevé que dans certains autres secteurs mais, néanmoins, il devrait probablement être plus élevé.

Le sénateur Peterson : Existe-t-il des alliances stratégiques entre les Premières nations et d'autres pour les aider à croître? Vous avez parlé du manque de ressources financières. Comment le financement pourrait-il être assuré? Si l'institution financière était disposée à prêter l'argent, comment ce prêt pourrait-il être garanti?

M. Farrell : M. Wilson a déjà travaillé pour le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, alors il saura mieux répondre que moi à cette question.

M. Wilson : Il existe de nombreuses sources de capital. Il y a par exemple le capital développement, assuré par le biais de sociétés autochtones de capital et de développement communautaire, qui offrent des prêts de capital à risque plus élevé en exigeant moins de garanties. Il y a aussi des coentreprises et des arrangements conclus avec certaines compagnies. Par exemple, une Première nation peut commencer avec une participation de 10 p. 100, selon sa capacité d'apport de capitaux propres, et peut atteindre une participation financière, avec le temps, de 50 ou de 49 p. 100, en fonction du revenu assuré une année sur l'autre par les profits de cette coentreprise. Il y a diverses voies d'accession au capital pour l'investissement.

De toute évidence, les Premières nations des réserves sont confrontées à des défis que ne connaissent pas d'autres. Par contre, il existe des possibilités et des portefeuilles de prêt. Certains capitaux propres sont disponibles par le biais d'Entreprise autochtone Canada, EAC, selon les critères de la demande. Certaines formes de capital sont disponibles. Les Sociétés de financement des Autochtones et EAC font beaucoup de recherche sur les nouveaux types d'instruments d'investissement flexible pour le crédit dette à long terme.

Le sénateur Léger : Est-ce que les terres appartiennent à l'État, aux entreprises ou aux Autochtones? Est-ce qu'il y a des propriétaires?

M. Farrell : Actuellement, 97 p. 100 des territoires forestiers du Canada sont des terres publiques, appartenant aux gouvernements fédéral ou provinciaux. La plupart des terres appartiennent aux provinces. Environ 40 p. 100 de ces terres, la partie commerciale, pourraient être désignées comme des « forêts ». Pour la plupart, des arrangements ont été pris avec des sociétés en échange de services et de droits. Certains droits sont offerts aux sociétés pour la récolte d'une certaine quantité de bois, en vertu d'un ensemble établi de règles qui protègent d'autres valeurs. Ce genre d'entente se conclut entre les sociétés et les gouvernements des provinces.

Le processus de règlement des revendications territoriales est enclenché depuis quelque temps. Une autre revendication sur ces terres, à certains égards, est l'allocation actuelle à des compagnies pour le sourçage de la fibre. Bien des compagnies ont entrepris de conclure leurs propres arrangements avec les collectivités locales pour accéder à la fibre. Tant que les revendications territoriales ne sont pas réglées, les terres de l'État restent sous l'autorité de la province. Bien souvent, il y a des arrangements à long terme entre les sociétés et les provinces pour l'accès à la fibre.

Le sénateur Léger : Lorsque vous parlez de « société », voulez-vous dire des compagnies commerciales?

M. Farrell : C'est bien cela.

Le sénateur Léger : Vous avez dit que 97 p. 100 des terres forestières appartiennent à l'État. Avez-vous pu constater que le gouvernement remarque la participation et les besoins accrus des Autochtones dans le secteur forestier?

M. Farrell : J'étais à Prince Albert, en Saskatchewan, hier, pour une réunion nationale des sous-ministres du Conseil canadien des ministres des forêts. Il y a eu une discussion, en table ronde, sur les questions autochtones relativement au secteur forestier en rapport avec les provinces. J'ai été frappé par l'effort sincère qui était déployé pour favoriser la participation des Autochtones dans l'élaboration des politiques et dans leurs relations avec les sociétés, relativement à l'accès aux ressources, aux approches et aux ententes novatrices, bien que je ne connaisse pas tellement les détails de tout cela. J'assiste à ces réunions depuis de nombreuses années, et j'ai été ébahi par la mesure de l'effort sincère déployé pour englober et intégrer le type de contraintes que ces sous-ministres connaissent dans l'élaboration d'un régime de politique. C'était traité comme une question importante et fondamentale.

Le sénateur Léger : J'aime bien l'expression « approches novatrices ». Ce n'est pas seulement novateur dans le sens de la technologie et des ordinateurs, mais aussi dans celui des idées. Est-ce que les Autochtones font preuve d'initiative pour entrer en affaires?

M. Farrell : J'étais en Saskatchewan de 1983 à 1987. Les chefs du district de Meadow Lake forment un groupe à l'extrême ouest de la Saskatchewan, qui ont dressé un plan sur 20 ans au milieu des années 1980, relativement aux compétences et aux capacités dont auraient besoin leurs collectivités pour atteindre leurs objectifs dans ce délai. J'ai vu un programme bien pesé et bien pensé visant à se réserver un rôle plus actif dans l'économie forestière de la Saskatchewan. Je suis parti en 1987, juste comme ils commençaient à prendre de la vitesse. Aujourd'hui, il y a une remarquable capacité aux plans de la propriété, de la conversion des usines, des permis et d'autres services associés au secteur forestier. Ils sont partiellement propriétaires d'une usine de pâtes et d'une usine de panneaux à Meadow Lake. Ils ont atteint les objectifs fixés dans ce plan sur 20 ans; et je soupçonne qu'ils n'ont pas fini de progresser. Le secteur forestier tient une place important dans la stratégie de leur programme économique, et ils ont fait un travail remarquable pour réaliser ce programme.

Le sénateur Buchanan : Dans les provinces de l'Atlantique, au contraire du reste du pays, moins de 25 p. 100 des terres forestières appartiennent à l'État, et ils n'ont pas les mêmes problèmes avec le secteur du bois de sciage de résineux que connaissent les autres provinces. En Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, quels partenariats ont été conclus entre les grandes compagnies, comme Bowater Pâtes et papiers, Papiers Scott et Avon River Paper Company, et les collectivités micmacs?

M. Wilson : Chaque province est différente de l'autre. Le contexte historique de la Nouvelle-Écosse, avec les boisés privés et la manière dont l'offre de bois a été répartie et vendue, a probablement fait obstacle à la participation des Premières nations. S'il n'y a pas un marché prospère, il y a un marché de redistribution qui fait que si mon père avait un emploi à l'usine, je voudrais un emploi à l'usine. Il est difficile de s'ingérer dans cette mentalité, et c'est pourquoi les Premières nations de la Nouvelle-Écosse ont des difficultés à intégrer le secteur forestier.

Comme forêt modèle en Nouvelle-Écosse, nous avons la Nova Forest Alliance. Cette forêt modèle s'étend de Truro aux abords d'Halifax, et son siège social est situé à Stewiacke. Des tentatives d'extension sont faites vers les Premières nations pour qu'elles puissent participer. Par exemple, le Service canadien des forêts a eu des discussions au sujet de projets de bioénergie avec les Shubenacadie. Certains rapports sont établis dans un effort pour mettre fin à cette exclusion historique des Premières nations. D'énormes investissements ont été faits à Millbrook — un site fantastique de transbordement pour la Nouvelle-Écosse — alors les Premières nations ont une occasion de participer.

La confiance augmente, comme le démontrent les Eskasonis, est c'est une préoccupation croissante dans le secteur forestier. Ce qu'il faut, c'est renforcer la capacité pour que les deux partis puissent avoir confiance que la coentreprise constituée entre l'industrie et les Premières nations ne peut qu'être gagnante. Au fur et à mesure de la croissance de la capacité, leurs rapports se consolideront en Nouvelle-Écosse. Cependant, à ce stade-ci, il reste encore beaucoup de place pour l'amélioration. Il y a des possibilités de sous-traitance, mais je ne connais pas très bien la situation. Je sais néanmoins qu'il reste encore beaucoup à faire.

Dans notre étude menée au Nouveau-Brunswick, nous avons remarqué l'absence de camionneurs autochtones. Dans le cadre de l'Initiative forestière autochtone du Nouveau-Brunswick, nous avons fixé le nombre cible de camionneurs autochtones qui devraient participer à divers travaux de sous-traitance et de sylviculture. Ce n'est qu'une question de temps pour rassembler les gens, stimuler la confiance et créer le réseau qui rendra tout possible. C'est ma perspective générale de la situation de la Nouvelle-Écosse. Bien que je ne connaisse pas très bien des compagnies en particulier, je sais que certaines ont mis en œuvre des initiatives positives, comme des bourses d'études pour des étudiants autochtones et des emplois d'été. Je ne suis pas très au courant de leurs relations de coentreprise.

Le sénateur Buchanan : Je ne les connais pas très bien, mais je doute qu'il y ait beaucoup de coentreprises, que ce soit maintenant ou dans le passé. Pourquoi cela, je ne le sais pas. Certaines collectivités sont plus intéressées à s'engager dans le développement industriel, manufacturier ou immobilier que dans la foresterie. Bien des progrès ont été réalisés à Millbrook, mais il ne se passe pas grand-chose dans le secteur forestier du Cap-Breton ou de l'est de la Nouvelle- Écosse.

M. Wilson : Avec le programme forestier des Premières nations, nous avons environ 170 projets dans tout le Canada. Les Eskasonis ont mis en œuvre quelques initiatives de renforcement des capacités. Pour ce qui est des grandes entreprises ou des coentreprises, Entreprises autochtones Canada, ou quelqu'un d'autre pourrait peut-être mieux répondre à cette question.

Le sénateur Gustafson : Est-ce que la plus grande partie de participation autochtone se fait dans les secteurs de forêts plus dégagées, comme les forêts boréales, plutôt que dans les forêts d'exploitation de la Colombie-Britannique, par exemple?

M. Farrell : Je ne voudrais pas qu'on me cite relativement à des statistiques, mais il y a de nombreux exemples de cogestion active et d'entreprises autochtones. Par exemple, il y avait une compagnie de produits forestiers de la côte de la Colombie-Britannique qui était une coentreprise entre Weyerhaeuser et les Premières nations. Récemment, Weyerhaeuser a vendu sa part de l'entreprise, ce qui fait indique nettement que c'était une entreprise viable, rentable qui a les capacités et la volonté pour continuer à prospérer. Si je me souviens bien, un sous-ministre de la Colombie- Britannique a dit hier que 45 à 50 ententes de gestion avaient été signées depuis un an et demi avec des sociétés ou collectivités des Premières nations; et d'autres encore sont sur la table de travail. Ils ont supprimé jusqu'à 20 p. 100 des permis sur dix ans sur la côte et, ils s'étaient engagés à fournir du bois à une certaine entreprise, et un bon pourcentage de ce 20 p. 100 de permis est mise à la disposition des collectivités autochtones et des Premières nations.

Les activités dans les Îles de la Reine Charlotte exercent une influence plus directe, sinon le contrôle, sur les ressources forestières de cette région de la Colombie-Britannique. Cela arrive au moment même où nous parlons. Le niveau de participation continuera d'augmenter. Les discussions relativement aux revendications territoriales continuent, c'est certain, d'être difficiles, mais nous allons les régler. J'ai nettement l'impression de débouchés croissants en Colombie-Britannique, et les politiques appuient cette tendance.

Le sénateur Gustafson : À quel genre d'expansion pourrait-on s'attendre dans le secteur?

M. Farrell : La situation actuelle du secteur des produits forestiers au Canada est un peu inégale. Le papier journal et le secteur des pâtes ont des marchés difficiles. À mon avis, la demande de papier à journal en Amérique du Nord continuera de diminuer. Dans le secteur des pâtes, dont le papier à journal est le principal marché, d'importants investissements ont été faits. Il en coûte de nos jours, pour construire une usine de pâtes, un peu moins d'un milliard de dollars.

Dans les secteurs du bois de sciage et des panneaux, le bois de sciage continue d'être assez solide sur le marché nord américain, mais nous assistons à la plus forte croissance au Canada dans le secteur des panneaux, qui fait de nouveaux investissements dans les produits forestiers. Depuis deux semaines, deux ou trois importants investissement ont été annoncés en Colombie-Britannique, que ce soit à cause du dendroctone du pin, ou en raison de possibilités de croissance du marché.

Le sénateur Gustafson : Il serait difficile de faire concurrence à une compagnie comme Daishowa-Marubeni International Ltd, parce qu'elle est gigantesque.

M. Farrell : Oui, c'est une grosse compagnie, mais elle doit sa prospérité à son marché réservé au Japon. Elle expédie toutes ses pâtes au Japon, vendues à l'avance, ce qui n'est pas le cas du reste du secteur des pâtes au Canada. Daishowa-Marubeni produit un mélange de pâte de bois dur de feuillus et de bois résineux. La plus forte concurrence, pour la pâte de bois résineux, vient du Brésil et du Chili, où un arbre pousse en 20 ans, où le coût de la main d'œuvre est nettement inférieur et où les normes environnementales sont moins rigoureuses en ce qui concerne la technologie et la production. Leurs coûts de production sont considérablement moins élevés qu'au Canada, bien que l'opération soit d'ampleur similaire.

Le sénateur Gustafson : Cela nous ramène au sujet du réensemencement, de la reforestation et de l'expansion. Est-ce que les peuples autochtones participent à ce processus?

M. Farrell : Comme le disait M. Wilson, le plus haut pourcentage de participation dans le secteur des produits forestiers tend à être dans les domaines de la lutte contre les incendies, la récolte et la sylviculture, ce qui comprend la plantation, l'éclaircie et la préparation des sites. La plupart des entreprises au Canada sont responsables de veiller à ce que la sylviculture reste conforme aux conditions liées à la récolte.

Le sénateur Peterson : Est-ce que le Service canadien des forêts est un partenaire financier? Est-ce qu'il contribue à la gestion ou à la préparation des plans de l'entreprise. Quel est son rôle?

M. Farrell : Le programme forestier des Premières nations est l'un des quelques programmes seulement qui visent spécifiquement les collectivités des Premières nations. Monsieur Wilson, est-ce que nous appuierions la préparation d'un plan d'affaires?

M. Wilson : Oui. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je vais distribuer des rapports du Programme forestier des Premières nations, ainsi qu'une étude intéressante sur les tenures autochtones au Canada et sur les tendances croissantes vers le mode de tenure forestière sous gestion autochtone, que nous avons aidé à financer en collaboration avec l'Association nationale forestière autochtone. Le programme soutient un large éventail d'activités qui sont déterminées par les comités provinciaux, qui prennent des décisions sur le financement des projets. Les activités vont de travaux fondamentaux de sylviculture pour les terres des Premières nations à la préparation d'inventaires et de plans pour les études de faisabilité en réserve ainsi que d'affaires pour des entreprises des Premières nations qui souhaitent explorer le potentiel des forêts.

Le président : Il est proposé que le comité accepte comme preuve le rapport de M. Wilson. Je remercie les deux témoins d'être venus devant le comité partager ces renseignements.

Nous allons maintenant entendre des représentants du First Nations Lands Advisory Board. Bonsoir, chef Louie. La parole est à vous.

M. Robert Louie, président, chef de la Première nation Westbank, First Nations Lands Advisory Board : Merci, monsieur le président et sénateurs. Nous sommes heureux de comparaître devant le comité pour parler de questions se rapportant au développement économique, particulièrement en rapport avec les éléments essentiels au succès du développement économique des terres des Premières nations, et pour discuter des divers obstacles à ce succès.

À ma droite se trouve le chef Bill Williams, de la Première nation Squamish de la Colombie-Britannique. À sa droite, se trouve le chef Barry Seymour, de la Première nation Lheidli T'enneh, de la Colombie-Britannique. Nous sommes aussi venus avec Mme Ruth Nahanee, Chef des Terres pour la Première nation Squamish en vertu de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, et elle est dans l'assistance.

J'aimerais me concentrer sur l'accord-cadre sur la gestion des terres des Premières nations et l'Initiative de gestion des terres de Premières nations, auxquelles j'ai participé avec plusieurs autres depuis environ 18 ans. Tout d'abord, je vais expliquer aux honorables sénateurs mes antécédents dans le domaine. J'ai été président du Lands Advisory Board and Resource Centre pendant environ 18 ans, et chef de la Première nation Westbank pendant 13 ans. Dans le passé, jusqu'à 25 p. 100 des transactions sur les terres ont porté sur les terres de notre réserve, puisqu'elles s'appliquent aux terres de réserves du Canada. Nous composons avec beaucoup de développement, beaucoup de baux et de permis, et divers intérêts manifestés pour les terres de réserves. J'ai aussi, pendant huit ans, été membre du conseil d'administration de Peace Trust, la plus importante institution financière autochtone du Canada, qui offre des solutions financières au peuple des Premières nations du Canada. J'ai été directeur d'Entreprise autochtone Canada, EAC; ex-directeur général de Westbank Indian Development Company Ltd, du milieu à la fin des années 1970; et je suis propriétaire de plusieurs petites entreprises viables.

J'ai distribué une brève présentation aux honorables sénateurs, sur laquelle je me concentrerai pour faire un survol de l'accord-cadre sur la gestion des terres des Premières nations, que j'appellerai l'accord-cadre, et faire le point sur lui. Je voudrais demander au comité d'appuyer le processus et les objectifs de l'accord-cadre. Cet accord-cadre est à la source de bien des réussites dans les collectivités des Premières nations du Canada qui ont adopté leur code foncier et exercent leur droit de gérer leurs terres et leurs ressources.

L'Accord-cadre permet aux Premières nations du Canada d'exercer leur droit inhérent de gérer les terres et les ressources de leurs réserves et de prendre des décisions d'affaires et des décisions administratives en temps opportun. Les Premières nations qui participent à ce processus ont la possibilité de s'exclure des 32 articles relatifs aux terres de la Loi sur les Indiens et de créer des régimes pour gérer les terres et les ressources de leurs réserves en créant un code foncier, qui devient la loi qu'appliquera la collectivité des Premières nations pour gérer ses terres et ses ressources. Le code foncier doit alors être ratifié par les membres de la collectivité des Premières nations. L'Accord-cadre permet aux Premières nations de concevoir et de mettre en œuvre un processus communautaire pour la création et la ratification des lois sur l'utilisation, la possession et l'occupation des terres de réserve des Premières nations.

L'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations a été signé en 1996 par les 14 Premières nations originales du Canada. En 1999, la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, la LGTPN, était adoptée. Cette adoption ratifiait et mettait en vigueur l'accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations qu'avaient signé les 14 Premières nations originales du Canada en 1996. En mars 2003, le Cabinet approuvait l'expansion de l'Initiative de gestion des terres des Premières nations pour englober des « tranches de 30 » Premières nations dans l'initiative de gestion des terres, et pour offrir un financement aux Premières nations signataires et aux Premières nations additionnelles qui s'étaient engagées dans l'initiative de gestion des terres. L'autorisation de financement actuelle, d'une durée de cinq ans, vient à échéance avec l'exercice 2006-2007.

Je vais parler du développement économique qui se fait actuellement avec ceux qui participent à l'accord-cadre. La collectivité des Chipppewas de Georgina Island de l'Ontario a créé et négocié 230 baux de chalets et a conservé les loyers aux fins du développement communautaire. C'est important, parce que lorsqu'elle a adopté son code foncier, la bande a recensé bien des revenus non perçus de location et a pu percevoir les revenus générés par les baux de chalets. Si elle n'avait pas participé à l'accord-cadre pour mettre en oeuvre son code foncier, il y aurait probablement encore un arriéré de revenus de location non perçus.

Les Ts'kw'aylaxw, parfois appelés les Pavillons, une Première nation de la Colombie-Britannique, ont récemment négocié et modifié un bail d'exploitation d'une carrière de pierre calcaire et d'une usine de traitement, auquel étaient liés de nombreux contrats d'emploi et qui comportait de nombreux avantages additionnels pour la collectivité, tout en laissant les revenus de location à la collectivité. C'est une réalisation d'importance et les Ts'kw'aylaxw parlent avec bonheur du succès de la renégociation du bail d'exploitation minière qui a créé de nouvelles possibilités pour leur collectivité.

En ce qui concerne ma collectivité de WestBank, j'ai une liste du type d'activités auxquelles nous participons actuellement. Tout d'abord, il y a le projet de pont du lac Okanagan, qui comprend un nouveau pont et des échangeurs sur la voie ouest. Nous sommes en train de négocier divers contrats. La première phase de l'échangeur de la voie ouest est estimée être d'une valeur de 20 millions de dollars, et il pourrait y avoir des projets construction d'une valeur de 100 millions de dollars du ministère des Transports et des routes de la Colombie-Britannique pour les 10 à 15 prochaines années. Cela a été rendu possible, en partie, par le code foncier. Nous avons maintenant un pouvoir de gestion des terres sur nos terres et ressources, qui fait que le gouvernement ne peut exproprier nos terres pour ses projets. Cela nous a donné la possibilité de négocier une entente intéressante avec le gouvernement provincial.

Le deuxième projet de développement est celui d'un « mégacentre commercial », qui représente des magasins à grande surface. Les négociations tirent à leur fin pour environ 50 acres de terrain en bordure de la réserve adjacente à la ville de Westbank, sur l'autoroute 97 Sud. Cela pourrait se traduire en millions de dollars d'investissement dans les terres et les immeubles. Nous avons signé des baux avec divers promoteurs et sommes en train de mettre la dernière main à d'autres arrangements avec certains magasins à grande surface. Les promoteurs nous approchent parce que nous jouissons du pouvoir de gestion des terres et nous pouvons composer avec les permis de construction, les baux et toutes les questions touchant les terres de réserve des Premières nations.

Le troisième développement, c'est celui de Grizzly Wood Products, une société de transformation. Récemment, nous avons acheté une compagnie appelée Canada Japan Woodworks Ltd. Comme ramification de cette entreprise, nous avons construit une nouvelle usine d'environ 18 000 pieds carrés. Nous nous concentrons sur la fabrication de planchers de bois dur, de parements, de chalets et de divers produits du bois. Cette entreprise améliorée de fabrication de produits du bois est entièrement la propriété de la Première nation de Westbank, qui l'exploite. Encore là, notre pouvoir de gestion de nos terres nous donne plus de liberté pour composer avec les divers enjeux relatifs à cette entreprise.

Le quatrième développement est survenu à cause de tests effectués sur nos terres, relativement aux ressources. Les résultats concluent à des dépôts d'agrégat du côté de Kelowna, à l'est du lac Okanagan, et sur les terres qui ont récemment acquis le statut de réserve. Nous appelons ces terres les terres de réserve du canyon Gallagher, et elles sont aussi connues sous les numéros IR11 et IR12. Nous croyons qu'il y a des millions de mètres cubes de dépôts d'agrégat, et qu'il y aura de nombreuses retombées économiques, notamment avec le camionnage, les entreprises de fabrication de ciment, et cetera. Notre pouvoir de gestion des terres nous a donné plus de liberté pour négocier avec la ville de Kelowna pour que nos camions puissent avoir un accès approprié à ces terres, par les routes municipales et régionales.

En ce qui concerne la Loi sur la gestion des terres des Premières nations et l'accord-cadre, il est certain que nous voulons continuer de travailler avec le Canada pour aider d'autres Premières nations qui pourraient souhaiter participer à cette initiative de gestion des terres. Environ 42 Premières nations ont signé l'accord-cadre. Au moins 60 autres Premières nations du Canada ont exprimé de l'intérêt et attendent de pouvoir signer l'accord-cadre. Nous espérons continuer d'établir des partenariats avec le Canada pour stimuler le développement économique des Premières nations en vertu de l'accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations. Nous allons renouveler le pouvoir de financement sur cinq ans du Conseil du Trésor à compter de l'exercice 2007-2008.

L'un des principaux obstacles au développement économique des terres des Premières nations, à mon avis, est l'absence de pouvoir des Premières nations sur la gestion des terres et des ressources de leur réserve. À part celles qui ont leur propre code foncier, leur propre régime judiciaire et qui sont reconnues comme des gouvernements en vertu de cette initiative, la Loi sur les Indiens ne nous accorde pas assez de pouvoirs. Cela a créé de nombreux problèmes. Le manque de pouvoir de la plupart des Premières nations du Canada se traduit en incertitude pour les institutions financières, les promoteurs et les conseillers professionnels, comme les avocats, qui pourraient conseiller les institutions financières. Cette incertitude est source d'obstacles et de difficultés pour la majorité des Premières nations du Canada qui veulent exploiter leurs terres, notamment pour les offrir en garantie aux institutions financières. Nous travaillons avec le Canada pour créer un processus de réglementation du registre des terres. La démarche est longue, et nous connaissons certains problèmes avec les institutions financières. Dans bien des cas, la priorité des enregistrements pose problème. Il est difficile pour bien des institutions financières d'obtenir des garanties pour consentir des prêts. Il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine pour finaliser le processus d'enregistrement.

Il serait bon de compléter les accords de gestion environnementale avec le Canada, parce que les Premières nations souhaitent exercer leurs droits environnementaux, notamment en ce qui concerne la location et l'exploitation des terres. Le Canada a fait preuve d'une grande lenteur dans ses négociations avec nous pour finaliser l'accord de gestion environnementale. Un autre obstacle, à la fois pour ceux qui participent à l'initiative de gestion des terres et ceux qui n'y participent pas, est le manque de fonds de développement des capacités pour les Premières nations. Pour ce qui est de l'initiative de gestion des terres, on manque de fonds de développement des capacités à la fois pour les Premières nations qui font du développement et pour celles qui font de l'exploitation. Il nous faut plus de financement pour aider les Premières nations à accroître leur capacité de planifier l'utilisation des terres et de gérer leurs terres. Les institutions doivent être accessibles et ouvertes aux Premières nations, et elles doivent avoir des connaissances suffisantes pour assurer une formation appropriée des agents de développement économique sur les terres de réserve. Il leur faut aussi des administrateurs des bandes dûment formés, des gestionnaires des terres, des membres de conseils informés et les gens d'affaires. Certainement, il n'y a pas de levées appropriées des limites des réserves. C'est source d'incertitude pour les promoteurs et les agents financiers. Des levées complètes, particulièrement des limites externes des terres de réserve, seraient des plus utiles. Tandis que progresse l'initiative de gestion des terres des Premières Nations, nous constatons que bien des Premières nations du Canada n'ont pas de levée appropriée des limites de leurs terres de réserve. Par exemple, lorsque des problèmes subsistent avec les titres fonciers, relativement aux routes, cela peut causer des problèmes aux les promoteurs et à d'autres. Ce ne sont là que quelques-uns des obstacles au développement économique des Premières Nations dans tout le Canada.

M. Bill Williams, chef de la Première nation Squamish : Merci de nous donner cette occasion de comparaître devant vous pour discuter du développement économique des Autochtones. La nation Squamish est signataire de l'accord- cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations. Dès que la nation Squamish pourra procéder à un vote communautaire pour prendre le contrôle des terres et des ressources de la réserve, plusieurs débouchés économiques importants s'ouvriront, notamment avec la tenue des Jeux olympiques d'hiver de 2010.

Malheureusement, la nation Squamish a dû reporter le vote pour prendre le contrôle des terres et des ressources des réserves, à cause de l'intendance qu'assume le Canada sur 24 de nos réserves pour une durée de 100 ans. Le Canada a été obligé de fournir un service professionnel qui reflète sa responsabilité financière. Cependant, le peuple squamish est rapidement en train de prendre conscience de l'échec de l'intendance.

La contamination de l'environnement figure au nombre de nos préoccupations. Les quatre réserves situées dans la vallée du Bas-Fraser ont été jugées contaminées, les échantillons d'eau et de sol prélevés sur 54 sites ne respectant pas les normes du gouvernement. Les sites les plus contaminés sont ceux que le gouvernement du Canada a loués à des tierces parties à des fins industrielles. Le nettoyage des sites se trouvant dans les réserves de Capilano, Mission, Kitsilano et Seymour coûte très cher au gouvernement fédéral. Les réserves situées dans la vallée Squamish et dans la baie Howe sont également contaminées, certaines par du mercure et des hydrocarbures provenant des industries implantées à proximité des réserves. Certaines de nos terres ont souffert de l'érosion et, comme nous l'avons mentionné plus tôt, les levés permettant de mesurer l'ampleur de l'érosion ne sont pas encore terminés.

Certains baux négociés par le gouvernement du Canada au nom de la nation Squamish sont inférieurs à leur valeur marchande. De nombreuses routes, digues et infrastructures construites à l'intérieur des réserves sont illégales. Ces empiètements par des tierces parties n'auraient jamais été tolérés si le gouvernement du Canada, en tant que fiduciaire, avait agi de façon responsable. Dans plusieurs cas, l'octroi de pouvoirs et les levés autorisés par le gouvernement du Canada aux termes de l'article 35 sont douteux et exigent un examen plus approfondi.

L'intégrité de nos terres de réserve est compromise. Le Canada doit être tenu redevable de la façon dont il a assumé ses responsabilités de gérance envers la nation Squamish. Ces occasions manquées ont fait perdre à la nation Squamish des revenus annuels d'environ dix millions de dollars au cours des dernières années, le vote devant permettre à la collectivité d'assumer le contrôle des terres de réserve et des ressources ayant été retardé. Ces pertes de revenus potentiels sont attribuables à des projets bloqués. Les retards dans le vote ont également entraîné des pertes au niveau des retombées économiques.

La réserve de Seymour Creek devait accueillir un centre commercial d'environ 240 000 pieds carrés. Les recettes générées par ce centre, qui faisait l'objet d'un projet de coparticipation et qui devait être construit sur un terrain de 30 acres, devaient atteindre 1,5 million de dollars par année. Les enjeux environnementaux, les formalités complexes de désignation et les nombreux critères administratifs exigeant une diligence raisonnable exagérée se sont avérés coûteux pour la nation Squamish et les partenaires du projet.

La station-service et le dépanneur de Squamish Valley, situés dans la réserve Stawamus, auraient touché des revenus d'environ 500 000 dollars par année si le processus de désignation avait été assoupli en faveur de notre système, c'est-à- dire le code de gestion des terres qui régit l'administration et l'octroi de sous-baux pour attirer des locataires à long terme.

Concernant la marina de la réserve Mission, située au bord de la rivière Mosquito Creek, l'absence de régime adéquat pour la gestion des biens, régime qui aurait été inclus dans le code foncier, fait que la nation Squamish ne peut offrir que des baux à court terme aux plaisanciers qui traversent Burrard Inlet. Par conséquent, nous avons perdu l'avantage concurrentiel que nous détenions par rapport à d'autres marinas dans la région. Cette perte est évaluée à environ 300 000 dollars par année. À l'heure actuelle, la marina affiche des revenus d'environ 1,7 million de dollars.

Les réserves de Capilano, Seymour, Mission et Kitsilano auraient pu profiter d'un projet de signalisation. Toutefois, en raison de la diligence raisonnable exagérée dont il a fallu faire preuve dans ce projet, la nation Squamish a passé 18 mois à négocier un contrat de 6,3 millions de dollars. Il y a des terres dans les réserves Kitsilano et Mission qui sont prêtes à être exploitées. Toutefois, toujours en raison du critère de diligence raisonnable, il a fallu mettre sur la glace deux projets, soit l'aménagement d'un terrain d'exercice et la construction d'un foyer pour aînés. Les tierces parties ne veulent pas participer à des projets en vertu d'un régime de gestion des terres qui est contrôlé par AINC. Elles attendent que le régime soit transféré à la nation Squamish. Résultat : nous avons perdu des profits annuels d'environ un million de dollars, profits qui auraient découlé de la location des terres. Les pertes totales économiques pour la nation Squamish sont évaluées à environ 9,6 millions de dollars.

La nation Squamish n'a pu tirer partie de toutes les possibilités de développement économique qui s'offraient à elle en raison des délais entraînés par la mise en œuvre d'un code foncier en vertu de l'accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations.

M. Barry Seymour, chef de la Première nation Lheidli T'enneh, First Nations Lands Advisory Board : Honorables sénateurs, merci de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui. Mes collègues ont abordé la plupart des questions qui ont trait à l'accord-cadre. J'aimerais vous dire quelques mots à mon sujet et vous parler aussi de certains des enjeux auxquels fait face la nation Lheidli T'enneh. J'ai été le chef de la nation Lheidli T'enneh, qui signifie « peuple issu de la confluence de deux rivières », pendant dix ans. Ces deux rivières sont le fleuve Fraser et la Nechako, qui se trouvent dans le centre de la Colombie-Britannique. J'ai fait partie de nombreux organismes de développement économique, y compris de sociétés de développement économique communautaire et du Centre de développement des entreprises autochtones de Prince George. J'ai travaillé pendant plus de dix ans dans le secteur forestier. J'ai fait partie du mouvement des centres d'amitié pendant 13 ans aux niveaux local, provincial et national.

La Première nation Lheidli T'enneh est la quatrième première nation à accepter un code foncier au Canada, et la première en Colombie-Britannique. À l'heure actuelle, la nation Lheidli T'enneh participe au processus de conclusion des traités de la Colombie-Britannique. Nous en sommes à la cinquième étape des négociations devant mener à un accord définitif, négociations qui durent depuis 13 ans. Les mandats limités des gouvernements fédéral et provincial constituent l'un des principaux défis de ce processus. Une fois celui-ci enclenché, la collectivité doit atteindre l'autonomie et non pas constituer un fardeau pour les autres. L'objectif est d'améliorer le niveau de vie des membres de la collectivité. L'économie de notre région, qui est surtout tributaire de la forêt, se diversifie depuis l'arrivée, il y a dix ans, de l'Université du Nord de la Colombie-Britannique. L'université a en effet contribué à stimuler l'économie. La région de Prince George compte environ 100 000 habitants, chiffre qui atteint 200 000 si l'on tient compte des localités avoisinantes et du fait qu'un plus grand nombre de personnes viennent faire leurs achats à Prince George. La ville est devenue un centre important.

J'ai eu l'occasion de faire partie de plusieurs autres organismes. On a mentionné plus tôt le Programme de forêts modèles du Canada, auquel notre collectivité a participé pendant huit ans. Ce programme nous a permis de travailler avec d'autres premières nations du Canada et des peuples autochtones d'autres régions du monde, comme les Nanais, de l'est de la Russie, avec lesquels nous avons établi un protocole devant servir de base à un programme d'échange culturel et économique

L'accès aux ressources hors réserve constitue, pour nous, un défi de taille. Nous avons surtout parlé, ce soir, des ressources qui se trouvent dans les réserves. Il y a de nombreuses premières nations qui, très souvent, n'ont pas l'occasion de mettre sur pied des entreprises. Idéalement, toutes les réserves devraient ressembler aux collectivités de la Première nation Westbank. Comme toute autre chose dans la vie et dans le milieu des affaires, l'emplacement est un facteur très important.

Le témoin précédent vous a parlé du rôle joué par les Premières nations dans le secteur forestier. Je sais par expérience que la sylviculture, bien qu'elle constitue l'une des initiatives d'emploi les plus importantes pour les Premières nations, est une activité souvent peu rentable qui ne crée que des emplois à court terme. Dans notre région, la saison propre à la sylviculture ne dure que quatre mois. Les retombées économiques qui en découlent sont habituellement peu importantes, mais elle génère des emplois à court terme.

La Première nation Squamish est active dans le domaine forestier et travaille avec l'industrie en fonction d'un régime de baux garantis. Elle a été confrontée aux problèmes habituels dans un premier temps, comme le financement, mais son plus gros défi demeurait l'acceptation par l'industrie. En effet, au début, la Première nation Squamish n'était pas acceptée par l'industrie, les syndicats et la société en général. Les membres de la Première nation ont dû travailler très fort pendant huit ans pour connaître le succès. Au début, nous nous attendions à un échec. Heureusement, nous avons pu compter sur le soutien d'excellents partenaires. Nous sommes devenus une entreprise prospère, et on en compte beaucoup en Colombie-Britannique.

Le sénateur Buchanan : Je trouve cette discussion fort intéressante. C'est la première fois que j'entends parler de l'accord-cadre relatif à la gestion des terres des premières nations. À ma connaissance, aucun accord-cadre n'a été signé par des premières nations dans les provinces de l'Atlantique, mais je me trompe peut-être. Il y a deux grands projets en Nouvelle-Écosse qui font peut-être l'objet d'un accord-cadre. Pourriez-vous me donner des précisions là-dessus, monsieur Louie? Il y a un mégacentre dans la réserve Millbrook, qui est extraordinaire, et un autre situé ailleurs sur un terrain de 30 acres. Le mégacentre est beaucoup plus gros. Il comprend huit cinémas Empire, une station Ultramar, un Tim Horton, un Burger King et un magasin Trading Post, un centre d'appels Convergys, un magasin Leon, deux restaurants et un motel Super 8. À l'heure actuelle, trois autres centres commerciaux sont en voie d'être construits sous la direction d'une personne qui connaît beaucoup de succès, le chef Lawrence Paul.

L'autre entreprise est la Société de développement de la bande de Membertou, au Cap-Breton, qui est dirigée par un PDG, Bernd Christmas. La société exploite un centre des congrès et un restaurant. Elle est en train de mettre sur pied d'autres entreprises. En avez-vous déjà entendu parler?

M. Louie : Je connais un peu les Premières nations dont vous parlez. Il y a deux Premières nations signataires de l'accord au Nouveau-Brunswick, soit la Première nation St. Mary's, à Fredericton, et la Première nation Kingsclear, juste à l'extérieur de Fredericton. Si j'ai bien compris, plusieurs des employés de notre centre de ressources ont eu des entretiens avec la Première nation Millbrook, avec celle de Membertou et avec d'autres Premières nations du Nouveau- Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. De plus, nous avons eu des pourparlers avec au moins deux Premières nations de l'Île-du-Prince-Édouard. Les provinces atlantiques ont manifesté le désir de participer avec nous à la gestion des terres, mais seules Premières nations St. Mary's et Kingsclear sont signataires. Nous attendons tous que s'y ajoutent d'autres collectivités.

Je connais un peu la Première nation Millbrook qui présente des similitudes avec la mienne, c'est-à-dire la collectivité de Westbank, parce qu'elles ont toutes deux connu un développement plutôt intensif. Nous gérons des milliers de baux de nature commerciale et résidentielle de tous genres. Le centre commercial, au moins quatre établissements financiers, un terrain de golf, divers développements industriels et une marina ont des baux sur les terres de notre réserve. Actuellement, nous sommes en train d'examiner la phase suivante, soit la construction de tours d'habitation. Une marina est aussi en cours d'aménagement.

Westbank diffère un peu de nombreuses autres collectivités parce qu'elle se concentre sur des intérêts individuels. De nombreuses Premières nations avec lesquelles nous faisons affaire ont des terres détenues en propriété commune. Le développement se fait en commun, et chaque membre profite à part égale de ce développement. À Westbank, au moins deux de nos réserves sont situées du côté ouest du lac Okanagan, la superficie des terres atteignant 2 800 acres. La plupart des réserves du même genre détiennent un intérêt dans le certificat de possession, et de nombreux membres de la collectivité louent leurs terres en passant par leurs entreprises. De plus, la Première nation de Westbank s'occupe en règle générale des terres de la bande — des terres détenues en commun. On a fait preuve de beaucoup d'esprit d'entreprise à Westbank et au sein d'autres collectivités des Premières nations. Un tel entrepreneurship caractérise de nombreuses collectivités, particulièrement dans l'est du Canada, qui ne peuvent pas se prévaloir de cette possibilité. À l'avenir, nous projetons d'ajouter d'autres signataires et nous envisageons de concentrer notre activité dans les provinces atlantiques.

Il faudrait que je mentionne que le Québec ne participe pas encore à cause de la lenteur des progrès sur le plan bijuridique. Il faut trouver un moyen de faire correspondre le Code civil du Québec avec la Loi sur la gestion des terres des premières nations et avec l'élaboration de codes fonciers. Le ministère canadien de la Justice travaille avec nous et avec des représentants du gouvernement du Québec en vue de mettre la dernière main à l'examen bijuridique pour que les Premières nations du Québec puissent, elles aussi, participer. Il existe un intérêt manifeste au Québec.

Le sénateur Buchanan : Je connais très bien les développements que j'ai mentionnés à Membertou et à Millbrook, qui se sont déroulés sans que ces Premières nations soient signataires des accords-cadres.

M. Louie : Oui, c'est juste. Je me suis entretenu avec les dirigeants de nombreuses collectivités un peu partout au Canada. Les capacités manifestes de ces collectivités pour ce qui est des codes fonciers et de l'établissement d'une compétence à leur égard dépasseront de loin le développement de celles qui n'ont pas compétence pour gérer leurs propres terres. Les collectivités de Membertou et de Millbrook font peut-être exception.

Si la collectivité d'une Première nation au Canada a compétence, elle est alors nettement avantagée. Les collectivités qui n'ont pas le pouvoir de gérer leurs terres et qui ne sont pas reconnues comme ayant un gouvernement possédant des pouvoirs législatifs qui n'ont pas besoin du sceau d'approbation du ministre, de MAINC ou d'un organisme gouvernemental, jouissent de beaucoup moins de possibilités de croissance.

Grâce à leurs connaissances de première main, les développeurs, investisseurs, établissements bancaires, sociétés de fiducie et tout le reste — ceux qui investissent dans les réserves — surveilleront pour faire en sorte que les collectivités exercent bien leurs pouvoirs de gestion des terres, qu'elles adoptent des lois claires et confirmées, qu'elles obtiennent les permis requis pour la construction et l'installation de canalisations d'amenée d'eau, d'égout et d'éclairage public et qu'elles respectent tous les règlements connexes. Quand les investisseurs se rendront compte qu'une collectivité est capable de prendre des décisions au niveau communautaire plus rapidement, leur regard se rivera sur elle. En l'absence de cette capacité, les Premières nations du Canada ne connaîtront pas autant de développement.

Le sénateur Buchanan : Je suis d'accord avec ce que vous dites. Les développements que j'ai mentionnés se sont réalisés surtout en raison de l'excellence du leadership dans chaque réserve de personnes comme M. Dan Paul, M. Lawrence Paul et M. Bernd Christmas, tous diplômés de l'école de droit de Dalhousie. Je ne crois pas que vous le contestiez, mais à mon avis, Dalhousie est probablement la meilleure école de droit de toute l'Amérique du Nord. M. Christmas a fait une carrière en droit très réussie à Toronto, puis il est rentré chez lui et a développé la Membertou Development Corporation avec la bande de Membertou et divers chefs. Grâce à leur leadership pratique, ils ont pu développer deux coins de pays exceptionnels appartenant à des Premières nations du Canada.

M. Louie : Je conviens qu'ils font exception et que la stabilité des gouvernements des Premières nations est également névralgique. Les développeurs et les investisseurs examinent les mandats des chefs et des conseillers, les réalisations passées de la collectivité, la présence ou l'absence de luttes internes et la prise de décision de manière proactive et claire. Ce sont là tous des points extrêmement importants, et je conviens de tout ce que vous avez dit à cet égard. Il est absolument essentiel que les Premières nations aient des collectivités stables et qu'elles aient confiance en elles parce que c'est ce qui attire le développement. Cependant, une fois qu'une Première nation est reconnue comme ayant formé un gouvernement stable, il faut qu'elle dispose de tous les outils voulus pour garantir la sécurité des investissements parce que le respect des marchés conclus s'avérera critique.

Il est tout aussi important d'avoir l'expertise voulue pour en arriver là. La gestion des terres représente le gros de la responsabilité d'un gouvernement, particulièrement d'un gouvernement de Première nation. Nous avons besoin d'experts en matière de développement économique des terres et des ressources. Malheureusement, cette expertise fait défaut dans de nombreuses collectivités du Canada parce que les occasions ne se sont pas présentées dans le passé. Les codes fonciers et la gestion des terres leur fourniront l'occasion de l'acquérir.

L'étape suivante consiste à fournir à ces collectivités un renforcement continu des capacités. Il faut continuer d'améliorer et de former. Il importe d'être au courant des derniers faits nouveaux survenus sur le plan juridique et des précédents créés en matière de baux pour traiter avec efficacité de ces questions. Même avec l'initiative de gestion des terres des Premières nations, le Canada ne fournit pas suffisamment de fonds pour régler convenablement ce problème. C'est notre cas et c'est encore plus problématique pour la majorité des Premières nations canadiennes qui n'ont pas encore eu l'occasion de participer à la gestion des terres.

Le sénateur Watt : Vous avez dit qu'il fallait plus d'argent. Pourriez-vous nous en parler plus abondamment? Parlez- vous de financer des études de faisabilité ou du capital de risque? Décrivez-nous vos rapports avec la banque, monsieur Louie.

M. Louie : Nous avons besoin d'argent tant pour la phase de développement que pour celle du fonctionnement. Les collectivités en train d'élaborer un code foncier sont qualifiées de Premières nations en phase de développement. Une fois qu'elles sont signataires, elles entament l'élaboration de leurs codes fonciers, elles commencent à négocier leur entente de transférabilité avec le Canada et elles préparent le scrutin au sein de la collectivité. Dès que la collectivité a adopté le code foncier, elle assume la compétence à l'égard de ses terres et de ses ressources.

La phase de fonctionnement est différente. Dès que la collectivité adopte son code foncier et commence à mettre en place le processus de gestion des terres, elle a continuellement besoin de fonds pour financer ces activités. Tant pour les Premières nations en phase de développement que pour celles qui en sont au stade du fonctionnement, nous avons avec le Canada un accord de contribution qui leur débloque certains fonds de manière à les doter d'une capacité précise. Jusqu'ici, une grande partie de ce développement de la capacité s'est concentrée sur des choses comme l'aménagement du territoire, une question fort importante. Il faut former les gestionnaires des terres dans la rédaction de baux et au sujet des exigences de la cartographie au moyen du SIG. Cette expertise est cruciale.

Nous manquons de fonds à cette fin. Il faudrait que nous ayons un institut de formation qui se consacre à l'élaboration de la capacité. S'il existait un pareil institut à la disposition de toutes les Premières nations, les collectivités comprendraient le processus et l'avenir qui les attend et elles auraient les outils voulus pour gérer leurs terres et leurs ressources. C'est une des pièces manquantes du puzzle.

Le sénateur Watt : Avez-vous élaboré une proposition concernant les lacunes du concept de gestion des terres, y compris la pénurie de fonds pour la formation?

M. Louie : Nous travaillons avec les collectivités des Premières nations depuis plusieurs années à cet égard. Les gestionnaires des terres, les chefs, les membres du conseil, les membres de la collectivité et les conseillers auprès des collectivités ont été invités à nous faire part de leurs commentaires, et nous en avons reçus. Nous avons dressé un plan, mais il n'a pas encore été accepté par le gouvernement. Il exige plus de travaux et de rencontres. Ce serait utile si votre comité appuyait la création d'un institut de formation en gestion des terres.

Le sénateur Watt : Vous pourriez peut-être nous fournir un exemplaire de votre proposition quand elle sera complète pour que nous puissions en tenir compte dans notre rapport.

M. Louie : Avec plaisir.

Le sénateur Watt : Monsieur Seymour, vous avez mentionné la participation de votre collectivité dans le secteur de l'industrie forestière. Êtes-vous conscient de l'arrêt rendu par la Cour suprême de la Colombie-Britannique le 10 mai 2004 concernant la consultation obligatoire des collectivités en matière d'exploitation forestière?

M. Seymour : Oui, je connais cette décision.

Le sénateur Watt : C'est là à mon avis une des décisions les plus utiles pour les peuples autochtones de tout le pays, qu'ils aient un règlement ou pas. Si quoi que ce soit est extrait d'une terre, il faut d'abord qu'il y ait une consultation en règle, que les revendications territoriales soient réglées ou pas.

M. Seymour : La décision a eu beaucoup d'impact sur notre collectivité. Un des témoins précédents a parlé de la part de 20 p. 100 récupérée par la Colombie-Britannique. Seulement 8 p. 100 de ces 20 p. 100 ont été réacheminés vers les Premières nations. La province a élaboré une politique fondée sur le nombre de membres appartenant à la bande.

Notre territoire traditionnel couvre 4,6 millions d'hectares. Il se coupe plus de bois dans l'intérieur de la Colombie- Britannique que n'importe où ailleurs dans le monde probablement. La formule, je crois, est de 50 mètres cubes par membre de bande, par rapport à 11 000 mètres cubes environ par année. La coupe annuelle actuelle dans notre région est de plus de neuf millions de mètres cubes. Du point de vue de la collectivité, la politique n'est pas juste. Le gouvernement provincial s'appuie sur le raisonnement qu'il fallait partager les ressources avec les premières nations de la Colombie-Britannique. Cette décision précise clairement qu'une pareille politique n'est pas juste et qu'il faut qu'elle soit revue par la province.

Le sénateur Watt : J'imagine que vos gens vont passer la question en revue.

M. Seymour : Oui. Ils ont aussi mentionné que 50 accords relatifs à des mesures provisoires à court terme ont été passés en Colombie-Britannique. Il n'y a pas de vue à long terme et, selon moi, cette approche ne mène pas à la stabilité à long terme de l'économie de la collectivité autochtone.

Le sénateur Watt : J'aimerais en revenir à la question de la gestion. Si j'ai bien compris, vous traitez avec des personnes un peu partout au pays, pas seulement en Colombie-Britannique. Avez-vous un siège social et, dans l'affirmative, où se trouve-t-il? Avez-vous des bureaux dans chaque province? Comment se fait la gestion? Qui est membre du conseil d'administration et par qui les administrateurs sont-ils nommés?

M. Louie : Le Conseil consultatif sur les terres se compose essentiellement des chefs ou membres de la collectivité qui ont travaillé à la phase de mise en œuvre. L'aile politique du Conseil consultatif sur les terres est formée de représentants élus des Premières nations qui ont adopté des codes fonciers. Nous nous sommes efforcés d'avoir une représentation pancanadienne. Le Conseil consultatif sur les terres est composé des personnes qui, ensemble, représentent les intérêts des signataires et des Premières Nations en phase de développement.

L'aile technique est le Conseil consultatif sur les terres et le centre de ressources. Nos bureaux se trouvent à Kanata, dans la région d'Ottawa, d'où nous fournissons de l'appui technique renforcé par plusieurs avocats et autres consultants de différentes régions du Canada. Le centre de ressources a également un conseil d'administration qui est formé de personnes comme M. Barry Seymour, qui a été élu quand il était chef. Trois autres personnes forment le comité des finances. Elles ont la responsabilité, selon les instructions reçues des chefs et des collectivités membres du Conseil consultatif sur les terres, de voir à ce que les fonds soient disponibles et que l'aide technique soit fournie aux collectivités qui s'intéressent au processus de gestion des terres ou qui y prennent part.

Le sénateur Watt : La personne nommée par le ministre est-elle toujours membre du conseil?

M. Louie : Il n'y a pas de membre nommé par le ministre au sein du conseil. À l'occasion, nous avons une rencontre de nature politique avec le ministre Scott ou avec le sous-ministre et les sous-ministres adjoints ainsi que d'autres hauts fonctionnaires. Tout dépend de la nature du dossier, s'il est politique, bureaucratique ou autre.

Le sénateur Gustafson : Vous avez mentionné que la compétence était critique, vous avez parlé de lois et de connaître l'administration. Dans le projet de Kelowna, la revendication territoriale était-elle réglée avant que vous alliez de l'avant? Était-ce là votre point de référence?

M. Louie : Non, sénateur. Westbank a franchi diverses étapes pour en arriver au stade actuel. La plus récente a été la mise en oeuvre réussie de notre entente sur l'autonomie gouvernementale. Westbank participe au processus de négociation des traités avec la Colombie-Britannique, la dernière étape. Dès 1977, Westbank avait conclu une entente de gestion des terres avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Nous sommes allés le plus loin possible sous le régime de la Loi sur les Indiens existante. Les articles 53 et 60 de la Loi sur les Indiens donnent à une Première nation le pouvoir de gérer ses terres. Nous avons appliqué l'article 53 en 1980 et l'article 60, en 1985. L'article 53 traite des terres cédées, ce qu'on appelle aujourd'hui les « terres désignées ». Ce sont les terres détenues en commun pour lesquelles une collectivité peut, par vote, autoriser la signature de baux à des fins de développement économique. L'article 60 traite de terres autres que celles qui sont détenues en commun.

L'étape suivante est le prélèvement d'un impôt. Westbank a été, je crois, la deuxième collectivité au Canada, après la bande indienne de Kamloops, à mettre en place un régime d'évaluation de l'impôt foncier dans les réserves. À partir de là, Westbank est passée au code foncier, qui a été adopté en vertu de la Loi sur la gestion des terres des premières nations. L'étape finale est l'autonomie gouvernementale de Westbank, qui nous confère la compétence en matière de gouvernance et de diverses questions relatives à la Première nation de Westbank. Donc, le règlement de la revendication territoriale est notre prochaine et dernière étape. Toutes les étapes franchies nous ont préparés à conclure des règlements des revendications territoriales pour notre collectivité.

Le sénateur Gustafson : Les affaires sont telles que vous développez une parcelle de terre en y construisant une tour d'habitation ou un commerce. Plutôt que de vendre la propriété, elle est louée pour 99 ans. C'est bien cela?

M. Louie : La formule générale est un bail immobilier dont la durée peut s'étendre sur 99 ans. Lorsqu'il s'agit de développement résidentiel, de maisons unifamiliales, le bail peut être plus court. Cependant, les développements résidentiels plus importants s'appuient sur des baux de 99 ans. C'était notre option. Certains des grands commerces comme Zellers, Tim Horton, Extra Foods et d'autres ont des baux de 99 ans. Il existe certains baux industriels de 49 ans et des terrains de caravaning ont des baux de 25 ans. La durée du bail varie selon le genre d'entreprise, de sorte qu'il existe diverses durées d'occupation.

Le sénateur Gustafson : Le chef Seymour a parlé d'emplacement, d'emplacement, d'emplacement, et je peux comprendre que cela donne de bons résultats en Colombie-Britannique, surtout aux alentours de Kelowna où il existe de nombreuses possibilités de développement. Sommes-nous en train de devenir une société urbanisée?

M. Louie : À certains égards, le phénomène d'urbanisation frappe plus souvent que dans le passé les collectivités voisines de centres urbains. J'ajouterais également que de nombreuses collectivités qui ne sont pas à proximité de centres urbains participent à la gestion des terres. La bande indienne du lac McLeod, situé à deux heures au nord de Prince George, est loin des centres urbains. La bande se concentre donc surtout sur les ressources forestières. Elle a plus de 350 millions de dollars à peu près de ressources en bois d'œuvre. Elle a adopté son code foncier et son code d'exploitation forestière en supposant qu'elle assumerait la compétence de l'exploitation forestière. Cet incroyable atout pour la bande a servi de catalyseur. D'autres collectivités rurales, que ce soit en Ontario ou ailleurs, ont d'autres ressources comme des agrégats et des minéraux. Certaines collectivités que nous connaissons souhaitent assumer la compétence parce qu'elles peuvent ainsi protéger leurs terres de l'expropriation. Nous avons entendu beaucoup d'histoires d'horreur un peu partout au Canada lorsque des terres des réserves ont été expropriées. En ayant le pouvoir de gérer les terres et en adoptant un code foncier, on empêche le gouvernement d'exproprier les terres de la réserve. C'est là un problème grave qui préoccupe énormément de nombreuses collectivités. C'est peut-être une autre raison pour laquelle les collectivités souhaitent entamer le processus d'adoption d'un code foncier. Les raisons varient selon les collectivités.

Le sénateur Gustafson : Il est bien d'entendre dire que du développement économique a lieu. Ce qui me préoccupe cependant, c'est le fait que le développement ne se produise pas partout au pays, en particulier dans les régions rurales. Le pourcentage de la population qui oeuvre dans le milieu de l'agriculture s'élève à environ 2,5 p. 100, mais cette proportion est en baisse. On devrait s'inquiéter beaucoup plus de cette situation.

Le sénateur Peterson : Tous les témoins ont parlé ce soir des problèmes liés à la compétence sur les terres de réserve. Monsieur Louie, pouvez-vous en dire un peu plus long à ce sujet? Parle-t-on des terres de réserve éloignées des centres urbains ou de celles qui se trouvent dans les régions urbaines? Quels sont les problèmes?

M. Wilson : Je vais vous donner un exemple, monsieur le sénateur. La nation Squamish possède 24 réserves, dont quatre sont situées dans la région urbaine de Vancouver. Les autres se trouvent dans les régions de Howe Sound ou de Squamish, en s'en allant vers Whistler. Les problèmes auxquels les différentes réserves sont confrontées sont similaires. Au total, il y a sept municipalités et deux districts régionaux qui tentent aussi de gérer les terres de nos réserves. Le code foncier nous permettrait d'avoir compétence sur toutes nos réserves rurales et urbaines, de sorte que, lorsque nous mènerions des affaires avec des investisseurs de l'extérieur, nous serions en mesure d'établir les modalités des investissements grâce à un gouvernement stable et à une infrastructure. Cela ne vaut pas seulement pour les bandes qui vivent dans les régions urbaines, mais aussi pour les bandes qui désirent avoir la capacité de profiter des occasions qui existent dans leur région.

Le sénateur Peterson : Je comprends, mais dans une région urbaine, on est tout de même assujetti notamment à l'autorité approbatrice de cette région, n'est-ce pas?

M. Williams : C'est exact.

Le sénateur Peterson : Ce serait différent dans les régions rurales, mais il faudrait quand même s'en remettre à une autorité approbatrice. Souhaitez-vous vous doter d'un ensemble de directives qui engloberaient tout?

M. Williams : Tout à fait.

Le sénateur Peterson : Cela pourrait s'avérer difficile.

M. Williams : C'est compliqué, et c'est ce que le ministère des Affaires indiennes et du Nord a fait valoir à la nation Squamish. C'est pourquoi nous exigeons d'obtenir ce type de compétence ainsi que les ressources nécessaires pour l'exercer au nom de nos membres.

Le président : Monsieur Williams, vous nous avez donné une liste des projets qui sont retardés en raison de l'absence d'un code foncier. De quel ordre est le retard? Qu'est-ce qui empêche de régler le problème? Pouvez-vous nous donner des explications?

M. Williams : Dans le cadre de l'arpentage, il est difficile de définir la taille exacte de certaines réserves où des rivières ont causé de l'érosion. En outre, le processus de désignation des terres est long. Il y a aussi des problèmes quant à l'examen de nos ententes de partenariat lorsque le ministère de la Justice prend part à cet examen. Par exemple, lorsque le Real Canadian Superstore a négocié une entente visant à verser à la nation Squamish un million de dollars par année, il a dû négocier pendant six mois avec nous avant d'en arriver à cette entente. L'examen de cette entente a été confié au ministère des Affaires indiennes et au ministère de la Justice, et il leur a fallu 18 mois pour mener cet examen. Cette longue période d'attente nous a pratiquement fait perdre nos partenaires. En ce qui a trait au projet du Seymour Creek Village, nous sommes confrontés à un problème en ce qui a trait à la désignation de 240 000 pieds carrés de locaux pour commerces de détail. L'endroit se trouve tout près d'une rivière où il y a eu de l'érosion, alors le résultat de l'arpentage n'est pas encore confirmé. Il y a cinq ou six éléments qui posent problème, alors si nous avions davantage de contrôle sur le processus de prise de décisions, les choses avanceraient beaucoup plus rapidement.

Le président : Vous venez de décrire la nature des problèmes actuels qui doivent être réglés. Il n'existe aucun problème concernant l'élaboration d'un code foncier en vertu de l'accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations. De quel ordre est le retard? Si vous souhaitez l'ajout de dispositions concernant la gestion des terres, quel est le plus grand obstacle à cet égard? Où se situe le problème — au sein du gouvernement ou au sein des membres de votre nation?

M. Williams : Pour l'instant, le problème est au sein du gouvernement. Nous avons de nombreux documents volumineux préparés par le ministère des Affaires indiennes et le ministère de la Justice au nom de la nation Squamish. Ils remontent à environ une centaine d'années et montrent que certains de ces problèmes n'ont jamais été réglés. Lorsque nous nous sommes penchés sur les droits de passage de B.C. Hydro, nous avons découvert que cette société en avait 145 sur notre réserve. Environ 120 d'entre eux n'ont pas été autorisés, c'est-à-dire que B.C. Hydro a installé sans consentement des lignes qui traversent nos réserves. Dans certains cas, B.C. Hydro s'est accordé le droit de passage sans détenir les documents appropriés. Il a fallu trois années de négociations pour parvenir à régler un seul des nombreux problèmes.

Nous éprouvons aussi des problèmes avec le ministère des Transports et de la Voirie qui touchent six ou sept réserves. Une société de chemin de fer a demandé un droit de passage, mais, en cours de route, elle a décidé de déplacer la voie ferrée pour la faire passer dans un endroit qui n'était pas visé par le droit de passage. Ainsi, la voie ferrée passe dans une partie d'une propriété qui n'est pas visée par le droit de passage. Bien des petits problèmes se sont accumulés et cela a créé un énorme obstacle à l'acquisition des droits de gestion de nos terres au nom de nos membres.

Le président : Avez-vous des revendications particulières? Les revendications sont formulées par les Premières nations et doivent être réglées en collaboration avec le gouvernement fédéral. Un processus est en train d'être mis en place. Faites-vous simplement négocier?

M. Williams : Oui.

Le sénateur Watt : Ma question s'ajoute à celle du sénateur Peterson. Vous avez mentionné que vous aimeriez mieux élaborer un seul code foncier pour toutes les terres de réserve.

M. Williams : C'est exact.

Le sénateur Watt : Parlons-nous seulement des terres de réserve?

M. Williams : Oui.

Le sénateur Watt : Nous ne parlons pas des terres adjacentes à celles des réserves, n'est-ce pas?

M. Williams : Non. En ce qui concerne les terres adjacentes à celles des réserves, environ 50 à 100 occasions de développement s'offrent à nous en raison des causes qui sont actuellement devant les tribunaux. Les projets de développement dans les terres adjacentes progressent beaucoup plus rapidement que les projets de développement dans les réserves.

Le sénateur Watt : Négociez-vous avec le ministère des Affaires indiennes?

M. Williams : Oui.

Le sénateur Watt : Que pourrait faire le comité pour vous aider?

M. Seymour : Voulez-vous une liste?

M. Louie : Je pourrais tenter de répondre, monsieur le sénateur, car il s'agit d'une bonne question. Premièrement...

Le sénateur Watt : Cela fait partie de notre travail.

M. Louie : C'est vrai, et nous vous en sommes très reconnaissants parce que c'est grâce à des tribunes comme la vôtre que les choses peuvent avancer au pays. Ce que vous pourriez faire entre autres, c'est appuyer l'accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations. Il est important d'offrir la possibilité aux Premières nations du Canada qui le souhaitent de devenir signataires. Cela encouragerait le ministère des Affaires Indiennes à offrir la possibilité de participer à cet accord.

Un grand nombre de Premières nations attendent depuis des années d'y participer, et bon nombre d'entre elles s'en viennent frustrées. Il est essentiel pour les communautés d'acquérir la compétence sur la gestion des terres. L'appui à l'égard de la création d'un institut de formation pour renforcer les capacités des Premières nations est important. Il faudra de l'argent et du temps pour établir un tel institut. Beaucoup de travail a été accompli en vue de soutenir la proposition et d'encourager le gouvernement à fournir les fonds nécessaires à la mise en service de l'institut de formation. Ce serait une contribution extraordinaire de la part du comité.

Il serait utile du point de vue financier si les sénateurs pouvaient nous aider à finaliser les règles régissant l'enregistrement des titres de propriété. Ainsi, davantage d'institutions financières disposeraient de fonds pour investir dans les terres de réserve. Le vide qui existe à l'heure actuelle a causé la perte de millions de dollars en investissements dans les réserves. Si l'entente de gestion de l'environnement entre le ministère de l'Environnement et le ministère des Affaires indiennes était conclue, cela terminerait le processus législatif.

En tant que membre du conseil d'administration de la Peace Hills Trust, je connais bien certains des problèmes que posent les politiques du ministère des Affaires indiennes. Les institutions financières, qu'il s'agisse de sociétés de fiducie, de banques ou d'autres établissements de prêt, se demandent souvent quel type de garantie elles pourraient accepter de la part d'un promoteur d'une Première nation. Il y a entre autres l'accord de contribution, qu'une Première nation convient de fournir. Certaines institutions hésitent à accepter un accord de contribution ou un pourcentage d'un accord de contribution fourni annuellement à une Première nation. Certaines politiques antérieures du ministère des Affaires indiennes ont fait en sorte que des institutions financières ont eu du mal à recouvrer certaines sommes, ce qui ne les a pas incitées à consentir d'autres prêts. Cela s'est révélé un problème sérieux.

Certains changements aux politiques, qui ne sont toutefois pas encore finalisés, ne règleront qu'une partie du problème. Il faut encourager le ministère des Affaires indiennes à revoir les politiques et à rendre ces garanties accessibles aux institutions financières de sorte qu'elles accorderont des prêts dans les réserves. C'est fondamentalement important.

Le sénateur Watt : Pourriez-vous mettre tout cela par écrit?

M. Louie : Oui, nous pourrions faire cela.

Le sénateur Watt : Nous vous en serions reconnaissants.

Le sénateur Gustafson : J'ai une question à poser de la part du sénateur St. Germain, qui a déjà siégé au comité. Il semblerait que de nombreux projets pourraient aller de l'avant si le gouvernement signait les accords. Est-ce exact? Est- ce que l'acquisition de l'autonomie gouvernementale apaiserait les préoccupations?

M. Louie : D'après mon expérience au sein de la nation Westbank, je crois que cela contribuerait grandement à fournir des occasions de développement. Notre accord sur l'autonomie gouvernementale a fini par être conclu au bout de 17 ans. J'ose espérer qu'à l'avenir le processus ne sera pas aussi long. Pour n'importe quelle communauté, un processus qui dure pendant un si grand nombre d'années est un très lourd fardeau à porter. La signature des accords aurait des retombées positives considérables.

Il existe aussi d'autres types d'accords. Par exemple, de nombreuses collectivités ont des ajouts aux réserves dans différentes régions du Canada. La Chambre des communes a examiné la politique sur les ajouts aux réserves, mais aucune décision n'a été prise pour l'instant. Le comité se penchera peut-être sur cette question. Permettre les ajouts aux réserves de façon à accélérer la signature des accords sur les revendications territoriales ou d'autres accords avec les provinces est crucial.

Dans le cadre des négociations au sujet du projet concernant le pont enjambant le lac Okanagan et l'échangeur, nous étudierons la politique sur les ajouts aux réserves. Les terres fourniraient des occasions de développement économique. Les ajouts pourraient être accélérés grâce à un processus plus efficace de transfert des terres.

Le sénateur Gustafson : Certaines villes et municipalités, comme Kelowna, pourraient créer des obstacles. Voulez- vous une politique officielle pour l'ensemble du pays qui permettrait aux choses d'aller de l'avant?

M. Louie : Je vais tenter de répondre à cette question en m'appuyant sur mon expérience. La communauté de la Première nation Westbank a fourni une partie de l'infrastructure. Nous avons construit et nous exploitons nos réseaux d'aqueduc, qui constituent une partie critique du développement. Nous fournissons un service d'alimentation en eau à plus de 8 000 résidents non autochtones ainsi qu'à nos propres résidents. Nous avons conclu des ententes en matière d'égout avec le district régional du centre de l'Okanagan, ce qui permet de favoriser les projets de développement. Des ententes concernant les routes et d'autres éléments avec le ministère des Transports et de la Voirie sont très importantes. Nous avons établi des ententes de la sorte.

La mise en place d'un code foncier permettrait à la Première nation Westbank de conclure de telles ententes sans avoir à en demander la permission au ministère des Affaires indiennes. Lorsque les conservateurs étaient au pouvoir, la collectivité envisageait la possibilité d'accroître les projets de construction de centres commerciaux et de quartiers résidentiels. Dans le cadre d'un des projets, il fallait un raccordement au système d'égout du district régional. Une entente a été préparée à cet effet, mais le district régional du centre de l'Okanagan et la province de la Colombie- Britannique ne nous ont pas autorisés à conclure une telle entente sans l'approbation du ministre. Un jour, je me suis rendu à Kamloops, où se trouvait le ministre des Affaires indiennes de l'époque, Tom Sidden, pour discuter avec lui en vue de le convaincre de donner son approbation en signant l'entente. Il a déclaré que sa signature en tant que ministre n'était pas nécessaire, mais il a signé le document quand même parce qu'il s'agissait d'une nouvelle exigence. Il a dit que cela devrait changer dans l'avenir. Nous avons pris bonne note de ses propos; l'établissement du code foncier et l'acquisition de la compétence en matière de gestion des terres sont le résultat de ce qui a changé. C'est un changement extrêmement important.

Le président : S'il n'y a pas d'autres questions, je vais remercier nos témoins d'avoir comparu ce soir. L'information qu'ils nous ont transmise nous sera très utile dans le cadre de notre étude sur la participation des peuples autochtones aux activités de développement économique au Canada.

M. Louie : Merci, honorables sénateurs.

La séance est levée.


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