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Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 9 - Témoignages du 1er février 2005


CHARLOTTETOWN, le mardi 1er février 2005

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 14 heures pour examiner, pour ensuite en faire rapport, la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité pour le Canada.

Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je suis heureux de vous accueillir à cette réunion du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Aujourd'hui, nous entendrons des témoignages liés à l'examen de la politique de défense du Canada.

Voici à ma droite le distingué sénateur Forrestall de la Nouvelle-Écosse. Il a servi la population de Dartmouth pendant 37 ans, tout d'abord en tant que député et ensuite en tant que sénateur. À la Chambre des communes, il a été porte-parole de l'opposition officielle pour la défense de 1966 à 1976. Il est aussi membre de notre Sous-comité des anciens combattants.

J'ai à ma gauche le sénateur Norm Atkins, de l'Ontario. Il est arrivé au Sénat avec 27 ans d'expérience dans le domaine des communications. Il a été conseiller principal de Robert Stanfield, du premier ministre de l'Ontario William Davis et du premier ministre Brian Mulroney. Il est aussi membre du Sous-comité des anciens combattants.

Le sénateur Jane Cordy vient de la Nouvelle-Écosse. C'est une éducatrice accomplie qui a abondamment servi sa communauté, notamment en tant que vice-présidente de la Halifax/Darthmouth Port Development Commission. Elle est présidente de l'Association parlementaire Canada-OTAN et membre du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Le sénateur Tommy Banks est de l'Alberta. Il est président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui a récemment publié un rapport intitulé Le défi d'une tonne. Il est bien connu au Canada comme animateur et musicien polyvalent. Il a assuré la direction musicale des cérémonies des Jeux olympiques d'hiver de 1988, il est Officier de l'Ordre du Canada et il a été lauréat d'un prix Juno.

À ma droite, à côté du sénateur Forrestall, se trouve le sénateur Joseph Day, du Nouveau-Brunswick. Il est vice- président du Comité sénatorial permanent des finances nationales et de notre Sous-comité des anciens combattants. Il est membre du Barreau du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario et du Québec et membre de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada. Il est aussi ancien président et directeur général de l'Association des produits forestiers du Nouveau-Brunswick.

À ses côtés, le sénateur qui nous accueille aujourd'hui, le sénateur Percy Downe de l'Île-du-Prince-Édouard. Le sénateur Downe a été conseiller principal auprès de nombreux ministres provinciaux et fédéraux. Il a été chef de cabinet au Cabinet du premier ministre Jean Chrétien de 2001 à 2003. Avant de travailler au niveau fédéral, il a travaillé pour le gouvernement provincial de l'Île-du-Prince-Édouard où il était directeur adjoint du premier ministre de 1986 à 1993. Le sénateur Downe est membre du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

À côté du sénateur Downe se trouve le sénateur Meighen, avocat de profession. Il est le chancelier du University of King's College et a été le président du Festival de Stratford. Il est le président de notre Sous-comité des anciens combattants et il est également membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Nous accueillons aujourd'hui un invité spécial, qui se trouve tout au bout de la table. Nous accueillons en effet un ancien sénateur, Archibald — que nous appelons communément Archie — Johnstone. Le sénateur Johnstone a été sénateur de l'Île-du-Prince-Édouard de mars 1998 à juin 1999. Pendant son mandat, il a été vice-président du Sous- comité des anciens combattants. Il a coécrit Raising the Bar, auquel le gouvernement a largement souscrit, et il milite en faveur de l'amélioration de la qualité de vie des anciens combattants.

Nous sommes très heureux d'être à Charlottetown aujourd'hui, dans une ville très fière de sa tradition militaire. Charlottetown est le port d'attache du NCSM Queen Charlotte, du P.E.I. Regiment et du 721e Régiment des communications. Des milliers de jeunes hommes et de jeunes femmes de la région ont combattu dans les deux grandes Guerres mondiales et en Corée et continuent de mener des missions de maintien de la paix et de rétablissement de la paix.

Notre comité est le premier comité sénatorial permanent dont le mandat est d'examiner les questions de sécurité et de défense. Le Sénat a invité notre comité à se pencher sur la nécessité d'une politique de sécurité nationale. Nous avons commencé notre examen en 2002 avec trois rapports : L'État de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense, en février; La défense de l'Amérique du Nord : Une responsabilité canadienne, en septembre; et Mise à jour sur la crise financière des forces canadiennes : Une vue de bas en haut, en novembre.

En 2003, le comité a publié deux rapports : Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens, en janvier; et Les côtes du Canada : Les plus longues frontières mal défendues au monde, en octobre.

En 2004, nous avons publié deux autres rapports : Les urgences nationales : Le Canada, fragile en première ligne, en mars; et, récemment, Le manuel de sécurité du Canada, édition 2005.

Le comité examine la politique de défense du Canada. Dans les mois qui viennent, le comité tiendra des audiences dans toutes les provinces et dialoguera avec les Canadiens et les Canadiennes pour déterminer en quoi consiste l'intérêt national pour eux, voire quelles sont à leur avis les principales menaces qui pèsent sur le Canada et savoir comment ils souhaiteraient que le gouvernement réponde à ces menaces. Le comité essaiera de susciter un débat sur la sécurité nationale au Canada et de dégager un consensus sur ses besoins militaires.

Cet après-midi, notre premier témoin est M. Peter Haydon. Il est chercheur principal au Centre for Foreign Policy Studies de l'Université Dalhousie, à Halifax, et professeur adjoint au Département de sciences politiques. Il se spécialise dans les questions de sécurité navale et maritime dans le contexte de la politique de défense canadienne.

Ancien officier de carrière au sein de la Marine canadienne, Peter Haydon a pris une retraite anticipée en 1988, après avoir atteint le rang de commandant, pour se consacrer à la recherche et à l'enseignement en milieu universitaire.

Au cours de ses 30 ans de carrière dans la marine, il a travaillé à bord de sous-marins et de destroyers et pour diverses opérations navales, nationales et internationales. Il est un auteur, un conférencier et un expert chevronné régulièrement invité par les médias à commenter les questions canadiennes et internationales en matière de défense et de sécurité maritimes.

Monsieur Haydon, nous sommes ravis de vous revoir. Merci beaucoup d'avoir pris la peine de venir nous rencontrer. Nous sommes impatients de vous entendre. Nous croyons savoir que vous avez une brève déclaration à faire, vous avez la parole, monsieur.

M. Peter Haydon, chargé de recherche principal, Centre d'études en politiques étrangères, Université Dalhousie : Honorables sénateurs, je suis très heureux de vous revoir. Je crois que nous nous étions rencontrés il y a environ deux ans et je pense que vous étudiiez alors un sujet un peu plus circonscrit. Votre étude portait simplement sur l'aspect maritime de la sécurité nationale.

Ces derniers temps, j'ai surtout concentré mes efforts sur les questions navales. Je suis en train de me colleter avec la plus difficile de toutes les questions et celle à laquelle le sénateur Kenny vient tout juste, je pense, de faire allusion, c.-à- d. de tâcher de répondre à la question suivante : Qu'attendent exactement les Canadiens des forces militaires et, par conséquent, de la Marine?

Il me semble malheureusement que la Marine est souvent la grande oubliée. Il en a toujours été ainsi étant donné que dès qu'un navire disparaît à l'horizon, on a tendance à l'oublier. Je ne pense pas que les choses changeront grandement malgré notre modernisme et la technologie. C'est la vie.

J'ai mené une étude à la fin de l'année dernière dont certains d'entre vous sont peut-être au courant, et je vais simplement en faire ressortir quelques points saillants qu'il vaudrait probablement la peine d'examiner. Premièrement, au cours de la dernière décennie, soit même depuis peut-être une quinzaine d'années, depuis la fin de la guerre froide, le Canada, dans son ensemble, a tiré des avantages énormes sur la scène internationale grâce à sa marine, dans diverses guerres, dans des missions de maintien de la paix et des missions humanitaires. Il est généralement reconnu, je pense, que la Marine a bien servi le pays. Malheureusement, cependant, il ne semble pas y avoir de plan pour maintenir cette capacité, ou cet ensemble de capacités, si polyvalentes. Cela m'inquiète, et je pense que cela en inquiète bien d'autres, que des considérations à court terme semblent l'emporter sur l'importance d'un plan complet à long terme de construction de nouveaux navires pour remplacer les bâtiments existants, et confirmer ainsi que la politique navale en place aujourd'hui est bel et bien une politique navale solide.

Une dichotomie naturelle est ressortie à la suite des menaces récentes et des préoccupations relatives à la sécurité nationale après les événements du 11 septembre 2001. Si nous nous donnons la peine d'examiner la question, il y a vraiment, sur le plan naval, une dichotomie entre le rôle national et le rôle international. Cette dichotomie n'est pas en voie d'être réglée. À mesure que nous en parlons publiquement, à mesure que nous en parlons en privé, les plans visant à remplacer les capacités clés glissent de plus en plus vers la droite, tant et si bien que certaines d'entre elles auront disparu d'ici quelques années à moins qu'on prenne des mesures provisoires ou à long terme pour les maintenir.

Si nous examinons le rôle international, ce sur quoi on a mis l'accent récemment, c'est la reconnaissance traditionnelle par la marine du fait que, pendant toute la guerre froide et l'ère nouvelle qui a débuté, si l'on dispose d'une marine capable de sillonner les océans du monde, on a une marine capable de faire tout ce qui est nécessaire dans les eaux nationales. Cette optique n'a pas été remise en question, et peut-être qu'elle devrait l'être. Je pense que c'est une chose à discuter.

Sur la scène internationale, la marine a vraiment rempli deux fonctions principales : une fonction générale de diplomatie, soit le maintien des alliances et des amitiés et la participation à des exercices de formation multinationale, et une fonction d'intervention en cas de crise à différents endroits, du Timor-Oriental à l'ancienne république de la Yougoslavie, ou encore où que ce soit, le golfe Persique mis à part.

La sécurité nationale est passée à l'avant-scène récemment, quoiqu'il soit très difficile de cerner précisément en quoi consiste ou ne consiste pas la menace. On appréhende de façon générale que les choses pourraient tourner mal plus subitement que ce n'était le cas il y a quelques années, et par conséquent l'élément de contingence général doit être un peu plus affiné.

Si nous examinons les besoins de la marine ou les besoins du gouvernement en matière de sécurité des eaux nationales, nous devons respecter trois exigences si nous voulons le faire de façon complète et efficace : d'abord, nous devons savoir qui utilise nos eaux et ce qu'ils y font. Deuxièmement, nous devons assurer une présence gouvernementale non équivoque dans ces eaux, pour qu'on voie que nous nous en préoccupons. C'est une mesure de dissuasion pour ceux qui pourraient être tentés d'enfreindre la loi, une mesure de dissuasion pour ceux qui pourraient chercher à nous nuire.

Troisièmement, nous devons avoir la capacité d'intercepter tout navire dont on pourrait penser qu'il s'apprête à enfreindre la loi ou causer du tort, et l'escorter tranquillement jusqu'à un endroit où il peut être arraisonné et où le problème pourra être réglé.

Il faut pour cela un vaste ensemble de capacités, la moindre n'étant pas que nous devons réunir de l'information sur ce qui se passe en mer et sur le littoral, dans une vaste région qui va de la partie supérieure de l'île Ellesmere jusqu'en bas sur les deux côtés jusqu'à la frontière avec les États-Unis. J'oublie les chiffres exacts, mais je crois que pour l'Atlantique, c'est quelque chose comme 3 millions de kilomètres carrés, et du côté du Pacifique, c'est un peu moins, et nous avons les frontières arctiques. Le Canada a un espace hauturier qui couvre quelque 7 ou 8 millions de kilomètres carrés. C'est une énorme masse terrestre, et la masse océanique est presque aussi vaste que la masse terrestre même.

Pourtant, une grande partie de ces eaux ne peuvent être utilisées tout le temps, et par conséquent nous n'avons pas à en assurer constamment la surveillance. Par ailleurs, nous devons être en mesure de nous y rendre s'il survient un problème, quelle que soit la saison.

Nous avions l'habitude de nous préoccuper des écrasements d'avions dans l'Arctique et de ce que nous ferions dans ces cas-là. Nous avions l'habitude de nous préoccuper de nombreuses choses concernant l'Arctique qui semblent être un peu descendues pour l'instant dans la liste des priorités. Le fait est qu'à moins qu'on ait un ensemble de capacités très souples pour travailler en mer, sur la mer et, je pense, sous la mer aussi, nous ne serons jamais en mesure de répondre à la première question : Qui utilise nos eaux et à quelles fins? Si nous ne savons pas qui sillonne nos eaux et à quelles fins, nous ne pouvons pas séparer le bon grain de l'ivraie. Si nous ne pouvons pas le faire, alors nous avons un gros problème. Plus important encore, nous devons être en mesure de réagir à ces méfaits avant même que leurs auteurs puissent les commettre.

Ce qui me préoccupe, c'est que nous constatons, systématiquement, une érosion des capacités navales pour l'instant. En ne remplaçant pas les destroyers, en mettant énormément de temps pour remplacer les bâtiments de soutien qui permettent aux destroyers et aux frégates de rester en mer beaucoup plus longtemps que la normale, la capacité de maintenir les eaux sous surveillance adéquate et d'assurer cette présence dans les eaux canadiennes s'effrite. Ce qu'on ne comprend pas clairement — et je pense que c'est très bien ressorti dans le débat mené dans les médias sur l'incident du Chicoutimi — c'est que la politique militaire ou de défense canadienne, la politique navale canadienne en particulier, n'est simplement pas comprise du grand public. En quelque sorte, elle est très mal expliquée. Elle doit être expliquée correctement. Comme je l'ai dit au début, je pense que nous de la communauté de la défense devons revenir à la charge et commencer à répondre efficacement à cette question : que font les forces militaires pour le Canada? Je ne crois pas que nous ayons répondu à la question, et je pense que bien d'autres questions pourraient en découler.

Nous avons fait de bonnes choses. Nous avons la capacité de coordonner tout ce qui se passe en mer et sur les deux océans. Je suis convaincu que, dans les dernières années, vous avez vu les centres des opérations à Halifax et leurs corollaires sur la côte Ouest. Ils sont maintenant devenus interministériels. Ils sont entièrement coordonnés. L'information leur arrive et est examinée et analysée non pas seulement pas les autorités des forces terrestres, de la marine et des forces aériennes, mais aussi par des officiers des services frontaliers de la Garde côtière, et d'autres. Une situation peut ainsi être analysée très attentivement et en profondeur. Ce qui manque pour l'instant, c'est que bien que l'information existe sur la côte, les moyens de la faire parvenir à un gouvernement central et d'assurer la prise de décision ne sont pas encore aussi perfectionnés qu'ils devraient l'être, s'il devait y avoir une véritable menace.

Je pense avoir assez parlé, sénateur. Si vous êtes d'accord, je suis maintenant disposé à répondre aux questions.

Le sénateur Atkins : Soyez le bienvenu, monsieur. Vous avez mené une carrière très intéressante, et c'est bien aimable à vous d'être venu nous rencontrer.

M. Haydon : Tout le plaisir est pour moi.

Le sénateur Atkins : Comment devrait-on structurer la marine canadienne en prévision de l'avenir?

M. Haydon : Voilà une très bonne question. Il se trouve que j'aime bien la façon dont elle est actuellement structurée. Je pense que la capacité de déployer un groupe de travail national est le besoin le plus important. La capacité de fonctionner indépendamment avec d'autres flottes, l'OTAN, les États-Unis, ou d'autres, est une autre capacité très utile.

Nous en arrivons ensuite à la seconde question qui consiste à savoir qui devrait vraiment patrouiller la zone hauturière. Nous avons les petits navires de la défense côtière, mais comme je l'ai écrit à maintes reprises, j'ai de grands doutes sur leur capacité de bien tenir la mer.

J'ai passé mes jeunes années de formation dans la marine sur une vieille frégate de la Seconde Guerre mondiale, à affronter la mer par tous les temps le long des Grands Bancs. On ne sort pas quand une tempête s'annonce, même sur un bateau de 1 800 tonnes. Un navire plus petit du tiers environ ne sort pas quand la houle dépasse huit pieds.

Pour aller surveiller les activités de ceux qui sillonnent les eaux, nous devons disposer d'un navire qui sert à quelque chose plutôt qu'une simple coquille de noix. Je dirais donc que la première chose à faire pour la flotte de l'avenir, c'est de commencer à envisager une nouvelle catégorie de vaisseaux patrouilles conçus pour la haute mer — non pas simplement pour la zone côtière, comme c'est le cas pour les navires actuels, mais pour la zone extracôtière. Il nous faut des navires qui puissent aller sur les Grands Bancs, qui puissent s'y rendre d'abord et avant tout, et y rester pendant plusieurs jours, peut-être même plusieurs semaines.

Je pense aussi qu'il est temps que la Marine, de concert avec la Garde côtière, mène des efforts un peu plus concertés et commence à songer aux collectivités éloignées et à la capacité de faire monter un navire dans des eaux légèrement couvertes de glace, et puis même penser plus sérieusement à la façon dont nous devrions maintenir l'Arctique sous surveillance et comment nous devrions nous préparer à intervenir dans le cas d'incidents dans l'Arctique. Je pense que c'est-là une grave lacune. Par conséquent, nous devrions nous appuyer sur ce qui existe déjà en renforçant les derniers quelques éléments de capacité que nous avons par quelque moyen que ce soit. Je ne voudrais surtout pas qu'on renonce à la dimension internationale, et je ne voudrais surtout pas que la Marine ne porte pas intérêt à nos eaux nationales.

Le sénateur Atkins : Les navires de notre flotte sont vieillissants. Pour restructurer notre marine, avez-vous des suggestions quant au type et au nombre de navires qui seraient nécessaires?

M. Haydon : Je pense que le nombre actuel de destroyers et de frégates, combinés, est à peu près satisfaisant. Je pense que 16 ou 18 bâtiments suffisent à peu près. Je m'inquiète de ce que la flotte d'aéronefs de patrouille à long rayon d'action soit effectivement petit à petit réduite au moment où les avis vont dans le sens d'une augmentation. Je pense qu'il faudrait probablement doubler la taille de la flotte de patrouille aérienne maritime. L'Aurora est la prochaine génération.

Comme je l'ai dit, nous aurons besoin ensuite d'un navire multitâches conçu pour les eaux canadiennes et il en faudrait probablement une demi-douzaine sur chaque côte. Il en faudrait sans doute davantage. Il y a une lacune de ce côté-là, et à vrai dire, il faut remplacer les ravitailleurs pour permettre aux autres navires de rester en patrouille plus longtemps. L'effet multiplicateur de l'action de ces ravitailleurs est tout simplement capital. Ils constituent la clé de l'efficacité des opérations de la flotte. Manifestement, nous ne pouvons pas garder les sous-marins.

Le sénateur Atkins : Parlez-vous ici de bâtiments qui sont plus gros ou plus petits que les frégates?

M. Haydon : Ils doivent être environ de la même taille, car il faut être capable de faire décoller un hélicoptère à partir de ces navires. Il faut qu'ils puissent fonctionner par gros temps et qu'ils puissent rester en mer au moins deux semaines. Il est impossible d'obtenir cette capacité avec un bâtiment de moins de 4 000 tonnes. Ce n'est concrètement pas possible.

Le sénateur Atkins : Que faudrait-il changer à la politique de la défense du point de vue de la Marine?

M. Haydon : La réponse qui s'impose, monsieur, est une injection d'argent et un engagement à acquérir les bâtiments nécessaires dotés de cette capacité totale. Si le gouvernement décidait de remplacer dès aujourd'hui les destroyers de commandement et de contrôle de classe tribale, nous ne disposerions pas de bâtiments opérationnels pendant 15 ans.

C'est ce qui est attristant dans l'industrie des chantiers navals. Je ne pense pas que nous puissions acquérir ce genre de navire sur le marché d'occasion. Il est vrai que les Britanniques vendent certains navires, mais c'est une solution que je ne préconiserais pas pour l'instant. Il nous faudrait donc les construire. Et où le faire? C'est une bonne question. Nous pourrons en parler plus tard. L'essentiel est d'injecter de l'argent dans les programmes de construction navale et de faire une ferme déclaration publique qui dise : Il vous faut maintenir une Marine efficace et multitâches.

Le sénateur Atkins : Faudrait-il les construire au Canada?

M. Haydon : Le sénateur Kenny et moi ne serons pas d'accord là-dessus, mais je pense très sincèrement que nous devrions construire dans notre propre pays nos propres outils de sécurité nationale. À mon avis il n'est pas bon de tout acheter à l'étranger ce qui sert à notre propre sécurité nationale. Toutefois, pour en avoir parlé avec d'autres gens, et sachant ce qui reste de nos chantiers navals, il y aurait des avantages intéressants à construire les coques et à faire l'assemblage ici. Il y a des gens qui réfléchissent à cette question. L'industrie de la construction maritime est en difficulté, mais s'il nous faut construire des navires, nous devons régler le problème.

Le sénateur Atkins : D'ordinaire, quel est le cheminement critique de la conception et de la production d'un navire?

M. Haydon : Je vais être franc. Nous perdons beaucoup de temps à faire des examens bureaucratiques au moment de la conception. On essaie d'insérer un contenu canadien de façon excessive dans certains aspects du design, on essaie d'atteindre la perfection alors que nous devrons sans doute accepter 90 p. 100 de la conception plutôt que 100 p. 100. Le processus d'adjudication des contrats en lui-même est extrêmement long. Je ne sais pas combien il a fallu dans le cas des frégates de patrouille, mais je pense qu'on a perdu plus de deux ans à signaler le contrat. Nous pourrions faire plus vite.

Nous n'avons plus de capacité nationale pour la construction maritime, alors il faudrait prévoir une période de préparation, soit une entente avec un chantier naval étranger ou la reconstruction d'un chantier naval canadien. Je me répète, c'est faisable. Les Américains ont réussi à réserver une partie de leur côte désaffectée pour en faire un chantier naval majeur et ce en très peu de temps. Les techniques modernes de construction navale n'exigent pas nécessairement les anciennes installations de mise à l'eau. On peut procéder de façon modulaire, ce qui facilite grandement la tâche et il faudrait que nous nous servions de ces innovations.

Ainsi, pour ce qui est du chemin critique, il faudrait décider d'aller de l'avant, prendre les décisions pour le design, le contrat, et il faudra sans doute prévoir cinq années pour la construction. Cela prendra cinq ans, quoiqu'il arrive, parce qu'un navire de guerre exige un grand nombre de composantes qui doivent être construites à divers endroits. Certaines sont construites à la demande. L'informatisation d'un bâtiment est complexe. La méthode modulaire qui a permis de construire les frégates était innovatrice et très efficace, et pourtant il y a quand même eu des ratés. Pour n'importe quel gros programme de construction navale, je crains qu'il faille du temps à moins de trouver quelqu'un qui ait un design qui vous convienne et qu'on accepte de vous le vendre.

Entre-temps, les militaires vont devoir se contenter des 12 frégates qui existent et leur apporter des modifications temporaires pour leur donner la capacité de commandement et de contrôle propre à la classe tribale. Cela ne se fait pas automatiquement à bord des frégates, car elles ne peuvent pas fournir cette capacité de gestion de l'information nécessaire à un commandant de zone; c'est ce que l'on demandait aux navires qui croisaient dans la mer d'Arabie et qui se sont très bien acquittés de leurs tâches.

Le sénateur Atkins : Quelle est la durée de vie estimative d'une frégate?

M. Haydon : De nos jours? Les frégates devraient pouvoir durer 30 ans. Parfois on peut les garder jusqu'à 35 ans.

Le sénateur Atkins : On en est alors à la moitié, n'est-ce pas?

M. Haydon : Exactement. En fait, il s'agit d'un design de 1980, si bien qu'il a 25 ans.

Le sénateur Atkins : La fermeture du chantier naval de Saint-Jean a-t-elle été une erreur?

M. Haydon : À mon avis, oui.

Le sénateur Atkins : Quels sont nos intérêts sur le plan national et où la marine se situe-t-elle par rapport à eux?

M. Haydon : En cas de crise, c'est la marine qui intervient en premier. C'est également le seul moyen d'alerter diplomatiquement une autre région du monde quand nous craignons qu'un problème prenne des proportions. Nous pouvons déployer notre navire de guerre à quelques jours du port d'attache et ensuite on peut d'habitude très rapidement l'envoyer dans la zone inquiétante. C'est un geste politique anodin de sorte que le déploiement d'un navire ou d'une escadre de navires dans une zone potentiellement dangereuse ou là où le danger s'accroît signale très clairement au reste du monde que le Canada s'inquiète.

Le geste est anodin, car les navires peuvent être retirés aussi rapidement qu'ils ont été envoyés, contrairement à une armée ou aux forces aériennes qui exigent une énorme infrastructure. Un groupe de navires transporte lui-même son infrastructure. Les navires sont autosuffisants. Le logement se trouve à bord même. Si vous envoyez une armée, des militaires dans un autre pays, il faut demander la permission des autres, sinon c'est considéré comme un acte de guerre. Même alors, il faut transporter tous nos groupes de soutien, avec tous les cuisiniers, tous les systèmes d'approvisionnement. Par exemple, si vous voulez que 1 000 soldats accomplissent quelque chose d'utile, il vous faudra sans doute 1 500 soldats supplémentaires pour le soutien.

Nous n'avons point besoin du même multiplicateur pour les forces navales. C'est l'outil de première réaction et nous pouvons le déplacer très rapidement. Cela est vrai pour les eaux éloignées que pour nos eaux territoriales. Si nous ne savons pas très bien ce qui se passe sur la côte du Labrador et que nous ne pouvons rien déterminer par avion ou par un autre moyen de surveillance, nous pouvons envoyer un navire de guerre en reconnaissance. C'est une réponse très rapide et très efficace et ainsi, les professionnels qui arrivent sur le terrain peuvent faire rapport de ce qui s'y passe.

Le sénateur Forrrestall : Je voudrais que nous nous tournions vers le Nord. Pendant que votre esprit change de registre, je souhaiterais approfondir les questions que le sénateur Atkins vous a posées à propos des problèmes que vous éprouvez.

Il est indéniable que vous avez tout à fait raison : si nous n'accélérons pas la planification, nos bâtiments vont être rouillés avant que nous puissions remplacer les navires de classe tribale ou les frégates ou tout autre bâtiment. Je vais me montrer moins charitable que vous à cet égard. Je n'apprécie pas tellement la politique actuelle et l'orientation qui en découle, forcément, à savoir qu'on ne donne pas d'argent à la Marine sans doute jusqu'à ce que la nouvelle armée soit bien établie et fonctionnelle. Cela peut se défendre, mais je pense qu'il faut respecter un principe inconditionnel, auquel vous avez fait allusion, à savoir la protection de notre souveraineté, ce qui m'amène à parler du Nord.

Je fais partie de ces rêveurs qui croient fermement dans la souveraineté du Nord, même si par le passé, par comparaison à aujourd'hui, nous avons eu des plans et des rêves très coûteux et l'espoir que nous pourrions poster dans le Nord ce que nous appelions autrefois un navire de classe 7 ou de classe 8, jaugeant plusieurs tonnes. Il aurait été assez gros pour abriter un tribunal, des installations de diagnostic médical, des bibliothèques et un détachement de la GRC. Ce navire serait resté à l'eau jusqu'à ce qu'il soit nécessaire de remettre sa coque en état, tout étant conçu pour qu'il soit autosuffisant dans l'Arctique. Si nous avions eu un tel navire là-haut, et s'il avait été la base d'un petit contingent de militaires, cela aurait été éloquent pour dire au reste du monde que tout en ne voyant aucun inconvénient à ce que l'on empreinte nos eaux si l'on faisait preuve de respect, nous ne voulions pas perdre le droit de contrôler le passage des navires même s'ils s'adonnaient à leurs « affaires légitimes en haute mer », pour utiliser l'expression consacrée.

Que pensez-vous de cette idée, 25 ans après qu'elle a été reléguée aux oubliettes? Est-ce qu'on devrait y revenir parce que ce pourrait être, et c'est ironique, un moyen relativement peu coûteux de garantir notre présence permanente là- bas, une sorte de rappel permanent?

M. Haydon : Sauf le respect que je vous dois, à mon avis, la question n'est pas seulement un enjeu naval. Elle est beaucoup plus vaste. Toutefois, la même chose s'applique à l'Arctique et aux océans.

Le sénateur Forrrestall : Mettons-nous dans le contexte militaire. J'aurais dû le préciser, car plutôt qu'un navire du ministère des Transports, je choisirais un Labrador. Ma question est plus simple.

M. Haydon : J'en conviens, sénateur. Comme je viens de le dire, la règle fondamentale, pour l'océan comme pour l'Arctique, est qu'il faut que nous sachions ce qui s'y passe. Il faut une présence du gouvernement sans équivoque dans cette zone et il faut être capable de réagir en cas de crise. Si nous ne pouvons pas nous y rendre par voie terrestre ou aérienne, alors nous devons y aller par voie maritime.

Une chose intéressante à propos des brise-glaces aujourd'hui est le fait qu'il existe une synergie naturelle entre les équipages à bord des brise-glaces et la communauté scientifique, et dans ce phénomène, ce qui est singulier, les équipages des sous-marins commencent à jouer un rôle de plus en plus important. Un brise-glace est un navire très utile que l'on peut envoyer à bien des endroits où d'autres navires ne peuvent pas accéder. Ce serait une tragédie si notre pays cessait de se servir des brise-glaces. On peut se demander s'il serait opportun que la Marine s'occupe de nouveau des brise-glaces. Étant donné la rareté de l'argent, je pense que la Marine préférerait dépenser dans d'autres domaines que pour les brise-glaces, mais il n'y a aucune raison pour qu'une gestion conjointe soit pratiquée par le ministère des Transports, ou le ministère des Pêches et des Océans, de concert avec la Marine pour ce qui est de la constitution des équipages de ces brise-glaces. Pourquoi un hélicoptère posé à bord d'un brise-glace ne pourrait-il pas être un hélicoptère militaire?

En général, on en vient à la conclusion qu'il serait bon d'intensifier notre présence militaire dans l'Arctique. S'il y a une réduction de la calotte glaciaire avec dégagement de certaines voies d'eau, il faudra donc des moyens supplémentaires de surveiller ces eaux.

J'ai parlé au capitaine du Louis St-Laurent il y a plusieurs années, quand lui-même et un brise-glace de la Garde côtière américaine s'étaient péniblement rendus jusqu'au pôle Nord pour découvrir, à l'horizon, un brise-glace russe à propulsion nucléaire, avec des jeunes à bord, et dont l'équipage a ensuite présenté un concert rock au pôle Nord. Ils n'étaient pas très ravis devant cette constatation et ils se sont dits : « Avec des capacités comme cela, on se sent idiot d'avoir à travailler si dur ». Par conséquent, je pense qu'il nous faut nous tourner vers nos brise-glaces en nous affirmant davantage que par le passé. Est-ce que cela répond à votre question?

Le sénateur Forrestall : Oui. Oui, cet incident était un tout petit peu embarrassant, nul doute.

En deuxième partie de cette question d'ordre général, je voudrais aborder le sort de nos quatre sous-marins. Nous avons pu voir ce matin à la télévision l'arrivée de la carcasse noircie du quatrième, le dernier. Est-ce que ces navires, ces bateaux comme on dit, peuvent être restaurés? Peut-on faire quelque chose pour que nous puissions oser en envoyer un ou deux, n'importe quand, sous l'eau — pas pour une longue période, bien entendu, mais pour une période normale? Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Haydon : Vous me posez deux questions. Les sous-marins peuvent-ils être restaurés ou redevenir fonctionnels ou opérationnels? Sans aucun doute. Nous pouvons certainement tirer 15 ans, voire peut-être 20 ans, d'utilisation de ces bâtiments. Il s'agit de sous-marins de quatrième génération, ce qui signifie qu'ils sont équipés des derniers designs, de coques et de technologies modernes. Les sous-marins de classe Oberon que la marine utilisait auparavant étaient de la deuxième génération. L'une des difficultés actuelles est que les équipages de sous-marins ont sauté une génération de sous-marins. L'apprentissage est intense.

Le sénateur Forrestall : Oui, vous avez tout à fait raison.

M. Haydon : Les derniers en date sont beaucoup plus complexes. Un de mes collègues, et il n'a pas tort, disait que les sous-marins modernes, comme ceux de la classe Victoria, sont aussi compliqués sur le plan technologique qu'une navette spatiale. Ces sous-marins sont équipés d'une grande quantité de technologies avec lesquelles nos équipages n'ont jamais travaillé auparavant.

Pouvons-nous envoyer ces sous-marins sous la glace? Je vous répondrai que l'on peut envoyer un sous-marin électrique diesel sous une mince couche de glace. Au début de ma carrière, j'ai passé deux semaines et demie dans un tel sous-marin sous la glace, ici dans le golfe. Nous n'étions pas équipés à ce point. Nous étions davantage préoccupés par notre propre sécurité, même avec ce genre de glace. C'est un peu terrifiant de découvrir que la glace s'est accumulée au- dessus de vous et qu'il faut percer trois pieds de glace au besoin pour refaire le plain d'air pour le sous-marin.

Ces sous-marins devraient donc être équipés de système de propulsion bonifié, c'est-à-dire de meilleures piles ou un système de piles à combustible qui ne soit pas tributaire d'une arrivée d'air si nous voulons que les sous-marins remplissent des missions plus significatives que tout simplement des missions symboliques pour prouver qu'ils peuvent naviguer sous la glace. Il faudrait leur donner cette capacité. Ces sous-marins peuvent-ils aller dans l'Arctique? Non.

Le sénateur Forrestall : Est-ce qu'on devrait envisager sans panique — une réponse positive ou négative me suffira — d'avoir recours au nucléaire?

M. Haydon : Si nous voulons aller dans l'Arctique, il nous faut songer de nouveau au nucléaire, oui.

Le sénateur Forrestall : Est-ce important?

M. Haydon : C'est une bonne question. Je pense qu'en aval, nous allons nous préoccuper de plus en plus de l'Arctique, surtout si la tendance actuelle et le réchauffement planétaire signifient quelque chose, et nous pourrons avoir besoin d'utiliser ces eaux. Si nous devons utiliser ces eaux, et sous la surface de ces eaux, un sous-marin nucléaire est la seule solution.

Le sénateur Forrestall : J'aimerais aborder un dernier point et poser brièvement quelques questions. Si nous ne défendons pas nos côtes, il m'apparaît clair que nos amis américains le feront, et ils ne le feront pas dans notre intérêt mais plutôt dans le leur.

Y aurait-il lieu de faire quelque chose avec la Garde côtière canadienne, la dissocier du ministère des Pêches et des Océans, permettre au ministère des Transports, dans un sens, de maintenir son contrôle et sa responsabilité en ce qui concerne les aides à la navigation et tout ce que cela suppose, et la mise au point d'une série de garde-côtes — disons, de 60 à 100, 120, 140 pieds avec une coque renforcée pour la navigation dans les glaces, et ayant la capacité de fonctionner dans des ports en eaux peu profondes? Autrement dit, des navires ayant la capacité de fonctionner à proximité du littoral pour des fins d'interdiction et pour la surveillance côtière. Et Y aurait-il lieu de confier à la réserve canadienne la responsabilité de la sécurité militaire, des secouristes, au sens militaire, à cette côte, qui couvre ce que nous connaissons bien dans la région atlantique, mais aussi la région du Pacifique, des Grands Lacs et, ce qui sera de plus en plus nécessaire, les grands cours d'eau du Nord et le Saint-Laurent? Autrement dit, ça occuperait le Halifax Rifles, n'est-ce pas?

M. Haydon : C'est une question intéressante, sénateur. Il faudrait que je sois un peu obtus pour répondre, je pense, honnêtement. Il faut d'abord se demander dans quelle mesure le gouvernement est disposé à laisser aller les choses sans intervenir. Combien d'incidents de pêche illégale, combien d'incidents de contrebande de gens ou de stupéfiants faudra- t-il encore? À quel point est-il important d'assurer une présence constante le long des côtes? Si le gouvernement nous demande de couvrir l'océan en totalité pour y détecter et empêcher tout délit, nous devons alors faire appel à d'immenses ressources humaines de la Garde côtière, des forces militaires et de la Marine. Ils devront probablement tous se mettre à la tâche pour faire quelque chose de cette ampleur. Peut-être que l'une des choses qu'il faut faire, c'est de se poser d'abord cette question essentielle : quelle est la part de risque que nous sommes disposés à accepter? Puis, une fois que nous aurons établi un niveau de risque acceptable en ce qui a trait à la contrebande ou à d'autres activités, alors nous pourrons commencer à voir quelles sont les ressources nécessaires, des ressources de quel type, pour parvenir à ce seuil.

Le sénateur Forrestall : La marine a-t-elle jamais fait une analyse de risques?

M. Haydon : Pas à ma connaissance.

Le sénateur Forrestall : Et d'autres groupes gouvernementaux?

M. Haydon : Cela revient toujours à la même question, c'est-à-dire qu'il faut définir quel est le niveau de risque acceptable.

Le sénateur Forrestall : Oui.

M. Haydon : C'est une réponse politique, et je ne pense pas que quiconque s'y soit vraiment attaqué parce que c'est une question extrêmement difficile.

Le sénateur Forrestall : Vous êtes quelqu'un de bien, qui fait du bon travail.

Le président : Monsieur Haydon, vous avez parlé de la construction navale au Canada. Combien, à votre avis, devrions-nous être disposés à payer pour construire des navires au Canada? Peut-être pourrions-nous commencer par le prix qu'à votre avis nous avons payé pour les frégates?

M. Haydon : C'est une bonne question; une question difficile. Je ne suis pas sûr de pouvoir citer des chiffres. Bien sûr, il y a un prix à payer, mais c'est bien plus que le navire; c'est toute la longue chaîne des industries connexes qui entre en jeu. L'acier est fabriqué à diverses aciéries au Canada, si bien qu'on soutiendrait ainsi des tas d'industries.

Le président : Nous le comprenons, mais si l'on achète à l'étranger, monsieur, on obtient des retombées industrielles de toute façon aussi, si bien que cela reviendra au même.

M. Haydon : Il faudrait que je revienne en arrière, et je ne peux pas vous fournir un pourcentage tout simplement parce que je ne le sais pas. Bien sûr, les chiffres doivent exister, et il faudrait remonter en arrière et voir, par exemple, ce que cela avait coûté quand nous avions acheté les trois sous-marins de la catégorie Oberon dans les années 60, quels frais et taxes additionnels sur cet achat avaient été demandés par le gouvernement. En fin de compte, c'était beaucoup moins cher que d'essayer de construire des sous-marins équivalents au Canada.

Si vous avez besoin par exemple d'une douzaine ou plus de navires, il vous faudrait travailler très attentivement avec d'autres États pour déterminer quel type d'entente nous pourrions obtenir. Et cela pourrait vous poser un problème politique. Si vous alliez acheter une douzaine de navires ailleurs, il vous faudrait expliquer aux Canadiens pourquoi vous dépensez 15 milliards de dollars à l'étranger et soutenez ainsi des emplois dans un autre pays. Ce serait difficile. Cela a toujours été difficile. C'est pourquoi je pense que certaines personnes que je connais dans le secteur de la construction navale essaient de trouver des façons innovatrices de surmonter cette difficulté, et peut-être de penser que l'une des options consiste à faire construire la coque et le système de propulsion à l'étranger, puis de ramener les pièces composantes ici, les assembler et équiper le navire avec ces différents systèmes de surveillance et de combat à titre de participation canadienne. De cette façon, vous soutenez les industries électroniques et les industries de systèmes canadiennes, et le travail relativement peu coûteux, en fin de compte, qui consiste à plier et à souder l'acier, peut être effectué à l'étranger.

Le président : Différents problèmes se posent, monsieur, et peut-être que vous pourriez nous en parler. Le premier, c'est le manque de concurrence, et si l'on revitalise un chantier naval, ou si on en ferme un, on n'a aucune concurrence.

La deuxième question que vous pourriez examiner serait de nous dire comment les constructeurs navals gagnent effectivement leur argent, et c'est grâce aux changements de commande. Une fois le contrat accordé, la personne qui l'a accordé peut se voir imposer virtuellement n'importe quel prix et n'importe quel changement de commande. Depuis des décennies, nous avons vu que des chantiers navals au Canada soumettent des offres assez basses puis font de l'argent grâce aux changements de commande. Dans le cas des frégates qui ont ensuite été construites par deux chantiers navals, nous avons vu que la décision avait été dictée par des considérations politiques plutôt qu'économiques. Pensez-vous que ces évaluations de 30 à 40 p. 100 de plus dont nous avons entendu parler sont irréalistes?

M. Haydon : Je pense que c'est beaucoup, oui. Le contrat des frégates est beaucoup plus compliqué que cela, sans vouloir vous contredire, sénateur. Quand la décision a d'abord été prise par le gouvernement en 1973 ou en 1974, pour construire ces navires, il y avait en réalité six chantiers navals en exploitation au Canada, il me semble. D'emblée, ces chantiers navals ont fermé et se sont tous retirés de la construction. On a vu des regroupements de chantiers navals le long du Saint-Laurent, Vickers a fermé ou s'est retirée de l'entreprise principale, le chantier de Sorel a fermé, et il ne restait donc plus qu'un seul chantier, le chantier Davy, qui est ensuite devenu MIL comme unique entrepreneur. Puis vous aviez Saint John qui avait toujours trois navires. Par conséquent, alors qu'on construisait un navire et demi à Sorel et un navire et demi ailleurs, tout cela a soudainement dû disparaître. L'industrie était elle-même plongée dans le chaos, et ce n'était pas juste.

La concurrence est extrêmement difficile, et sans être moi-même un économiste, je pense qu'on peut parler de l'insuffisance de la concurrence. D'après ma simple expérience de marin, si l'on va en Corée du Sud, on leur donne de l'argent pour construire un navire subventionné, parce qu'ils subventionnent leurs chantiers navals. Vaut-il mieux subventionner un chantier naval canadien ou un chantier naval sud-coréen? Ce sont là des questions politiques, monsieur. C'est pourquoi j'estime que la question des chantiers navals est très difficile.

Je sais qu'il n'y a qu'un seul chantier naval possible ouvert. Il est probable qu'un autre ouvrira sur la côte Ouest, et c'est pourquoi des collègues qui sont dans le secteur de la construction navale essaient de trouver des idées innovatrices pour voir comment nous pourrions résoudre le problème. La modularisation est probablement la façon de relever le défi de la concurrence — non pas de supprimer la concurrence mais plutôt de mener un projet à bien. C'est un problème national qui exige une solution nationale.

Le président : Y aura-t-il des circonstances qui feront que le Canada aura besoin d'un navire spécifique, ou y aura-t- il toujours d'autres pays qui nécessiteront des navires semblables à ceux qui correspondent aux besoins du Canada? Devrions-nous essayer de tirer parti des retombées dans un tel cas?

M. Haydon : C'est une question très intéressante. Effectivement, nous avons besoin d'un navire, à long terme, qui soit spécifique à nos propres circonstances parce qu'il nous faut un bâtiment qui puisse s'accommoder de la glace. Il est inacceptable de dire : « Je ne puis aller à la baie d'Hudson que 46 jours par année ». Ce n'est pas une solution adéquate. Nous devons être capables d'envoyer un navire là-bas pendant une plus longue période de l'année.

Les deux seuls autres pays qui opèrent avec ce genre de navire, à savoir une certaine endurance et résistance à la glace, sont la Finlande et la Suède. Les Finlandais ont une réputation internationale pour la construction de superbes brise-glaces et de superbes navires résistant aux glaces, à telle enseigne que les Russes préfèrent que leurs bateaux soient construits en Finlande.

Le président : Le secteur pétrolier canadien également.

M. Haydon : La réponse est oui. Nous devrions parler à ces gens pour voir quel type de design ils utilisent, quelles innovations ils possèdent. En réponse aux questions du sénateur Atkins, j'ai évoqué le fait que la prochaine génération de navires de guerre canadiens jaugera environ 4 000 tonnes, mais elle sera résistante aux glaces. Oui, nous devrions contacter les Suédois et les Finlandais, voir quels designs ils possèdent parce qu'ils font des choses très intéressantes.

Le président : À propos de l'Arctique et des sous-marins aptes à opérer dans l'Arctique, que ferait un sous-marin canadien si, naviguant sous la glace dans l'Arctique, il rencontrait un sous-marin américain, français ou russe?

M. Haydon : S'il s'agissait d'un sous-marin français ou américain, le capitaine du sous-marin saurait à l'avance qu'ils naviguent par là, à cause de l'existence du programme de gestion de l'espace maritime. Si c'était un sous-marin russe, ce serait intéressant. Les Russes ne sont pas encore experts dans le partage des renseignements. Je ne pense pas que nous puissions envoyer quelqu'un là-haut sans tout un battage médiatique. Un navire ne se rendrait pas là-bas en secret. Il irait essentiellement pour des raisons de protection de la souveraineté, pour patrouiller, pour hisser le drapeau en clamant : « Au besoin, voilà ce que nous pouvons faire ». Deuxièmement, ce sous-marin serait sans doute rempli de matériel scientifique pour optimiser les avantages de l'entreprise.

Le président : Voici ce que je veux savoir : n'y a-t-il pas d'autres moyens de déterminer quand un sous-marin entre dans l'Arctique, et ne sommes-nous pas en mesure de découvrir qui entre et qui sort de l'Arctique quand nous le choisissons?

M. Haydon : Oui, grâce au programme de gestion de l'espace maritime.

Le président : En dehors de ce programme, monsieur, peut-être par d'autres moyens?

M. Haydon : Si vous souhaitez des détails sur la technologie, je vous répondrai que je ne pense pas être autorisé à m'en souvenir.

Le président : N'est-il pas suffisant d'affirmer qu'il y a d'autres moyens pour déterminer cela?

M. Haydon : Mais ils ne se sont jamais révélés efficaces.

Le président : Autrement dit, vous ne pensez pas que nous avons la possibilité de déterminer quels sous-marins naviguent sous la glace?

M. Haydon : Non, pas encore. On a évoqué toutes sortes de possibilités, notamment des satellites radars qui feraient des repérages sous la glace, mais en vain. Il y a eu de nombreuses tentatives pour installer des antennes sous l'eau dans l'Arctique, mais les problèmes technologiques que cela soulevait n'ont jamais été résolus.

En outre, comme on a pu le constater, la couche située sous la calotte glaciaire de l'Arctique est incroyablement brillante. Cela ne se compare même pas à des marteaux-pilons dans un terrain de stationnement. Cette couche sous la glace de l'Arctique est incroyablement brillante et distinguer le bruit d'un sous-marin de ce bruit de fond s'est révélé incroyablement difficile. Il y a eu quelques très bons ouvrages écrits sur l'eau amorphe à l'état solide située sous la glace.

Le sénateur Downe : Ma question porte sur les approvisionnements et je voudrais avoir votre opinion sur le problème qu'on éprouve à cet égard. Nous nous rappelons la tragédie récente du sous-marin acheté au Royaume-Uni. Nous éprouvons actuellement des problèmes avec l'hélicoptère Sea King. D'habitude, au moment où nous recevons l'équipement destiné à nos militaires, il est désuet et, parfois, remonte à plusieurs générations. Quelle est votre opinion sur le problème d'approvisionnement des Forces armées canadiennes?

M. Haydon : Je serai direct : l'approvisionnement est trop politisé. Il faut revenir à ce que l'on faisait il y a plusieurs décennies et dire : « J'ai besoin de cette capacité. Quelles sont les options? » Ensuite, on procède à l'acquisition. S'il faut pour cela avoir ses propres chantiers navals, soit. Si l'on peut conclure un marché intéressant avec un autre État, soit.

Il faut tant de temps pour mener à bien une grande acquisition militaire, en passant par le système politique, que l'on y perd quatre ou cinq ans. Combien de a-t-il fallu pour remplacer l'hélicoptère Sea King? Je pense me souvenir que le premier document portant sur ce remplacement remonte à 1982. Le coup d'envoi pour remplacer les sous-marins Oberon, à ma connaissance, a été donné en 1981 au moment où ces sous-marins commençaient à avoir donné la moitié de leur durée de vie.

Il est regrettable que les soubresauts de la politique soient contre-productifs dans le processus normal des approvisionnements militaires, car dans ce cas, on voudrait pouvoir compter sur une transition normale de sorte que les navires, les aéronefs, les chars d'assaut, les camions et tout le reste du matériel ne soient pas sur le point d'être hors d'usage avant qu'on les remplace. En d'autres termes, nous ne semblons pas avoir la capacité d'agir en temps opportun avant que ce soit limite.

Le sénateur Downe : Pourrait-on dire qu'une des explications au fait que nous attendions la limite, depuis quelques dizaines d'années, est que le gouvernement du Canada n'a pas injecté les fonds nécessaires? Plutôt que de donner au gouvernement une liste en disant : « Avec cette somme d'argent, nous pouvons faire A, B et C », les militaires canadiens essaient de tout faire et ils se dispersent plutôt que de s'adresser au gouvernement un programme en main en disant : « Il nous faut ce type de matériel et nous pouvons faire ceci ».

Par exemple, d'après mes sources, je crois savoir que la Nouvelle-Zélande a repensé sa politique de défense pour conclure qu'elle ne pouvait pas tout faire et pour décider qu'elle se concentrerait sur un petit nombre de secteurs en recherchant l'excellence. Peut-être qu'on devrait envisager la même chose. Qu'en pensez-vous?

M. Haydon : Je ne suis pas tenant de choisir des créneaux pour y jouer un rôle à moins d'avoir des partenaires qui s'occupent du reste. Je pense que cette façon d'aborder les choses a assez bien fonctionné à l'époque de l'OTAN quand nous pouvions compter sur une structure intégrée de la planification des forces. À ce moment-là, la capacité canadienne n'était pas totale. À la fin de la guerre froide et à l'aube de cette ère nouvelle, plutôt incertaine, nous devons réfléchir et nous dire : « Quelle capacité avons-nous les moyens d'avoir? » Cela revient à ce que nous disions tout à l'heure, la gestion du risque. Avons-nous les moyens de ne pas pouvoir faire ceci ou cela? Quelles sont nos priorités nationales? Par exemple, la possibilité de déployer le DART à l'extérieur du pays, par voie aérienne en, disons, quatre jours, est-elle une priorité nationale? Le cas échéant, il nous faut acheter des avions à cette fin. Nous ne pouvons pas compter sur des locations. Devons-nous être capables d'envoyer un destroyer de Halifax ou de Esquimalt en trois jours, sur préavis de trois jours, accomplir une tâche ou mouiller quelque part? Le cas échéant, nous devons avoir un navire qui a cette capacité et l'infrastructure à l'avenant pour l'appuyer.

Sauf le respect que je dois à tous les politiciens, le problème est que nous avons pris la mauvaise habitude d'essayer de définir la politique de défense de façon abstraite. Si nous pouvions apprendre à la définir en termes plus précis, comme par exemple maintenir une surveillance totale sur tous nos océans, avec la capacité de réagir a tous les incidents en moins de 6 heures, disons — c'est un chiffre arbitraire — alors, cela donnerait aux planificateurs militaires un objectif à un moment donné. Lisez attentivement notre politique de défense et vous verrez qu'elle contient très peu de chose qui donne lieu à une planification.

Je l'ai déjà dit : Je pense que ce qui concerne la Marine dans le Livre blanc de la défense de 1994 était une politique pour le long terme. Point n'est besoin de la changer et, en fait, cette partie du Livre blanc constituait un guide de planification parfaitement adéquat pour l'état-major de la Marine, qui pouvait dire : « Il nous faut tant de navires de ce type, de tels niveaux de préparation pour atteindre cet objectif. »

Cependant, face aux déclarations plutôt grandiloquentes de la politique du gouvernement comme par exemple « Nous voudrons peut-être de temps en temps déployer un bataillon ou l'équivalent d'un bataillon de soldats dans tel ou tel pays, » la tâche de planification est impossible pour les militaires parce que l'on doit répondre « Très bien, nous pouvons déployer 1 000 soldats, mais jusqu'à quel point doivent-ils être équipés? Va-t-on les envoyer avec leurs propres véhicules? Le cas échéant, il nous faudra une forme de transport maritime. S'il s'agit d'un régiment aéroporté, alors il faut les aéronefs nécessaires. » Par conséquent, selon moi, les militaires et les politiciens doivent s'entendre sur un mode d'expression plus précis pour le cadre fondamental de la politique de défense. Selon moi, c'est à cela que tient le problème des approvisionnements. On essaie de faire coller du jello au mur, et ça ne marche pas.

Le sénateur Downe : D'aucuns pourraient faire valoir que le DART est l'exemple parfait cependant d'une entreprise non focalisée. Nous disposons de cet instrument remarquable qui peut intervenir au pied levé, mais quand on a besoin de lui, on découvre que l'infrastructure est incomplète pour accomplir la tâche. Cette unité est entraînée, elle possède de l'équipement, mais, si je ne m'abuse, nous ne pouvons absolument la déployer sur le terrain.

Ne voudrait-il pas mieux que le DART soit tout à fait prêt? Autrement dit, que cette unité ne soit pas seulement entraînée et équipée, mais qu'elle dispose d'avions et de tout ce qui est nécessaire pour accomplir la tâche au pied levé, plutôt qu'une demi-mesure en l'absence de moyen pour l'expédier? Elle peut disposer d'une partie de la Marine, mais pas de l'autre. Ne vaudrait-il pas mieux que nos forces armées soient focalisées, avec le financement nécessaire pour accomplir ce que nous leur demandons? Les forces armées ne devraient-elles pas demander au gouvernement ceci : « Voici ce que nous pouvons accomplir pour la somme d'argent que vous nous consacrez. Nous ne pouvons pas accomplir ces autres tâches. Nous ne pouvons pas respecter ces engagements-là par manque de ressources. » Je dirais que depuis quelques dizaines d'années, le gouvernement du Canada n'a pas injecté les ressources nécessaires pour accomplir toutes les tâches qu'il demandait aux militaires canadiens d'accomplir. Qu'en pensez-vous?

M. Haydon : Je suis tout à fait d'accord. Si l'on choisit de former une unité DART, qu'elle soit complète.

Le sénateur Forrestall : Professeur, revenons quelques instants... ce n'est pas parce que vous l'avez évoqué, mais parce que vous l'avez répété à plusieurs reprises. Vous avez dit que nous devrions envisager un navire d'environ 4 000 tonnes. Pourquoi pas 4 800 tonnes ou 3 600 tonnes? Je songe plus particulièrement à ce que nous avons acquis. Quand nous avons créé la classe tribale, nous cherchions à avoir la capacité d'assainir les eaux usées. Par la suite, nous avons renoncé à cela et nous avons créé un déséquilibre dans le navire, ce qui a toujours constitué une petite difficulté.

Pourquoi pas 4 600 tonnes? Un calcul rapide me dit qu'un navire de cette taille peut accueillir l'équipement nécessaire et deux hélicoptères. Avec cela, les soucis en ce qui concerne l'environnement et tout ce qui va à l'avenant sont pris en compte avec une coque un petit peu plus solide.

M. Haydon : J'en conviens mais tant que vous n'avez pas le cahier des charges, vous ne pouvez pas déterminer la jauge.

Le sénateur Forrestall : Je comprends.

M. Haydon : Pour pouvoir faire décoller un hélicoptère, il faut 1 000 tonnes de jauge. Si vous souhaitez que le navire reste en mer 14 jours, il faut ajouter 1 500 tonnes, et vous en êtes déjà à 2 500 tonnes. Il y a ensuite les machines et le reste. C'est là où un architecte compétent devrait être à ma place pour vous dire qu'en outre, il y a d'autres impératifs.

Le sénateur Forrestall : Je vois.

M. Haydon : C'est selon la capacité. Si vous ne souhaitez qu'une capacité de trois jours, alors un plus petit navire suffit, mais pour rester en mer plus longtemps, ce devrait être de l'ordre de 4 000 à 5 000 tonnes.

Le sénateur Forrestall : Même avec un ravitailleur d'escadre pour le carburant, ce qui est un élément très important, n'est-ce pas?

M. Haydon : L'intérêt d'un ravitailleur d'escadre est qu'il peut desservir un groupe de navires, quatre ou cinq.

Le sénateur Forrestall : Je vois.

M. Haydon : Par conséquent, dans ces conditions, on peut surveiller une zone beaucoup plus vaste qu'avec un seul navire, mais on ne devrait pas envoyer un ravitailleur d'escadre pour un seul navire. Chaque navire a besoin d'un certain montant de carburant pour pouvoir disposer d'une certaine latitude. Autrement, cela devient limite.

Le sénateur Cordy : Puisque vous vivez à Halifax, vous comprenez que l'incendie à bord du Chicoutimi, qui a été une catastrophe, assurément, pour les gens de la Nouvelle-Écosse, a suscité certains articles dans les journaux qui prétendaient qu'il se peut que la Marine canadienne n'ait plus besoin de sous-marins en l'an 2005, encore moins en l'an 2004 à ce moment-là. En réponse à une question posée tout à l'heure, vous avez affirmé que nous avions besoin de sous-marins. Pouvez-vous développer un peu votre pensée?

M. Haydon : Les sous-marins vous donnent la possibilité d'accomplir certaines tâches qu'aucun autre navire ne peut accomplir, parce qu'ils opèrent en secret, avec un long rayon d'action et la possibilité d'échapper à une tempête. On peut déployer un sous-marin pendant 50 jours sans qu'il n'ait besoin de revenir se ravitailler pour la nourriture, le carburant ou l'eau. Cela est impossible avec un navire qui navigue en surface.

Un navire qui navigue en surface perd de sa performance par gros temps. Un sous-marin peut s'immerger dans l'eau, éviter les vagues et continuer à être fonctionnel même si sa fonctionnalité est limitée ou un peu restreinte et vous avez la possibilité d'agir sans être repéré.

Autre énorme avantage du sous-marin : il peut s'immerger sous l'eau et déterminer la zone d'écoute optimale, de sorte que l'on a un rayon d'action d'environ 120 à 130 milles nautiques pour repérer d'autres navires qui s'approchent dans des opérations délicates au cours desquelles on veut éviter que des intrus vous surprennent. Récemment, pendant le déploiement dans la mer d'Arabie, un sous-marin — et je ne sais plus de quelle nationalité — s'est aventuré dans la zone opérationnelle des Américains qui ont dit : « Nous ne voulons pas de ce navire ici. » Il se trouve qu'on a envoyé un navire de guerre canadien pour localiser ce sous-marin et le suivre. Le repérage était le fait d'un autre sous-marin. Par conséquent, le sous-marin a un rôle primordial à jouer dans la défense générale d'un plus grand nombre de gens.

Le rôle primordial d'un sous-marin moderne est la surveillance. Il a à son bord tant de matériel sophistiqué que l'on peut utiliser sous l'eau, ou que l'on peut monter sur un mât pour obtenir des renseignements sans être repéré, que l'on peut, idéalement, l'utiliser lors d'une mission sans pour autant révéler qu'on est intéressé à ce qui se passe en un certain endroit.

Il y a quelques années, on a un peu exagéré l'utilité du recours à un sous-marin pour arrêter des contrebandiers de drogue, mais cela n'empêche pas que le sous-marin a été très utile parce qu'il est demeuré à environ un demi-mille du bateau que la Garde côtière avait l'intention d'arraisonner et il a pu, par radio, fournir les détails sur la hauteur du franc-bord et sur le genre d'échelle nécessaire, et cetera, ce qui a simplifié l'arrestation. Tout cela n'aurait pas été possible avec un avion ou un autre type de navire, car ils auraient été repérés et les malfrats auraient été prévenus. Voilà une des utilisations possibles du sous-marin de nos jours.

Une chose capitale, dans le cas des sous-marins, est qu'ils sont multitâches. On peut les utiliser et ils offrent l'avantage de pouvoir être utilisés à meilleur marché que les navires de surface.

Le sénateur Cordy : Devrions-nous compter sur les sous-marins de la classe Victoria pour être à la fois sécuritaires et effectifs?

M. Haydon : Je naviguerais à leur bord sans hésitation. Ils sont parfaitement sécuritaires.

Le sénateur Cordy : Je change de sujet. Vous avez parlé tout à l'heure du Livre blanc sur la défense de 1994 en disant qu'il était tout à fait approprié en ce qui concerne la Marine. Je me demandais si vous aviez des recommandations pour d'éventuelles modifications en ce qui concerne la Marine en 2005?

M. Haydon : En effet, j'en ai. Je mettrais un peu plus d'accent sur la sécurité nationale, en particulier les exigences de surveillance dans nos propres eaux. En outre, je mettrais un peu plus d'accent sur l'intégration d'un navire canadien, soit dans une escadre américaine ou une escadre de l'OTAN, ou dans une escadre ad hoc de multinationaux. À mon avis, c'est probablement la façon la plus utile de faire en sorte qu'un bateau de guerre puisse contribuer à la diplomatie de l'avenir. Les frégates sont parfaitement intégrées aux formations américaines depuis dix ans et leur performance a été excellente. Depuis 25 ans, elles oeuvrent au sein d'escadres de l'OTAN, leur travail étant extrêmement utile. Elles nous permettent d'être présents, de participer au processus de prise de décisions. Quant à l'escadre de l'OTAN, si je ne m'abuse, d'ici un an ou deux, au lieu d'incorporer un destroyer au sein d'une escadre de l'OTAN, nous choisirons peut- être un sous-marin. C'est ainsi que l'on procéderait.

Le sénateur Cordy : Ne sommes-nous pas actuellement très interopérationnels avec la marine américaine?

M. Haydon : Oui.

Le sénateur Cordy : Qu'en est-il des autres marines des pays de l'OTAN?

M. Haydon : Également.

Le sénateur Meighen : Je change complètement de sujet. Monsieur Haydon, vous êtes en contact avec des étudiants universitaires qui ne sont peut-être pas tout à fait typiques du Canadien moyen, mais notre comité a découvert un problème épineux, à savoir que le grand public canadien persiste à refuser de s'engager vraiment à l'égard de nos forces. Je me demandais si au cours des dernières années vous aviez constaté un changement notable dans l'attitude des étudiants avec lesquels vous êtes en contact?

M. Haydon : À l'Université Dalhousie, nous avons eu beaucoup de chance. Nous pouvons compter sur un groupe de réflexion en études stratégiques qui s'intéresse à la politique étrangère et qui est intégré au sein du Département des sciences politiques. Grâce aux conférences que nous organisons, aux séminaires, nous trouverons toujours un groupe d'étudiants intéressés aux enjeux de défense. Nombre d'entre eux sont des étudiants au niveau de la maîtrise, en sciences politiques pures, mais ils ont reconnu que la politique de défense est, en effet, une prolongation de la politique en matière de relations internationales. Dans ces conditions, nous avons toujours pu compter sur 20 à 25 étudiants qui s'intéressent à certains aspects de la défense. Plusieurs intègrent la fonction publique, les affaires étrangères ou le MDN. Ils sont nombreux à intégrer les forces armées. Ils font tous leur chemin.

On peut être déçu par ce petit noyau. Nous avons tenu une série de séminaires à l'heure du déjeuner — j'en ai animé un il y a deux semaines sur les sous-marins. Il y en a eu un juste avant Noël sur le bouclier antimissiles. Il y en a quelques-uns de prévus. On retrouve à ces occasions de 60 à 75 étudiants de toutes les facultés et de toutes les disciplines, ils écoutent. Il faut bien dire qu'il y a une soif de connaissance, car les médias n'en fournissent pas. Sur Internet, ce n'est pas complet.

Certains de ces étudiants adorent discuter de questions de défense controversée. Ils en raffolent. Il y a deux ans, j'ai donné un cours sur les relations civilo-militaires. J'avais au départ 27 étudiants. Nous avons abordé des questions fort sérieuses à propos des forces volontaires, de forces totalement volontaires, et nous nous sommes demandés si les forces armées devaient être une expérience sociale — tous ces aspects-là. Nous n'avons pas éludé un seul sujet. Après un séminaire de deux heures dans ces conditions, vous êtes épuisé, mais vous vous sentez bien. Je pense qu'il y a une véritable soif de connaissance et je pense que c'est parce que les renseignements ne sont pas disponibles comme ils devraient l'être.

Le sénateur Meighen : Selon moi, une des sources de renseignements devrait être, le ministère de la Défense nationale, qui devrait faire un meilleur travail. Autrement dit, les photographies de soldats qui donnent des friandises aux enfants ne suffisent pas. Comment va-t-on expliquer plus clairement qu'il est nécessaire d'avoir des forces armées efficaces dans l'intérêt de la nation et de la politique étrangère? Pour la plupart des Canadiens, le lien entre les deux n'est pas évident et d'après ce que je constate, le ministère lui-même — et qu'on me reprenne si je me trompe — ne fait pas grand-chose pour établir ce lien.

M. Haydon : Malheureusement, je suis d'accord avec vous. Je pense que nous avons perdu la capacité de communiquer. Prenez les documents qui émanent du ministère et — on va peut-être m'attraper pour avoir dit cela...

Le sénateur Meighen : Oh, c'est moi qu'on attrapera en premier.

M. Haydon : ... le jargon est incroyable. On ne peut pas comprendre ce que les documents du MDN essaient de transmettre. Il faut les éplucher et chercher les mots clés, et ensuite on se dit : « Eh bien, je pense comprendre ce que l'on veut dire ». Il fut un temps où les forces armées avaient beaucoup de liens avec la collectivité. Je ne pense pas que ce soit le cas actuellement. Avant, les navires se rendaient dans toutes les petites villes du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve et de l'Île-du-Prince-Édouard, et ce, régulièrement. C'est ce qui était bien autrefois, car nous nous rendions là-bas, après avoir affronté les Grands Bancs, à la recherche de bateaux de pêche soviétiques ou de bateaux à l'affût de renseignements. Nous nous arrêtions quelque temps dans les ports tous les week-ends. C'était merveilleux. C'était notre relâche. En même temps, les rapports entre la marine et la collectivité étaient beaucoup plus nourris. À mon avis, on a besoin de façon urgente d'un programme beaucoup plus sophistiqué et effectif pour faire oeuvre éducative auprès du public.

Le sénateur Meighen : Si vous pensez que la visibilité n'est pas excellente dans les Maritimes, que dire de Toronto et de Winnipeg!

M. Haydon : Je ne sais pas comment on pourrait amener un navire à Winnipeg.

Le sénateur Meighen : Impensable!

Le président : Sénateur Meighen, je pensais que vous alliez expliquer notre système d'amende pour forcer les forces armées à parler une des deux langues officielles.

Le sénateur Meighen : Non, je vous laisse le soin de vous en occuper, monsieur le président.

Le président : Merci.

Le sénateur Meighen : Monsieur Haydon, je profite de votre passage ici et de votre expérience pour vous poser une question concernant le renseignement de sécurité. Par là, je veux dire que nous comptons avant tous sur notre bonne chance. Nous ne pouvons pas poster un soldat des Halifax Rifles tous les milles le long de la côte.

Le président : Il dit cela parce que le sénateur Forrestall n'est pas présent.

Le sénateur Meighen : Je m'attendais à ce qu'il réplique. De toute façon, si l'on veut attraper les malfrats sérieusement, il faut de bons renseignements de sécurité. Je ne sais pas si vos recherches se sont penchées sur notre capacité de recueillir ce genre de renseignements, mais que pensez-vous d'une capacité accrue de cueillette de renseignements à l'étranger et de notre capacité actuelle au Canada?

M. Haydon : Je vais vous parler du Canada en premier. Je vais m'en tenir à ce que je sais, à ce que l'on obtient par voie maritime. Edmund McNeill, de Halifax, m'a emmené avec quelques autres personnes de l'Université Dalhousie à son centre d'opération il y a deux semaines. Nous l'avons bien examiné. C'est très impressionnant. Quand il nous a dit qu'il y avait 550 navires à n'importe quel moment dans la zone canadienne, je l'ai cru. Quand il m'a dit qu'il connaît la plupart des capitaines de ces navires par leur nom, je le crois encore. Il dispose d'un vaste processus de cueillette des données qui relie l'information en provenance de Grande-Bretagne, du registre Lloyds, de tous les autres ministères, du ministère des Pêches et des Océans et de toute une gamme d'autres sources. Quand il ne peut pas accomplir une tâche, il fait appel à un avion ou à un navire pour aller s'enquérir : « Dites-moi de quoi il s'agit. » Leur niveau de renseignement est à ce point sophistiqué qu'ils savent tout ce qui se passe là-bas.

Le sénateur Meighen : À cela, il faut ajouter le fait qu'actuellement on exige d'eux qu'ils fassent rapport. N'est-ce pas?

M. Haydon : En effet, mais d'après ce que je constate, il y a encore un grand nombre de gens qui ne font pas rapport. Je pense que certains vilains ne font pas rapport. Je ne suis pas sûr que tous les capitaines de yacht le fassent. Toutefois, des installations ont une grande capacité de détecter cela, car il s'agit d'un processus interministériel, conjoint et très multinational. Les renseignements proviennent de toute part. D'une certaine façon, l'apport canadien est intégré à d'autres systèmes de sorte que nous sommes à la fine pointe d'un système de partage de renseignements maritimes mondial. Avons-nous besoin de plus d'infrastructures? Non. La façon dont les choses se déroulent actuellement en mer, dans la mesure où cela se passe à notre satisfaction, nous permet de répondre à nos exigences de collecte de renseignements.

Pour ce qui est d'une collecte plus poussée de renseignements, je pense que Revenu Canada, la GRC, et cetera, ont des agents sur place qui font rapport de l'étranger et, si je ne m'abuse, enfin d'après ce que l'on m'a dit, un nombre important d'arrestations de passeurs de drogue est le résultat de l'obtention de renseignements internes.

Faudrait-il un processus de collecte de renseignements plus poussé? Je pense que oui. Je pense que nous devons y avoir recours. Tout cela s'inscrit dans un tableau plus vaste. Un jour, quelqu'un a décrit le système maritime de collecte de renseignements comme le mélange d'un casse-tête dont il manque des morceaux et d'un plat de spaghetti. À ce moment-là, il faut reconstituer le tout petit à petit. Je pense que nous avons réalisé de grands progrès au fil des ans, mais cela ne signifie pas que ce soit suffisant.

Le sénateur Atkins : Une brève question. Préconisez-vous de restaurer le DUIN ou le Corps-école d'officiers canadiens (COTC) sur les campus à l'échelle du pays?

M. Haydon : Je ne suis pas issu de ces programmes, mais oui, à mon avis, ils sont bénéfiques. Pour l'heure, les choses se déroulent de façon officieuse. Si du jour au lendemain nous disions à l'Université de Dalhousie : « Que tous ceux qui sont réservistes se présentent en classe un jour par semaine en uniforme », je pense qu'on serait étonné du nombre de réservistes qui sont inscrits à l'université à temps plein, voire à temps partiel. Halifax n'est cependant pas un bon exemple parce que c'est une ville garnison, depuis toujours. Dans la plupart des grandes villes, on trouve un nombre important d'étudiants qui sont très heureux d'être réservistes et de suivre leur entraînement l'été, en sachant qu'on leur verse un salaire raisonnable, et que cela les aide grandement dans leurs études.

Cependant, si votre question porte sur un programme officiel, oui, je pense que c'était très logique à cette époque. Je pense que l'engagement pose toujours des problèmes. Si l'on dit à quelqu'un « Si nous payons vos études, vous devrez demeurer dans la réserve ou la milice pendant un certain nombre d'années », cette pratique soulève quelques inquiétudes ces jours-ci. Mais si on voit cela sous l'angle contractuel, peut-être pas. Je ne sais trop.

Le sénateur Banks : Ma question est presque fantaisiste. Comme vous faites partie d'un groupe de réflexion, je suppose que vous avez de temps à autre essayé de vous projeter dans un avenir lointain. Vous avez dit que notre marine et, peut-être dans une moindre mesure, nos deux autres armées, sont interopérables avec les escadrons de l'OTAN et tout le reste. Je me demande combien de temps nous pourrons continuer comme cela, parce que les militaires américains, la technologie américaine progresse à un risque exponentielle.

Nous sommes allés à Washington où nous avons rencontré une femme qui dirige un service qui dépense à peu près l'équivalent de notre budget militaire annuel pour des projets complètement fous qui ne sont même pas assurés d'aboutir. Je dirais que c'est l'équivalent du type qui invente des bidules dans les films de James Bond. Certains d'entre eux fonctionnent. Pourrons-nous nous permettre — est-ce que quiconque ailleurs dans le monde pourra se permettre de continuer d'assurer l'interopérabilité avec les Américains, ou bien auront-ils tellement d'avance que tous les autres devront mettre fin à cette pratique?

M. Haydon : C'est une question fascinante, monsieur. Je pense que le problème se pose autant pour les Américains que pour n'importe qui d'autre, parce qu'ils dépendent maintenant des activités de la coalition. Dans la marine, par exemple, ils ne possèdent pas suffisamment de destroyers ou de frégates et doivent donc compter sur notre marine, sur la marine britannique, sur les Allemands ou d'autres pays pour fournir ces bâtiments légers, que l'on pourrait qualifier de force d'escorte, pour reprendre une vieille expression. Ils se trouvent à dire en fait qu'il faut créer un système à deux volets et je pense que c'est ce qui se passe en ce moment. Autrement dit, ils auront des systèmes de communication et de gestion des données très perfectionnés, mais tout cela fonctionne entre les commandements américains de premier niveau, et ensuite ils auront un niveau de travail secondaire qui n'est pas aussi exigeant. Vous devrez vraiment demander à un commandant de groupe opérationnel, de l'un des groupes opérationnels canadiens dans le Golfe persique, de vous expliquer ce concept. Je pense qu'ils ont structuré cela de cette manière, c'est-à-dire qu'il y a en fait deux niveaux opérationnels, et cela fonctionne très bien.

J'ai assisté il y a quelques années à une conférence de l'OTAN où votre question était la principale préoccupation la marine espagnole et d'autres marines de petite dimension : comment rester à la hauteur de la technologie américaine? Mais la technologie n'est que l'un des aspects du problème. L'élément le plus complexe, l'interopérabilité, se situe parfois au niveau de l'interopérabilité intellectuelle; c'est-à-dire qu'il faut être capable de penser de manière parallèle à la façon de conduire les opérations; il faut gérer l'information et la partager de manière parallèle. Par conséquent, cela ne se limite pas à l'aspect technique, aux puces d'ordinateur. Il y a tout un processus de formation qu'il faut mettre en place dans l'ensemble de la hiérarchie militaire et dans la structure politique, pour que le contrôle civil des militaires puisse s'effectuer judicieusement, sachant que ces problèmes d'interopérabilité existent.

Quand on réfléchit pour concevoir les plans d'une grande opération multinationale, il faut résoudre diverses difficultés d'ordre politique, par exemple à quel endroit faut-il implanter une base de soutien? Il faut une base de soutien avancée. Un pays peut rejeter une option envisagée pour des raisons diplomatiques et il faut donc faire un compromis. Les règles d'engagement d'une force multinationale sont extrêmement difficiles à mettre au point.

C'est un problème pour les Canadiens que les Américains adoptent un programme beaucoup plus libre pour les règles d'engagement. Les Canadiens ont toujours géré scrupuleusement leurs règles d'engagement, avec un contrôle politique très poussé à chaque étape. Les Britanniques sont également très prudents à cet égard. Leur concept du contrôle politique des militaires dans le cadre d'une opération en cours est légèrement différent du nôtre. Par exemple, quand le groupe opérationnel britannique s'est dirigé vers les Falklands en 1982, on avait établi une échelle prédéterminée d'escalade comportant 13 degrés ou étapes que l'on pouvait franchir en réaction à certaines décisions des Argentins. J'ignore quels étaient les degrés supérieurs puisqu'ils ne les ont jamais atteints. Mais tout cela était très facile. Si vous lisez le livre de l'amiral Woodword, vous verrez quels étaient les divers degrés d'escalade, en fonction desquels les règles d'engagement étaient modifiées. L'amiral Woodword devait toutefois obtenir l'approbation politique pour passer, disons, du deuxième au troisième échelon.

Ainsi, la question de l'interopérabilité est à la fois technique et intellectuelle. C'est l'une des raisons pour laquelle il est tellement important de tenir ces grands exercices internationaux, pour que l'on apprenne à bien travailler avec les autres intervenants. Cela donne aussi au personnel chargé de la planification internationale la capacité de travailler ensemble. Généralement, on arrive à mieux comprendre les contraintes politiques de son vis-à-vis.

Par exemple, si vous parlez à l'amiral Madison de l'époque où il commandait la force navale permanente dans l'Adriatique, leurs navires faisaient des manœuvres en se rapprochant pas mal des côtes. Le gouvernement allemand ne permettait pas aux navires allemands faisant partie de cette escadre de se rapprocher autant du rivage et il a donc fallu remanier le concept régissant les manœuvres de la force de l'OTAN à cause des préoccupations politiques d'un certain gouvernement. Comme les intéressés avaient déjà travaillé ensemble pendant longtemps, cela a pu se faire. Une nouvelle coalition ou un nouveau partenariat n'a pas l'avantage de l'OTAN. Sa structure même permet aux gens de travailler ensemble et de résoudre rapidement les problèmes.

L'interopérabilité est un vaste dossier, mais pour répondre à votre question, je pense que oui, il y a en effet des limites. Cependant, je pense que les Américains s'en inquiètent tout au tant que n'importe qui d'autre.

Le président : Professeur Haydon, je vous remercie. Le comité vous est très reconnaissant de vous être déplacé jusqu'ici. La discussion a été enrichissante. C'est toujours intéressant de vous écouter. Nous avons bien aimé votre témoignage. Je pense que vous avez approfondi notre compréhension des questions maritimes et nous vous sommes très reconnaissants pour votre aide. Nous espérons que vous reviendrez nous voir à l'avenir.

M. Haydon : Merci, tout le plaisir a été pour moi.

Le président : Sénateurs, nous accueillons maintenant notre dernier groupe de l'après-midi. Nous avons donc le lieutenant-colonel D. B. McKinnon, ancien officier des blindés de la force régulière qui a occupé un certain nombre de postes de commandement et d'état-major, autant au Canada qu'à l'étranger. Il a occupé les postes de commandant du groupe opérationnel canadien et observateur militaire, chef des opérations de la mission de l'ONU en Éthiopie et en Érythrée. Le lieutenant-colonel McKinnon est commandant du régiment de l'Île-du-Prince-Édouard depuis septembre 2003.

Nous avons aussi devant nous le capitaine de corvette Phillip Mundy. Le capitaine de corvette Mundy a fréquenté le Collège militaire royal à Kingston, en Ontario, et a servi dans la marine canadienne à titre d'officier MARS, en mer, et à l'École des opérations navales, avant de prendre sa retraite en 2003. Il a ensuite déménagé à Summerside, à l'Île-du- Prince-Édouard, où il est entré à la Division de la Réserve navale à titre d'officier chargé des opérations à bord du NCSM Queen Charlotte. Le capitaine de corvette Mundy a assumé le poste de commandant en second du NCSM Queen Charlotte en juillet 2004.

Enfin, nous accueillons le major A. G. Hynes. Le major Hynes a commencé sa carrière en physiologie de l'aviation à l'Institut de médecine environnementale pour la Défense à Toronto, en Ontario. Il a joint les rangs de l'escadrille de la Réserve aérienne à Shearwater en 1997 et a été employé à titre d'officier d'état-major aux Services intégrés de l'escadre jusqu'en 1998, date à laquelle il a accepté un poste civil à titre de directeur général du Centre de ressources pour les familles des militaires des Forces maritimes de l'Atlantique à Halifax, en Nouvelle-Écosse. En 2000, le major Hynes est retourné à la Réserve aérienne. En août 2002, il a été choisi pour combler le poste de coordonnateur adjoint de la Réserve aérienne pour l'Est du Canada; à ce titre, il travaille à Halifax pour le quartier général 1 de la Division aérienne du Canada, A1 Réserve.

Messieurs, bienvenue au comité. Nous sommes heureux que vous ayez pu venir témoigner devant nous. Sauf erreur, vous avez tous de brèves déclarations et nous pourrions peut-être entendre d'abord le colonel McKinnon. Vous avez la parole.

Le lieutenant-colonel D.B. McKinnon, régiment de l'IPE : Honorables sénateurs, je suis le commandant du Régiment de l'Île-du-Prince-Édouard, qui comprend un orchestre. À votre demande, j'ai rédigé une déclaration qui traitera des domaines suivants : présentation personnelle, histoire du régiment, notre mission actuelle, nos rôles, notre organisation et nos ressources, l'effectif, l'instruction, l'incidence sur la collectivité locale et la liaison avec les intervenants locaux, et enfin d'autres questions variées.

Comme vous l'avez signalé dans ma notice biographique, je suis officier de la force régulière et je compte plus de 29 ans de service. Je suis commandant du régiment depuis un peu plus d'un an et demi. C'est un régiment de la réserve.

C'est le chef de l'état-major de l'armée de terre qui m'a nommé à ce poste pour permettre aux jeunes chefs de l'unité de prendre de l'expérience avant de remettre le commandement de l'unité entre les mains d'officiers de la réserve. Il me fait plaisir de vous informer que les chefs de l'unité sont prêts à assumer cette transition et qu'un Commandant de la réserve me remplacera l'été prochain.

Un peu d'histoire, maintenant. Le régiment prend ses origines dans une amalgamation d'unités de cavalerie, d'artillerie et d'infanterie qui remonte à plus de 125 ans. La date officielle de la création du régiment est le 25 juin 1875, soit moins de deux ans après l'entrée de l'Île-du-Prince-Édouard dans la Confédération canadienne, lorsque le gouvernement du Canada a autorisé la création du 82e Provisional Battalion of Infantry du côté de Queen's. Cette unité d'infanterie a changé de nom plusieurs fois au fil de son histoire. En 1946, elle a été intégrée au 17e Régiment de reconnaissance (IPE) du corps blindé royal canadien. La composante de cavalerie/arme blindée de notre ancêtre a été constituée en 1901 sous le nom d'Escadron L, Prince Edward Island Mounted Rifles. Cette composante a aussi changé de nom plusieurs fois pour devenir le PEI Light Horse avant son intégration d'après-guerre.

Le troisième élément d'origine du régiment, l'unité d'artillerie, a été créé en 1882 sous le nom de PEI Brigade of Garrison Artillery. À l'instar des autres composantes du régiment, cette dernière a aussi changé de nom un certain nombre de fois pendant qu'elle fournissait des contingents et des soldats aux Forces armées canadiennes à l'occasion des conflits du XXe siècle; elle a finalement été intégrée au PEIR (XVIIe Régiment de reconnaissance) en 1955. Notre musée régimentaire, l'un des plus beaux petits musées militaires au Canada, illustre notre relation inexplicable avec notre province et est l'un des grands piliers de notre programme visant à rejoindre les membres de la collectivité.

Depuis 1946, le Régiment de l'Île-du-Prince-Édouard est un régiment de reconnaissance blindé qui a déployé des contingents et des soldats en opération et pour l'instruction à de nombreux endroits partout dans le monde, notamment une troupe de reconnaissance auprès du 4e Groupe-brigade mécanisé du Canada en 1976, ou encore une équipe de coopération civilo-militaire en Bosnie en 2003. Au Canada, nous avons fourni plus de 40 soldats pour l'opération de récupération des débris de l'écrasement du vol 111 de la Swissair et une troupe de reconnaissance de 28 membres pour fournir aux autorités de la Municipalité régionale de Halifax les informations sur les dommages terrestres et les pannes de courant dont elles avaient besoin pour prendre des décisions après le passage de l'ouragan Juan en septembre 2003.

Notre mission actuelle consiste à mettre sur pied une force de reconnaissance blindée polyvalente et apte au combat, formée en vue de la guerre et prête à participer aux opérations selon les ordres. Depuis 1946, notre rôle est celui d'une force de reconnaissance blindée qui fournit aux commandants les informations sur le terrain et sur l'ennemi dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées. Nous avons actuellement comme tâche de fournir au commandant du 36e Groupe-brigade canadien une troupe de reconnaissance de sept véhicules et de vingt et un membres prête à se déployer à 48 heures d'avis pour participer à des opérations nationales. Au cours des cinq dernières années, nous avons fourni deux militaires pour la mission de l'ONU sur le plateau du Golan, un pour celle en Haïti brièvement l'été dernier et huit pour les missions de l'OTAN dans les Balkans.

Nous sommes actuellement organisés conformément au tableau des effectifs de la réserve de l'armée de terre pour un régiment de reconnaissance blindé ayant un seul élément de mission — un escadron de reconnaissance, et nous sommes appuyés par un élément de commandement et de soutien. De plus, nous avons un effectif autorisé pour une harmonie. L'effectif total autorisé s'établit à 130 personnes pour le régiment et à 35 personnes pour l'orchestre. Mon effectif réel est actuellement de 91 militaires dans le régiment et de 18 dans l'orchestre.

Je vais maintenant vous parler des ressources, en commençant par l'infrastructure. L'unité exploite deux manèges, l'un à Charlottetown et l'autre à Summerside. Nous partageons ces installations avec deux corps de cadets, une équipe de coopération civilo-militaire de trois personnes appartenant au Secteur de l'Atlantique de la Force terrestre, et un officier responsable de la planification de contingence provenant du quartier général du 36e Groupe-brigade canadien. Le manège de Summerside occupe la vieille bâtisse de l'approvisionnement de l'ancienne BFC Summerside et satisfait la plupart de nos besoins fondamentaux. Le manège Queen Charlotte à Charlottetown limite notre efficacité et notre efficience à cause de son âge. Il a originalement été construit en 1953 à titre de division de la Réserve navale pour le NCSM Queen Charlotte. En 2005, ses principales lacunes sont un manque d'espace protégé pour l'entreposage des véhicules et pour la maintenance, des espaces d'instruction inadéquats, un manque d'espace de travail individuel, une mauvaise organisation des espaces de travail existants, ainsi qu'un manque d'espace pour la manutention et l'entreposage des marchandises. L'orchestre est logé dans une bâtisse distincte dépourvue d'eau courante, d'accès aux télécommunications et d'une acoustique inacceptable. Ces insuffisances ont été soumises au génie du secteur et nous sommes en attente des ressources requises pour les corriger. Les coûts d'infrastructure, par exemple les compensations fiscales, les services publics, le loyer versé à Slemon Park Corporation et les coûts de réparation sont défrayés par le 3e groupe de soutien du secteur, dont le quartier général est à Gagetown, et ne relève pas de mon budget.

Pour ce qui est de l'équipement, nous possédons actuellement un parc de 35 véhicules, ce qui est supérieur à ce dont disposent toutes les autres unités du 36e Groupe-brigade du Canada. Il s'agit majoritairement de Jeep Iltis, qui sont en train d'être remplacés cette année par 16 véhicules utilitaires à roue (VULR) configurés pour le commandement et la reconnaissance. Ce changement est le bienvenu, même s'il soulève un certain nombre de défis sur le plan de l'instruction.

Nous devons faire face à un défi beaucoup plus considérable lorsque nous essayons de fonctionner avec les ressources limitées de communications en milieu tactique et en garnison mises à notre disposition, et avec l'équipement de surveillance essentiel pour la mission qui est distribué au compte-gouttes. Ce manque de matériel de communications tactiques nuit à nos activités d'instruction. Il en va de même pour ce qui est de l'équipement de surveillance. En notre qualité de régiment de reconnaissance blindé, des pièces d'équipement comme les lunettes de vision nocturne, les dispositifs d'observation nocturne, les radars de surveillance au sol et d'autres capteurs divers nous sont essentiels pour l'accomplissement des tâches qui nous sont assignées et pour la tenue de nos activités d'instruction. Nous ne possédons en propre aucun de ces équipements et toute tentative de les emprunter relève de la croix et la bannière. Ce problème est à l'étude dans le cadre du projet sur les tableaux de dotation de la Réserve terrestre et nous avons bien hâte que certaines mesures de rationalisation soient mises en œuvre.

Pour ce qui est du problème d'équipement en garnison, nos insuffisances sur le plan des communications découlent du fait que notre vieille bâtisse de 50 ans n'a pas été rénovée en fonction de l'ère de l'information; nous ne disposons donc que de quelques connexions réseaux de fortune, tandis que l'orchestre n'a absolument aucune possibilité de connexion. Cela signifie qu'au fur et à mesure que nous progressons dans le monde du travail et de l'apprentissage assisté par ordinateur, les quelques ordinateurs et connexions disponibles au manège seront de plus en plus surchargés les soirs d'instruction. Nous continuerons certes de survivre, mais il semble que le secteur n'a pas reçu de fonds suffisants pour lui permettre de répondre adéquatement aux besoins de gestion de l'information de notre garnison.

Je vais maintenant traiter du financement. Sur la base de 37,5 jours d'instruction par réserviste, le Régiment de l'Île- du-Prince-Édouard reçoit annuellement plus de 740 000 $ pour financer les activités du régiment et de l'orchestre. Ce montant n'inclut pas les sommes réservées à l'instruction individuelle qui se déroule au niveau du Groupe-brigade ou à un niveau supérieur. Ce budget me permet de satisfaire mes besoins d'instruction minimums, sur lesquels mon commandant et moi nous entendons avant le début de l'année financière par l'intermédiaire du processus du plan opérationnel parfois appelé plan d'activités. J'aimerais offrir plus d'instruction et les soldats sont capables de devenir plus compétents, mais il faudrait que l'unité reçoive plus d'argent.

Au sujet de l'effectif, je vais d'abord décrire le personnel à plein temps : Nous avons actuellement quatre militaires de la force régulière et trois membres de la réserve. Je ne fais pas partie du groupe de quatre membres de la force régulière susmentionnée, car j'appartiens aux effectifs non disponibles du Commandement de la force terrestre dans la catégorie des commandants et commandants adjoints des unités de la milice. Le nombre de militaires de la force régulière est toutefois préoccupant. Mon principal objectif durant l'année est de former les soldats de l'unité. L'environnement de l'instruction aujourd'hui a changé considérablement, ne serait-ce que par rapport à ce qu'il était il y a à peine 10 ans. Les exigences administratives associées à toutes nos activités, qu'il s'agisse des évaluations environnementales ou de la coordination supplémentaire requise à cause de la grande pénurie de secteurs d'entraînement, combinées aux impératifs d'économie et d'efficacité maximums à satisfaire lorsqu'il y a activité d'instruction, ne cessent d'augmenter la charge de travail du personnel de soutien de l'instruction embauché à plein temps. Au niveau de l'unité, ce sont les militaires de la force régulière qui écopent. À l'heure actuelle, mon cadre d'officier de la régulière ne parvient pas à s'acquitter de la charge de travail associée au soutien de l'instruction tout en continuant de faire l'instruction des soldats. C'est donc la qualité de l'instruction qui en souffre. Je crois qu'on s'est rendu compte de ce problème au moment de la création des tableaux d'effectif de la Réserve de l'armée de terre, puisque des postes supplémentaires de sergents de la force régulière ont été ajoutés au tableau d'effectif des unités de la réserve. Ces postes ne sont toutefois pas encore comblés, mais nous espérons qu'ils le seront avec l'augmentation globale de 5 000 personnes de l'effectif des Forces canadiennes. Les budgets pour le personnel de la force régulière sont centralisés au niveau national et le salaire de ces personnes ne provient donc pas du budget de mon unité.

Au sujet du recrutement, globalement, le régiment de l'Île-du-Prince-Édouard a rempli l'objectif de recrutement qui lui avait été fixé au début de l'année financière. En fait, nous avons dépassé notre objectif de 10. Dans le cas de l'Île-du- Prince-Édouard, je crois qu'il n'y a pas de secret en matière de recrutement. Il faut des ressources humaines pour attirer les recrues et pour faire le suivi des candidats. J'ai un budget correspondant au salaire d'un sergent pendant 120 jours pour toutes les activités de recrutement de l'unité et pour le suivi des candidats potentiels tout au long du processus d'enrôlement dans le régiment. Pour que cette activité soit un succès, il faut que le sergent recruteur travaille à temps plein. Je dois donc prélever la différence dans mon budget d'instruction. Nous avons compté sur les services d'un sergent recruteur à temps plein pendant presque toute l'année et les résultats sont probants. Il y a peut-être un problème national dans les examens médicaux qui ont des retards à Borden, et ce problème rejaillit sur nous en ce sens qu'il rallonge le délai de traitement des candidats, ce qui est frustrant pour ceux qui attendent de s'enrôler. Nous n'éprouvons que peu de problèmes dans le domaine des vérifications approfondies de la fiabilité. Le programme de remboursement des frais d'études est un incitatif très populaire pour attirer les recrues à l'Île-du-Prince-Édouard. De plus, nous fondons beaucoup d'espoir sur les projets mis à l'essai au Groupe de recrutement des Forces canadiennes et nous nous attendons à ce que les délais de traitement raccourcissent.

Le taux de maintien de l'effectif au Régiment de l'Île-du-Prince-Édouard est bon. Les principales raisons des départs sont ou bien un transfert à la force régulière ou bien l'occupation d'un emploi à temps plein ailleurs. Comme le taux de chômage est d'environ 10 p. 100 dans notre province, la deuxième de ces raisons explique beaucoup de départs. Au cours des cinq dernières années, 32 membres du régiment sont passés directement à la force régulière.

Au sujet de l'instruction maintenant, pour remplir sa mission, le régiment doit qualifier le plus grand nombre possible de soldats en vertu des normes individuelles d'aptitudes au combat applicables à l'ensemble de l'Armée de terre. Nous faisons ensuite l'instruction collective au niveau de l'équipage, de la patrouille et enfin de la troupe dans le contexte d'un escadron. Durant les exercices du groupe-brigade et ceux au niveau du secteur, l'instruction se déroule dans un cadre de niveau supérieur, mais l'évaluation et la validation se font à l'échelle de la troupe. Au début de l'année financière, mon commandant et moi définissons les normes collectives d'aptitudes au combat que l'unité devrait satisfaire durant l'année financière et je dresse mon plan d'instruction en fonction de ces objectifs. De plus, nous donnons un ou deux cours de qualification militaire de base par année à l'unité. Cette année, nous donnons aussi le cours de période 2 de membres de l'élément de reconnaissance blindée, conjointement avec le 8e régiment Canadian Hussars Princess Louise de Moncton. Ce dernier cours a débuté le 27 décembre 2004 et le cours actuel QMBD, c'est-à- dire qualification militaire de base, vient tout juste de commencer le vendredi 28 janvier. Nous sommes en mesure de donner un cours à la fois sans difficulté et nous pouvons donner jusqu'à deux cours en même temps au besoin, pendant un mois ou deux, et c'est ce que nous faisons en ce moment. Le facteur limitatif est la disponibilité des instructeurs à temps partiel de la réserve en classe A.

Pour ce qui est de l'incidence et de la liaison locales, le régiment doit exécuter trois saluts au canon chaque année et participer à l'ouverture de l'Assemblée législative. Par ailleurs, nous participons à de nombreuses activités dans la collectivité comme le semaine des anciens combattants et les cérémonies du jour du Souvenir. Nous venons également en aide à des organisations sans but lucratif en leur prêtant des tentes et d'autres articles à condition qu'ils soient disponibles, que nous n'en ayons pas besoin et que nous n'encourions aucun coût. L'orchestre a des engagements toute l'année un peu partout dans l'île, par exemple pour la remise des diplômes à l'université, au collège communautaire et dans les écoles secondaires, pour divers défilés et pour le bal de charité de la Saint-Valentin.

Au niveau de la liaison avec les premiers intervenants locaux, l'Île-du-Prince-Édouard. a un système hautement intégré d'intervention en cas d'urgence; en effet, l'organisation des mesures d'urgence provinciale, le centre des opérations de la fonction publique fédérale et le centre d'opération de Protection civile Canada se trouvent au même endroit. On peut ainsi transférer rapidement un dossier si le problème en cause nécessite l'intervention du gouvernement fédéral. Je rencontre régulièrement le personnel du centre des opérations, habituellement en compagnie de l'officier de liaison provincial du commandant du secteur, qui se trouve également à être mon capitaine adjudant. Durant l'ouragan Juan en septembre 2003 et à l'occasion de la tempête de neige appelée White Juan de février dernier, nous échangions régulièrement des comptes rendus de situation. Nous maintenons également des contacts réguliers avec la police provinciale, la division L de la GRC, et nous répondons à ses demandes d'aide.

La seule autre question dont il n'a pas été fait mention touche le soutien que je reçois du groupe médical. À titre de commandant, j'estime que je devrais être en mesure de dire à mon commandant combien de mes soldats sont aptes à répondre aux besoins du gouvernement du Canada, quels qu'ils soient. Il est crucial que je connaisse l'état de santé de mes soldats pour faire face à cet impératif de préparation opérationnelle. Le groupe médical des Forces canadiennes a la responsabilité de la santé et des dossiers médicaux des membres des forces, y compris le personnel de la réserve. Au 30 novembre 2004, 31 membres de mon effectif de 109 personnes n'avaient pas de profil médical à jour. En cas de demande de troupes, je n'avais aucune idée de l'état de ces 31 soldats et de leurs capacités de répondre aux besoins du Canada. En puisant dans le budget de l'unité, j'ai fait mettre partiellement à jour le dossier de huit de ces militaires et complètement à jour celui de sept autres. Nous continuerons de gérer ce problème en puisant dans notre propre budget et grâce à nos efforts.

En conclusion, c'est un honneur et une source de fierté pour moi que de commander un régiment tel que le mien et les soldats de qualité qui le composent. Des défis se présentent encore aujourd'hui sur notre chemin comme par le passé. Je suis persuadé que le régiment les relèvera avec la même détermination et le même professionnalisme qui ont caractérisé ces 129 années d'existence.

Le lieutenant-commandant Phil Mundy, commandant en second, MCSM Queen Charlotte : Monsieur le président, honorables sénateurs et invités, je suis le capitaine de corvette Phillip Mundy, commandant en second du MCSM Queen Charlotte, de la division de la réserve navale, et je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui.

Je vais commencer par vous donner un aperçu de mon cheminement pour que vous compreniez mieux l'expérience sur laquelle je me fonde pour répondre à vos questions.

J'ai commencé ma carrière militaire à l'âge de 13 ans, quand je me suis enrôlé dans les Cadets de l'aviation royale du Canada, à l'automne 1977. J'ai passé six années passionnantes dans les cadets de l'air et, après avoir terminé mes études secondaires en 1983, je me suis immédiatement enrôlé dans les Forces canadiennes en tant que cadet de la marine et j'ai commencé un cours d'officier des forces régulières d'une durée de quatre ans au Collège militaire royal du Canada à Kingston, en Ontario.

Après avoir décroché en 1987 un baccalauréat es Arts en sciences économiques, je suis parti pour Esquimalt, en Colombie-Britannique, où j'ai terminé ma formation et obtenu ma classification aux opérations marines de surface et sous-marines au centre d'entraînement des officiers de marines appelé Venture.

Durant les 15 années suivantes, j'ai passé neuf ans en mer et assumé les fonctions de personne de quart de passerelle, de contrôleur aérien des aéronefs embarqués, d'officier de combat et d'agent des opérations de la flotte canadienne de l'Atlantique. J'ai eu l'occasion de participer pendant cette période à deux déploiements de la force navale permanente de l'Atlantique et un en Méditerranée, ainsi qu'à UNITAS, à l'opération Forward Action, à MARCOT 97, à des patrouilles de pêche et à des patrouilles de surveillance côtière de la GRC. J'ai pris ma retraite des forces régulières en juillet 2003, ayant servi pendant 20 ans, et j'ai déménagé à Summerside, à l'Île-du-Prince-Édouard, où j'habite avec ma femme Suzan et nos deux enfants, Samuel, âgé de 12 ans, et Rachel, qui a 10 ans. J'ai choisi d'être inscrit sur la liste de la réserve supplémentaire d'attente pendant le processus mettant fin à mon service dans la force régulière et, peu après, j'ai commencé à assumer mes fonctions d'agent des opérations à bord du NCSM Queen Charlotte en août 2003. En juillet 2004, j'ai été nommé commandant en second et je suis actuellement employé dans le cadre d'un contrat de catégorie B, assumant à la fois mes fonctions principales et celles d'agent d'instruction.

En plus de mes fonctions à bord du Queen Charlotte, depuis un an et demi, en tant qu'officier de réserve de la marine, j'ai également eu l'occasion de participer à deux exercices de sécurité portuaire à Halifax, les opérations Port Guard 03 et Port Shield 04, à titre d'agent des opérations de Port Security One, une de quatre unités non permanentes de sécurité portuaire.

Le NCSM Queen Charlotte, l'une des 24 divisions de la Réserve navale au Canada, a un long historique de recrutement et d'instruction qui remonte à 1923. La version actuelle du Queen Charlotte a été officiellement lancée en septembre 1994 et transférée dans une toute nouvelle installation expressément conçue pour appuyer l'entraînement en septembre 1997. Le Queen Charlotte a actuellement un effectif de 132 officiers et militaires du rang. Cela comprend ceux qui servent actuellement à plein temps à bord du Queen Charlotte et ailleurs, de même que ceux qui s'intègrent à l'unité pendant nos soirées hebdomadaires d'entraînement et à l'occasion de nos entraînements du samedi.

Le Queen Charlotte a connu un succès considérable au cours des quelques dernières années au niveau du recrutement. Nous avons enrôlé 25 MR et 3 officiers l'an dernier, et nous avions cette année un quota de 18 MR et de 2 officiers. Jusqu'à ce jour, nous avons enrôlé deux MR et nous nous disposons à en enrôler quatre autres. En outre, il y a huit dossiers actifs au centre de recrutement et notre recruteur s'apprête à remplir les formalités nécessaires pour engager 18 recrues potentielles. Même s'il subsiste des difficultés dans le traitement des demandes de recrutement, le Queen Charlotte est confiant qu'il atteindra son quota cette année encore.

La première mission du Queen Charlotte est la mise sur pied d'une force, le recrutement et l'instruction du personnel en vue de soutenir les missions de la Réserve navale. Pour s'acquitter de sa mission, le Queen Charlotte a un budget d'opération annuel de 290 085 $ pour le personnel de classe A et de 72 910 $ pour les frais généraux, la maintenance et les voyages pour le service temporaire.

Le Queen Charlotte assure sa préparation par le respect des exigences de la préparation au combat, l'instruction en cours d'emploi et l'instruction à distance, tout cela dans le but de soutenir la Réserve navale et la force régulière. Au cours des deux dernières années, 11 officiers et MR ont quitté le Queen Charlotte pour se joindre à la force régulière, et 21 autres étaient employés sur les navires de la classe Kingston.

La seconde mission du Queen Charlotte, qui consiste à hausser la présence de la marine à l'Île-du-Prince-Édouard, est extrêmement importante aussi. Le Queen Charlotte s'assure de maintenir une visibilité au sein de la ville de Charlottetown et ailleurs dans la province. Le Queen Charlotte participe aux défilés communautaires le jour du Souvenir, le Dimanche de la bataille de l'Atlantique, à l'inauguration de l'assemblée législative, au défilé du Père Noël, pour n'en nommer que quelques-uns. Nous profitons de toutes les possibilités qui nous permettent de montrer nos capacités d'instruction et de faire connaître les possibilités d'instruction, d'emploi et de service que peut fournir la Réserve navale.

En résumé, le Queen Charlotte s'efforce constamment d'être à la hauteur de sa raison d'être, qui est le recrutement et l'instruction des réservistes de la Marine pour le compte du Commandement maritime, tout en maintenant et en enrichissant des liens toujours plus étroits avec la population de la province.

Le major A.G. Hynes, coordonnateur de la Réserve aérienne (Est), Quartier général de la 1re Division aérienne du Canada : Monsieur le président, sénateurs, je tiens à vous remercier de m'avoir invité à témoigner devant votre comité cet après-midi. Je crois savoir que c'est la première fois que vous entendez le point de vue de la Réserve aérienne. Étant donné notre caractère et notre structure uniques, comparativement à la réserve des manèges militaires et à la Réserve navale, l'objet de mon allocution liminaire aujourd'hui sera l'organisation, l'emploi et le fonctionnement de la Réserve aérienne.

Je dois dire pour commencer qu'il y a 36 ans que je suis lié aux forces armées : j'ai été cadet, membre de la force régulière, réserviste et employé civil. J'ai pris ma retraite de la fonction régulière après 23 ans de service, et je suis réserviste de l'aviation depuis environ cinq ans. Je suis en ce moment réserviste à plein temps et coordonnateur intérimaire de la Réserve aérienne pour l'Est du Canada. Mon bureau est à Halifax, en Nouvelle-Écosse, et je relève du quartier général de la 1re Division aérienne du Canada qui est basée à Winnipeg. Mon service est responsable des réserves situées à St John's, Gander et Goose Bay, à Terre-Neuve et au Labrador; Shearwater, Greenwood, Bridgewater et Pictou en Nouvelle-Écosse; Bagotville, dans la province de Québec; Ottawa, Trenton, Borden et North Bay en Ontario.

D'autres unités emploient des réservistes sur ce territoire. Cependant, il s'agit essentiellement d'escadrons tactiques d'hélicoptères qui sont situés à Gagetown, Valcartier, St-Hubert, Petawawa et Borden, et ils relèvent du coordonnateur de la Réserve aérienne de la 1re escadre, qui est basée à Kingston, en Ontario.

Il est important de noter que je ne commande pas directement à ces unités qui sont situées à ces endroits. Le rôle du coordonnateur est plutôt de nature consultative. Nous coordonnons et facilitons les communications entre Winnipeg et ses bases qui emploient des réservistes de l'aviation dans notre secteur de responsabilité. Nous fournissons aussi des conseils sur le plan de la politique et de l'administration, de l'interprétation et de la clarification pour les commandants d'escadrille, les commandants et les commandants d'escadre. En outre, nous assurons le contrôle administratif et financier des organisations de soutien de la Réserve aérienne par des visites régulières d'assistance au personnel, qui sont essentiellement des vérifications de conformité. Nous fournissons également des conseils relativement aux questions traitant du personnel, de la planification de la relève et du mentorat professionnel des majors, des adjudants- maîtres et des adjudants-chefs de la Réserve aérienne.

La structure de la Réserve aérienne a beaucoup changé au cours des 30 dernières années en raison de l'évolution de la force totale et des changements structurels des Forces canadiennes de manière générale. Le principal objectif de ces changements à la structure de la Réserve aérienne était de faciliter l'intégration des réservistes au concept de la Force aérienne totale. Il en est résulté une transition de la structure traditionnelle de quartiers généraux et d'unités opérationnelles distincts pour la Réserve aérienne à l'intégration d'effectifs de la force totale dans presque toutes les unités du Commandement aérien. C'est-à-dire que les effectifs du Commandement aérien se composent de divers éléments de la force régulière, de la réserve et du personnel civil.

Pour paver la voie à l'intégration de ces effectifs, on a créé en 1975 des types particuliers d'unités de la Réserve aérienne qu'on appelait Escadrilles de renfort de la Réserve aérienne ou ERRA. On a fini par doter chaque groupe du Commandement aérien d'une ERRA, dont la mission était de recruter et de gérer les renforts de la Réserve aérienne qui acceptaient de servir dans les unités de la force régulière attachée à chaque groupe. La structure de l'ERRA permettait de combler en souplesse les pénuries de personnel au sein du Commandement aérien. Les réservistes étaient membres de l'ERRA et prêtés aux effectifs où ils étaient employés. Cependant, avec l'intégration des effectifs de la force totale, il est devenu évident que les membres de la Réserve aérienne devaient appartenir en fait à l'unité d'emploi et non à l'ERRA. La transition vers les effectifs pleinement intégrés s'est achevée en 1997, et la dernière ERRA a été alors démantelée.

Le recrutement, l'administration de la réserve et les fonctions locales de gestion de carrière qu'assumait auparavant l'ERRA ont été impartis aux escadrilles de la Réserve aérienne, qui sont des sections au sein des effectifs du Quartier général de la 1re Division aérienne du Canada, des quartiers généraux des escadres et des unités opérationnelles. Ces escadrilles de la Réserve aérienne ne forment pas des unités en soi mais font partie du quartier général ou de l'unité opérationnelle d'attache.

La Réserve aérienne compte en ce moment un effectif d'environ 3 000 postes répartis entre plus de 100 unités du Commandement aérien, et son effectif en activité est d'environ 2 400 personnes. Les unités du Commandement aérien comprennent des unités de la force régulière et trois unités de la réserve. Le ratio force régulière/réserve dépend de divers facteurs, dont la démographie locale et le besoin opérationnel. Certaines unités, dont les trois unités de réserve, sont considérées comme ayant un fort contingent de réservistes. C'est-à-dire que la majorité des postes sont comblés par des réservistes, alors que dans d'autres unités, il n'y en a qu'une minorité ou aucun.

Un parfait exemple d'une unité de la force régulière riche en réservistes est le 14e Escadron du génie de l'air dont le quartier général est situé à Bridgewater, en Nouvelle-Écosse, et qui appartient à la 14e Escadre Greenwood. Cette unité se compose de trois escadrilles qui sont situées à Gander, Terre-Neuve, à Pictou, Nouvelle-Écosse, et il y a une escadrille dont le quartier général est à Bridgewater. À l'heure actuelle, l'effectif combiné est de 12 membres de la force régulière et de 220 postes de réservistes. C'est en fait une unité unique. Au milieu des années 90, on a entrepris d'établir des unités dans des localités qui étaient à quelque distance de l'escadre d'attache ou d'accueil. Avec le soutien des gens sur place, les Forces canadiennes s'engageaient à établir des unités dans ces régions, et elles l'ont fait en se basant sur les résultats du sondage initial. Ces unités de la force totale étaient avantageuses sur le plan économique pour les deux parties, et des accords ont été conclus en vertu desquels les municipalités louaient des installations à l'unité et, pendant l'aménagement des lieux, fournissaient aussi des services de soutien comme des véhicules et des communications.

Les Forces canadiennes en profitent du fait que c'est économique, que cela assure une base de recrutement locale et renforce les liens avec les gens. Du point de vue des localités, cet arrangement était considéré comme une situation où tout le monde était gagnant, entre autres, parce qu'on assurait ainsi une participation élevée aux manifestations communautaires, de l'aide aux projets communautaires à but non lucratif, l'utilisation des sources de formation et des collèges communautaires locaux, l'emploi du personnel dans l'industrie locale pour satisfaire les exigences de l'apprentissage militaire là où c'était possible, et parce qu'on permettait ainsi aux réservistes de rester près de leur ville natale.

L'une des nombreuses contributions des réservistes à l'équipe de la force aérienne tient au fait qu'on les oblige à se soumettre à la même instruction et à respecter les mêmes normes de qualification que leurs homologues de la force régulière. En outre, les réservistes enrichissent les opérations de l'aviation d'une longue expérience et de leur crédibilité, étant donné que plus de 70 p. 100 de notre personnel a déjà servi dans la force régulière. Ce qui veut dire que la Réserve aérienne est une force plus âgée, la moyenne d'âge se situant entre 44 et 45 ans, et le service moyen de la Réserve aérienne étant d'environ six ans et demi.

Le modèle traditionnel de l'emploi dans la réserve comprend l'exercice à temps partiel, c'est-à-dire une soirée par semaine et un ou deux week-ends par mois, à quoi s'ajoute l'instruction obligatoire annuelle qui dure plusieurs semaines chaque été, de concert généralement avec la fréquentation d'un établissement d'enseignement ou une carrière chez un employeur civil. À l'échelle de toute la réserve, ce modèle n'a assuré qu'une norme minimale d'instruction et présenté des taux d'attrition élevés. L'approche de la Réserve aérienne, dictée par la nécessité d'avoir sur place des réservistes disposant de grandes compétences techniques, et par la nécessité de côtoyer dans leur emploi leurs homologues de la force régulière, tendait à exiger un emploi à temps partiel plus fréquent, c'est-à-dire entre 8 et 12 jours par mois environ. On a jugé que c'était nécessaire pour maintenir les compétences minimales. Ce qui ne revient pas à dire que tous les réservistes travaillent aussi souvent étant donné qu'il y en a encore qui continuent d'observer le modèle traditionnel de l'exercice le soir et la fin de semaine. Cependant, la plus grande partie du travail est accomplie pendant les heures normales d'opération de l'unité, c'est-à-dire de 8 h à 16 h 30 du lundi au vendredi, pour la majorité de l'effectif. Ce nombre plus élevé de jours par mois tend à attirer des personnes qui ont une expérience militaire et qui sont peut-être pensionnées, et qui n'ont pas besoin de plus de travail que ne leur en assure la réserve. Ce modèle a stabilisé le taux d'attrition comparativement à ce que connaissent la réserve de l'armée de terre et celle de la marine, et comparativement aux recrues qui entrent dans la Réserve aérienne.

Comme je l'ai dit plus tôt, le concept d'instruction et d'emploi des réservistes des forces aériennes consiste pour ceux-ci à être formés, à travailler et à donner un rendement égal à leurs homologues de la force régulière. En conséquence, le personnel des unités de la force régulière ou de la réserve devrait être parfaitement interchangeable. Ce haut niveau d'instruction est une des raisons pour lesquelles la Réserve aérienne est utilisée plus souvent pour compenser les pénuries de main-d'œuvre au sein de la force régulière.

Même si la Réserve aérienne a pour fonction de compléter et de soutenir la force aérienne par le biais de l'emploi à temps partiel qui assure le respect des normes professionnelles, ce recours accru a fait en sorte qu'au cours des dernières années, un plus grand nombre de réservistes ont eu accès à un emploi à temps partiel. Au cours des deux dernières années, du fait de l'attribution des opérations et de la diminution des effectifs formés et en activité de la force régulière, nous avons vu environ 40 p. 100 de nos réservistes se joindre à la force régulière à temps plein. Cette capacité de recruter chez nous a permis au Commandement aérien de déployer son personnel de la force régulière tout en maintenant ses opérations au Canada, et d'autoriser aussi 444 de nos réservistes à participer à des déploiements et à des opérations au pays au cours de l'exercice financier 2003-2004. En fait, cette dépendance accrue envers la Réserve aérienne a nécessité l'imposition d'un niveau de dotation autorisé, autrement un plafond, pour le nombre de membres de la Réserve aérienne. Ce nombre est présentement de 2 467, et il faut s'y tenir si l'on veut respecter le budget qui nous est alloué.

Avec l'imposition du NDA, et un effectif d'environ 2 400 réservistes, l'effort de recrutement est axé en ce moment sur le maintien du niveau d'attrition et pas nécessairement sur la croissance de la réserve. L'imposition récente du nouvel âge obligatoire pour la retraite à 60 ans a également réduit le niveau d'attrition et stabilisé les niveaux de dotation. La stabilisation des niveaux de dotation a également eu pour effet de réduire légèrement le nombre de réservistes suivant des cours d'instruction. Le nombre d'heures d'instruction subit l'effet du niveau de recrutement réduit, ce à quoi s'ajoute le fait que bon nombre des recrues de la Réserve aérienne ont déjà acquis l'instruction préalable pendant leur service dans la force régulière.

Même s'il semble que la Réserve aérienne soit devenue une force secondaire à temps plein, la réalité du contexte d'aujourd'hui en matière de sécurité, combinée avec les compressions qu'a connues le budget de la Défense, a obligé certains de nos réservistes à faire fréquemment la transition entre l'emploi à temps partiel et l'emploi à temps plein afin de suivre un rythme opérationnel toujours plus exigeant. Cependant, on ne peut pas s'attendre à maintenir ce haut niveau d'emploi de la Réserve aérienne, et celle-ci s'apprête en ce moment à redevenir essentiellement une organisation à temps partiel capable de combler les effectifs pour des périodes limitées au besoin.

Après une expérience de 10 ans, il a été prouvé que notre effectif intégré était un modèle valable pour l'aviation. Il est évident que la contribution de la Réserve aérienne est précieuse.

Qu'en est-il de l'avenir? Les rôles et fonctions futurs de la Réserve aérienne font l'objet d'une réflexion dans le cadre de l'évolution de la force aérienne. La stratégie de développement de la Réserve aérienne prévoit l'amélioration soutenue de la structure intégrée, ce qui nous obligera à définir de manière précise ce qu'on attend des réservistes dans chaque capacité d'opération et de soutien de la force aérienne.

Le sénateur Cordy : Merci beaucoup à tous les trois d'avoir accepté notre invitation cet après-midi à Charlottetown.

Major Hynes, j'aimerais commencer avec vous. Vous nous avez donné beaucoup d'information et, comme vous l'avez dit, c'est la première fois que nous recevons la moindre information au sujet de la Réserve aérienne. Vous parliez par moments plus vite que mon cerveau ne peut fonctionner, vous me pardonnerez donc de vous demander seulement des clarifications sur certaines choses. Entre autres, à propos de ce que vous venez de dire, seulement la dernière partie. Ce qui est un peu différent dans votre travail, c'est que vos réservistes sont là entre 8 et 12 jours par mois, ce qui est long. Vous recrutez ainsi de nombreuses personnes qui sont déjà formées et qui sont des militaires à la retraite. Je ne devrais pas dire « militaires à la retraite », parce que vous êtes toujours militaire.

Le maj Hynes : C'est exact. Ce sont des gens qui ont pris leur retraite pour une raison ou pour une autre. L'activité militaire les intéresse toujours, ils demeurent qualifiés, et ils y voient peut-être un moyen de compléter leur retraite, de garder la main. Ils nous rendent de précieux services, et je crois que ces personnes en tirent aussi certains avantages. Essentiellement, toutefois, c'est notre principale source de recrutement.

Le sénateur Cordy : Ainsi, la personne doit être disposée à s'engager pendant tout ce temps, à travailler le jour plutôt que le soir, pour pouvoir entrer dans la Réserve aérienne?

Le maj Hynes : Pas nécessairement. Tout dépend des besoins opérationnels de l'unité, et encore là, cela dépend de la classification de la personne, du temps qu'il lui faudra pour maintenir ses compétences professionnelles. Nous avons des situations où les réservistes concluent un accord avec leur unité qui dit quelque chose comme ceci : « Je ne peux que travailler deux jours par mois. » Cependant, dans la mesure où l'unité est d'accord, que cela suffit à combler ses besoins, c'est alors plus que suffisant pour l'organisation.

Le sénateur Cordy : Vous avez dit qu'il y avait trois unités complètes de la Réserve aérienne. Est-ce que toutes les trois sont en Nouvelle-Écosse?

Le maj Hynes : Non, madame.

Le sénateur Cordy : À Bridgewater...

Le maj Hynes : Non, les trois unités de réserve sont situées à Saint-Hubert, Borden et Winnipeg. Elles sont désignées unités de réserve, ou escadrons de réserve, devrais-je dire. En réalité, ce sont aussi des unités de la force totale. J'entends par là qu'on y trouve des membres de la force régulière et de la réserve.

Le sénateur Cordy : Alors vous avez dit qu'il y avait quoi à Bridgewater? C'est ce que j'ai cru être une unité désignée de la Réserve aérienne.

Le maj Hynes : Bridgewater abrite le 14e Escadron du génie de l'air. C'est une unité de la force régulière mais qui est considérée comme ayant un fort contingent de réservistes.

Le sénateur Cordy : Très bien.

Le maj Hynes : La vaste majorité des postes sont occupés par les réservistes.

Le sénateur Cordy : Que font-ils à Bridgewater, par exemple? Vous dites qu'ils sont liés à Greenwood, alors je me suis rappelée Bridgewater, et je me suis dit que c'était curieux. J'aurais pensé à Bridgetown, et non Bridgewater. Vous avez bel et bien dit Bridgewater, n'est-ce pas?

Le maj Hynes : Oui, c'est exact.

Le sénateur Cordy : Oui. J'aurais pensé que ce serait plus près de Shearwater, ou un peu plus près de Greenwood — et je suis de la Nouvelle-Écosse, donc je sais où ces endroits se trouvent — que de Bridgewater. Que fait exactement cette unité de Bridgewater qui compte un fort contingent de réservistes? Que fait-elle?

Le maj Hynes : Elle fait la même chose que fait un escadron du génie de l'air de la force régulière. Je veux dire par là qu'elle se compose de gens qui sont des métiers de la construction ou du génie, d'opérateurs de machines lourdes, de charpentiers, de plombiers, de tout métier dont on a besoin pour aller quelque part et installer un terrain d'aviation. Ainsi, à toutes fins utiles, on forme ces gens à faire ce genre de choses. Comme je l'ai mentionné plus tôt, ils prennent part à de nombreux projets locaux à but non lucratif. Essentiellement, ce qui se passe là-bas, c'est qu'il y a des conseils consultatifs locaux qui recommandent ces projets pour leur utilité. Il n'en coûte rien aux gens sur place. Essentiellement, nous fournissons la main-d'œuvre, ils fournissent le matériel, et cela nous permet d'enrichir l'expérience et l'instruction des membres de l'unité.

Le sénateur Cordy : Vous avez parlé également d'endroits comme Bridgewater ou Pictou, où les municipalités donnent un coup de main sur le plan financier, et j'aimerais savoir quelle forme cela prend.

Le maj Hynes : J'aimerais bien. Non, elles nous louent en fait des installations.

Le sénateur Cordy : Très bien, cela me semble plus raisonnable. Oui. Pourriez-vous alors nous expliquer la différence qu'il y a dans l'emploi des réservistes de l'armée de l'air comparativement à ceux de l'armée de terre et de la marine?

Le maj Hynes : Strictement du point de vue de la Force aérienne, nous travaillons côte à côte avec nos homologues de la force régulière. Je veux dire par là qu'il n'y a pas de différence dans le travail que nous faisons et, comme je l'ai dit plus tôt, il n'y a aucune différence dans l'instruction. J'ai entendu de nombreux commentaires à ce sujet tels: « Je ne m'étais jamais rendu compte auparavant que ces personnes étaient des réservistes, » et elles occupent maintenant des postes de superviseur, bien que la transition se soit faite sans heurts.

Le sénateur Cordy : Ces réservistes sont-ils déployés aussi?

Le maj Hynes : Oui. Comme je l'ai dit, au cours du dernier exercice financier, nous avions 444 réservistes déployés, chez nous au Canada ou dans le cadre des opérations du SCEMD.

Le sénateur Cordy : Colonel McKinnon, je me rappelle que vous avez mentionné dans votre exposé le manque de ressources pour l'instruction. Je me demande seulement si les autres armées ont également du mal à trouver des ressources. De même, colonel McKinnon, j'aimerais savoir comment vous obtenez du financement supplémentaire. Vous disiez, je crois, que votre financement provenait de Gagetown, si je ne m'abuse. Est-ce le cas?

Le lcol McKinnon : Mon financement normal, le financement habituel, ce que j'appellerai le « financement de l'instruction », provient en fait du 36e Groupe-brigade du Canada qui est basé à Halifax. Mon infrastructure est financée par le 3e Groupe de soutien de zone, qui est basé à Gagetown et qui fournit les services du manège militaire et absorbe toute autre dépense infrastructurelle de ce genre. C'est là l'apport de Gagetown.

Le sénateur Cordy : Vous avez également parlé des ressources à Charlottetown, vous disiez que le manège militaire est très vieux, et que pour l'orchestre, on n'a pas l'acoustique voulue, et on manque de ressources d'instruction. Summerside devait fermer en 1993, ces installations sont donc un peu meilleures?

Le lcol McKinnon : À certains égards, Summerside est mieux équipée, et nous nous en servons pour donner nos cours parce que nous y avons assez d'espace pour avoir un dortoir et nous profitons aussi du nombre de salles de classe qu'il y a là-bas. Si le manège militaire de Charlottetown est relativement... eh bien, il n'est peut-être pas plus petit, mais il est beaucoup plus utilisé à cause du nombre de corps de cadets et des autres usagers de l'immeuble. C'est un immeuble plus ancien, et il n'a pas été bien conçu.

Le sénateur Cordy : Je pense que vous avez parlé de débrouillardise, et quand vous vous débrouillez, cela ne veut pas dire que vous devez consacrer un temps fou à la réallocation et à la planification de l'emploi de vos ressources?

Le lcol McKinnon : C'est exact.

Le sénateur Cordy : Donc que pouvons-nous faire pour vous aider?

Le lcol McKinnon : La réponse la plus simple consisterait à allouer davantage de ressources, ce qui n'est nouveau pour personne ici, je crois. Nous tâchons de nous débrouiller. Dans un système hiérarchique, on sait que les gens qui s'occupent des ressources au-dessus de vous, que ce soit au 3e GSZ de Gagetown ou au quartier général de la brigade à Halifax, ont leurs priorités, et on ne peut qu'espérer gravir l'échelle des priorités. Les ressources sont limitées, et il faut combler en premier les plus grands besoins, et on espère que ce sera notre tour l'an prochain, qu'il s'agisse des améliorations au manège militaire ou, peut-être, de crédits plus appropriés pour les aides didactiques et des ressources de ce genre. Cependant, nous y voyons, et si l'on continue d'identifier ces problèmes et de rappeler aux gens qu'ils existent, alors, normalement, après un certain temps, nous nous faisons entendre. C'est parfois un peu plus lent que je ne le voudrais.

Le sénateur Cordy : Qu'en est-il des réservistes de la marine? Avez-vous le même problème?

Le capt Mundy : L'immeuble où nous logeons, comme je l'ai dit dans mon allocution liminaire, est tout neuf, il n'a pas cinq ans, et sur le plan de l'infrastructure, il est excellent pour le soutien à l'instruction. C'est aussi le cas de l'équipement qu'on y trouve pour le soutien à l'instruction continue et l'instruction à la préparation au combat et l'instruction individuelle que nous assurons le mercredi et le samedi. La difficulté que nous avons est différente du fait qu'étant donné le calendrier d'instruction opérationnelle de la Réserve navale, qui assure l'instruction continue à nos réservistes de la marine à Halifax, et cetera, on a du mal à faire autoriser certaines exigences de la préparation au combat qui nécessitent plus de ressources, par exemple, un NDC, ou un navire de défense côtière, ce qui permet à nos réservistes de passer du temps sur les bateaux. La faculté que nous avons de nous servir de ces navires pour l'instruction est limitée. On ne nous offre en fait que quatre possibilités dans chaque année d'instruction. Dans certains cas, l'instruction est concentrée sur une période de deux semaines, ce qui peut être très difficile pour certains de nos réservistes de la marine qui doivent quitter leur travail ou leur établissement d'enseignement.

Le sénateur Cordy : Qu'en est-il des ressources pour les réservistes de la Force aérienne? Êtes-vous en mesure d'utiliser leur matériel?

Le maj Hynes : Oui. En fait, les réservistes n'ont pas d'équipement. Celui-ci appartient à la force régulière.

Le sénateur Cordy : Très bien. Major Hynes, vous avez dit que votre personnel avait été déployé, et je me demande seulement si vous trois avez déjà eu du personnel qui avait été déployé au cours des deux ou trois dernières années, et je voulais savoir au départ si ces personnes voulaient être déployées. Deuxièmement, si elles sont déployées, quel effet cela a-t-il sur vos unités à leur retour?

Le lcol McKinnon : Je vais commencer. Pour ce qui est de nos membres qui ont pris part au dernier déploiement, nous en avions quatre en Bosnie qui sont rentrés en octobre ou novembre 2003 et qui, oui, voulaient y aller. Ce qu'ils ont rapporté à notre unité, c'était, je crois, une motivation pour les autres personnes. Ils sont revenus et comptaient à leur actif un déploiement opérationnel, une tâche opérationnelle. Ils avaient vu la réalité du monde en face. À certains égards, pour beaucoup de monde, le fait d'aller en Bosnie leur a ouvert les yeux, et quand on voit la situation là-bas et qu'on en revient, on est très fier d'être Canadiens. Ils sont revenus avec cette fierté d'être Canadiens. Ils sont revenus avec cette fierté d'être membres des Forces canadiennes, et ils sont revenus avec la fierté de ce qu'ils avaient accompli là-bas, dans des circonstances assez difficiles. Je dirais donc que c'était une très bonne chose que de les ravoir dans l'unité parce qu'ils peuvent en quelque sorte partager cette expérience et cette réaction positive.

Deux de nos membres sont également allés sur les hauteurs du Golan, ce qui est une mission différente. C'est une mission assez statique, mais la vie n'est pas facile là-bas non plus à cause de la précarité de la sécurité au Moyen-Orient ces deux ou trois dernières années. Par conséquent, au lieu de ce qu'on appelait un peu à la blague une « mission de bronzage », c'était sûrement beaucoup plus que ça. Ils sont revenus avec le même genre de sentiment : la fierté et le professionnalisme, dans le cas des deux missions, tout comme celle à Haïti, où ceux qui sont revenus ont eu un effet très positif sur les unités. Nous voulons envoyer nos gens dans ce genre de déploiements, et ils veulent y aller.

Le capt Mundy : Sénateur, sur le NCSM Queen Charlotte, seulement deux personnes ont pris part à des déploiements internationaux au cours des deux dernières années : l'une en appui à une mission de la Réserve navale, qui est le contrôle de navigation commerciale, et l'autre en appui au NCSM Halifax dans le golfe Persique. La personne qui s'est jointe au NCSM Halifax n'a pas réintégré l'unité en fait. Elle a poursuivi avec le service de classe B, qui est un service à plein temps, à Halifax. Nous n'avons donc pas vu cette personne revenir au Queen Charlotte. Nous aimerions beaucoup la revoir. L'officier du contrôle naval de navigation commerciale est de retour avec nous et peut maintenant former son subalterne.

Le maj Hynes : Du point de vue de la Réserve aérienne, un grand nombre de nos gens ont été déployés. L'un des principaux griefs que nous entendons, c'est que c'est sur une base volontaire et les gens demandent à être déployés mais les possibilités sont tout simplement inexistantes.

Le sénateur Cordy : C'est très bien, mais lorsqu'ils rentrent d'une mission comme en Bosnie, par exemple, cela peut être très stressant. Je sais, major Hynes, que vous avez travaillé pour le compte du centre de ressources familiales. Les réservistes ont-ils accès aux ressources des centres à leur retour?

Le maj Hynes : Je peux en témoigner à partir de mon ancienne vie, c'est le cas. C'est un programme qui ne leur était pas offert à l'origine lorsque les CRFM ont été créés. Cependant, c'est une nécessité qui a été reconnue, particulièrement dans le cas des réservistes qui nous revenaient de déploiement et qui s'installaient dans de petites localités où il n'y avait pas de médecins ou de travailleurs sociaux des Forces canadiennes pour les aider. Voilà pourquoi il existe maintenant un programme d'extension des services; on s'assure ainsi que les gens sont suivis.

Le sénateur Cordy : Mais y a-t-il des centres de ressources pour les familles dans les petites localités? Comment allez- vous suivre quelqu'un qui a peut-être besoin de ces ressources?

Le maj Hynes : Dans le temps, à l'origine, on voulait s'assurer qu'il y avait un contact de suivi individualisé, et on voulait aussi garder contact avec l'unité de la personne pour s'assurer, vous savez, que les problèmes soient identifiés et réglés, et qu'on offre l'assistance voulue. Je le répète, je ne suis pas sûr de ce qui advient de ce programme aujourd'hui. Il y a trop d'années que je n'y suis plus pour en parler en connaissance de cause.

Le sénateur Cordy : Capitaine?

Le capt Mundy : Sénateur, si vous le permettez, le major ne le sait peut-être pas, étant donné qu'il est de Halifax, mais l'été dernier, le Centre de ressources pour les familles des militaires a en fait créé et doté en personnel un centre satellite ici même à Charlottetown. Il est basé au dépôt de services au parc industriel; ces services sont donc accessibles ici au centre satellite.

Le sénateur Day : Les centres de ressources pour les familles des militaires sont-ils accessibles aussi bien aux réservistes qu'aux membres de la force régulière?

Le capt Mundy : Absolument. Ils sont accessibles aux membres de la force régulière et aux réservistes de classe B, donc ceux qui sont à plein temps.

Le sénateur Day : À plein temps?

Le capt Mundy : C'est exact, sénateur. Cependant, cela étant dit, leurs services sont offerts, selon leur disponibilité, j'imagine, aux réservistes de classe A aussi.

Le sénateur Day : Très bien, merci.

Le lcol McKinnon : Me permettez-vous d'ajouter un mot?

Le sénateur Day : Oui, je vous en prie.

Le lcol McKinnon : Si un réserviste prend part à un déploiement et qu'il est par conséquent de classe C, j'imagine, et qu'il revient et retourne aux services de la classe A, il est admissible au suivi post-déploiement. Donc on ne coupe pas tous les liens lorsqu'on perd ce statut.

Le sénateur Day : Bien.

Le lcol McKinnon : On continue de les suivre.

Le sénateur Day : Qui décide quand ce service de suivi n'est plus nécessaire? Y a-t-il un temps limite?

Le lcol McKinnon : Pas vraiment. À cause du risque... Le syndrome de stress post-traumatique n'obéit pas toujours à la règle du temps, il n'y a donc pas de calendrier pour ça. Les fournisseurs de soins de santé et le militaire doivent vraiment décider, s'entendre pour dire que le service n'est plus utile avant de couper le cordon, si je puis dire.

Le sénateur Day : Chacun d'entre vous a des notes très complètes qui pourraient nous être très utiles. Pourrions- nous en obtenir copie? Pourriez-vous donner copie de vos notes au greffier à la fin de la séance? Cela nous serait très utile parce que, comme mon collègue le sénateur Cordy, j'ai eu du mal à suivre les informations que vous nous donniez, et il me semble qu'elles pourraient nous être très utiles.

Quand vous avez employé l'expression effectif « en activité », vous nous avez dit, et je n'emploierai pas les mêmes chiffres, mais disons qu'il y a 130 postes réguliers autorisés, et que votre effectif en activité est de 91. Vous pourriez peut-être nous expliquer, colonel, ce que veut dire l'expression « en activité ».

Le lcol McKinnon : Ce serait sûrement des réservistes de classe B puisqu'il s'agit de personnel à plein temps. Ce serait des réservistes de classe A qui participent de façon assez régulière aux défilés afin de maintenir leur statut comme personnel en activité. Dès qu'on rate cinq défilés ou cinq soirées de formation de suite, on est considéré comme inactif, et le processus de démobilisation s'enclenche. Ainsi, ceux qui sont en règle sont considérés comme faisant partie des effectifs « en activité » dans notre jargon. C'est là la principale catégorie, même s'il y en a d'autres. Ceux qui participent régulièrement aux défilés comme considérés en activité.

Le sénateur Day : Alors, le plus souvent, ceux qui sont jugés inactifs sont ceux qui ne se présentent tout simplement plus. Y en a-t-il d'autres, comme ceux qui sont malades ou qui sont absents? Tous les autres sont-ils inclus là-dedans aussi? Qu'en est-il des postes non encore comblés? Sont-ils inclus là-dedans aussi?

Le lcol McKinnon : Il y en a quelques-uns qui sont inactifs et qui, comme vous dites, sont tout simplement en train d'être démobilisés. Certains peuvent être désignés comme étant « excusés des exercices et de la formation ». Quand une personne a un problème dont elle sait qu'il va durer pendant un certain temps ou qu'elle doit s'absenter, même s'il s'agit d'un congé sabbatique en quelque sorte, elle est excusée des exercices et de la formation. Le niveau dépend de la durée de l'absence. Il s'agit là d'un autre type d'effectif désigné comme inactif. Ensuite, il pourrait aussi y en avoir qui seraient affectés à l'extérieur ou quelque chose de semblable.

Le sénateur Day : Vous avez parlé un peu plus loin dans votre exposé des postes approuvés qui ne sont pas comblés. Vous avez dit que vous n'aviez pas pu trouver un sergent pour s'en occuper. Où se situent ces postes dans les chiffres que vous nous avez donnés pour l'effectif « en activité »?

Le lcol McKinnon : Comme je l'ai indiqué, j'ai un niveau de dotation de 130; il s'agit du nombre maximal de personnes dont je devrais disposer étant donné la taille de mon unité, sinon j'en aurais en trop. J'en ai 91 qui sont en activité. Je voudrais faire passer le nombre à 130, mais — et le général Romses y a peut-être fait allusion plus tôt dans la journée — le financement pour notre région ne correspond de toute façon qu'à 58 ou 60 p. 100 de son niveau de dotation.

Le sénateur Day : Oui.

Le lcol McKinnon : Si nous avions plus de gens, nous nous heurterions au plafond monétaire, qui touche tout le monde, et qui est inférieur à notre niveau de dotation. Idéalement, je voudrais pouvoir recruter pour atteindre mon niveau de dotation et fonctionner à ce niveau.

Le sénateur Day : Ce à quoi je veux en venir en fin de compte, c'est que l'écart entre votre niveau de dotation et votre effectif en activité est attribuable en partie aux postes que vous n'avez pas comblés et en partie aux postes occupés par des personnes qui ne se présentent pas. Quelle est la différence entre les deux? Quel est le pourcentage attribuable à ceux qui ne participent pas aux défilés et quel est le pourcentage attribuable aux postes que vous n'avez pas comblés parce que vous n'avez pas l'argent voulu?

Le lcol McKinnon : Je n'ai pas les chiffres. Je dirais qu'il y a cinq personnes qui font partie de l'effectif inactif ou qui sont excusées des exercices et de la formation. Pour le reste, il s'agit de postes pour lesquels je n'ai pas encore recruté ou pour lesquels je n'ai pas l'argent nécessaire.

Le sénateur Day : Pourrais-je demander à chacun de vous de nous expliquer la différence entre votre niveau de dotation autorisé et votre effectif en activité et de nous dire ensuite quelle est la répartition? Il nous serait utile d'avoir cette information.

J'aimerais que chacun de vous nous parle un petit peu de recrutement et de transfert, puisque vous avez tous dit — en tout cas, la marine et l'armée l'ont dit — que vous aviez un certain nombre de personnes qui étaient passées de votre unité de réserve à la force régulière. Pourriez-vous nous parler de cela en premier? La transition s'est-elle faite assez facilement d'après vous? Pour ceux qui voulaient passer à la force régulière, le processus a-t-il été rapide et facile? Lieutenant-commandant?

Le capt Mundy : Je voudrais tout d'abord parler brièvement du transfert de la force régulière à la réserve, puisque c'est quelque chose que j'ai moi-même fait récemment. Le processus s'est révélé très simple. J'ai tout simplement choisi de faire partie du bassin de la réserve supplémentaire dans le cadre de la procédure devant conduire à ma libération de la force régulière.

Le sénateur Day : Oui.

Le capt Mundy : Peu de temps après, le commandant en poste ici, le lieutenant-commandant Alan Dale, qui était chef de la direction à l'époque, m'a contacté, et je lui ai offert mes services. Quand il a fait savoir au quartier général de la Réserve navale que j'étais disponible, on m'a alors fait passer du bassin de la réserve supplémentaire à un poste d'attache au sein de l'unité pour que je commence à participer aux défilés. Le tout s'est fait assez rapidement.

La seule chose qui m'a surpris dans tout cela, c'est que, quand on m'a proposé de faire partie de la Première réserve l'été dernier, il a fallu que je soumette de nouveau tous mes documents, mon certificat de naissance, mon certificat de mariage, les certificats de naissance de mes enfants, et cetera, à la Réserve navale. Cela m'a vraiment beaucoup surpris puisque tous ces documents se trouvaient déjà dans mon dossier d'officier de la force régulière. J'aurais pensé que les documents auraient pu simplement être envoyés à la réserve, mais ce n'était pas le cas. Ainsi, le processus qui permet de passer de la force régulière à la réserve est assez simple.

Il n'est pas aussi simple de faire l'inverse, et il y a beaucoup de facteurs différents qui font en sorte que cela prend plus de temps pour un réserviste naval de devenir membre de la force régulière. Le processus est beaucoup plus simple s'il veut rester dans le même GPM ou le même métier, puisqu'il a déjà la formation, et cetera, si bien que son dossier peut être traité un peu plus rapidement, et le processus est plus simple aussi s'il répond aux exigences médicales. L'analyse du dossier médical prend certainement plus de temps. D'après notre expérience, il faut de quatre à huit mois pour passer de la Réserve navale à la force régulière.

Le sénateur Day : Comment cela se compare-t-il au temps qu'il faut à la personne qui sort de l'école secondaire ou de l'université pour devenir membre de la force régulière ou de la réserve? Combien de temps faudra-t-il dans ce cas-là?

Le capt Mundy : Je ne peux que vous dire combien de temps il faut pour la personne qui sort de l'école secondaire ou de l'université pour devenir réserviste naval.

Le sénateur Day : Dites-moi alors ce qu'il en est dans ce cas-là.

Le capt Mundy : Si le dossier médical ne présente aucune irrégularité, autrement dit s'il n'y a pas de complications excessives qui exigent des documents médicaux supplémentaires, cela peut se faire en l'espace de deux mois.

Le sénateur Day : Si j'ai bien compris, chacune de vos unités a un responsable du recrutement qui traite avec le responsable du recrutement de la force régulière?

Le capt Mundy : C'est juste, sénateur.

Le sénateur Day : C'est bien cela? Alors, une fois que vous avez attiré les candidats, vous les aidez à passer par les différentes étapes, mais ils doivent tous se soumettre à la procédure de recrutement?

Le capt Mundy : Pour entrer dans mon unité, c'est effectivement ce qu'ils doivent faire.

Le sénateur Day : Il en va de même pour l'armée, et pour l'aviation?

Le lcol McKinnon : Tout à fait, sénateur.

Le sénateur Day : C'est bien ce que je pensais. Cette façon de procéder vous satisfait-elle? Est-ce une façon logique de faire les choses? Le tout vous semble bien se dérouler?

Le lcol McKinnon : Je crois que oui. Je me souviens de ce qu'était la situation — et je suis peut-être en train de révéler mon âge — il y a de cela x nombre d'années, quand l'enrôlement et le traitement des demandes suivaient deux filières complètement distinctes, et je ne pense pas que cette façon de procéder fonctionnait aussi bien que celle que nous avons maintenant. Tout est normalisé, le dossier médical et tout le reste.

Le sénateur Day : J'ai l'impression que vous n'avez aucun sujet de plaintes à cet égard. Voici ma dernière question. J'aimerais savoir si vous avez reçu des fonds distincts pour vous aider à assurer la liaison et à collaborer avec les premiers intervenants de la police et du service d'incendie à l'échelle locale. Si non, prévoyez-vous que cela va se faire?

Le lcol McKinnon : Je n'ai pas encore reçu de fonds distincts pour cela, sénateur. On est en train de créer des postes d'agent de planification des mesures d'urgence pour la région, dont un qui serait ici à Charlottetown, et je crois que cette personne pourrait travailler en collaboration avec les premiers intervenants. Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous avons une excellente relation avec les premiers intervenants, nous travaillons en étroite collaboration avec eux, et je ne prévois pas qu'il sera nécessaire d'obtenir des fonds supplémentaires.

À l'automne, nous avons voulu participer à un exercice conjoint avec des premiers intervenants, mais ils avaient déjà une longueur d'avance sur nous parce qu'ils avaient planifié l'exercice. Nous avons cherché à y participer, mais il était trop tard pour que nous puissions nous joindre à eux. Si toutefois nous avions pu y participer, nous disposions d'une certaine somme, je crois qu'il s'agissait de 5 000 $ ou 10 000 $, pour payer nos salaires pendant la fin de semaine que durerait l'exercice, et cela aurait été une bonne chose. Je ne crois donc pas qu'il y ait de parti pris institutionnel contre ce genre d'activité.

Le sénateur Day : Vous dites que vous avez une excellente relation mais que vous n'avez pas fait de formation conjointe. Savez-vous si votre équipement est interopérable? Utilisez-vous les mêmes acronymes et les mêmes termes? Avez-vous le type d'équipement qu'il faut pour intervenir en cas d'incendie d'origine chimique ou biologique ou dans d'autres situations comme celle-là? Avez-vous fait de la formation en ce sens jusqu'à maintenant?

Le lcol McKinnon : Nous venons tout juste de commencer à en parler et d'essayer de déterminer ce qu'ils ont de leur côté et ce que nous avons, ou ce que nous pourrions avoir, afin d'intervenir dans ce genre de situation. Nous ne chercherions pas à leur enlever leur responsabilité à cet égard, puisqu'ils ont pour mandat d'intervenir au niveau municipal ou provincial — voire fédéral — cela n'entre pas normalement dans le mandat du ministère, et cela n'entre certainement pas dans mon mandat. J'essaie simplement d'assurer la liaison avec les premiers intervenants pour savoir ce que nous pouvons faire pour les aider et pour déterminer s'il y a des trous dans leur capacité d'intervenir que nous pourrions peut-être combler. Nous commençons à peine à instaurer la capacité chimique, biologique, radiologique et nucléaire au sein de l'armée, dans le cadre de la Restructuration de la Réserve de la Force terrestre — Phase II. Comme je l'ai dit, nous en sommes encore au stade préliminaire.

Le sénateur Day : Nous savions qu'il y a eu cette annonce où il a été question du rôle de la réserve. Vous dites que le processus est en cours. Cela veut-il dire que vous commencez simplement à y penser?

Le lcol McKinnon : Je crois qu'il y a un essai en cours à Ottawa en ce moment. Les résultats de cet essai serviront, je crois, à décider du déploiement à l'échelle du Canada, et, partant, de notre rôle à nous dans la région Atlantique.

Le sénateur Banks : Avez-vous dit, lieutenant-commandant, que dans le cas d'un civil, il faut compter environ deux mois pour devenir membre à temps plein de la force régulière et que dans le cadre d'un réserviste, cela prend de quatre à huit mois?

Le capt Mundy : C'est juste dans le cas d'un civil qui veut devenir membre de la réserve.

Le sénateur Downe : Je suis préoccupé par le budget limité des Forces armées canadiennes dans l'Île-du-Prince- Édouard. Comme vous le savez, pendant les guerres, l'Île-du-Prince-Édouard avait les taux de participation les plus élevés et je crois qu'à l'heure actuelle — le président du comité pourra peut-être se renseigner —, nous avons le niveau de dépenses par habitant le moins élevé de toutes les provinces canadiennes depuis que la base aérienne de Summerside a été fermée. Major, il n'y a pas de réserve aérienne dans l'Île-du-Prince-Édouard à l'heure actuelle, n'est-ce pas?

Le maj Hynes : Non.

Le sénateur Downe : Il n'y en a pas.

Quand nous en avions une... bien entendu quand nous avions la base des Forces canadiennes de Summerside, nous avions des cadets de l'air, dont certains passaient à la Réserve aérienne. Vous n'étiez peut-être pas là à l'époque, mais je m'en souviens pour avoir fait partie des cadets de l'air. Comme j'avais décidé que je préférais rester au sol, je suis passé au Prince Edward Regiment et au manège Queen Charlotte. Nous avons des noms très originaux. Nous avons le manège Queen Charlotte et, au bout de la rue, il y a la Réserve navale Queen Charlotte.

Le manège était désuet à l'époque. Ce que nous avions comme équipement, c'était, je crois, des restes de la Seconde Guerre mondiale, mais nous avions d'excellents programmes. Nous pouvions participer à un programme d'été et aller passer deux semaines à Gagetown, puis faire le reste de la formation à Charlottetown. Avec pour résultat que beaucoup d'entre nous ne restaient pas là à traîner dans les rues de Charlottetown, et je suis sûr que c'était là un des objectifs. Ce programme existe-t-il toujours, colonel?

Le lcol McKinnon : Le programme comme tel n'existe pas, non. La formation militaire de base se fait normalement à temps partiel ou les fins de semaine, et il y a justement un cours qui vient de commencer vendredi. L'été dernier, nous avons offert un cours de qualification militaire de base de quatre semaines à Summerside. Il s'agissait d'une formation à plein temps, à raison de six jours par semaine, qui a donné d'excellents résultats. Il en coûte plus cher pour offrir une formation intensive comme celle-là que pour la formation qui se fait uniquement les fins de semaine. Il en a coûté quelque 10 000 $ à l'unité, un montant qui a dû être pris ailleurs dans le budget. Les résultats obtenus ont été excellents, mais ce n'est peut-être pas la meilleure façon de procéder.

Le sénateur Downe : Combien de personnes ont participé à ce cours de quatre semaines?

Le lcol McKinnon : Pour ce cours-là, nous avions 11 étudiants et quatre membres du personnel.

Le sénateur Downe : Il y a bien des années de cela, nous étions, je crois, entre 80 et 120 à participer au programme dont je parlais, et qui a disparu lui aussi. Il nous reste le manège, mais je n'y ai pas mis les pieds depuis des années et il est sans doute en plus mauvais état qu'il ne l'était. L'enceinte de Brighton relève-t-elle de vous aussi?

Le lcol McKinnon : Non, sénateur. Elle appartient au Régiment des communications 721 du Commandement des communications.

Le sénateur Downe : Je voudrais revenir à une question du sénateur Day, car je n'ai pas très bien compris les chiffres que vous avez donnés. D'après mes notes, il vous manque 56 postes, y compris des postes de la fanfare. Il semble que vous n'ayez que la moitié des effectifs pour votre fanfare. J'espère qu'ils ont tous leurs instruments par contre. Mais il vous manque 56 personnes et vous avez indiqué qu'il y a cinq postes que vous n'avez pas l'intention de combler. Cherchez-vous toujours à recruter 50 personnes? Ai-je bien compris?

Le lcol McKinnon : J'essaie de me rappeler tous les chiffres. Je voudrais pouvoir recruter jusqu'à concurrence de mon niveau de dotation.

Le sénateur Downe : Qui est de 130.

Le lcol McKinnon : Cent trente, plus la fanfare. On a fixé un objectif cette année; au début, c'était 20, puis c'est passé à 30. J'en suis maintenant à 22.

Le sénateur Downe : Vingt-deux?

Le lcol McKinnon : Oui, alors nous sommes en bonne voie. Je crois que, si le financement se maintient à un niveau acceptable, je pourrai sans doute me rapprocher des 130.

Le sénateur Downe : Vous ai-je bien compris? Avez-vous dit que, si vous recrutiez 130 personnes, vous n'aurez pas le budget pour les accueillir?

Le lcol McKinnon : À l'heure actuelle, le niveau de dotation pour la région n'est pas financé à 100 p. 100. C'est pour cela que j'ai dit que le niveau était d'environ 50 ou 60 p. 100.

Le sénateur Downe : Tout à fait. Donc votre niveau de dotation n'est pas vraiment de 130, puisqu'il vous faudrait aller chercher des fonds si vous arriviez à 130. N'est-ce pas?

Le lcol McKinnon : Eh bien, il nous faudrait trouver l'argent ailleurs. Il nous faudrait réduire les fonds pour la formation ou pour quelque chose d'autre.

Le sénateur Downe : Encore un exemple de la réduction des dépenses dans l'Île-du-Prince-Édouard ces dernières années. Commandant, vous avez dans l'Île-du-Prince-Édouard un bâtiment que l'on peut apparenter à une Cadillac, mais votre budget semble très limité. Quel est votre budget total? Vous ai-je bien compris? Avez-vous bien dit qu'il est d'un peu moins de 370 000 $ pour l'année?

Le capt Mundy : C'est bien cela, sénateur. Nous avons 290 000 $ pour le personnel de classe A et 72 000 $ pour les frais généraux et l'entretien et pour le service temporaire.

Le sénateur Downe : Le bâtiment est vraiment magnifique.

Le capt Mundy : En effet.

Le sénateur Downe : Mais il vous faut plus d'argent pour qu'il puisse accueillir plus de personnel. Cela revient encore une fois, monsieur le président — et j'y vais encore de ma rengaine au sujet du sous-financement flagrant dans l'Île-du- Prince-Édouard.

Le président : Nous vous avons bien entendu, sénateur Downe, et nous vous écoutons.

Le sénateur Downe : Le colonel a désespérément besoin d'infrastructure, le commandant a besoin de plus d'argent, tout comme le colonel, et pour ce qui est de l'aviation, elle n'est même pas présente ici. Nous sommes heureux que le major Hynes soit venu nous rencontrer aujourd'hui, mais il nous faut plus d'argent pour la Réserve aérienne.

Le président : Sénateur Downe, nous avons pris bonne note de vos demandes de renseignements. Nous allons veiller à ce que le personnel du comité y donne suite à Ottawa, et nous tâcherons de vous obtenir les réponses le plus rapidement possible, notamment en ce qui concerne les dépenses par habitant.

Le sénateur Atkins : Merci. Ma première question concerne encore une fois la fanfare. Combien de personnes comptez-vous dans votre fanfare?

Le lcol McKinnon : La fanfare compte actuellement 18 membres, et nous avons une recrue qui suit actuellement la formation de qualification militaire de base. Il y a un an, elle en comptait 22, si bien que l'effectif a baissé un peu par rapport à l'an dernier. Nous ne nous attendions pas vraiment à cette baisse, si bien que nous essayons de rehausser l'effectif. À cause de la taille de la fanfare, nous cherchons des gens qui sont déjà, dans une certaine mesure, des musiciens de talent, et idéalement, nous préférerions qu'ils sachent jouer de plus d'un instrument. Le chef de fanfare n'est pas prêt à accepter n'importe qui. Nous avons deux musiciens parmi les recrues potentielles, mais c'est un peu plus difficile et cela prend un peu plus de temps parce que le bassin est assez petit comparativement au personnel blindé de reconnaissance.

Le sénateur Atkins : Il s'agit de personnel en sus de votre niveau de dotation de 130?

Le lcol McKinnon : C'est bien cela. Le niveau de dotation de la fanfare est de 35, et le niveau de financement prévu se situe entre 22 000 $ et 25 000 $ environ.

Le sénateur Atkins : Quand on demande à la fanfare de participer à une activité communautaire, le faites-vous gratuitement ou faites-vous payer l'organisme responsable?

Le lcol McKinnon : Je dirais que, à ma connaissance, la fanfare joue toujours gratuitement. Dans certains endroits où j'ai déjà été affecté, en Alberta, par exemple, il arrivait que la fanfare manquait d'argent; comme les responsables tenaient à ce que la fanfare participe aux activités communautaires, ils acceptaient de lui verser un cachet. Cela peut se faire, mais cela ne se fait généralement pas dans l'Île-du-Prince-Édouard, soit parce que nous avons affaire à d'habiles négociateurs soit parce que le chef de musique gère bien le budget de la fanfare.

Le sénateur Atkins : Dans toutes les discussions que nous avons eues au sujet des réservistes, il n'a jamais été question des femmes. Recrutez-vous des femmes, ou combien de femmes avez-vous dans votre régiment?

Le lcol McKinnon : Je dirais que, fanfare et régiment confondus, il y en a 24; c'est le dernier chiffre que j'ai vu. Il devrait y en avoir plus, et nous travaillons là-dessus.

Le sénateur Atkins : Que répondriez-vous?

Le capt Mundy : Sénateur, je ne connais pas le nombre exact de femmes que nous avons dans notre unité, mais nous en avons pas mal, et nous constatons que beaucoup des diplômés d'université qui se joignent à l'unité sont des femmes.

Le sénateur Atkins : Pour ce qui est du recrutement, donc, vous faites des efforts pour recruter des femmes?

Le capt Mundy : Nous ne ciblons pas les femmes en particulier. Nous ciblons tous ceux qui sont admissibles.

Le sénateur Atkins : Très bien.

Le capt Mundy : Mais nous avons certainement des femmes qui nous arrivent comme recrues. Je crois d'ailleurs que l'été dernier, la grande majorité des recrues que nous avons envoyées étaient en fait des femmes.

Le sénateur Atklins : Voici ma dernière question. Ceux qui passent à la force régulière conservent-ils le rang qu'ils avaient dans la réserve? Qu'arrive-t-il quand ils reviennent?

Le capt Mundy : Je vais d'abord vous parler de mon cas à moi, sénateur. J'ai conservé le rang que j'avais dans la force régulière quand je suis passé à la force de réserve. Je ne peux pas vous dire ce qui se passe dans tous les cas, mais je sais que, dans deux ou trois cas, ou bien les personnes ont conservé leur rang ou bien elles ont été rétrogradées d'un rang quand elles sont passées de la réserve à la force régulière.

Le sénateur Atkins : Mais vous êtes officier. Je pense ici aux militaires du rang.

Le capt Mundy : Je ne peux pas répondre à votre question pour le moment, sénateur. Je ne suis pas sûr. Peut-être qu'un des autres témoins pourrait vous répondre.

Le lcol McKinnon : Quand vous parlez de passer à la force régulière, voulez-vous dire participer à un déploiement?

Le sénateur Atkins : Je pense par exemple aux membres de la réserve qui seraient envoyés en Bosnie ou dans le plateau du Golan.

Le lcol McKinnon : Ils conserveraient leur rang pendant leur déploiement. Le plus souvent, quand ils sont déployés, ils conservent leur rang, celui qu'ils avaient avant de partir, parce qu'ils sont qualifiés en tant que caporal-chef ou sergent de la réserve, ou je ne sais quoi encore. Ils conservent leur rang pendant leur service là-bas, et ils ont toujours le même rang quand ils reviennent.

Le maj Hynes : J'aurais quelque chose à ajouter à cela. Il arrive que certains soient rétrogradés, selon le poste où ils sont déployés. Le plus souvent, nous nous efforçons de faire en sorte qu'ils puissent conserver leur rang, mais s'il y a possibilité de conflit du point de vue hiérarchique, il se peut qu'ils doivent être rétrogradés d'un rang le temps de leur déploiement.

Le sénateur Atkins : L'expérience qu'ils auraient acquise pendant leur déploiement accroîtrait-elle leurs possibilités d'avancement à leur retour?

Le lcol McKinnon : Oui, certainement.

Le sénateur Atkins : Merci, monsieur le président.

Le président : Merci beaucoup, sénateur Atkins. Nous pourrions peut-être vous demander, puisque vous allez nous envoyer de l'information de toute façon, si vous pourriez nous envoyer en même temps l'information demandée au sujet des femmes.

Au nom du comité, je tiens à vous dire comme nous vous sommes reconnaissants d'être venus nous rencontrer ici aujourd'hui. L'après-midi a été très profitable pour nous. Il est juste de dire que vous avez contribué de façon considérable à accroître notre connaissance du sujet, et nous vous en sommes très reconnaissants.

Nous constatons qu'il nous reste encore beaucoup à apprendre sur la façon dont fonctionnent les réserves au Canada, et la séance de cet après-midi nous a été très utile.

Merci beaucoup. Nous apprécions le travail que vous faites. Nous vous demanderions de bien vouloir transmettre aux hommes et aux femmes qui servent à vos côtés comme nous sommes fiers du travail qu'ils font et comme nous leur sommes reconnaissants de ce qu'ils font pour les Canadiens. Merci encore d'avoir été là cet après-midi.

La séance est levée.


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