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Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 3 - Témoignages du 22 novembre 2004


OTTAWA, le lundi 22 novembre 2004

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 12 h 40, pour examiner la nécessité d'une politique de sécurité nationale au Canada et en faire rapport.

Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue à notre comité. Je m'appelle Colin Kenny, je suis sénateur de l'Ontario et je préside les travaux du comité.

À ma droite immédiate, vous apercevez le distingué sénateur Michael Forrestall, de la Nouvelle-Écosse. Le sénateur Forrestall représente les électeurs de Dartmouth depuis 37 ans; il a d'abord été leur député à la Chambre des communes, puis est devenu sénateur. Pendant ses mandats à la Chambre, il a été secrétaire parlementaire de plusieurs ministres, y compris du ministre des Transports et du ministre de l'Expansion industrielle régionale.

Au bout de la table, à ma droite, se trouve le sénateur Norm Atkins, de l'Ontario. Le sénateur Atkins a été nommé au Sénat en 1986 après plus de 27 ans de travail dans le domaine des communications. Il a été président de Camp Associates Advertising Limited et a travaillé comme conseiller de l'ancien premier ministre Davies, de l'Ontario.

À côté de lui se trouve le sénateur David Tkachuk, de la Saskatchewan. Le sénateur Tkachuk a été nommé au Sénat en 1993. Il est vice-président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Il a aussi été vice- président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui a déposé un important rapport sur les fusions d'institutions financières intitulé Concurrence et intérêt public : les fusions de grandes banques au Canada.

À côté de lui, vous voyez le sénateur Tommy Banks. Le sénateur Banks est bien connu des Canadiens. C'est l'un de nos musiciens et artistes les plus polyvalents; sa carrière musicale a déjà franchi le cap des cinquante ans. Il est récipiendaire d'un trophée Juno et fait partie de l'Ordre du Canada à titre d'officier. Il préside le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles ainsi que le caucus libéral de l'Alberta.

À ma gauche, vous trouvez le sénateur Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse. Le sénateur Cordy est une éducatrice accomplie, forte d'une longue expérience en intervention communautaire. Elle a d'ailleurs déjà été vice-présidente de la Halifax-Dartmouth Port Development Commission. Elle préside l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN.

À côté d'elle se trouve le sénateur Ione Christensen, du Yukon. Le sénateur Christensen est actuellement membre du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

À la dernière session parlementaire, notre comité a préparé divers rapports, à commencer par L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense. Cette étude, qui a été publiée en février 2002, porte sur les principaux enjeux auxquels le Canada est confronté en matière de défense et de sécurité. Le Sénat a aussi demandé à notre comité de se pencher sur la nécessité d'une politique de sécurité nationale. Jusqu'à maintenant, nous avons produit cinq rapports sur divers aspects de la sécurité nationale. Il y a d'abord La défense de l'Amérique du Nord : une responsabilité canadienne, qui a été déposé en septembre 2002; il y a ensuite Pour 130 $ de plus...Mise à jour sur la crise financière des Forces canadiennes, une vue de bas en haut, qui a été déposé en novembre 2002; le troisième s'intitule : Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens et a été présenté en janvier 2003; le quatrième s'intitule : Les côtes du Canada : Les plus longues frontières mal défendues au monde, il a été déposé en octobre 2003; enfin, notre cinquième et dernier rapport, Les urgences nationales : Le Canada, fragile en première ligne; a été présenté en mars 2004.

Le comité veut maintenant examiner la politique de défense du Canada. Au cours de la prochaine année, il organisera des réunions dans toutes les provinces et consultera les Canadiens pour déterminer quels sont leurs intérêts naturels, soit ce qu'ils considèrent comme les plus grandes menaces pour notre pays et comment ils voudraient voir notre gouvernement réagir. Le comité tentera de lancer le débat sur la sécurité nationale au Canada et de créer un consensus dans la population autour de la nécessité de la défense militaire.

Notre premier témoin de cet après-midi est M. Patrick O'Donnell. Le lieutenant-général à la retraite O'Donnell est actuellement président de l'Association des industries de défense canadienne, l'AIDC. À la fin de sa carrière militaire, il était vice-chef d'état-major de la Défense. Monsieur O'Donnell, je vous la bienvenue à notre comité; la parole est à vous.

M. Patrick J. (Paddy) O'Donnell, président, Association des industries de défense canadienne : Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de me permettre de comparaître devant vous au moment où vous commencez à planifier votre examen de la défense. Je suis actuellement président de l'Association des industries de défense canadienne et consultant professionnel dans les secteurs de la sécurité et de la défense. J'ai également été vice-chef d'état-major de la Défense, et c'est le poste que j'occupais lorsque a été préparé et lancé le Livre blanc de 1994 sur la défense. Par conséquent, je m'intéresse vivement à la sécurité et à la défense, tant à l'échelle nationale qu'internationale. Je tiens à souligner d'emblée à quel point il est important de bien effectuer cet examen à mon avis et combien le rôle que ce comité peut jouer dans l'atteinte de cet objectif est précieux.

Notre association de défense représente des entreprises qui génèrent environ 7 milliards de dollars par année pour la vente de produits et services liés à la défense, ce qui englobe 2 milliards de dollars en exportations, dont la moitié est destinée aux États-Unis. Le mandat de notre association est de défendre les intérêts et de favoriser l'avancement de notre base industrielle nationale. Nous le faisons grâce à nos interactions avec les organismes gouvernementaux, au parrainage d'expositions et à des tribunes d'information. Par définition, nous préconisons fortement que le Canada mette davantage l'accent sur la sécurité et la défense.

Je tiens d'emblée à préciser que bien que la discussion d'aujourd'hui porte sur certains aspects particuliers de la défense et de la politique de défense, il est préférable de présenter ces détails dans le vaste contexte des intérêts nationaux et de leurs dérivés liés à la sécurité, pour lesquels les Forces canadiennes ont des rôles à jouer à l'échelle nationale comme internationale. On ne peut souligner assez l'importance de ce lien : une politique de défense efficace doit nécessairement découler d'objectifs et d'engagements nationaux et internationaux clairement définis en matière de sécurité. Les aspects essentiels sont la clarté des objectifs de défense et l'affectation de ressources suffisantes. Il faut que les attentes du gouvernement à l'égard des Forces canadiennes soient claires tant en ce qui concerne la forme que la portée de leurs activités, et qu'il leur garantisse le financement nécessaire pour l'accomplissement de ce mandat. Aucun de ces critères n'est satisfait. Plus grave encore, les Forces canadiennes sont en crise financière constante, de sorte qu'elles ne peuvent même pas maintenir la capacité opérationnelle actuelle, si modeste soit-elle.

C'est la réalité d'aujourd'hui. Pour remédier à la situation, les Forces canadiennes ont besoin d'un investissement immédiat de fonds de fonctionnement d'au moins un milliard de dollars par année, pour prévenir que cette capacité ne s'érode davantage. L'examen de la politique de défense doit s'accélérer pour permettre l'établissement d'un modèle de force redéfini et la transition vers ce modèle. Je précise que l'augmentation d'un milliard de dollars que je viens d'évoquer s'ajouterait au financement promis pour l'embauche de 5 000 réguliers et de 3 000 réservistes de plus, comme le gouvernement l'a proposé.

J'ai quelques points à souligner pour la préparation de l'examen de la défense. Premièrement, les principaux éléments du plan d'examen devraient être les suivants : définir les intérêts nationaux en affaires étrangères, économie, sécurité, etc. (toute la panoplie d'engagements nationaux); évaluer l'avenir de la sécurité dans le monde ou analyser les risques de façon plus exacte; établir les priorités et les politiques de défense correspondantes pour assurer notre sécurité nationale et contribuer à la paix et à la stabilité internationales. Deuxièmement, le gouvernement fédéral doit faire siens les résultats de cet examen. En effet, la politique de défense et son application ne relèvent pas exclusivement du ministère de la Défense nationale. Troisièmement, bien que nous ayons des problèmes propres à notre pays, la sécurité générale est une entreprise commune au monde entier. Notre structure nationale de sécurité doit tenir compte du fait que nous partageons avec les États-Unis la responsabilité de la sécurité continentale. Parallèlement, nous devons intensifier beaucoup notre contribution à la paix et à la stabilité internationales si nous voulons faire notre juste part et exercer une influence à l'échelle internationale.

Quatrièmement, cet examen doit focaliser principalement sur la nature de notre future capacité de défense plutôt que sur les détails d'exécution. Les débats sur les solutions matérielles nous éloignerons de l'essentiel : la nature de notre capacité de défense.

Cinquièmement, la qualité de nos solutions de défense se trouverait grandement améliorée si nous intégrions plus en profondeur nos capacités de défense et nos capacités nationales complémentaires. Je pense en particulier aux capacités du secteur industriel du Canada, qui devraient être plus directement intégrées dans la planification de la sécurité et de la défense.

Au moment où vous commencez votre examen, en l'absence de toute orientation claire et précise du gouvernement, je recommande que vous vous appuyiez sur les arguments et les principes suivants :

Premièrement, la sécurité nationale doit être grandement améliorée et nos politiques ainsi que nos solutions, étroitement coordonnées avec les États-Unis; les rôles des Forces canadiennes dans la sécurité nationale doivent être clairement définis et financés davantage.

Deuxièmement, la capacité d'intervention internationale du Canada augmentera proportionnellement à notre richesse relative et à notre ambition que le Canada exerce une influence reconnue dans les affaires internationales. Pour les Forces canadiennes, cela se traduit par des capacités terrestres, maritimes et aériennes de taille suffisante, prêtes au combat et interdépendantes dans les opérations de stabilisation et de maintien de la paix.

Troisièmement, notre interopérabilité avec les alliés, particulièrement avec les États-Unis et le Royaume-Uni, doit être le critère prédominant de notre capacité opérationnelle.

Finalement, la priorisation et la gestion du risque doivent être les principaux critères des décideurs en matière de défense, afin de prévenir que notre capacité ne s'érode davantage et de favoriser une transition efficace vers la future structure de nos forces.

Pour conclure, l'AIDC continuera d'insister activement pour que la sécurité et la défense soient élevées au rang de priorité. Cet examen de la défense nous offre une rare occasion de rétablir les capacités et la crédibilité internationale des Forces canadiennes. Nous et notre association sommes prêts à fournir toute l'aide que nous pouvons à votre comité.

Le président : Je vous remercie beaucoup, général. Notre premier intervenant sera le sénateur Forrestall.

Le sénateur Forrestall : Je me rappelle d'une chose au milieu des années 90; c'était un autre moment de l'histoire, et nous nous apprêtions à nous attaquer à une tâche semblable à celle qui nous attend ici aujourd'hui.

Cela a commencé en 1994; c'était probablement l'une des premières véritables occasions pour les Canadiens et un comité mixte de participer à la politique de développement ailleurs qu'à la Chambre des communes, et des discours très articulés ont été présentés au Sénat et ailleurs. C'était une belle occasion, vous serez d'accord, pour les Canadiens de tous azimuts de participer au processus.

Cela dit, la plupart des gens seront d'accord pour dire que malgré sa grande utilité, ce livre blanc était nettement sous-financé, ce qui a empêché la mise en oeuvre complète des recommandations stratégiques qu'il contenait.

Êtes-vous d'accord avec cela en général? Dans l'affirmative, quel type de politique devrions-nous maintenant viser et comment conciliez-vous cela avec l'accès aux ressources?

M. O'Donnell : Je suis d'accord avec votre appréciation générale du processus de 1994 qui a mené à l'adoption du livre blanc et avec le fait que nous ne l'avons pas suffisamment financé pour atteindre les objectifs du modèle décrit dans ce document. Je pense que cet effort était très valable.

C'est l'une des raisons pour lesquelles il est si important de bien préparer cet examen dès le départ. La solution de défense finale doit se fonder sur la clarification de nos intérêts nationaux et l'analyse de notre environnement sur le plan de la sécurité. Elle doit ensuite préciser comment cela se traduira concrètement dans les capacités de sécurité et de défense.

Le gouvernement doit s'approprier ce processus. Je pense que lorsque le livre blanc a été adopté, en 1994, nous traversions une grande période de transition dans les besoins militaires du milieu du renseignement. Nous vivions aussi de grands changements nationaux en essayant de concilier tout cela et d'équilibrer le budget. Tout cela pour dire que nous avons très rapidement perdu le cap sur la mise en oeuvre véritable du livre blanc. Il est clair que le plus important facteur négatif a été que nous ne l'avons pas financé, pratiquement dès le départ. Cette fois-ci, nous devons faire en sorte que le gouvernement s'approprie cet examen et qu'il adhère aux solutions qui seront trouvées pour ensuite forcer les choses afin qu'on en finance la mise en oeuvre.

Le sénateur Forrestall : Devons-nous continuer jusqu'à ce qu'il y ait véritable examen public de notre politique externe?

M. O'Donnell : Je pense qu'il le faut. Je doute que nous puissions faire autrement.

Le sénateur Forrestall : Ne devrions-nous pas attendre?

M. O'Donnell : Je pense que non. Nous pouvons évaluer avec soin le degré de sécurité dont nous avons besoin à l'avenir dans le spectre de la sécurité, que nous appelons souvent la gamme des conflits. Si le Canada affirme son ambition de jouer un rôle accru dans le monde, nous pouvons définir les paramètres de ce nous pouvons faire avec assez d'exactitude. Le plus urgent pour nous, c'est de légitimer les solutions de défense que le gouvernement veut confier aux Forces canadiennes.

Le sénateur Forrestall : Cela comprendrait-il, par exemple, le maintien de forces prêtes au combat ou serait-il peut- être temps de repenser la formule et d'envisager un modèle moins offensif?

M. O'Donnell : Pour vous donner une idée des grandes lignes, voici les éléments de la capacité future qui doivent être examinés. Premièrement, si l'on observe la situation par le prisme de la sécurité, on voit qu'il y a la paix et la stabilité à une extrémité, puis qu'il y a divers degrés d'agitation au fur et à mesure que nous entrons dans une ère de dissuasion, et si les tentatives de pourparlers échouent, on en arrive au combat, à la capacité de combat, aux opérations post-combat et à la stabilisation. C'est le contexte général en fonction duquel il faut évaluer la sécurité.

Ensuite, il y a deux grands volets à la solution de défense. Le premier est celui de la défense du territoire, de la défense nationale. Comme je l'ai déjà indiqué, j'estime que le problème est de portée continentale plutôt que strictement canadienne. Il y a la défense nationale, pour laquelle nous disposons des fondements structuraux qui nous permettront d'être plus efficaces, soit la politique de sécurité nationale et le nouveau ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile. C'est la partie infaillible de la solution de sécurité et de défense. Il faut avoir une telle capacité de défense nationale.

Le deuxième grand volet est la contribution du pays à la paix et à la stabilité internationales, la forme et la portée de la contribution que le Canada peut offrir pour assurer la stabilité internationale, et en cas d'échec, la capacité mondiale de combat, de reconstruction d'après-guerre et tout le reste. Ce sont les deux volets : la défense nationale et la capacité d'intervention internationale.

Il y a donc ces deux théâtres, si l'on veut, le territoire national et l'intervention à l'étranger, puis il y a deux grandes activités dont dépend notre capacité. La première consiste en la surveillance et l'observation des événements qui se produisent au pays et ailleurs dans le monde. C'est la collecte de renseignements, la surveillance, l'interaction avec les alliés et toutes les autres mesures prises pour comprendre la situation mondiale au chapitre de la sécurité. La deuxième activité est l'intervention en tant que telle, face à ce qu'on observe.

Nous avons une capacité de défense nationale et d'intervention internationale dans deux domaines différents, soit la surveillance et l'intervention face aux événements.

Pour la sécurité nationale, la capacité de combat n'est pas un facteur primordial, sauf dans certains domaines spécialisés. C'est beaucoup plus frappant dans la capacité d'intervention internationale, où il y a toute la gamme des opérations. D'un côté du conflit, il y a les autres ministères qui gèrent ce type d'activité, puis de l'autre côté, il y a les véritables opérations de combat.

Il faut déterminer où, dans ce continuum, le Canada peut ajouter de la valeur aux interventions internationales lorsque des conflits surgissent. À mon avis, cela exige des forces robustes et prêtes au combat, ainsi qu'une grande interdépendance entre les forces terrestres, marines et aériennes. Je doute qu'il soit réaliste d'espérer que le Canada puisse exécuter toutes les activités possibles au front en temps de guerre. Cette capacité est surtout incarnée par l'armée des États-Unis, mais nous pouvons intervenir à un niveau un peu inférieur et fournir une capacité de combat à valeur ajoutée. Je demeure convaincu de cette nécessité.

Le sénateur Forrestall : Le gouvernement a réservé 1,5 milliard de dollars pour des dépenses en capital au cours des prochaines années. Compte tenu de votre expérience de travail au sein des industries de défense, pouvez-vous nous dire si vous jugez que ce sera suffisant pour remplacer nos frégates et nos F-18? Incidemment, il y a quelques jours à peine, nous avons pu observer toutes les possibilités d'un nouvel aéronef. C'était véritablement inimaginable. Je ne sais vraiment pas si nous pourrons nous permettre de jouer à ce jeu avant d'avoir 150 ou 200 millions de contribuables, mais dans la pratique, ce que nous recommanderons devra s'inspirer de notre évaluation de ce que notre pays peut se permettre et de ce que nous pouvons faire en toute crédibilité.

Je me réjouis de vos commentaires quant à notre capacité de remplacer le Sea King et l'Athabasca et de nous permettre un hélicoptère de transport lourd à long rayon d'action. Vous savez mieux que moi ce que nous voulons et ce dont nous avons besoin. Avez-vous des observations à ce sujet?

M. O'Donnell : De toute évidence, ce niveau de recapitalisation n'est pas suffisant pour permettre aux Forces de faire la transition vers le nouvel environnement.

Le sénateur Forrestall : Combien faudrait-il de plus?

M. O'Donnell : Sans parler d'équipements ou de solutions en particulier, le niveau requis variera en fonction des choix que nous faisons relativement à ce continuum de capacité. Si nous prévoyons renouveler notre capacité globale actuelle, soit une capacité de combat de niveau moyen-élevé à valeur ajoutée permettant l'interopérabilité avec nos alliés, on parle de plusieurs milliards de dollars pour l'ensemble du processus.

Il n'est pas possible de donner un chiffre exact pour l'an prochain ou l'année suivante, mais si nous voulons maintenir le niveau de capacité dont nous disposerions actuellement si nous investissions suffisamment dans nos forces navales, aériennes et terrestres, tout en recapitalisant et en maintenant la qualité et la valeur de ces contributions, il faut envisager un accroissement de l'ordre de 30 à 40 p. 100 du budget global pour une période de cinq ou six ans. C'est le délai minimum qu'il vous faudra pour faire la transition.

Le sénateur Forrestall : Je n'irais pas jusqu'à déployer le régiment de Halifax pour prendre en charge l'un des aspects onéreux de la défense du pays, mais je partage vos préoccupations quant à l'insuffisance du financement. Merci de votre présence parmi nous.

Le sénateur Banks : J'aimerais revenir sur la question posée par le sénateur Forrestall. Nous avons eu nos doutes à ce sujet. En fait, nous avons notamment recommandé dans un de nos rapports de procéder d'abord à un examen de nos politiques étrangères avant de nous pencher sur nos capacités de défense. Vous laissez entendre aujourd'hui que nous devrions commencer par définir nos intérêts nationaux, y compris en matière d'affaires étrangères et de sécurité économique. Ces questions ne sont pas de notre ressort.

Cela revient donc à la question déjà posée par le sénateur Forrestall, mais je vous demande de nous dire si vous croyez vraiment que nous en savons suffisamment sur ce qu'est ou devrait être la politique étrangère du Canada pour pouvoir formuler dès maintenant des recommandations au sujet de la capacité de défense souhaitée. Est-ce que je vous ai bien compris?

M. O'Donnell : Dans le meilleur des scénarios, la séquence des événements correspondrait exactement à la définition que vous donnez et aux indications que j'ai fournies précédemment : la détermination des intérêts nationaux qui mènerait à une approche structurée visant à définir l'aspect sécurité et, partant, la capacité requise pour les Forces canadiennes. Comme il est urgent de procéder à la transition, il convient d'aller de l'avant sans qu'une telle base n'ait pu être établie.

Je suis persuadé que vous pouvez atteindre le niveau de confiance de 80 p. 100 requis pour prévoir les capacités qui offriront une valeur ajoutée. Je m'appuie ici sur la prémisse que nous allons assumer nos responsabilités en matière de sécurité intérieure au niveau requis et que notre capacité opérationnelle nous permettra de contribuer de façon adéquate aux forces internationales, et ce, dans une mesure suffisante pour que nos actions permettent de faire valoir notre capacité particulière, comme ce fut notamment le cas en Afghanistan.

Si vous vous fondez sur l'hypothèse voulant que le gouvernement souhaite, comme tout semble l'indiquer récemment, accroître le rôle et la reconnaissance du Canada en tant que pays d'influence sur la scène internationale, cela suffit pour déterminer le niveau d'investissement à consentir. Reste alors seulement à décider si l'on souhaite compter sur une force robuste et apte au combat ou une institution davantage axée sur le maintien de l'ordre. C'est la principale question à se poser.

Le sénateur Banks : N'est-ce pas une question très importante?

M. O'Donnell : Tout à fait, mais je dirais qu'il est préférable pour nous de pouvoir compter sur une capacité opérationnelle apte au combat et à valeur ajoutée. Il y aura certes des arguments en faveur de l'autre option voulant que le Canada puisse apporter sa contribution à titre de force de maintien de l'ordre après le processus de stabilisation en mettant l'accent sur la démocratisation et la reconstruction. Il est bien certain qu'il s'agirait là d'une contribution valable du point de vue international.

Le sénateur Banks : On ne peut pas réalistement envisager le type de forces dont vous parlez sans pouvoir compter sur une véritable capacité de combat à la fine pointe de la technologie. Êtes-vous d'accord?

M. O'Donnell : C'est vrai pour autant que vous acceptiez le scénario voulant que vous puissiez faire partie des forces qui procèdent à la stabilisation, plutôt qu'aux interventions suivant cette stabilisation. Selon moi, il serait bon que nous conservions les moyens de participer au processus de stabilisation et nous avons besoin pour ce faire d'une force robuste et apte au combat. Je vous préciserais que c'est ce que nous faisons actuellement et que nos traditions nous ont toujours amenés à le faire.

Le sénateur Banks : Vous avez raison. Nous devons faire rapidement le nécessaire pour combler nos lacunes. Nous devons agir parce que nous avons beaucoup trop tardé, mais j'ai terriblement peur que nous adoptions l'approche : prêt, feu, en joue. Ce serait mettre la charrue devant les bœufs.

Ma deuxième question concerne vos intérêts récents et l'objectivité que vous allez apporter dans ce dossier en raison de votre rôle actuel au sein des industries de la défense. Au fil des ans, notre comité s'est intéressé aux différents aspects des Forces canadiennes et a été mis au fait de certains motifs de préoccupation relativement au processus d'acquisition, au processus d'approvisionnement. Nous avons eu droit aux deux côtés de la médaille : qu'il est important, pour des raisons économiques notamment, que nous concevions et construisions au Canada les équipements dont les Forces ont besoin. Nous l'avons partiellement fait avec énormément de succès.

Certains nous ont également parlé des importants gains d'efficience que nous pourrions réaliser en achetant des équipements « standard » de producteurs beaucoup plus importants que nous qui profitent, par conséquent, d'énormes économies d'échelle. Que devrions-nous faire?

M. O'Donnell : Tout d'abord, je veux préciser que s'il m'arrive de formuler une observation reflétant le point de vue des industries de la défense, je vous l'indiquerai. Sinon, c'est de mon opinion professionnelle concernant nos besoins futurs dont je vous fais part.

Le sénateur Banks : Nous comptons beaucoup sur votre objectivité.

M. O'Donnell : Je vous en remercie. Votre question comporte plusieurs sous-questions. Je ne crois pas qu'il soit dans l'intention de l'association que je représente ni dans la mienne, à titre de professionnel et de consultant, d'inciter le gouvernement à donner suite à des propositions d'acquisition qui ne seraient pas justifiées du point de vue économique. Nous ne soutiendrons jamais qu'il faut tout construire ici au Canada parce qu'il y a une question d'économie d'échelle qui fait que la justification économique n'est pas là pour un pays qui ne produit pas suffisamment.

Nous serions plutôt en faveur, et nous avons déjà exprimé notre soutien à cet égard, des acquisitions à l'étranger lorsque cela procure un avantage économique au Canada. Nous faisons cela dans le cadre de ce que nous appelons le Programme de retombées industrielles et régionales. Nous ne voulons pas fausser les analyses de rentabilisation économique. Nous dirions donc qu'il faut pouvoir compter sur cet avantage économique en plus d'être en mesure d'assurer le maintien des capacités ainsi acquises.

Notre soutien et notre argumentation s'appuient dans tous les cas sur les aspects économiques de différentes analyses de rentabilité. Si nous sommes à la limite et si nous croyons notre industrie en mesure de soutenir une certaine capacité à long terme, alors nous serions en faveur d'une production au pays. Cependant, nous n'irions pas jusqu'à fausser le fonctionnement normal du marché pour ce faire.

Le sénateur Banks : Toute chose étant égale par ailleurs, nous devrions acheter des produits canadiens mais, sinon, il n'y a rien de mal, selon votre association, à acheter à l'étranger.

M. O'Donnell : Tout à fait. Lorsqu'il n'est pas logique du point de vue économique de produire au Canada, il est préférable d'acheter à l'étranger.

Le sénateur Cordy : Monsieur O'Donnell, j'aimerais en revenir à votre réponse concernant les approvisionnements. En fait, ce devait être une de mes premières questions parce qu'il ne fait aucun doute que nous avons eu droit aux deux côtés de la médaille de la part des témoins qui nous ont visités.

Vous avez indiqué que le gouvernement fédéral dans son ensemble doit donner suite aux résultats de l'examen. Vous en avez parlé lorsque vous répondiez au sénateur Forrestall en soulignant que, quelles que soient les ententes qui interviendront, le financement requis devra être là dès le départ. Pourriez-vous préciser ce que vous entendiez par là?

M. O'Donnell : L'ensemble des dynamiques en jeu au moment où le Livre blanc sur la défense de 1994 a été rendu public a fait en sorte que cette initiative n'a pas vraiment pu voir le jour. Nous disposions d'un processus éclairé pour déterminer les capacités requises. Les circonstances ont changé si rapidement que nous n'avons jamais vraiment adopté ce document à titre de modèle de capacité, si vous me permettez. Il est bien certain que nous n'aurions pas élaboré un tel modèle si nous avions su que le financement allait faire l'objet de réductions aussi draconiennes. Nous avions seulement pris en compte une partie de ces réductions parce qu'on nous avait dit qu'il y en aurait. Nous avons essayé de compenser partiellement ces réductions en cernant les possibilités d'acquisition de produits standard, nous contentant du satisfaisant à défaut du parfait, et en nous appuyant sur une augmentation considérable du soutien commercial, mais toutes ces mesures n'ont pas été suffisantes. Nous avons perdu de vue les objectifs établis dans le Livre blanc et le financement n'a jamais été suffisant pour permettre vraiment sa mise en œuvre.

Je suggérerais cette fois-ci que vous ne vous engagiez pas dans un tel processus si c'est pour finir par mettre le projet sur une tablette ou le renvoyer au MDN en lui disant de se débrouiller avec. Si nous décidons que les Forces canadiennes doivent être en mesure d'offrir une telle capacité à valeur ajoutée pour les opérations internationales, alors c'est aux Forces canadiennes qu'il incombe de définir les exigences à remplir du point de vue des capacités terrestres, marines et aériennes, de la surveillance et de l'ensemble des interactions entre les agences de renseignement. Voilà ce qu'il nous faut; voici ce qu'il en coûtera. En fait, tout cela doit être déterminé dès le départ. Dans la mesure du possible, vous présentez des options au gouvernement et il choisit celles qu'il estime correspondre le mieux à l'intérêt national et à sa capacité de payer.

Le sénateur Cordy : En rétrospective, on constate que lorsque ces initiatives n'ont pas été mises en œuvre et lorsque le financement des Forces armées a été réduit, on ne peut pas dire, si l'on fait exception des personnes directement concernées, qu'un tollé se soit élevé dans la population en général à ce sujet. En réalité, les gens deviennent, selon moi, de plus en plus complaisants depuis le 11 septembre en se disant que tout ça est maintenant derrière nous et en se demandant si nous devons vraiment dépenser autant pour nos forces militaires. Les dossiers prioritaires au cours de la dernière campagne électorale ont été ceux de la santé, de la garde d'enfants et de l'éducation. La question militaire n'était pas au cœur du débat et ne faisait pas partie des préoccupations du public.

Si nous devons prendre en charge un examen et assurer le suivi de ses recommandations, la politique étant ce qu'elle est, le soutien de la population et les pressions qu'elle exercera pour faire avancer le dossier inciteront les politiciens à emboîter le pas. Mais comment faire pour que les gens cessent de se montrer aussi complaisants et en viennent à considérer que les questions liées à la défense devraient être considérées comme prioritaires pour les Canadiens?

M. O'Donnell : Je vais me permettre une opinion très personnelle à ce sujet. À la base, j'estime que la sécurité et la défense sont en fait des questions de leadership. Je suis conscient qu'il est beaucoup plus facile pour un gouvernement de prendre position lorsqu'il peut se laisser porter par la gigantesque lame de fond de l'opinion publique. Parce que la paix, la stabilité, le développement économique et le bien-être social sont autant d'aspects de la sécurité, celle-ci est l'une des responsabilités premières du gouvernement. C'est le gouvernement qui devrait donc diriger le débat, plutôt que de simplement réagir en fonction de sa perception de l'opinion publique.

Si je pouvais oser une critique à l'endroit de la population canadienne, je dirais simplement que si nous comprenons tous à quel point la sécurité et la défense revêtent un caractère d'urgence au sein des politiques et des priorités gouvernementales, alors pourquoi n'insistons-nous pas, surtout durant les campagnes électorales, pour que les gouvernements adoptent des approches très explicites, définies et détaillées en la matière? La population subit l'influence d'un large éventail d'autres facteurs. Je suppose que les gens se disent également que comme le gouvernement ne cesse de leur répéter qu'il comprend bien que la sécurité et la défense font partie de ses fonctions premières, il doit bien y avoir quelqu'un qui s'en occupe d'une manière ou d'une autre. En fait, les gens se convainquent que le gouvernement s'acquitte de ces fonctions qu'il estime fondamentales, ce qui les amène à plutôt faire pression en vue de faire avancer d'autres dossiers.

La population s'attend donc à ce que le gouvernement s'occupe de sa sécurité, parce que le gouvernement déclare que c'est là son rôle premier. Je ne peux faire autrement que de renvoyer cette responsabilité au gouvernement. C'est lui qui est en mesure de faire des évaluations globales de l'intérêt national. Il peut s'appuyer sur les prévisions des services de renseignement, les estimations quant aux options futures pour la Chine et pour la Russie, quant à la façon dont les blocs mondiaux vont se constituer et à la manière dont un conflit asymétrique pourrait émerger. À mon avis, c'est le gouvernement qui devrait mener tout le débat sur les capacités nécessaires en matière de sécurité, plutôt que de suivre la parade.

Le président : Vous laissez donc entendre qu'il y a un manque de leadership politique et que ce sont nos dirigeants qui devraient prendre les devants dans ce dossier en invitant tout le monde à les suivre. De toute évidence, ce n'est pas ce qui s'est produit.

Que pourriez-vous conseiller aux leaders politiques quand à la façon dont ils devraient expliquer le dossier au Canadien moyen? Comment expliquer au boulanger de Winnipeg ou à la travailleuse de l'automobile de Windsor ce qui devrait les préoccuper? Le Canadien moyen, si vous voulez mon avis, semble rester bien tranquille et se dire : « Nous avons un grand océan à l'ouest, un grand océan à l'est, beaucoup de neige dans le nord, et un bon ami au sud. Alors quel est le problème? » Le Canadien moyen a une vision très nette de la question; il ne semble pas vraiment considérer qu'il y a vulnérabilité actuellement et ne voit pas nécessairement comment sa contribution ou des investissements additionnels pourraient lui procurer une vie meilleure.

Que conseilleriez-vous à ces leaders politiques qui ont manqué le bateau? Dans votre réponse au sénateur Cordy, vous laissez entendre que nous pourrions régler le problème si nous arrivions à inciter quelques politiciens à passer à l'action et à faire leur travail. Donnez-leur donc un coup de main. Qu'est-ce que vous leur conseilleriez de dire?

M. O'Donnell : Je fais bien attention à mes mots. Je ne veux surtout pas cibler un gouvernement ou une période en particulier.

Le président : C'est un problème qui existe depuis belle lurette.

M. O'Donnell : Oui, et pas seulement au Canada. Les gens ont toute l'intelligence voulue pour évaluer la situation et porter des jugements, mais il faut que le public soit mieux informé. Le problème c'est que toutes les analyses devant être effectuées et tous les compromis qui doivent être faits sur la matrice des intérêts nationaux sont, à mon avis, autant d'analyses, de discussions et de décisions qui relèvent du leadership du gouvernement et doivent être expliquées par lui. Peut-être pouvons-nous proposer des options, si c'est ce que vous désirez.

À mon avis, le Cabinet, le premier ministre et les leaders gouvernementaux doivent prendre en charge l'initiative, déterminer les différents scénarios possibles puis expliquer les motifs pour lesquels ils ont opté pour une approche en particulier. Les Canadiens comprendront. Souvent, la population canadienne devient un peu confuse en raison des différents messages que peuvent lui communiquer les différentes associations et parties en cause. Il y a un écart tellement prononcé entre les types d'approches adoptées que, sans ce portrait structuré de la situation et de la teneur du processus décisionnel, il devient compréhensible que les gens s'intéressent davantage à d'autres dossiers.

Permettez-moi de revenir à ce que j'ai dit tout à l'heure. Les gens présument au départ que le gouvernement s'occupera de leur sécurité, alors si le gouvernement demande des investissements additionnels, il est probable qu'on en ait effectivement besoin. Je ne crois pas qu'il existe de solution miracle. Il faut mettre davantage d'information à la disposition de la population canadienne, mais il est bien évident qu'au moment où nous cherchons à définir le rôle que devrait jouer le Canada à l'échelle internationale au cours des prochaines décennies, l'initiative doit venir du centre.

Le sénateur Forrestall : En tant que représentant de votre industrie, pouvez-vous nous dire si nous avons la capacité de construire au Canada ces équipements novateurs dont nous devons nous doter pour pouvoir jouer un rôle utile? Est- ce que cela peut se faire au Canada ou devons-nous importer ces technologies de l'étranger si nous voulons que le Canada en profite?

M. O'Donnell : C'est une combinaison des deux. Nous disposons d'excellentes capacités, par exemple pour les systèmes de communication et l'intégration. Nous sommes probablement les chefs de file mondiaux en matière d'acoustique sous-marine. Dans certains secteurs, nous sommes des leaders internationaux et notre expertise est reconnue. Dans d'autres secteurs, il y a des choses que nous ne faisons pas. Nous ne construisons pas de chars d'assaut ni de radars. Il n'y a pas assez de volume pour maintenir de telles activités industrielles.

Le sénateur Forrestall : Est-ce également le cas pour la construction navale?

Le président : Sénateur Forrestall, nous n'en sommes pas aux questions supplémentaires. C'est une deuxième série de questions que vous voulez. Le sénateur Cordy a demandé de quelle façon on pouvait obtenir le soutien du public, mais vous êtes inscrit pour la deuxième série d'interventions.

Le sénateur Forrestall : Répondez discrètement!

Le président : Sénateur Cordy, la parole est à vous.

Le sénateur Cordy : Que pensez-vous de réduire la capacité de combat des militaires, par exemple, des CF-18? J'ai entendu dire récemment que nous n'avons peut-être pas besoin de sous-marins pour nos besoins militaires futurs. Devrions-nous maintenir tout ce que nous avons actuellement?

M. O'Donnell : Vous m'avez entendu en parler plus tôt. Nous devons maintenir des forces aptes au combat. Dans l'avenir, nous aurons sûrement bien d'autres moyens de faire les choses. Nous n'aurons peut-être pas besoin des mêmes technologies qu'aujourd'hui pour acheminer des armes avec un certain degré de précision. Il faut s'intéresser à la capacité de combat, défensive et offensive, que nous voulons, voir comment utiliser les technologies de l'avenir et déterminer comment atteindre cette capacité par la restructuration et la modélisation des forces.

En partant du principe que le Canada doit maintenir des forces aptes au combat, parce qu'elles procurent une valeur ajoutée à la capacité de stabilisation et de dissuasion, il reste à adapter la capacité et les technologies à notre modèle de forces aptes au combat mais modestes. Il faudra tenir compte de la réalité budgétaire et établir des priorités.

Si nous voulons que le Canada joue un rôle de premier plan dans les opérations internationales et puisse maintenir 2 500 à 3 000 soldats à l'étranger avec l'équipement aérien et naval nécessaire, il faudra déterminer ce qui compte le plus et établir ce qu'il faut financer en priorité à partir de ce modèle.

D'abord, nous définissons nos besoins, et je soutiens qu'il faut maintenir la capacité de combat. Puis, nous déterminons comment bien la maintenir, même si elle sera modeste, parce qu'elle sera à valeur ajoutée, et nous mettons au point le modèle nécessaire en déterminant les priorités de financement pour obtenir les meilleurs résultats.

Le sénateur Atkins : Pour faire suite à ce que le sénateur Forrestall a demandé, pouvez-vous me donner des exemples de matériel militaire que nous pouvons fabriquer ici à bon prix et que nous ne pourrions pas nous procurer ailleurs à moins cher?

M. O'Donnell : Cela dépend en partie des relations industrielles que nous établissons. Si, par exemple, nous avons décidé qu'il va nous falloir tel véhicule ou tel camion, c'est uniquement une étude de rentabilité qui va déterminer si nous allons le fabriquer au Canada. Si cela nous coûte deux fois plus cher de construire une usine pour en faire une production limitée, ce qui n'est pas viable, nous n'allons pas nous lancer là-dedans.

Si, par ailleurs, ce que vous achetez est un produit que d'autres pays du monde recherchent et que vous créez des liens avec un producteur américain ou britannique qui est prêt à ouvrir une usine au Canada qui sera rentable en raison d'un volume plus élevé, vous pouvez décider de le faire. Cette uniquement une étude de rentabilité qui permet d'en décider, comme les gens d'affaires en font.

Il y a beaucoup de pays européens qui viennent au Canada pour établir des bases. Boeing, L-3 et Raytheon veulent étendre leurs activités au Canada, en fonction des capacités de production ou de soutien au Canada. Le marché n'est pas seulement intérieur, mais continental et mondial. Pour prendre ces décisions, il faut faire des calculs et déterminer si nous pouvons fabriquer des produits en quantité suffisante et à un prix concurrentiel.

Parfois c'est le cas, et parfois ça ne l'est pas. Il y a certains produits et services que nous pouvons vendre dans le monde avec beaucoup de succès. Dans d'autres cas, nous n'essayons même pas de les fabriquer, mais nous assurons le soutien.

Le sénateur Atkins : Les vendons-nous sur la scène internationale?

M. O'Donnell : Oui. Un exemple de réussite au Canada est General Dynamics, qui construit des systèmes radio qu'elle vient de vendre au Royaume-Uni par l'entremise de Bowman. Nous sommes assurément des experts de l'intégration. General Dynamics Land Systems fabrique le véhicule blindé léger à Londres, qui est un centre de production pour le marché international.

Il y en a beaucoup comme elle et il y a des créneaux. Oerlikon, par exemple, fait beaucoup d'intégration de systèmes, comme Lockheed. Il y a toutes sortes de domaines.

J'insiste sur le fait que nous ne voulons pas créer de distorsion dans le processus d'acquisition. Ces décisions commerciales sont prises uniquement en fonction des répercussions économiques sur le marché concurrentiel.

Le sénateur Atkins : Depuis la publication du Livre blanc en 1994, le gouvernement a réduit son budget pour la défense nationale. C'est seulement depuis à peu près un an qu'il semble l'augmenter un peu parce qu'il faut moderniser l'équipement.

Pensez-vous qu'il est possible de rattraper le retard enregistré depuis 1994 pour garantir le matériel nécessaire à une capacité générale? Pensez-vous que nous pourrons jamais le faire?

M. O'Donnell : Je pense que oui, mais il faudra prendre des engagements et prévoir des fonds. Je ne reviendrais pas au modèle de 1994. Il faut regarder vers l'avenir et déterminer comment élaborer la nouvelle structure dont j'ai parlé.

Je pense que le gouvernement dirait avoir accru, en chiffres absolus, le financement du ministère de la Défense depuis deux ou trois budgets, et il s'est engagé à l'augmenter encore, sûrement pour financer au moins l'ajout de 5 000 membres de la force régulière et de 3 000 réservistes à court terme.

Cependant, ce n'est pas assez pour empêcher de se détériorer la capacité des cadres du ministère qui essaient de gérer malgré une situation financière très difficile et celle des troupes sur le terrain qui accomplissent extrêmement bien ce qu'on leur demande de faire.

Oui, on peut rattraper le retard. Je ne suis pas de ceux qui croient que la situation est désespérée. Il va falloir prévoir du financement de maintien et, compte tenu de ce qu'on déterminera de faire à la fin du processus d'examen, faire des injections importantes et progressives d'argent jusqu'au prochain cycle.

C'est faisable. Je ne pense pas que l'aviation et l'armée vont disparaître dans tant d'années et que toute la situation est irrévocable. Je ne suis pas d'accord avec cela du tout. Il faudra investir beaucoup d'argent, mais il faut avant tout évaluer ce que nous voulons que les forces canadiennes fassent pour nous à plus long terme.

Le sénateur Atkins : Le problème, c'est qu'il faut persuader la population canadienne de la nécessité d'investir pour relever le niveau de l'armée.

M. O'Donnell : Il faut indiquer clairement à la population canadienne que les forces armées doivent à la fois pouvoir participer aux missions internationales et mieux assurer la défense de notre pays. Il est vrai que nous avons laissé la capacité se détériorer, mais il faut bien faire remarquer à la population canadienne qu'elle ne peut pas se détériorer davantage. Il faut, à tout le moins, relever son niveau à ce qu'il était il y a une dizaine d'années et peut-être même l'améliorer. Je pense que les Canadiens accepteraient la situation si on la leur expliquait correctement.

Notre sécurité dépend de la sécurité mondiale, et notre sécurité nationale de la sécurité continentale. Deux choses sont possibles. On peut se retirer et espérer qu'il n'y ait pas de désastre; se fier sur d'autres pour nous protéger; ou nous pouvons, en tant que nation assez riche, espérer jouer un rôle dans le monde comme force de modération, comme partisan de solutions internationales à la démocratisation, etc. Pour atteindre cet objectif, il faudra de l'argent. Nous voyons tous les jours à la télévision qu'il y a des conflits dans le monde, et la situation ne devrait pas changer. Quel sera le contexte de la défense et de la sécurité dans 20 ou 30 ans? Allons-nous attendre passivement de voir ce qui se passe, ou allons-nous agir énergiquement pour nous assurer d'exercer une influence sur le monde de demain?

Si on explique les choses de cette façon, je pense que les Canadiens vont accepter de réserver un bon montant d'argent à cette fin avant de financer les programmes sociaux et les autres priorités du gouvernement. Nous avons besoin de cette police d'assurance, mais il y a plus. Je crois que c'est une obligation nationale de faire davantage. Nous sommes un important bénéficiaire de la stabilité. Nous effectuons des transactions commerciales dans le monde, et nous devons faire plus pour assurer la stabilité mondiale dont dépend notre propre sécurité.

Je pense que vous pouvez faire valoir cet argument auprès de la population canadienne qui devrait s'y rallier, mais on ne peut pas le présenter comme on le fait souvent, comme s'il fallait choisir entre la défense, les garderies et les soins de santé. Ce n'est pas le cas. La défense et la sécurité viennent en premier. C'est la condition préalable à toutes les autres activités, et il faut l'expliquer avec vigueur de cette façon.

Le sénateur Atkins : Je suis d'accord avec vous mais, quand nous avons publié notre premier rapport qui recommandait d'augmenter à 75 000 le personnel militaire et d'injecter 4 milliards de dollars, la réaction a été intéressante. Il m'a semblé que non seulement notre institution militaire a quelque peu hésité à nous accorder son appui, mais la population a jugé cela scandaleux.

M. O'Donnell : C'est la raison pour laquelle j'ai délibérément évité de parler de capacités précises ou d'ensemble de matériel. Il vaut mieux présenter l'argument en disant si A, alors B; si B, alors C. Il faut commencer par faire reconnaître aux Canadiens que c'est important, et il faut que le gouvernement en soit lui aussi conscient, au lieu de dire tout de suite qu'il faut 4 milliards de dollars et 75 000 militaires, 15 de ceci et 47 de cela. Il est plus important de préciser les options possibles en fonction de la capacité et des objectifs à atteindre. Alors, si nous convenons que le Canada doit avoir des forces aptes au combat qui peuvent offrir des solutions à valeur ajoutée aux missions internationales, nous pouvons intégrer les différentes possibilités en fonction des capacités que nos forces doivent posséder et expliquer la situation avec logique.

Je ne crois pas en la magie de chiffres comme 60 000, 75 000 ou 102 000 militaires de la force régulière. Il faut plutôt examiner les capacités et les méthodes que nous voulons offrir. En fait, d'ici une ou deux décennies, il se peut qu'on ait besoin de moins de 50 000 militaires, tout en ayant une capacité plus grande. Je m'écarte un peu du sujet, mais je pense que cela tenait beaucoup plus à la façon de dire les choses qu'au message comme tel. On rencontre toujours plus de résistance si on commence à défendre un argument en présentant des chiffres précis.

Le président : Monsieur O'Donnell, le rapport auquel le sénateur Atkins fait référence ne présentait pas de chiffres précis en partant. Il indiquait plutôt que, pour remplir les obligations énoncées dans le Livre blanc, il fallait un financement de 4 milliards de plus et un effectif de 75 000 militaires. Il faisait valoir que, si le gouvernement voulait progresser à ce rythme, il devrait envisager ces chiffres. Le gouvernement a progressé à ce rythme sans fournir le financement convenable. Le comité a expliqué ce qui devrait être un financement convenable si le gouvernement gardait les mêmes objectifs.

Monsieur O'Donnell, nous n'avons pas présenté de chiffres au hasard. Le comité a réagi au Livre blanc de 1994 en fonction du rythme avec lequel le gouvernement insistait pour déployer les Forces canadiennes à différents endroits. Le comité a examiné le nombre de missions en fonction du Livre blanc et a conclu que, si le gouvernement voulait s'orienter en ce sens, il devait augmenter ses dépenses de 4 milliards de dollars et accroître de 50 000 qu'il l'était à 75 000 le nombre de militaires. Qu'en pensez-vous?

M. O'Donnell : Vous avez dit plus tôt que le rapport de votre comité n'avait pas obtenu beaucoup d'appui.

Le président : On a réduit ou augmenté le financement demandé.

M. O'Donnell : Je pense que le message général a été compris. Ce qui se passe, c'est que les gens aiment insister sur les chiffres, ramener les choses à ce qu'ils croient connaître. Je recommanderais de profiter du fait qu'on n'a pas donné suite aux anciens rapports. Cette fois-ci, il faudrait définir de façon très structurée les options et leurs coûts, indiquer que c'est ce qu'il faudra pour les réaliser.

Il est important de préciser ce que nous allons faire. Un montant de quatre milliards de dollars, soit une augmentation de 30 p. 100 du budget, serait nécessaire. On désapprouve beaucoup ce qu'il faudrait pour maintenir ou améliorer la capacité des forces. Si on ne fournit pas d'explication pour justifier le montant de quatre milliards de dollars et pourquoi il faut 75 000 et non pas 92 000 ou 65 000 militaires, on provoque beaucoup de discussions sur les éléments précis de la proposition.

Je propose d'établir un plan de communications pour transmettre le message et expliquer comment il a été conçu et quels sont les objectifs visés.

Le sénateur Christensen : Pour élaborer une politique de défense, il faut avoir une idée de nos besoins en la matière. Il faut certes connaître les menaces contre lesquelles nous devons nous défendre.

À votre avis, qu'est-ce qui constituerait aujourd'hui la principale menace pour le Canada en matière de défense, la menace qui justifierait notre politique?

M. O'Donnell : Il est certain que le changement le plus important survenu depuis la publication du Livre blanc est l'apparition de ce qu'on appelle la « menace asymétrique », c'est-à-dire quand la capacité est disproportionnée par rapport aux ressources engagées. Il est probable que les affrontements, conflits ou tensions de ce genre vont se poursuivre. De plus, alors que pendant des décennies les forces étaient capables d'effectuer des opérations et des déploiements massifs sur le terrain, elles sont aujourd'hui aux prises avec des conflits urbains. Vous posez la question de l'heure, à savoir quelle menace se profile à l'horizon. C'est difficile à prévoir avec beaucoup de certitude. On peut seulement prédire à 70 ou 80 p. 100 ce qui pourrait se passer. On risque toujours de se tromper et d'avoir proposé les mauvaises solutions.

La lutte contre le terrorisme va se poursuivre à court terme. En même temps, nous devrons tenir compte des alliances qui vont se former dans le monde et des intérêts nationaux qu'elles vont représenter sur le plan des menaces à la sécurité. Il faut ensuite prévoir un modèle qui, compte tenu des ressources, offre la meilleure défense possible dans ce contexte.

Il y a la menace asymétrique, la lutte contre le terrorisme à court terme, la multitude de points chauds dans le monde où nous serons appelés à intervenir pour stabiliser la situation, et le reste. Je n'annonce rien de nouveau; ce que nous connaissons depuis quelques années va se poursuivre. Ce qui sera différent, ce sont les solutions que nous allons adopter pour assurer le succès de ces opérations.

Le sénateur Christensen : Dans votre exposé, vous avez parlé des défis continentaux en matière de sécurité que nous partageons avec les États-Unis. Avec les capacités que nous possédons aujourd'hui, quel rôle le Canada pourrait envisager de jouer s'il décidait de se joindre au programme de défense antimissile américain?

M. O'Donnell : Nous pourrions consacrer toute une séance à la défense antimissile balistique. Sur le plan commercial, il y a des occasions d'affaires qui découleraient des avantages économiques et des capacités uniques que le Canada possède. Il sera possible d'établir des installations terrestres et des centres de fusion de données; il faudra développer beaucoup de capacités pour ce programme.

Cependant, actuellement on ne sait pas encore à quoi le système de défense contre les missiles balistiques va ressembler, et il n'est donc pas utile d'essayer de définir précisément les rôles, les fonctions et les missions que vous pourriez remplir. Je pense qu'il faut s'intéresser surtout, et c'est ce que nous faisons, à déterminer ce que nous allons faire, ce que le système de défense contre les missiles balistiques va supposer et quel rôle le Canada pourrait jouer.

Il est clair que des installations terrestres seront nécessaires, ainsi que des centres de données, de distribution, ce qui ouvre la porte à toutes les technologies pour la collecte et la transmission de données ainsi que l'évaluation des renseignements de sécurité. C'est sans compter tout le nouveau matériel qu'il faudra mettre au point. Nous avons des capacités à offrir à ce sujet. Tout dépendra si nous participons ou non au programme et dans quelle mesure.

Le sénateur Christensen : Pensez-vous que les installations seront en sol canadien?

M. O'Donnell : Je pense que ce serait possible; compte tenu de l'ampleur de ce système de défense, il y aurait des avantages à ce que des installations se trouvent en sol canadien. Il y a différents types de capacités, certaines sont plus passives et d'autres plus actives. Il y a des variantes pour pratiquement toutes les possibilités. Nous pourrons choisir les genres d'activité qui sont conformes à notre participation.

Le sénateur Tkachuk : Je vais poursuivre sur le même sujet que le sénateur Christensen avant de poser deux ou trois questions sur autre chose.

Je comprends ce que sont les menaces terroristes mais que sont les menaces asymétriques?

M. O'Donnell : Dans les conflits conventionnels, les forces offensives et défensives sont de capacité égale; il y a des brigades, des bataillons, des divisions qui s'affrontent dans différentes opérations. La menace est asymétrique quand votre capacité offensive provoque un effet extrêmement déstabilisant qui est disproportionné par rapport aux ressources que vous avez à mobiliser. Il n'y a pas de symétrie entre la capacité offensive qui peut être déclenchée et la capacité défensive nécessaire pour y faire échec.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce que ce serait un état voyou, comme la Corée du Nord, qui fait sauter une bombe dans la tour du CN?

M. O'Donnell : Quelque chose du genre, ou ce qu'on appelle un petit navire de surface avec une capacité de tir qui pourrait avoir un effet dévastateur? C'est ce que permet la technologie dans le domaine des munitions aujourd'hui. Vous n'avez pas besoin d'engager autant de ressources qu'avant pour attaquer.

Le sénateur Tkachuk : Nous préoccupons-nous alors davantage des pays qui veulent détruire une culture ou une société en particulier? Avec les Russes, on supposait toujours qu'ils voulaient dominer le monde. Ils avançaient pas à pas, et nous avions une politique d'endiguement avec l'OTAN et plus tard les Nations Unies. Maintenant, est-ce simplement parce que, pour une raison quelconque — que je ne connais pas plus qu'Al-Qaïda — les pays se comporteraient comme des organisations mal intentionnées?

M. O'Donnell : Il s'agit d'individus et de groupes plutôt que de pays, mais c'est pour toutes ces raisons qu'une capacité de défense est nécessaire. Nous devons faire face à ces menaces asymétriques qui sont axées sur les manifestations terroristes et les dommages que de petits groupes peuvent causer avec des armes extrêmement puissantes.

Bien que ce soit là un facteur important, particulièrement dans la façon dont nous abordons la défense intérieure, il existe aussi des conflits plus classiques dans ces diverses régions, des pays frappés par la déstabilisation. Il existe différents scénarios selon lesquels il faudra en réalité se doter d'options militaires nous permettant de faire une contribution.

Le sénateur Tkachuk : Si la création de l'OTAN avait pour objet de nous protéger contre ce qui était perçu comme étant la menace de l'Union soviétique, comment faisons-nous cadrer nos objectifs stratégiques et l'intensification de nos moyens de défense avec notre contribution à cet organisme? Nous entendons-nous en règle générale sur qui sont nos ennemis, au sein de l'OTAN et des Nations Unies? Bien que le Canada et les États-Unis puissent avoir des divergences d'opinions quant à l'endroit où affronter les terroristes, ils sont tous deux d'accord pour dire que ces terroristes veulent notre peau et, par conséquent, qu'il faut se préparer et s'organiser. Comment faisons-nous cadrer tout cela avec l'OTAN et les Nations Unies?

M. O'Donnell : Vous avez raison, en ce sens que nous nous entendons sur le genre de menaces qui pèsent sur nous. Nous devons trouver des solutions intégrées, de manière à circonscrire le phénomène ou à l'anticiper. Il se trouve que le premier point est la collecte de renseignements de sécurité, ce dont j'ai parlé tout à l'heure sous le vocable de « surveillance ». On voudrait faire en sorte que — dans le jargon militaire, on parle de C41SR, soit des activités de renseignement de sécurité, de surveillance, de reconnaissance, de commandement et de contrôle et ainsi de suite — nous avons en place des systèmes qui sont vraiment interopérables et que nous avons la volonté politique d'échanger le genre de données dont nous avons besoin. C'est là la première étape de la défense contre ces menaces asymétriques et le risque d'attaque terroriste.

Pendant que nous construisons ce modèle de nos forces futures, quand une décision sera prise au sujet de l'ampleur de notre participation au forum, en tant que Canadiens, nous devrons faire en sorte que nous savons jusqu'à quel point le Canada financera réellement cette activité seul et, ensuite, probablement à plus grande échelle, ce que nous achèterons en y contribuant avec d'autres pays. Nous voulons faire en sorte que nos systèmes de renseignements de sécurité sont interactifs et interopérables avec ceux des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'OTAN et ainsi de suite.

Voilà ce qui se trouve au cœur du contrôle de ces situations : l'accent mis sur la collecte de renseignements de sécurité, sur leur distribution, toute la fusion de données. La partie probablement la plus mal aisée est l'interprétation de tous ces renseignements, une interprétation en temps opportun. Beaucoup d'énergie et de ressources sont consacrées à résoudre ce problème.

Le sénateur Tkachuk : Devrions-nous continuer d'investir dans des opérations de maintien de la paix? Ces opérations font-elles partie de cette orientation ou devrions-nous tout simplement cesser d'en faire?

M. O'Donnell : Il y a un problème de définition à cet égard. Tous ne voient pas les opérations de maintien de la paix sous le même angle, de sorte que leur sens change selon chacun. Dans les forces, nous parlons davantage de rétablissement de la paix, si ce dont il est question consiste à contribuer à stabiliser une situation, puis, une fois cet objectif atteint, d'aider à la reconstruction et à la démocratisation. De toute évidence, il existe un rôle à cet égard.

Le sénateur Tkachuk : Comme en Afghanistan.

M. O'Donnell : Comme en Afghanistan, où nous avons fait un superbe travail. C'est d'ailleurs un modèle recommandable à court terme, à mesure que nous venons à connaître nos priorités pour le volet d'intervention internationale dont j'ai parlé. La demande est énorme, la capacité n'est jamais suffisante, et nous nous en tirons fort bien. Voilà justement un modèle de travail sur lequel s'appuyer pour faire une analyse de ce qu'il nous faut, des ressources qui devront être engagées pour pouvoir bien faire ce genre de travail.

Cependant, ce ne sont pas là des opérations que je considère relever de la définition classique de « maintien de la paix », qui correspond davantage, selon moi, au travail que nous avons fait à Chypre pendant 20 ou 30 ans, plutôt qu'à ce que nous faisons actuellement.

[Français]

Le sénateur Nolin : Merci d'avoir accepté notre invitation à comparaître devant notre comité. Vous agissez en tant que président de l'Association des industries de défense du Canada. Dans vos remarques liminaires, vous nous avez indiqué que le chiffre d'affaires de cette industrie était de l'ordre de sept milliards de dollars. Près de 30 p. 100 de cette production est exportée, ce qui est une proportion importante.

Pour notre bénéfice et celui de nos auditeurs, pouvez-vous nous donner un peu le cadre géographique des opérations de cette industrie? Le comité appréciera si vous désirez, par la suite, nous envoyer de plus amples informations à ce sujet. Mais pour le moment, j'aimerais savoir si cette industrie se concentre surtout en Ontario et au Québec. Combien d'emplois sont générés par cette industrie? Quel est le rythme de croissance de ces emplois?

[Traduction]

M. O'Donnell : Nos recettes annuelles atteignent 7 milliards de dollars environ, et elles sont relativement stables. Elles varient d'un demi-milliard d'année en année. Une partie de notre travail a consisté à les faire croître, mais elles sont relativement stables depuis quelques années.

Pour ce qui est de la répartition géographique, nous employons plus ou moins 50 000 personnes dans le domaine de la défense et à des activités liées à la défense. On dénombre plus de 1 500 entreprises dont le chiffre d'affaires tiré de ces activités excède 100 000 $ par année, et il y a beaucoup d'écart dans l'échelle d'exploitation. En ce concerne la répartition régionale comme telle, le Québec et l'Ontario ont la part du lion. Il existe une composante importante dans les Maritimes. La composante de l'Ouest est probablement inférieure à ce que vous laisserait croire la répartition de la population. Je peux vous fournir les détails.

En fait, votre question est opportune parce que nous publierons, au cours des deux prochaines semaines, notre rapport annuel faisant état des données statistiques pour les deux dernières années.

[Français]

Le sénateur Nolin : Vous pourrez répondre à ma prochaine question par écrit également si vous le désirez. J'aimerais que vous nous donniez une idée du type d'emplois générés et le rythme auquel ces emplois se développent.

Il intéressera certes nos auditeurs de connaître quelles sont les perspectives pour les jeunes Canadiens qui désirent faire carrière dans cette industrie qui, comme vous le savez, n'a pas toujours bonne presse.

[Traduction]

M. O'Donnell : L'emploi est diversifié. D'une part, il y a ceux qui font le plein des avions. D'autre part, nous utilisons des techniques stratégiquement très sensibles, nous faisons des travaux de R et D en aérospatiale. Nous faisons beaucoup d'intégration du génie technique et des systèmes. Comme possibilités d'emploi, je dirais que la plupart de nos technologies — il en irait de même pour l'industrie aérospatiale — sont de la haute technologie de pointe et que les emplois sont rémunérateurs. Il se fait beaucoup de travail de production, d'entretien d'avions, de travail dans des centres de réparation de navires et ainsi de suite, mais les dimensions « produit » emploient les nouvelles technologies de pointe. Il faut qu'il en soit ainsi si l'on veut réellement conserver sa part des marchés intérieur et international.

Il est aussi intéressant de noter que, depuis deux semaines environ, notre association a changé de nom, passant de l'Association des industries de la défense du Canada à l'Association canadienne de l'industrie de la défense et de la sécurité, parce que son mandat a été élargi. Il y a tellement de recoupements avec le secteur de la sécurité que nous avons décidé d'élargir notre mandat et de l'inclure.

En ce qui concerne les possibilités d'emploi, l'association a été priée de former une composante « effectifs féminins » dans le secteur de la défense de manière à pouvoir annoncer les possibilités d'emploi qui existent pour les femmes, très sous-représentées dans notre industrie. Ce n'est pas une carrière que les femmes embrasseraient naturellement.

Quand on voit la complexité des techniques de génie et des techniques de pointe, il existe beaucoup de possibilités, et nous estimons qu'il serait nettement à notre avantage d'avoir plus de femmes dans cette industrie.

[Français]

Le sénateur Nolin : Explorons maintenant toute la question de la recherche et du développement. En proportion du chiffre d'affaires global de l'industrie, quel est l'effort de recherche mis en oeuvre par les entreprises de votre association?

[Traduction]

M. O'Donnell : Il est probablement inférieur, dans l'ensemble, à ce que nous aimerions qu'il soit parce que nous sommes en train d'évaluer le besoin de R-D. Il faudra que je vous fournisse les données précises plus tard. Elles se trouveront dans le rapport dont j'ai parlé. En règle générale, c'est quelque chose que nous encourageons vivement notre industrie à faire.

Certaines entreprises consacrent une partie importante de leur revenu avant impôt à de la R et D. Le ministère de la Défense comme tel a un budget de sciences et de technologie de plus de 300 millions de dollars par année. Une bonne partie de ce montant, probablement la moitié, est injectée dans des travaux menés par notre base industrielle canadienne. L'effort n'est pas aussi fort que nous l'aimerions, de sorte que nous sommes constamment en train d'en promouvoir la croissance. Je vais vous fournir la statistique. Je crois qu'il est comparable, en règle générale. Toutefois, il se peut que notre effort soit un peu plus grand que la moyenne pour l'industrie canadienne.

[Français]

Le sénateur Nolin : Il y a quelques semaines, M. Williams, sous-ministre adjoint responsable des achats, nous a expliqué avec beaucoup d'empathie comment un de ses directeurs généraux, dont j'oublie le nom, avait la responsabilité d'interagir avec l'industrie de la défense canadienne, tant sur la scène nationale qu'internationale. Maintenant que nous avons entendu l'appréciation du patron de ce directeur général, j'aimerais avoir la vôtre. Je vous demande d'être franc et honnête.

[Traduction]

M. O'Donnell : Mme Evelyn Lavigne, directrice générale des Programmes internationaux et industriels, autrement dit la DGPII, qui relève de M. Alan Williams, est notre principal point de contact avec le ministère de la Défense nationale. Notre association a un comité exécutif permanent et un conseil d'administration, et nous interagissons avec cette composante particulière du bureau de M. Williams en vue de définir l'envergure et le genre d'engagements pris par notre industrie dans des projets précis.

Je vous en donne un exemple, probablement le plus clair. C'est ce service particulier du ministère de la Défense nationale, c'est-à-dire chez la directrice générale des Programmes internationaux et industriels — les deux « i » —, qui a ouvert la voie à la participation du Canada au programme d'avion d'attaque interarmées dans lequel nous avons investi l'équivalent d'un peu plus de 100 millions de dollars. Nous nous attendons actuellement à un rendement industriel qui soit le triple environ de ce montant.

C'est le fait que ce service du bureau de M. Williams a pris l'initiative d'interagir avec nous qui nous a en réalité incités au genre d'interaction que nous avons avec Lockheed Martin, l'entreprise américaine qui nous a réellement permis d'avoir accès à ces retombées industrielles. Ces interactions sont importantes pour nous. Nous les maintiendrons et nous les accroîtrons probablement.

[Français]

Le sénateur Nolin : Des 2 milliards de dollars que vous exportez et du milliard de dollars qui va aux États-Unis, cette interaction avec le ministère de la Défense est-elle importante? Vous avez utilisé le même exemple que M. Williams. Quel est le retour sur — si je peux m'exprimer maladroitement — l'investissement d'avoir un tel directeur général ou une telle directrice générale? Dans les 2 milliards d'exportations, le rôle de cette personne est-il significatif?

[Traduction]

M. O'Donnell : Oui. Je serais extrêmement déçu si cet organisme n'existait pas parce qu'il a offert un service de facilitation dont l'absence se ferait remarquer. Particulièrement en ce qui concerne les projets américains, le personnel du bureau de M. Williams est connu des hauts fonctionnaires des services d'acquisition des États-Unis, de sorte qu'il peut aider à nous faire ouvrir la porte.

De la même façon, quand nous traitons de certains problèmes de contrôle des exportations fort délicats, nous avons besoin d'eux pour nous aider à convaincre l'industrie américaine de la validité de nos arguments et la persuader que nous utilisons le bon genre de contrôles et que nous devrions pouvoir soumissionner pour les contrats. Leur aide est très utile.

Le président : Vos conseils quant à la façon de structurer notre rapport seraient les bienvenus. Certains d'entre nous faisaient partie du dernier comité qui a précédé le rapport de 1994. Nous estimions nous être fait donner un coup de Jarnac, surtout par le ministère des Finances, qui n'a pas donné le niveau de financement qu'il avait promis au comité.

Après avoir fait les travaux préliminaires habituels sur les vulnérabilités et les intérêts nationaux et sur le niveau d'activité jugé opportun, le comité décide qu'il serait sensé de faire valoir auprès du gouvernement certains points délicats, par exemple que s'il approuvait tous les fonds demandés, voici les options qui s'offrent à lui, que s'il les réduit de 25 p. 100 par contre, des options lui échapperaient, et nous les nommerions. Enfin, s'il ne souhaitait en financer que la moitié, d'autres options encore disparaîtraient. Un pareil rapport aurait-il les résultats souhaités?

M. O'Donnell : Il est essentiel, aux fins de la discussion, que vous puissiez décrire ce qui est possible selon le niveau d'aide gouvernementale.

Si je puis faire une observation au sujet des travaux et du processus futurs, la véritable qualité de vos interactions et de votre mobilisation est probablement plus importante que la quantité des travaux effectués, tout en reconnaissant qu'il y a du bon à visiter chacune des provinces. À mon avis, la gamme de réactions aux solutions sera prévisible. Si vous avez des ressources limitées, je consacrerais plus de temps à la qualité de l'analyse et tenterait d'enrichir les options par région, peut-être, plutôt que par province. Si vous obtenez les ressources dont vous avez besoin et que vous avez le temps de passer par ce processus d'interaction accrue d'État à État, cette solution pourrait s'avérer légèrement plus avantageuse que l'alternative.

À mon avis, bon nombre des réactions seront fort prévisibles. On vous servira des arguments favorisant telle option, puis telle autre, et ils ne seront pas très différents de ce que vous avez déjà entendus. S'il n'en tenait qu'à moi, j'élaborerais une formule qui miserait sur la qualité de l'évaluation plutôt que sur la quantité.

Le président : Nous examinerons la liste des provinces pour voir celles qu'il faudrait en retrancher.

Le comité vous remercie d'être venu témoigner. Vos connaissances sont utiles au comité, étant donné votre longue expérience des forces militaires et votre expérience actuelle de l'industrie.

Le président : Cet après-midi, nous accueillons M. Joel Sokolsky, doyen des arts au Collège militaire royal du Canada et professeur de science politique.

Il a fait son bac spécialisé à l'Université de Toronto, une maîtrise au School of Advanced International Studies de l'Université Johns Hopkins et un doctorat en études gouvernementales à l'Université Harvard.

Soyez le bienvenu au comité. Je crois savoir que vous avez une courte déclaration liminaire à nous faire.

M. Joel Sokolsky, doyen de la Faculté des arts et professeur de science politique, Collège militaire royal du Canada : Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître. J'aimerais pour commencer vous parler brièvement de la nécessité de produire des livres blancs et de leur historique, après quoi je ferai le point sur la situation actuelle par rapport au Livre blanc sur la défense de 1994, je nous situerai en matière de défense depuis la fin de la guerre froide, je vous parlerai de l'impact des attaques du 11 septembre, puis je proposerai une certaine façon d'aborder la politique de la défense.

En règle générale, dans le passé, les livres blancs n'ont pas été des guides particulièrement utiles pour ce qui est survenu par la suite en termes de politique étrangère. Certains d'entre eux, particulièrement le Livre blanc sur la défense de 1987, ont eu une vie plutôt courte. Comme le comité le sait fort bien, ce sont des décisions de principe, des décisions en matière de dépenses et de déploiement qui définissent essentiellement où nous nous situons et ce que nous faisons en matière de politique de la défense.

Durant la guerre froide, l'approche était statique, après quoi elle est devenue plus fluide. Néanmoins, ce sont souvent des décisions prises entre deux livres blancs qui définissent essentiellement notre choix de politique en matière de défense. Le processus d'examen permanent, particulièrement la participation du public, est néanmoins important comme outil d'information publique et en vue d'en établir la légitimité.

Contrairement à bien d'autres, je ne crois pas que le Livre blanc de 1994 fut particulièrement mauvais. En fait, quand on connaît la suite des événements, il a prédit que nous participerions à toute une gamme d'opérations de maintien de la paix. En fait, nous participerions à un conflit à l'échelle mondiale. Il avait souligné l'importance des menaces de nature non militaire, bien qu'il n'avait pas prédit le rythme des opérations. Cependant, après 1994, il y eut d'autres énoncés de politique, particulièrement la stratégie militaire 2020, qui insistait sur l'interopérabilité, ce qui était conforme à ce que faisaient les militaires.

De plus, bien qu'on eût pu dépenser plus d'argent en matière de défense, je crois que le Canada a fait une contribution réelle et positive à sa propre sécurité et à la sécurité internationale depuis 1994.

Il faut adopter une approche comparative : que contribuent des pays de taille analogue? La feuille de route du Canada depuis 1994 a été plutôt bonne, puisqu'il a participé d'abord à des opérations en Yougoslavie, puis en Afrique et, plus récemment, en Afghanistan. Je ne pars pas de l'hypothèse que les Canadiens ont à s'excuser de leur contribution à la sécurité internationale des dix dernières années.

Depuis les attaques du 11 septembre, de plus, les Canadiens et le gouvernement ont fait valoir avec raison que la réaction au terrorisme inclut en fait des réactions non militaires qui n'ont rien à voir avec le ministère de la Défense nationale. Nous avons beaucoup investi dans la sécurité, là où c'était nécessaire, soit dans les services de renseignement de sécurité et les services frontaliers, des points qui touchent directement à notre intérêt et, plus particulièrement, à la sécurité nord-américaine. Il se peut qu'à l'avenir, le gros de nos dépenses en matière de sécurité n'aille pas au ministère de la Défense nationale, bien qu'il faille les accroître.

Si j'avais à proposer ce que nous devrions faire sur le plan du ministère de la Défense nationale et des forces armées canadiennes, je dirais qu'à la lumière du contexte actuel de la sécurité, en pleine évolution, il faudrait mettre l'accent sur les options militaires ayant trait à la sécurité intérieure et à la sécurité du continent nord-américain et qu'il faudrait donner suite à la recommandation faite dans la politique nationale en matière de sécurité, soit de faire un choix sélectif et stratégique des opérations à l'étranger auxquelles nous participons. Je suppose également que les budgets de défense demeureront plus ou moins constants, qu'ils ne connaîtront pas de croissance sensible.

Le contexte de la sécurité internationale, dans la mesure où il concerne le pouvoir militaire, continuera d'être dominé par les États-Unis, particulièrement ce que M. Barry Posen, du Massachusetts Institute of Technology, a qualifié de domination des biens communs. Le pouvoir militaire américain dominera en effet les mers, les airs et l'espace. La capacité de l'Occident, par conséquent, de projeter son pouvoir d'un bout à l'autre de la planète sera en grande partie illimitée, en termes de besoin. Les États-Unis ont demandé de l'aide et font face à de l'opposition dans ce que M. Posen appelle les zones contestées. Lorsqu'ils cherchent soit à rétablir l'ordre, soit à lutter contre le terrorisme, je crois qu'ils auront besoin des contributions canadiennes.

Pour que les forces canadiennes soient efficaces à l'étranger, comme je l'ai mentionné, il faut que le gouvernement s'en tienne à une approche sélective et stratégique relativement aux déploiements internationaux. Pour ce qui est de la structure des forces armées, en supposant à nouveau que le budget de la défense n'est pas augmenté considérablement, je crois qu'elles conserveront une capacité de mener des opérations à l'étranger. Étant donné l'équipement acheté récemment, elles ont, comme en témoignent les opérations en Afghanistan, une capacité à cet égard.

Pour ce qui est de l'aviation, nous devrons peut-être renoncer à une capacité de combat et de projection de puissance en faveur d'une capacité de transport, une amélioration de nos transports tactiques sur le théâtre des opérations. L'aviation, en termes d'avion de combat, pourrait bien, par conséquent, en revenir à son principal rôle, non négligeable, soit de continuer à assurer la défense de l'espace aérien de l'Amérique du Nord.

Pour ce qui est de la marine, nous avons une très bonne — comme le soutient la marine — marine moyenne de projection mondiale capable d'appuyer la politique étrangère canadienne partout sur la planète. Cependant, contrairement aux États-Unis, nous ne pouvons pas nous payer le luxe de deux marines. Les États-Unis ont en effet la marine et la Garde côtière. Pour ce qui est des capacités futures de notre marine, il faudra peut-être envisager d'acquérir certaines des capacités armées qu'a et qu'est en train de développer la Garde côtière des États-Unis, étant donné son projet en eaux profondes.

En règle générale, la principale menace continuera d'être le terrorisme, les États défaillants et les États voyous; toutefois, ce ne sont pas tous les États défaillants et tous les groupes terroristes qui menacent le Canada. Nous devrons choisir les lieux de nos déploiements avec soin et en fonction de nos intérêts.

De plus, bien que l'on soutienne souvent que le meilleur moyen de lutter contre le terrorisme est de le combattre à sa source — d'où notre présence en Afghanistan — , le fait demeure qu'on peut fort bien combattre le terrorisme à sa source et demeurer vulnérables chez soi. De fait, comme le montre l'expérience de l'Espagne, la lutte contre le terrorisme à sa source peut fort bien vous rendre plus vulnérables. C'est pour cette raison qu'il faut frapper un équilibre plus juste entre la sécurité intérieure et la capacité de projection à l'étranger. À nouveau, j'estime que les forces canadiennes se prêtent fort bien à la réalisation de cet objectif.

Qui plus est, il nous faudrait peut-être être un peu plus proactifs dans nos relations avec les États-Unis. Il est certes plus dans l'intérêt des Américains que le Canada contribue à sa propre sécurité intérieure et à la sécurité du continent nord-américain que s'il déploie des forces supplémentaires à l'étranger, où leur impact relatif n'est peut-être pas aussi grand qu'il l'est en contexte nord-américain. Du point de vue des États-Unis, les efforts déployés par les Canadiens pour assurer la sécurité intérieure sont plus directement liés à des intérêts vitaux des Américains. Nous devrons toujours projeter une certaine force à l'étranger parce que, pour la plupart des administrations américaines, la preuve décisive de votre loyauté envers les États-Unis est ce que vous faites à l'étranger, non pas en Amérique du Nord. On peut néanmoins arguer qu'il est dans l'intérêt des Américains que le Canada en fasse davantage sur le plan de la sécurité intérieure.

Il est beaucoup question de commandement naval unifié de défense de l'Amérique du Nord et de nouvelles structures pour défendre le continent. On émet des conjectures à cet égard. Les institutions importent moins que les capacités. À moins que nous n'ayons la capacité de contribuer à la sécurité de l'Amérique du Nord, les institutions ne seront pas aussi efficaces.

Dans l'ensemble, au moyen d'accroissements raisonnables des dépenses en matière de défense et d'une approche très réaliste à l'égard des déploiements à l'étranger, les forces canadiennes peuvent contribuer à la sécurité nationale, tant au pays qu'à l'étranger. Il faudra accepter certaines compromissions sur le plan de l'équipement, compromissions que le gouvernement doit faire, mais nous disposons de plus d'options que nous ne le soupçonnons. En particulier, à l'étranger, les États-Unis sont à la recherche de partenaires, mais en fait, comme l'ont souligné le secrétaire Rumsfeld et d'autres, ils accepteront les contributions sous diverses formes.

Il se trouve que nous sommes l'un des meilleurs participants, même en tenant compte de nos petits nombres. Je ne crois pas que des augmentations massives de la participation canadienne à l'étranger affecteront sensiblement la politique et les calculs des États-unis puisque que non seulement l'administration Bush, mais aussi l'unilatéralisme bipartite sont aujourd'hui le fondement de la politique américaine sur la sécurité nationale. D'autre part, je crois que Washington prendra au sérieux une forte participation à la sécurité nord-américaine non seulement au plan militaire, mais aussi dans d'autres domaines touchant la sécurité, car elle touche directement les intérêts américains.

Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le sénateur Banks : Je ne sais pas trop par où commencer. Vous avez brossé un tableau très large. Vous ai-je bien compris quand vous avez dit que dans le cadre de nos relations avec les États-Unis les institutions ne sont pas aussi importantes que les capacités ou serait-ce le contraire?

M. Sokolsky : Non. Si nous devions créer une sorte de NORAD maritime qui fonctionnerait grâce seulement à notre capacité de surveillance maritime. Aux États-Unis, comme vous le savez, la Garde côtière est l'instance responsable de la sécurité intérieure. Nous devrions créer un NORAD maritime, mais nous ne pouvons le faire que si nous sommes en mesure d'augmenter et d'améliorer nos capacités de surveillance maritime.

Le sénateur Banks : Cela est tout à fait vrai au niveau opérationnel, mais certains réalités politiques sont ignorées. Par exemple, en ce qui concerne la guerre en Irak, il me semble, et je pense que nous l'avons appris lors de notre visite à Washington, qu'il leur importait peu si nous envoyons trois soldats en Irak. Ils étaient intéressés par notre drapeau. Ils voulaient l'organisme. Ils n'avaient pas besoin d'être aidés militairement.

M. Sokolsky : Je pense que c'est le cas pour l'étranger. En Amérique du Nord, c'est un vrai problème. Si nous n'avons pas de capacité, dans les Grands Lacs par exemple, ils ne peuvent pas franchir la ligne et cela signifie que la frontière n'est pas nécessairement surveillée s'ils croient que nous n'avons pas de surveillance au-dessus de nos approches océaniques, alors que nous avons. Imaginez que nous ayons le NORAD et pas d'avions de chasse CF-18. Ce n'est pas la structure de commandement, car il y a plusieurs façons de fonctionner. Nous avons cette capacité de surveiller notre espace aérien et nous avions les radars quand nous en avions besoin. Je suis entièrement d'accord avec vous. Ce qui se passe ici est plus important que la situation à l'étranger. Le problème, c'est que pour la plupart de l'administration, la sécurité du lac Huron n'est pas une priorité sauf s'ils découvrent que quelqu'un le traverse, alors la sécurité du lac Huron deviendra la priorité numéro un. Je crois que vous m'aviez bien compris.

Le sénateur Banks : Vous avez aussi dit que le Canada n'est pas une cible pour tous les terroristes et tous les États voyous. Notre pays n'est probablement pas une cible. Je suppose qu'il serait aussi vrai de dire que, jusqu'à présent, personne ne nous a ciblés, mais savez-vous qui nous considère comme une cible et qui ne nous considère pas comme une cible? Comment savons-nous que quelqu'un ne nous considère pas comme une cible?

M. Sokolsky : Je dirai la même chose pour les États-Unis. Si vous lisez l'étude Bounding the Global War on Terrorism de Jeffrey Record, de l'U.S. Army War College, le monde est rempli de terroristes, par exemple, les Tchétchènes, les Basques et les terroristes en Afrique. Ils n'ont pas tous des problèmes avec les États-Unis d'Amérique. Si vous déclarez que vous luttez contre le terrorisme, est-ce que ces gens sont vos adversaires?

Le sénateur Banks : Les terroristes tchétchènes ne sont-ils pas nos ennemis?

M. Sokolsky : Ils ne menacent pas directement le Canada.

Le sénateur Banks : Ce n'était pas la question. N'y a-t-il des filières qui sont en quelque sorte internationales? Ne croyons-nous pas que le terrorisme en tant que tel est inacceptable que nous soyons une cible ou non?

M. Sokolsky : Nous convenons que le terrorisme en tant que tel est inacceptable, mais étant donné les ressources limitées, nous devons nous concentrer sur les terroristes qui nous menacent directement. L'autre problème, c'est que des gouvernements qualifieront de terroristes des opposants légitimes et les relieront directement à cette menace générale. Oui, les Tchétchènes peuvent être une menace, mais nos ressources sont limitées, donc nous nous en servirons pour protéger directement les intérêts du Canada.

Le sénateur Banks : Je vais parler sans détour d'argent maintenant vu que vos opinions sont fermes sur ce sujet. Vous le considérez souvent comme l'un de vos sujets d'intérêt.

Nous avons entendu des propositions intéressantes et nous allons en entendre d'autres encore plus intéressantes sur ce que nous devrions faire. Vous avez parlé des ressources limitées. Vous avez dit que les États-Unis vont dominer l'espace aérien et le terrain. Nous savons tous que nous ne pouvons pas faire aujourd'hui ce que nous avons fait la dernière fois, en tout cas nous ne pouvons pas le faire en l'absence d'un nouveau danger clair et présent. Vous avez aussi dit que nous ne pouvons plus assurer la défense aérienne continentale supplémentaire et en fait, nous ne le faisons pas. Nous y avons renoncé.

Que répondrez-vous à l'argument qui fait valoir que nous avons une certaine somme d'argent et que nous essayons de faire quelque chose d'aussi grand, nous ne pouvons pas jouer un plus grand rôle, car notre argent ne nous permet qu'un rôle plus petit. Nous pouvons être plus efficaces si nous réduisons la compétence, il serait donc logique pour nous de déclarer que puisque nous sommes une nation maritime, nous ne pouvons pas nous débarrasser de la marine et nous devons augmenter ses capacités. Nous avons besoin d'une armée, car nous avons un grand territoire. Pourquoi ne pas abandonner entièrement la défense aérienne — puisque, de toute façon, les États-Unis domineront les cieux — et vraiment améliorer notre marine et notre armée et conclure un accord avec les Américains afin qu'ils assurent notre défense aérienne? Si j'étais chef d'entreprise, ce ne serait pas une mauvaise affaire.

M. Sokolsky : NORAD assure aujourd'hui la défense aérienne active, surtout à l'intérieur. Si nous voulions que des avions américains patrouillent l'espace aérien canadien, alors vous pourriez envisager cette situation. Je ne crois pas que ce soit acceptable et je pense que nous pouvons assumer les coûts d'entretien des CF-18 pour le NORAD. En ce qui concerne la marine, elle fait partie des trois services qui ont bien après traversé les années 90 et elle a une bonne capacité de déploiement. Pour cette raison, nous n'abandonnerons pas l'armée de l'air. Nous avons déjà pris cette décision concernant le déploiement à l'étranger. En ce qui concerne l'armée, nous pourrions tout aussi dire que nous n'enverrons pas des unités de plus de 2 000 militaires à l'étranger. Nous ne pouvons pas nous permettre un nombre supérieur.

Le sénateur Banks : À quand remonte la dernière fois que nous avons pu envoyer 2 000 militaires?

M. Sokolsky : Nous avons envoyé plus de 2 000 en Afghanistan.

Le sénateur Banks : Et nous avons pu leur offrir un maintien en puissance?

M. Sokolsky : En ce qui concerne le maintien en puissance, tous les pays s'en occupent tour à tour. Ces opérations sont telles que les pays s'en occupent tour à tour. Si nous voulions maintenir 2 000 militaires, il nous faudrait faire ce que nous faisons, réduire nos engagements. Il nous faudra peut-être réduire nos engagements ailleurs.

Le sénateur Banks : De manière générale, vous estimez que nous devons continuer à maintenir des forces efficaces dans chacun des trois forces traditionnelles et n'en éliminer aucune, mais peut-être les spécialiser un peu.

M. Sokolsky : Oui, je crois que des éléments au sein de chaque unité peuvent se spécialiser. Il faut aussi l'espace aérien, la mer et des zones pour les opérations domestiques. Même pour, comme vous le savez bien, les opérations domestiques d'urgence, nous avons besoin d'un transport militaire intérieur, nous avons besoin de réserves en cas de préparation à des situations d'urgence et nous avons besoin de maintenir des forces maritimes pour la protection du territoire, donc nous n'allons pas abandonner les trois services des Forces canadiennes. Nous avons déjà décidé de ce que ces services doivent faire et c'est peut-être quelque chose à considérer. Au sujet des forces navales, voulons-nous remplacer les escorteurs existants par une autre génération d'escorteurs spécialement conçus pour les opérations à l'étranger ou voulons-nous commencer à construire des navires comme ceux de la Garde côtière américaine? Cela nous permettra de ne pas participer à certaines opérations à l'étranger, mais avec les frégates nous serons toujours en mesure de participer.

Le sénateur Banks : À propos des océans et de la sécurité, le comité recommande que, à tout le moins, la Garde côtière canadienne ait une fonction policière qu'elle n'a pas aujourd'hui. J'ai l'impression que vous pensez que nous devrions aller plus que cela.

M. Sokolsky : Oui, je pense que nous devrions décider si elle doit être une force armée de la marine. D'une certaine façon, la Garde côtière américaine ressemble plus à notre marine que notre Garde côtière ressemble à leur Garde côtière. Leurs fonctions se chevauchent, mais c'est une force armée. Si la sécurité intérieure est importante, je pense alors qu'elle devrait avoir plus cette capacité que de devenir une force policière. Je sais que la marine préférerait éviter cette situation ou il lui faudrait plus de ressources.

Je sais que le comité a étudié cette question et je suggère qu'il l'étudie de manière encore plus approfondie pour arriver à ce jugement. Si nous disposions de fonds illimités, je conviendrais que nous avons besoin d'une Garde côtière armée et d'une marine. Cependant, nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir deux forces armées ou deux marines. La Garde côtière américaine est la huitième plus grande marine au monde.

Le sénateur Cordy : Suggérez-vous que notre Garde côtière concentre plus ses efforts sur la sécurité et la surveillance de nos frontières?

M. Sokolsky : Je suggère qu'en plus de la sécurité maritime et d'autres choses, la marine adopte une approche plus axée sur la défense des côtes. Les autres questions de sécurité maritime seraient du ressort de la Garde côtière.

Le sénateur Cordy : Qui sera responsable de la sécurité de nos navires?

M. Sokolsky : La Garde côtière.

Le sénateur Cordy : La marine pourrait se avoir certaines de ces responsabilités.

M. Sokolsky : Il y aurait une plus grande présence de la marine armée sur les Grands Lacs et surtout dans nos approches océaniques.

Le sénateur Cordy : Lorsque nous parlons de sujets comme les aides à la navigation et la sécurité des navires, pensez- vous qu'ils continueront à relever de la compétence du ministère des Pêches et des Océans alors que la marine relèverait du ministère de la Défense nationale.

M. Sokolsky : Je suggère que la marine essaie d'acheter des bateaux plus petits et armés. Ils continueront à faire partie de la marine et la Garde côtière continuera à jouer ses autres rôles traditionnels.

Le sénateur Cordy : La Garde côtière ne s'occuperait pas de la sécurité?

M. Sokolsky : Aujourd'hui, il y a une approche interorganisation. Je suggère que la marine canadienne s'occupe plus des eaux intérieures dans le cadre de sa participation à cette approche mixte.

Le sénateur Cordy : C'est donc à cette fin que la marine aura des bateaux plus petits et plus rapides.

M. Sokolsky : Oui, afin que cette partie de la marine canadienne ressemble à la Garde côtière américaine. Les eaux profondes seront sous la responsabilité de l'OTAN, des États-Unis et de l'interopérabilité. Je recommande des embarcations très puissantes pour la marine. Ce sera aussi une approche interorganisation. Je suggère que la marine puisse participer à long terme de cette façon.

Le sénateur Cordy : Les lignes seraient beaucoup plus clairement définies. Est-ce cela que vous suggérez?

M. Sokolsky : Une présence armée serait plus une responsabilité navale.

Le président : Professeur, l'accord Rush-Bagot interdit la marine sur les Grands Lacs, par conséquent, nous ne pourrions pas faire sauf si cet accord est amendé ou changé.

Le comité a entendu des témoignages selon lesquels en cas de patrouille côtière, il faudrait quand même un vaisseau de la taille d'une frégate. Autrement, il ne sera pas possible de naviguer suffisamment longtemps en cas d'état de la mer. La recommandation du comité entrait dans le cadre de l'armement de la Garde côtière durant le recomplètement de la flotte. Il y a des fonctions diverses telles que les opérations de brisage de glaces, le mouillage de bouées pour aider la navigation, la recherche et le sauvetage et les poursuites anti-pollutions. Vous recommandez que toutes ces fonctions continuent à relever de la compétence de la Garde côtière, vous recommandez de reconstruire la flotte de la Garde côtière afin qu'elle puisse continuer à exécuter toutes ces fonctions puis de construire une flotte de patrouille côtière séparée et additionnelle pour la marine. Est-ce bien cela?

M. Sokolsky : Oui. Je crois que la marine examinera la question des patrouilleurs en mer.

En ce qui concerne l'accord Rush-Bagot, la Garde côtière américaine est sur les Grands Lacs.

Le président : Oui, mais ce n'est pas une force militaire.

M. Sokolsky : Oui, elle peut être une force armée en vertu de la législation américaine.

Le président : Seulement s'ils déclarent la guerre et, dans le cadre de la sécurité intérieure des États-unis, cela n'est pas admissible.

M. Sokolsky : Étant donné l'importance de la sécurité intérieure maritime, nous pouvons prendre d'autres dispositions avec les États-Unis concernant cet accord.

Le sénateur Banks : Une réponse m'a déconcerté, mais j'attendrai que le sénateur Christensen pose sa question.

Le sénateur Christensen : Au cours des dix dernières années, la marine a introduit les 12 nouveaux navires de défense côtière (NDC). Prévoyez-vous une augmentation de ce nombre?

M. Sokolsky : Non, je pense que les NDC servent à former les réservistes. Ils vont dans ce sens, mais ils n'ont pas le niveau de capacité que nous voudrions dans nos eaux côtières.

Le sénateur Christensen : Est-ce le genre de vaisseau que vous recommandez?

M. Sokolsky : Quelque chose de ce genre et je suggère aussi de jeter un coup d'œil à ce que fait la Garde côtière américaine dans son programme de réfection.

Le président : Selon le témoignage de l'amiral Ron Buck, ces vaisseaux ne sont pas très bons pour les eaux intérieures, ils sont appropriés pour la formation et ils ne pourraient pas assurer la défense des côtes.

M. Sokolsky : Oui. C'est la raison pour laquelle je suggère autre chose.

Le sénateur Banks : Je suis déconcerté, monsieur Sokolsky. Je vous ai demandé si nous devions armer la Garde côtière et il m'a semblé que vous avez répondu oui. Puis, en réponse à la question du sénateur Cordy, vous avez dit que nous devrions laisser à la Garde côtière le soin d'assurer les aides à la navigation et la sécurité maritime et que la marine devrait s'impliquer pour combler le vide. Laquelle des deux réponses est la bonne?

M. Sokolsky : La seconde.

Le sénateur Banks : La seconde est la bonne?

M. Sokolsky : Oui.

Le sénateur Banks : Ne devrions-nous pas armer la Garde côtière?

M. Sokolsky : Non. Je ne voudrais qu'elle ressemble à la Garde côtière américaine.

Le sénateur Forrestal : Il y a encore un instant, aucun sénateur distingué n'avait tendu une telle perche à un autre sénateur. Il m'a permis de parler des réserves, un garde côte mesurant jusqu'à 160 pieds et capable de transporter 100 membres d'équipage, légèrement renforcé et qui peut entrer dans des ports frappés de gelée précoce et en sortir. Nous avons quelques 7 000 kilomètres de côtes et une ressource énorme pas assez utilisée — mise de côté — les réserves de la marine canadienne dans le Canada atlantique.

Pensez-vous qu'il serait utile de trouver une combinaison de défense côtière assurée par une Garde côtière dotée de nouveaux vaisseaux pouvant naviguer en eaux peu profondes et une nouvelle capacité de naviguer dans la glace peu profonde le long de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Côte-Nord jusqu'aux portées du St- Laurent.

M. Sokolsky : Vous voulez que les réserves jouent un rôle dans la défense des côtes. On les utilise déjà sur les NDC, mais je crois qu'elles seraient prêtes à servir en cette capacité, tout comme la Garde côtière américaine qui utilise plus ses réserves dans la situation actuelle.

Le sénateur Forrestal : De quelle façon les utilisent-elles?

M. Sokolsky : Elles sont mobilisées et embarquées sur des navires pour la sécurité intérieure, leurs plus petits bateaux servent à défendre des ports à l'étranger. Depuis le 11 septembre, des réservistes de la Garde côtière américaine ont été mobilisés sur leurs bateaux, y compris leurs bateaux qui ont été déployés à l'étranger. C'est certainement l'occasion d'utiliser les réserves pour assurer la sécurité intérieure maritime.

Le sénateur Forrestal : Savez-vous si quelqu'un a envisagé cela comme un scénario possible? Je ne veux pas me lancer dans ce sujet et je ne pense pas que le comité veuille commencer à zéro.

M. Sokolsky : Je pense que personne ne mesure l'importance des réserves navales en termes de sécurité intérieure. Habituellement, ce serait un bon rôle pour l'armée pour la même raison, car en l'absence d'une garde nationale, nous compterons sur les unités des réserves canadiennes pour assurer le premier soutien militaire en cas d'urgence.

Le sénateur Forrestall : J'apprécie votre point de vue et je le comprends. En ce qui concerne la présence de la marine dans les Grands Lacs, nous n'avons pas d'infrastructures pour les accueillir, assurer leur sécurité et leur formation, arrimer les navires, les mettre en cale sèche et produire la documentation les concernant. J'espère qu'il n'y a pas d'arsenal maritime dans les Grands Lacs que j'aurais pu oublier. Traditionnellement, la Marine ne constitue pas une force opérationnelle et c'est la raison pour laquelle il n'y a pas d'infrastructures dans les lacs. L'infrastructure se trouve sur les côtes.

Des problèmes existent au niveau de la formation. Il me semble qu'une utilisation plus efficace de la Garde côtière canadienne et qui lui a été retirée à l'exception de sa tâche anodine et nécessaire — la Garde côtière canadienne est une structure civile du gouvernement — une collaboration entre la Garde côtière et des établissements de défense, telles que les réserves, est-elle une possibilité?

M. Sokolsky : Comme je l'ai suggéré, la démarche liée à la sécurité intérieure est la coopération inter-organisations. Vous pouvez avoir des centres de sécurité d'opérations maritimes. Je suggère que nous étudions une plus grande participation de la Marine qui a des capacités de surveillance et qui est une force armée afin de déterminer l'avenir de la Marine.

C'est encore une fois à cause des structures différentes des forces entre les deux pays.

Le sénateur Forrestall : J'apprécie ces remarques, car j'ai ennuyé le comité avec les Halifax Rifles. La plupart des membres du comité, y compris moi-même, ne comprennent pas tout à fait ce que je veux dire. Le comité est moins sûr. Toutefois, il me semble qu'une force très mobile pourrait très bien jouer un rôle pour assurer la défense des côtes — pas simplement des eaux, mais aussi de la terre ferme. Comme vous le savez, un certain nombre d'unités de réserve ont été mises de côté et retirées.

J'ai une autre question, j'aimerais connaître votre avis.

De quelle autre façon voudriez-vous que l'on utilise les réserves pour défendre le pays?

M. Sokolsky : Dans l'ensemble, les réserves dans quel domaine?

Le sénateur Forrestall : De manière générale.

M. Sokolsky : Vous pouvez entendre des points de vue différents, mais généralement, les réserves sont utilisées parce qu'elles sont liées à un plus grand nombre de collectivités en comparaison avec les militaires. Le fait que les premières personnes à porter secours proviennent des collectivités est une bonne chose. C'est utile en ce qui a trait à l'armée.

Pour ce qui est d'utiliser la réserve aérienne en cas d'urgence pour transporter du personnel et de l'équipement dans le pays. Il se pourrait qu'on fasse appel à la réserve aérienne pour aider dans ce genre de situation.

Étant donné qu'au Canada, nous nous fions habituellement aux militaires — en l'absence d'une garde nationale, nous comptons sur les militaires — il me semble que cela est logique pour nous. Quand, dans les années 90, il y avait beaucoup d'opérations, nous avons fait appel à de nombreux réservistes pour les opérations à l'étranger. Cela peut être une raison pour limiter les opérations à l'étranger.

Le sénateur Forrestall : Parce qu'il faut de la formation et des capacités, etc.?

M. Sokolsky : Oui.

Le sénateur Nolin : Je veux continuer et utiliser vos connaissances pour parler du Nord. Le sénateur Forrestall a mentionné la longueur de nos frontières côtières. Premièrement, que pensez-vous de nos capacités militaires dans le Nord?

M. Sokolsky : Elles sont très limitées.

Le sénateur Nolin : Que voulez-vous dire par « très limitées »?

M. Sokolsky : Nous n'avons pas de capacité de navigation sous les glaces, nous avons une certaine capacité de surveillance. Il y a peu d'unités là-bas. La situation est meilleure dans les airs, dans le cadre du NORAD, grâce aux améliorations qui ont été faites dans les années 80. C'est probablement proportionnel au degré de la menace perçue dans le Nord. Si l'on suppose que le Canada est surtout menacé aujourd'hui par le terrorisme, par l'utilisation possible d'armes de destruction massive et de réponses asymétriques en cas d'opérations à l'étranger, le Nord n'est pas aussi menacé d'être attaqué que d'autres régions du pays.

Le sénateur Nolin : Que dire du maintien de notre souveraineté sur l'immense territoire, le passage du Nord-Ouest?

M. Sokolsky : Nous devons plaider notre cause devant le monde et revendiquer que le passage du Nord-Ouest est dans les limites des eaux intérieures canadiennes. Nous avions conclu une entente avec les États-Unis concernant la traversée du passage par les navires de la Garde côtière américaine, mais dans l'ensemble ce sera une question politique et juridique. En ce qui concerne l'utilisation de personnels comme les Rangers, il nous faut un niveau d'activités là-bas pour montrer notre souveraineté, mais en l'absence d'une menace importante d'une puissance ennemie, l'utilisation des ressources consacrées à la défense peut ne pas être la meilleure façon d'aborder la question du Nord.

Le sénateur Nolin : Qui devrait faire ce qui, d'après vous, devrait être fait?

M. Sokolsky : Le ministère des Affaires étrangères du Canada devrait revendiquer à l'échelle internationale la reconnaissance que le passage du Nord-Ouest est dans les eaux intérieures du Canada. L'application des lois canadiennes sur l'environnement dans cette région est reconnue sur la scène internationale. Je pense que nous devrions aussi continuer le programme des Rangers dans le Nord et encourager le développement dans cette région. Cependant, je ne pense pas qu'une réponse militaire soit nécessaire.

Le sénateur Nolin : Je suis sûr que vous êtes conscient du problème du réchauffement de la planète.

M. Sokolsky : Oui.

Le sénateur Nolin : Qui devrait se préoccuper des catastrophes environnementales, des nouvelles exploitations minières et pétrolières dans le Nord?

M. Sokolsky : L'Agence de la protection de l'environnement du gouvernement canadien s'occupe essentiellement de toutes les questions relatives à l'effet du réchauffement de la planète sur l'environnement.

Le sénateur Nolin : Je suis d'accord. C'est écrit sur le papier, mais imaginons le pire. Il n'y a personne là-bas pour appliquer la loi et exercer une surveillance. Que pensez-vous qu'ils feront? Regardez ce qui s'est passé hier le long des côtes de Terre-Neuve.

M. Sokolsky : La Garde côtière et les forces armées pourraient surveiller ces côtes.

Le sénateur Nolin : Sommes-nous suffisamment équipés pour cela?

M. Sokolsky : Pour le moment, non. Il faudra leur donner des ressources. Étant donné que des ressources ne peuvent pas être maintenues de façon permanente dans cette région, il faudrait avoir une force d'intervention rapide à l'intérieur du Canada en cas d'urgence. Les forces armées pourraient transporter d'autres équipes de secours dans cette partie du monde.

Le sénateur Tkachuk : Je veux poursuivre le sujet du terrorisme soulevé par la question du sénateur Banks.

À votre avis, comment savoir quels terroristes sont nos ennemis et ceux qui ne le sont pas?

M. Sokolsky : Nous devrions nous inquiéter des terroristes qui menacent directement le Canada, qui menacent nos alliés d'une façon qui porterait atteinte à notre sécurité ou à nos intérêts économiques et qui menacerait les Canadiens à l'étranger.

Le sénateur Tkachuk : Ferait-on cela au moyen de valeurs plus nobles comme l'idéal démocratique ou des pays démocratiques? Quand nous étions tous préoccupés par la Russie ou l'Union soviétique à cette époque et le communisme, si un dirigeant d'Allemagne de l'Est aurait voulu unifier l'Allemagne et aurait envahi l'Allemagne de l'Ouest, l'OTAN ou nous-mêmes aurions pu intervenir. Au sujet du le Vietnam, nous avons dit : « Non, laissons les Américains s'en occuper. » Si des terroristes attaquaient le Japon, par exemple, devrait-on les considérer comme nos ennemis?

M. Sokolsky : Dans la mesure où il y aurait des répercussions économiques au niveau international, nous serions concernés, n'est-ce pas?

Le sénateur Tkachuk : Et Israël?

M. Sokolsky : Les Palestiniens qui lancent des attaques contre Israël aujourd'hui, dans la mesure où la réaction d'Israël ou des États-Unis nous impliquerait dans un plus large conflit, nous nous sentirons aussi concernés par cette situation. Depuis sa création, Israël a été attaqué. Comment avons-nous réagi? Nous y sommes allés dans le cadre de missions de maintien de la paix pour tenter de maintenir la paix. Nous avons offert un appui aux Palestiniens en leur accordant de l'aide, mais pas autant que ce que nous faisons suite aux attaques terroristes contre les États-Unis

Le sénateur Tkachuk : Est-ce que le Hamas devrait être dans notre liste d'organisations terroristes?

M. Sokolsky : Si nous avons la preuve que le Hamas commet des actes terroristes et utilise le territoire canadien pour une raison quelconque, peut-être la collecte de fonds pour envoyer l'argent là-bas, dans ce cas oui, cette organisation devrait être dans notre liste. C'est un problème pour les États-Unis; c'est un problème pour la stabilité dans la région.

Il est aussi difficile de savoir comment traiter avec cette organisation. Le Hamas peut être inclus dans notre liste, mais nous n'enverrons pas des forces canadiennes pour lutter contre cette organisation comme c'était le cas avec les talibans en Afghanistan. D'autres solutions peuvent être plus appropriées. Par exemple, si nous croyons que le Hamas nous menace, nous pouvons alors faire une surveillance ici, mais nous pouvons aussi aider au processus de paix au Moyen-Orient pour répondre à ce que nous estimons être les demandes légitimes des Palestiniens.

Dans le cas des talibans et de l'Afghanistan après le 11 septembre, nous avons envoyé des forces armées canadiennes pour les capturer. La réaction est différente. Dans le cas des Tchétchènes, nous comprenons bien sûr la réaction des Russes. D'autre part, nous pouvons ne pas vouloir encourager l'ensemble des actions des Russes dans cette région si elles ne font qu'aggraver la situation.

Comme l'a fait remarquer le professeur Record, de l'U.S. Army War College, il faut faire la part des choses dans la lutte contre le terrorisme, il faut établir une distinction. Il parlait des États-Unis. Comme vous le savez, à l'époque, pendant la guerre froide, un grand nombre de gouvernements qui n'étaient pas particulièrement démocratiques ou en faveur des droits de la personne qualifiaient les opposants à leur régime de terroristes et adoptaient des mesures extrêmement sévères à leur égard, comme dans certains pays d'Amérique latine. Nous devons clairement établir qui sont les terroristes qui menacent directement ou indirectement les intérêts du Canada. Les États-Unis font la distinction. Ils veulent lutter contre le terrorisme, mais ils s'intéressent plus au terrorisme du Moyen-Orient que celui qui sévit en Afrique. S'ils peuvent adopter une approche réaliste et qui établit des distinctions à l'égard du terrorisme, nous pouvons aussi le faire. Ce n'est pas comme ce qu'a déclaré le président Bush : ou vous êtes avec nous ou vous êtes avec les terroristes. Il veut vraiment dire : ou vous êtes avec nous, ou vous êtes avec certains terroristes qui à notre avis menacent les États-Unis, mais ce ne sont pas tous les groupes terroristes de toutes les régions du monde, aussi répréhensibles que peuvent être leurs actions, qui constituent une préoccupation immédiate en ce qui nous concerne.

Le sénateur Atkins : Nous parlons d'une force de capacité générale. Pensez-vous que les militaires que nous avons envoyés en Afghanistan avaient reçu la formation nécessaire pour accomplir ce genre de mission? Est-ce que cette même formation serait utile aux militaires que nous envoyons à Haïti, par exemple?

M. Sokolsky : Dans les deux cas, les militaires ont bien rempli leur mission et les troupes envoyées en Afghanistan, vu leur résultat, étaient entraînées pour accomplir la mission. Il faut assurer une formation au plus haut niveau possible car toutes les missions sont différentes.

De manière générale — ce n'est pas quelque chose de nouveau pour ce comité — nous devrions former pour améliorer la capacité de combat de militaires; nous devrions former des guerriers. Quand ils atteignent ce niveau, les militaires peuvent remplir d'autres missions, mais il faut s'attendre à ce qu'ils participent à des combats.

Je crois que le général Andrew Leslie vous dira que les missions en Afghanistan, même dans la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) à l'exception de la recherche et du sauvetage des premières missions, sont suffisamment dangereuses pour que les militaires soient bien formés et hautement qualifiés. En outre, la dépendance sur la technologie qui peut être utilisée dans des combats est tout autant applicable et moins intensive.

Il faut aussi tenir compte du fait que l'on ne peut pas prévoir les missions. On peut être réquisitionné pour une mission et être envoyé dans une autre mission. Nous ne sommes peut-être pas en mesure de participer à des combats à haute intensité entre véhicules blindés comme à l'époque, mais l'objectif devrait être une force militaire très bien entraînée pour avoir recours à la au nom du gouvernement du Canada.

Le sénateur Atkins : Est-ce que nos militaires étaient entraînés pour remplir la mission en Haïti?

M. Sokolsky : Oui, je crois que nous étions entraînés. Je crois que nous avions la capacité.

Ce n'est pas tellement qui nous envoyons, mais de savoir si la mission est faisable? Le rétablissement du gouvernement exige plus que la participation des forces armées. Si le soutien manque au plan de l'aide, s'il n'y a pas de soutien non militaire, on ne peut pas s'attendre à ce que les forces armées comblent le vide.

Ce n'est pas simplement vrai pour les Canadiens, vous ne pouvez pas attendre du Canada qu'il comble les vides si d'autres pays n'apportent pas aussi leur soutien.

Le sénateur Atkins : À propos de la sécurité intérieure et de la surveillance, de nouvelles technologies apparaissent comme, par exemple, les aéronefs sans pilote et même des hélicoptères encore plus perfectionnés. Selon vous, comment peuvent-ils être utilisés dans la Marine ou dans la Garde côtière? Pensez-vous qu'ils devraient jouer un plus grand rôle dans la défense de notre pays?

M. Sokolsky : Nous utilisons déjà des radars de surface pour ce qui est des véhicules aériens télépilotés qui peuvent remplacer les patrouilles armées. NORAD a toujours eu une surveillance très étendue, une surveillance par satellite. Si nous pouvons utiliser des systèmes de surveillance basés dans l'espace, cela augmenterait nos capacités pour surveiller des navires en mer; il y a les nouveaux appareils à rayons X pour inspecter les conteneurs. On peut aussi utiliser sur la technologie pour la sécurité intérieure.

Le sénateur Atkins : Sous quel commandement devraient-ils être placés?

M. Sokolsky : Il y a une autre raison pour laquelle ils devraient être sous le contrôle de la Marine et ces renseignements devraient être partagés simplement parce que, en tant que force armée, cette capacité existe.

Le sénateur Atkins : Cela n'est pas vrai pour les aéronefs sans pilote?

M. Sokolsky : Nous utilisons des véhicules aériens télépilotés en Afghanistan. C'est le genre de technologie qu'un élément des forces armées devrait utiliser pour le compte d'autres organismes canadiens.

Le président : Je vous remercie d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Votre témoignage s'est révélé utile. Nous avons particulièrement apprécié la documentation que vous nous avez envoyée avant de venir. La lecture a été intéressante et a donné matière à réflexion au comité. Nous vous reverrons peut-être la semaine prochaine.

Le comité commencera à tenir des audiences dans tout le pays la semaine prochaine avec des réunions à Kingston, Windsor et Toronto. Pour obtenir plus de renseignements sur le calendrier des travaux du comité, je vous prie de visiter le site Web du comité à www.sen-sec.ca. Vous y trouverez aussi les témoignages des témoins, ainsi que d'autres calendriers de séances confirmées. Vous pouvez aussi communiquer avec le greffier du comité en téléphonant au 1-800- 267-7362 pour de plus amples renseignements ou de l'aide pour entrer en contact avec les membres du comité.

Le comité reprend ses travaux à huis clos.


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