Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 2 - Témoignages du 16 novembre 2004
OTTAWA, le mardi 16 novembre 2004
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 18 h 15, pour étudier les perspectives d'avenir de l'agriculture et des forêts au Canada.
Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, nous sommes ravis de recevoir ce soir le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, l'honorable Andy Mitchell. Il est accompagné du sous-ministre, M. Leonard Edwards, et de M. Richard Fadden, président de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
Monsieur le ministre, je sais que votre horaire est chargé. C'est la première fois que nous avons l'occasion de vous recevoir à l'une de nos séances. Au nom de tous les membres du comité, je vous félicite pour votre nomination et je vous souhaite la meilleure des chances. Nous savons que votre rôle est l'un des plus difficiles au pays. Je vous remercie de prendre le temps de comparaître devant nous.
Je crois que vous voulez dire quelques mots avant que nous passions aux questions.
L'honorable Andrew Mitchell, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire : Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité. Je vous remercie tous aussi pour votre indulgence. J'ai été retardé par un vote à la Chambre et je suis donc désolé d'être en retard de quelques minutes. Je vous remercie de me donner l'occasion d'effectuer un exposé. Je serai ravi de répondre par la suite à vos questions à propos d'une vaste gamme de sujets dont est saisi le ministère.
Je suis certain que les honorables sénateurs savent que je suis chargé de nombreux dossiers importants et complexes liés à l'agriculture, qu'il s'agisse de la sécurité alimentaire, de la gestion de l'environnement et de l'accès aux marchés internationaux en passant par la biosécurité. La liste est assez longue.
Lorsque l'on est confronté à tous ces dossiers complexes, madame la présidente, il est toujours nécessaire de saisir, selon moi, certains principes de base importants pour être en mesure de comprendre l'agriculture. Premièrement, il faut savoir qu'il est essentiel pour le gouvernement de créer un milieu qui permette aux producteurs d'être rentables. Si les producteurs ne peuvent subvenir à leurs besoins grâce à l'agriculture, ils délaisseront ce domaine. Le cas échéant, cela aura un effet néfaste, non seulement sur eux et les collectivités rurales qui soutiennent l'industrie agricole, mais aussi sur l'ensemble des Canadiens. De fait, lorsqu'on pense à notre capacité d'approvisionner des marchés étrangers, on constate que cela aura un effet néfaste sur l'ensemble de la population mondiale.
Deuxièmement, quant à mes responsabilités, je dois notamment veiller à la vigueur et à la bonne santé de l'industrie agroalimentaire. La production de cette industrie représente 8 p. 100 du produit intérieur brut du Canada. Elle constitue donc un moteur important de notre économie et elle contribue largement à la richesse de notre pays. C'est pourquoi il est important qu'elle soit vigoureuse.
Avant de passer au troisième point de ma liste, je rappelle aux honorables sénateurs que j'ai déjà comparu devant votre comité en tant que secrétaire d'État responsable du développement rural. Vous ne serez donc pas étonné de m'entendre dire que je considère le soutien aux collectivités rurales comme l'une de mes principales responsabilités. Sans l'appui de ces collectivités à nos industries comme l'agriculture, notre pays serait moins fort, comme je viens de le mentionner.
Selon moi, il est important que nous adoptions un certain nombre d'approches. Bien des personnes présentes dans cette salle m'ont déjà entendu parler, alors elles connaissent déjà mes propos. Quoiqu'il en soit, il est important d'admettre que toutes les connaissances ne se trouvent pas uniquement au ministère. Les collectivités et les producteurs possèdent eux aussi des connaissances. Pour réussir, nous devons absolument acquérir les nombreuses connaissances que détiennent les collectivités et les producteurs et en tenir compte lorsque nous élaborons des programmes et des approches au sein du ministère.
Il est également important de travailler en collaboration. Il est absolument essentiel que nous travaillions en collaboration avec les producteurs et les provinces dans le cadre de l'élaboration de nos programmes et des initiatives que nous souhaitons entreprendre. L'agriculture est bien entendu un domaine qui relève à la fois de la compétence du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux. Il est tout à fait essentiel que nous travaillions ensemble. La collaboration doit être une caractéristique de l'approche que nous adoptons.
En outre, honorables sénateurs, il faut qu'il y ait une volonté de changer. Ce n'est pas parce que nous suivons une certaine façon de faire depuis des années que nous devons continuer de la suivre dans l'avenir. Il se peut que ce soit la bonne façon de procéder, mais il faut qu'il existe une volonté de changer, une volonté d'adopter une approche différente. De même, il faut qu'il y ait également une volonté de sortir des sentiers battus, d'examiner des façons nouvelles et novatrices de faire les choses et d'admettre qu'il existe une approche différente que nous n'avons peut-être jamais essayée, mais qui mérite de l'être.
Enfin, il ne faut pas oublier les gens. Quelle que soit l'approche que nous adoptions, elle concerne les hommes et les femmes qui oeuvrent dans le secteur de la production agricole. Elle concerne leurs familles et les collectivités qui soutiennent ces familles et les producteurs. Lorsque nous prenons des décisions et des mesures et que nous adoptons des programmes, nous devons penser à leurs répercussions sur les gens. Les producteurs agricoles contribuent considérablement au développement du pays ainsi qu'à sa richesse. Chaque jour, ils prennent des décisions très difficiles. Ils prennent de grands risques financiers, et, ce faisant, les Canadiens s'en trouvent plus riches et des objectifs importants en matière de politique publique peuvent être atteints.
Depuis que j'ai été nommé ministre de l'Agriculture, il y a un certain nombre de mois, je n'ai pas manqué de dossiers à traiter, et je voudrais en citer quelques-uns. Je présume que les sénateurs ont certaines questions à me poser à leur sujet. De toute évidence, la question de l'ESB et la fermeture de la frontière américaine, notamment, à l'exportation de bovins sur pied sont des dossiers importants que nous avons eu à traiter depuis mai 2003. Le gouvernement fédéral, de concert avec les provinces, a mis en branle un certain nombre de programmes pour venir en aide aux producteurs. Avant ma nomination, le ministère avait annoncé, conjointement avec les provinces, la création d'initiatives représentant une somme de 1,7 milliard de dollars. Le 10 septembre dernier, nous avons annoncé une autre initiative, un peu différente sur le plan de l'approche. Plutôt que de fournir seulement une aide intérimaire en attendant le changement de la situation — c'est-à-dire la réouverture des frontières — nous avons mis en place une initiative visant le repositionnement de l'industrie et destinée à faire en sorte que l'industrie puisse être rentable indépendamment de la réouverture des frontières.
J'estimais qu'il fallait absolument faire en sorte que les producteurs ne soient plus dans la situation dans laquelle ils prennent des décisions et travaillent aussi fort que possible, mais sachant que, peu importe ce qu'ils font, les décisions déterminant leur réussite sont prises dans un autre pays. Il s'avérait essentiel de redonner du pouvoir à nos producteurs et d'élaborer des programmes qui permettraient à notre industrie bovine de se repositionner. Il s'agit d'une initiative qui a été conçue grâce à une collaboration, comme j'ai parlé plus tôt, avec les provinces et l'industrie. En effet, un grand nombre des éléments que nous avons mis en œuvre le 10 septembre ont été élaborés et présentés au gouvernement par l'industrie elle-même.
Nous avons dû prévoir une certaine souplesse relativement à la mise en œuvre de cette initiative par les provinces, car l'industrie fonctionne très différemment d'une région à l'autre du pays. Bien qu'il était important que le programme soit national, il fallait admettre que l'Alberta, par exemple, le mettrait en application d'une façon fort différente des provinces de l'Atlantique.
L'initiative comporte cinq éléments. Le premier est un effort soutenu et vigoureux visant à faire rouvrir la frontière américaine. Nous poursuivons cet objectif depuis mai 2003. Nonobstant l'initiative concernant le repositionnement de l'industrie, nous continuons de travailler avec acharnement pour faire en sorte que la frontière américaine soit réouverte. Lorsque cela se produira, ce sera un élément positif pour notre industrie, que le repositionnement ait eu lieu ou non.
Par ailleurs, nous estimons qu'il est important d'accroître la capacité d'abattage du Canada. Nous sommes d'avis que cela contribuerait grandement au repositionnement. Toutefois, la hausse de la capacité d'abattage prendra du temps. Des usines doivent notamment être construites. En attendant, nous avons mis en place un programme de retrait des bovins, un programme de retrait des bouvillons d'abattage ainsi qu'un programme de gestion des animaux âgés en vue d'aider l'industrie durant la transition et de restaurer l'équilibre au sein du marché le plus tôt possible. Enfin, il est important d'exploiter de nouveaux marchés étrangers de sorte que nos producteurs aient accès à une variété de marchés et ne soient pas à la merci d'un seul marché étranger.
Un autre dossier dont nous nous sommes occupés concerne les négociations avec l'OMC. J'ai eu l'occasion de me rendre à Genève peu de temps après ma nomination, où nous sommes parvenus à conclure une entente cadre avec les 146 autres pays membres de l'OMC. Nous avons travaillé dur pour parvenir à conclure cette entente et nous avons beaucoup de pain sur la planche en ce qui a trait aux négociations à venir au sujet des modalités et au parachèvement de l'entente.
Honorables sénateurs, le cadre stratégique global touche cinq domaines, à savoir la salubrité des aliments, l'environnement, le renouveau, la science et la gestion des risques de l'entreprise. Nous voulons faire en sorte qu'il soit mis en œuvre et qu'il le soit en respectant le fait qu'il s'agit d'une initiative à laquelle ont participé trois parties, c'est-à- dire l'industrie, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral, ce qui signifie que, par conséquent, sa survie est tributaire du soutien de ces trois parties.
Nous participons aussi considérablement avec l'industrie à un examen du cadre stratégique global, dans l'esprit des principes dont j'ai parlé plus tôt, c'est-à-dire l'importance de collaborer, d'examiner ce que nous avons fait par le passé et de déterminer si nous devons apporter des modifications.
Enfin, honorables sénateurs, ce serait négligeant de ma part de ne pas dire quelques mots à propos de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, dont je suis également responsable. Le personnel de cette agence travaille toujours avec acharnement pour protéger la santé et la sécurité des Canadiens. Il veille à assurer leur sécurité, et en le faisant d'une façon efficace. Ce serait aussi négligeant de ma part, honorables sénateurs, de ne pas témoigner ma reconnaissance à l'Agence pour le travail qu'elle a accompli en ce qui concerne les dossiers de l'ESB et de la grippe aviaire de même que pour le travail acharné des scientifiques et des hommes et femmes très dévoués, qui se sont efforcés de protéger la santé et la sécurité des Canadiens durant ce qui s'est révélé être une période très difficile pour nous tous.
Je serai ravi de répondre à vos questions.
Le sénateur Gustafson : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre. J'ai plusieurs questions à vous poser. Premièrement, le faible prix des denrées de l'industrie céréalière a mis les producteurs de céréales dans une situation désastreuse. Neal Hardy, le président de la Saskatchewan Association of Rural Municipalities, a fait observer récemment que de nombreux producteurs de céréales font face à la pire crise des 50 dernières années. L'ouest du Manitoba, la région de Peace River et la majeure partie de la Saskatchewan ont subi trois gels. Le blé qui provient de cette récolte gelée se vend à 87 cents le boisseau. Même lorsque les conditions sont bonnes, les agriculteurs ne récupèrent pas le coût des facteurs de production. Cette situation dure depuis trois ou quatre ans dans certaines régions. Il faut absolument faire quelque chose. Je propose que 3 milliards de dollars soient puisés à même l'excédent de 9 milliards et consacrés à ces agriculteurs, sinon, il faudra leur dire d'abandonner leur métier.
Ce n'est pas un portrait très encourageant de la situation, mais c'est la réalité. Les offices de commercialisation du pays se portent assez bien. Je ne veux pas leur enlever cela. Les producteurs de produits laitiers, de poulet et de dinde, notamment, se portent bien, particulièrement en Ontario et au Québec, mais l'industrie céréalière est confrontée à un grand problème. Il faut faire quelque chose à propos du prix des denrées.
Avant de passer à un autre sujet, je veux examiner la situation mondiale. Si je me fie à mes 25 années d'expérience, je ne crois pas un seul instant que les Américains ou les Européens élimineront les subventions. Ils ont prouvé qu'ils ne le feront pas. Étant donné cette situation, nous devons changer de tactique. La mise en place de programmes ne suffira pas. Nous en avons élaborés pour différentes productions — le canola, les graines oléagineuses, les pois, les fèves — nommez-en, mais ils n'ont pas fonctionné en raison du faible prix des denrées.
M. Mitchell : Ma réponse a plusieurs volets. J'ai trois réponses précises à vous donner. Mes collègues qui m'accompagnent comprennent la frustration que l'honorable sénateur exprime, car les producteurs dont il parle ont vécu ces dernières années des périodes de sécheresse, qui sont enfin terminées. Les récoltes étaient de nouveau abondantes, quoique la croissance avait été lente au début, et voilà que le gel le plus hâtif probablement de l'histoire, ou l'un des plus hâtifs, survient et mine sérieusement la qualité et la quantité des récoltes. Après de nombreuses saisons difficiles, ce doit être très frustrant pour les producteurs de voir de si belles récoltes anéanties au dernier moment pratiquement.
Trois questions distinctes ont été soulevées, et il est important de répondre à toutes. Premièrement, il faut admettre que nos producteurs feront face, de temps à autre — et probablement plus souvent que nous le souhaitons — à des baisses inattendues et considérables de leur revenu. C'est pourquoi nous avons inclus un programme de gestion des risques de l'entreprise dans le cadre stratégique global qui comporte deux volets importants aux yeux du sénateur. Premièrement, il existe une assurance-production, ou une assurance-récolte, à laquelle les producteurs peuvent avoir recours dans le cas d'un gel ou d'une sécheresse. Nous avons aussi mis sur pied le Programme canadien de stabilisation du revenu, qui offre un soutien aux producteurs confrontés à une diminution considérable de leur revenu.
Je dois souligner, madame la présidente, l'importance des avances offertes dans le cadre de ce programme. Si un producteur subit une perte, il peut obtenir une avance durant l'année courante, plutôt que de devoir attendre à l'année suivante pour récupérer cette perte. C'est le premier point; et il est très important.
La deuxième question, dont l'honorable sénateur a parlé, est une question distincte de la première, qu'il est important de considérer ainsi. Elle concerne la baisse des revenus agricoles qui a commencé il y a longtemps dans certains secteurs de l'agriculture. Nous devons arrêter cette tendance. Les soutiens à court terme au revenu sont importants, mais il demeure que le prix de certaines denrées diminue depuis longtemps. Nous devons examiner cette situation. J'ai été ravi d'apprendre que la Fédération canadienne de l'agriculture vient de tenir une rencontre de deux jours à Ottawa, à laquelle ont participé des producteurs et des représentants des producteurs de partout au Canada pour discuter de la question. J'ai exhorté le personnel du ministère à travailler avec eux afin de déterminer l'ampleur du problème, d'en cerner quelques causes, d'examiner certaines des mesures que nous pourrions prendre et de décider qui devrait mettre en oeuvre ces mesures, c'est-à-dire les producteurs, les organismes qui les représentent ou bien les gouvernements. J'ai chargé le secrétaire parlementaire, Wayne Easter, que bon nombre d'entre vous connaissent en tant que parlementaire de longue date, ancien ministre et porte-parole depuis longtemps des agriculteurs, de diriger ce projet au sein du ministère de l'Agriculture.
Troisièmement, le sénateur a soulevé la question des ententes internationales en matière de commerce. Ces ententes sont importantes pour le Canada, car nous vendons une grande partie de notre production à d'autres pays. C'est au Canada qu'un système de commerce international fondé sur des règles revêt le plus d'importance, étant donné notre capacité d'effectuer du commerce et l'importance qu'il occupe au sein de notre économie. L'honorable sénateur a souligné, et j'en conviens aussi, que de conclure des ententes ne suffit tout simplement pas, encore faut-il qu'elles soient mises en oeuvre de façon transparente et sérieuse. Autrement dit, les modalités des ententes doivent être vérifiables, et toutes les parties doivent les mettre en application de la manière prévue dans l'entente. Il faut se pencher sur ces trois questions afin de pouvoir régler la situation décrite tout à fait correctement par l'honorable sénateur à laquelle sont confrontés les producteurs de sa province et d'ailleurs.
Le sénateur Gustafson : Le PCSRA pose un problème et je suis sûr que le ministre le sait. Si par malheur il y a trois ou quatre années de sécheresse, il n'y a plus de moyenne. Si la récolte est vraiment bonne, le PCSRA paie bien, mais si elle ne l'est pas, les fermiers sont en mauvaise posture. Il en va de même pour l'assurance-récolte. S'il y a trois années de sécheresse, il ne reste plus de moyenne; la moyenne est si faible que l'assurance n'aide pas le fermier qui éprouve des difficultés depuis un certain temps. Ces deux programmes doivent être corrigés. Le ministre accepterait-il d'y voir?
M. Mitchell : Absolument. Cela entre aussi dans la deuxième catégorie, où il est question d'érosion à long terme, tandis que le PCSRA et le programme de gestion des risques de l'entreprise visent les interruptions imprévues. Le déclin à long terme est une question distincte. C'est aussi important; ce n'est pas secondaire, mais c'est une question différente et il importe que nous nous y attaquions sans détour.
Le sénateur Hubley : Bienvenue, monsieur le ministre, mesdames et messieurs.
Le 10 octobre 2004, les ministres de l'Agriculture de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau- Brunswick ont annoncé que la récente stratégie fédérale destinée à repositionner l'industrie canadienne des animaux d'élevage avait été conçue pour répondre aux besoins des éleveurs canadiens de bovins de l'Ouest et qu'elle ne réglait pas les problèmes des éleveurs de bovins des Maritimes.
L'une des réserves exprimées était que la stratégie ne prenait pas suffisamment en considération les problèmes régionaux liés à la capacité d'abattage, plus particulièrement les investissements pour accroître la capacité d'abattage des bovins gras et des vaches de réforme, les systèmes de traçabilité, les services d'équarrissage, l'expansion des marchés locaux et la mise à niveau des systèmes provinciaux d'inspection de la viande. Le ministère travaille-t-il avec différentes régions du pays pour répondre aux besoins spécifiques, comme les Maritimes l'ont demandé?
M. Mitchell : Depuis cette annonce, j'ai rencontré deux fois les ministres de l'Atlantique en personne et, à quelques autres reprises, je leur ai parlé au téléphone, individuellement et collectivement.
L'élément du programme qui vise la capacité d'abattage est en vigueur dans le Canada atlantique. Comme vous le savez, à l'Île-du-Prince-Édouard, il y a un abattoir qui est sur le point d'entrer en service. Depuis quelques jours, l'ACIA travaille en étroite collaboration avec cet abattoir pour régler les derniers détails dont dépend l'octroi du permis, et les choses vont rondement à cet égard. La première chaîne d'abattage qui sera en service recevra des veaux de naissage et des bovins finis. Il est aussi question d'y recevoir aussi les animaux âgés. Nous avons dit à la direction que si elle a l'intention d'augmenter encore la capacité de l'abattoir, elle peut faire appel à notre programme d'expansion de la capacité.
Nous collaborons étroitement avec eux pour ce qui est de la traçabilité des animaux. Nous comprenons le programme qu'ils veulent établir. Nous croyons pouvoir conclure avec eux une entente dans quelque temps, afin de leur fournir le type d'aide financière dont ils pensent avoir besoin pour mettre ce programme en place.
J'ai aussi collaboré avec les ministres dans ce dossier. Nous continuons de discuter avec eux pour déterminer comment nous aborderons la question des animaux âgés, compte tenu de la situation actuelle au Canada atlantique. Comme je l'ai dit aux ministres, nous poursuivrons les pourparlers et le dialogue pour déterminer ce que nous pouvons faire de plus pour aider les éleveurs de l'est du Canada.
Le sénateur Tkachuk : Monsieur le ministre, notre parti avait l'impression que le test de dépistage de l'ESB, qui vise 8 000 têtes cette année, devait en viser 30 000, mais aujourd'hui, je crois comprendre que l'Agence canadienne d'inspection des aliments a dit que ce serait 38 000. Pourriez-vous préciser les objectifs et les chiffres?
M. Mitchell : Oui. D'après ce que je sais, pour cette année — 2004 — l'objectif est de 8 000 et nous l'avons dépassé. Nous en sommes à 12 000. Pour l'an prochain, l'objectif est de 30 000. Pour les deux années, il est de 38 000.
Le sénateur Tkachuk : Avant d'adhérer au présent programme d'aide lié à l'ESB, le gouvernement de la Saskatchewan avait formulé de nombreuses critiques à son égard. En plus de signaler que la crise de l'ESB est un litige commercial et, par conséquent, qu'elle relève du fédéral, le ministre de l'Agriculture de la Saskatchewan a dit que le programme était injuste pour sa province, qui contient près de la moitié des terres arables du pays et 30 p. 100 du troupeau de bovins, mais seulement une faible proportion de la population pour contribuer au financement des programmes, comparativement à d'autres provinces productrices de bovins comme l'Alberta et l'Ontario. Ces provinces ont une population plus élevée et présentent d'autres caractéristiques économiques qui les avantagent. Même si la Saskatchewan participe maintenant au programme de l'ESB, jusqu'à quel point ses critiques sont-elles fondées et dans quelle mesure ont-elles été prises en compte lors des négociations en vue de la participation de cette province?
M. Mitchell : Le ministre de la Saskatchewan a toujours appuyé l'essence du programme, l'augmentation de la capacité d'abattage, l'établissement de programmes de réserve et la création d'un réseau international de commercialisation avec les États-Unis. En substance, la Saskatchewan appuie nos activités. Quant à l'élaboration et à l'annonce du programme, le ministre de la Saskatchewan et ses collègues ont travaillé avec moi et l'industrie. Il ne s'agit pas d'un programme que nous aurions élaboré isolément à Ottawa pour ensuite mettre la province devant le fait accompli. Elle a participé à tout le processus d'élaboration.
Du côté du financement, nous avons précisé très clairement, quand nous sommes allés de l'avant, que nous allions offrir les composants fédéraux du programme sans imposer de conditions aux provinces. Quant à la capacité d'abattage, au marketing international, c'est entièrement fédéral. Pour ce qui est des programmes portant sur la réserve et les animaux âgés, nous avons dit que notre contribution serait de 60 p. 100. Si la province voulait simplement administrer le programme, nous n'allions pas exiger qu'elle fournisse 40 p. 100 si elle ne le voulait pas. Nous avons dit très clairement et sans détour que c'était à chaque province de décider si elle voulait ou non participer. Bien sûr, nous leur avons laissé le temps de réfléchir. L'Alberta a annoncé le jour même de notre annonce qu'elle participerait. Le Manitoba a annoncé qu'il participerait, comme la Colombie-Britannique et l'Ontario. La Saskatchewan a aussi décidé de participer.
Au Canada, l'agriculture est de compétence fédérale-provinciale. La Constitution en confie la responsabilité aux deux paliers de gouvernement. Nous portons ensemble cette responsabilité, dont le partage suit une certaine tradition. Quand nous nous sommes rencontrés à l'Île-du-Prince-Édouard, j'ai indiqué à mes homologues que s'ils voulaient tenir une vaste discussion sur la participation de chaque palier de gouvernement, nous allions le faire. Nous nous sommes rencontrés au début de novembre et nous avons lancé le dialogue sur cette question. Comme je l'ai dit à tous mes collègues, les deux paliers de gouvernement ont une responsabilité conjointe, et si nous voulons discuter de la manière de nous acquitter de cette responsabilité, je suis disposé à le faire, mais le fédéral et le provincial ont une responsabilité claire envers les secteurs de l'agriculture : moi-même à l'échelon national, et mes homologues provinciaux dans leur province. Comme je l'ai dit dans mon introduction, je suis disposé à collaborer afin de trouver des solutions avantageuses pour les éleveurs.
Le sénateur Tkachuk : Notre stratégie est-elle différente sous le gouvernement Martin de ce qu'elle était sous le gouvernement Chrétien, tant du point de vue des programmes que des rapports avec les États-Unis dans ces dossiers?
M. Mitchell : Pour ce qui est de l'ESB, que ce soit sous le gouvernement précédent ou actuel, nous affirmons que les données scientifiques appuient la réouverture de la frontière. Je ne peux parler en connaissance de cause que de ce qui s'est passé depuis que je suis entré en fonction. C'est l'argument que je défends auprès de l'administration américaine. Nous avons fait environ 160 interventions distinctes auprès de nos homologues américains de divers paliers, pour faire valoir nos arguments à ce sujet. Nos interventions ont été d'ordre technique et politique. J'ai parlé au secrétaire sortant quelques jours après le 2 novembre; j'ai aussi parlé à l'ambassadeur des États-Unis après l'élection, et j'avais parlé à ces mêmes personnes et à d'autres avant l'élection. Nous continuons de défendre énergiquement l'argument que le ministre Peterson, le ministre du Commerce, a récemment fait valoir aux échelons politiques, à l'occasion de son passage en Floride hier ou le jour précédent, à l'occasion de l'ouverture d'une nouvelle mission commerciale dans cet État. Nous allons poursuivre nos démarches parce que nous croyons que les données scientifiques confirment que le changement de règlement que les États-Unis envisagent devrait se réaliser et que la frontière devrait être rouverte aux bovins vivants.
Le sénateur Tkachuk : Notre stratégie est la même.
M. Mitchell : Non. Comme je l'ai dit au début, pour ce qui est du soutien que nous offrons à l'industrie, notre stratégie consiste à repositionner les investissements de 48 millions de dollars qui permettront à l'industrie d'être rentable, avec ou sans l'ouverture de la frontière, mais nous continuons de travailler d'arrache-pied à faire ouvrir la frontière.
Le sénateur Callbeck : Étant donné l'heure, je serai brève. Premièrement, je dois dire que j'ai été ravie de vous entendre parler de l'abattoir dans l'Atlantique et du fait que vous estimez possible d'arriver à un accord sur la traçabilité, parce que cette question est très importante là-bas. Vos paroles me remplissent d'espoir.
Je voulais vous interroger sur le PCSRA. Le président de la Fédération canadienne de l'agriculture était ici il y a quelques semaines. Il a déclaré que l'une des plus grandes préoccupations était la prime, ou le montant d'argent qu'il fallait déposer ou mettre dans un compte au début. Le ministère examine-t-il des solutions de rechange et, le cas échéant, quelles sont-elles?
J'ai une autre question. J'ai récemment lu que le ministère du Commerce des États-unis avait instauré des droits de douane de 13 à 15 p. 100 sur les porcs canadiens vivants qui entrent aux Etats-Unis. Les Américains soutiennent que leurs éleveurs sont désavantagés à cause de la subvention accordée aux éleveurs canadiens. Quelle est cette subvention?
M. Mitchell : Pour ce qui est du PCSRA, il y a deux processus d'examen des changements en place. Quand les ministres sont allés à l'Île-du-Prince-Édouard pour assister à la réunion annuelle, ils se sont engagés à examiner le PCSRA et la question des dépôts. En outre, nous avons constitué un processus d'examen annuel que les gouvernements et l'industrie appliqueront ensemble. La moitié des membres du comité d'examen représentent l'industrie; le comité devra donc se pencher sur les questions qu'ils soulèvent. L'un des principes que nous appuyons tous dans le contexte de la gestion des risques de l'entreprise est le partage de la responsabilité entre les éleveurs et le gouvernement, et ce principe devra continuer de s'appliquer au processus ou à la structure que nous envisagerons au fil de nos travaux.
Pour ce qui est du porc, deux mesures ont été prises. L'une était une mesure compensatoire qui laisse supposer que le gouvernement subventionnait les éleveurs. Le ministère américain du Commerce n'a trouvé aucun avantage à cette mesure compensatoire et aucune mesure de rétorsion n'a été prise.
Une deuxième intervention antidumping a laissé croire que certaines entreprises vendaient à un prix inférieur à celui du marché, et qu'elles faisaient en réalité du dumping. Les Américains sont parvenus à la décision préliminaire que c'était le cas. Nous ne sommes pas d'accord. Nous estimons que le prix du porc fluctue en fonction de l'offre et de la demande, et qu'il ne s'agit pas de dumping. Nous menons une campagne énergique aux États-Unis pour démontrer clairement que les mesures prises par les Américains ne nuisent pas seulement aux éleveurs canadiens, mais aussi aux éleveurs américains, qui comptent sur nos animaux vivants pour maintenir leurs activités. Leur intervention est aussi néfaste pour eux que pour les Canadiens, mais nous y travaillons aussi avec énergie. En ce qui concerne la mesure compensatoire, ils n'ont trouvé aucune subvention accordée par le gouvernement du Canada.
Le sénateur Ringuette : Monsieur le ministre, je ne vais pas vous parler de l'ESB. Je suis originaire de la zone de culture de pommes de terre du Nouveau-Brunswick. Cette région est en crise et je sais que notre député a communiqué avec vous et avec votre ministère. Jusqu'à maintenant, le délai de réponse a été acceptable, et nous vous en remercions.
Toutefois, j'aimerais vous parler d'une autre situation où le délai de réponse n'est pas aussi satisfaisant. Il s'agit de la question du PVYn, qui a sévi en 1991. Nous sommes maintenant en 2004, quelque 13 ans plus tard, et le ministère est devant les tribunaux avec les producteurs de pommes de terre du Nouveau-Brunswick. Cela dure depuis longtemps. Je ne vais pas parler ce soir de la portée des communications pendant les procédures. Je veux vous parler de tous les frais que le ministère doit payer pour affronter en cour les producteurs de pommes de terre du Nouveau-Brunswick concernant cette question du PVYn. Ces procédures impliquent au moins neuf semaines de comparution par un grand nombre de hauts fonctionnaires de l'ACIA, votre ministère. Il y a aussi eu une semaine pour le moins étonnante en Écosse afin d'examiner les faits et de rencontrer des experts. Puis, il y a les communications préalables. Il s'agit d'un incident dont les producteurs de pommes de terre ont souffert en 1991. Les fermiers de l'Île-du-Prince-Édouard ont été indemnisés deux ans plus tard. Après 13 ans, nous sommes toujours devant les tribunaux avec les producteurs de pommes de terre du Nouveau-Brunswick.
Je veux connaître le coût de ce procès. Depuis 13 ans, des experts et des hauts fonctionnaires vont d'un bout à l'autre du pays et jusqu'en Écosse. Je pense que c'est déraisonnable. Mais avant d'émettre une opinion, je veux savoir combien il en coûte aux contribuables canadiens pour camoufler une erreur qui a probablement a été commise par un bureaucrate du ministère. Les producteurs de pommes de terre du Nouveau-Brunswick souffrent depuis 13 ans de ce problème de PVYn. Je veux connaître le coût pour les contribuables canadiens et pour ces producteurs que je représente ici.
M. Mitchell : Je vous remercie de votre question. Je n'ai pas l'information sous la main, mais je veillerai à fournir cette information au sénateur par l'entremise du président. Je rédigerai une lettre dans laquelle j'indiquerai le coût, et qui rappellera toute l'affaire; je veillerai à ce que vous receviez l'information.
Le sénateur Ringuette : Je connais très bien l'affaire.
M. Mitchell : Je veillerai à ce que vous obteniez l'information que vous demandez.
Le sénateur Ringuette : Merci.
Le sénateur Mercer : Monsieur le ministre, bienvenue. J'admire le travail que vous avez accompli dans vos ministères précédents. Je vous félicite pour vos réalisations et je pense que vous ferez aussi bien à l'Agriculture.
Le président de la Fédération canadienne de l'agriculture était présent à notre dernière réunion. Je lui ai posé une question à propos du Programme de redressement de l'ESB, et il a été question d'environ 2,5 milliards de dollars, ou peu importe le montant qui a été affecté à ce programme. Nous convenons tous que les ministères sont animés de bonnes intentions. Ce que je trouve frustrant, c'est que l'argent ne s'est pas rendu aux fermiers.
Depuis notre dernière réunion, j'ai appris que la marge bénéficiaire de trois des plus grandes entreprises de conditionnement de la viande avait augmenté de 281 p. 100 au cours des six derniers mois de 2003. Quand j'ai demandé au président de la Fédération canadienne de l'agriculture, Bob Friesen, de faire un commentaire là-dessus pendant notre dernière réunion, il a dit :
Nous croyons que le premier argent versé à l'industrie bovine, l'été dernier, constituait l'une des sommes d'argent les plus facilement gagnées par les usines de conditionnement de viande.
J'aimerais connaître votre opinion là-dessus, mais je vais d'abord poser mes autres questions.
Aujourd'hui, à Winnipeg, des représentants du domaine vétérinaire au Canada ont dit qu'ils ne seraient pas surpris de trouver un petit nombre de cas de maladie de la vache folle après avoir intensifié le dépistage chez les animaux âgés et ceux qui sont malades. Mme Frédérique Moulin, cadre à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, a déclaré que s'il y a un cas indigène d'ESB, même si la prévalence de l'ESB dans le cheptel national est très faible, il est possible que d'autres cas se présentent. C'est un grave problème. Je ne dis pas que Mme Moulin a tort, mais ma question est la suivante : sommes-nous prêts à faire face?
Je crois fermement que nous, Canadiens, sommes trop gentils. Je suis convaincue qu'il y a probablement eu des douzaines de cas d'ESB aux États-Unis qui n'ont pas été signalés, et ils ont suivi la méthode de Ralph Klein, c'est-à- dire qu'ils ont camouflé. Je sais que vous n'exprimerez pas d'opinion là-dessus, et je ne vous blâme pas, mais je peux donner mon avis car je ne suis pas le ministre. Je crois que la situation est ainsi.
M. Veneman a donné sa démission comme secrétaire de l'Agriculture aux États-Unis. Est-ce une bonne nouvelle, en ce sens que notre frontière pourra être rouverte plus rapidement et que notre bétail pourra passer la frontière?
M. Mitchell : Pour répondre à votre dernière question d'abord, peu importe qui est secrétaire de l'Agriculture aux États-Unis, nous continuerons de travailler avec énergie pour rouvrir la frontière. Je suis prêt à travailler avec le secrétaire de l'Agriculture, peu importe qui il est, et nous agirons aussi énergiquement que nous le pouvons à ce palier et à tous les paliers de l'administration, au congrès et auprès des décideurs.
Pour répondre à la question précédente, nous appliquons un programme de surveillance, comme le recommande l'OIE. C'est important. Comme je l'ai déjà dit, nous avons largement dépassé l'objectif de 8 000 bêtes cette année, et celui de l'an prochain est de 30 000. Cela servira à déterminer la prévalence de l'ESB. Les commentaires qui ont été faits étaient tout à fait appropriés. Lorsqu'on effectue de la surveillance, il y a un risque de trouver un autre animal atteint de l'ESB. C'est toujours possible. La surveillance vise en partie à en déterminer la prévalence.
Pour répondre à votre première question, je sais que vous et moi avons eu une discussion à ce propos et je présume que les membres de ce comité savent que le comité de la Chambre s'est engagé sur l'un des aspects de cela. Le vérificateur général de l'Alberta a effectué une étude sur le sujet et a conclu dans son rapport que les augmentations importantes venaient des forces de l'offre et de la demande en action dans un marché perturbé. C'est l'une des réalités auxquelles nous sommes confrontés : notre marché est perturbé.
C'est d'ailleurs pour remédier à cette situation, à court et à long terme, que le programme de repositionnement de l'industrie du boeuf a été conçu. D'un côté, le nombre d'animaux offerts pour l'abattage est beaucoup plus grand que la capacité d'abattage. De l'autre côté, cependant, les gens sont prêts à acheter tout le bœuf qui est transformé. Autrement dit, l'équation entre l'offre et la demande est différente de l'autre côté du marché. L'équilibre entre l'offre et la demande est troublé par notre incapacité d'effectuer tout l'abattage nécessaire. D'un côté, nous avons plus d'animaux que de ressources pour les transformer, mais de l'autre côté — et c'est là où le Canada se démarque de tout autre État à mon avis —, notre consommation réelle de bœuf a augmenté après la découverte de l'ESB. Notre demande reste la même. Notre marché est irrationnel, parce que l'offre et la demande n'arrivent pas à s'équilibrer.
En nous dotant des ressources nécessaires pour l'abattage, nous pourrons traiter les surplus. Entre-temps, comme il faut du temps pour se doter de telles ressources, nous avons lancé des programmes de retrait pour que le nombre d'animaux offerts se rapproche presque immédiatement le plus possible du nombre d'animaux qu'on peut abattre.
Lorsque nous avons envisagé cette possibilité pour la première fois, le prix d'un bovin gras oscillait entre 65 et 66 cents en Alberta. À la fin d'octobre, il était passé à 81 cents. C'est une augmentation importante d'argent dans les poches des producteurs du marché. Pour ce qui est des jeunes bovins, leur prix a lui aussi augmenté. Cependant, il n'est pas encore revenu au niveau d'avant. Nous allons travailler fort pour y arriver grâce à la série de mesures dont nous venons de parler, dont les programmes de retrait à court terme, la création de nouvelles ressources pour l'abattage à moyen terme et le développement de nos marchés internationaux à long terme. Toutes ces mesures visent à rapporter une certaine rationalité dans le marché pour que les producteurs puissent prendre des décisions d'affaires judicieuses dans un marché au fonctionnement raisonnable.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce que je peux poser une autre question sur les chiffres?
La présidente : Très rapidement, parce que nous voulons aussi entendre les sénateurs Sparrow et Mahovlich.
Le sénateur Tkachuk : Cette question est liée à ma question précédente. J'ai posé une question sur les 38 000 et les 8 000, et vous avez parlé des 38 000. Vous m'avez dit aussi que vous aviez fait 12 000 tests. Allons-nous en faire 12 000 et 30 000 ou 8 000 et 26 000 ou encore 12 000 et 36 000?
M. Mitchell : Il y a une différence entre notre objectif et ce que nous accomplissons vraiment. Notre objectif était de 8 000 cette année et de 30 000 l'an prochain, pour un total de 38 000. Cette année, même si nous avions un objectif de 8 000, nous avons dépassé ce nombre et en sommes maintenant à 12 000. Nous avons réussi à faire plus que ce que nous avions prévu pouvoir faire.
Le sénateur Tkachuk : L'an prochain, allez-vous tout de même en faire 30 000?
M. Mitchell : L'objectif est de 30 000. Est-ce que nous allons l'atteindre? C'est ce que nous allons voir au fur et à mesure. Nous allons soumettre au moins 30 000 animaux au dépistage en 2005.
Le sénateur Sparrow : Pour revenir à la réouverture de la frontière, on continue de parler de raisons scientifiques, c'est-à-dire que la frontière devrait ouvrir parce que la science indique qu'il n'y a pas de problème. Parlez-vous de tous les bovins ou encore seulement de ceux de deux ans et moins? Selon la science, pourrait-on exporter des bovins vers les États-Unis?
M. Mitchell : Notre but ultime, c'est que la frontière rouvre pour les bovins de tous âges, dans les deux sens. Le changement réglementaire qu'envisage actuellement l'USDA, et qui devrait être approuvé ensuite par l'Office of Management and Budget, l'OMB, consisterait à rouvrir la frontière pour les animaux vivants de 30 mois et moins. C'est le changement réglementaire qu'envisage l'USDA pour l'instant. Ce sont les premières mesures que nous devrions voir adoptées par l'USDA et l'OMB, puis entrer en vigueur.
Le sénateur Sparrow : Avez-vous espoir que la frontière rouvre pour les bovins plus âgés ou est-ce une cause perdue pour encore au moins un an ou deux?
M. Mitchell : Il va y avoir des démarches à plus long terme, mais nous n'allons pas relâcher nos efforts. Pour l'instant, nous nous concentrons sur le changement réglementaire à l'étude. C'est la première chose que nous devrions être autorisés à faire.
À nos yeux, en 1997, lorsque nous avons interdit les aliments pour ruminants à base de farines de ruminants, nous avons fait ce qu'il fallait pour prévenir la propagation de l'ESB. Nous croyons que cette mesure était la bonne mesure à prendre en 1997 et qu'elle a porté fruit depuis.
Le sénateur Sparrow : Pouvez-vous nous dire quand vous vous attendez à ce que la frontière rouvre?
M. Mitchell : Non, je ne le peux pas, sénateur. J'ai dit d'emblée, lorsque j'ai été nommé à ce poste, que je n'essaierais pas de deviner quand rouvrira la frontière. Je ne veux pas que les producteurs prennent des décisions en fonction de mes estimations. Je donnerai une date précise lorsque ce sera sûr.
Le sénateur Sparrow : Pour ce qui est de la capacité d'abattage, quelques abattoirs ont fermé leurs portes au cours des dernières années. Par conséquent, notre capacité d'abattage est dorénavant de propriété étrangère à environ 80 p. 100. Vous parlez maintenant d'investir dans les abattoirs. Aurons-nous besoin de cette capacité supplémentaire si la frontière rouvre? Je pose la question, parce que nous pourrions favoriser la croissance de la capacité d'abattage et mettre les abattoirs en situation financière précaire à court terme, parce qu'il n'y aurait pas suffisamment de bovins pour combler les besoins du marché canadien si l'exportation reprenait aux États-Unis. Vous semblez optimiste quant à la capacité d'abattage et croire qu'une fois que nous l'aurons, il y aura des marchés pour cela, mais je n'entrevois pas dans un avenir rapproché une ouverture des marchés pour l'industrie de l'abattage canadienne. Lorsque la frontière rouvrira, les produits finis du boeuf afflueront des États-Unis vers le Canada. C'est ce qui s'est toujours passé. Notre capacité d'il y a deux ans était équilibrée pour l'exportation et la consommation canadienne.
Je veux que vous m'assuriez, si vous le pouvez, que ces abattoirs ne se trouveront pas aux prises avec un problème de capacité excédentaire et que notre industrie ne perdra pas l'argent que les agricultures auront investi. C'est ce qui est arrivé dans l'industrie porcine. Nous avons provoqué l'essor de l'industrie. Nous disions qu'il y avait un marché et que nous voulions augmenter notre capacité. Cependant, le cycle porcin va tellement vite que si l'on produit trop, le prix du porc chute. Puis on réclame des subventions pour l'industrie porcine. Tout à coup, le prix remonte, mais le cycle est très court. Je crains de créer ce type de cycle dans l'industrie bovine aussi si nous favorisons l'expansion de l'industrie d'abattage; nous pourrions être pris au dépourvu.
M. Mitchell : Vous me posez de très bonnes questions, sénateur. En ce moment, nous abattons entre 79 000 et 81 000 animaux par semaine. Compte tenu de la taille de notre troupeau, nous aurions vraiment besoin d'en abattre environ 100 000. Nous en abattions moins de 79 000 lorsque la frontière a fermé. Une partie du rattrapage s'est faite grâce à la capacité des abattoirs d'augmenter un peu leurs volumes. Cela nous a permis de rattraper une partie de notre arriéré.
Avant mai, nous avions un système intégré. Certaines qualités de viande étaient transformées au sud, puis la viande revenait au nord. Nous nous sommes rendu compte qu'une fois cette intégration compromise, l'industrie se trouvait dans le pétrin. Le fait de nous doter de ressources au Canada permet aux producteurs de transformer leur viande au Canada, puis de vendre un produit fini aux États-Unis et ailleurs dans le monde.
Pour développer notre système, nous disons que les abattoirs doivent respecter deux critères : ils doivent suivre un plan d'affaires solide et être durables après l'ouverture de la frontière. Ce sont les critères qui doivent être respectés avec diligence pour les propositions qui nous sont soumises.
Il y a différents scénarios dans les diverses régions du pays. Par exemple, dans les Maritimes, il est essentiel d'établir un abattoir. Cela a été fait de sorte que le plan d'affaires montre clairement que l'abattoir survivra, que la frontière rouvre ou non, ou qu'il devrait survivre que la frontière rouvre ou non, en raison des questions de transport et de la façon dont l'établissement est structuré. Autrement dit, les producteurs font partie de la solution parce qu'ils doivent garantir que leur produit ira à l'abattoir. La réalité est différente dans les autres régions du pays.
Nous essayons aussi de développer des marchés internationaux pour les produits finis. Nous progressons en Asie. Nous allons continuer en ce sens afin d'accroître nos marchés internationaux. Cependant, monsieur le sénateur, vous avez raison de dire que nous devons le faire dans une perspective de durabilité après la réouverture de la frontière. Les producteurs vont prendre des décisions sur la façon dont ils veulent voir l'industrie se structurer lorsque la frontière rouvrira. Ils vont décider quelle partie de leur cheptel ils veulent faire transformer à l'extérieur du pays et quelle partie ils veulent faire transformer au pays. Je pense qu'ils vont tenir compte de l'expérience des dernières années pour prendre cette décision.
Le sénateur Sparrow : Vous dites que c'est le producteur qui va décider. Les producteurs ne sont vraiment pas placés pour prendre de telles décisions. Ce sont les décisions commerciales de la structure d'entreprise de l'industrie américaine qui vont orienter ces décisions. Les producteurs bovins eux-mêmes — vous avez utilisé le mot « producteurs » et je présume que vous parlez des véritables producteurs — n'ont pas le choix. Nous vendons nos produits sur ce marché. Nous n'avons pas le choix. La décision d'exporter vers un pays ne dépend pas du producteur.
M. Mitchell : Brièvement, l'idée consiste à donner aux producteurs le choix en créant des ressources au Canada.
Le sénateur Mahovlich : Monsieur Mitchell, je vous souhaite la bienvenue au Sénat.
Le 23 octobre 2004, les États-Unis et le Japon ont conclu un accord-cadre qui permettra la reprise du commerce du bœuf entre les deux pays. Le Japon est en train de revoir sa réglementation nationale pour modifier ses exigences en matière de dépistage de l'ESB et ses autres procédures. J'aimerais que vous m'expliquiez cette révision. Le Département de l'agriculture des États-Unis créera un programme spécial de commercialisation pour le Japon, en vertu duquel il garantira au Japon que les produits exportés respectent les dispositions de l'accord. Le gouvernement du Canada a-t-il tenté de conclure une entente similaire avec le Japon? Le Canada peut-il s'attendre à un accord officiel avec le Japon dans un avenir rapproché?
M. Mitchell : Je vous remercie, sénateur. Il y a plusieurs éléments en jeu. Le problème qui se pose à nous pour le marché japonais, et les Américains y sont confrontés eux aussi, c'est qu'après un certain nombre de cas d'ESB dans leur propre pays, les Japonais ont mis en place un régime national exigeant que tous les animaux subissent un test de dépistage. Nous croyons, preuves scientifiques à l'appui, qu'il n'est pas nécessaire ni approprié de prendre une telle position, et les Américains partagent cet opinion. Les Japonais ont dit qu'ils n'accepteraient que les importations respectant leur politique nationale. Les importations doivent respecter exactement les mêmes normes de dépistage que leurs produits nationaux.
Deux choses ont changé pour les Japonais, et les deux sont positives pour le Canada. La première est leur volonté de modifier leur politique nationale afin de ne plus exiger que les animaux de 21 mois et moins soient soumis à un test. C'est important, parce que nous ne pouvons pas avoir accès à leur marché sans ce changement. Ils sont en train de le faire. En même temps, ils ont dit aux Américains qu'ils étaient prêts à entreprendre des discussions sur les règles régissant l'importation. Les Japonais nous ont dit — ils me l'ont dit directement et l'ont déclaré publiquement — qu'ils estiment que le marché nord-américain est un marché intégré et qu'il n'y a pas de distinction entre le Canada et les États-Unis. Ils ont dit clairement que ce qui est concédé aux États-Unis sera concédé au Canada et qu'il lui sera concédé en même temps. Ce sont de bonnes nouvelles pour le Canada. Ils ont dit qu'il y aurait une mission technique envoyée aux États-Unis pour discuter de tout cela et que cette mission technique viendrait aussi au Canada pour en discuter avec nous.
Les changements qui s'opèrent sur le marché japonais sont des changements nord-américains. Ils sont positifs pour le Canada. Nous croyons que notre régime réglementaire, et particulièrement nos façons de suivre et de retracer les animaux, n'a pas son pareil et que nous serons en mesure de respecter les exigences des Japonais pour exporter vers leur marché.
La présidente : Monsieur Mitchell, je vous remercie infiniment. Je sais que vous avez un horaire serré ce soir. Je pense que les questions qui vous ont été posées vous montrent que nous serions ravis d'approfondir le dialogue avec vous lorsque cela vous conviendra. J'espère que vous reviendrez nous voir.
Vous avez été très généreux ce soir. Toutes les personnes présentes à la table s'inquiètent de cette situation. J'aurai peut-être l'occasion, la prochaine fois, de vous poser une question.
Nous avons déjà hâte de vous revoir. Nous vous souhaitons beaucoup de succès. Ce sont de grands enjeux qui sont très importants pour notre pays. Je vous remercie d'avoir pris du temps avec nous ce soir.
M. Mitchell : Je remercie tous les membres du comité. Je me réjouis de travailler avec vous et j'ai bien hâte d'avoir l'occasion de vous rencontrer de nouveau. Je sais que vous êtes tous aussi déterminés que moi, que le gouvernement et que mon ministère, à prendre des mesures dans le meilleur intérêt des producteurs canadiens et de l'industrie en général. Je vous suis reconnaissant de votre appui et je me réjouis à l'idée de travailler avec vous.
La présidente : Je remercie également M. Edwards et M. Fadden.
La séance est levée.