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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 19 - Témoignages du 23 novembre 2005


OTTAWA, le mercredi 23 novembre 2005

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-55, Loi édictant la Loi sur le Programme de protection des salariés et modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 17 h 15 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstien (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour mesdames et messieurs, nous sommes ici pour examiner le projet de loi C-55 qui, comme vous le savez, est un projet de loi un peu controversé. Tout le comité est réuni. Nous recevons également un ministre et un secrétaire parlementaire.

Nos délibérations sont télévisées d'un océan à l'autre par la chaîne CPAC, ce qui permet aux Canadiens de nous voir et de nous écouter pendant nos délibérations. Ces délibérations se retrouveront également sur Internet, non seulement partout au Canada, mais à l'échelle mondiale. Il s'agira donc d'une séance diffusée à l'échelle internationale qui concerne tous ceux qu'intéresse la question.

Nous sommes ravis de recevoir aujourd'hui l'honorable Joe Fontana, de London, Ontario, ainsi que l'honorable Jerry Pickard, secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie.

Comme vous le savez tous sans doute, ce projet de loi est d'un immense intérêt pour ce comité, puisqu'il tire sa genèse des études que nous avons faites sur la question et des recommandations que nous avons présentées au gouvernement. Il nous a fallu beaucoup de temps pour nous occuper de cela. Nous sommes également ravis de compter parmi nous le sénateur Goldstein, qui était le conseiller du comité à l'époque, mais qui, du fait de son excellent travail au Sénat, occupe désormais un poste de sénateur.

Je voudrais également vous présenter le sénateur Zimmer, un ancien collègue et ami, qui vient du Manitoba. Il est maintenant membre du comité pour la première fois. Nous tenons à lui souhaiter la bienvenue. C'est récemment qu'il a été nommé sénateur.

L'honorable Joseph Frank Fontana, ministre du Travail et du Logement : Honorables sénateurs, permettez-moi tout d'abord de vous remercier du fond du cœur non seulement pour le travail ardu que vous avez accompli, mais aussi pour l'incroyable travail que le Sénat a effectué pour un dossier qui, selon moi, et selon le gouvernement, est d'une grande importance. Je suis accompagné de M. John McKennirey Gay Stinson, du ministère du Travail et de RHDCC.

Mesdames et messieurs les sénateurs, notre gouvernement écoute attentivement les préoccupations des travailleurs canadiens qui éprouvent des difficultés quand leurs employeurs déclarent faillite. Nous avons consulté les Canadiens d'un océan à l'autre et nous avons bien compris le message que les syndicats et les spécialistes de la faillite et du prêt nous ont livré. Nous devons passer à l'action afin d'ajuster notre régime de la faillite afin de mieux répondre aux besoins de notre économie et des travailleurs canadiens. La conciliation des intérêts des débiteurs et des créanciers demeure le fondement d'un régime de l'insolvabilité équitable et efficace au Canada. Voilà pourquoi notre gouvernement a déposé le projet de loi C-55, qui constitue un ensemble de modifications équilibré et complet du régime de l'insolvabilité au Canada.

Je voudrais vous parler de la manière dont ces modifications amélioreront la protection des travailleurs où l'employeur tente de restructurer son entreprise ou fait faillite. Depuis un peu plus d'une dizaine d'années, notre ministère parle de l'établissement d'un programme de protection des salariés.

Dans le régime actuel, trop de travailleurs canadiens deviennent vulnérables lorsque leur employeur effectue une restructuration ou déclare faillite. Un bon nombre de travailleurs canadiens perdent leur salaire ou une partie de leur pension et peuvent voir leur convention collective modifiée unilatéralement par un tribunal. Chaque année, 10 000 à 15 000 travailleurs canadiens sont privés de leur salaire en raison de la faillite de leur employeur au Canada.

Dans le régime actuel, de nombreux travailleurs doivent attendre que les autres créanciers soient payés, l'attente pouvant durer jusqu'à trois ans, et quand leur tour arrive enfin, il ne reste plus qu'une petite fraction du salaire qui leur est dû, soit 13 p. 100 en moyenne.

Le projet de loi C-55 propose une nouvelle manière de régler ce problème, soit un programme visant à assurer le versement rapide du salaire impayé. Le Programme de protection des salariés protégera le salaire impayé et les vacances des travailleurs canadiens jusqu'à concurrence de 3 000 $. Grâce à ce programme innovateur, les travailleurs canadiens touchés obtiendront leur argent plus rapidement, soit dans un délai de six à huit semaines et 97 p. 100 d'entre eux — je le répète — recevront le montant complet du salaire et les vacances payées qui leur sont dues.

Le coût de ce programme est évalué à 30 millions de dollars par année. Si le nombre de faillites augmentait considérablement au Canada, il pourrait grimper à 50 millions.

Dans le cadre du Programme de protection des salariés, le gouvernement assumera les créances des travailleurs contre l'actif de leur employeur en faillite. Autrement dit, le gouvernement recouvrera une partie de ces coûts en réclamant une partie de l'actif de l'employeur.

Le gouvernement augmentera aussi le niveau de priorités des salaires impayés en leur conférant le statut de super-priorité limitée, ce qui fait que les travailleurs seront parmi les premiers à être payés à l'aide des actifs de l'employeur en faillite. Ils passeront même avant les créanciers garantis.

Lorsqu'un travailleur impayé fera une demande au Programme de protection des salariés, il cédera au gouvernement sa créance contre l'employeur en faillite, jusqu'à concurrence du montant qu'il recevra du programme. La « super-priorité limitée » en matière de salaire impayé répartira mieux les risques liés à la faillite entre les employés et les autres créanciers de l'entreprise en faillite. Actuellement, le fardeau pèse trop lourdement contre les employés. Ils se présentent au travail tous les jours et s'attendent à être payés. On ne s'attend pas qu'ils soient traités comme des créanciers de l'entreprise. Le gouvernement pourra récupérer une partie des coûts du Programme de protection des salariés en rendant une grande partie de l'actif des faillis disponible pour régler les créances des employés.

Mesdames et messieurs les sénateurs, les pensions sont une question qui préoccupent bien des travailleurs canadiens. Dans le scénario actuel, quand une entreprise fait faillite, on ne peut pas verser dans leur régime de pension les cotisations déduites du chèque de paye des employés. Les cotisations que l'employeur aurait dû faire ne sont versées que lorsque presque tous les autres créanciers ont été payés.

Les modifications proposées remédieront à cette situation. En cas de faillite ou de mise sous séquestre, les cotisations que l'employeur aurait dû faire ou qui étaient retenues sur la paye de l'employé devront maintenant être versées dans le régime de pension. Cette mesure améliorera la protection des pensions des travailleurs.

Le projet de loi C-55 vise à favoriser la réorganisation plutôt que la faillite. À long terme, cette solution pourrait rapporter d'énormes dividendes, en sauvant des emplois au Canada, en favorisant un recouvrement plus efficace des créances et en stimulant la concurrence dans notre économie.

Les modifications proposées apportent aussi d'importants changements au traitement des conventions collectives en cas d'insolvabilité. Lorsque l'employeur essaie de se restructurer pour éviter la faillite, cette réforme prévoit un mécanisme qui peut l'obliger à renégocier sa convention collective avec ses employés en vertu des dispositions pertinentes sur les relations de travail. Cependant, il ne sera pas facile d'obtenir d'un tribunal une ordonnance autorisant une entreprise insolvable à envoyer un avis de négocier aux syndicats avec lesquels elle a signé une convention collective. L'employeur devra démontrer à la satisfaction du tribunal que la restructuration est impossible sans concession de la part des employés et le syndicat pourra s'opposer à sa demande. Les deux parties, le syndicat et l'employeur insolvable, pourront négocier de bonne foi les changements qui pourront être apportés à leurs conventions collectives. Cependant, ces modifications n'obligeront pas le syndicat à faire des concessions. Elles l'obligeront seulement à négocier de bonne foi, en tenant compte des circonstances.

Je vous remercie de votre attention et j'attends vos questions avec intérêt.

Mon collègue, M. Pickard, va poursuivre.

L'honorable Jerry Pickard, secrétaire parlementaire au ministre de l'Industrie : Mesdames et messieurs les sénateurs, je suis très heureux d'avoir l'occasion de me présenter devant ce comité pour discuter du projet de loi C-55. Ce projet de loi apporte des modifications importantes aux deux lois canadiennes les plus importantes en matière d'insolvabilité, à savoir la Loi sur la faillite et la solvabilité (la LFI) et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (la LACC). Ce projet de loi créera également une nouvelle loi, la Loi sur le Programme de protection des salariés, dont le ministre du Travail sera responsable. Le projet de loi aura une incidence sur les faillites personnelles et sur les faillites d'entreprise ainsi que sur la restructuration des entreprises et sur les propositions des consommateurs.

Les réformes qu'entraînera le projet de loi C-55 se veulent exhaustives et ont pour but de moderniser le régime d'insolvabilité du Canada. Avec ce projet de loi, nous toucherons directement les intérêts de nombreux Canadiens, dont les propriétaires de grandes et de petites entreprises, les salariés, les fournisseurs des entreprises, les prêteurs, les consommateurs et les investisseurs.

Le projet de loi a été déposé devant la Chambre des communes seulement après de vastes consultations auprès des intervenants, des personnes œuvrant dans le domaine, des universitaires et d'autres parties intéressées. Des travaux importants ont également été réalisés par le comité en 2003 et ils ont mené à la rédaction du rapport intitulé « Les débiteurs et les créanciers doivent se partager le fardeau : examen de la Loi sur la faillite et de la Loi sur les arrangements avec les créanciers ». Le rapport a contribué à l'élaboration de nombreuses dispositions qui ont été incluses dans le projet de loi C-55.

Les objectifs visés par le projet de loi C-55 peuvent être généralement regroupés dans l'une des quatre catégories suivantes : protection accrue des salariés; promotion de la restructuration comme solution de rechange à la faillite; élimination des iniquités et réduction des abus; amélioration de la gestion du régime d'insolvabilité.

Permettez-moi de vous décrire brièvement en quoi le projet de loi permettra d'atteindre ces objectifs.

Il est généralement reconnu que les salariés dont les employeurs déposent leur bilan ne sont pas adéquatement protégés. Les tentatives antérieures d'accroître la protection des salariés ont échoué, comme l'a souligné le ministre du Travail. Il est évident que des modifications devaient être apportées dans ce projet de loi. Mon collègue, le ministre du Travail, a expliqué les quatre éléments dont je viens de faire état, alors je vais donc sauter cette partie de mon allocution.

L'expérience a montré qu'il est plus avantageux de procéder à une restructuration qu'à une liquidation par voie de faillite. On sauvegarde ainsi des emplois, les créanciers recouvrent une plus grande partie de leurs créances et on stimule la concurrence. C'est pourquoi l'un des principaux objectifs du projet de loi C-55 est de promouvoir les restructurations. Ce projet de loi cherche à inculquer la restructuration dans les mentalités en instaurant une plus grande transparence dans les audiences des tribunaux, en permettant aux parties concernées de prendre une part plus active à ces audiences et en améliorant le système de frein et de contrepoids pour plus d'équité et d'efficacité.

Dans ce but, le projet de loi énonce à l'intention des tribunaux des directives visant à accroître la certitude et la prévisibilité en matière de financement provisoire, de résiliation et de cession de contrats, de vente d'éléments d'actifs hors du cours ordinaire des affaires, d'accords de gouvernance conclus avec la compagnie débitrice et de l'application de mesures réglementaires durant le processus de restructuration. Ces questions ont été abordées dans les recommandations que votre comité a formulées dans son rapport de 2003 et dont tiennent compte les dispositions du projet de loi dans une large mesure.

Comme l'a recommandé le comité, le gouvernement a maintenu les deux lois, à savoir la LFI et la LACC. Toutefois, pour la plupart des modifications apportées à la LACC en matière de restructuration des entreprises, des modifications concordantes ont été apportées aux dispositions que l'on propose d'apporter à la LFI par souci de cohérence.

On propose également de modifier la LFI de manière à encourager les particuliers à conclure des propositions de consommateurs et à les respecter plutôt qu'à déclarer faillite. Les faillis bénéficiant d'un revenu excédentaire devront payer davantage et plus longtemps qu'en vertu de la loi actuelle, ce qui rendra plus attrayant pour eux de formuler de telles propositions. De plus, il leur sera plus facile de remédier à de légers manquements dans le cadre de telles propositions lorsque l'administrateur jugera qu'il y va de l'intérêt tant des créanciers que du débiteur.

L'élimination des iniquités et la diminution des abus sont également importantes. Les modifications contenues dans le projet de loi C-55 traiteront des iniquités structurales relevées dans la LFI et viseront à réduire la portée des abus qui pourrait résulter de faillites stratégiques.

Comme l'a recommandé le comité, le projet de loi met tous les régimes enregistrés d'épargne-retraite à l'abri de la saisie, en cas de faillite. Les REER sont un volet essentiel de la planification de la retraite des travailleurs autonomes et des travailleurs dont l'employeur n'offre pas de régime de retraite. Actuellement, la protection des REER varie en fonction de la province de résidence et du type de REER. Cela mène à des iniquités dans le traitement des débiteurs. Le projet de loi C-55 élimine ces iniquités et assure aux Canadiens que leurs caisses de retraite ne pourront pas être saisies en cas de faillite.

Le projet de loi C-55 tente également de limiter les abus éventuels en empêchant autant que possible les personnes ayant de lourdes dettes fiscales de se servir de la faillite pour se débarrasser de leurs dettes au fisc. En outre, les tribunaux auront le pouvoir de diriger les paiements vers un créancier unique dans des circonstances exceptionnelles, lorsque le fiduciaire n'a pas respecté son obligation d'agir avec diligence ou lorsque le failli a tenté d'agir contre l'intérêt de l'un de ses créanciers.

Enfin, le projet de loi C-55 comprend de nombreuses modifications techniques visant à améliorer l'administration du système d'insolvabilité. Nous élargissons le rôle du Bureau du Surintendant des faillites de façon à inclure la surveillance des activités découlant de la LACC. Les dispositions concernant les séquestres et le rôle et le pouvoir des fiduciaires et des contrôleurs sont également rendues plus explicites. La création proposée d'un poste de séquestre national, ayant le pouvoir d'agir partout au Canada, permettra de beaucoup mieux organiser le processus au profit des créanciers.

Monsieur le président, ce sont là quelques-uns des éléments clés du projet de loi C-55. Ce projet de loi a fait l'objet de beaucoup d'attention et il bénéficie d'un large appui. Les divers mémoires remis au comité comprennent des explications additionnelles relativement à son contenu.

Au nom du ministre Emerson, permettez-moi de remercier le comité de nous avoir entendus. Nous attendons avec intérêt que vous examiniez cette importante mesure législative. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Je précise que MM. Gilles Gauthier et Joseph Allen, d'Industrie Canada, m'accompagnent. Ils pourront nous aider pour certaines questions techniques.

Le sénateur Angus : Bienvenue à nos témoins. Je vous remercie d'être ici. Bien sûr, vous savez que nous vivons des moments extraordinaires sur la Colline parlementaire. Vous êtes probablement également au courant des préoccupations exprimées au sujet de cette mesure législative et du processus qui a été suivi. À ce sujet, le président a accepté de me permettre de faire une déclaration liminaire avant de poser des questions.

Monsieur le ministre et, plus particulièrement, monsieur le secrétaire parlementaire, vous avez participé directement au processus d'adoption du projet de loi C-55 à la Chambre des communes. Depuis hier, lorsque les sénateurs et, en particulier, les membres de ce comité, ont appris qu'ils seraient saisis de ce projet de loi, nous avons reçu un nombre extraordinaire d'appels téléphoniques, de courriels et de lettres de la part d'intervenants inquiets de voir le projet de loi adopté à toute vitesse en raison des élections qui nous pendent au bout du nez et de la situation que cela entraîne.

Je suis membre du comité des banques depuis 1993 et je m'intéresse depuis toujours à l'examen et à la réforme des lois canadiennes concernant la solvabilité. J'ai été un participant actif à la préparation du rapport dont vous avez parlé, monsieur Pickard. Les membres du comité espéraient un long examen détaillé et pondéré du projet de loi, en février. En ce qui concerne les dispositions dont vous avez parlées, monsieur Pickard, nous avons le sentiment que la brève partie de ce grand projet de loi — 150 pages environ — qui porte sur la protection des salariés et l'accroissement de la protection des travailleurs en les désignant créanciers privilégiés n'est qu'une toute petite partie d'une loi-cadre beaucoup plus vaste. En rétrospective, il aurait mieux valu que cela constitue un projet de loi distinct. Au cours des 24 dernières heures, certaines personnes ont déployé des efforts en vue de séparer les dispositions portant sur la protection des salariés, parce qu'elles ne sont pas controversées et obtiennent l'appui de toutes les parties. Elles sont tout à fait logiques et correspondent à une partie des recommandations antérieures de notre comité. L'intention est claire, sous réserve d'un ou deux petits détails techniques. Nous avons travaillé avec ferveur pour essayer de trouver un moyen de séparer les deux éléments et de permettre que la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et les modifications aux lois sur la faillite soient reportées à une date à laquelle le comité pourra mieux leur accorder la considération qu'elles méritent.

Malheureusement, on nous a dit que cela ne se produira probablement pas. Si l'un de nos témoins de ce soir sait comment dissocier rapidement ces deux éléments, à savoir le Programme de protection des salariés et les mesures touchant l'insolvabilité, les membres du comité et, probablement, tous les sénateurs, lui en seraient très reconnaissants. Nous nous trouvons plongés dans ce que le sénateur Grafstein a appelé ce matin une crise de conscience. D'une part, nous avons l'obligation constitutionnelle d'examiner posément ce projet de loi, chose impossible à faire en une seule soirée. D'autre part, nous croyons que les salariés méritent la protection spéciale que ce projet de loi leur accorde. Nous nous trouvons donc face à un dilemme.

Nous, les membres du Parti conservateur, sommes absolument sidérés d'être ainsi plongés dans cette crise de conscience et de nous faire demander d'adopter un projet de loi qui, selon nous, mérite d'être étudié plus amplement. De surcroît, au cours des dernières heures, divers intervenants nous ont dit que le projet de loi contient de nombreuses fautes graves. Les observations que je fais sur cette situation pénible sont présentées de bonne foi. Je ne veux pas qu'il y ait de malentendu quant à ce que mes collègues et moi pensons de cette situation.

Monsieur Pickard, c'est le ministre Emerson qui serait le ministre responsable de la partie la plus importante de la loi proposée. Est-ce exact?

M. Pickard : Oui.

Le sénateur Angus : Savez-vous, l'un ou l'autre, s'il existe dans le projet de loi C-55 des défauts qui ont été portés à votre attention et qui rendent le projet de loi inapplicable? Il peut y avoir eu des omissions lors de la rédaction et elles doivent être corrigées.

M. Fontana : Sénateur Angus, je demanderais à mon collègue de répondre aux questions techniques. Je sais gré au Comité sénatorial des banques de tout le travail qu'il a effectué sur ce très important dossier. Comme le savent les sénateurs, la volonté d'apporter des modifications nécessaires à ces lois, notamment en ce qui concerne la faillite et l'insolvabilité, a constitué une des priorités du Sénat et de la Chambre des communes. Nous vivons des moments extraordinaires et nous n'avons donc pas eu le loisir d'accorder un temps suffisant à tous les comités pour entendre tous les intervenants pertinents, comme le comité de la Chambre des communes s'apprêtait à le faire, même si je dois vous préciser que des consultations poussées ont eu lieu avant que la rédaction du projet de loi ne soit terminée. Nous savons tous que c'est dans les détails que se trouvent les problèmes les plus épineux et qu'aucune mesure de loi proposée n'est aussi parfaite que nous le souhaiterions. Nous nous rendons compte du fait que, lorsque des projets de loi passent par le Sénat, ils en sortent souvent considérablement améliorés. C'est une chose que nous respectons.

Toutefois, comme vous l'avez dit, sénateur, ce processus ne ressemble en rien à celui auquel nous sommes habitués, étant donné ce qui pourrait bien se produire, et nous allons devoir attendre à lundi. Il y a donc eu accord de tous les partis à la Chambre des communes pour faire adopter cette mesure le plus rapidement possible, quelles que soient ses imperfections, afin que vous en soyez saisis et que nous puissions avoir cette mesure que les travailleurs attendent depuis un bon nombre d'années.

Le programme proposé de protection des salariés joue un rôle essentiel pour protéger des travailleurs qui, tous les jours, se rendent au travail en vertu d'un contrat social unique, à savoir qu'ils entendent être payés pour chaque heure travaillée. Je ne veux pas diminuer l'importance des autres éléments de cette mesure législative, car ils sont importants, mais je peux vous dire que tous les partis politiques à la Chambre des communes estiment que cette mesure législative est de la plus haute importance et que nous devrions l'adopter avant que la Chambre des communes, que le Parlement soit dissout.

Le sénateur Angus : La partie qui concerne les salariés?

M. Fontana : Oui.

Le sénateur Angus : J'espère que vous vous rappellerez, en continuant de me répondre, que les élections n'ont pas encore été déclenchées.

M. Fontana : Précisément, et libre en vous de me croire ou non, mais il y a de nombreuses très bonnes mesures législatives que nous aimerions voir adopter.

En réponse à votre question, pour que le programme proposé de protection des salariés fonctionne ou existe, pour que le mécanisme soit instauré, il faut apporter des modifications à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité ainsi qu'à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.

Vous m'avez posé une question. Peut-on séparer les deux? Aurait-on pu présenter toute une série d'autres amendements, comme nous en avons discuté à la Chambre des communes même? Oui, mais il faudrait du temps. Malheureusement, nous n'avons pas de temps.

Avec tout le respect que je vous dois, je vous dis que, quelles que soient les imperfections, et compte tenu du travail ardu que vous avez accompli, il y aura possibilité d'améliorer la loi une fois que le Parlement reprendra ses travaux. J'espère que nous ferons cela à la Chambre des communes. J'espère également que vous, qui avez amorcé ce processus il y a un bon nombre de mois, voire d'années, vous qui avez pris l'initiative, vous aurez la possibilité de nous faire part de votre point de vue dans un nouveau rapport sur les modifications à apporter à la LFI et à la LACC.

Toutefois, parce que cette mesure est de la plus haute importance et parce que tous les partis politiques ont compris son importance, nous vous prions respectueusement de l'adopter. Par ailleurs, lorsque le Parlement reprendra ses travaux, il conviendrait que ce comité et que les Canadiens apportent les améliorations nécessaires à la loi.

Comme nous manquons de temps et comme les Canadiens et tous les partis politiques estiment que cette mesure est de la plus haute importance, je vous prie humblement de ne rien changer à ce projet de loi. Même si des modifications étaient proposées, elles ne pourraient malheureusement pas être renvoyées à la Chambre des communes pour que nous y fassions le travail nécessaire. Nous sommes aux prises avec un dilemme. J'espère que la plupart des Canadiens comprendront que les lois ne sont pas toujours parfaites, mais que l'intention et l'esprit dans lesquels cette loi est proposée sont très importants pour les entreprises ainsi que pour les employés et les travailleurs du Canada.

Le sénateur Angus : Merci, monsieur le ministre. Je ne vous ai pas interrompu, mais ma question s'adressait en réalité aux autres messieurs. Vous avez dit ce que vous aviez à dire, et je dois faire ces observations dans le même esprit que celles que j'ai faites plus tôt. Vous ne pouvez pas prendre d'engagement parce que vous ne savez pas si vous serez au pouvoir une fois que les élections auront eu lieu. C'est d'ailleurs l'un des problèmes que le président et moi-même avons tâché de résoudre. Je vous sais gré de votre point de vue positif et de votre confiance au sujet de la volonté de la population. Ma question précise...

Le président : Une chose que le sénateur Angus va vous dire, c'est que, quels que soient les résultats, nous serons ici.

Le sénateur Angus : Les sénateurs seront ici.

M. Fontana : Je suis sûr que vous ferez le travail que nous n'avons pas fait.

Le sénateur Angus : Malheureusement, une erreur a été commise. En rétrospective, il aurait été utile que les divers éléments du projet de loi C-55 aient été dissociés. Toujours est-il que la question était celle-ci : à votre connaissance, existe-t-il actuellement des erreurs ou des lacunes dans ce projet de loi, erreurs que vous pourriez porter à notre attention?

M. Pickard : Sénateur Angus, vos observations sont justes et expriment les préoccupations que beaucoup d'autres personnes souhaiteraient exprimer. Comme vous l'avez dit au début de votre propos, nous vivons une période tout à fait inhabituelle. Nous savons que le comité sénatorial a effectué, sur cette question, un travail très approfondi et détaillé et qu'il a donné à la Chambre des communes et au ministère beaucoup d'excellentes pistes à explorer. Lors de la rédaction du projet de loi au sein du ministère et lors de l'étude de la mesure législative à la Chambre des communes, nous avons accepté près des deux tiers des recommandations présentées par le comité sénatorial. Cela montre déjà combien ces deux organismes ont écouté le comité sénatorial.

En même temps, je dois dire qu'un bon nombre des particularités qui ont été signalées témoignent des préoccupations d'autres ministères et d'autres provinces. Chaque province subit à sa façon l'effet de certaines parties de ce projet de loi. De ce fait, nous n'avons pu inclure dans cette mesure législative toutes les recommandations sans qu'il y ait une vaste consultation publique et sans que ne soient prises en compte les carences qui pourraient se produire.

Nous avions la responsabilité de rédiger le texte de base du projet de loi C-55 et nous avions ensuite la responsabilité de demander à des témoins d'examiner les lois provinciales concernées, les ministères que cela touche, les institutions, le commerce, les entreprises et les travailleurs concernés. Il est évident que l'étendue de la loi proposée a permis que certaines omissions se soient glissées, je n'en ai aucun doute et je n'essaie pas de prétendre le contraire. Le nombre de facteurs et de personnes concernées explique cette complexité.

Nous croyons toutefois que la plupart des Canadiens souhaitent que le projet de loi C-55 soit adopté. Nous croyons également que, même s'il y a certaines erreurs de parcours — il est évident que les audiences ne se sont pas tenues comme elles auraient normalement dû l'être au comité de la Chambre des communes — nous avons d'autres moyens de travailler sur ce projet de loi également. Nous pouvons examiner la réglementation et nous pouvons régler un bon nombre de problèmes au moyen de la réglementation afin de répondre à certaines des préoccupations qui seront exprimées. Il y a donc des possibilités de ce point de vue là, parce qu'une fois que le projet de loi obtient la sanction royale, la mise en œuvre n'intervient qu'à une date ultérieure. Il y a donc une possibilité manifeste de faire du travail législatif à cette étape.

J'encourage le Sénat — puisque vous avez dit que vous siégerez — à profiter de toutes les occasions de faire progresser ce projet de loi également. Je vous encourage également à voir ce qui serait possible en matière de réglementation et d'autres instruments.

Il ne s'agit pas d'une mesure définitive. Il y aura des occasions de traiter la question dans une perspective plus vaste. Si j'ai bien compris, vous dites tous qu'il faut apporter des améliorations; je suis relativement d'accord avec vous. C'est une affirmation légitime.

Le sénateur Angus : Excellente réponse. Mon collègue, le sénateur Meighen, examinera avec vous les moyens qui permettraient de résoudre les craintes qui nous ont été signalées aujourd'hui par les intervenants.

Vous avez reconnu que le projet de loi comporte certaines imperfections. Il y en a une, plus particulièrement, sur laquelle le secteur des services financiers, plus particulièrement les banques, a lourdement insisté aujourd'hui, et c'est la question du marché des instruments dérivés. On a apporté certaines modifications à la LFI afin que puissent être achevées, dans les faits, les mesures techniques qu'il faut prendre lorsqu'on participe à de telles transactions mondiales structurées. En fin de compte, il faut que les banques puissent financer ces transactions. Le Canada est très actif sur le marché des instruments dérivés, des échanges et d'autres produits structurés. Les fonctionnaires le savent sans doute.

D'après le secteur, cette question a été portée à l'attention des fonctionnaires — peut-être de M. Allen ou de M. Gauthier — et ceux-ci ont convenu qu'ils avaient fait une erreur. Lorsqu'on a modifié la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, on n'a pas tenu compte de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Par conséquent, les avocats qui représentent le secteur, entre autres, m'ont dit qu'ils ne seraient pas en mesure de fournir des opinions juridiques aux banques. Les banques ont besoin de ce genre d'opinions avant de consentir un prêt qui servira à financer de telles transactions.

Ai-je raison de croire que le secteur a signalé ce problème au ministère?

M. Pickard : Je vais demander aux fonctionnaires de répondre à cette question.

Gilles Gauthier, directeur, Politiques du droit corporatif et de l'insolvabilité, Industrie Canada : Effectivement, nous avons reçu des observations indiquant que, d'après le secteur, le projet de loi pourrait avoir des conséquences inattendues sur des contrats financiers admissibles. La mesure législative n'a pas pour but d'influer sur l'exemption relative aux contrats admissibles. À l'heure actuelle, sous le régime de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, les contrats financiers admissibles ne sont pas assujettis à la suspension de procédures imposées. On a fait valoir qu'en raison d'une modification à une autre disposition du projet de loi, on aurait diminué par inadvertance la protection consentie aux contrats financiers admissibles.

Mais certains ont cependant dit le contraire.

Le sénateur Angus : Et quelle est votre opinion, monsieur?

M. Gauthier : Le fait que la mesure législative reconnaisse expressément le caractère différent des contrats financiers admissibles ferait en sorte qu'un tribunal, en instruisant un cas de ce genre, accorderait la préséance à ce caractère distinct par opposition aux articles généraux que l'on trouve ailleurs dans le projet de loi.

Le sénateur Angus : Je n'en suis pas convaincu. Je sais quelle décision rendrait à ce sujet le juge Farley, par exemple; mais nous ne voudrions pas adopter des lois imprécises, qui pourraient avoir ce genre de conséquences. On nous a dit — et nous avons tous reçu les mêmes documents aujourd'hui — que si ce projet de loi avait force de loi dans sa version actuelle, le marché des instruments dérivés serait entièrement éliminé.

Il y a également d'autres éléments que le sénateur Goldstein connaît beaucoup mieux que moi — des imperfections ou des lacunes qu'il faudrait corriger dans la partie principale du projet de loi, dans la partie relative aux salariés. Il sera peut-être possible de corriger ces problèmes, selon la période de proclamation. Je n'en sais rien, je vais m'en remettre au sénateur Meighen.

Le sénateur Meighen : Je ne peux m'empêcher de répéter ce qu'ont dit un grand nombre de sénateurs, et de députés également, c'est-à-dire que nous n'avons pas beaucoup de temps. En fait, nous sommes si pressés qu'il semble impossible même d'envisager de scinder le projet de loi et d'adopter immédiatement la partie sur laquelle nous nous entendons. Cela s'est déjà fait par le passé; il y a des précédents dans les travaux du Parlement. Des projets de loi sont scindés parce que certains de leurs éléments peuvent en être séparés, bien qu'ils soient relativement interreliés. On peut adopter les mesures qu'on veut faire entrer en vigueur et on peut revenir par la suite sur les éléments qui posent plus de problèmes.

Les opinions que nous avons reçues ne portent pas seulement sur de fins détails; nous nous sommes rendu compte que certaines dispositions pourraient avoir pour effet de réduire gravement le crédit, entre autres. Je ne vais pas lire tout cela; vous en êtes aussi au courant que moi, probablement. Ces observations ont été faites par l'Association du Barreau canadien, l'Association des banquiers canadiens, l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes inc., l'Institut international d'insolvabilité, l'Institut d'insolvabilité du Canada et de grands cabinets d'avocats; ces gens s'inquiètent de ce que nous nous retrouverons hors jeu par rapport à ce qui se fait dans le reste du monde, comme vous en parliez il y a un instant.

Cela nous place tous dans un dilemme. Devrions-nous adopter une mesure législative qui comporte des lacunes graves, d'après des tiers indépendants et de savants observateurs, ou devons-nous rejeter ce projet de loi et en subir les conséquences, notamment permettre que les salariés ne reçoivent pas une protection qu'ils attendent depuis longtemps?

Il doit bien y avoir une solution, je le répète. Le ministre nous dit qu'il n'est pas possible de scinder le projet de loi. Je soumets respectueusement que si nous nous étions penchés sur la question un peu plus tôt, ne serait-ce que 36 heures plus tôt, nous aurions pu trouver une solution. Je vais donc croire sur parole ceux qui savent mieux que moi si c'est possible ou non.

Il existe toutefois une solution que l'on a abordée — c'est-à-dire un engagement de ne pas proclamer ce projet de loi jusqu'à ce que ces grandes lacunes aient été corrigées, après les élections. Nous semblons tous être d'accord pour réclamer des correctifs à cette mesure législative, quel que soit le parti qui remportera la victoire aux élections.

Le président : Puis-je avoir une précision? Est-ce tout le projet de loi qui ne serait pas proclamé ou simplement ces dispositions?

Le sénateur Meighen : J'allais proposer une alternative au ministre et à ses collègues.

Le président : J'essaie simplement de comprendre.

Le sénateur Meighen : Comme bon nombre d'entre nous, je préférerais que le projet de loi tout entier ne soit pas proclamé. Nous pourrons le proclamer lorsqu'il aura été corrigé; et en fait, il pourrait être proclamé avec un effet rétroactif de façon à ce qu'il s'applique aux faillites qui se seraient produites et aux salariés qui en auraient souffert entre-temps. Je ne crois pas que cela pose de problème.

Si ce n'est pas possible pour une raison quelconque, on pourrait proclamer en dernier recours le programme proposé de protection des salariés et laisser de côté le reste du projet de loi jusqu'à ce qu'aient été apportées les améliorations nécessaires que nous ont signalé tous les observateurs indépendants, afin d'éviter de nous mettre les pieds dans les plats.

Pourrions-nous avoir un engagement à cet effet?

M. Fontana : Si vous lisez le projet de loi, vous constaterez que la proclamation peut se faire en diverses étapes, comme vous l'avez indiqué — et cela se fait bien sûr par décret en conseil. Nous sommes prêts à collaborer avec vous. Aucun gouvernement, aucun des partis politiques qui appuient cette mesure, ne veut adopter un projet de loi improductif. Le fait que nous ayons consacré toute une année à la rédaction et aux consultations montre que nous voulons trouver un juste équilibre.

Les problèmes se trouvent toujours dans les détails. Ceux qui vous font part de ces opinions pourront en parler de nouveau lorsqu'ils témoigneront au comité de la Chambre des communes et nous pourrons voir comment nous pourrons rendre la mesure aussi parfaite et équilibrée que possible. Nous voulons entre autres nous assurer que les entreprises ne soient pas privées des capitaux dont elles ont besoin pour croître et créer de nouveaux emplois. Mais par contre, le programme de protection des salariés protégera les travailleurs qui se retrouvent tout à coup dans une situation précaire.

Le sénateur Meighen : C'est vrai, mais des gens nous disent que nous limitons le crédit.

M. Fontana : On pourrait longuement discuter de la façon dont nous le faisons. À mon avis, nous avons trouvé un juste équilibre. Notre seul but est de limiter sa super-priorité. Comme vous le savez, d'autres préconisaient une priorité absolue, mais cela aurait été un peu plus difficile. Nous avons essayé d'établir un équilibre. On a expliqué que dans la plupart des cas, le crédit ne sera pas refusé. En effet, grâce à une prévisibilité accrue et à de meilleures lois pour régir l'insolvabilité, entre autres, les établissements de prêts et les petites entreprises seront mieux en mesure de collaborer.

La réponse à votre question est donc la suivante : certaines dispositions du projet de loi permettraient au gouvernement de proclamer certaines dispositions de façon progressive. Par conséquent, je suis prêt à m'engager dans ce sens, compte tenu de ce que vous vous êtes dit prêts à adopter la mesure, quel que soit le parti qui formera le gouvernement. Nous espérons bien sûr que nous serons encore là pour mettre en place les mesures que nous avons incluses dans ce projet de loi. Mais en fin de compte, c'est un gouvernement qui en décidera.

Le sénateur Meighen : Vous avez dit que vous pourriez vous engager dans ce sens. Je ne suis pas sûr du sens dont vous parlez. S'agit-il de retarder la proclamation du projet de loi jusqu'à ce que les dispositions aient été corrigées?

M. Fontana : Oui. J'ai dit qu'il était possible de proclamer certaines parties du projet de loi à des moments différents.

Le président : Écoutez-moi un instant, car c'est très important. J'ai consulté des sénateurs de tous les partis et j'ai écouté avec attention le débat de deuxième lecture. Il y a au Sénat un consensus clair pour que soient adoptées les dispositions relatives à la protection des salariés. C'est ce que nous voulons. Vous avez entendu le sénateur Angus et le sénateur Meighen; vous n'avez pas encore entendu nos collègues libéraux, mais nous sommes tous préoccupés quant à la façon de traiter cette question, compte tenu de la hâte incroyable à laquelle l'autre endroit nous oblige.

Cela dit, nous devons nous accommoder de la situation. Je le précise pour que nous nous comprenions tous. J'ai compris deux choses. Premièrement, on envisagerait de ne mettre en œuvre que les dispositions relatives aux travailleurs, c'est-à-dire la première partie du projet de loi, en plus d'une ou deux des dispositions de l'autre partie, qui sont nécessaires à la bonne mise en œuvre des premières. Si je vous ai bien compris, monsieur Pickard, il y a dans l'autre partie des dispositions qui doivent être adoptées pour mettre en œuvre la loi proposée sur le programme de protection des salariés.

M. Pickard : D'après ce que je comprends, nous ne pouvons pas séparer les deux aspects et conserver l'équilibre nécessaire pour aller de l'avant.

Le président : Je comprends cela. Nous savons par contre qu'il y a d'autres dispositions qui ne comportent pas de lacune et qui pourraient, en fait, être mises en œuvre en même temps que les mesures de protection des travailleurs pour que le projet de loi puisse donner de bons résultats. Il ne s'agit pas de scinder le projet de loi, mais plutôt de diviser en étapes la proclamation ou la mise en œuvre du projet de loi. C'est très important.

M. Fontana : Comme vous pouvez le lire aux dispositions d'entrée en vigueur à la page 147 du projet de loi, le paragraphe 141(1) dit que les articles 1, 67 et 88 entrent en vigueur « à la date fixée par décret ». Il s'agit du programme de protection des salariés. Le paragraphe 141(2) porte sur les articles 2 à 66, 68 à 87, 89 à 123 et 136 à 139, qui traitent eux-mêmes de la LFI. La troisième disposition — et on voit que ces dispositions peuvent être appliquées par étape — le paragraphe 141(3), porte sur les articles 124 à 131, qui traitent de la LACC.

Par conséquent, en réponse à vos questions et à celles du sénateur Meighen, ce serait faisable; nous pourrions atteindre notre objectif qui est, notamment, de proclamer à différents moments les parties du projet de loi proposé, en tenant compte de ce que vous avez dit.

Le sénateur Angus : Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à vous engager à ne pas proclamer la partie relative à la LFI et à la LACC?

M. Fontana : M. Pickard a expliqué que certaines dispositions relatives au Programme de protection des salariés sont intimement liées à la LFI et à la LACC. Par conséquent, pour conserver un juste équilibre et pour que le programme de protection des salariés puisse fonctionner, nous devons mettre en vigueur les dispositions — peut-être pas toutes les dispositions relatives à la LFI ou à la LACC — qui permettraient au Programme de protection des salariés de fonctionner.

Le sénateur Meighen : Nous sommes d'accord, mais je soumets respectueusement, monsieur le ministre, que je vous ai entendu dire que vous étiez prêt à accepter que seuls soient proclamés les articles inclus au paragraphe 141(1), plus les articles mentionnés aux paragraphes 141(2) et (3) qui touchent le programme de protection des salariés et sont nécessaires à sa mise en œuvre; les autres dispositions ne seraient pas proclamées en attendant qu'il soit corrigé.

Le sénateur Angus : Cela pourrait cependant s'appliquer à tout le projet de loi. Nous ne le savons pas.

Le sénateur Meighen : Le ministre vient de dire que certaines dispositions sont nécessaires.

M. Pickard : Nous pourrions nous entendre sur un compromis raisonnable quant à la date à laquelle les trois articles pourraient être mis en vigueur. Ce serait envisageable. Il y aurait plus de problème à les mettre en vigueur en janvier, qu'en juin ou en mai.

Le sénateur Angus : Oui.

M. Pickard : Nous sommes sur la même longueur d'ondes, nous pouvons résoudre le problème.

Le sénateur Angus : Qu'on en prenne l'engagement, dans ce cas.

M. Pickard : Je signale que la super-priorité limitée a été recommandée par le comité du Sénat. C'est un élément dont il conviendrait de discuter plus à fond, je crois. Cependant, c'est l'une des recommandations du comité sénatorial que nous avons mis en œuvre.

En fait, il y a des difficultés dans toutes les parties de ce projet de loi, mais il serait possible de les examiner et d'en discuter plus tard, si l'échéance de mise en vigueur était reportée un peu.

Le sénateur Meighen : Si vous disiez que ces dispositions ne seraient pas appliquées avant le 30 juin — je ne peux pas me prononcer pour tous, mais je crois que vous auriez...

Le sénateur Angus : L'effet serait rétroactif. Ce n'est pas une mesure fiscale.

M. Pickard : Je vous signale cependant que dans des cas de faillites, lorsqu'on divise les biens, qu'on les liquide ou qu'on prend d'autres mesures, on ne peut pas nécessairement revenir en arrière et corriger les choses de façon rétroactive.

Le sénateur Angus : Ce n'est pas ce que disait le sénateur Meighen. Il parlait des faillites qui se produiront après le 30 juin mais dont les créances se sont accumulées auparavant.

M. Fontana : Je puis assurer à votre comité...

Le président : Malheureusement, notre temps est écoulé. Je m'étais engagé auprès des sénateurs à ce que cette question soit discutée afin que la population puisse comprendre ce que nous essayons de faire dans son intérêt et dans l'intérêt de notre institution.

Le sénateur Angus : L'engagement de téléviser toute cette réunion n'a pas été respecté. Nous ne disons pas que c'est votre faute, mais nous nous réservons le droit de régler ce problème. Nous voulons que les gens comprennent ce qui se passe.

Le président : Nous pensions qu'en commençant à 16 heures, nous aurions suffisamment de temps.

Le comité suspend ses travaux.

Le comité reprend ses travaux.

Le président : Je vais m'assurer que tous les membres du comité soient présents avant de tenir un vote, s'il y en a.

Monsieur Fontana et monsieur Pickard, je veux m'assurer de bien comprendre ce qui nous est proposé, car c'est peut-être une solution de Salomon à un problème très complexe.

Corrigez-moi si je me trompe, mais si j'ai bien compris, malgré tous les efforts déployés, le gouvernement ne pourrait pas mettre ce projet de loi en vigueur avant juin prochain, s'il choisissait de le faire pour protéger les travailleurs.

M. Pickard : C'est exact. Nous pourrions le mettre en vigueur au plus tôt le 30 juin, probablement. Tout d'abord, comme le ministre Fontana l'a signalé, il faudra beaucoup de temps pour réunir tous les éléments nécessaires au Programme de protection des salariés. Il faudra également beaucoup de temps à notre ministère pour rédiger la réglementation découlant du projet de loi. Il nous faudra au moins six mois. Entre-temps, la Chambre et le Sénat pourraient examiner tous les aspects de la mesure législative et apporter les correctifs que vous préconisez.

La majorité de vos préoccupations sont déjà réglées dans le projet de loi proposé, mais nous voulons connaître votre opinion. Nous voulons que le Sénat et la Chambre travaillent de concert de bonne foi, en sachant que ce projet de loi ne sera pas mis en vigueur avant le 30 juin.

Le président : Je voudrais également entendre le ministre à ce sujet. Ce n'est pas que nous doutions de votre engagement, monsieur Pickard, mais nous serions plus à l'aise si nous l'entendions également du ministre.

Si j'ai bien compris, vous avez dit qu'en raison des aspects complexes d'un projet de loi de cette nature, ce projet de loi ne pourra être proclamé et entrer en vigueur avant la fin du mois de juin de l'an prochain.

Le sénateur Angus : Avant le 30 juin.

Le président : D'après les rumeurs, il pourrait y avoir des élections nationales prochainement, et quoi qu'il en soit, la période nécessaire aux élections devrait être terminée d'ici la fin du mois de février.

M. Pickard : C'est ce qu'on prévoit.

Le président : Le Sénat aurait donc trois mois, soit avril, mai et juin, lorsque nous reviendrons, pour examiner ce projet de loi. Nous en ferions notre grande priorité, tout comme la Chambre, nous l'espérons. Nous ne le rendrons peut-être pas parfait, mais nous pouvons du moins nous assurer qu'il satisfasse les préoccupations des divers intervenants.

Le sénateur Angus : Il faudrait alors y apporter des modifications, n'est-ce pas?

M. Fontana : On ne peut pas présumer de l'avenir.

En ce qui a trait à l'entrée en vigueur, puis-je m'engager à ce que le gouvernement ne rende pas de décret en conseil qui exigerait l'entrée en vigueur du projet de loi avant le 30 juin 2006?

Le sénateur Angus : Ce serait possible plus tard.

M. Fontana : J'ai dit que ce ne serait pas avant le 30 juin 2006.

Le sénateur Meighen : Est-il possible de rédiger le règlement sans savoir quelles seront les dispositions définitives du projet de loi, ou est-il possible de le faire en pièces détachées?

M. Fontana : Cela se fait constamment dans les gouvernements, lorsqu'on rédige des règlements. Comme mon collègue l'a indiqué, nous croyons qu'il serait possible de trouver des explications et d'apporter d'autres précisions grâce à un examen plus approfondi, entre autres grâce à des réunions d'information offertes par nos fonctionnaires ou sénateurs et même à la Chambre des communes — pour résoudre en fait bon nombre des préoccupations qui ont été soulevées, entre autres celles des sénateurs Angus et Meighen — et le règlement lui-même pourrait être un moyen d'apporter ces précisions.

Vous constaterez que nous pouvons rédiger ces règlements — et nous pourrons bien sûr les modifier pour tenir compte des modifications qui pourraient être apportées avant ou après le 30 juin 2006.

Le président : Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas vous en demander davantage, mais vous vous êtes engagé au nom du gouvernement à ce que ce projet de loi ne soit pas mis en vigueur avant le 30 juin 2006, si le gouvernement est reconduit, puisqu'il s'agit d'un engagement du gouvernement entre maintenant et cette date. De cette façon, le Sénat et notre comité pourrions recommencer et restructurer son examen et tenir des audiences pour rendre ce projet de loi aussi parfait que possible. C'est nous qui en serions responsables, bien sûr, et pas vous. Et si la Chambre choisit de faire quelque chose elle aussi, nous n'y pouvons rien. Nous ne pouvons examiner que ce dont nous sommes saisis. Il y a une séparation entre les deux Chambres, il y a un mécanisme de freins et contrepoids.

Ai-je raison de croire que vous avez pris cet engagement en ce qui concerne ce projet de loi, afin que nous puissions faire ce que nous devons, c'est-à-dire approuver le projet de loi mais sous réserve de ces engagements fermes, dans nos observations au Sénat?

M. Fontana : Oui.

Le sénateur Meighen : Pourriez-vous le confirmer dans une lettre, monsieur le ministre?

M. Fontana : Je croyais qu'il serait suffisant que je le déclare publiquement et que cela soit inscrit au compte rendu, et si vous voulez que je le jure sur la Bible, je suis prêt à le faire également.

Le président : C'est important.

Le sénateur Meighen : Je viens de poser une question. La réponse n'était ni affirmative ni négative.

Le président : Sénateur, je vous comprends. Je me suis trouvé dans la même situation à plusieurs reprises, et je suis relativement d'accord avec vous. Je crois néanmoins qu'il faudrait peut-être entendre les observations du Sénat en troisième lecture plutôt que de recevoir simplement ici un engagement.

Nous dirons bien sûr dans nos observations qu'il s'agit d'une condition préalable à nos recommandations, mais je ne crois pas que le ministre puisse faire davantage. Il le peut, s'il le veut, mais c'est à lui d'en décider.

M. Fontana : Je croyais que l'engagement était assez clair, mais si vous voulez l'obtenir par écrit ou l'entendre de la bouche du Leader du gouvernement au Sénat, cela sera fait avant la troisième lecture.

Le président : Cela suffira.

Le président : Je dois dire que j'ai laissé beaucoup de temps à l'opposition, car il était important que nous ayons un consensus dans notre approche. Je vais laisser les sénateurs Moore et Goldstein poser quelques questions.

Le sénateur Moore : Compte tenu de l'évolution positive de la discussion, je ne suis pas certain d'avoir des questions à poser. Mais j'ai quelques observations.

Monsieur le ministre, vous avez probablement compris en écoutant la discussion que personne ne s'oppose au Programme de protection des salariés. Nous voulons tous que ce programme soit mis en œuvre, car ce sont de bonnes mesures pour la main-d'œuvre. Je crois que ce programme requiert quelques perfectionnements, et de plus grands experts que moi ici pourront vous en parler et en traiteront dans nos délibérations, l'an prochain.

Ce qui me préoccupe surtout, c'est le bien-être des étudiants de nos universités. Je reviens aux observations que vous avez faites, monsieur Pickard, quant aux personnes qui seront touchées par ce projet de loi. Dans le cas des étudiants d'université, je m'interroge au sujet de la période nécessaire pour qu'ils obtiennent un certificat de libération.

Comme vous le savez, notre comité a été saisi du projet de loi C-28, que j'ai parrainé au Sénat. J'ai présenté ce projet de loi après avoir discuté avec le ministre Emerson, à sa demande, en ce qui concerne la période de cinq ans. C'est un sujet qui a été abordé par tous les témoins que nous avons entendus. Le projet de loi C-55 mentionne une période de sept ans. Par conséquent, je vais demander à ce que cette période soit portée à cinq ans, lorsque nous serons de nouveau chargés d'examiner ce projet de loi.

Aucun des témoins n'a parlé d'une période de sept ans. Je ne sais pas d'où vient ce chiffre. Le comité de la Chambre des communes n'a pas entendu les étudiants le mentionner. Je vais m'assurer que nous entendions les étudiants à notre comité et que nous tenions compte de leur intérêt.

Il semble que nous ayons aujourd'hui une solution à ce problème, et je n'en dirai donc pas davantage à ce sujet. Je veux simplement vous expliquer ma position. Je vais continuer d'exercer des pressions pour que ce projet de loi soit adopté. Je vais chercher quelqu'un pour le parrainer à la Chambre des communes. Peut-être vous, monsieur Fontana.

M. Fontana : J'appuie les étudiants également.

Le sénateur Moore : Ce n'est pas ce que je voulais entendre, mais je n'en dirai pas plus. Nous espérons que toutes les parties intéressées participeront à l'examen que nous ferons l'an prochain, lorsque nous passerons en revue de façon détaillée cette mesure.

M. Pickard : Permettez-moi de répondre, sénateur. Nous prenons bonne note de vos préoccupations. Il faut qu'il y ait un équilibre, et si je pouvais faire les choses comme je le veux sans que cela nuise à l'intégralité du programme, cette période serait encore bien plus brève. Cependant, puisqu'il faut un équilibre, nous avons proposé une période de cinq ans à l'intention des étudiants qui risquent des problèmes graves et qui sont à cours de fonds; la période de sept années qui a été proposée s'applique à ceux ne se trouvent pas dans de telles difficultés, ceux qui ont des revenus suffisants et qui sont donc en mesure de rembourser leur prêt, afin que le régime puisse fonctionner. En effet, plus nous réduisons le nombre d'années, plus il sera possible à un grand nombre d'étudiants de ne pas rembourser leur prêt. Cela nuirait grandement au financement des prêts étudiants.

Le sénateur Moore : Et ce n'est pas le record.

M. Pickard : C'est pourquoi il y a deux catégories : l'une de sept ans, une réduction par rapport à 10 ans; l'autre de cinq ans, pour ceux qui sont en difficulté. Nous sommes tous sensibles à la situation du système des prêts étudiants et nous nous efforçons d'être équitables pour les deux parties.

Le sénateur Moore : N'oubliez pas que ces 10 ans étaient au départ deux ans. C'était une période trop courte; c'est alors qu'ont eu lieu tous les abus, apparemment, à en juger par les témoignages que nous avons entendus. Le comité a recommandé cinq ans et la latitude, pour le tribunal, de confirmer la libération de la totalité ou d'une portion de la dette d'un prêt étudiant dans une période inférieure à cinq ans, quand le débiteur peut prouver que le maintien de la responsabilité de toute la dette ou d'une partie de celle-ci entraîne un fardeau financier excessif. Nous avons entendu à cet effet des témoignages très intéressants et émouvants, monsieur Pickard.

Le sénateur Goldstein : Presque tout ce que j'avais l'intention de dire a déjà été dit dans le courant des excellentes interventions des sénateurs Angus et Meighen. Je ne parlerai donc pas de la proclamation et de la date d'entrée en vigueur.

Toutefois, je voudrais dire, ce que personne n'a encore fait, que travailler avec M. Gauthier, un remarquable fonctionnaire, tant par ses connaissances que par son dévouement, a été un plaisir et un honneur. M. Gauthier et son personnel ont dû s'attaquer aux nombreuses complexités et difficultés du projet de loi, ainsi qu'aux nombreuses priorités divergentes des différents intéressés. Le projet de loi atteste son excellent travail. Je le félicite en particulier parce que j'ai participé au processus et j'en suis fier.

Cela dit, les lois sur la faillite ne sont jamais une destination; il s'agit plutôt d'un voyage. Pour cette loi cadre, comme pour d'autres au pays ou à l'étranger, il importe de peaufiner constamment la loi en réaction aux différents défis qui se présentent dans le tissu économique et social de la nation.

Pour le moment, c'est le tissu social qui m'intéresse particulièrement, si bien que je partage la profonde préoccupation du sénateur Moore en ce qui concerne la situation des étudiants. Je suis déçu que le projet de loi n'ait pas adopté la suggestion du comité : qu'un juge puisse réduire la période, s'il y a lieu. J'espère que le présent comité envisagera de modifier à cet effet le projet de loi.

Il y a 40 ou 50 autres changements, d'après ce que je comprends, envisagés pour une bonne part par le ministère de l'Industrie. Il serait bon que le ministère communique ces changements au comité dès sa reconstitution, afin que les membres du comité puissent les étudier. Au bout du compte, le ministère et nous poursuivons exactement le même objectif : créer la meilleure loi possible pour le Canada.

M. Pickard : Bien dit, sénateur. Je suis persuadé que les représentants du ministère et d'autres au gouvernement seraient tout à fait disposés à comparaître devant le Comité sénatorial des banques, si cela pouvait contribuer d'une quelconque façon à l'adoption d'une optique appropriée et si cela pouvait faciliter le travail effectué ici.

C'est une excellente suggestion. Quand vous serez prêts à aller de l'avant, il suffira de convoquer le ministre et les représentants d'Industrie Canada, qui comparaîtront devant le comité et s'efforceront d'être aussi utiles que possible.

Le président : Il serait bon qu'Industrie Canada prépare les amendements au projet de loi afin que nous les ayons sous les yeux au début de la première session du nouveau Sénat.

Le sénateur Angus : Oui. Industrie Canada pourrait préparer ceux que nous avons relevés. Cela permettrait de gagner du temps.

Le président : Cela permettrait également à la population de gagner du temps. Ce serait préférable à une situation où le comité s'efforcerait d'élaborer ces changements à son retour. Il serait bon de les avoir dès le début des audiences du comité. Ainsi, le comité saurait quelle est la position d'Industrie Canada sur la question avant de se réunir pour examiner les changements et décider si l'on peut se mettre d'accord.

M. Pickard : Précisément. Tous les sénateurs savent que le processus d'examen en comité du projet de loi C-55 a été court-circuité. Les sénateurs Angus, Meighen, Moore et Goldstein ont signalé cette entorse au processus habituel. Nous tenons beaucoup à ce que le projet de loi aille de l'avant, mais aussi à répondre du mieux possible à toutes les préoccupations. Les discussions d'aujourd'hui traitent de cet aspect de façon positive. Je suis heureux que les sénateurs soient disposés à faire bouger les choses.

Le sénateur Angus : Monsieur Pickard, je pourrais dire que le futur gouvernement Harper est du même avis. Nous avons un très bon équilibre.

M. Pickard : Je suis tombé d'accord avec bon nombre de vos déclarations aujourd'hui, sénateur, mais pas toutes.

Le sénateur Angus : Je n'ai pas dit quand, dans le futur.

Le président : J'ai souvent exhorté le vice-président à être aussi peu partisan que possible mais, de temps à autre, il ne respecte pas cet avis, et je ne suis pas prêt à le critiquer.

Je veux en revenir à l'essentiel, soit à l'engagement clair du gouvernement et des hauts fonctionnaires à présenter au comité les changements qu'ils envisagent dès que le Parlement siégera à nouveau. Le comité se pencherait sur ces modifications dès le départ, en reprenant ses audiences.

Le sénateur Goldstein : Je voudrais préciser que, outre les changements d'Industrie Canada, j'en proposerai environ 45.

Le sénateur Tkachuk : Selon le processus habituel, si le comité adopte le projet de loi maintenant et qu'il y a troisième lecture au Sénat, les travailleurs seraient-ils protégés en février, mars ou avril 2006?

M. Fontana : Ce ne serait pas si tôt que cela. N'empêche que l'adoption du projet de loi réconfortera énormément les travailleurs qui, dans certains cas, attendent depuis 10 ou 15 ans que le Parlement adopte un projet de loi faisant de la protection des salariés un programme du gouvernement. Il leur faudra peut-être attendre le règlement afférent et le reste du bon travail effectué ici, mais ils savent pertinemment que c'est une mesure législative importante, opinion à laquelle concourent tous les partis politiques.

Votre question suivante serait peut-être : « Pourquoi ne pas attendre le 30 juin 2006 et laisser un autre gouvernement traiter la question? »

Le sénateur Tkachuk : Ce ne sera pas ma prochaine question.

M. Pickard : Je croyais que ce serait le cas. Je voulais simplement dire que, en toute bonne foi, nous devrions adopter le projet de loi et travailler à un accord pour les changements.

Le sénateur Tkachuk : Je demande un renseignement. Pour que la population canadienne et les travailleurs sachent exactement ce qui se passe, j'ai demandé si les travailleurs seraient protégés. Sans la discussion que nous avons eue, n'aurait-il pas été exact d'affirmer que la protection aurait joué seulement à compter du 1er juin ou du 30 juin, de toute façon?

M. Pickard : Vous avez tout à fait raison. Néanmoins, j'ai une autre mise en garde. Si le projet de loi C-55 n'est pas adopté et si le processus est relancé, mettons, en avril, il faudra sans doute six mois ou un an avant qu'il soit mis en œuvre. Après l'adoption d'un projet de loi, il faut toujours rédiger un règlement. Si nous commençons maintenant, cela réduira le temps nécessaire avant la mise en œuvre. Il nous faut également du temps pour mettre en place les règles et les procédures du Programme de protection des salariés. Si vous adoptez le projet de loi, avec l'engagement souscrit aujourd'hui, la mise en œuvre se fera beaucoup plus tôt.

Le président : C'est une question importante que celle des raisons pour procéder comme nous l'avons fait. Bon nombre d'entre nous sont des avocats et nous comprenons ce que font les avocats, les comptables et les conseillers : quand une loi va être modifiée, on n'attend pas sa mise en œuvre; on commence tout de suite par changer ses propres pratiques. Dans mon expérience du droit administratif, quand je savais qu'une loi allait être modifiée dans six mois, je changeais mes pratiques aussitôt que possible.

N'est-il pas vrai que, en indiquant clairement et sans équivoque notre intention de faire progresser aussi rapidement que possible ce projet de loi visant à protéger les travailleurs, nous permettons à toute entreprise canadienne avisée de se préparer et de commencer à amasser les fonds nécessaires pour y faire face? Les entreprises ont besoin de temps pour planifier.

M. Pickard : Vous avez parfaitement raison et vous avez bien résumé la situation.

Le président : Sans vouloir jouer les témoins, je rappelle que le sénateur Tkachuk a posé une question très importante.

M. Pickard : Oui, effectivement, la question est très importante et votre commentaire à ce sujet, monsieur le président, exact. Quand une mesure législative est adoptée, elle nécessite toute une série de préparatifs de la part de bien des gens : le ministère qui prépare le règlement, les banquiers, les cabinets d'avocats, etc.

Le sénateur Tkachuk : La Loi sur le programme de protection des salariés suscite l'assentiment général; j'y reviendrai dans une minute. Toutefois, nous sommes une majorité à constater que le projet de loi comporte de graves lacunes. Nous avons reçu des lettres de l'Association des banquiers canadiens, de l'Institut d'insolvabilité du Canada, de Stikeman Elliott, de l'International Swaps and Derivatives Association et de l'Association du Barreau canadien. Tous expriment des préoccupations quant au projet de loi. Notre cher collègue, le sénateur Goldstein, qui était conseiller du comité lorsque nous avons étudié la faillite, a lui aussi de graves préoccupations.

Toutefois, la proposition est d'adopter le projet de loi avec toutes ses lacunes, même s'il ne doit pas être mis en œuvre avant six mois. J'ai beau être d'accord avec le principe du projet de loi, j'ai de graves réserves sur son fond.

Je veux parler de la raison d'adopter le projet de loi, c'est-à-dire le désir de protéger les travailleurs, ainsi que des périodes envisagées. Selon votre exposé écrit, de 12 000 à 15 000 travailleurs seront touchés durant une période d'un an. Si le projet de loi est retardé de trois ou quatre mois, c'est 4 000 travailleurs qui sont susceptibles d'être touchés. Vous dites également qu'ils reçoivent généralement environ 13 p. 100 de leur salaire et que, aux termes de la loi, ils recevront 3 000 $. Cela ne nous dit pas le pourcentage. Est-ce tout leur salaire, la moitié de leur salaire, ou quoi?

M. Fontana : Quatre-vingt-dix-sept pour cent des travailleurs recevront tout leur salaire, jusqu'à concurrence de 3 000 $, alors qu'ils obtiennent pour l'instant 13 cents par dollar.

Le sénateur Tkachuk : Cela signifie-t-il que les autres créanciers recevront moins d'argent?

M. Fontana : Oui, mais il ne faut pas oublier qu'aux termes des dispositions actuelles, 87 p. 100 des travailleurs ne reçoivent rien. Avec les nouvelles dispositions, qui prévoient des versements jusqu'à concurrence de 3 000 $, 97 p. 100 des travailleurs obtiendront 100 p. 100 de leur salaire par l'intermédiaire du gouvernement, celui-ci s'efforçant ensuite de recouvrer ces fonds auprès des compagnies ayant fait faillite.

Le sénateur Tkachuk : Je voulais juste veiller à ce que cela soit clair. Est-il exact de dire que, au bout du compte, le gouvernement poursuivra le syndic afin d'obtenir ces sommes, si bien que des personnes moins bien placées recevront beaucoup moins d'argent? Affirmez-vous qu'elles recevront le même montant d'argent? Dites-vous que plus d'argent sera distribué et que chacun recevra le même montant qu'auparavant? Comment les choses fonctionneront-elles?

M. Fontana : Nous garantissons aux travailleurs qu'ils recevront ce qui leur est dû. Cependant, le gouvernement peut récupérer seulement 2 000 $ au titre de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, même si les travailleurs toucheront le maximum de 3 000 $. Le gouvernement est préparé à courir le risque. Nous pensons récupérer jusqu'à 50 p. 100 de la facture qui sera assumée au bout du compte par le contribuable, parce que nous estimons que c'est une responsabilité sociétale. Elle pourra coûter de 15 à 20 millions de dollars nets.

Le sénateur Tkachuk : Quelqu'un a demandé si, maintenant que le gouvernement récupérait les fonds et progressait dans la chaîne des créanciers, il y aurait moins d'argent pour les créanciers moins bien placés. On a répondu oui, mais j'ai remarqué que M. Gauthier faisait non de la tête. Peut-être pourriez-vous clarifier cela.

M. Pickard : Peut-être M. Gauthier pourrait-il clarifier cela. Manifestement les sommes d'argent sont limitées, d'où l'importance de parler des titulaires de créances garanties et non garanties, etc.

M. Gauthier va éclaircir les choses.

Le sénateur Tkachuk : Fort bien. Vu que nous allons nous féliciter de cette mesure législative, autant en savoir un peu plus.

M. Gauthier : La super priorité limitée de 2 000 $ s'appliquera aux actifs à court terme. Les prêteurs ayant une garantie à l'encontre des stocks, de l'encaisse ou des comptes à recevoir seront touchés.

Le sénateur Tkachuk : Ils obtiendront moins d'argent?

M. Gauthier : Oui, mais seulement si leur sûreté porte sur les créances à court terme. S'ils sont touchés par l'application de la super priorité limitée, ils auront également l'occasion de récupérer de l'argent en devenant des créanciers privilégiés.

Pour les créanciers chirographaires, le projet de loi n'a aucun impact car, à supposer que les salaires impayés soient restés impayés, ce sont les créanciers privilégiés qui auraient eu accès à ces sommes. Pour les créanciers chirographaires, il n'y a donc aucun impact. Les seuls touchés sont les prêteurs ayant une sûreté à l'égard des actifs à court terme.

Le sénateur Tkachuk : De qui s'agit-il? Donnez-nous des exemples, pour une faillite typique.

M. Gauthier : Bien entendu, la situation varie d'une faillite à l'autre. Il existe des entreprises qui n'ont pas de marge de crédit commerciale; seules les entités ayant avancé des crédits d'exploitation seront touchées. Habituellement, ces prêteurs incluent déjà dans leur garantie un chèque de paie, parce qu'ils s'efforcent de couvrir au maximum leur prêt. Ainsi, dans la pratique, ils ont déjà tenu compte d'éventuels salaires impayés. Cela étant, l'impact devrait être relativement minime. Nous limitons notre droit à 2 000 $ maximum, alors qu'ils intègrent déjà une disposition couvrant un chèque de paie pour les salaires impayés, si bien que cela a peu d'effet. La différence entre les deux n'est pas énorme.

Le sénateur Tkachuk : Il y aura toutefois un impact?

M. Gauthier : Il y en aura un sur les créanciers garantis.

Le sénateur Tkachuk : S'agirait-il d'une banque ou de quelqu'un prenant la propriété ou le bien en garantie?

M. Gauthier : La garantie ne porterait pas sur le bien, seulement sur les actifs à court terme — stocks, comptes à recevoir.

Le sénateur Angus : Sauf erreur de ma part, le droit canadien stipule déjà que les administrateurs de sociétés sont tenus responsables de trois mois de salaires impayés, en cas d'insolvabilité. S'agit-il d'une double protection, d'une ceinture assortie de bretelles. Quelle est la distinction?

Le président : Le sénateur Goldstein, ancien conseiller du comité, voudrait clarifier la question.

Le sénateur Goldstein : Il y a en fait deux différents aspects. Le premier a trait au prêteur garanti. Sans contredit, comme l'a signalé le sénateur Tkachuk, ses droits sont délayés, du moins en théorie. Dans la pratique, toutefois, ce n'est pas le cas. Il s'agit généralement d'une banque, bien qu'il puisse s'agir d'une autre institution financière. Or, généralement, ce sont des institutions qui sont plus que garanties; en d'autres termes, la garantie qu'elles ont couvre plus que la dette dans la pratique. Le résultat est que, en cas d'arrêt soudain, ces institutions ont des garanties chiffrées à 10 millions, pour un prêt de 8 millions seulement, si bien qu'il existe une différence de deux millions disponibles pour payer les travailleurs dans ces circonstances.

Il n'en reste pas moins vrai que l'utilisation de ce coussin de deux millions pour payer les travailleurs, dans l'exemple que j'ai donné, diminue les sommes disponibles pour les autres créanciers sans garantie. En effet, si le coussin de 2 millions de dollars n'allait pas à la rémunération des travailleurs, il irait aux titulaires de créances garanties. Le fardeau, dans la pratique, ne retombera pas sur les institutions financières, mais plutôt sur les autres créanciers non garantis.

Le sénateur Tkachuk : Il a dit que ce ne serait pas les créanciers non garantis. J'ai recours à vous comme témoin parce que vous étiez le conseiller du comité, mais il semblerait qu'il y ait une différence d'opinion.

Le sénateur Goldstein : Sénateur, puis-je intervenir, avec votre permission?

Le sénateur Tkachuk : Oui, sénateur Goldstein, c'est très intéressant. Il apporte de l'eau au moulin du témoin.

Le sénateur Goldstein : Il y a une seconde proposition, vu que le sénateur Angus y a fait allusion. Le fonds, qui effectue le paiement, sera subrogé dans les droits des travailleurs au regard des administrateurs, si bien que, dans les cas où les travailleurs étaient habilités à poursuivre les administrateurs, c'est le fonds qui héritera de ce droit et pourra s'en prévaloir. Autrement dit, les administrateurs ne s'en tireront pas à bon compte; il leur faudra s'assurer que les salaires ont été payés, ce qui me semble approprié.

Le sénateur Tkachuk : Pour que les choses soient claires, peut-on avoir l'opinion de M. Pickard, à ce sujet?

M. Pickard : Nous pourrions également demander aux hauts fonctionnaires de préciser les choses, vu que leur contribution est importante, n'est-ce pas?

Le sénateur Tkachuk : Certainement. Par exemple, les maisons d'édition ont elles aussi des travailleurs. Et il serait regrettable de donner d'une main à un travailleur pour reprendre de l'autre à un autre — encore que cela se fasse tous les jours avec notre système fiscal.

M. Gauthier : J'apprécie le commentaire qu'a fait le sénateur Goldstein. La super priorité limitée s'applique pour des salaires impayés, ce droit relevant de ceux des créanciers privilégiés et se plaçant donc au-dessus des créanciers non garantis. Si quelqu'un a aujourd'hui 2 000 $ de salaire impayé, le créancier garanti est payé. Après cela, le reste est versé aux travailleurs, s'il reste quelque chose. S'il ne reste rien, bien sûr, il ne reste rien pour ceux venant après dans les priorités.

Le changement de place dans les priorités aura les conséquences suivantes : les travailleurs, ou le gouvernement subrogé dans les droits des travailleurs, pourront toucher les créanciers garantis sur les actifs à court terme. Sans cela, les travailleurs auraient été des créanciers privilégiés, et ils auraient eu la priorité par rapport aux créanciers non garantis. Autrement dit, pour les créanciers non garantis, l'impact est essentiellement nul.

Le sénateur Tkachuk : J'ai reçu une lettre intéressante de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes. Monsieur Pickard, vous avez parlé de REER. Vous avez dit que les REER seraient protégés, mais l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes affirme que, dans ma province de la Saskatchewan du moins, les détenteurs de REER et de FERR dans des compagnies d'assurance-vie ne seraient pas protégés. C'est une question qui préoccupe beaucoup l'Association, dont vous avez sûrement vu la lettre.

M. Pickard : Sur quoi l'Association s'appuie-t-elle pour affirmer cela? Nous avons reçu cette lettre et ne sommes pas d'accord.

Le sénateur Tkachuk : Vous n'êtes pas d'accord? La question sera-t-elle tranchée par les tribunaux? Ne pourrions-nous pas la clarifier?

Vous n'êtes pas d'accord, c'est entendu. Mais quelqu'un pourrait-il me dire quelle est la position de l'Association et quel est votre argument?

Joseph Allen, chargé principal de projet, Politique du droit corporatif et de l'insolvabilité, Industrie Canada : La question soulevée par l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, question à laquelle nous avons travaillé étroitement avec eux, ne porte pas sur le projet de loi mais sur le règlement envisagé. Ce que dit le projet de loi reflète fort bien les recommandations du Sénat dans son rapport, c'est-à-dire une protection pour les REER d'un bout à l'autre du pays, avec une récupération des cotisations versées durant les 12 derniers mois. Cela reflète non seulement les recommandations du Sénat, mais ce qui se passe généralement dans la pratique.

Dans chacune des provinces, il existe des lois sur les transferts frauduleux qui, prises à la lettre comme dans leur interprétation, stipulent ceci : quand un individu fait faillite, ces fonds sont récupérés, les cotisations d'un an sont récupérées. Cela s'applique, même en Saskatchewan, où il existe une exemption totale. Dans nos discussions avec l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, cette dernière a reconnu que ce n'était pas la récupération des fonds d'une année qui constituait un problème pour elle. Ce qui la préoccupait, c'était le gel et le plafond imposé à la valeur des REER. Or, ce sont des éléments dont nous discutons avec l'Association parce que nous envisageons de les inclure dans le Règlement. L'Association a exprimé des préoccupations à ce sujet, ainsi que les banquiers.

Nous ne savons pas encore si ces éléments seront intégrés dans le Règlement. Ils devraient d'ailleurs faire l'objet de consultation. C'est dans le cadre d'un ensemble de mesures pour dissuader les abus qu'ils ont été proposés. Celui qui figure dans le projet de loi reflète les recommandations du comité sénatorial et ne s'en écarte donc pas. D'ailleurs, dans nos discussions avec l'Association, celle-ci a exprimé son soutien pour la récupération des cotisations d'un an.

Le sénateur Thachuk : Il me reste seulement une autre question. Monsieur Pickard, vous avez parlé d'impôts. Quand une société fait faillite, les impôts passent-ils avant les salaires?

M. Pickard : Les impôts de récupération, oui.

Le sénateur Tkachuk : Où s'inscrivent-ils dans la liste des priorités?

M. Pickard : Dans le cas qui nous intéresse, le gouvernement assumera toute la responsabilité et les travailleurs, quant à eux, obtiendront leur structure de salaire. Peut-être le gouvernement devra y aller de sa poche, s'il n'existe pas de biens matériels sur lesquels il pourrait récupérer les 2 000 $. Que la société doive des impôts ou pas n'entre pas en ligne de compte, dans la mesure où les travailleurs ont la garantie de toucher leur salaire.

Le président : En fait, cela ne s'inscrit pas dans la chaîne de garantie. C'est un droit parallèle qui passe directement en tête de liste. Vous avez de l'autre côté les impôts et les priorités. C'est ainsi que je comprends cette disposition. Je pense que c'est un point important; il conviendra d'y revenir plus en détail le moment venu. Mais il est bon de le noter officiellement maintenant.

Le sénateur Tkachuk : Bien sûr, quand vous payez des salaires, les salariés doivent faire une déclaration d'impôt, si bien que l'impôt sur le revenu ne s'évanouit pas en fumée, en principe. Le gouvernement touchera donc des impôts sur le revenu des salaires qui seront déduits. C'est un avantage, il convient de le noter.

Il est dit que le projet de loi C-55 limitera les risques d'abus, en empêchant mieux les individus devant beaucoup d'argent, de se servir du système de faillite pour se débarrasser de leur dette envers le fisc. En quoi consistera-t-il un meilleur empêchement?

M. Gauthier : Actuellement, un individu a droit à une libération automatique après neuf mois, sauf opposition d'un créancier. Toute personne devant des impôts ou ayant d'autres dettes est admissible à l'effacement total de ses dettes au bout de neuf mois. C'est ce que nous appelons la libération complète et automatique.

Le sénateur Thachuk : Tout le monde est traité de la même façon, le fisc compris.

M. Gauthier : Précisément. Le changement introduit est le suivant : une personne devant plus de 200 000 $ d'impôt ne pourra pas obtenir une libération automatique. Elle devra s'adresser aux tribunaux et obtenir l'autorisation pour la libération, les tribunaux étant libres de lui accorder une libération complète, partielle ou de lui refuser cette libération.

Le sénateur Tkachuk : Dans certains cas, la dette ne serait jamais éliminée.

M. Gauthier : C'est possible, si le juge en décide ainsi, selon les circonstances.

Le sénateur Thachuk : Pour un créancier ordinaire, c'est impossible, mais pour le gouvernement, non.

M. Gauthier : C'est un traitement spécifique des sommes dues au titre de l'impôt sur le revenu. Cela s'applique seulement aux individus devant plus de 200 000 $ en impôt sur le revenu, si l'impôt sur le revenu représente plus de 75 p. 100 de la dette totale.

Le sénateur Thachuk : Si un individu doit 200 000 $ au titre de l'impôt sur le revenu et qu'il doit 200 000 $ à la banque, mettons, peut-il être libéré d'une dette et pas de l'autre? Comment est-ce que les choses fonctionnent?

M. Pickard : Il faut que la majorité de la somme soit due au gouvernement. En d'autres termes, c'est une personne qui, mettons, ne paye pas ses impôts depuis cinq ans.

[Français]

Le sénateur Biron : Ma question fait suite à celle du sénateur Tkachuk. Monsieur Pickard, vous dites qu'actuellement la protection des REER varie en fonction de la province de résidence et du type de REER et qu'il s'ensuit des iniquités dans le traitement des créanciers.

Les mesures de protection proposées contre les créanciers à l'égard des REER et des FEER sont-elles meilleures que celles que l'on retrouve dans la législation des différentes provinces? Offrent-elles une plus grande protection contre les créanciers?

Auparavant c'était surtout les compagnies d'assurance qui étaient protégées contre les créanciers. Est-ce que le projet de loi couvrira une plus grande partie quant à la protection tout en conservant ce qui s'y trouve déjà?

[Traduction]

M. Pickard : Le projet de loi, d'après ce que je comprends, assurera avant tout un traitement constant. Ainsi les règles spécifiques s'appliquant dans une province uniquement ne mettront pas le REER en danger. Au titre de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, tous les Canadiens et les Canadiennes sont sur un même pied. Jusqu'à présent, ce n'était pas un point de vue universellement partagé, à cause de certaines anomalies dans la législation provinciale.

[Français]

Le sénateur Biron : Parmi les recommandations que le comité avait présentées, une de celles-ci était à l'effet que les régimes d'épargne-études soient à l'abri de la saisie en cas de faillite. Il faut comprendre que les dommages causés à l'étudiant et à l'État sont plus grands que ceux causés aux créanciers puisque pour l'État, l'éduction est très importante pour le développement.

Je crois que les régimes d'épargne-études devraient être acquis à l'étudiant.

[Traduction]

M. Pickard : C'est une très bonne question à soulever. Une des difficultés avec lesquelles nous sommes aux prises en ce qui concerne les régimes d'épargne-études, les REEE, c'est qu'ils ne doivent pas nécessairement être bloqués et que l'étudiant n'en est pas titulaire en partie. En effet, ces régimes appartiennent à la personne qui fait les placements et, par conséquent, l'évident risque de se produire. Ainsi, cette personne, s'apercevant aujourd'hui qu'elle est sur le point de faire faillite, pourrait placer un maximum d'argent dans des REEE. Elle peut faire un placement aujourd'hui, puis placer un montant égal en janvier, et dans le même temps, elle peut déposer le bilan pour revenir ensuite au mois de mars, à titre d'exemple, et tout retirer. Le compte n'est pas bloqué, de même que la personne qui fait les dépôts et la titulaire du régime. Celle-ci peut en effet retirer tout son argent et l'utiliser à d'autres fins, et pas forcément pour des études. Cela devient donc une question d'abus.

[Français]

Le sénateur Biron : Est-il possible de faire en sorte qu'une fois que le bienfaiteur a déposé les fonds dans un compte que celui-ci devienne acquis à l'étudiant de façon à ce que le bienfaiteur ne puisse pas les retirer?

[Traduction]

M. Pickard : Cela ne résoudrait probablement pas le problème, mais il y a eu énormément de résistance à l'idée de bloquer les régimes. Les gens souhaitent en maintenir la souplesse et la liquidité. Tant qu'il en sera de même, le risque d'abus demeurera très élevé. Cela étant, si le secteur et les clients devaient accepter le principe des régimes bloqués, nous pourrions alors résoudre le problème plus facilement.

Le sénateur Biron : Après tout, le but est de remettre l'argent à l'étudiant.

M. Pickard : Bien que cela soit le but, ce n'est pas ce qui arrive en réalité. C'est pourquoi nous devons faire en sorte que cela devienne une réalité si nous voulons protéger l'équité du système.

Le sénateur Harb : Il semble y avoir consensus sur ce qu'une partie de ce projet de loi est vraiment mauvaise alors que d'autres sont bonnes. À mon sens, ce qui est en train de se produire devrait servir de précédent pour tous les gouvernements futurs, c'est-à-dire que nous ne devons jamais accélérer le processus législatif comme on l'a fait dans ce cas-ci.

À l'instar de bon nombre de mes collègues, j'ai reçu une lettre d'acteurs sectoriels m'informant qu'ils ont demandé à comparaître devant des comités parlementaires afin d'exprimer leur point de vue, ce qu'on leur a refusé. C'est inadmissible dans notre système démocratique, cela ne devrait jamais se reproduire.

Pour mémoire, je voudrais vous paraphraser le contenu d'une lettre que j'ai reçue d'une organisation qui a tenté en vain de comparaître devant un comité, et il s'agit en l'occurrence de l'Association des banquiers canadiens. L'Association a indiqué qu'elle était extrêmement préoccupée par l'impact négatif que l'ordre de priorité proposé aura sur la disponibilité du crédit dans la mesure où cela réduira les liquidités et rendra plus difficile et plus cher l'accès des entreprises canadiennes au financement. À leur avis, ce sont les petites et moyennes entreprises qui emploient environ 10,3 millions de travailleurs canadiens qui devront assumer le coût des réductions de crédit. On me dit aussi que le montant total de crédit disponible qui serait perdu par suite de ce projet de loi s'élèverait à des milliards de dollars.

Ma question à M. Gauthier par le truchement de M. Pickard porte spécifiquement sur ce point. Un exemple a été fourni par l'Association des banquiers canadiens, qui dit que la formule de crédit traditionnelle utilisée par les banques consiste à accorder normalement 75 p. 100 des comptes clients, plus 50 p. 100 des stocks, moins toutes les autres créances classées par ordre de priorité. Autrement dit, si l'entreprise a 1 milliard de dollars en comptes clients, plus 1 milliard de dollars en stocks et 100 millions de dollars de créances prioritaires, en vertu du système actuel, cette entreprise pourrait recevoir 75 p. 100 fois 1 milliard de dollars, plus 50 p. 100 fois 1 milliard de dollars, moins 100 millions de dollars. Ainsi, l'entreprise pourrait se retrouver avec près de 1,15 milliard de dollars; êtes-vous d'accord avec moi? Si on applique le principe de la super priorité de 2 000 $ et qu'on utilise la même formule, la même entreprise qui compte 500 employés, moyennant 2 000 $ par employé, ne pourra emprunter que 150 millions de dollars.

M. Fontana : C'est absolument ridicule.

Le sénateur Harb : C'est un fait. À cause de ce projet de loi, la possibilité pour une entreprise A d'emprunter de l'argent à une banque ou une institution financière serait réduite de 1 milliard de dollars.

M. Fontana : Est-ce que vous cherchez notre adhésion à cette affirmation?

Le sénateur Harb : Non, je demande à M. Gauthier si c'est un fait ou non.

M. Fontana : Je vous le répète, c'est absolument ridicule. Ce n'est pas un fait.

Le sénateur Harb : J'aimerais qu'on inscrive cela dans le procès-verbal. Peut-être le ministère pourra-t-il nous fournir des preuves contraires. Honnêtement, comme tous mes collègues, j'étais très enthousiasmé. Cela dit, je me suis dit que par voie de réglementation et avec la promulgation de ce projet de loi, nous serions en mesure de régler certains de ces problèmes. Mais, quand j'ai lu cet exemple en particulier, je suis carrément sorti de mes gonds.

Je crois, essentiellement, qu'on causera du tort aux personnes mêmes qu'on est censé aider.

M. Fontana : Monsieur le président, puis-je dire quelque chose? Premièrement, je ne souscris pas à cette prémisse, ni à cet exemple. Je souhaiterais vivement m'asseoir avec un groupe de banquiers et leur parler de l'accès au capital par les petites entreprises et quelle sera l'incidence de tout ceci sur elles. J'aimerais beaucoup avoir l'occasion de les rencontrer, y compris certains acteurs du milieu des affaires, n'importe quand, n'importe où.

Deuxièmement, j'aimerais que le sénateur Harb qui, comme chacun le sait, est arrivé de l'autre endroit, comprenne ceci. Il incombe au gouvernement de prendre quelque peu ce risque, car, ce faisant, il agit au nom des contribuables de ce pays, ces hommes et ces femmes qui se rendent au travail tous les jours et qui s'attendent à être rémunérés mais qui ne le sont pas toujours. En moyenne, nous avons indiqué que la perte de revenu concerne six ou huit semaines de salaire et s'en ressentent essentiellement nos concitoyens à faible revenu qui travaillent pour la plupart dans le secteur du détail et dans d'autres secteurs qui emploient des petits salariés de notre pays. Le gouvernement du Canada est préparé à investir 30 ou 50 millions de dollars dans l'espoir de récupérer une partie.

Je suis sûr que le sénateur est conscient du fait que nous avons des valeurs communes ici. Premièrement, nous voulons protéger les travailleurs. Deuxièmement, nous voulons faire en sorte que les entreprises prospèrent dans ce pays. Troisièmement, le gouvernement est prêt à courir quelques risques dans le but de protéger les travailleurs de ce pays. C'est ce que nous essayons d'accomplir.

Je m'inscris en faux contre cette notion voulant qu'à cause de notre action, les institutions bancaires arrêteront d'octroyer des prêts et que cela leur causera des difficultés. Nous les avons consultées. Certes, le diable est toujours dans les détails, et il nous tarde de connaître votre point de vue, mais j'ai vu un grand nombre des mêmes sénateurs qui ont contribué à esquisser ce consensus opiner du bonnet quand vous avez lu votre exemple — celui où l'entreprise A se verrait refuser 850 millions de dollars sous prétexte qu'elle ne pourrait plus avoir accès à du capital, parce que nous allons protéger 500 travailleurs. Désolé, mais je ne souscris pas à cette prémisse.

M. Pickard : Je souhaiterais réagir à certains propos qui ont été tenus. Premièrement, je dois signaler que, à l'autre endroit, nous n'avons pas été en mesure de tenir des audiences pour des raisons administratives. Que je sache, on n'a refusé à personne le droit de participer aux audiences. Ça ne s'est tout simplement pas produit.

J'ai personnellement rencontré des représentants de l'Association des banquiers canadiens et discuté avec eux de leurs inquiétudes. On m'a indiqué que comme il y avait un risque de perte de 2 000 $ ou 3 000 $ par travailleur, ils n'allaient pas accorder autant de prêts équivalant au nombre des travailleurs dans une entreprise. Cela étant, nous savons tous comment fonctionnent les choses sur le plan pratique dans le monde des affaires. Toute entreprise qui démarre ne fait pas faillite nécessairement. Tous les crédits prennent en considération certaines variables, lesquelles variables sont calculées en fonction du pourcentage des risques de faillite.

Si l'on examine la logique des pratiques courantes, si une entreprise sur 15 ou une sur 20 fait faillite, cela signifie que nous pouvons réduire les prêts d'un certain pourcentage ou ajouter un certain pourcentage au taux d'intérêt pour recouvrer l'argent perdu. Nous devrions tous nous fonder sur les pratiques normales plutôt que sur des cas ultimes — il est ridicule à mon avis de dire qu'une banque serait payée par toutes les entreprises le montant de ses pertes ou réduirait les prêts qu'elle fait à toutes les entreprises de ce montant. C'est à cela que sert la concurrence dans ce pays; si une banque se livrait à une telle pratique, elle serait rapidement désavantagée par rapport à ses concurrents.

Le sénateur Harb : Cela dit, j'ai compris de la déclaration de M. Allen qu'il consulte déjà les secteurs au sujet de l'élaboration du règlement ou qu'il négocie avec eux.

J'ai siégé au Comité mixte d'examen de la réglementation et je sais que souvent, lorsqu'une loi est adoptée et promulguée, on élabore un règlement qui permet d'appliquer l'esprit de la loi.

Dans ce cas-ci, vous élaborez un règlement en supposant ou en sachant que le projet de loi sera modifié ultérieurement. Nous ignorons toutefois quelle sera la nature de ces modifications. Lorsque la loi entrera en vigueur le 30 juin 2006, votre règlement pourrait se retrouver en porte-à-faux. Par conséquent, j'en conclus malheureusement que la mise en vigueur de votre projet de loi devrait être reportée après le 30 juin, puisque le règlement doit être pris après l'entrée en vigueur de la loi.

Quand vous attendez-vous à ce que votre règlement définitif corresponde à l'esprit de la loi, une fois que celle-ci sera en vigueur?

M. Pickard : Puisque j'ai soulevé la question, je pourrais y répondre. Ce que nous avons dit, et ce que j'ai dit également, c'est qu'il faut normalement prévoir un délai suffisant pour l'élaboration d'un règlement. J'ai également dit que le règlement peut corriger certaines des lacunes qui ont été mentionnées.

J'ai dit qu'il y avait deux possibilités — la loi d'une part et le règlement d'autre part — pour garantir que toutes les préoccupations soulevées soient corrigées. J'espère que nous pourrons obtenir le règlement aussitôt que possible, pour procéder de la façon la mieux raisonnée. Si tous les problèmes ne sont pas corrigés, il serait possible d'apporter des modifications au règlement, selon les rapports produits par le comité du Sénat, le comité de la Chambre ou d'autres personnes qui analyseraient cette mesure législative. À mon avis, il faut éviter de fermer les portes et conserver une certaine marge de manœuvre afin de pouvoir corriger les préoccupations qui sont soulevées.

Le sénateur Harb : Je suis réconforté par les observations du ministre, du secrétaire parlementaire et des fonctionnaires. Au départ, je n'avais pas l'intention d'appuyer la mesure, mais je dois dire que ces observations m'ont rassuré, et je vais appuyer l'adoption de cette mesure législative.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Monsieur Pickard, étant membre du Comité mixte d'examen de la réglementation depuis 10 ans, je vous mets quand même en garde. On ne légifère pas par la réglementation. Très souvent, les ministères ont parfois tendance à essayer de réparer les pots cassés par le biais de la réglementation.

Cette fois-ci, on a l'occasion de revoir la loi et de le faire en tandem, en sachant que certains règlements devront être revus, mais il ne faut pas partir sur l'hypothèse qu'une loi peut être corrigée par la réglementation. Je veux que ce soit très clair parce que depuis peu, le comité a le pouvoir d'éliminer assez rapidement un règlement. Il n'a pas le pouvoir de le modifier.

On ne veut pas causer des problèmes avec cette question. Je vais appuyer le projet de loi dans l'esprit que nous n'avons pas travaillé inutilement. Nous avons entendu des témoins pendant plusieurs mois pour revoir la Loi sur la faillite, qui était passablement poussiéreuse, et nous avons fait des recommandations.

Je suis très heureuse que le sénateur Goldstein soit ici avec nous pour examiner une loi aussi technique. Je pense que cette fois-ci vous allez avoir un vrai partenariat. Je crois qu'on peut aboutir à une loi supérieure aux lois antérieures et à nos concurrents. Il faut se rappeler qu'une loi sur la faillite peut aussi nous défavoriser sur le plan des investissements étrangers et de l'expansion de nos entreprises.

J'appuie donc le projet de loi en gardant à l'esprit que la loi précède les règlements et, surtout, qu'il ne faut pas légiférer par les règlements.

[Traduction]

Le sénateur Meighen : Nous avons reçu des réponses utiles qui nous éviteront du travail à notre retour, en ce qui a trait aux modifications à apporter au projet de loi. Je serais curieux de savoir si quelqu'un pourrait m'expliquer pourquoi on a décidé de ne pas appliquer la recommandation du comité du Sénat et d'inclure dans le projet de loi une liste fédérale des biens exemptés des saisies. Chaque province possède une liste différente. Si je me souviens bien, nous avions proposé que le failli puisse choisir laquelle, de la liste provinciale ou de la liste fédérale, s'appliquerait. Il semble que le gouvernement n'ait pas été d'accord avec cette recommandation, et je me demande si on pourrait m'en expliquer la raison.

M. Gauthier : Nous avons effectivement examiné cette option. Il existe des différences entre les provinces, mais cela ne permet pas de choisir sa province, parce qu'il faut déclarer faillite dans sa province de résidence.

La liste des exemptions provinciales témoigne des priorités et des préférences de chaque province. Si le gouvernement fédéral présentait une liste optionnelle, c'est que l'on aurait fait une sélection parmi les diverses options, ce qui donnerait peut-être lieu à une incertitude accrue au sein du marché. Il aurait également été difficile au gouvernement fédéral d'intervenir dans la gamme des exemptions provinciales qui existent actuellement. Certaines provinces sont plus généreuses que d'autres. Par exemple, en Alberta, la valeur nette du logement est protégée, mais il n'en est pas ainsi en Ontario ni au Québec. La liste fédérale serait-elle à mi-chemin des deux options? Cela modifie la protection accordée actuellement aux Albertains et provoque l'existence d'une incertitude dans la loi. Nous avons trouvé que le système actuel, malgré ses imperfections, et tout en sachant qu'il peut y avoir des différences entre les provinces, représente un compromis raisonnable.

Le sénateur Goldstein : Je voudrais aborder trois questions que vous voudrez peut-être examiner, monsieur Gauthier, au cours de vos travaux ultérieurs sur le projet de loi. Nous voudrons peut-être également examiner cela en réfléchissant pendant les regrettables vacances forcées que nous devons prendre en décembre et janvier.

Tout d'abord, précisons que l'intention du comité n'a jamais été de permettre à un débiteur de choisir les exemptions à sa guise. L'intention n'a jamais été que ce soit un menu où l'on puisse choisir en prenant une exemption de la colonne A et l'autre de la colonne B. Il s'agissait de donner aux débiteurs, au Canada, une option fédérale qu'à tort ou à raison nous considérions appropriée pour une protection minimale de tous les Canadiens. Pour des raisons constitutionnelles et autres, nous maintenions le droit précis des débiteurs de choisir les exemptions de leur propre province, mais en prenant le tout, et non en choisissant ici et là. Bien sûr, nous comprenons bien votre point de vue. Vous voudrez peut-être envisager le nôtre, à savoir que les Canadiens, partout au Canada, ont le droit absolu, selon nous, à un niveau de protection identique. C'est la première question que nous vous proposons d'examiner.

La deuxième question porte sur la lettre que nous avons tous reçue, et que j'imagine que vous avez reçue également, qui provenait des banques. Dans tout processus de modification des lois, il y a un dialogue qui permet aux divers intervenants qui se sentent lésés de présenter leur position particulière aux législateurs, et il est tout à fait opportun qu'ils agissent ainsi. Cela dit, toutefois, votre rôle et le nôtre consistent à séparer le bon grain de l'ivraie et à comprendre exactement ce que chacun dit. L'exemple que cette lettre a poussé le sénateur Harb à vous présenter est un exemple qui ne tient pas compte de l'aspect le plus fondamental de toute cette histoire, à savoir que les chiffres du secteur même, que vous nous communiquerez, je l'espère, indiquent que la somme moyenne annuelle des pertes est de 32 millions de dollars et que, de toute façon, elle ne dépasse pas 50 millions de dollars. Je pense donc qu'il est inapproprié que les banques ou d'autres prêteurs nous disent qu'ils entendent réduire le crédit de 100 millions ou de 10 millions, alors que la somme de leur perte, au total, pour l'ensemble du pays, pour une année entière, ne dépasse pas 50 millions de dollars. Je crois que nous devons examiner cela avec un peu plus de réalisme.

Le président : J'espère que les intervenants qui s'intéressent à cette question prendront connaissance de nos remarques afin que nous puissions économiser un peu de temps, dans l'intérêt du public, lorsque nous aborderons cette question de nouveau.

M. Fontana : Je remercie le sénateur Goldstein d'avoir souligné cela. Je voulais moi-même faire le calcul. Je suis sûr que nous pouvons réfléchir. Cinq cents employés fois 2 000 $, montant de la réclamation maximale, c'est 1 million. Comment 1 million de dollars finit par représenter une perte de crédit de 750 millions, je ne le comprends pas du tout.

Le sénateur Tkachuk : Il est un peu injuste de se moquer de ce que nous ont écrit certaines personnes. Elles ne voulaient pas se moquer du gouvernement. Elles voulaient nous aider.

Ce qui est triste dans toute cette histoire, c'est que ces personnes ne sont pas ici pour témoigner de leur propre chef et répondre aux questions que nous leur poserions. Nous avons échoué sur ce plan ici, et nous échouons dans la mesure où nous adoptons ce projet de loi.

Le président : Sénateur Tkachuk, vous soulevez des questions qui nous préoccupent évidemment. Je ne veux pas compromettre des témoignages que nous pourrions entendre. Nous posons simplement des questions pour mémoire, des questions auxquelles ils peuvent répondre. Cela permettra au gouvernement et aux témoins d'y répondre.

Ce que nous tâchons vraiment de faire, c'est de rassembler des témoignages pour mémoire. Je crois qu'un intérêt collectif s'exprimera, de la part du public, des parties prenantes, du Sénat, de la Chambre, et le gouvernement en place proposera un projet de loi qui répondra à l'intérêt supérieur de tous les Canadiens.

Nous tâchons seulement de cerner les grandes préoccupations et de poser certaines questions. Je crois que le sénateur Harb en a posées. Le sénateur Hervieux-Payette, le sénateur Biron, le sénateur Goldstein et le sénateur Moore ont tous posé des questions. Tous les sénateurs ont posé des questions, dont vous, sénateur Tkachuk. Nous tâchons, pour mémoire, de faire état de certaines questions sérieuses que nous nous sommes posés, et nous faisons du mieux que nous pouvons dans le délai qui nous est imparti.

Nous avons une mémoire institutionnelle, vous comprendrez. Nous n'oublierons pas ce qui a été dit et quelles études nous avons faites auparavant.

Je tiens à vous remercier tous, monsieur le ministre, vos collaborateurs, vos fonctionnaires qui étaient présents. Je tiens à remercier M. Pickard, le ministre, et les fonctionnaires du ministère d'être restés aussi longtemps que nous vous l'avons demandé.

Ce n'est pas notre pratique normale. Nous avons toujours des délais très courts et entendons des ministres très occupés. Cependant, nous tous ici présents comprenons que nous tâchons d'agir dans l'intérêt du public canadien, à un moment capital de notre histoire.

Merci pour votre patience, pour votre indulgence, merci d'avoir participé et de nous avoir aidés à trouver une solution qui, nous l'espérons, répond à l'intérêt public. Cela ne fera que part de nos recommandations. Il appartient encore au Sénat et à votre collègue du Sénat d'y répondre.

Nous allons lui donner avis de votre projet. Vous nous avez offert de nous fournir quelque chose par écrit. C'est très important pour nous.

Je tiens à remercier les sénateurs qui sont restés aussi tard. Ils ont encore beaucoup de travail à faire ce soir; nous allons donc continuer.

Je tiens à dire un mot à mon collègue, M. Pickard. C'est un député exceptionnel qui a servi pendant longtemps et brillamment ma région, la province de l'Ontario. Monsieur Pickard, je ne sais pas si c'est la dernière fois que vous témoignez devant notre comité ou non?

M. Pickard : J'imagine que oui. J'ai décidé que je ne me représenterai pas.

Le président : Je tiens à dire que je le savais, et j'espère que je ne gêne pas M. Pickard en disant que, en tant que membre du Parti libéral, en tant que collègue de la région que je représente, il est une de ces nombreuses personnes qui représentent non seulement la région de l'Ontario mais aussi la région d'où il est.

Nous avons tous de quoi être fiers de lui et nous avons été témoins aujourd'hui d'un autre exemple splendide de son dévouement, non seulement de manière générale, mais aussi de sa connaissance précise de cette loi. C'est tout le comité qui tient à vous remercier et à vous souhaiter bonne chance dans toutes vos entreprises futures.

M. Pickard : Je vous remercie, monsieur le président et messieurs les sénateurs, d'avoir travaillé de concert avec nous. Vos efforts dans le but d'obtenir une solution positive sont fort appréciés.

Le président : Je tiens à remercier le ministre Fontana en particulier. Il vient de ma région de la province de l'Ontario. Pour ma part, il est important de le remercier étant donné que le ministre nous a permis de réunir nos préoccupations dans le but de trouver une solution. Je vous en remercie parce que nous aurions réduit notre stress de beaucoup si nous avions eu l'occasion de vous parler il y a quelques jours.

M. Fontana : Monsieur le président, je me présente comme candidat encore une fois et alors vous allez me voir pendant ce débat. Je tiens à vous remercier tous car la réunion a été fort utile. Il est évident que les idées que vous avez avancées et que vous allez continuer d'avancer nous permettront d'améliorer la loi. Vous désirez protéger les travailleurs de ce pays et en même temps permettre aux petites entreprises de prospérer. Je vous remercie de votre travail ardu et de vos grandes connaissances à ce sujet. Nous avons bien hâte de travailler avec vous à l'avenir.

Le sénateur Angus : Puis-je ajouter un mot?

La séance de ce soir a été fort civilisée à mon avis. On s'inquiétait de la possibilité de trouver une solution, un compromis face à ce problème. Je crois que nous avons réussi. Vous avez répondu aux questions de façon judicieuse et pertinente. Tout récemment, nous nous sommes plaints des fonctionnaires et des représentants du gouvernement qui ont comparu devant ce comité ou qui ont refusé de venir après avoir dit qu'ils le feraient. Alors votre comparution a été, en toute sincérité, fort agréable.

Je vous demanderais de transmettre un message à votre collègue, M. Goodale, qui figurait parmi ceux qui disaient être prêts à venir mais qui ne l'a pas fait. Cependant, il s'est racheté à mes yeux, parce que je viens de lire dans les journaux qu'il a décidé de rectifier le problème des fiducies de revenu — on prévoit une réduction de l'impôt sur les dividendes — et qu'on vient de présenter et de faire adopter une motion de voies et moyens à cet effet et qu'on rend encore une fois des décisions préalables. Je transmets donc mes meilleurs vœux aux membres du gouvernement et que Dieu vous bénisse.

M. Pickard : Comme vous pouvez le voir, nous sommes à l'écoute.

Le président : Monsieur le ministre, avant de nous quitter, j'aimerais faire une observation supplémentaire. Le vice-président est très modeste parce que ces recommandations en ce qui concerne la réduction des dividendes et les mesures fiscales faisaient partie d'une série de recommandations élaborées par ce comité dans le cadre de notre étude sur la productivité. Lors d'une séance extraordinaire en ce qui concerne les fiducies de revenu, il est devenu très évident qu'il fallait faire face à ce problème, et ce rapidement.

Nous sommes ravis que le ministre des Finances ait décidé de suivre notre avis. Merci beaucoup.

Le sénateur Angus aimerait faire une déclaration.

Le sénateur Angus : Honorables collègues, en vertu de l'article 14 du Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs, je tiens à déclarer, pour inscription au compte rendu, que je me trouve dans une situation possible où j'aurais des intérêts personnels qui pourraient être visés par la question dont nous sommes saisis ce soir. La nature générale de ces intérêts m'est venue à l'esprit quand le sénateur Tkachuk a fait allusion à une lettre de Stikeman Elliott. Comme vous le savez, je suis un associé de Stikeman Elliott. Je tiens à préciser que je n'interviens pas de façon personnelle, directe ou indirecte en ce qui concerne ces questions, ou la lettre reçue. En effet, je ne m'occupe pas du tout des produits dérivés ou structurés qui, paraît-il, font l'objet de cette lettre, et je ne savais pas qu'on allait envoyer une telle lettre. Je crois qu'on avait déjà reçu la lettre lorsque j'ai découvert qu'il y avait un problème.

Par souci de notre nouveau code, je déclare la possibilité d'un conflit.

Le président : Comme réponse, il m'incombe de faire la déclaration suivante :

Honorables sénateurs, le sénateur Angus vient de faire une déclaration d'intérêt personnel quant à ce sujet, c'est-à-dire le projet de loi C-55, dont ce comité est saisi. En vertu du règlement 32.1, cette déclaration sera consignée au procès-verbal de la séance du comité.

Merci, sénateur Angus.

Le sénateur Angus : Merci.

Le président : Est-il convenu que le comité fasse maintenant l'étude article par article du projet de loi C-55?

Des voix : D'accord.

Le président : Le titre est-il reporté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le comité est-il d'accord pour regrouper les articles selon les rubriques de la loi?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 1 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Les articles 2 à 123 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Angus : Avant d'aller plus loin, je veux préciser que nous donnons notre accord car nous avons compris que notre rapport sera accompagné de notes au sujet des engagements du ministre et du secrétaire parlementaire, et qui feront état de nos inquiétudes. Nous avons convenu de faire l'étude article par article parce que nous avons compris que nous aurons une autre occasion d'étudier le fond de ce projet de loi.

Le président : Cela est-il convenu?

Je vois que tous les sénateurs font signe que oui.

Les articles 124 à 131 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Les articles 132 à 135 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Les articles 136 à 139 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 140 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 141 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le comité veut-il passer au huis clos pour discuter les remarques qui seront annexées au rapport sans amendement au sujet de ce projet de loi?

Des voix : D'accord.

La séance se poursuit à huis clos.


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