Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 1 - Témoignages du 25 octobre 2004
OTTAWA, le lundi 25 octobre 2004
Le Comité sénatorial permanent de la Sécurité nationale et de la Défense se réunit aujourd'hui à 19 h 10 pour examiner la nécessité d'une politique de sécurité nationale au Canada et en faire rapport.
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir. Je suis heureux de vous accueillir au Comité sénatorial permanent de la Sécurité nationale et de la Défense. Le comité entendra aujourd'hui des témoignages concernant l'examen de la politique de défense canadienne. Je m'appelle Colin Kenny. Je suis sénateur de l'Ontario et je préside les travaux du comité.
À ma droite, vous apercevez le distingué sénateur Michael Forrestall de la Nouvelle-Écosse. Le sénateur Forrestall représente les électeurs de Dartmouth depuis 37 ans, d'abord à titre de député puis comme sénateur. À mon extrême droite se trouve le sénateur Jim Munson de l'Ontario qui était un journaliste digne de confiance et directeur des communications du premier ministre avant d'être nommé au Sénat en 2003. À côté de lui, il y a le sénateur Tommy Banks de l'Alberta, bien connu des Canadiens comme étant l'un de leurs plus versatiles musiciens et artistes. Il a reçu un prix JUNO et il est Officier de l'Ordre du Canada. À mon extrême gauche se trouve le sénateur Pierre Claude Nolin ancien président du Comité spécial sur les drogues illicites qui a publié un rapport exhaustif demandant une réforme et une réglementation du cannabis au Canada.
Notre comité est le premier comité permanent du Sénat ayant pour mandat de se pencher les questions de sécurité et de défense. Au cours de la dernière législature, notre comité a publié une série de rapports, dont le premier s'intitulait « L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense. » Cette étude, déposée en février 2002, faisait état des grandes questions relatives à la défense et à la sécurité pour le Canada. Puis, le Sénat a chargé notre comité d'examiner la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité. Jusqu'à présent, nous avons présenté cinq rapports sur divers aspects de la sécurité nationale : « La défense de l'Amérique du Nord, une responsabilité canadienne » est paru en septembre 2002; « Mise à jour sur la crise financière des forces canadiennes, une vue de bas en haut » a été publiée en novembre 2002; « Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens » a été rendu public en janvier 2003; « Les Côtes du Canada : les plus longues frontières mal défendues au monde » en octobre 2003 et « Les urgences nationales : Le Canada, fragile en première ligne » en mars 2004.
Maintenant, le comité porte son attention à l'examen de la politique de la défense canadienne. Au cours de l'année prochaine, nous aurons des audiences dans toutes les provinces et nous invitons les Canadiens à définir leurs intérêts nationaux, les principaux dangers qui menacent le Canada et la façon dont ils aimeraient que le gouvernement y réponde. Le comité essayera de lancer un débat sur la sécurité nationale au Canada et d'établir un consensus public sur l'utilité des militaires.
Le témoin de ce soir est bien connu du comité. M. Ken Calder a été nommé sous-ministre adjoint (politique) au ministère de la Défense nationale en 1991. Il est le principal conseiller du sous-ministre et du chef d'état major en matière de politique de défense. Monsieur Calder, je vous souhaite de nouveau la bienvenue devant le Comité. Je sais que vous avez une brève déclaration préliminaire, commencez s'il vous plaît.
M. Kenneth J. Calder, sous-ministre adjoint (politique), ministère de la Défense nationale : Sénateurs, c'est un plaisir de revenir vous voir. Mon témoignage n'est pas très détaillé vu le préavis relativement court que l'on m'a donné pour me présenter devant le comité, mais j'ai quelques remarques préliminaires qui situeront le contexte. Lorsque je suis venu ici au mois d'avril, j'ai parlé de l'examen de la politique internationale et de l'examen de la politique de la défense. Je pense qu'il serait utile de reprendre notre discussion où nous l'avons laissée.
Comme vous le savez, le gouvernement fait un examen exhaustif de la place du Canada dans le monde. Le ministre des Affaires étrangères en collaboration avec le ministre de la Défense nationale, le ministre du Commerce international et le ministre des Finances, dirige l'examen de la politique internationale. L'examen vise à développer une politique internationale intégrée et cohérente au plan de la diplomatie, de la défense, du développement et du commerce.
Cet examen de la politique internationale est axé sur tout un éventail de questions y compris les relations entre le Canada et les Etats-Unis, la sécurité internationale, la prospérité, les droits de la personne et le multilatéralisme. Le travail lié à l'examen est bien coordonné par des comités du Cabinet, par d'autres réunions de ministres, des réunions de sous-ministres et des réunions interministérielles à mon niveau. Bien qu'il ait eu un ralentissement au cours de la campagne électorale et de la transition ministérielle subséquente, le rythme des travaux s'est accéléré ces derniers mois. Le progrès est constant et je reviendrai à la fin de mes remarques sur les questions de consultations publiques et de publication de rapports.
En même temps, nous continuons notre propre examen de politique de défense qui sera compatible à l'examen de politique internationale et qui en découlera directement. Il sera également fondé sur les principes et les initiatives de la politique de la sécurité nationale. Le groupe de la politique collabore étroitement, au sein de la Défense nationale, avec les militaires et en particulier avec le vice-chef d'état-major, pour élaborer une ébauche de la politique. Le ministre est aussi très impliqué et nous indique la voie à suivre.
Nous avons fait d'importants progrès depuis ma dernière comparution devant le comité. Assurément, je ne peux pas vous dire ce que nous recommandons aux ministres, la voie qu'ils nous demandent de suivre ou ce que ce sera le produit final — la politique finale — car elle n'a pas encore été définie. Cependant, je peux vous donner une certaine idée du genre de questions que nous abordons. L'examen de la politique de la défense identifiera nos priorités essentielles en matière de défense. Il évaluera les changements au niveau de la sécurité internationale y compris les menaces telles que le terrorisme mondial, la prolifération des armes de destruction massive, les États déliquescents où en voie de déliquescence et les points chauds dans le monde. Il tiendra aussi compte de l'expérience opérationnelle acquise récemment par les Forces canadiennes afin de déterminer le type de forces militaires dont le Canada aura besoin à l'avenir. Il réaffirmera la nécessité, énoncée dans la politique de la sécurité nationale, pour le Canada d'avoir des forces armées qui soient flexibles, qui puissent intervenir, qui aient une capacité de combat dans un large éventail d'opérations et qui puissent collaborer avec nos alliés. L'examen mettra en évidence l'engagement du gouvernement à augmenter l'effectif des Forces canadiennes en ajoutant 5 000 militaires de la Force régulière et 3 000 de la Force de réserve.
La nouvelle politique réexaminera les trois rôles des Forces canadiennes : la défense du Canada et des Canadiens; la contribution à la sécurité de l'Amérique du Nord et à la paix et la sécurité internationales. Elle définira des tâches militaires spécifiques à chacun de ces rôles. Elle abordera aussi la nécessité de trouver un équilibre approprié entre nos responsabilités envers le continent et celles à l'égard de l'étranger. Il se pourrait bien que la défense du pays occupe une plus grande place, ce qui est tout à fait normal après le 11 septembre. C'est là l'essence même de la politique de la sécurité nationale, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'obligation plus importante pour un gouvernement que la protection et la sécurité de ses citoyens.
Nous étudions les moyens par lesquels les Forces canadiennes pourraient plus se consacrer à la surveillance et de la réponse aux menaces asymétriques au pays, particulièrement en ce qui concerne la sécurité aérienne et la sécurité maritime. Nous envisageons des mesures pratiques, dépassant le cadre de la politique de la sécurité nationale, pour que les Canadiens bénéficient d'une protection accrue au pays. Ces mesures comprennent, entre autres, l'identification et l'amélioration de capacités spécifiques pour répondre au terrorisme et aux menaces asymétriques en augmentant le nombre et les capacités des réserves pour résoudre les crises intérieures et étudier les moyens d'élargir notre présence et nos capacités militaires dans le Nord.
En ce qui concerne la défense de l'Amérique du Nord, nous envisagerons une collaboration avec les Etats-Unis sous un aspect nouveau et innovateur afin de protéger notre continent contre de nouvelles menaces. Ainsi, j'attends de la nouvelle politique qu'elle aborde la question du Groupe de planification binational dont le mandat se termine à la fin de cette année. Cela est aussi lié à l'avenir de l'Accord du NORAD, qui doit être renouvelé en 2006. Comme vous le savez, l'Accord du NORAD a été modifié cette année afin que le commandement américain chargé de la défense contre les missiles balistiques puisse disposer de la fonction d'alerte aux missiles de NORAD.
Il y a également eu des discussions sur l'élargissement de notre coopération bilatérale en vue d'inclure d'autres aspects de la défense de l'Amérique du Nord comme la sécurité maritime. En résumé, nous devons penser à la façon dont nous voulons voir NORAD évoluer au cours des prochaines années.
En ce qui concerne les opérations internationales, nous devons continuer à disposer d'une capacité de réponse aux menaces et cela le plus loin possible de nos côtes, ainsi qu'il est énoncé dans notre politique de sécurité nationale. Nous devons être en mesure de respecter nos obligations conventionnelles et nous devons appuyer notre politique étrangère au moyen d'une forte capacité militaire. Par conséquent, les Forces canadiennes continueront vraisemblablement à participer à tout un éventail d'opérations internationales allant de l'aide humanitaire au combat. Nous pouvons aussi jouer un rôle plus important dans l'établissement de la paix dans les pays déliquescents ou en voie de déliquescence, particulièrement dans le cadre de la démarche 3D du gouvernement. L'engagement énoncé dans le discours du Trône visant à augmenter la Force régulière de 5 000 personnes, la majorité ira à l'armée, sera déterminant à cet égard.
Finalement, nous devrons discuter l'importance de l'OTAN et des Nations Unies pour faire face aux menaces complexes qui planent aujourd'hui.
Nous prévoyons que les deux examens de la politique internationale et de la politique de défense seront terminés plus tard cet automne. Comme il est indiqué dans le discours du Trône, les parlementaires et les Canadiens auront l'occasion de débattre des analyses et des orientations proposées par la déclaration sur la sécurité internationale.
Notre ministre a aussi indiqué récemment « qu'il a l'intention de consulter le Parlement par l'entremise des comités » et « qu'il s'est engagé à collaborer avec... des collègues parlementaires pour établir l'orientation politique en matière de défense. »
Pour l'instant, nous ne savons pas précisément la façon dont se poursuivront les consultations parlementaires. Il est vrai que cette responsabilité incombe en grande partie aux deux comités parlementaires, mais nous nous engageons à collaborer avec les deux comités pour le développement d'une politique de défense. Depuis sa nomination, M. Graham a consulté des experts importants en matière de défense et je m'attends à ce qu'il continue à le faire dans les prochains mois.
Cela dit, monsieur le président, j'attends les questions des membres du comité.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Calder. Le sénateur Jane Cordy de la Nouvelle-Écosse nous a rejoint après le début de la réunion. Elle a une carrière distinguée en éducation et s'est également illustrée par son engagement au service de la communauté. Elle est aussi présidente de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN. Le sénateur Norm Atkins de l'Ontario nous a aussi rejoint. Le sénateur Atkins est entré au Sénat en 1986 avec une solide expérience dans les communications en tant que conseiller de l'ancien premier ministre Davis de l'Ontario. Bienvenue à tous les deux.
Aujourd'hui, notre premier questionneur est le sénateur Forrestall, il sera suivi par le sénateur Munson.
Le sénateur Forrestall : Bonsoir, monsieur Calder. C'est un plaisir de vous revoir, c'est votre troisième visite depuis le 11 septembre.
J'aimerais que vous nous disiez — et vous l'avez déjà un peu fait — ce qui doit être incorporé dans une nouvelle politique de défense. Le dernier examen le plus important a été fait il y a plus de dix ans. Il est sûr que le monde a changé. Quand vous vous êtes présenté devant nous peu de temps après les événements tragiques du 11 septembre, vous avez dit que si nous rédigions une nouvelle politique de défense aujourd'hui, c'est-à-dire à cette époque bien sûr, la plupart, sinon tous, des principaux éléments de la politiques actuellement en vigueur seraient maintenus. En fait, en y pensant, le 11 septembre a prouvé que nous avions raison de dire que le monde était instable, imprévisible et dangereux. Nous avions aussi raison de conclure que le Canada avait besoin de forces polyvalentes et aptes au combat et de vouloir maintenir la capacité de répondre aux attaques terroristes. Vous aviez indiqué que lorsque la prochaine politique sera rédigée, bien que l'on y retrouvera la plupart de ces éléments, on y verra probablement aussi des changements au niveau de l'importance et de la priorité.
J'aimerais que vous nous parliez des changements au niveau de l'importance et de la priorité. Qu'aviez-vous en tête à cette époque et est-ce encore valable aujourd'hui?
M. Calder : Sénateur, vous comprendrez que je ne peux pas en dire trop sur ce que sera la prochaine politique, car c'est le travail des ministres.
Je suis rassuré que la déclaration que vous avez citée me semble encore juste. Lorsque vous parlez de changement, c'est ce à quoi je faisais allusion dans mes remarques préliminaires. Après le 11 septembre, se pose la question de la sécurité du pays, la sécurité du Canada et des Canadiens face au terrorisme mondial, aux menaces asymétriques, et cetera et qui c'est lié au travail que le comité a fait sur la sécurité nationale. Sans aller jusqu'à dire ce que le gouvernement finira par décider à ce sujet, c'est certainement une question qu'il faut aborder très sérieusement, plus sérieusement que les politiques de défense durant la guerre froide qui visaient Moscou et l'Union soviétique.
Il y a aussi la question du Groupe de planification binational de NORAD et celle de la défense du continent nord- américain. Il est évident que ce problème est beaucoup plus complexe et difficile qu'il ne l'était durant la guerre froide. Ce n'était pas facile durant la guerre froide, mais il était essentiellement axé sur l'Union soviétique. Nous devons mettre au point des mécanismes pour travailler plus efficacement avec les Américains afin d'assurer notre défense, la leur et celle de tout le continent.
Voilà les questions auxquelles je faisais allusion lorsque je parlais d'une plus grande importance et je crois que c'est toujours valable.
Le sénateur Forrestall : Beaucoup de personnes ont suggéré, et même continuent à suggérer, que la nouvelle politique de défense devrait commencer sur une feuille de papier vierge. Vous avez indiqué, lors de vos précédents témoignages, que les principes de base d'une politique de défense devraient être — comme vous l'avez plus ou moins suggéré — les mêmes que ceux du livre blanc de 1994.
Vous avez plusieurs fois suggéré en réponse aux questions des journalistes que ce processus était un processus continu. Et vous avez déclaré une fois que la politique a été un processus continu et que ce processus est pratiquement terminé.
Que répondez-vous aux critiques des journalistes à ce sujet? Pour plusieurs d'entre nous, ces attaques semblent un peu injustes, étant donné les très rapides changements qui ont été apportés au cours de ces 24 ou 18 derniers mois. Que répondez-vous à ces déclarations avançant que la politique est pratiquement terminée alors que vous avez bien dit que la politique étrangère de ce pays montre bien la voie qu'il veut suivre, rendant un peu plus facile l'élaboration d'une politique de défense qui appuierait cette politique étrangère? Que répondez-vous aux critiques?
M. Calder : Je ne suis pas sûr, sénateur, avoir jamais dit que la politique est pratiquement terminée. D'autres l'ont peut-être dit.
Le sénateur Forrestall : Peut-être l'ai-je dit en votre nom.
M. Calder : Je vous assure qu'elle n'est pas terminée, car elle ne le sera que lorsque les ministres auront pris leur décision et nous n'en sommes pas là. Vous avez mentionné la politique étrangère. Nous avons l'intention d'avoir une politique de défense après ou en même temps que les examens de politique internationale afin qu'il n'y ait pas d'incompatibilité entre la politique étrangère et la politique de défense.
Vous avez dit tout au début de vos remarques que certaines personnes avaient suggéré que l'on devrait élaborer la nouvelle politique de défense à partir d'une feuille de papier vierge ou au tout début, je suis d'accord avec cette approche pour l'exercice intellectuel. Chaque fois que l'on procède à l'examen d'une politique, il faut la revoir au tout début pour s'assurer qu'elle est bonne. Je maintiens que si l'on faisait cela pour la politique de défense canadienne, si l'on commençait au tout début, on retrouverait des principes fondamentaux déjà énoncés, c'est-à-dire que nos missions essentielles sont la défense du Canada, la défense de l'Amérique du Nord et la contribution à l'établissement de la paix et de la sécurité internationales. Pour y arriver, nous avons besoin de forces polyvalentes et aptes au combat. Même si l'on reprenait du to9ut début, on continuerait à arriver à cette conclusion.
Le sénateur Forrestall : Doit-on mettre l'accent sur le béret bleu ou sur le casque d'acier? Je ne cherche pas à vous tirer les vers du nez, mais j'ai hâte que le comité soit en mesure de faire du travail crédible sur l'élaboration de la politique de défense. Nous avons une année pour le faire et j'aimerais que nous fassions du bon travail. Sommes-nous encore dans le mode béret bleu? Est-ce que le rôle est encore le maintien de la paix?
M. Calder : La distinction entre béret bleu et casque d'acier n'est plus valable. Il s'agissait essentiellement d'une création de la guerre froide où il fallait garder la paix à Chypre, par exemple, et d'autre part, il y avait la possibilité d'une guerre majeure sur le front central de l'Europe, ce qui représentait deux rôles assez distincts pour les Forces canadiennes. Tout ce que nous avons fait au cour de la dernière décennie à l'échelle internationale, comme l'Afghanistan, Kandahar, le Kosovo, la Bosnie et la Croatie, et le reste, montre bien que la distinction n'est plus pertinente. Lorsqu'on envoie des troupes à l'étranger, elles peuvent bien porter un béret bleu, et il pourrait bien s'agir d'une mission de bérets bleus, mais vous devez vous assurer que vos gens ont les capacités dont ont besoin les forces de combat parce que vous n'êtes jamais absolument certain de ce qui arrivera une fois les troupes déployées. Ce qui pourrait débuter comme une opération de maintien de la paix raisonnablement bénigne peut tourner au vinaigre et vous avez vraiment besoin de vos capacités de combat. Nous avons vu cela se produire en Bosnie, dans la poche de Medak. Les opérations que nous avons menées, particulièrement dans des endroits comme l'Afghanistan, montrent que vous devez avoir des forces aptes au combat et bien équipées. Cette capacité est non seulement nécessaire pour les missions en cours, mais les hommes et les femmes des Forces canadiennes méritent d'avoir cette capacité.
Le sénateur Forrestal : N'est-ce pas le moment pour nous d'examiner s'il y a un rôle approprié pour des forces prêtes au combat, entraîné et aptes dans les trois éléments.
M. Calder : Je défendrais certainement l'idée que nous avons toujours besoin d'une capacité de combat dans les trois éléments des Forces canadiennes et c'est ce dont nous avons besoin dans les missions que nous entreprenons.
Le sénateur Forrestall : Puis-je vous recommander les capacités des Fusilliers de Halifax? Je crois que dans ce groupe d'hommes et de femmes, on trouve une capacité de défense côtière qui est suffisante, connaissante, sur place, tout à fait capable et qui peut être reconstruite ou reconstituée à peu de frais pour le peuple canadien. Je ne vous poserai plus cette question pendant des années.
Le président : Merci, sénateur Forrestall. C'est une belle tradition que de faire mention des Fusilliers de Halifax à toutes les réunions. Peut-être pourrions-nous le faire une fois par mois plutôt qu'une fois par semaine. Je suis certain que le comité a compris et nous allons faire parvenir des lettres au gouvernement en votre nom.
Le sénateur Munson : J'aimerais qu'on regarde la réalité. À votre avis, quel chemin avons-nous parcouru depuis la publication du livre blanc et des recommandations très étendues du Sénat? Dans quelles mesures nos forces militaires ont-elles progressé depuis que toutes ces recommandations ont été faites? Dix années se sont écoulées. Diriez-vous que ce livre blanc a donné des résultats?
M. Calder : Faites-vous allusion au livre blanc de 1994?
Le sénateur Munson : Oui.
M. Calder : Il s'est fait beaucoup de choses depuis 1994 en termes de modernisation des capacités des Forces canadiennes. Je ne suis pas certain de pouvoir énumérer toutes les réalisations qui ont eu lieu au cours de la décennie. Tout récemment, par exemple, nous avons lancé le projet de navire de soutien interarmées. Nous remplaçons également les chars d'assaut par le système de canon mobile et nous faisons l'acquisition d'appareils de recherche et sauvetage à voilure fixe. Nous procédons à la remise à neuf des CF-18 et des appareils Aurora. Nous faisons l'acquisition de véhicules de reconnaissance Coyote et ainsi de suite. De très nombreuses améliorations ont été apportées aux Forces canadiennes depuis 1994.
La plupart des projets ayant trait à l'équipement figurant dans le livre blanc de 1994, en fait, je pense que tous les projets y figurant, ont été réalisés il y a un certain temps; alors, en un sens, cela est périmé. Toutefois, le monde a changé. Le monde est différent maintenant et je pense que nous reconnaissons tous que le livre blanc de 1994, bien qu'il ait été valable pendant une longue période de temps, a besoin d'être revu. Les forces ont besoin d'une nouvelle orientation et le gouvernement a besoin d'une nouvelle orientation en ce qui a trait à la politique de défense. Et c'est ce que le présent exercice nous permettra de définir, nous l'espérons.
Le sénateur Munson : Vous avez parlé de 5 000 recrues et vous avez parlé de troupes prêtes au combat. Le premier ministre a parlé de cette question durant la campagne électorale, pourtant beaucoup de gens croient qu'il serait plus juste de décrire ces troupes comme des gardiens de la paix. Est-ce que ces 5 000 recrues formeront des troupes spéciales destinées à exécuter des tâches spéciales ou seront-elles regroupées avec la Force de réserve pour former la force militaire globale?
M. Calder : C'est une décision qui reste à prendre. À l'heure actuelle, l'armée envisage des options, principalement pour les 5 000 de la Force régulière, mais aussi pour les 3 000 de la Force de réserve, en ce qui concerne leur intégration aux Forces canadiennes. On s'entend généralement pour dire que la plus grande partie de ces recrues iront à l'armée. Il est clair que le défi pour les planificateurs militaires, c'est de s'assurer que ce personnel est incorporé dans les Forces canadiennes d'une manière qui maximise notre capacité à les déployer à l'étranger. Il ne faut pas les incorporer dans des parties de l'organisation qui ne seront pas déployées. Nous chercherons à obtenir la capacité maximale de ces troupes.
Quant à savoir s'il s'agit ou non de gardiens de la paix, selon nous ramène à la question du sénateur Forrestall. Tout le monde dans les Forces canadiennes est un gardien de la paix. Lorsque nos avions Hercules partent pour Kaboul, ils participent à une mission de maintien de la paix. Lorsque nous avons des navires dans l'océan Indien qui interceptent des terroristes potentiels et ainsi de suite, ces navires participent également à des missions de maintien de la paix; c'est très clair. En un sens, je ne pense pas que la distinction entre soldats et gardiens de la paix est valable. Comme je le disais à votre collègue, nous sommes tous engagés dans l'activité de maintien de la paix et nous devons être aptes au combat pendant que nous participons à cette activité.
Le sénateur Munson : Ne craignez-vous pas que l'examen des dépenses du gouvernement vienne compromettre ces nouvelles annonces d'expansion? De toute évidence, le ministère de la Défense doit trouver une façon d'éliminer certains programmes. Y a-t-il un équilibre?
M. Calder : J'espère qu'il y a un équilibre. L'examen de la politique de défense est en cours. Une partie de cet examen de la politique doit être l'étude du financement de la défense, la taille de budget de la défense et ainsi de suite. Au même moment, le processus d'examen des dépenses est en cours, mais pas depuis aussi longtemps. Les deux doivent finir par se rejoindre. On espère qu'il y aura un équilibre, mais il est trop tôt pour le dire. La question de l'examen des dépenses capte l'attention des gens.
Le sénateur Munson : Elle capte la nôtre.
Vous avez parlé du groupe de planification binationale concernant le NORAD. Voyez-vous le rôle du NORAD être enrichi au point d'englober les opérations sur mer et sur terre?
M. Calder : Cette question fait l'objet de discussions à Ottawa. Elle fait également l'objet de discussions à Colorado Springs, dans les quartiers généraux du NORAD. Je crois qu'elle fait l'objet de discussions chez nos collègues à Washington. Je fais allusion à la question de savoir comment rendre le NORAD plus efficace. La discussion peut ne pas avoir lieu dans le contexte du NORAD. Elle peut se faire dans un autre contexte, par exemple : comment rendre la coopération, la sécurité et la défense du Canada et des États-Unis plus efficaces?
Clairement, la question qui suscite un intérêt primordial est celle de la sécurité maritime, la sécurité sur les côtes Est et Ouest, dans les Grands Lacs, dans la voie maritime et ainsi de suite. Sans vouloir préjuger de l'issue de cette discussion, il s'agit-là d'une question qui fait l'objet d'une étude active. Nous ne sommes pas seuls à prendre les décisions. Nous devrons négocier tous les changements avec nos amis à Washington. Cette question fait l'objet d'une étude active.
Le sénateur Munson : À votre avis, quelle est la menace la plus importante pour notre pays?
M. Calder : Je ne suis pas certain de vouloir indiquer un élément comme étant plus important qu'un autre. On peut tomber dans un piège lorsqu'on fait des prédictions. Il y a un certain nombre de menaces. Il n'y a pas de menace militaire traditionnelle directe qui touche le Canada. Mais nous avons la menace liée au terrorisme mondial, non seulement le terrorisme contre les intérêts canadiens et les Canadiens à l'étranger, mais également contre le Canada lui- même.
Il y a également les menaces liées aux états effondrés et aux états déliquescents et les problèmes qu'ils entraînent pour le système international. Il y a des menaces de conflits régionaux entre divers pays dans le monde qui peuvent déstabiliser le système international et nuire aux intérêts du Canada.
La situation dans la Péninsule coréenne est toujours préoccupante, si l'on considère l'armement très important massé de part et d'autre du parallèle. Il y a également la situation de Taïwan, qui doit être une préoccupation pour quiconque surveille l'équation de la sécurité internationale. Il y a aussi la relation entre l'Inde et le Pakistan. Les deux pays possèdent des armes nucléaires, ce qui est également une source de préoccupation. Nous vivons dans un environnement incertain qui crée des préoccupations auxquelles nous devons faire face.
Pour en revenir à votre question, la menace directe la plus sérieuse serait celle du terrorisme.
Le sénateur Atkins : Comment se déroule le recrutement?
M. Calder : Ce n'est pas mon domaine de compétences, mais j'ai l'impression que les choses vont bien du côté du recrutement. Je ne pourrais pas vous donner de chiffres précis à cet égard.
Le sénateur Atkins : Y a-t-il des incitatifs pour encourager les jeunes à joindre les rangs des forces armées?
Le sénateur Banks : Il y en a, si vous êtes médecin.
M. Calder : Je ne peux répondre à votre question. Nous pourrons vous présenter plus tard des détails sur le recrutement. Je crois savoir que les efforts de recrutement connaissent du succès.
Le sénateur Atkins : Certains d'entre nous siègent au comité depuis qu'il a été créé. Nous avons toujours eu le sentiment, du moins je l'ai toujours eu, qu'en tant que forces armées, nos ressources sont étirées. Nous avons constaté cela la première fois lorsque nous nous sommes rendus à Borden. Nous avons vu beaucoup de militaires appartenant à tous les services qui attendaient des cours. On nous a expliqué que la raison pour laquelle ces gens attendaient à ne rien faire, c'était qu'il n'y avait pas suffisamment d'instructeurs pour donner la formation.
Est-ce que l'infrastructure est en place pour former 5 000 recrues? Avant que vous répondiez, laissez-moi vous donner un autre exemple. Nous sommes allés à Gagetown et nous sommes allés dans les écoles de formation de l'infanterie, de l'artillerie et de l'armée. La plainte qui revenait le plus souvent, c'était le va-et-vient incessant des sous- officiers. S'il y en avait, ils étaient réaffectés à des tâches outremer. Comment allons-nous faire face à cette situation, si les mêmes circonstances se présentent?
M. Calder : Sénateur, vous avez absolument raison. Mon impression concernant le recrutement, et ce que me disent mes collègues militaires, c'est qu'il n'y a pas de difficulté à trouver des gens pour joindre les rangs des forces canadiennes, pour signer; le problème, c'est le processus d'entraînement et le fait de s'assurer que ces recrues sont pleinement entraînées de manière qu'elles puissent être déployées.
Vous dites que nos ressources sont étirées, et il ne fait aucun doute que les ressources des Forces canadiennes, et particulièrement celle de l'armée, sont étirées. Au printemps, nous avons déployé 14 p. 100 de l'armée à l'étranger. À l'exception des Etats-Unis, c'est le pourcentage le plus élevé de tous les pays de l'OTAN. Lorsque nous avons autant de gens à l'étranger, nos ressources à la maison sont étirées.
Recruter 5 000 personnes et les former pour qu'elles soient prêtes à être déployées est un véritable défi. Ce sera fait, mais ce sera un défi.
Le sénateur Atkins : Depuis que notre comité a été créé, nous avons examiné de près les budgets. Si ma mémoire est fidèle, nous avons débuté avec un budget d'environ 12 milliards de dollars. Je crois que nous en sommes maintenant à 13,5 milliards de dollars.
M. Calder : Dans cet ordre-là, oui.
Le sénateur Atkins : Est-ce que c'est suffisant pour faire tout ce qu'il y a à faire dans le contexte de l'accroissement des forces et pour mettre à leur disposition tout l'équipement nécessaire?
M. Calder : Si je me souviens bien, le budget de la défense a augmenté tous les ans depuis 1999. Une partie de cette somme provenait d'un financement de fin d'année, évidemment, mais je crois que cela a entraîné une augmentation du budget de base de 1,7 milliard de dollars, pour le porter à quelque 13 milliards de dollars. Par conséquent, le budget a augmenté.
Quant à savoir si cela est suffisant, cela dépend de ce que vous voulez faire. On ne devrait pas mettre de chiffre magique dans le cas de la défense. Cela dépend du type de forces que vous voulez avoir, de l'effectif que vous voulez avoir, de la qualité du personnel que vous voulez avoir et des rôles que vous voulez confier à ce personnel. Vous devez d'abord déterminer ce que vous voulez que les forces fassent et ce n'est qu'après que vous pouvez déterminer combien d'argent vous devriez y consacrer.
J'espère que c'est ce que nous allons voir dans la politique de défense qui sera présentée.
Le sénateur Atkins : N'en sommes-nous pas à cette étape?
M. Calder : J'espère que la politique qui sera arrêtée, quelle qu'elle soit, ne se contentera pas simplement de dire à quoi ressembleront les forces dans l'avenir et quelles devraient être les capacités de ces dernières, mais qu'elle précisera également, de manière explicite, quel sera le financement nécessaire pour y arriver. Je m'attends qu'un comité comme le vôtre, qui examinera nos propositions, signalera les lacunes qu'il pourrait y avoir à cet égard.
Le sénateur Atkins : Le sénateur Weibe aimerait que je vous interroge sur la Force de réserve. Quelle sera sa place dans ce nouveau plan?
M. Calder : Lorsque vous m'avez posé cette question au printemps, j'en étais moins certain parce que le gouvernement n'avait pas encore rendu sa décision. Depuis, durant la campagne électorale, le gouvernement a annoncé qu'en plus des 5 000 militaires qui s'ajouteront à la Force régulière, il augmentera la Force de réserve de 3 000 personnes, alors il y aura une augmentation de l'effectif de la Force de réserve. Le rôle de la Force de réserve au Canada en ce qui concerne la sécurité nationale, la réaction à des attaques terroristes et ainsi de suite, est également à l'étude.
J'espère que nous allons voir des orientations claires sur cette question dans la prochaine politique.
Le sénateur Atkins : Lorsque nous avons visité certaines unités de la Force de réserve, nous avons décelé deux problèmes. Un de ces problèmes était le recrutement des membres de la réserve et l'autre était le financement que les unités de la Force de réserve recevaient pour l'entraînement. Comment allons-nous résoudre ces problèmes pour que la Force de réserve soit pertinente?
M. Calder : Nous devrons voir ce que prévoit la politique. Je peux vous assurer que les autorités, au sein du ministère, qui s'occupent de la Force de réserve examinent la question des 3 000 recrues et de la place qu'occupera la Force de réserve, mais ultimement, cela dépendra des décisions que les ministres prendront à cet égard.
Le sénateur Atkins : En aparté, dans le débat présidentiel, il y a eu une discussion au sujet de la conscription. Une conscription déguisée a lieu par le biais de la Garde nationale. On ne laisse pas les militaires remplir leurs fonctions, mais ils restent dans la Garde nationale, ce qui est intéressant.
Et ma dernière question, combien disposons-nous de CF18 à l'heure actuelle? Vous avez dit que nous étions en train de les remettre à neuf.
M. Calder : Je n'ai pas de chiffres précis concernant ce genre de choses, mais je pense que nous avons 80 CF18 qui sont opérationnels. Il y en aurait davantage, si l'on considère que certains sont en voie de remise à neuf, mais je pense que le chiffre opérationnel est de 80.
Je ferai vérifier cette information par mes gens pour en être sûr. Lorsqu'il est question des politiques, je ne suis pas toujours fort en chiffres.
Le sénateur Nolin : Merci, monsieur Calder, d'avoir accepté notre invitation. Je suis nouveau à cette table, mais je suis intéressé par les questions militaires et les questions liées à la défense. À divers moments, mon collègue, le sénateur Cordy, notre président et moi-même avons eu un rôle à jouer dans l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. Les questions porteront sur ce traité dont nous sommes signataire depuis la création de l'OTAN.
D'emblée, parlons de la politique étrangère et de la sécurité européennes. Dans quelle mesure cette question influera- t-elle ou a-t-elle influé sur la façon de penser au sein du ministère concernant l'examen?
M. Calder : Nous suivons cette question de très près. Nous avons toujours appuyé les efforts européens visant à amener leur défense à devenir un tout plus cohérent, ce que vise la politique de sécurité et de défense européenne.
Nous traitons de cette question par le biais de l'OTAN, mais également directement avec la Communauté européenne. Je tiens à vous assurer qu'il n'y a pas de chevauchement entre les efforts de la Communauté européenne et ceux de l'OTAN, de sorte qu'il n'y a pas de gaspillage de ressources.
Nous voulons voir une relation étroite entre les structures militaires européennes et celles l'OTAN pour qu'elles puissent s'appuyer mutuellement. Comme vous le savez probablement à partir de nos discussions à l'OTAN, l'OTAN a accepté de mettre diverses capacités à la disposition des Européens.
De plus, nous avons laissé savoir aux Européens que s'ils devaient déployer des forces militaires en dehors de l'OTAN, mais dans des missions qui leur sont propres, nous serions prêts, dans nombre de cas, à participer et à collaborer avec eux. Par exemple, lorsque la Communauté européenne a envoyé une mission dans l'est du Congo, nous avons fourni des appareils Hercules pour l'appuyer.
La Communauté européenne prendra en charge les opérations de maintien de la paix de l'OTAN à la fin de l'année. Rien n'a encore été décidé, mais il est possible qu'un certain nombre de Canadiens fassent partie des troupes européennes qui seront envoyées dans ce pays. Il est certain que cela influence de manière positive notre participation avec l'OTAN et notre politique, en général.
Le sénateur Nolin : Vous dites « de manière positive ». Il s'agit d'un examen et, par conséquent, vous devez faire des prévisions. Supposez-vous que les Européens vont mettre sur pied leur propre capacité militaire et utiliser les ressources de l'OTAN?
M. Calder : Nous supposons que ce scénario est tout à fait naturel et, sous de nombreux aspects, inévitable. Dans une organisation comme la Communauté européenne, qui vise l'élaboration d'une politique étrangère commune, il est logique d'avoir un effort de défense commun. C'est assez inévitable.
Et voici la raison pour laquelle c'est positif : En travaillant ensemble, les Européens peuvent réussir encore mieux à améliorer leurs capacités militaires dans ce cadre, ce qui est bon pour nous.
Nous supposons également que les relations entre les Européens et l'OTAN se renforceront mutuellement et qu'elles seront positives. Et les questions dont a été saisie l'OTAN par le passé ont été résolues d'une manière positive, alors nous considérons que cet effort est entièrement favorable.
Le sénateur Nolin : J'aimerais poser une question au sujet de la force d'intervention rapide de l'OTAN, que le Canada ainsi que d'autres membres du Conseil de l'Atlantique Nord ont acceptée. Nous parlons d'une force d'environ 22 000 à 25 000 personnes qui peut être déployée rapidement. Quel est votre engagement à ce sujet? En ce qui concerne les Forces, qu'est-ce que qui a été convenu?
M. Calder : Nous prévoyons faire des contributions aux niveaux terrestre, maritime et aérien pendant un certain nombre d'années. Je ne suis pas certain, mais je crois que le premier engagement qu'ils ont fait s'appliquera au début de 2006. Il y aura au début des contributions en ressources maritimes et aériennes, puis les contributions de l'armée suivront.
Nous devons également tenir compte de cela par rapport à d'autres déploiements qui pourraient être faits par l'armée durant cette période, par exemple en Afghanistan ou ailleurs.
Le sénateur Nolin : Je comprends la dernière partie de votre réponse. Comme les 26 autres nations qui siègent à cette table, nous avons accepté de créer, collectivement, une force d'intervention rapide. Nous avons dit que le Canada en ferait partie. Nous ne pouvons pas — et vous en conviendrez — dire « oui » maintenant et, plus tard, si nous avons d'autres missions, dire « peut-être ». Est-ce que cela fait partie de votre examen? Dans quelle mesure cela est-il un aspect important de nos engagements internationaux?
M. Calder : Nous avons un engagement à ce sujet. De plus, nous avons un engagement envers la mission de l'OTAN en Afghanistan. Évidemment, il faut décider à quelle mission nous devons contribuer, quelle est la plus utile et la plus appropriée. Il s'agit d'équilibrer les ressources disponibles.
Le sénateur Nolin : Ma dernière question n'a rien à voir avec l'OTAN, mais plutôt avec l'ONU. Étant donné que vous intervenez dans les opérations de défense du Canada, vous savez que nous jouons un rôle moins important dans les missions de l'ONU que dans les missions de l'OTAN. Ma question est très directe. Dans le cadre de votre processus d'examen, quelle importance accordez-vous à l'ONU? Dans quelle mesure la renaissance de l'ONU, que nous souhaitons, est-elle importante dans le cadre de l'examen de la défense que vous avez entrepris?
M. Calder : Il est certain que l'ONU et que nos engagements envers cette organisation sont fondamentalement importants. L'ONU est la première organisation internationale à laquelle nous appartenons. Le Canada a appuyé sans retenu l'ONU ainsi que sa réforme. Par le passé, nous avons fait des suggestions sur la manière dont l'ONU pourrait améliorer son efficacité, réagir plus rapidement, et cetera.
Avec le temps, la majorité des missions importantes de maintien de la paix qui sont effectuées à l'échelle internationale sont faites par des coalitions sous l'égide de l'ONU, de préférence, mais aussi de l'OTAN, comme dans le cas de la Force internationale d'assistance à la sécurité en Afghanistan, par exemple. Par conséquent, une bonne partie de nos efforts qui étaient sous l'égide de l'ONU sont maintenant dirigés par des organisations comme l'OTAN. Cela reflète simplement l'évolution des forces de maintien de la paix à l'échelle internationale; l'ONU s'occupe d'une certaine quantité de missions de maintien de la paix alors qu'une bonne partie des missions plus musclées sont effectuées à l'écart de l'ONU, mais demeurent chapeautées par elle. Lorsque nous étions avec la Force internationale d'assistance à la sécurité, nous servions quand même les Nations Unies, même si nous ne faisions pas partie d'une de leurs opérations de maintien de la paix.
Le sénateur Nolin : Cela signifie-t-il qu'il est plus facile d'en arriver avec un consensus à la table du Conseil de l'Atlantique Nord à Bruxelles, plutôt qu'à Washington ou à New-York?
M. Calder : C'est une question difficile. D'une crise à l'autre, cela dépend de l'organisation qui parvient à prendre une décision le plus rapidement. L'avantage de l'OTAN, c'est qu'elle dispose d'une machine militaire de grande envergure et sophistiquée, quelque chose que les Nations Unies n'ont jamais mis sur pieds. Même si cela avait été envisagé dans la charte originale, cela n'a jamais été mis en œuvre.
Lorsqu'il s'agit d'une opération militaire sophistiquée, comme ce que nous faisons en Afghanistan, l'OTAN est plus efficace. Je crois que l'OTAN a reconnu ce fait et a entrepris d'accroître ses responsabilités. L'ONU a reconnu cela et, dans une certaine mesure, se fie sur l'OTAN pour effectuer des missions sous son égide et dans le cadre de son mandat.
Le sénateur Cordy : Merci de votre témoignage, cela nous aide à amorcer notre saison.
Je voudrais rappeler ce que le sénateur Atkins a dit. Je suis certaine que nous sommes tous heureux d'avoir entendu, dans le discours du Trône, que le gouvernement comptait recruter 5 000 nouveaux membres dans nos forces armées. L'une des grandes préoccupations des personnes qui, parmi nous, ont visité des bases militaires, c'est l'entraînement des nouveaux membres. Ce n'est pas seulement à Gagetown que nous avons vu que les personnes chargées de l'entraînement ont été déployées. Cela semble nuire à la continuité, qui devient minime ou nulle.
Dans certaines bases, nous avons également vue des militaires excités et plein d'entrain à l'idée de faire partie de notre armée, mais qui se tournaient les pouces. Cela n'a pas été une bonne expérience. C'était une préoccupation majeure. J'espère donc que lorsque les 5 000 nouvelles recrues arriveront, elles seront rapidement incorporées à notre armée et entraînées.
Ma prochaine question porte sur la population canadienne. Peu après le 11 septembre, la population se préoccupait beaucoup de la sécurité de notre continent. Le terrorisme était certainement dans l'esprit des Canadiens. Cependant, lors de la dernière campagne électorale, je ne crois pas que la sécurité et la défense ont été des questions majeures. Les grandes questions étaient la santé, la garde des enfants et l'éducation.
Que faites-vous pour que les Canadiens prennent conscience de l'importance de la sécurité et de la défense tout en ne tenant pas des propos alarmistes? Nous ne voulons pas dire à toutes les secondes qu'il y a une alerte rouge ou orange. Cependant, il est important que les Canadiens réalisent que la sécurité est importante pas seulement aux États-unis, que nous faisons partie de l'Amérique du Nord et qu'une politique de défense nord-américaine devrait être en place.
M. Calder : C'est une très bonne question, madame le sénateur, mais je ne suis pas certain de la réponse. Vous avez raison. Il faut discuter de la sécurité et de la menace du terrorisme, et cetera. Cependant, il ne faut pas que l'on pense que nous voulons semer la peur et la panique. Je n'ai pas de solution facile à vous proposer à ce sujet.
Il faut que les dirigeants politiques de ce pays abordent ces questions. Il faut que les responsables gouvernementaux les abordent aussi, lorsqu'ils en ont l'occasion. Il faut espérer que la question est rapportée correctement par les médias et que la population comprenne le message sans toutefois trop paniquer. Il faut un juste équilibre. Je ne suis pas certain que nous avons cet équilibre en ce moment.
Le sénateur Cordy : La politique étant ce qu'elle est, lorsque le budget est préparé, particulièrement dans une situation de gouvernement minoritaire, il est fait en fonction de ce que la population désire; attirer l'attention de la population sur l'importance de la défense et de la sécurité est assurément un défi.
Lorsque vous avez répondu tout à l'heure à une question, vous avez dit que nous devrions avoir des troupes aptes au combat dans les trois composantes des Forces canadiennes. À ce sujet, que pensez-vous des capacités-créneaux? Pensez-vous que nous devrions nous spécialiser? Certains diront que nous nous spécialisons dans le maintien de la paix. Que pensez-vous de la spécialisation au sein des Forces canadiennes?
M. Calder : Lorsque l'on parle de spécialisation, cela me rend nerveux. Les forces-créneaux, cela me rend nerveux, car je ne suis pas certain de notre capacité de prédire l'avenir. Le professeur Desmond Morton, pour qui j'ai un grand respect, dit, en tenant compte de certains faits, que nous nous trompons toujours sur nos prédictions. Je tiens compte de cela. Je crains que si nous mettions sur pied des forces-créneaux parce que nous croyons que nous sommes dans une période où nous pouvons apporter une réelle contribution, nous pourrions nous retrouver avec quelque chose de totalement inutilisable si notre prévision est fausse. Je me suis fait posé cette question beaucoup de fois, notamment par certains de mes supérieurs, et je réponds toujours que l'on peut se spécialiser à condition que l'on se spécialise dans ce qui est le plus utile. Il faut se spécialiser dans quelque chose qui sera utile dans toutes les circonstances, et non dans quelque chose qui a moins de chance d'être utilisé. Par exemple, en tant que simple civile, ce qui est à coup sûr le plus utilisé dans la Marine, ce sont les frégates, et dans l'armée, c'est l'infanterie. C'est ce qu'il faut examiner. J'hésiterais de faire une spécialisation dans des capacités plus spéciales, parce que cela pourrait être une perte d'argent.
Le sénateur Cordy : Alors vous prônez une spécialisation non spécialisée. Merci beaucoup.
Le sénateur Banks : Je suis heureux de vous revoir, monsieur Calder. Nous avons dû visiter un certain nombre d'établissements de défense pour voir une capacité qui s'appelle DART, soit l'Équipe d'intervention en cas de catastrophe, que vous connaissez je crois. C'est un dispositif hospitalier qui peut être envoyé partout dans le monde sur court préavis, et cela fonctionne très bien. Lorsqu'il y a eu des problèmes et que la situation s'est aggravée en Haïti, certains croyaient qu'il aurait été très utile d'envoyer la DART là-bas, mais que nous ne l'avons par fait, car cela aurait coûté trop cher. De quoi avons-nous besoin pour envoyer la DART là où elle pourrait être utile?
M. Calder : Je n'étais pas au pays lorsque des décisions ont été prises à ce sujet, alors je ne suis vraiment pas au courant de cette situation en particulier. La DART est utile dans certaines circonstances, mais dans d'autres, sa capacité est moindre. L'Équipe coûte cher. Son déploiement coûte assez cher. Dans certaines circonstances, il est très utile de la déployer. Dans d'autres, il est beaucoup mieux de fournir une aide sous une autre forme. Parfois, lorsqu'il y a une urgence, la meilleure façon d'aider est d'envoyer un chèque. Dans d'autres circonstances, il est beaucoup mieux d'envoyer des fournitures médicales, ou encore d'envoyer seulement une partie de la DART, et non pas toute la capacité, parce que cela n'est pas nécessaire.
À chaque fois qu'il y a une crise, c'est une question de jugement, et en général, ce n'est pas nous à la Défense nationale qui décidons. Dans une certaine mesure, ce sont les premiers intervenants, dans la région où s'est produit la crise, qui décident des besoins. Nous consultons directement l'ACDI pour lui demander ce que nous pouvons faire pour fournir de l'aide. La DART n'est pas toujours la meilleure solution, cela dépend de la nature de chaque problème.
Le sénateur Banks : Vous n'étiez pas ici, alors je ne veux pas poursuivre à ce sujet, mais j'ai appris que des personnes de l'ACDI et d'autres organisations avaient fait savoir qu'elles avaient besoin de cet hôpital. C'est pourquoi je me posais la question.
Nous savons que pour déplacer l'ensemble de la DART, il faudrait, si je me souviens bien, remplir 26 fois un hercule. Je crois que mes collègues vont être d'accord avec moi, il serait bien difficile de charger 26 fois un hercule et de l'envoyer en quelque part en moins d'une semaine. Je suppose que nous parlons de remplacer ces avions. Au cours de la dernière législature, nous avons appris, lorsque nous avons parlé de la question du transport aérien stratégique, de déplacer la DART ou des soldats ou peu importe vers d'autres endroits, que le concept du transport aérien stratégique n'était pas dans les plans du gouvernement. Le gouvernement a décidé de ne pas faire cela. Une telle chose est-il encore possible, ou cette question est-elle restée en plan?
M. Calder : Assurément, lors d'un examen stratégique, en effet, tout est sur la table. Auparavant, la décision était appuyée sur l'argument que les Forces canadiennes avaient besoin d'un transport aérien stratégique sous une forme ou une autre. Cela ne veut pas dire qu'il faut approuver le transport aérien stratégique, mais il faut être là exactement pour la raison que vous mentionnez. Par le passé, nous avons surtout utilisé les Antonov ukrainiennes pour envoyer une bonne partie de l'équipement. Il y a un besoin, cela ne fait aucun doute.
Mais la question est la suivante : Quelle est la manière la plus efficace et la plus rentable de satisfaire à ce besoin? Bien sûr, une solution possible consisterait à acheter un certain nombre d'avions, mais en faisant cela, si nous ne vendons pas d'autres avions, nous augmentons de manière importante les coûts de PF&E et nous pigeons dans le budget en capitaux, alors il faut se demander ce qu'on est prêt à abandonner pour obtenir cette capacité.
La présidente : Voulez-vous expliquer ce que signifie PF&E?
M. Calder : Il s'agit des coûts de personnel, de fonctionnement et d'entretien. Avoir une capacité de transport aérien stratégique, c'est une bonne chose, mais est-ce assez important pour que nous abandonnions ou reportions d'autres projets? Le gouvernement précédent a décidé que c'était suffisant de louer les Antonovs pour les fois que nous les utilisons, et cela semble être une bonne décision si l'on tient compte du budget.
Nous avons maintenant un nouveau gouvernement, une nouvelle législature, et nous travaillons sur une politique de défense. D'une certaine manière, tout est sur la table, mais une bonne partie de ces arguments vont encore s'appliquer. Il faut tenir compte de ce que l'on peut se permettre.
Le sénateur Banks : Nous devions attendre en ligne pour certains de ces gros avions, pour votre information. Beaucoup de personnes voulaient les avoir.
M. Calder : À ma connaissance, lorsque nous voulions ces avions stratégiques, cela a toujours été possible et nous n'avons pas attendu trop longtemps. La situation contraire s'est peut-être produite, mais je ne m'en souviens pas.
Le sénateur Banks : D'autres sénateurs vous ont posé une question au sujet du concept d'un nouveau libre blanc. Si je comprends bien, vous avez pris part largement à l'élaboration du livre blanc de 1994. Je ne suis pas entièrement désabusé à ce sujet, mais c'est un peu comme la Constitution de la Russie, en ce sens que ce qui y est écrit est absolument magnifique. Si nous avions pu faire ce que prévoyait le livre blanc de 1994, corrigez-moi si je me trompe, nous aurions été beaucoup moins mécontents sur certains points. Par exemple, selon le livre blanc de 1994, nous aurions dû mettre une brigade en place et la faire fonctionner pendant un bout de temps. Cependant, cela fait longtemps que nous ne sommes pas capable de faire cela. On m'a dit que nous n'avons même pas pu effectuer des exercices à l'échelle de la brigade. Comment pouvons-nous avoir confiance dans une politique consignée dans un livre blanc ou un livre vert alors que nous savons, par expérience, que de très bonnes politiques sur papier n'ont jamais été appliquées?
M. Calder : Comme vous l'ont appris nos discussions précédentes, sénateur, je tends à être un peu plus optimiste ou plus positif que certains des détracteurs. À bien des égards, le Livre blanc a été mis en œuvre et a été efficace. Cependant, même ceux d'entre nous qui ont participé à sa rédaction reconnaissent qu'il n'est pas parfait. Nous n'avons pas prévu le nombre d'opérations que nous effectuerions à l'étranger, leur ampleur géographique et la nécessité de déployer des troupes en différents endroits, mettant ainsi à rude épreuve la logistique. Notre analyse des problèmes qui surgiraient dans les années 90 n'a pas été tout à fait parfaite, et elle a certainement sous-estimé le fardeau imposé aux membres des Forces canadiennes et à quel point cela nous mènerait à la minceur dont a parlé le sénateur Atkins.
À certains égards, les politiques deviennent désuètes simplement parce que les circonstances changent. On espère certes que notre analyse sera raisonnablement juste dans le prochain livre. Bien entendu, nous partons aussi de l'hypothèse que la politique sera convenablement financée.
Le sénateur Banks : Nous connaissons tous le vieil adage selon lequel on essaie de planifier la prochaine guerre dans le contexte de la précédente parce que c'est la seule qu'on connaît. Je crains terriblement, et je ne suis pas le seul, que nous ne portions pas suffisamment attention au Nord et qu'il s'y passe beaucoup de choses. Juste à titre d'exemple, nous avons certains différends frontaliers dans le Nord.
Une grande partie du droit international, comme je le comprends, repose sur la possession, l'occupation — le temps que les gens y ont passé. Nous ne pouvons y être rapidement, mais d'autres le peuvent. Certains disposent des moyens leur permettant d'aller, dans les pires conditions possibles, dans des régions qu'on se disputera très bientôt âprement parce qu'elles regorgent de toutes sortes de ressources. Si quelqu'un d'autre y installe des gens et y construit une installation permanente et peut justifier son geste légalement en se fondant sur la possession, disant qu'ils y sont depuis dix ans, alors que les Canadiens n'y sont pas — que ce soit dans un but militaire ou non — c'est quelque chose dont nous faisons fi à nos risques et périls. Si l'argent n'était pas un problème et que nous en avions suffisamment pour mettre des navires, des avions et des gens, pas seulement des militaires mais aussi des civils, dans le Nord, nous ne pourrions pas le faire avant dix ans à cause du temps nécessaire pour les achats, la construction et le transport de même que l'entraînement des gens.
Je cherche une réponse. Dans le document sur lequel vous travaillez, j'espère qu'on étudiera soigneusement notre capacité de surveillance, notre présence, l'exercice de notre souveraineté dans le Nord et les questions d'accès à ces voies maritimes que nous ne pouvons actuellement pas contester, et encore moins protéger.
M. Calder : Vous avez tout à fait raison, sénateur. J'ajouterais le trafic aérien commercial au-dessus du pôle Nord, qui est un nouvel élément. Il y a également la perspective d'une ouverture du passage du Nord-Ouest à la navigation pour une période plus longue, qui pourrait servir de route importante entre l'Europe et la Chine. Il se passe des choses dans le Nord que nous devons étudier.
Je ne suis pas avocat, mais je crois comprendre que notre souveraineté sur le territoire dans le Nord n'est pas contestée, mais qu'elle l'est sur les voies de communication, et cetera. Cela dit, c'est une possibilité qui requiert notre vigilance.
Le sénateur Banks : Le litige dont je parlais concernait le plateau qui s'étend depuis le versant nord de l'Alaska et la question de l'angle de la frontière Alaska-Yukon. Vous avez raison, il ne s'agit pas du territoire, mais il doit y avoir une présence sur place.
M. Calder : Nous parlons de très vastes régions, que ce soit sur terre, sur mer ou dans les airs. Franchement, on pourrait déployer toutes les Forces canadiennes dans le Nord et probablement en perdre la trace, étant donné l'immensité de la région. Le défi consiste à déterminer la façon la plus efficace de protéger nos intérêts dans le Nord qui soit à la mesure des moyens financiers de la Défense. De toute évidence, il faut envisager de meilleures techniques de surveillance.
Le sénateur Banks : Si la surveillance était doublée, nous pourrions être en mesure d'effectuer au moins quatre vols de surveillance par année.
M. Calder : Nous pourrons compter, je l'espère, sur la technologie à cet égard. Permettez-moi de vous assurer que nous nous penchons là-dessus dans la politique de défense. Je ne sais pas quelle en sera l'issue, mais cette question est étudiée. D'autres partagent vos préoccupations sur ces questions.
Le président : Dans la même veine que la question du sénateur Banks, jusqu'à quel point collaborez-vous avec la Garde côtière sur ces questions? Je me rends compte que la responsabilité est partagée entre le ministère des Pêches et des Océans et le ministère des Transports. Leur flotte est considérablement plus vieille que celle de la marine. Participent-ils à un examen continu? Les consultez-vous?
M. Calder : En ce qui concerne la politique de défense, la Garde côtière ne relève pas de nous. Cependant, dans le cadre de la politique de sécurité nationale, du travail a été accompli sur la sécurité maritime, qui fait intervenir non seulement la marine, mais également la Garde côtière et le ministère des Transports. Un groupe de travail interministériel s'occupe de la mise en œuvre de ces mesures du point de vue de la politique de sécurité nationale.
Le personnel compétent de la marine au ministère de la Défense entretient, d'après ce que je crois comprendre, des liens étroits tant avec la Garde côtière qu'avec Transports Canada.
Le président : À une question qu'on vous a posée plus tôt au sujet des menaces, vous avez répondu que le terrorisme mondial était la principale. Vous avez ensuite évoqué la Chine, Taïwan, l'Inde, le Pakistan, la Corée du Nord et la Corée du Sud. Pouvez-vous nous dire quel rôle pourrait jouer les Forces canadiennes dans ces régions?
M. Calder : Dans ces points chauds particuliers, si les choses tournaient mal, le Canada, et probablement les Forces canadiennes, en ressentiraient les effets. Je ne suis pas sûr que les Forces canadiennes puissent faire quoi que ce soit à ce moment-ci. Il est possible que les Affaires étrangères puissent être en mesure de jouer un rôle dans certaines de ces régions et, de toute évidence, elles le font en travaillant avec les Indiens et les Pakistanais. Je ne suis pas sûr qu'il y ait un rôle pour les Forces canadiennes.
Elles en ont un pour ce qui est des États effondrés et des États déliquescents. Ce que nous faisons en Afghanistan, c'est essayer d'aider à recréer un État effondré.
Le président : Montrez-nous comment quelqu'un qui vit à Moose Jaw pourrait penser que ces menaces que vous avez énumérées ou les difficultés d'un État effondré représentent une menace pour lui. Comment s'attendre à ce que le Canadien moyen perçoive cela comme des menaces pour sa sécurité?
M. Calder : Certes, avant le 11 septembre, il aurait été impossible ou extrêmement difficile de faire comprendre au Canadien moyen que la situation interne en Afghanistan représentait une menace directe pour lui. Mais au lendemain des événements du 11 septembre qui ont montré comment al-Qaïda utilisait l'Afghanistan et y avait en fait pris son essor, on peut voir le lien direct entre l'Afghanistan comme État déliquescent et ce qui est arrivé le 11 septembre; et ce qui est arrivé le 11 septembre a bien entendu tué des Canadiens, de même que des Américains et bien d'autres gens. Nous avons tous appris une leçon.
Il y a dix ans, nous nous occupions d'États déliquescents ou effondrés comme la Somalie, pour des raisons humanitaires. Je crois que nous avons maintenant compris que nous ne pouvons laisser des États aller à la dérive sans rien faire, parce qu'ils deviennent des terreaux fertiles pour des difficultés encore plus grandes.
Le président : Vous avez parlé de l'initiative européenne de défense avec un autre collègue. Croyez-vous qu'elle augmentera dans les faits les capacités de défense européennes ou s'agit-il seulement d'une « dualité de fonctions » sans un accroissement du nombre de militaires sur le terrain?
M. Calder : Je ne suis pas tellement bien servi par les faits au sens où, pendant la durée de la PESD, à l'exception probablement de la France et peut-être du Royaume-Uni, les dépenses en matière de défense dans bon nombre de pays européens ont diminué, mais cela ne signifie pas nécessairement que cela va continuer. Mes collègues européens m'ont dit que dans la plupart des pays européens membres de l'OTAN, il est beaucoup plus facile d'obtenir un appui politique pour des dépenses ou un projet de défense s'ils sont placés dans un contexte européen plutôt que dans celui de l'OTAN. En ce sens, mes interlocuteurs à Berlin, Paris ou ailleurs diraient que l'initiative améliorera les capacités européennes parce qu'elle dispose d'un soutien plus populaire dans leurs pays.
Le président : Pouvez-vous nommer une initiative où les pays européens ont réussi à aller de l'avant sans le leadership américain?
M. Calder : Ils ont fait des progrès en coopérant sur le transport aérien, je crois, et dans certains autres domaines.
Le président : Pourriez-vous expliquer ce que vous voulez dire par « transport aérien »? Pourriez-vous être plus précis?
M. Calder : La Communauté européenne collabore et coordonne ses capacités aériennes plus efficacement. Ses membres ont également entrepris, comme vous le savez, de prendre en charge la mission de paix en Bosnie à la fin de cette année, si bien qu'ils y exerceront le leadership. Ils ont également effectué des missions dans l'est du Congo et en Macédoine. Ils sont en train de prouver lentement mais sûrement qu'ils peuvent agir sans les Américains.
Le président : Après la question du sénateur Nolin, vous nous avez parlé de l'OTAN. Êtes-vous inquiet de la gouvernance de l'OTAN maintenant que l'organisation est élargie? Pouvons-nous nous attendre à ce que les mêmes séries de règles, la même exigence de consensus ou d'unanimité s'appliquent aux décisions de l'OTAN à l'avenir, ou celles-ci seront-elles prises par un petit groupe sélect plutôt que par tous?
M. Calder : L'OTAN évolue. Vingt-six représentants assistent maintenant à ses réunions. Cela n'est pas sans effet sur l'OTAN, mais il est trop tôt pour dire quel en sera l'impact parce que l'expansion est récente. La règle du consensus existe effectivement, à savoir la règle officielle au sein de l'OTAN. Cependant, elle n'est appliquée qu'en de rares occasions. J'espère qu'avec 26 pays, elle ne le sera pas souvent. On s'interroge sur la façon dont l'OTAN est régie et sera régie à l'avenir. D'après ce que j'ai constaté en assistant aux réunions de l'OTAN, notamment au niveau ministériel, cela marche bien, mais c'est encore en cours d'élaboration.
Le président : Vous avez dit au comité que le Canada s'écartait de sa position historique pour ce qui est de ses capacités de défense, et avez parlé de la nécessité d'un rééquilibrage vers la défense de l'Amérique du Nord. Pourriez- vous nous en dire un peu plus et nous dire quelle sorte de rééquilibrage vous entrevoyez?
M. Calder : Je ferai une mise en garde en disant qu'on espère que cela ne sera pas aux dépens des opérations internationales qui demeureront importantes, bien que ces décisions n'aient pas encore été prises. Il y a des domaines, par exemple, les actions de suivi dans la politique de sécurité nationale concernant la sécurité maritime qu'il vaudrait peut-être la peine d'étudier dans le contexte de la défense.
D'autres contributions pourraient être envisagées pour accroître notre efficacité contre des attaques terroristes. Je ne pense pas pouvoir en dire beaucoup plus parce que j'aborderais alors les propositions soumises aux ministres pour décision.
Le président : Merci. Sénateur Nolin, aviez-vous une question dans la même veine?
Le sénateur Nolin : Je vais commencer sur une note optimiste. Vous avez parlé du Nord, et mon collègue le sénateur Banks a soulevé une question très importante à son sujet. Peut-être avez-vous eu des contacts avec votre collègue norvégien, mais il vous intéressera d'apprendre que le ministre des Affaires étrangères, lors d'une conférence récente, a parlé du caractère sensible du Nord, de l'ouverture et du réchauffement du Nord, si bien que la route vers l'Asie sera beaucoup plus ouverte au commerce. Ce sera intéressant pour vous de communiquer avec ces personnes pour voir comment elles envisagent la chose, à la lumière de leurs propres prévisions militaires.
Ma question traite de l'Afghanistan et du conflit qui y persiste. Pensez-vous que l'entraînement de notre infanterie et l'équipement que nous leur fournissons doivent être adaptés, compte tenu des leçons apprises de l'Afghanistan?
M. Calder : Ce n'est pas mon domaine, mais si vous posiez la question au lieutenant-général Hillier, par exemple, qui vient juste de rentrer, ou au major-général Leslie, qui y était, je crois qu'ils répondraient oui à cette question. Autrement dit, comme dans toute opération de ce genre, vous apprenez des choses que vous ne saviez pas auparavant. Vous faites de nouvelles expériences. Comme le lieutenant-général Hillier nous l'expliquait il y a quelques jours, en Afghanistan, vous vous retrouvez dans un milieu où vous côtoyez les gens, dont certains sont vos amis et certains vos ennemis, et vous ne pouvez faire la différence. À un coin de rue, vous pouvez être en train de fournir une aide humanitaire et deux coins de rue plus loin, en train de combattre quelqu'un.
Je pense que l'armée vous dirait qu'en effet elle a tiré des enseignements des leçons qu'elle a apprises en Afghanistan et que par conséquent elle sera plus efficace.
Le sénateur Nolin : Les ministères ont entrepris un examen en Europe. Voici ma question : Dans quelle mesure ces leçons font-elles partie de votre réflexion pour l'avenir?
M. Calder : Beaucoup de ces leçons sont à un niveau de détail que nous pourrions difficilement intégrer dans un document d'orientation, sauf au niveau le plus élevé. Cependant, cela n'empêchera pas l'armée d'aller de l'avant et d'intégrer ces leçons à son modus operandi standard.
Le sénateur Nolin : Le terrorisme étant la préoccupation ultime, est-il le théâtre du futur auquel nous devrions nous préparer? En proposant à vos maîtres politiques un nouveau cadre, vous concentrez-vous sur le fait que ce genre de théâtre est la guerre du futur et que nous devrions nous y préparer?
M. Calder : Oui, bien que vous me rendiez nerveux quand vous l'exprimez de cette façon. Cela concerne le créneau et la spécialisation.
Le sénateur Nolin : J'ai essayé de ne pas utiliser ces mots.
M. Calder : Nous devons nous préparer à faire face à l'avenir à des situations ressemblant à celle de l'Afghanistan. Nous devons probablement être prêts à demeurer en Afghanistan pendant bon nombre d'années. J'hésite à dire que c'est à cela que nous devons nous préparer, parce que dès qu'on le dit, quelque chose d'autre survient. C'est pourquoi nous avons toujours insisté, dans la politique de défense, sur la nécessité de disposer de capacités générales, de flexibilité, d'une capacité de combat polyvalente. Nous devons être capables de nous adapter.
Par exemple, la situation que nous avons rencontrée en Afghanistan était différente de celle que nous avions connue au Timor-Oriental, et celle-là était différente de ce que nous avions connu en Bosnie. Il faut s'assurer que les principes généraux sont justes. Il faut conserver une flexibilité et ensuite espérer que les membres des Forces canadiennes sauront s'adapter. Honnêtement, jusqu'à présent, ils ont montré qu'ils réussissent très bien à le faire.
Le sénateur Banks : Ma question a trait à l'examen que vous entreprenez maintenant. Dans l'un de nos rapports, nous avons fortement remis en question la sagesse consistant à essayer d'élaborer une politique militaire en l'absence d'une politique étrangère claire. En termes simples, si un pays décide, comme l'ont fait de temps en temps une longue liste de pays réputés, que ce soit par osmose ou en raison d'accidents dus à l'époque ou à la géographie, ou Dieu sait quoi, d'avoir un empire, il doit alors se doter d'une force militaire qu'il doit soutenir. En revanche, un pays peut décider qu'il sera comme le Costa Rica et n'aura aucune force militaire. Bien des choix peuvent être faits entre ces deux extrêmes.
Jusqu'à quel point trouvez-vous sensé d'entreprendre une planification militaire pour des dépenses, des acquisitions, de la conception, l'essence même de ce que nous faisons, dans un vide en ce qui concerne une politique claire? J'exagère un peu mais pas trop. Cela n'a rien à voir avec la question de la poule et l'œuf. La politique de défense ne doit-elle pas forcément suivre la politique étrangère nationale?
M. Calder : Je suis d'accord en partie. Ce que vous dites est vrai en ce qui concerne les opérations internationales des Forces canadiennes. Nous procédons à l'examen des politiques internationales afin d'établir un cadre international.
Le sénateur Banks : Viendra-t-il en premier?
M. Calder : Soit il sortira et sera suivi immédiatement d'un livre sur la défense, soit il sortira et un livre sur la défense sortira plus tard. Ce ne sera pas l'inverse. Certes, l'idée consiste à ce que nos conclusions découlent de l'examen des politiques internationales, ses principes, et les deux devraient s'intégrer sans heurts.
J'ai dit que j'étais d'accord avec vous en partie parce que les Forces canadiennes ont des rôles à jouer au Canada. Elles fournissent une aide au pouvoir civil, une aide humanitaire, et cetera, indépendamment de la politique étrangère. Nous devons toujours garder à l'esprit le mandat des Forces canadiennes au pays de même que son mandat international. Nous devons tenir compte des deux.
Le sénateur Banks : Je suis d'accord, mais comme on en est à définir les Forces, et c'est un fait qu'il faut accepter, certains aspects de cet exercice doivent être guidés par une politique étrangère claire. Serons-nous des pacificateurs, des gardiens de la paix, des travailleurs humanitaires, ou ferons-nous la guerre?
M. Calder : Il est à espérer qu'une politique étrangère donnerait une idée de l'endroit où les Forces canadiennes devraient être déployées dans le monde, pour quelles sortes de missions, à quelles fins, parce que c'est beaucoup plus facile pour nous de planifier si ces choses sont claires.
Le sénateur Banks : C'est alors beaucoup plus facile de planifier les moyens qui nous permettront d'y arriver.
Le président : Au nom du comité, je vous remercie, monsieur Calder. Comme toujours, votre témoignage a été utile. Notre comité part du bon pied pour entreprendre l'examen du rôle et des opérations des Forces canadiennes. Nous sommes impatients de vous recevoir à nouveau.
M. Calder : Merci.
Le président : Si vous avez des questions ou des commentaires, veuillez vous rendre sur notre site Web à l'adresse www.sen-sec.ca. Nous y affichons les témoignages de même que les calendriers de comparutions confirmées. Vous pouvez aussi communiquer avec la greffière du comité au 1-800-267-7362 pour de plus amples renseignements ou pour rejoindre des membres du comité. La séance est suspendue. Nous reprendrons nos travaux dans la salle d'à côté à huis clos dans trois minutes.
La séance se poursuit à huis clos.