Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 19 - Témoignages du 11 avril 2005
OTTAWA, le lundi 11 avril 2005
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 11 h 50 afin d'examiner, pour ensuite en faire rapport, la politique nationale sur la sécurité pour le Canada.
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, mesdames et messieurs. J'ai le plaisir de vous accueillir au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Aujourd'hui le comité entendra des témoignages en prévision de sa prochaine visite à New York et à Washington.
Je commencerai par vous présenter les membres de notre comité. Le distingué sénateur de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Michael Forrestall, a servi les électeurs de Darmouth pendant 37 ans, tout d'abord comme député puis comme sénateur. Lorsqu'il était député, il a fait partie de l'opposition officielle et a été porte-parole en matière de défense de 1966 à 1976. Il est également membre de notre sous-comité des Affaires des anciens combattants.
Le sénateur Michael Meighen est avocat et membre des Barreaux du Québec et de l'Ontario. Il est chancelier de l'Université de King's College et président sortant du Festival de Stratford. Il détient des doctorats honorifiques en droit civil de l'Université Mount Allison et de l'Université du Nouveau-Brunswick. À l'heure actuelle, il est président de notre sous-comité des Affaires des anciens combattants ainsi que membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.
[Français]
Le sénateur Pierre Claude Nolin est originaire du Québec. Il est avocat et sénateur depuis 1993. Il a présidé le Comité sur les drogues illicites et il est présentement vice-président du Comité sénatorial de la Régie interne, des budgets et de l'administration. Sur la scène internationale, depuis 1994, il est le délégué du Parlement du Canada à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. Il est le vice-président de cette organisation et le rapporteur de ce comité sur les sciences et la technologie.
[Traduction]
Le sénateur Norman Atkins vient de l'Ontario. Il est arrivé au Sénat avec 27 années d'expérience dans le domaine des communications. Il a agi à titre de conseiller principal auprès de l'ancien chef fédéral conservateur Robert Stanfield, auprès du premier ministre William Davis de l'Ontario et du premier ministre Brian Mulroney. Il fait également partie du sous-comité des Affaires des anciens combattants.
Le sénateur Tommy Banks vient de l'Alberta. Il est président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui vient de publier un rapport intitulé, Le défi d'une tonne : Passons à l'action! C'est un musicien et un artiste polyvalent, qui a entre autres assuré la direction musicale des cérémonies aux Jeux olympiques d'hiver de 1988. Le sénateur Banks est officier de l'Ordre du Canada et a reçu un prix Juno.
Madame le sénateur Jane Cordy vient de la Nouvelle-Écosse. Au cours de sa carrière distinguée en éducation, elle s'est également illustrée par son engagement au service de la collectivité. Elle a entre autres assumé la vice-présidence de la Commission de développement du port de Halifax-Dartmouth. Elle est présidente de l'Association parlementaire Canada-OTAN et membre du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
Le sénateur Jim Munson est originaire de l'Ontario. Journaliste de renom, il était directeur des communications pour le premier ministre Chrétien avant d'être appelé au Sénat en 2003. Le sénateur Munson a été nommé deux fois pour le prix Gemini d'excellence en journalisme.
Notre comité est le premier comité sénatorial chargé d'examiner la sécurité et la défense. Le Sénat a demandé à notre comité d'examiner la nécessité d'une politique en matière de sécurité nationale. Nous avons commencé par un examen en 2002 et cette année-là nous avons rédigé trois rapports : L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense, déposé en février; La défense de l'Amérique du Nord : Une responsabilité canadienne, déposé en septembre; et Mise à jour sur la crise financière des Forces canadiennes : Une vue de bas en haut, déposé en novembre. En 2003, le comité a publié deux rapports : Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens en janvier; et Les côtes du Canada : Les plus longues frontières mal défendues au monde, en octobre. En 2004, nous avons déposé deux rapports : Les urgences nationales : Le Canada, fragile en première ligne, en mars; et récemment Le manuel de sécurité du Canada, édition 2005.
Le comité est en train d'examiner la politique de défense. Au cours des prochains mois, il tiendra des audiences dans toutes les provinces pour demander aux Canadiens et aux Canadiennes de définir l'intérêt national, quelles sont les principales menaces qui, à leur avis, pèsent sur le Canada et comment ils voudraient que le gouvernement réponde à ces menaces. Le comité va tenter de susciter un débat sur la sécurité nationale du Canada et de dégager un consensus sur le type de forces militaires que les Canadiens veulent et dont ils ont besoin.
Aujourd'hui nous accueillons un groupe qui va nous aider à nous préparer en prévision d'une prochaine visite aux États-Unis. Nous entendrons M. Bill Crosbie, directeur général, Direction de l'Amérique du Nord, Affaires étrangères Canada. Il a travaillé au gouvernement fédéral depuis 1986, à titre de conseiller ministériel dans les portefeuilles des Transports, du Commerce international et des Pêches et des Océans, et à titre de négociateur commercial. Son expérience des négociations commerciales a débuté avec l'Accord de libre-échange canado-américain et s'est poursuivie avec l'Accord de libre-échange nord-américain. En août 2000, il a été nommé ministre-conseiller pour la politique économique et commerciale à l'ambassade du Canada à Washington. En septembre 2004, il a été nommé au poste qu'il occupe actuellement, dans le cadre duquel il est responsable des relations bilatérales du Canada avec les États-Unis et le Mexique, et du programme trilatéral Canada-États-Unis-Mexique.
Comme M. Crosbie a des problèmes avec sa voix aujourd'hui, il sera aidé de M. John Kneale, coordonnateur exécutif du Groupe de travail sur la représentation accrue aux États-Unis, qui lira la déclaration liminaire de M. Crosbie.
Nous accueillons également Mme Barbara Martin, qui a récemment assumé la direction des relations de sécurité et de défense, Affaires étrangères Canada. Jusqu'en août 2004, elle était directrice de la Division de la sécurité régionale et du maintien de la paix. Elle est entrée au service extérieur en 1982 et a travaillé à l'ambassade du Canada à Manille ainsi qu'à la délégation canadienne auprès de l'Organisation pour la coopération et le développement économique en Europe, de même qu'au Secrétariat de la politique étrangère et de la défense du Bureau du conseil privé. À l'administration centrale, elle s'est occupée de questions de droits de l'homme, des relations économiques avec les pays en développement, de l'OTAN, des relations canado-américaines en matière de sécurité et des relations avec l'Asie du Sud.
Nous accueillons également Mme Evelyn Puxley, qui a été nommée directrice de la Division du crime international et du terrorisme, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada en septembre 2004. Elle a été l'ambassadrice et la représentante permanente du Canada auprès de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe de 2000 à 2004. Parmi les postes précédents occupés par Mme Puxley sur plus de 20 ans de carrière au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, citons l'ambassade du Canada à Washington, la délégation canadienne auprès de l'OTAN à Bruxelles et l'ambassade du Canada à Moscou. À Ottawa, elle a travaillé à la Division de l'Europe de l'Est à titre de directrice adjointe responsable de l'Europe centrale et des Balkans, à la Division de l'Union européenne à titre d'adjointe ministérielle au Secrétaire des affaires extérieures de l'époque; et aux Relations de défense à la Direction du Moyen-Orient.
Nous allons commencer par M. Kneale qui parlera au nom de M. Crosbie.
M. John Kneale, coordonnateur exécutif, Initiative de représentation accrue aux États-Unis, Affaires étrangères Canada : Monsieur le président et sénateurs, je tiens à vous remercier de m'avoir offert l'occasion de prendre la parole devant votre comité. Je tiens tout d'abord à attirer votre attention sur la trousse de documents qui vous a été remise, et en particulier sur un document intitulé « Principaux messages » qui aborde un grand nombre de questions se rattachant au programme bilatéral du Canada et des États-Unis. Il s'agit de la toute dernière version et je crois que ce document vous sera utile en prévision de votre voyage à Washington.
On n'insistera jamais assez sur l'importance d'une collaboration régulière avec vos homologues américains. Comme vous le savez, le Canada récemment n'a pas eu bonne presse aux États-Unis. Le Wall Street Journal nous a traités de profiteurs en matière de défense, et le New York Times a parlé de la porosité de la frontière du nord. Le Canada a également fait l'objet de nombreuses remarques négatives à l'émission The O'Reilly Factor ainsi qu'ailleurs dans les médias américains.
Il est essentiel de contrer cette tendance négative à l'aide de faits. Les faits racontent une histoire tout à fait différente. Votre auditoire est particulièrement influent. En temps voulu, nos collègues du MDN et du BCP vous fourniront plus de détails sur des questions qui se rattachent à la défense, à la sécurité et à la frontière.
[Français]
Cet après-midi, mes remarques porteront sur la relation Canada-États-Unis en matière de défense. Tout d'abord, je parlerai de la situation politique aux États-Unis. Ensuite, je ferai un survol de l'état des relations Canada-États-Unis et enfin, ma conclusion mettra l'accent sur les questions importantes d'aujourd'hui et celles d'un futur rapproché.
Pour commencer, la situation politique aux États-Unis. Trois ans et demi après le 11 septembre, le gouvernement des États-Unis demeure centré sur la question de la sécurité nationale. Le congrès est profondément préoccupé par tous les aspects de la sécurité du territoire américain et de la guerre contre le terrorisme.
[Traduction]
Les commissions continuent de faire état des carences des services américains du renseignement. De vastes secteurs du gouvernement américain ont été réaménagés pour renforcer la sécurité du territoire américain, et les milieux du renseignement ont été dotés d'un nouveau chef. Les alliés sont maintenant évalués en fonction de leur contribution à la guerre en Irak et aux campagnes contre le terrorisme et sa prolifération. Le rôle qu'ils ont joué à l'époque de la Guerre froide n'a aucune importance. Les plus proches alliés des Américains à l'époque de la Guerre froide — l'Allemagne, la France et, à certains moments, le Canada — ont connu des relations tendues avec Washington.
Des pays qui auparavant étaient brouillés avec les États-Unis ou hostiles envers eux sont maintenant d'importants partenaires, comme la Russie et l'Inde. L'administration américaine concentre désormais son attention sur un ambitieux programme de politique intérieure, y compris la réforme de la sécurité sociale et des réductions d'impôt permanentes. Le président Bush aura bientôt l'occasion de faire sa première nomination à la Cour suprême, et cela donnera lieu à d'énormes débats internes sur les questions sociales, sur la place des valeurs religieuses dans une société laïque et sur d'autres questions connexes.
Nous aurions tort de croire que rien n'a changé aux États-Unis. Depuis le début de la guerre froide, nous n'avons pas constaté autant d'efforts déployés pour préparer le pays à ce qui s'avèrera être une lutte prolongée, comme on le reconnaît ouvertement. Les enjeux sont élevés. Malgré les jugements erronés à propos des programmes d'armement en Irak, on constate l'existence d'un vaste consensus selon lequel les États-Unis sont de plus en plus vulnérables à des menaces qui ressemblent aux intrigues des romans de Tom Clancy. Dans le cadre de la stratégie nationale du président Bush, destinée à combattre les armes de destruction massive, tout un éventail d'initiatives de lutte contre leur prolifération et le terrorisme fait désormais partie des priorités de la politique étrangère contemporaine des États-Unis.
Depuis les événements du 11 septembre, le Canada a agi à titre de partenaire à part entière pour renforcer les défenses de l'Amérique du Nord et poursuivre les terroristes en utilisant la gamme complète des pouvoirs nationaux — la défense, la diplomatie et le développement. Depuis 2001, le gouvernement du Canada s'est engagé à consacrer plus de 9,5 milliards de dollars pour améliorer la sécurité, et a également consacré des millions de dollars supplémentaires aux opérations de combat et de stabilité et à l'appui du développement démocratique en Irak et en Afghanistan. Le gouvernement a réaménagé sa structure pour renforcer la coordination et les décisions en matière de sécurité nationale et pour permettre une coopération plus solide avec notre allié américain. Le gouvernement du Canada fait également un effort concerté pour renforcer les Forces canadiennes, s'étant engagé tout dernièrement à consacrer 12 milliards de dollars supplémentaires à la défense au cours des cinq prochaines années.
Cependant, dans un climat où l'on considère que si vous n'êtes pas avec nous, vous êtes contre nous, certaines questions, comme l'Irak et le MDN, sont les pierres de touche de la loyauté d'un allié. Nos autres réalisations sont moins bien connues. C'est pourquoi, le défi immédiat auquel fait face le Canada est simplement de s'assurer que notre pays ne devient pas victime de renseignements erronés ou faussés, propagés par des journalistes agressifs dont l'intérêt est de raconter une bonne histoire et non de rapporter les faits prosaïques établissant l'existence d'une coopération efficace entre le Canada et les États-Unis.
Pour relever ce défi, des changements d'envergure ont été apportés à l'administration de cette relation, comme en témoigne l'intensification des activités de sensibilisation et de diplomatie publiques qui se déroulent dans l'ensemble des États-Unis. Grâce à l'initiative de représentation accrue, un partenariat à l'échelle du gouvernement, nous avons désormais 22 missions aux États-Unis — sept de plus qu'il y a seulement deux ans — et nous sommes en train de nommer jusqu'à 20 consuls honoraires dans des villes importantes.
À notre ambassade à Washington, nous avons mis sur pied le nouveau secrétariat de défense des intérêts canadiens afin de répondre aux besoins des parlementaires ainsi que des provinces et des territoires. L'ambassadeur Frank McKenna dirige notre équipe. Il a déjà fait plusieurs interventions énergiques y compris à un éditorial récent paru dans le New York Times sur la sécurité de la frontière canado-américaine, qui comportait des erreurs factuelles.
[Français]
Un deuxième élément important dans l'évolution des relations Canada-États-Unis est l'accroissement de l'aspect nord-américain de ces relations. Cela était d'ailleurs le thème de la rencontre entre le premier ministre et les présidents Bush et Fox à Wako au Texas.
En ce qui concerne les dossiers importants, il convient d'être flexible quant aux irritants commerciaux qui n'affectent qu'une infime partie du commerce entre nos deux pays. Dans une relation aussi grande, il y a toujours des différends. La compétitivité entre l'Amérique du Nord, l'Union européenne et les économies en émergence de l'Asie reste une question plus importante.
[Traduction]
Il ne s'agit pas de mercantilisme, ni de blocs. Notre idéal d'une plus grande libéralisation du commerce et de l'investissement continue d'être un idéal de portée internationale, mais nous devons consolider notre propre entité économique. C'est un objectif clé du nouveau partenariat nord-américain qui s'inspire du modèle des frontières intelligentes pour assurer la concrétisation de nos objectifs économiques et de sécurité.
Nous devrons composer avec ces questions de sécurité et de défense pour un avenir indéfini. Nos collègues du MDN et du BCP vous fourniront plus de détails à ce sujet. Les questions de défense et de sécurité représentent un pilier de la relation tout aussi importantes que les questions commerciales et économiques. Leur gestion efficace est indispensable à la solidité générale de cette relation bilatérale. Nos succès peuvent être éclipsés pas nos désaccords relativement rares. Le défi pour le Canada consistera donc à faire connaître nos principaux messages sur les aspects positifs.
Mme Barbara Martin, directrice, Direction des relations de la sécurité et de la défense, Affaires étrangères Canada : Je tiens à vous présenter des excuses pour l'absence de Jim Wright, le sous-ministre adjoint responsable de cet aspect de nos relations. Il se trouve à l'heure actuelle en Europe, en Inde et au Pakistan où il est en train d'entreprendre des négociations et des discussions. Il vous prie de bien vouloir excuser son absence.
Comme on l'a indiqué clairement, la sécurité est une question clé dans le cadre des relations canado-américaines et est devenue une préoccupation d'autant plus grande depuis les événements du 11 septembre. Les États-Unis considèrent que la sécurité intérieure est désormais un grave sujet de préoccupation. C'était la première fois que les États-Unis étaient attaqués par des forces étrangères en sol américain. Ces attentats ont été pour les États-Unis une brutale prise de conscience qui s'est répercutée partout dans le monde.
Pour les États-Unis, cela a donné lieu à ce qu'ils appellent « partie à domicile » et la « partie jouée à l'étranger ». Vous les entendrez peut-être utiliser ces expressions lorsque vous serez à Washington. La partie à domicile concerne le continent et les frontières. Dans la perspective américaine, cela signifie le Canada et le Mexique; leur frontière au nord et leur frontière au sud. La partie jouée à l'étranger consiste à empêcher la menace d'atteindre leurs côtes, et porte sur les problèmes que posent les États non viables et la prolifération des armes en particulier.
La coopération entre le Canada et les États-Unis a été très poussée dans ces deux secteurs, et s'est intensifiée depuis les événements du 11 septembre. Nous sommes en train d'entreprendre des activités qui sont dans l'intérêt de nos deux pays. Il ne s'agit pas strictement d'activités qui sont dans l'intérêt d'un pays ou de l'autre. Dans la partie à domicile, la gestion des frontières et le maintien de la circulation des marchandises de part et d'autres de la frontière sont des aspects essentiels.
Pour notre part, nous nous intéressons à la défense du continent. Notre coopération avec les États-Unis en matière de défense remonte à 1940 au moment de la création du Conseil mixte permanent de défense et par la suite de la création de NORAD, le commandement aérospatial de l'Amérique du Nord, qui a été constitué en 1958. NORAD représente l'institutionnalisation concrète de notre coopération bilatérale pour la défense de l'Amérique du Nord. Il s'agit d'une institution unique d'un commandement binational, ce qui signifie qu'un commandant américain et un commandant adjoint canadien travaillent côte à côte dans le même établissement. Notre coopération en matière de défense s'est également développée par l'intermédiaire d'une multitude d'accords, de protocoles d'entente et de traités.
Des adaptations ont été apportées à NORAD depuis les événements du 11 septembre. Désormais, au lieu de se tourner uniquement vers l'extérieur pour défendre l'espace aérien national du Canada et des États-Unis contre des menaces provenant d'au-delà de nos frontières, NORAD assure la gestion et la surveillance d'activités dans notre propre espace aérien. Par conséquent, il se tourne autant vers l'intérieur que vers l'extérieur. Il est maintenant relié à NAV CANADA et à la FAA aux États-Unis.
Depuis les événements du 11 septembre, nos relations en matière de défense ont fait l'objet d'adaptations supplémentaires grâce à la création du groupe de planification binational, mis sur pied en 2002 pour examiner des façons d'améliorer notre planification et notre surveillance militaire binationales et le genre de soutien que nos militaires peuvent apporter aux instances civiles. Ce groupe partage des locaux avec NORAD à Colorado Springs, où est situé NORTHCOM, le commandement américain responsable de la défense du territoire américain.
En août 2004, NORAD a été modifié pour permettre que les renseignements provenant de la fonction d'alerte antimissile qu'il exerce depuis plus de 30 ans, soient partagés avec les commandements américains responsables de la défense antimissile. Cela ne comportait pas une décision de la part du Canada de participer à la défense antimissile, mais permettait simplement au commandement américain d'avoir accès aux renseignements que produit déjà NORAD.
Nous sommes en train d'examiner le renouvellement de NORAD et la façon dont nous pouvons améliorer notre coopération en matière de défense avec les États-Unis pour défendre l'Amérique du Nord. En particulier, nous examinons des moyens d'améliorer la coopération dans le secteur maritime et aussi le soutien que nous apportons aux instances civiles. Il est possible d'améliorer NORAD, mais nous examinons aussi des façons de le faire par d'autres moyens que NORAD. Des travaux et des discussions à cet égard sont en cours et je ne suis donc pas en mesure de vous donner plus de détails à ce sujet pour l'instant.
Nos deux pays ont tout intérêt à examiner la façon dont nous pouvons coopérer plus étroitement pour assurer la défense de l'Amérique du Nord. La menace a changé, et nous devons nous préparer à faire face à toutes menaces.
Pour ce qui est de la partie jouée à l'étranger, nous coopérons aussi étroitement avec les États-Unis pour tenir compte des préoccupations que suscite la prolifération des armements, nos rapports avec des États non viables comme l'Afghanistan, Haïti et le Soudan, et afin de promouvoir des normes et des mesures internationales pour accroître la paix et la sécurité mondiales. Il s'agit d'empêcher la menace d'atteindre nos rivages tout autant que de projeter nos valeurs et de promouvoir la paix et la sécurité pour les autres.
Quant à la non-prolifération, au contrôle des armements et au désarmement, nous travaillons depuis longtemps et étroitement avec les États-Unis sur une vaste gamme de questions. La non-prolifération est l'une des grandes priorités des États-Unis. Nous travaillons de concert avec eux au sein du partenariat à l'échelle de la planète, une initiative du G8 lancée il y a quelques années pour s'occuper de la prolifération, du désarmement, du contre-terrorisme et de la sécurité nucléaire, tout d'abord en Russie, mais aussi relativement aux programmes de contrôle des exportations.
Le Canada a consacré 1 milliard de dollars sur une période de 10 ans au programme de partenariat à l'échelle de la planète et concentre ses efforts sur le démantèlement de sous-marins nucléaires soviétiques et contribue au stockage en toute sécurité de déchets radiologiques. Nous collaborons étroitement avec les États-Unis sur la question de l'Iran et de la Corée du Nord au sein de l'Agence internationale de l'énergie atomique qui s'occupe des questions nucléaires, notamment les programmes du cycle du combustible nucléaire et les activités du domaine nucléaire qui troublent la communauté internationale, tout comme nous collaborons avec les États-Unis au sein de l'initiative de sécurité contre la prolifération et au lancement du Code de la Haye contre la prolifération des missiles balistiques.
La prochaine conférence d'examen du traité de non-prolifération qui commencera au début mai à New York revêt une importance critique et il sera important de confirmer l'autorité que confère le traité ainsi que son efficacité tout au long de ce mois de discussions. Parmi les grandes questions qui subsistent, mentionnons le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, la Convention sur les armes biologiques et à toxines et le Traité sur l'interdiction de la production de matières fissiles.
Nous collaborons aussi avec les États-Unis en matière de mines antipersonnelles, même si les États-Unis n'ont pas signé le Traité d'Ottawa. Des décisions politiques annoncées récemment par les États-Unis sont loin de répondre à l'interdiction internationale mais par ailleurs les États-Unis accordent 70 millions de dollars au chapitre de l'aide humanitaire pour les victimes de mines antipersonnelles, et nous espérons qu'ils continueront d'examiner la question de leur adhésion au Traité.
Pour ce qui est des États non viables — l'Afghanistan, Haïti et le Soudan — nous avons appris à nos dépends l'ampleur du risque que des États non viables posent à notre sécurité. Nous consacrons énormément de ressources aux efforts de stabilisation de l'Afghanistan et de mise en place d'un régime démocratique dans ce pays. Nous avons actuellement 700 membres des Forces canadiennes qui sont présents là-bas et qui tâchent de voir comment nous pourrions améliorer notre participation, notamment par le déploiement d'une équipe de reconstruction provinciale cet été.
À Haïti, nous collaborons étroitement avec les États-Unis pour stabiliser la situation après le départ de Jean-Bertrand Aristide et pour préparer l'arrivée de la prochaine mission de l'ONU.
Au Soudan, nous fournissons 20 millions de dollars pour aider l'Union africaine à constituer une force de surveillance au Darfour et nous collaborons étroitement avec les États-Unis pour mener à bien cet effort.
En Irak, bien que n'ayons pas participé à la coalition, le Canada a reconnu, après l'intervention, que tous avaient intérêt à veiller à ce que l'Irak devienne un État démocratique stable. C'est pourquoi nous avons investi 300 millions de dollars pour promouvoir la reconstruction et la démocratisation de l'Irak.
Ce ne sont-là que les traits saillants de notre coopération avec les États-Unis en matière de sécurité et de défense. Nous travaillons de concert à la promotion d'intérêts communs. Nous ne sommes pas toujours d'accord, mais nos relations solides et profondes ne souffrent pas des quelques divergences de vue que nous pouvons avoir.
[Français]
Mme Evelyn Puxley, directrice, Direction du crime international et du terrorisme, Affaires étrangères Canada : En guise d'introduction, j'aimerais faire quelques remarques. En premier lieu, j'aimerais vous remercier de nous avoir invités cet après-midi.
[Traduction]
Je vous suis reconnaissante de m'offrir l'occasion de comparaître devant le comité. Je voudrais reprendre le commentaire fait par M. Kneale selon lequel les questions de sécurité et de défense représentent un pilier de la relation avec les États-Unis d'une aussi grande importance que les questions commerciales et économiques. En ce qui concerne les menaces asymétriques, c'est-à-dire le terrorisme international et le crime organisé international, nous considérons qu'il existe une relation directe entre la solidité de notre relation économique bilatérale et notre coopération pour affronter ces menaces. On peut facilement imaginer les conséquences pour l'ouverture de notre frontière bilatérale aux marchandises et aux personnes s'il était établi qu'un risque d'attentat contre les États-Unis, semblable aux attentats du 11 septembre, provenait du Canada. La coopération est non seulement dans notre intérêt national mais nettement dans notre intérêt bilatéral.
Comme M. Kneale l'a dit, nous avons des choses très intéressantes à raconter à Washington sur le contre-terrorisme et le crime organisé international, y compris les stupéfiants, comme l'indiquent les documents que nous vous avons fournis.
[Français]
Je regrette infiniment que certains documents ne soient toujours pas disponibles en français. Nous pourrons vous remettre la version française plus tard cet après-midi.
[Traduction]
Le plus récent rapport du Département d'État américain intitulé « Patterns of Global Terrorism » arrive à la conclusion que dans l'ensemble, la coopération avec le Canada dans la lutte contre le terrorisme demeure excellente et sert de modèle de coopération bilatérale.
Un document établi bilatéralement en 2004 sur l'évaluation de la menace liée à la drogue à la frontière canado-américaine, indique que :
La solidité de la relation entre nos deux gouvernements, et en particulier entre nos organismes respectifs d'application de la loi sur cette question, constitue un modèle de coopération internationale.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et j'ai hâte de connaître le résultat de votre visite à New York et à Washington.
[Français]
Le sénateur Nolin : Monsieur Crosbie, j'aimerais avoir des éclaircissements sur ce qui s'est passé exactement à Waco entre le président du Mexique, le président des États-Unis et le premier ministre du Canada.
Il importe que nous ayons une bonne compréhension de ce que nous avions à faire et de ce que nous avons rapporté au Canada.
[Traduction]
M. William Crosbie, directeur général, Direction générale Bureau de l'Amérique du Nord, Affaires étrangères Canada : Je répondrai du mieux que je pourrai. Je crois que vous aurez l'occasion d'entendre le témoignage de plusieurs collègues au BCP.
[Français]
En ce qui a trait à la suite de cette réunion à Wako, le Bureau du conseil privé, en tant que leader, pourrait vous fournir des éclaircissements sur ce qui s'est passé.
En général, on peut dire que c'est un plan d'action qui comprend plusieurs dossiers à l'intérieur du volet de la sécurité, de la prospérité, Cela comprend en particulier des dossiers que nous poursuivons bilatéralement avec les États-Unis, et aussi de façon trilatérale. Il est bon d'avoir une coopération trilatérale.
Nous avons travaillé avec les Américains depuis quelques années sur un ordre du jour bilatéral afin d'améliorer la situation concernant l'économie conjointe du Canada et des États-Unis, et cela comprend plusieurs dossiers.
[Traduction]
Pour ce qui est de la prospérité, nous mettons l'accent sur des secteurs où il existe peut-être des normes et des règlements différents et nous nous interrogeons sur la nécessité de les conserver ou s'il est préférable d'adopter des normes similaires ou que nous reconnaissons mutuellement.
Le sénateur Nolin : Cela se rapporte à la réglementation intelligente.
M. Crosbie : C'est exact, la réglementation intelligente. Nous avons notre propre plan national de réglementation intelligente et les États-Unis aussi. Je ne suis pas certain dans le cas du Mexique. Dans le secteur manufacturier, par exemple, nous sommes en train d'évaluer si nous pouvons établir les mêmes normes et règlements plutôt que d'obliger les manufacturiers à se conformer à différentes normes. Cela s'applique également dans le secteur des normes phytosanitaires qui sont si importantes pour le secteur agricole et alimentaire. Cela se situe dans le prolongement de la coopération qui existe depuis plusieurs années.
En ce qui concerne la sécurité, la Déclaration sur la frontière intelligente englobe un vaste secteur de coopération. La déclaration, signée à Waco, vise à tirer parti du travail qui est déjà en cours. Le principe est le même que celui qui a inspiré l'ALENA, à savoir que deux pays peuvent s'entendre pour prendre des mesures lorsque cela est logique et le troisième pays peut s'y joindre s'il est prêt à le faire et s'il considère que c'est important, compte tenu de ses propres circonstances. Cette déclaration reconnaît que la situation n'est peut-être pas la même pour l'ensemble des trois pays.
Le sénateur Nolin : Avez-vous un document écrit à ce sujet ou le BCP serait-il le témoin tout indiqué pour nous fournir cette information?
M. Crosbie : Le BCP est le principal responsable des éléments clés de la déclaration de Waco portant sur la sécurité et la prospérité.
[Français]
Le sénateur Nolin : Ma deuxième question s'adresse à vous tous. Vous nous avez raconté, en une demi-heure, ce que tous les Canadiens devraient savoir. Nous avons définitivement un problème de diffusion d'informations.
Entre autres, vous avez parlé, madame Puxley, de ce que nous faisions, en Afghanistan. Le sénateur Cordy et moi-même étions à Kaboul, il y a quelques semaines, et ce que l'ambassadeur Alexander réussit, avec peu de moyens et une petite équipe, mériterait plus de visibilité et de reconnaissance au Canada. Je ne crois pas que ce soit la faute de l'ambassadeur Alexander. Je suis certain que vous comprenez exactement ce que je veux dire.
Nous avons définitivement un problème quant à la valorisation de nos efforts et aujourd'hui, à quatre, vous tentez de nous en convaincre. Je pense que c'est évident, on a qu'à lire. On croyait les Canadiens mieux informés. La plupart des Canadiens devraient avoir accès à ce genre d'information.
Revenons à la psychologie des Américains depuis le 11 septembre 2001. Madame Martin, vous avez fait référence à cet état d'esprit. En fait, vous avez tous parlé de ce changement d'attitude des Américains. Pensez-vous que l'on assume notre responsabilité face à cette nouvelle réalité depuis le 11 septembre 2001? Vous allez répondre par l'affirmative, mais comment se fait-il que les Américains pensent le contraire?
Comment se fait-il que, chaque fois que l'on se fait interpeller, lors des forums internationaux, les Américains questionnent nos efforts en matière de défense du territoire?
Mme Martin : En effet, lorsque je travaillais pour la division responsable de la sécurité régionale et du maintien de la paix — et, maintenant, à cause de mes responsabilités avec l'OTAN —, l'Afghanistan était sous ma responsabilité. Je peux répondre à cette question et émettre par la suite des commentaires sur l'attitude des États-Unis. Je pense que Mme Puxley et M. Kneale pourraient également nous faire part de leur point de vue.
[Traduction]
En ce qui concerne l'Afghanistan, nous devons faire connaître aux Canadiens la contribution que le Canada a apportée à cet égard. Il ne fait aucun doute qu'aux yeux d'un grand nombre de nos alliés, notre contribution a été remarquable, surtout en 2004 lorsque le Canada a été le pays qui a contribué le plus grand nombre de troupes en Afghanistan ainsi qu'au tout début lorsque nous assumions le poste de commandant adjoint puis, au cours des six derniers mois de notre engagement, le poste de commandant de la Force internationale d'assistance à la sécurité, ou ISAF, en Afghanistan.
Cela a valu au Canada d'énormes éloges et a facilité la mission de l'ISAF en ce qui concerne sa coopération avec d'autres intervenants sur le terrain et le mandat précis qui lui a été confié, entre autres aplanir certaines difficultés de gouvernance en Afghanistan et fournir au gouvernement l'appui dont il a besoin pour gouverner. C'est l'objectif principal de l'ISAF.
Le sénateur Nolin : Notre participation ne se limite pas à notre rôle au sein de l'ISAF en Afghanistan. Certains aspects de notre action ne sont même pas connus de nos alliés. Ils ignorent que nous écrivons le budget en collaboration avec le ministre. Ils ignorent que nous sommes en train de créer ou de mettre en œuvre une stratégie financière. Ils ne connaissent même pas le terme « Conseil du Trésor ». Si nos alliés ignorent ce que nous faisons, il n'est pas difficile d'imaginer le peu de choses que sait le Canadien moyen.
Mme Martin : Il ne fait aucun doute que cela représente un défi pour nous. Le Canada consacrera 600 millions de dollars à l'Afghanistan sur huit ans, de 2001 à 2009. Il s'agit d'une énorme contribution financière dont nous nous servons pour faire le genre d'intervention que vous décrivez. Nos alliés ont de la difficulté à comprendre l'importance de la contribution du Canada — et il s'agit effectivement d'une contribution importante.
Vous trouverez sur le site web du ministère des renseignements intéressants qui brossent un tableau complet de la participation du Canada. Je crois également que les médias canadiens étaient tout à fait au courant de l'étendue de la participation du Canada en Afghanistan à l'époque où le Canada assurait le commandement de l'ISAF. En fait, les médias ont très bien suivi le déroulement de cette mission et ont beaucoup parlé de notre participation. Bien sûr, on peut toujours en faire plus à cet égard.
Le sénateur Nolin : Tout à fait.
En ce qui concerne la perception des Américains, ils ont l'impression que nous ne prenons pas les mesures appropriées. Qu'en pensez-vous?
Mme Martin : Il est très difficile de modifier les perceptions.
Le sénateur Nolin : C'est le monde dans lequel nous vivons.
Mme Martin : Je suis heureuse que vous le reconnaissiez. La difficulté a été d'aider les Américains à comprendre l'étendue des changements que nous avons apportés.
Ces questions portent surtout, bien entendu, sur la sécurité à la frontière, dont je ne peux pas parler. Ces questions devraient être posées à d'autres collègues.
Il ne fait aucun doute que nos alliers américains apprécient nos contributions en Afghanistan, en Haïti et en Irak, même si nous ne participons pas à la coalition militaire qui s'y trouve. Ils ont bien accueilli l'annonce dans le budget d'un montant de 13 milliards de dollars pour les Forces canadiennes. Les collègues ici présents seront mieux en mesure de parler de cette contribution particulière.
Je m'arrêterai là. M. Kneale et Mme Puxley auraient peut-être des commentaires à faire.
[Français]
M. Kneale : En ce qui concerne la mise en valeur de nos intérêts aux États-Unis, vous avez raison de dire que c'est un défi constant. Tous les jours, il y a un éditorial quelque part ou une personne influente qui prend la parole et qui critique le Canada, souvent sans avoir les faits véridiques. Donc, nous sommes appelés à faire tout ce que nous pouvons pour combattre ces attaques et ces critiques.
L'initiative de représentation accrue mentionnée dans les remarques de M. Crosbie existe essentiellement pour mettre davantage de ressources aux États-Unis. Nous avons augmenté le réseau de missions — grandes, petites et moyennes — ainsi que le nombre d'agents canadiens. Nous les avons donnés des faits et des réponses.
Il y a aussi un consul général à Dallas qui, s'il voit dans le journal principal de sa ville un éditorial ou un article qui critique injustement le Canada sur n'importe quelle question du jour — il y a une vingtaine de dossiers —, est en mesure de répondre immédiatement par lettre ou par téléphone pour mettre les points sur les « i » et pour corriger les fausses déclarations. Nous avons donné aux missions davantage de ressources financières afin de corriger ce genre d'erreurs. Cependant, il s'agit d'une bataille permanente.
J'aimerais également mentionner l'existence du nouveau secrétariat à Washington qui a pour but d'aider les parlementaires à communiquer avec leurs homologues américains afin de corriger les erreurs ou les mauvaises perceptions face à notre relation. C'est difficile, mais nous avons mis les ressources nécessaires à la disposition des missions et des parlementaires.
[Traduction]
Le sénateur Munson : Vous tenez à remettre les pendules à l'heure dans l'ensemble des États-Unis et à cette fin nous avons mis sur pied 22 missions. Ne devrions-nous pas prendre plus d'initiatives lorsqu'il s'agit de remettre les pendules à l'heure? Nous avons une politique de collaboration avec les États-Unis. Nous ne devrions pas attendre de lire des propos négatifs dans le Wall Street Journal, le New York Times ou le Miami Herald. Les hommes et les femmes qui travaillent dans ce secrétariat de défense des intérêts canadiens pourraient voyager d'un bout à l'autre des États-Unis et rétablir les faits en ce qui concerne notre rôle en Afghanistan et en Irak. Nous sommes le meilleur ami des États-Unis d'Amérique. Attendre qu'on nous tape dessus avant de réagir, ce n'est pas une bonne stratégie de communication. Je pense que nous devrions agir davantage par anticipation.
M. Crosbie : Nous relevions les propos négatifs auxquels nous devons répondre. Nos missions chaque jour prennent les devant. Elles essaient de nouer le dialogue avec des parlementaires comme vous-mêmes, des premiers ministres provinciaux et d'autres dirigeants canadiens. C'est un aspect important du travail accompli par l'ensemble de ses missions.
Le problème souvent c'est d'atteindre l'auditoire voulu. Par exemple, nous sommes extrêmement déçus que le New York Times ait publié un éditorial qui renfermait tant d'erreurs sur les faits, même si notre ambassadeur avait rencontré le comité de rédaction du New York Times, comme l'avait fait notre consul général à New York. Le problème ce n'est pas que nous négligions d'aller parler aux intéressés; c'est simplement que très souvent ils ne nous écoutent pas. Tant qu'il n'y a pas d'histoires négatives à raconter, ils n'impriment rien. En tant qu'ancien journaliste, vous êtes sans doute en mesure de comprendre une telle chose.
Le sénateur Munson : J'ai toujours cherché à établir un équilibre.
M. Crosbie : La difficulté dans le marché énorme que représentent les États-Unis, c'est que les histoires positives à propos du Canada — l'allié fidèle, une source fiable d'énergie, et cetera — ne font pas les manchettes. Les manchettes traitent de questions qui vont à l'encontre de leur image habituelle du Canada. C'est ce que nous avons constaté. Nous devons réagir très rapidement.
Le problème ce n'est pas que nous sommes absents. Lorsqu'une émission comme le O'Reilly Factor ou d'autres médias présentent des nouvelles négatives, alors nous avons un problème immédiat. Nous constatons que nous devons désormais réagir à un plus grand nombre de nouvelles de ce genre.
Le président : Quelle importance a-t-on accordée aux médias qui sont rémunérés?
M. Crosbie : Vous voulez dire la publicité payante? L'expérience la plus récente que nous avons connue concernait le bois d'œuvre. Vous vous rappellerez sans doute que ces dernières années, l'industrie canadienne a lancé une vaste campagne, y compris une vaste campagne publicitaire aux États-Unis, pour modifier l'attitude des Américains envers le bois d'œuvre. Lorsqu'on a sondé le public américain, on a rapidement constaté que même si l'industrie canadienne voulait parler du bois d'œuvre, la plupart des Américains n'étaient pas prêts à entendre le message. Par conséquent, ils ont mis au point une vaste campagne publicitaire destinée à transmettre le message : « Nous sommes votre plus important partenaire commercial. Nous sommes votre plus important fournisseur d'énergie. Nous sommes pour vous un partenaire sûr et fiable en matière de défense et de sécurité intérieure. » Ce sont les messages fondamentaux qui ont été transmis à propos du Canada et des Canadiens. La campagne publicitaire était donc orientée en ce sens.
On a fait des études pour évaluer l'influence de cette campagne sur le public américain. Nos collègues de notre ministère qui s'occupent du commerce international seront peut-être en mesure de vous aider en ce qui concerne cette question. Cependant, nous avons constaté que nous devons d'abord transmettre ces messages fondamentaux avant de transmettre le message, par exemple, à propos du bois d'œuvre.
[Français]
Le sénateur Nolin : Quels sont, selon vous, les problèmes politiques — nous en discuterons avec vos collègues du ministère de la Défense plus tard — de chaque côté de la frontière qu'on peut envisager à court terme, lorsqu'on pense au renouvellement de NORAD? En fait, cela soulève la question : allons-nous renouveler NORAD?
Mme Martin : Merci pour cette autre question très provocatrice!
[Traduction]
Les négociations concernant le renouvellement de NORAD n'ont pas encore commencé. Il est impossible d'émettre des hypothèses sur l'issue de ces négociations.
Le sénateur Nolin : Je ne suis pas en train d'émettre d'hypothèses sur l'issue, seulement sur les problèmes politiques qui conduisent au renouvellement. C'est ce dont nous discuterons dans trois jours.
Mme Martin : Très bien. Vous avez demandé effectivement si le renouvellement de NORAD était même en cause. Il y a de solides indications de part et d'autre de la frontière que NORAD a joué un rôle extrêmement utile au cours de ses plus de 50 ans d'existence.
Il y a très peu d'incertitude à propos du renouvellement de NORAD. La question consistera à déterminer jusqu'où nous sommes prêts à aller pour améliorer la coopération en matière de défense entre nos deux pays. Au cours de la visite du président Bush à Ottawa en décembre, il a donné de très solides indications selon lesquelles les États-Unis tiennent à examiner comment on peut améliorer cette coopération. Il ne fait aucun doute que les États-Unis veulent envisager des moyens d'améliorer notre capacité de travailler ensemble à certaines questions qui touchent le continent, dans le secteur maritime, et pour ce qui est d'aider les instances civiles.
La grande question consistera à déterminer la façon de procéder. C'est là où on abordera les détails de la négociation. Est-ce que cela se fera par le biais de NORAD ou d'un autre mécanisme? On ignore encore l'issue de ces négociations. Je crois pouvoir vous garantir que le Canada et les États-Unis tâcheront de trouver des modalités qui sont dans l'intérêt des deux pays. À cet égard, il existe une volonté positive de trouver des solutions créatives et d'améliorer cette coopération.
Les témoins du ministère de la Défense nationale que vous entendrez pourront vous renseigner à ce sujet.
Le sénateur Nolin : Ils se fieront à vous pour l'évaluation du climat.
Mme Martin : Pour ce qui est de l'évaluation politique, il existe un intérêt de part et d'autre de la frontière. On a reçu des indications du président Bush, c'est-à-dire du palier le plus élevé du côté américain. Ni le président ni le premier ministre ne donneront personnellement des détails sur la façon dont cela se déroulera, mais ils ont fermement indiqué qu'ils veulent que leurs collaborateurs trouvent des solutions créatives qui permettront de faire avancer ce dossier.
Le sénateur Forrestall : C'est une question d'une extrême importance. Nous savons maintenant que les États-Unis ont gaspillé des milliards de dollars parce qu'ils ont pris de mauvaises décisions, qu'ils ont fait de mauvais raisonnements et qu'ils ont agi trop rapidement.
Dans quelle mesure le Canada s'est-il interrogé sur les aspects suivants : quelle est la raison d'être de NORAD? À quoi nous servira NORAD? Pourquoi en avons-nous besoin? Quel rôle NORAD jouera-t-il pour le Canada, ou s'agit-il simplement d'une monnaie d'échange avec nos amis du Sud?
Comme vous l'avez laissé entendre, madame Martin, est-ce que nous sommes en train d'envisager une façon de faire avancer le dossier? Est-ce le plus loin que nous sommes prêts à aller maintenant, ou voulons-nous essayer de trouver une solution avant que nous soyons appelés à prendre cette décision? Ne voulons-nous pas le meilleur produit binational possible pour le Canada et les États-Unis? Compte tenu de ce qui s'est produit, il ne me semble pas que NORAD ait un passé avec lequel nous soyons à l'aise. Il ne fait aucun doute que NORAD a joué un rôle utile, mais je ne crois pas qu'il demeurera utile pendant même les cinq prochaines années.
Est-ce que l'on en tient compte? Est-ce que nous cherchons à approfondir la façon dont nous traitons de ce genre de choses avec les États-Unis? Je pense que nous devrions examiner l'utilité de NORAD comparativement à l'utilité du meilleur mécanisme bilatéral et binational, parce qu'il faudrait qu'il englobe des aspects généraux, comme l'OTAN. Il doit comporter un aspect militaire mais également un aspect commercial.
Mme Martin : Je tiens à rassurer les honorables sénateurs en leur disant que nous examinons l'ensemble des questions qui se rattachent à la meilleure façon d'améliorer la coopération avec les États-Unis. Toutes les options sont effectivement envisagées. Le sénateur Nolin m'a demandé que je lui donne une idée du climat politique. Comme je l'ai indiqué, les indications aux paliers les plus élevés sont très positives et préconisent que nous trouvions des moyens d'améliorer la coopération dans l'intérêt de nos deux pays.
Vous me demandez d'une certaine façon d'aborder certains des détails fastidieux des conclusions qui pourraient être tirées à l'issue du processus de négociation. J'aurais beaucoup de difficulté à en parler de façon approfondie. Vous avez abordé certaines questions intéressantes qu'il faudra approfondir en prévision des négociations. Quel est le mécanisme qui répondra le mieux aux intérêts du Canada? S'agira-t-il d'une relation bilatérale qui prévoit un accord de pays à pays dans le cadre duquel nous coopérons en fonction d'une série de protocoles qui prévoient des procédures, des filières d'information, et cetera, ou s'agira-t-il d'un commandement binational tel que celui qui existe au sein de NORAD? La particularité de NORAD, c'est qu'un commandant canadien et un commandant américain sont responsables d'une seule institution.
Le 11 septembre, c'est un général canadien qui était responsable de NORAD. Cela indique le degré d'intégration qui existe entre nos deux pays. Lorsque l'on visite le centre de commandement à Colorado Springs, on voit des Canadiens et des Américains qui travaillent côte à côte et s'occupent de renseignements portant sur des menaces aériennes, qu'il s'agisse de menaces réelles ou simplement de petits avions qui ont oublié de présenter un plan de vol. L'ensemble de ces activités sont entreprises conjointement par les Américains et les Canadiens, ce qui représente l'élément binational de NORAD. Le terme « bilatéral » signifie que vous travaillez chacun dans votre centre respectif de part et d'autre de la frontière et que vous partagez des renseignements pour déterminer comment donner suite à une situation. Le terme « binational » signifie en fait que vous recevez ensemble l'information, que vous l'analysez ensemble et qu'ensuite vous agissez ensemble.
La question fondamentale consiste à déterminer le meilleur modèle à utiliser pour nous permettre d'améliorer la coopération en matière de défense avec les États-Unis. Le modèle de NORAD convient-il à tous les nouveaux domaines auxquels nous souhaitons nous intéresser? Dans l'affirmative, NORAD représente-t-il le meilleur modèle dont on peut s'inspirer ou est-il préférable d'opter pour une solution bilatérale? Tous les éléments envisagés dans le cadre des négociations comportent des avantages et des inconvénients qui semblent indiquer que certaines options sont préférables à d'autres, selon les aspects auxquels on veut donner suite. Ce processus d'analyse est en cours.
Une fois que nous aurons terminé l'analyse du côté canadien, ce sera le moment de déterminer, en consultation avec les États-Unis, quelles sont les meilleures options, et nous devrons tous deux trouver un terrain d'entente dans le cadre des négociations.
J'espère que cela vous apporte certains éclaircissements.
Le sénateur Nolin : Votre réponse est très instructive, mais croyez-vous qu'on abordera autre chose que la défense aérienne?
Mme Martin : La question d'une coopération accrue en matière de défense ne porte pas uniquement sur la défense aérienne. Le premier ministre et le président ont mentionné, par exemple, la défense maritime. Il reste à déterminer si cela se fera par le biais de NORAD ou d'un autre mécanisme.
Le sénateur Forrestall : Avons-nous envisagé des arrangements binationaux en ce qui concerne la défense des frontières?
Mme Martin : Je regrette mais je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.
M. Crosbie : Je crois que plus tard cette semaine, vous rencontrerez des représentants du Groupe d'étude sur les questions des frontières du BCP. Ils sont les principaux responsables du dossier des frontières, donc vous devriez leur poser la question parce que certains aspects du Plan d'action pour une frontière intelligente pourraient être considérés comme binationaux et certains sont bilatéraux.
Le sénateur Forrestall : Je vous demande si nous sommes en train d'examiner la question dans une perspective binationale. Au cours des premières années, tous les pourparlers étaient bilatéraux. Nous avons agi en fonction d'arrangements plutôt fragiles fondés sur la bonne volonté et la confiance qui se sont établies sur une longue période. Au cours des 25 prochaines années, envisageons-nous un partenariat sérieux dans ce genre d'initiative?
Lorsque je parle des frontières, j'inclus nos ports. Quelle est la situation en ce qui concerne le mouvement des containers dans nos ports et la vérification des cargaisons? Cela se fera-t-il dans le cadre d'arrangements bilatéraux ou existe-t-il une autre façon pour nous d'assurer la défense du continent? Que font les Mexicains? Comment réagiraient-ils à un arrangement trinational en matière de défense continentale? Ce n'est certainement pas le moment d'être timoré. Le moment est venu de prendre des mesures audacieuses. Comment procédera-t-on? Nous pouvons quand même faire preuve d'audace sur le plan bilatéral. Je ne suis pas en train de dire que nous ne le pouvons pas. Nous pouvons contraindre non seulement les États-Unis mais aussi le Mexique et nos partenaires commerciaux américains et des pays de l'Est à tenir pleinement compte de nos positions. Quelle sera l'option retenue? Vos divers ministères ont-ils des préférences? Devrons-nous simplement attendre de voir comment nous allons nous occuper de la sécurité portuaire?
Pourquoi ne pas avoir des forces policières dans l'ensemble des ports en Amérique du Nord, qui se comprennent mutuellement? Pourquoi ne pas avoir le même type de lois concernant les poursuites afin qu'il n'y ait aucun avantage pour qui que ce soit à se rendre dans une partie de notre grand continent pour entrer au pays? Peu importe l'endroit où ils iraient, ils auraient affaire au même groupe de personnes possédant la formation appropriée. Allons-nous prendre des mesures audacieuses ou allons-nous simplement nous contenter de laisser aller les choses? Il y a sûrement des leçons que nous pouvons tirer des milliards de dollars gaspillés par les Américains. Je ne veux pas que la même chose se produise au Canada. C'est ce que nous sommes sur le point de faire.
M. Crosbie : On peut dire sans se tromper qu'il n'existe pas une seule façon de procéder. Il s'agira d'un ensemble de mesures. Cela reflète la complexité des divers ministères et organismes qui y participent. Par exemple, dans certains domaines, nous pourrons agir conjointement; dans d'autres, nous pourrons agir séparément mais collaborer à certains moments. Il peut y avoir des domaines où la collaboration pourra être beaucoup plus grande que dans d'autres. En ce qui concerne particulièrement les frontières et la défense, je vous recommande de poser la question à nos collègues qui participeront à vos prochaines séances d'information.
En ce qui concerne la frontière, simplement aux États-Unis, il est extrêmement difficile de coordonner les nombreux organismes différents ayant des responsabilités distinctes. Traditionnellement, le Canada s'est mieux débrouillé à cet égard, en partie à cause de sa plus petite taille.
Le sénateur Forrestall : Nous ne devons pas faillir à la tâche.
M. Crosbie : Quant à notre capacité d'établir ensemble une position nationale sur une question qui recoupe la responsabilité d'un grand nombre de ministères, nous avons prouvé par le passé que nous étions en mesure de le faire.
Le sénateur Forrestall : L'un de mes collègues a posé plus tôt la question suivante: « Comment peut-on attirer l'attention des Américains? » L'une des façons de le faire consiste peut-être à ne pas apporter une contribution de 600 millions de dollars. Comment peut-on attirer leur attention? Je crois que si l'on s'inspirait de toute cette situation, on pourrait écrire un roman historique qui pourrait être lu par un million de Canadiens. La dernière solution consisterait à écrire une lettre au New York Times afin de leur expliquer qui nous sommes. Je vous remercie. Je vous souhaite beaucoup de succès. Il est extrêmement important pour chacun d'entre nous que nous agissions sans tarder.
Le sénateur Atkins : Pourquoi ai-je l'impression qu'on ne développe pas l'infrastructure à nos frontières avec toute l'urgence qui s'impose? Pourquoi cela prend-il tant de temps?
M. Crosbie : Monsieur Goatbe du Groupe d'étude sur les questions des frontières comparaîtra devant vous donc vous pourrez lui poser cette question à lui aussi. Nous avons travaillé d'arrache-pied avec les administrations provinciales et municipales à Buffalo et à Windsor-Detroit, parce que ce sont les principaux goulots d'étranglement où le problème d'infrastructure est le plus grave. Windsor-Detroit se trouve au haut de la liste. Notre mission à Detroit joue un rôle important car elle réunit ses intervenants de façon régulière. Des deux côtés de la frontière, on a affaire à trois paliers de gouvernement. Il y a de nombreux organismes des deux côtés de la frontière. Il existe une foule de régimes législatifs, dont chacun comporte ses propres exigences, et il s'est avéré extrêmement difficile d'obtenir que tout le monde travaille dans le même sens.
Tout récemment à Detroit-Windsor, on a publié un rapport qui propose un plan d'envergure pour le développement de l'infrastructure. Nous nous en sommes servis pour tâcher de réunir les différents intervenants et leur dire, « Entendons-nous tous sur l'objectif que nous visons, et commençons à prendre diverses mesures. »
Le gouvernement fédéral a attribué des fonds. Le gouvernement provincial est disposé à le faire. Nous devons nous assurer que les localités sont disposées à adopter certaines des propositions que nous présentons.
Le sénateur Atkins : Je comprends ce que vous dites, mais si un incident se produisait dans le tunnel à Windsor, ne croyez-vous pas que les personnes assises autour de la table accéléreraient le processus si les conséquences étaient graves des deux côtés? Pourquoi faut-il qu'une situation devienne critique pour que les gens décident de s'attaquer à un problème?
M. Crosbie : Ces décisions sont prises par de nombreuses personnes à différents paliers. Je comprends que c'est une situation exaspérante. Une fois que l'on décide du plan que l'on choisira — un autre tunnel, un autre pont, une autre autoroute — il faudra plusieurs années pour les construire. J'espère qu'avec toutes les mesures de sécurité supplémentaires qui existent désormais des deux côtés, le risque d'un incident dans le tunnel ou sur ce pont est nettement réduit. Je conviens qu'il s'agit d'une question qui est vraiment préoccupante. Nous devons trouver une solution au goulot d'étranglement qui existe à Windsor-Detroit où s'effectuent 40 p. 100 des échanges entre nos deux pays.
Le sénateur Atkins : La voie maritime du Saint-Laurent a été construite avec la coopération de toutes les administrations intéressées. Elles semblaient être beaucoup mieux en mesure de le faire que de réparer l'infrastructure frontalière. Mise à part la frontière Windsor-Detroit, il y a aussi la frontière St. Stephen-Calais, et il leur a fallu des années pour remédier à la situation.
M. Crosbie : Il n'y a pas que l'aspect matériel. Vous pouvez construire toutes les infrastructures que vous voulez, mais à moins que vous établissiez les régimes juridiques et réglementaires des deux côtés, que vous ayez des personnes pour assurer un service aux postes frontières et que vous ayez des programmes comme le programme EXPRES et NEXUS pour favoriser la fluidité de la circulation, l'infrastructure ne permettra pas de régler le problème. Il faut qu'un programme juridique et réglementaire complexe soit conjugué au programme d'infrastructure physique. Ce n'est pas faute d'efforts. Ces efforts sont en train de porter fruit et nous avons constaté d'importants progrès des deux côtés de la frontière.
Je vous recommande de poser cette question à Greg Goatbe et aux représentants du groupe d'étude sur les questions des frontières.
Le sénateur Atkins : Depuis les événements du 11 septembre, le budget de la sécurité au Canada a beaucoup augmenté. À votre avis, les fonds attribués à la sécurité ont-ils été utilisés de la façon appropriée? Pour vous donner un exemple, nous avons consacré des millions de dollars à l'ACSTA. Cet investissement a-t-il été efficace?
M. Crosbie : Je n'ai pas la compétence voulue pour évaluer l'efficacité des dépenses en question. Pour ce qui est de notre capacité de continuer à bénéficier du soutien et de la confiance de l'administration américaine et de la majorité du Congrès américain, je crois que les efforts que nous avons déployés et l'argent que nous avons dépensé ont donné lieu à des évaluations semblables à celles mentionnées par Mme Puxley et d'autres documents selon lesquels ils considèrent la relation canado-américaine en matière de sécurité comme un exemple modèle du genre de relations qu'ils aimeraient entretenir avec le reste du monde. On peut se demander si l'argent que nous avons dépensé a été dans tous les cas dépensé à bon escient. Cependant, personne ne peut mettre en doute la volonté du gouvernement canadien de faire tout ce qu'il peut pour assurer véritablement la sécurité de l'Amérique du Nord.
Le sénateur Atkins : Vous auriez sans doute aimé regarder l'émission 60 Minutes qui a été diffusée dimanche dernier.
Quels sont à votre avis les principaux éléments qui permettraient d'améliorer l'harmonisation entre le Canada et les États-Unis?
M. Crosbie : Parlez-vous d'harmonisation dans un secteur particulier?
Le sénateur Atkins : Simplement sur le plan de la bonne entente.
M. Crosbie : Est-ce que vous parlez d'un secteur ou d'une orientation stratégique en particulier?
Le sénateur Atkins : Principalement de la sécurité du territoire nordique et de la sécurité de l'Amérique du Nord.
M. Crosbie : Il est fort possible que l'harmonisation ne soit pas la solution qui nous permette d'obtenir ce que nous voulons parce que nos systèmes sont relativement différents. Nous devons viser un certain niveau d'équivalence du système. Même si la façon dont le Canada accueille des immigrants ne correspond pas au système en vigueur aux États-Unis, il traduit la différence de notre société. Les Américains peuvent quand même être persuadés que notre système, même s'il est différent, permet d'atteindre les mêmes objectifs en matière de sécurité. C'est là un objectif valable. Partir du principe que nous devons procéder à une harmonisation systématique ne constitue peut-être pas la meilleure façon de procéder, mais nous devons nous assurer qu'en ce qui concerne les aspects qui revêtent le plus d'importance pour les Américains, nous répondons aux critères en matière de sécurité. Il n'est pas nécessaire de tout faire exactement de la même façon. À certains égards, notre système est peut-être plus efficace, mais leur système reflète l'ensemble des points forts et des points faibles de la société américaine.
Le sénateur Meighen : Je commencerai par faire une observation, monsieur Crosbie. Je crois que vous avez dit que personne ne met en doute la volonté du gouvernement de faire le nécessaire pour assurer la sécurité de l'Amérique du Nord. Je mets en doute une telle affirmation surtout en ce qui concerne la sécurité militaire et je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'observateurs qui diraient qu'au Canada nous consacrons une juste part de nos dépenses pour appuyer l'armée. D'après de récents sondages, le public canadien est du même avis. Je ne crois pas que le gouvernement prend les mesures qui s'imposent et notre comité a publié des rapports unanimes qui indiquent que les dépenses consacrées à l'armée sont insuffisantes.
L'opinion traditionnelle veut que la politique de défense découle de la politique des affaires étrangères. Si tel est le cas, dans quelle mesure le ministère des Affaires étrangères du Canada et le ministère de la Défense nationale entretiennent-ils des liens permanents, le cas échéant, pour favoriser la coopération, la discussion et les adaptations?
Mme Martin : Je répondrai en parlant du caractère de la coopération qui existe entre le ministère des Affaires étrangères et le ministère de la Défense nationale étant donné qu'effectivement nous entretenons des liens extrêmement étroits et très productifs. Ces liens sont tels qu'au sein des Affaires étrangères nous avons au moins un lieutenant-colonel de la Défense nationale qui est assigné à un poste dans le secteur de la politique étrangère et un agent du service extérieur canadien qui est chargé de travailler au ministère de la Défense nationale. Il s'agit d'une façon d'acquérir une connaissance beaucoup plus approfondie des méthodes de travail et de la mentalité des deux ministères. Il s'agit d'une coopération étroite. Les contacts sont quotidiens, la communication et la coordination des propositions de principe sont importantes et sur pratiquement toute question qui intéresse les deux ministères, les responsables se consultent constamment pour assurer la cohérence des positions adoptées par les deux ministères.
Ce genre de coopération dure depuis des années. Cela n'a rien de nouveau mais nous avons atteint un sommet lors de notre mission en Afghanistan quand notre gouvernement a annoncé la démarche « 3D », c'est-à-dire, défense, diplomatie et développement. Le ministère des Affaires étrangères s'occupe de la diplomatie, la défense et le développement appartenant au ministère de la Défense nationale et à l'ACDI. Cela témoigne de la nécessité d'une coopération interministérielle, en fait d'une coopération de tout l'appareil gouvernemental pour faire face à des situations comme l'Afghanistan ou l'après-crise en Haïti ou au Soudan. La coopération est étroite et touche tous les secteurs.
Lors de l'élaboration de l'exposé de politique internationale, les fonctionnaires des deux ministères ont travaillé très intimement pendant quelques mois pour remettre au point les divers éléments. Cela témoigne de l'effort consenti pour élaborer une approche cohérente imbriquant la politique en matière de défense et la politique étrangère l'une dans l'autre.
Le sénateur Meighen : Vous avez donné l'exemple de l'Afghanistan. Il me semble qu'il y a bien des raisons flagrantes pour justifier notre présence en Afghanistan. On cite constamment notre contribution à la stabilité mondiale, et cetera. Toutefois, au ministère des Affaires étrangères, vous devez avoir d'autres dossiers à gérer également. Si nous y sommes, ce n'est pas strictement pour apporter la stabilité. Le fait que les Américains soient au courant de notre participation, le fait que le Canada soit un pays qui puisse apporter une contribution efficace, contribue-t-il à l'atteinte d'autres objectifs? Avez-vous ce genre de discussions avec le ministère de la Défense nationale ou les choses demeurent-elles au niveau des agents de liaison et des contacts officiels?
Mme Martin : En fait, vous avez bien décrit la nature de l'engagement et la gamme des facteurs qui interviennent. Nous avons pour principal objectif en Afghanistan de stabiliser le pays afin qu'il cesse d'être un refuge pour les terroristes.
Le sénateur Meighen : Si nous n'étions pas intervenus, les Américains ou un autre pays l'auraient fait de sorte que la tâche aurait été accomplie, aussi bien ou aussi mal qu'elle ne l'est actuellement. Si nous sommes intervenus, c'est pour une autre raison, n'est-ce pas?
Mme Martin : Je ne pense pas qu'il soit juste de dire cela, de dire que si le Canada n'était pas intervenu, d'autres l'auraient fait.
Le sénateur Meighen : Vraiment? Ils sont présents.
Mme Martin : Le Canada est sur place et d'autres aussi. Le Canada est parmi les cinq plus grands contributeurs de militaires en Afghanistan. Quand nous commandions l'ISAF, nous étions le principal contributeur de militaires à cette mission.
L'OTAN a fait face à bien des difficultés quand elle a fait appel aux alliés afin qu'ils emploient les forces nécessaires à cette mission, la Force internationale d'assistance à la sécurité. Actuellement, l'OTAN déploie des militaires à l'extérieur de Kaboul, car c'est là que la mission a commencé, et il y a désormais des équipes de reconstruction provinciales d'un bout à l'autre du pays. Au sommet de l'OTAN en février, le secrétaire général a pu annoncer la fin de la deuxième étape de ce déploiement, qui en compte quatre.
C'est une étape qui a été ardue car les alliés de l'OTAN avaient du mal à réunir les capacités requises pour que les équipes provinciales de reconstruction soient déployées. Le Canada va intervenir à la troisième étape, en fournissant une équipe provinciale de reconstruction à Kandahar. Le premier ministre et le ministre Pettigrew l'ont annoncé.
Le sénateur Meighen : Avec les mêmes effectifs qu'actuellement?
Mme Martin : En effet, compte tenu de ce que l'on a annoncé récemment pour l'augmentation des forces armées dans le budget. Ce n'est pas mon domaine de compétence. Il faudrait poser ces questions à nos collègues du ministère de la Défense nationale.
Le sénateur Cordy : Je rentre d'Afghanistan et je sais que les Canadiens font des choses remarquables là-bas, pas seulement les militaires. Les militaires travaillent sept jours sur sept et de longues heures sur place. Vous avez raison de dire que l'OTAN a du mal à convaincre ses alliés de participer. Certains alliés ont de telles contraintes que même s'ils sont sur place, ils ne sont pas toujours disponibles pour accomplir les tâches qui doivent l'être.
Tout à l'heure, vous avez évoqué la nécessité d'expliquer aux Américains le bon travail que les Canadiens font en Afghanistan et à l'étranger. Toutefois, je pense qu'il est important que les Canadiens sachent ce que nous y faisons. Avant d'aller en Afghanistan, je ne savais pas ce que nous y faisions. Notre ambassadeur là-bas est jeune, énergique et dynamique. Les installations dont il dispose sont plutôt spartiates, c'est le moins qu'on puisse dire.
Le travail que l'ACDI fait en Afghanistan est remarquable. Le Canada avait acheté tout l'équipement nécessaire pour l'enregistrement des électeurs lors des élections présidentielles. Nous travaillons en collaboration avec l'Italie à l'élaboration du système judiciaire afghan.
En parlant avec les représentants officiels, j'ai eu l'impression qu'on faisait énormément confiance aux Canadiens. En fait, les Canadiens traitent avec les ministres du Conseil des ministres au cas par cas car ils n'essaient pas du tout d'amalgamer tout le monde; ils appliquent la même méthode partout en Afghanistan. On nous l'a répété à maintes reprises. À ma façon, je tiens à dire à la population canadienne que les Canadiens font un excellent travail. J'étais fière d'être Canadienne quand le sénateur Nolin et moi-même sommes allés en Afghanistan avec l'OTAN.
Les Canadiens ont très bon cœur. Chaque fois qu'un pays est dans le besoin, qu'il s'agisse d'un État en belliquessence ou d'un pays en crise, les Canadiens souhaitent venir à leur aide, mais aider tous les pays dans le besoin, est-ce bien réaliste pour nous? Si ce ne l'est pas, comment établir un ordre de priorité dans les sommes que nous dépensons, les militaires que nous déployons ou toute autre forme d'aide que nous apportons?
Mme Martin : Merci beaucoup de m'avoir tendu la perche. Je pense qu'il vous faut annoncer aux quatre coins du pays la contribution remarquable des Canadiens sur le terrain en Afghanistan. Assurément, de notre point de vue à terme au ministère, nous sommes également d'avis qu'ils font un travail remarquable.
Les conditions en Afghanistan sont indéniablement extrêmement difficiles. Kaboul est une ville ravagée par la guerre et que l'on est en train de reconstruire, de sorte qu'il y a seulement quelques édifices qui tiennent encore debout. Au fur et à mesure que l'économie de l'Afghanistan se redresse, on ne peut qu'espérer que les choses vont s'améliorer sur ce plan. Mme Puxley a été en Afghanistan également et elle peut vous parler comme témoin oculaire des conditions de vie très difficiles des gens là-bas.
Comment établir un ordre de priorité? C'est difficile étant donné la quantité de situations où le Canada pourrait apporter aide et soutient — que ce soit des catastrophes comme le tsunami, la situation désespérante dans la région du Darfour, ou encore un accord de paix entre le Nord et le Sud du Soudan — car tant de situations font appel aux bons sentiments des Canadiens qui sont extrêmement généreux et soucieux du bien-être des autres. On a pu le constater plus particulièrement avec ce qui a été fait lors du tsunami en Asie. Le gouvernement fait constamment face au même défi : comment choisir les pays où l'on peut investir?
Au mois de février dernier Haïti est devenu un pays en état de crise où le Canada a investi énormément, un pays dont une grande partie de ressortissants sont désormais Canadiens, un pays où nous avons des intérêts. Cela constitue un facteur clé pour que nous soyons motivés à intervenir en Haïti. Nous avons fait face à des choix dans le cas du Timor-Oriental, du Congo, de la Côte d'Ivoire, du Liberia, du Sierra Leone. La liste des situations de crise internationale où les Canadiens pourraient offrir quelque chose est interminable. Quand on travaille à l'interne, la tâche de déterminer où le Canada peut apporter sa meilleure contribution devient un processus extrêmement difficile.
À la vérité, ceux d'entre nous qui travaillent à l'interne attendent impatiemment que l'on révèle l'exposé de politique internationale car cela pourra nous servir de guide dans notre démarche lors de situations éventuelles à l'avenir. Dans le budget, le gouvernement a lancé des messages clairs quant à son intention de créer les outils dont nous avons besoin pour répondre à ces situations. Le budget du ministère de la Défense nationale a été augmenté; le budget de l'ACDI l'a été lui aussi. Le budget prévoit une restructuration de l'enveloppe d'aide internationale. On annonce également dans le budget que l'on créera un fond objectif pour la paix et la sécurité internationale et ce au sein des Affaires étrangères. Voilà donc des outils utiles qui faciliteront notre capacité de réagir à des situations internationales.
La question de l'ordre de priorité est essentiellement à caractère politique et ce sont les événements politiques et la nature des situations qui guideront la décision quant à la taille et à la nature de la contribution canadienne dans telle ou telle situation.
Le président : Nous devons maintenant mettre un terme à nos questions. Si nous avons invité ce groupe de témoins, c'est pour nous préparer à notre visite aux États-Unis. Nous n'avons pas eu l'occasion de vous poser certaines autres questions que nous allons vous soumettre aujourd'hui pour que vous en preniez connaissance. Il est possible que la réponse à ces questions se trouve dans les documents que vous nous avez fournis. Si c'est le cas, laissez tomber. Nous allons vous les soumettre par écrit en espérant que vous y répondrez aussi par écrit.
Merci d'être venus. Votre témoignage a été des plus utiles. L'intérêt qu'il a suscité auprès des membres du comité est tel que ces derniers auraient souhaité que nous vous consacrions deux heures et demie plutôt qu'une heure et demie. En fait, la séance a duré 15 minutes de plus que prévu. Au nom des sénateurs ici présents, je vous remercie de votre aide. Nous comptons sur votre appui pendant que nous continuons de nous préparer à notre visite à Washington.
À l'intention du public qui nous écoute, vous pouvez poser vos questions ou faire vos remarques en contactant notre site Internet, www.sen-sec.ca. Vous y trouverez la transcription des témoignage, et la confirmation des heures de séance. Vous pouvez contacter le greffier du comité en téléphonant au 1-800-267-7362 pour obtenir renseignements ou aide sur la façon de contacter les membres du comité.
Nous accueillons maintenant le contre-amiral Drew Robertson, directeur général, Politique de sécurité internationale et le col Mike Haché, directeur, Politique de l'hémisphère occidentale.
Le cam Robertson a une vaste expérience maritime et a pris le commandement du NCSM Annapolis en janvier 1995. Quand il a été promu capitaine, il est devenu directeur de la politique de l'OTAN. Ensuite, en 1999, il a pris le commandement du NCSM Athabaskan, le navire amiral de la force navale permanente de l'Atlantique de l'OTAN en 1999-2000. Il a commandé le groupe opérationnel du Canada pendant son déploiement de six mois dans le cadre de l'Opération Apollo en Asie du Sud-Ouest, contribution du Canada à l'Opération Enduring Freedom. Il a été promu contre-amiral et a assumé ses fonctions actuelles en 2003.
Le contre-amiral Robertson est diplômé du Collège d'état-major et de commandement des Forces canadiennes de Toronto et du Cours des études de sécurité nationale.
Le col Haché s'enrôle dans les Forces canadiennes en 1972. Ayant suivi une formation de navigateur, il a une vaste expérience des vols maritimes. Il a fréquenté le Royal Air Force Staff College, à Bracknell, en Angleterre et par la suite, il a assumé le commandement du 404e Escadron de patrouille et d'entraînement maritime en 1993. En 1995, il a été nommé au Quartier général du groupe aérien maritime à Halifax où il a assumé les fonctions d'officier supérieur d'état-major — aéronefs à voilure fixe, poste qu'il a occupé jusqu'en 1997. Ensuite, il a été affecté à la 19e Escadre Comox, en qualité d'officier des opérations de l'escadre.
Il a été promu à son grade actuel en juillet 1999. Le col Haché a été nommé ensuite commandant de la Composante aérienne maritime (Atlantique) au sein de la 1re Division aérienne du Canada, à Halifax. En juillet 2003, le col Haché a assumé ses fonctions actuelles au Quartier général de la défense.
Messieurs, bienvenue au comité. Nous sommes ravis de vous accueillir. Allez-y.
Le contre-amiral Drew W. Robertson, directeur général, Politique et sécurité internationale, Défense nationale : Honorables sénateurs, je suis heureux d'avoir la chance de discuter avec vous des relations de défense entre le Canada et les États-Unis avant votre départ imminent pour Washington. Je pense que nos remarques seront un complément d'information aux renseignements que vous a donnés plus tôt Mme Martin. En fait, Mike Haché est l'homologue de Mme Martin et je suis celui de Paul Chapin. Nous travaillons au sein du groupe de la politique au Quartier général de la défense et notre supérieur hiérarchique est Ken Calder, qui est l'homologue de Jim Wright. Vous allez trouver que nos messages sont dans le droit fil de ce que vous avez déjà entendu.
Notre relation très fructueuse avec les États-Unis en matière de défense et de sécurité repose sur des mécanismes tant formels qu'informels. Le Groupe de planification binational décrit notre partenariat en matière de défense comme suit : plus de 80 accords de défense équivalant à des traités, plus de 250 protocoles d'entente entre les deux ministères de la Défense et environ 145 tribunes bilatérales permettant de discuter des questions de défense. C'est ce qui constitue le fondement sur lequel s'appuie le reste des activités que nous entreprenons.
Le partenariat le plus officiel est notre alliance conclue avec les autres membres de l'OTAN. Notre participation aux opérations de l'OTAN contribue directement à notre sécurité réciproque, car elle permet d'affronter les menaces possibles longtemps avant qu'elles n'atteignent l'Amérique du Nord.
Qu'il s'agisse de notre contribution actuelle à la FIAS à Kaboul et à l'équipe projetée de reconstruction provinciale à Kandahar, ou de l'emploi éventuel du NCSM Winnipeg dans cette région, toutes ces mesures devraient être perçues comme immanquablement liées à la sécurité du continent, que ce soit sous le commandement des États-Unis dans le cadre de l'opération Enduring Freedom ou sous le commandement de l'OTAN au sein de la FIAS. C'est tout au moins l'avis de mes homologues américains.
L'Accord du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord et la structure binationale de commandement du NORAD sont tout aussi importants et existent depuis presque aussi longtemps que l'OTAN. Un certain nombre d'accords bilatéraux officiels ont servi de cadre à une gamme de régimes qui remontent à l'époque de la guerre froide. De nombreux autres partenariats sont fondés sur des arrangements de moins en moins formels.
Je vais réellement passer en revue les mécanismes sur lesquels repose cette relation, à commencer par ceux établis durant les années 60, bien avant les événements du 11 septembre 2001, puis je vous parlerai des mesures prises pour améliorer notre coopération de défense depuis lors.
Nos liens officiels ont pris naissance en 1940, à Ogdensbrurg, dans l'État de New York. Le premier ministre MacKenzie King et le président Roosevelt ont alors déclaré conjointement que le Canada et les États-Unis se partageraient la responsabilité de la défense de l'Amérique du Nord et que ni l'un ni l'autre des deux pays ne permettrait que l'autre soit attaqué depuis son territoire. La Commission permanente mixte de défense, organe consultatif relevant directement du premier ministre et du président, a été créée à Ogdensburg, et elle demeure l'expression la plus sérieuse de notre engagement bilatéral permanent. Il s'agit d'une tribune d'échanges semestriels critiques entre hauts représentants de la diplomatie, de la défense et des forces armées. La Commission s'est réunie au début de mars pour discuter de questions comme la sécurité maritime, la prolongation de l'Accord du NORAD et la United States Quadrennial Defence Review et bon nombre d'autres.
Le Comité de coopération militaire, une tribune militaire binationale chargée de la surveillance de questions d'intérêt réciproque, a été mise sur pied en 1946 pour appuyer la Commission permanente mixte de défense. Elle continue de se réunir et d'évoluer.
Le premier Plan de sécurité de base — que nous appelons à présent le document de sécurité de base conçu en vue de la défense interalliée de l'Amérique du Nord a été élaboré en 1946, et revu par la suite par le Comité de coopération militaire. C'est l'un des documents qu'on est en train de mettre à jour.
Le NORAD, établi en 1958, est la résultante des pourparlers de la Commission permanente mixte de défense concernant la menace que posaient les aéronefs soviétiques à long rayon d'action pour l'Amérique du Nord. L'Accord du NORAD est un document fondé sur un traité qui doit être renouvelé tous les cinq ans. L'accord actuel est en vigueur jusqu'au 12 mai 2006.
Le NORAD a toujours su s'adapter aux nouvelles menaces. Il a évolué en fonction des nouvelles techniques d'armement et des menaces qui découlaient de la guerre froide. Le NORAD a continué d'évoluer après le 11 septembre 2001 afin de relever les derniers défis en matière de sécurité. Dans le cadre de l'opération Noble Eagle, le NORAD a adapté et rehaussé ses mesures de disponibilité opérationnelle, adopté de nouvelles procédures, ajouté des méthodes de surveillance aérienne à l'échelle nationale et amélioré l'échange de renseignements.
Les Américains ont adapté leur démarche en matière de défense continentale de plusieurs façons, entre autres, en modifiant leur structure de commandement à l'échelle mondiale. Même si un examen avait déjà été entamé, les attentats du 11 septembre ont galvanisé leurs efforts et mené à la création du Commandement de l'Amérique du Nord, ou NORTHCOM. Ainsi que le disait Mme Martin un peu plus tôt, le NORTHCOM est le commandement de combat auquel on a confié une mission qui englobe à la fois la défense territoriale et l'appui des autorités civiles.
Le commandant du NORTHCOM, l'amiral Timothy Keating, commande également le NORAD. Il y a quelques années, nous aurions peut-être inversé cet ordre et dit plutôt qu'il était commandant du NORAD et aussi celui de NORTHCOM. Cela tient au fait que depuis cette époque, le NORTHCOM a pris de plus en plus d'importance. Nous entretenons des liens de plus en plus étroits avec le NORTHCOM, auprès duquel nous avons détaché en tant qu'officier supérieur un contre-amiral qui exerce les fonctions d'officier de liaison.
Le Groupe de planification binational, ou GPB, est le fruit de consultations des Américains avec le Canada concernant la création du NORTHCOM, et il a été doté d'un mandat de deux ans en décembre 2002. Le GPB a été chargé des activités suivantes : examiner les plans de défense canado-américains en place et les entériner; rédiger des plans binationaux de contingence militaire afin de réagir aux menaces, aux attaques ou en cas d'autres urgences majeures; améliorer la surveillance maritime et l'échange de renseignements de sécurité et établir des mécanismes de coordination afin d'apporter un appui militaire aux autorités civiles de gestion de crise. Le résultat souhaité a été l'amélioration des arrangements canado-américains visant à réagir aux menaces ou aux catastrophes naturelles basées au sol et à se protéger contre les menaces maritimes.
Le GPB s'est montré à ce point efficace que les deux pays ont convenu de la nécessité d'en prolonger le mandat afin qu'il poursuive ses travaux. La nature de ses fonctions à venir sera précisée au fil des échanges que nous aurons sur le renouvellement de l'Accord du NORAD. Par conséquent, le mandat du GPB a été prolongé l'automne dernier pour coïncider avec l'expiration de l'Accord du NORAD le 12 mai 2006.
Nos travaux se poursuivent en vue d'accentuer la coopération de défense avec le département de la Défense des États-Unis. Les deux pays ont clairement exprimé leur intention de resserrer la coopération dans le secteur de la défense maritime et de l'appui militaire aux autorités civiles, et ils accordent la même importance au succès actuel du NORAD. Les efforts que nous déployons en vue de resserrer la coopération de défense avec les États-Unis reposent avant tout sur la Politique de sécurité nationale, rendue publique le 27 avril 2004, où il est précisé que le Canada a l'intention d'améliorer la coopération canado-américaine en matière de défense maritime, et d'améliorer notre capacité de gestion d'une urgence à l'échelle du continent.
La Déclaration commune du 30 novembre 2004 publiée par le premier ministre Martin et le président Bush stipule, entre autres choses, que nous nous sommes engagés à renouveler l'Accord du NORAD et à examiner des possibilités d'accroître la coopération en matière de surveillance maritime et de défense maritime de l'Amérique du Nord.
L'Énoncé de la politique internationale et l'Énoncé de la politique de défense reflèteront ces engagements. Je ne doute pas que le ministre Graham a parlé de la nécessité d'envisager des mécanismes de collaboration avec les États-Unis qui soient nouveaux et novateurs en ce qui a trait à la défense du continent. Le gouvernement a donc demandé que, de concert avec les représentants américains, nous étudiions les améliorations à apporter à la sécurité continentale. Même si l'échéance de l'Accord du NORAD est la cause apparente des discussions et des négociations à venir, nous ne limiterons pas nos travaux à la reconduction de l'Accord. Nous comptons examiner de nouveaux mécanismes de coopération avec nos homologues américains. Maintenant que je vous ai renseignés sur l'état de la question, le colonel Haché et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à vos questions et de lancer la discussion.
Le sénateur Meighen : Eh bien, pour lancer cette discussion — ici, contre-amiral Robertson, vous avez peut-être déjà abordé le sujet — d'après vous, quels sont les grands enjeux de défense bilatérale que partagent le Canada et les États-Unis aujourd'hui, et qu'a-t-on fait depuis les attentats du 11 septembre 2001 pour améliorer la sécurité et la défense nationales ainsi que nos relations stratégiques que nous entretenons ou aimerions entretenir avec les États-Unis?
Le cam Robertson : L'une des premières à se produire a été le déploiement des Forces canadiennes à l'étranger, principalement en Afghanistan et dans la région environnante, que vous avez entendu Mme Martin désignée par l'expression « la partie jouée à l'étranger ». Ici toutefois, même si on parle d'une « partie jouée à l'étranger » et d'une « partie jouée à domicile », en réalité, ces deux choses sont inextricablement liées. À cet égard, dans leurs stratégies de défense nationale, les États-Unis accordent la plus grande priorité à des activités de défense ouvertes sur l'extérieur et sur l'avenir. Il ne fait aucun doute que notre voisin américain ne tient nullement à attendre qu'une menace se manifeste sur ces côtes pour agir. Au Canada, la première activité à laquelle nous avons collaboré a été la campagne contre le terrorisme. Ensuite, en tant que membres du NORAD, nous avons continué à améliorer notre collaboration de manière à faire face aux nouvelles menaces que j'ai mentionnées, et nous avons donc participé à la mise sur pied d'un Groupe de planification binational.
Ainsi que je le disais, le Groupe de planification binational a obtenu beaucoup de succès, et grâce à lui, la collaboration qu'on a pu observer entre nos deux nations, à la suite des attentats du 11 septembre 2001, s'est intensifiée. Voilà comme premier résultat. Il faudrait aussi ajouter que ce même groupe s'est occupé de mettre à jour et de réviser nombre de plans remontant à la guerre froide, ainsi que je l'ai précisé, et qui devaient être adaptés aux nouvelles réalités de notre époque. Bon nombre d'activités font l'objet de ces mises à jour.
Outre la mise à jour des plans et procédures, il reste à valider ces plans, à prendre part aux exercices, à actualiser les relations entre le commandement et le contrôle, et cetera. Vendredi dernier signalait la dernière journée d'un exercice conjoint entre le département américain de la Sécurité intérieure et le ministère de la Défense auquel nous avons pris part. Aux États-Unis, l'exercice est en milieu réel. Au Canada, il s'agissait de notre premier engagement, et de ce que nous appelons un exercice de poste de commandement ou exercice au niveau du quartier général. Quoi qu'il en soit, cet exercice nous a fait prendre part avec le Northern Command à des scénarios de type terroriste. Il s'agissait de valider toute une série d'améliorations apportées depuis le 11 septembre à plusieurs secteurs que j'ai décrits, soit les plans de commandement et de contrôle, les exercices, et cetera. Mais je n'ai toujours pas répondu à votre première question.
Le sénateur Meighen : Quels sont les grands sujets de négociation, de discussion ou encore de litige? Que reste-t-il comme sujets en suspens qui n'aient pas encore été résolus?
Le cam Robertson : Je ne crois pas que l'on puisse parler de sujets de désaccord ou de conflits. Bien sûr, il y a des secteurs dans lesquels nous voudrions travailler en plus étroite collaboration. C'est justement ce dont nous parlons lorsque nous disons qu'il faut améliorer la coopération. Évidemment, tout cela fera partie des négociations et des discussions entourant le renouvellement du NORAD. Je ne parlerai pas pour l'instant de zones de friction, mais le colonel Haché voudra peut-être ajouter quelque chose.
Le colonel Mike Haché, directeur, Politique de l'hémisphère ouest, Défense nationale : Je ne saurais vous parler de véritables zones de friction. Je parlerais plutôt de clarté et de la nécessité de s'entendre sur ce qui donne de bons résultats, comme le maintien du dialogue dans des tribunes précises que sont la Commission permanente mixte de défense et le Comité de coopération militaire canado-américain. Les dialogues se sont poursuivis dans les mois et années qui ont suivi le 11 septembre et ont permis de maintenir le contact tout en donnant lieu à des discussions professionnelles sur les sujets de préoccupation mutuelle. Il n'y a rien de particulièrement sidérant qui ressorte de ces discussions, mais au fil des réunions, nous avons pu nous pencher sur tout ce qui constituait un sujet de préoccupation.
Le sénateur Meighen : J'ai jeté un coup d'œil au site Web du MDN, à la page du groupe de planification canado-américain, et j'y ai trouvé une rubrique intitulée Progrès sous laquelle se trouvaient trois points vignettes. Dans le site Web, on ne cessait de dire que le commandant du NORAD et du NORTHCOM était le général Eberhardt, qui est parti depuis un an, je crois. La liste des éléments de progrès était-elle tout aussi désuète? Dans le premier point vignette, on dit qu'il faut faciliter l'établissement d'une vigilance commune dans le secteur maritime et du partage du renseignement et de l'information concernant ce qui pourrait servir à contrer les menaces potentielles. Cela se fait-il déjà? Le Canada est-il en mesure d'y contribuer?
Le cam Robertson : Le commandement a changé en décembre dernier.
Le sénateur Meighen : Cela ne fait pas tout à fait un an.
Le cam Robertson : Il faudrait quand même mettre à jour ce site. Nos deux pays déploient des efforts constants en ce sens. Tous deux apportent leur contribution au produit commun final. Il ne s'agit pas uniquement de donner pour l'un et de recevoir pour l'autre. L'important, c'est que cela permette la fusion des renseignements qu'ont les deux pays sur les activités maritimes, de façon que les connaissances communes soient plus grandes que ce que chaque pays savait à lui seul. Voilà une chose dont nous tiendrons compte au moment d'améliorer la coopération. Dans notre langage militaire à nous, nous disons qu'il faut continuer à apporter à la table une situation opérationnelle commune; une façon plus simple de le dire, c'est qu'il faut que nous comprenions ce qui se passe sur les deux côtes. Si les deux pays apportent leur propre interprétation de la situation, ensemble ils y voient plus clair que s'ils agissaient de façon indépendante.
Le groupe de planification binational a accompli d'autres choses : il a notamment catalogué tous les documents, comme des accords, qui ont été conclus entre nos deux pays et créé une bibliothèque. J'ai mentionné plusieurs de ces documents au départ, et cette bibliothèque ne cesse de prendre de l'ampleur. La bibliothèque est consultable en ligne dans nos deux pays. On est également à actualiser le document de sécurité de base et le plan de défense combiné, et à élaborer le plan d'aide aux autorités civiles qui visent précisément à permettre aux forces militaires de nos deux pays d'œuvrer en collaboration pour appuyer les autorités civiles.
Le sénateur Meighen : Est-ce pour surmonter un problème tel que celui que nous avons eu sur la côte Ouest? Il y a eu un exercice dans l'État de Washington et on s'est rendu compte que la frontière était fermée, que l'on ne pouvait donc pas avoir accès au matériel et au personnel de la protection civile en Colombie-Britannique.
Le cam Robertson : Je ne sais pas trop ce qui s'est passé dans ce cas-là mais nous essayons de nous assurer que si le département de la Sécurité intérieure et Sécurité publique et protection civile Canada (SPPCC) ont besoin de moyens qui se trouvent dans l'autre pays, nous pouvons répondre à l'appel.
Le sénateur Meighen : Où en sommes-nous? Par exemple, s'il y avait un tremblement de terre de part et d'autre de la frontière sur la côte Ouest, le matériel et le personnel de la protection civile pourraient-ils traverser la frontière?
Le cam Robertson : Il s'agit de se doter de dispositifs auxquels on a bien réfléchi, qui sont au point et sur lesquels les deux pays s'entendent. Il existe des dispositifs semblables depuis des années entre les deux pays. Dans le cas du Canada, le sous-chef d'état-major est chargé du recours à ces dispositifs. Il devrait probablement être mis à jour étant donné la nouvelle réalité de risque d'attaques terroristes dans les deux pays. C'est la raison pour laquelle on est en train de préparer un plan spécial d'assistance civile.
Le sénateur Meighen : C'est donc en cours?
Le cam Robertson : Oui, mais cela repose sur les dispositifs qui existent déjà.
Le sénateur Meighen : Pourquoi a-t-on l'impression que tout prend tellement de temps? Tout le monde dit qu'il s'agit de questions assez urgentes mais on doit en arriver à la conclusion malheureuse que tant qu'il n'y aura pas eu d'incident grave, les choses n'avanceront pas tellement. Est-ce que je me trompe?
Le cam Robertson : Nous n'avons pas arrêté toutes les autres choses que nous faisons et qui consistent à donner toute la priorité à ces secteurs particuliers. Le gros effort ces deux dernières années a été concentré sur l'Afghanistan. Avant cela, il y avait la campagne contre le terrorisme en général. Nous avons entrepris de mettre à jour un certain nombre de documents. Nous travaillons à la même allure que nos homologues américains. Ils ne font pas leur mise à jour et leur révision plus rapidement que nous et cela ne gêne pas la coopération entre nos deux pays.
Le sénateur Meighen : J'ai trouvé également intéressant que vous disiez que le rythme opérationnel que l'on vous a imposé a eu une incidence inévitable sur votre capacité de vous concentrer sur d'autres questions. Vous ai-je bien compris?
Le cam Robertson : C'est à peu près cela. En fait, c'est le cas également aux États-Unis, même s'il est peu probable qu'ils puissent avancer sur tous les fronts en même temps.
Le sénateur Meighen : Je ne pense pas qu'ils manquent autant de ressources que nous.
Le cam Robertson : C'est possible.
Le sénateur Meighen : Vous avez parlé de stratégie élaborée durant la guerre froide et le NORAD est certainement un produit de la guerre froide. Son principal objectif, si je ne m'abuse, était de faire face à la menace d'attaque par bombardiers sur l'Amérique du Nord. Si ce n'est plus une menace sérieuse, comme en conviendront la plupart des observateurs, et que nous avons renoncé à participer au programme de défense antimissile balistique, il me semble que la coopération avec nos voisins américains — qu'il s'agisse de l'armée de l'air, de la marine ou de l'armée de terre — pourrait probablement se faire tout aussi bien par le biais d'ententes mixtes dans ces trois secteurs. Pourquoi continuer dans le cadre de NORAD si nous ne participons pas à la défense antimissile et si nous ne nous inquiétons pas trop d'attaques par bombardiers pilotés?
Le cam Robertson : Au cas où je me sois mal exprimé, les plans de guerre froide dont je parlais étaient en fait des plans qui avaient été élaborés à l'époque de la guerre froide. Certains d'entre eux remontent peut-être à 10 ou 15 ans, mais je ne les qualifierais pas de plans pour la guerre froide. Pour ce qui est de la marine, nous avions le genre d'ententes mixtes dont vous parlez. Nous avions de très bonnes ententes semblables qui n'étaient pas pour autant un traité ou un commandement binational qui permettait à notre marine et plusieurs autres marines de l'OTAN de faire face à la présence de sous-marins soviétiques porteurs de missiles balistiques au large de nos deux côtes. Bien qu'il se soit agi d'une série d'ententes bilatérales plutôt que d'un commandement binational, ce fut très efficace pendant des années. En fait, c'est exactement le monde dans lequel a commencé le col Haché et où il a fait toute sa carrière et auquel j'ai participé brièvement. Nous avons une bonne expérience de ce genre d'ententes bilatérales dont certaines remontent à des années.
Le sénateur Meighen : A-t-on besoin d'un NORAD? Je ne suis pas contre NORAD. Je demande simplement si nous ne pourrions pas nous occuper de toutes ces questions aussi bien grâce à une autre forme de coopération.
Le cam Robertson : Il existe en effet maintes façons d'obtenir la coopération souhaitée. Dans certains cas, ce qui est important quant à la forme de coopération à choisir, c'est la fonction qu'on veut lui donner. Dans certains cas, il est très précieux d'avoir un commandement binational. L'avantage, dans le cas du NORAD, est assez évident pour ce qui est de la rapidité de réaction nécessaire et de l'urgence de certaines questions, surtout lorsque l'on considère le déploiement du Canada ou des États-Unis d'un côté ou de l'autre de la frontière pour faire face à certaines menaces pour la sécurité. Tout cela semble justifier un commandement binational qui peut réagir aussi rapidement.
Ceci nous ramène à ce dont parlait tout à l'heure Barbara Martin. Il y a différentes façons de procéder. Ce qui est important, c'est de trouver la meilleure façon d'atteindre la fonctionnalité que l'on recherche, la façon qui est la plus efficace et la plus rentable afin de pouvoir justifier le coût de tel ou tel dispositif.
Pour revenir à ce que vous disiez au début, je ne minimiserais en rien l'utilité du NORAD tel qu'il existe aujourd'hui pour savoir ce qui se passe à propos de l'espace aérien nord-américain et pour pouvoir réagir. Les Américains apprécient en particulier le NORAD parce qu'il est en mesure de réagir à ce que nous aurions appelé il y a des années la menace traditionnelle. Ils le voient toujours jouer un rôle précieux à cet égard. Ils y tiennent aussi pour sa capacité de répondre à la menace asymétrique ou non conventionnelle. Ils l'apprécient pour ces deux raisons et c'est pourquoi nous savons qu'ils veulent qu'il soit maintenu sous sa forme actuelle.
Le sénateur Meighen : S'il y a un transport de drogues dans un avion qui évidemment ne se serait pas signalé, il serait d'abord repéré par le NORAD, n'est-ce pas? Qu'arriverait-il ensuite?
Le cam Robertson : Il m'est arrivé d'attendre au large de la côte sud de la Nouvelle-Écosse dans un navire qui travaillait pour le NORAD, pour élargir la couverture radar du NORAD. Je devrais laisser le colonel Haché poursuivre. Si vous vous demandez pourquoi, c'est parce que je ne voudrais pas entrer dans des détails confidentiels quant à notre capacité de détection des stupéfiants.
Le sénateur Meighen : Je suis convaincu que nous avons une capacité qui n'a rien à envier à personne, mais je voulais simplement vous interroger sur le principe de ce qui se produit. Cet avion non identifié approche de la côte de la Nouvelle-Écosse et on le soupçonne de transporter de la drogue; qui l'identifie et que fait-on?
Le col Haché : Ceci montre l'importance de la coopération internationale entre le Canada et les États-Unis et les divers organismes d'application de la loi. Il est très probable qu'il s'agira là d'une activité d'application de la loi et que l'on nous demandera d'aider. Ainsi, les informations voulues étant transmises, nous participerons au cadre d'exécution de la loi en question dans le cas particulier. La probabilité qu'un trafiquant de drogues soit identifié comme tel au décollage par le NORAD est plus faible que ce qu'elle serait par davantage de contacts interorganisations.
Le sénateur Atkins : À propos du NORAD, il s'occupe également des avions civils qui arrivent par le nord. Est-ce qu'il les considère comme un missile possible? Dans quelle catégorie mettez-vous cela?
Le cam Robertson : Certainement, c'est un risque depuis le 11 septembre. Nous participons évidemment mais la responsabilité première de tout cet effort revient à d'autres ministères chargés de savoir, par exemple, qui se trouve dans l'avion et comment il se fait que l'on ait été mis au courant d'un avion particulier? Certes, il y a des avions qui ont été renvoyés des États-Unis. Il y a des avions qui ont été renvoyés du Canada lorsque l'on a appris qui étaient à bord et qu'on a décidé de les renvoyer à Europe. À un certain point, si l'avion se trouve déjà dans l'espace aérien canadien, sommes-nous en mesure de réagir? Oui, absolument.
Le sénateur Atkins : Mais cela prônerait en faveur du maintien de NORAD, n'est-ce pas?
Le cam Robertson : Très certainement.
Le sénateur Meighen : Sous sa forme actuelle.
Le cam Robertson : Oui, au moins. C'est effectivement le cas, si vous considérez que tout avion à destination des États-Unis depuis l'Europe doit survoler le Canada et si vous considérez que les avions de combat américains sont plus rapides que les avions de combat canadiens pour intercepter un avion provenant des États-Unis.
Le sénateur Atkins : Supposons un avion provenant de l'Europe; supposons aussi que le manifeste signale la présence de deux terroristes à bord. Serait-ce à NORAD à réagir et à faire en sorte que l'avion rebrousse chemin ou soit intercepté?
Le cam Robertson : Le NORAD est en effet toujours informé de ces détails. Toutefois, ce n'est pas au NORAD de suivre à la trace la liste des passagers ni de décider quelles mesures doivent être prises.
Le sénateur Atkins : Le NORAD a-t-il accès au manifeste?
Le cam Robertson : Je ne le saurais. Ce qu'il faut comprendre, c'est que ce n'est pas à la Défense de déterminer qui est à bord, de quel appareil il s'agit et comment le gouvernement doit réagir. Toutefois, le NORAD peut réagir si on lui en fait la demande.
Le sénateur Meighen : L'idée lancée par le général Hillier d'un commandement canadien nous a tous bien intrigués. Pouvez-vous nous dire où en est cette idée? S'agit-il d'un ballon d'essai ou d'une suggestion qui fait l'objet d'études sérieuses pour la simple raison qu'elle a été mise de l'avant par le chef d'état-major de la défense?
Le nom des équipes au sein du ministère de la Défense nationale m'a aussi intrigué. On a parlé d'équipe d'urgence qui aurait été créée en vue d'étudier diverses pistes de changement, entre autres choses. L'un ou l'autre d'entre vous fait-il partie de cette équipe d'urgence? Dans l'affirmative, ou même dans la négative, pouvez-vous nous expliquer ce que font ces équipes d'urgence?
Le cam Robertson : Le ministre a évoqué les nouvelles structures de commandement et de contrôle pour les Forces armées canadiennes. Je pense même qu'il a mentionné il y a quelques jours un commandement canadien, mais on a parlé en termes d'idées que comme quelque chose de concret pour l'instant.
Le président : S'agissait-il d'un commandement canadien ou d'un commandement du nord géographique?
Le sénateur Meighen : Notre président a beau se sentir mal, il n'a pas perdu toutes ses facultés.
Le cam Robertson : Il ne s'agit pas encore d'un schéma affiché sur les murs auquel peuvent se référer les membres des forces armées : ce n'est encore qu'au stade des idées. L'idée d'une meilleure structure de commandement et de contrôle pour l'emploi des forces armées en est une que l'une des équipes se penchant sur le commandement et la conduite des opérations dans les Forces armées canadiennes étudie. Les résultats de cette étude courante seront présentés dans les prochains mois au chef d'état-major de la défense.
Il faut comprendre que l'objectif d'assurer une meilleure capacité de commandement et de contrôle sur son propre territoire est censé nous rendre beaucoup plus efficaces au Canada. Un des effets secondaires, c'est de faire de nous, nous l'espérons, un partenaire plus réceptif aux besoins du nouveau commandement régional, le Northern Command, dans toute une série de dossiers.
Le Northern Command existe maintenant depuis deux ans. Il a élargi ses capacités, acquis de l'expérience et de la confiance, et est devenu un acteur de plein droit sur la scène américaine de la sécurité intérieure. Il est donc très important pour les Américains que nous ayons au Canada une structure de commandement et de contrôle qui nous permette de travailler harmonieusement avec le Northern Command. Pour l'instant, cette relation de travail est concentrée entre les mains du chef adjoint de l'état-major de la défense au quartier général de la Défense nationale et du Northern Command.
Le sénateur Meighen : Vos propos sont si intéressants qu'ils me poussent à demander une dernière question. Je me suis intéressé aux questions de défense. Comme vous le savez, nous nous rendons à Washington. Dans la mesure où nous pourrions peut-être nous trouver en présence des bonnes personnes dans la tribune appropriée, l'un ou l'autre d'entre vous aurait-il des suggestions à nous faire, maintenant ou plus tard sous forme de lettre? Nous pourrions, par exemple, expliquer aux Américains que les Canadiens ont de la difficulté à répondre à telle ou telle demande ou à faire avancer les discussions dans tel ou tel secteur. Nous ne comprenons pas quelle est la pierre d'achoppement. Pouvez-vous nous aider à dénouer l'impasse?
N'y a-t-il rien qui accroche en quelque part? Je ne vous dis pas que nous pourrions résoudre le problème, mais nous pourrions peut-être en toucher un mot à des membres influents du Congrès de façon à faire avancer les choses plus rapidement.
Le cam Robertson : J'avoue qu'il reste un irritant qui n'est toujours pas résolu. Ce qui se passe actuellement à Washington est un phénomène intéressant, étant donné la situation aux États-Unis. Les Américains ont rendu publique en mars dernier leur première stratégie de défense nationale signée par le secrétaire à la défense Donald Rumsfeld et émanant de leur stratégie nationale en matière de sécurité. Il s'agit d'un document simple et bref, facile à lire.
Le sénateur Meighen : Pourrions-nous demander au témoin de nous laisser le document?
Le cam Robertson : Je vous le laisserai avec plaisir. En première phrase, on peut lire que : « Les États-Unis sont un pays en guerre ». Cette première phrase explique peut-être pourquoi les Américains sont à ce point obnubilés par la guerre contre le terrorisme en Irak, en Afghanistan et ailleurs.
Les Américains vivent des changements perpétuels avec leur nouvelle stratégie sur la défense nationale, et leur département de défense est en train de définir, dans le cadre de son examen quadriennal sur la défense, ce qu'il leur faut faire pour répondre à la stratégie de défense nationale. La directive du président sur une stratégie maritime a également attiré l'attention de beaucoup d'Américains. On assiste en même temps à la consolidation du département de la Sécurité intérieure et du Northern Command. Toutes ces différentes institutions existent déjà depuis plusieurs années et ne cessent d'élargir leurs compétences et d'acquérir plus d'expérience.
Je sais que votre question ne portait pas précisément là-dessus, mais plutôt sur les irritants qui demeureraient entre nos deux pays. Personnellement, ce n'est pas à cela que je m'attarderais. Je m'intéresserais plutôt aux changements que vivent les États-Unis.
Le sénateur Banks : Dans votre réponse au sénateur Meighen, vous avez dit que vos réponses correspondraient sans doute à celles que nous avaient données vos homologues d'autres ministères. C'est vrai, mais nous aurions parfois espéré le contraire.
Notre comité retourne à Washington, et c'est pourquoi nous vous demandons des conseils militaires francs et professionnels qui pourraient nous aider lors de notre visite. En répondant plus tôt au sénateur Meighen, vous avez affirmé qu'il n'y avait pas de sujet de divergence ou de friction dans le domaine militaire, entre nos deux pays. Or, lors de nos visites précédentes à Washington nous avions pourtant constaté qu'il y avait entre nos deux pays des sujets de grande divergence et de grandes fictions dans le domaine militaire.
Nous avons rencontré M. Rumsfeld, le général Richard Myers et des conseillers principaux de la Maison-Blanche en matière de sécurité, et nous avons bel et bien entendu de graves sujets de divergence ou de friction. On ne critique aucunement ce que fait l'armée canadienne. D'ailleurs, les Forces canadiennes sont hautement respectées. Nous-mêmes et ceux qui critiquent le Canada avons comparé la contribution que fait notre pays à l'égard de la défense à celle des autres. La contribution du Canada par rapport aux défenses gouvernementales et par rapport à notre produit intérieur brut, par exemple, fait l'objet d'odieuses comparaisons avec celles d'autres pays, et alimente la divergence et le conflit au sein même des États-Unis et dans d'autres pays aussi, ce qui a un effet qui dépasse de loin le domaine militaire.
Je vous serais reconnaissant de nous dire quels sont ces sujets de conflit et de friction entre nos deux pays et de nous expliquer comment ils pourraient être résolus. Si vous n'en savez rien, j'espère que nous aurons de notre côté la possibilité de vous informer.
Le cam Robertson : Laissez-moi vous donner un exemple, celui de la défense contre les missiles balistiques. Les rapports que j'ai eus avec mes homologues américains au cours du dernier mois n'ont en rien changé depuis que le gouvernement du Canada a pris sa décision au sujet de la défense contre les missiles balistiques. Mes homologues, qui sont pour la plupart en uniforme mais qui se retrouvent aussi parmi les fonctionnaires du département de la Défense, ont tous l'habitude de travailler au sein d'un gouvernement démocratiquement élu et l'habitude de recevoir des ordres du gouvernement, quel qu'il soit. Ils ont reconnu la décision du gouvernement du Canada et se demandent maintenant ce qu'il faut faire pour rehausser la sécurité en Amérique du Nord, ce dont nous avons parlé plus tôt.
La contribution de l'État est déterminée par le gouvernement du jour. Nous attendons sous peu un énoncé de politique internationale et un énoncé de politique de la défense. Il sera utile que ces deux documents soient déposés pour que vous puissiez engager des discussions avec vos homologues à Washington. Le récent budget n'a pas manqué d'attirer l'attention de mes homologues militaires américains qui comprennent bien la contribution supplémentaire que cette augmentation va permettre à l'avenir.
Le sénateur Banks : C'est quand même assez lointain dans l'avenir pour l'essentiel, car cette année je crois qu'il s'agit de 500 millions de dollars. Je ne veux pas jouer les C.D. Howe en crachant sur 500 millions. C'est un montant important, mais d'après ce qui est prévu actuellement, le gros de l'argent sera versé plus tard.
Je pense que personne ne dit qu'il faut que ce soit un gouvernement civil qui détermine la politique militaire, mais c'est comme cela que les choses fonctionnent dans les démocraties occidentales. Il est arrivé que de hauts fonctionnaires militaires arrivent à la table en disant des choses comme : « Tiens, voici les pique-assiettes ». Enfin, je dis cela de façon un peu familière. Je sais bien que les deux pays se respectent et que les membres des Forces canadiennes et leur contribution passée sont éminemment appréciés, mais il doit bien vous arriver de temps à autre de vous faire poser des questions sur la portée, l'ampleur et l'importance de la contribution que nous pouvons faire. C'est de cette friction que je parle. Vous n'avez pas cette impression quand vous discutez avec vos homologues américains? Nous, oui.
Le cam Robertson : Vous avez ce problème avec vos homologues parce que vous discutez de politiques et de stratégies.
Le sénateur Banks : Les gens de l'armée de terre, de la marine et de l'armée de l'air ne vous posent pas ces questions?
Le cam Robertson : Ce n'est pas un motif de friction entre mes homologues et moi, et je crois qu'on peut dire la même chose pour l'ensemble des forces.
Le sénateur Banks : Je trouve cela assez remarquable.
Je vais passer à un autre sujet et revenir sur ce que disait le sénateur Meighen. Outre le NORAD et CANUS, dont vous avez parlé, il existe à peu près 80 autres ententes bilatérales entre le Canada et les États-Unis sur le plan strictement militaire. Nous avons 145 organisations multilatérales et environ 250 protocoles d'entente qui concernent les questions militaires dans les deux pays. Est-ce que tout cela est encore bien nécessaire? Vous avez parlé du caractère prééminent de la Commission mixte qui n'existe que depuis 1940. Nous avons maintenant le groupe de planification binational. Est-ce que cela ne suffit pas? Nous pourrions peut-être nous passer de tout ce fatras, les 145 autres organisations, les 80 ententes et les 250 protocoles d'entente, et réduire un peu toute cette administration?
Le cam Robertson : C'est effectivement quelque chose qui mérite réflexion, et qui est d'ailleurs à l'étude. Le Groupe de planification binational passe en revue tous ces documents pour voir ceux qui n'ont plus vraiment d'utilité parce qu'ils n'ont pas été utilisés depuis longtemps. Il peut s'agir de documents qui prennent leur origine dans trois services distincts et qui devraient être fusionnés au niveau des deux ministères de la Défense.
Le sénateur Banks : Ces ententes existent et sont en vigueur, mais est-ce qu'il n'arrive pas qu'elles empêchent ou qu'elles freinent des progrès qu'on pourrait faire autrement?
Le cam Robertson : Il est très vraisemblable que certaines de ces ententes soient devenues caduques et soient tombées dans cette longue liste. C'est au Groupe de planification binational de s'en occuper et de faire le tri.
Le sénateur Banks : J'espère qu'il le feront.
En novembre, nous avons appris que le Groupe de planification binational avait parlé de remplacer le NORAD par une entente entre le Canada et les États-Unis sur la sécurité et la défense internationales. Pourriez-vous nous en dire un peu plus?
Le cam Robertson : Il s'agissait simplement de réfléchir à divers moyens d'améliorer la coopération nord-américaine en matière de défense. On peut imaginer toute une gamme de scénarios, d'un nouveau commandement binational couvrant la totalité des domaines...
Le sénateur Banks : Il en est question?
Le cam Robertson : Il y a toute une gamme de besoins à examiner, mais plusieurs facteurs ont un caractère primordial. Il y a d'une part la force du Northern Command, il y a aussi le succès actuel du NORAD et il y a troisièmement la notion qui commence à se dégager d'une nouvelle structure de commandement et de contrôle des Forces canadiennes dont il a été question il y a quelques minutes. Il est peu probable qu'on choisisse une formule du tout en un, et je ne pense pas d'ailleurs que cela nous donnerait la souplesse fonctionnelle que nous recherchons.
Il y a tout un éventail. Il faut évaluer toutes ces possibilités pour être prêts à répondre aux arguments des Américains quand nous entamerons la discussion avec eux.
[Français]
Le sénateur Nolin : Amiral, colonel, tous les deux, vous travaillez dans le domaine des politiques publiques qui concernent la sécurité internationale, un sujet qui n'est malheureusement pas assez souvent soulevé — selon moi —, c'est la question du Nord, de l'Arctique.
À Calgary, entre autres, concernant la politique de défense canadienne, nous avons entendu des témoins nous expliquer en long et en large les bénéfices d'une meilleure compréhension et d'une meilleure acceptation par les autorités canadiennes, de notre responsabilité à concevoir la défense du Nord de façon beaucoup plus musclée.
[Traduction]
Dans quelle mesure le plan dont parle le premier ministre pour le Nord dans le discours du Trône risque-t-il de modifier nos relations avec les Américains?
Le cam Robertson : La Défense nationale joue effectivement un rôle dans la préservation de notre souveraineté dans le Nord, mais ce n'est qu'un des éléments de la stratégie du gouvernement pour renforcer notre souveraineté. Nos manœuvres de l'été dernier et les patrouilles de rangers dont les médias ont parlé récemment ne sont qu'une des manifestations de la présence du gouvernement du Canada. Le ministre a dit que nous examinons toutes les possibilités d'accroître notre présence dans le Nord pour préserver notre souveraineté. Il en sera également question dans l'énoncé de politique de la défense, mais je ne suis pas sûr que ce renforcement de notre présence attire vraiment l'attention des Américains. Ils vont certainement respecter les mesures que nous prendrons pour renforcer notre souveraineté, car il est parfaitement normal pour eux que nous ayons à cœur d'affirmer cette souveraineté.
Le sénateur Nolin : Soyons clairs pour que les Canadiens qui nous regardent à la télévision comprennent bien de quoi il s'agit. Laissons de côté pour l'instant le contenu éventuel d'un énoncé de politique. Qui s'occupe du Nord actuellement? Je ne parle pas seulement de l'espace aérien, mais aussi des étendues d'eau et de terre. J'imagine que quelqu'un s'en occupe. Comment le faisons-nous? Les Américains comprennent-ils que c'est notre responsabilité?
Le cam Robertson : Je ne crois pas qu'ils mettent en doute le fait que nous estimons être responsables de surveiller ce qui se passe dans les territoires et les eaux que nous revendiquons.
Le sénateur Nolin : Vous dites que nous exerçons une surveillance. Nous sommes allés à Esquimalt et nous avons vu de nos propres yeux ce que cela signifiait. Je sais que nous n'avons pas pour le Nord d'installations analogues à celles que nous avons pour l'océan Pacifique, mais en est-il question?
Le cam Robertson : Je préférerais laisser à d'autres collègues de notre ministère le soin de vous parler de notre présence et de nos plans pour l'avenir en ce qui concerne notre souveraineté sur le territoire et les eaux du Canada dans cette région. Le colonel Normand Couturier, du Secteur du Nord des Forces canadiennes, serait peut-être le mieux placé pour vous répondre. Le major général Doug Dempster pourrait vous parler des plans pour l'avenir.
Le sénateur Nolin : Colonel Haché, vous êtes chargé de la politique pour l'hémisphère occidental. Que pensez-vous de notre responsabilité en matière de surveillance du Nord?
Le col Haché : Notre responsabilité première est d'appliquer au Canada la vision énoncée par le gouvernement du Canada, et le MDN le fait au même titre que divers autres ministères. À l'échelle continentale, nous nous préoccupons de la souveraineté de notre territoire. Nous examinons les régions qui nous préoccupent, nous y réfléchissons et nous collaborons à cet égard avec d'autres ministères. Nous collaborons avec le sous-chef d'état-major de la Défense en organisant des manœuvres et en affirmant par tous les moyens possibles notre présence dans le Nord au moment et pour les raisons les plus appropriés.
Le sénateur Nolin : Pouvons-nous rassurer les Américains en leur montrant que nous prenons toutes les précautions voulues dans le Nord, dans la perspective d'éventuelles attaques terroristes? Je parle seulement de l'espace maritime et terrestre.
Le col Haché : Je pense que oui. Nous savons que plusieurs pays sont de plus en plus présents dans le Nord. Le gouvernement réagit à ces étrangers qui viennent sur notre territoire. Nous examinons constamment les défis que nous posent les gros avions qui survolent l'Arctique, les navires et même éventuellement les gros bateaux de croisière à l'avenir, et nous réfléchissons à toutes les questions de protection des passagers de ces navires.
Il y a toute une réflexion sur les problèmes de sécurité que pose cette activité croissante dans le Nord. Ce sont les gens du Secteur du Nord qui s'en occupent et qui seraient mieux placés que moi pour vous en parler.
Les Américains considèrent que le Nord est une région très éloignée sauf pour les avions, et c'est pour cela que le document du NORAD n'aborde la question que sous l'angle de l'aviation.
À part les éventuels problèmes de frontière que nous pouvons avoir avec l'Alaska, c'est-à-dire, par exemple, l'aide qui pourrait être apportée aux populations de l'Alaska et du Yukon en collaborant de la même manière sur ces problèmes de sécurité que nous le faisons au niveau du 49e parallèle, je pense que les Américains n'auront aucune objection à ce que nous nous occupions de cette région.
Le sénateur Forrestall : Il y a un an, l'une des trois grandes réalisations du Groupe de planification binational a été l'élaboration de huit scénarios de gestion axés sur les armes de destruction massive, les attentats terroristes et les catastrophes naturelles, des scénarios prévoyant la mise en place d'un plan binational d'aide civile dans ce genre de situation.
Où en est ce plan d'aide civile? Y a-t-il eu des manœuvres de terrain pour voir s'il fonctionnait bien? L'a-t-on distribué aux intervenants de première ligne locaux ici au Canada et ailleurs, par exemple, aux États-Unis?
Le cam Robertson : Disons que le terme « plan » n'est peut-être pas le plus approprié. Le document d'aide civile doit énoncer les dispositions en vertu desquelles les autorités américaines et canadiennes pourraient s'appuyer sur l'armée de l'autre pays pour aider les autorités civiles. Ce document ne serait utile qu'à l'échelle nationale. Cela permettrait au ministère de la Défense nationale, à la demande de SPPCC, et au département américain de la Défense, à la demande du département de la Sécurité intérieure, d'aider les autorités civiles en faisant appel non seulement aux forces de leur pays, mais aussi aux éléments de l'autre pays qui posséderaient des compétences de grande valeur. Il ne s'agit pour l'instant que d'une ébauche qui est en cours de révision. Nous souhaiterions que ce plan soit prêt — et vous pourrez me corriger si je me trompe — avant le grand exercice que doivent organiser au printemps prochain le département de la Sécurité intérieure et le département de la Défense aux États-Unis. Au Canada, cet exercice s'intitulera « Ardent Sentry 06 ». Nous envisageons des exercices de soutien aux autorités civiles non seulement à l'intérieur de chacun des deux pays, mais aussi en portant assistance aux autorités civiles de l'autre côté de la frontière.
Le sénateur Forrestall : Y a-t-il eu déjà des exercices?
Le cam Robertson : Oui. Le dernier s'intitulait « Topoff3 », c'était un exercice faisant intervenir les hauts gradés aux États-Unis qui a pris fin vendredi. Au Canada, il était intitulé « Ardent Sentry 05 », et il s'agissait d'un exercice d'interaction entre le sous-chef d'état-major de la Défense au quartier général de la Défense nationale et le quartier général du Northcom américain.
Le sénateur Forrestall : Dans combien de temps pourrons-nous faire le bilan de cet exercice? A-t-il été réussi? A-t-il soulevé des questions?
Le cam Robertson : Comme toujours, cet exercice va être disséqué au cours des mois qui viennent. Je ne m'occupe pas du processus de validation qui nous permettra d'en tirer toutes les conclusions. C'est le domaine du sous-chef d'état-major de la Défense. Je suis sûr que cela va se faire dans les mois qui viennent.
Le sénateur Forrestall : A-t-il été question de l'évolution des rôles des autorités canadiennes au NORAD, au niveau binational?
Le cam Robertson : Vous voulez parler d'élargir leurs rôles à d'autres secteurs?
Le sénateur Forrestall : Nous ne sommes pas dans une BMW ou une BWM, et je ne sais pas trop ce que signifient ces initiales qui ont l'air de faire référence à des aéronefs. Mais a-t-il été question d'un rôle dans le domaine maritime? A-t-il été question, par exemple, de déployer les Halifax Rifles pour des activités de défense de la frontière? Je mentionne le Nord ici, pour qu'il n'y ait pas de malentendu; tenez-en compte. En a-t-il été question, et dans l'affirmative, quel a été le contenu de ces discussions?
Le cam Robertson : Permettez-moi de commencer par...
Le sénateur Forrestall : Les Halifax Rifles.
Le cam Robertson : Vous avez peut-être entendu parler à Washington d'un NORAD maritime. Ce n'est pas ce que vous pouvez penser. Il s'agit simplement d'un complément au NORAD. Depuis un an et demi environ, les Américains essaient de trouver un moyen de mieux intégrer toutes leurs capacités gouvernementales en matière de sécurité maritime. Quand ils parlent d'un NORAD maritime, ils parlent simplement de la volonté de regrouper toute leur capacité nationale pour que tout leur dispositif fonctionne de façon aussi impeccable que la coopération binationale aérienne entre le Canada et les États-Unis. Mais il ne s'agit pas de dire qu'ils veulent un commandement maritime binational pour le Nord. Ils cherchent simplement à solutionner leurs propres problèmes internes. Il y a notamment toute une étude en cours qui va probablement se poursuivre jusqu'en juin, à la suite de la demande du président des États-Unis qui a chargé le gouvernement d'élaborer une stratégie maritime. Donc, ce NORAD maritime n'est peut-être pas ce que vous pensez.
Il n'a pas été question de modifier le NORAD, en tout cas il n'y a pas eu de discussions officielles en ce sens. Nous n'avons pas discuté avec nos homologues américains d'un renforcement de la sécurité nord-américaine. Depuis le 11 septembre, quand la Commission mixte permanente de la défense ou le Comité canado-américain de coopération militaire se réunissent, ou quand nous nous rendons visite les unes et les autres, nous discutons des choses que nous pourrions faire pour renforcer la coopération, des initiatives qui peuvent ou non s'inscrire dans le cadre du NORAD. C'est un dialogue que nous poursuivons depuis quatre ans.
Le sénateur Forrestall : C'est un peu long, et cela traîne. Mettez les Halifax Rifles au boulot, et tout cela va s'accélérer.
Le président : Vous ne les avez mentionnés que trois fois à ce groupe, alors bravo.
Le sénateur Atkins : Il y a eu tout un débat pour savoir si nous devions accepter la mise en place d'un dispositif d'alerte radar dans le nord-est. Est-ce que c'est quelque chose qu'on envisage toujours du point de vue militaire, ou avons-nous définitivement écarté l'idée de mettre en place un tel dispositif dans le nord-est?
Le cam Robertson : Ce n'est pas spécialement mon domaine. Si le gouvernement américain nous avait demandé d'installer un tel dispositif sur le territoire canadien, j'en aurais entendu parler, mais il n'en a pas été question à ma connaissance. En fait, je sors ici de mon domaine de compétence. Je ne crois pas qu'un tel dispositif soit nécessaire, mais vous devriez peut-être vous renseigner auprès d'autres sources. En tout cas, à ma connaissance, il n'y a pas eu de demande en ce sens.
Le sénateur Atkins : Une deuxième petite question : vous avez parlé de fusionnement. Je parle d'harmonisation et vous parlez de fusionnement des forces. Pourriez-vous nous dire plus précisément ce que vous entendez par là?
Le cam Robertson : À quel sujet?
Le sénateur Atkins : Au sujet de la coopération militaire entre les forces canadiennes et les forces américaines.
Le cam Robertson : Je ne sais pas exactement dans quel contexte j'en ai parlé, mais il n'est pas question d'une intégration complète des deux forces. Il s'agit simplement de maintenir l'interopérabilité des forces de nos deux pays de façon à nous permettre de travailler ensemble lorsque le gouvernement nous le demande. Notre marine — et je prêche pour ma paroisse — a un degré très poussé d'interopérabilité avec la marine américaine, mais il n'est pas question que nous devenions la marine américaine. Ce n'est certainement pas ce que nous souhaitons.
Si notre marine passait tout son temps à travailler exclusivement avec la marine des États-Unis, nous perdrions avec le temps une partie des capacités que les Américains trouvent précieuses quand nous arrivons. Nous sommes compétents dans un certain nombre de domaines auxquels les Américains n'ont pas accordé autant d'attention ces dernières années parce qu'ils ont d'autres priorités.
J'en donne comme exemple pratique la surveillance maritime, de surface ou sous-marine, et les opérations d'arraisonnement. Ce sont des domaines où, à certains égards, nous sommes meilleurs que la marine américaine et nous représentons donc une véritable valeur ajoutée.
Nous devons travailler avec les marines européennes et d'autres marines de temps à autre. L'idée d'une intégration complète en travaillant exclusivement avec la marine des États-Unis ne nous servirait pas terriblement bien ni l'un ni l'autre. Nous devons par contre être en mesure de travailler en étroite collaboration quand il s'agit d'opérations au large de nos côtes.
Le sénateur Atkins : C'est pour la marine. Qu'en est-il des forces terrestres?
Le cam Robertson : Encore une fois, il s'agit de maintenir l'interopérabilité tout en permettant au gouvernement d'opérer des choix.
Le sénateur Atkins : Devrions-nous être davantage prudents quant à l'interopérabilité avec les Américains pour ce qui est de nos affectations?
Le cam Robertson : Nous nous efforçons de maintenir cela parce que nous reconnaissons que cela ajoute de la valeur; cela donne au gouvernement la possibilité de faire des choix. Nous avons régulièrement des membres de nos forces qui suivent des cours de formation au sein de l'armée des États-Unis. C'est une valeur ajoutée pour nous, mais cela aide aussi à maintenir l'interopérabilité.
Quant à l'alliance, je pense que la force d'intervention de l'OTAN est l'outil qui est utilisé pour aider vraiment à mettre en place l'interopérabilité pour s'assurer que tous les pays sont en mesure de contribuer lorsque l'alliance doit intervenir. Nous avons aujourd'hui un navire au sein de la force d'intervention de l'OTAN, dans l'un des groupes opérationnels maritimes, dans la Méditerranée. Nous envisageons d'insérer d'autres forces au sein de la force d'intervention de l'ONU pour des périodes de six mois, quand l'occasion s'en présentera.
C'est ainsi que l'OTAN utilise la force d'intervention de l'OTAN pour s'assurer de renforcer l'interopérabilité. À vrai dire, c'est l'OTAN qui établit entre les pays occidentaux cette interopérabilité que nous utilisons, peu importe que nous soyons dans une opération de l'OTAN ou même dans une opération d'une coalition.
Je vais donner l'exemple de mon service. Quand nous déployons des navires au Moyen-Orient pour travailler avec la cinquième flotte américaine, qui fait partie du commandement central des États-Unis, les procédures utilisées pour rassembler les marines de la coalition sont des procédures de l'OTAN, ainsi que la tactique et la doctrine de l'OTAN, et non pas des procédures spéciales de la cinquième flotte.
Le sénateur Atkins : Est-ce que nous nous rapprochons de ce que les Américains utilisent, sur le plan du matériel? Je veux parler surtout des forces terrestres.
Le cam Robertson : Je ne peux pas vraiment vous parler des forces terrestres personnellement. Ce n'est pas tellement la question de savoir si nous avons le même matériel; c'est plutôt de savoir si le matériel est interopérable.
Le sénateur Atkins : Très bien.
Le cam Robertson : C'est assurément ce que nous recherchons. D'autres sont mieux placés que moi pour parler de l'interopérabilité des forces terrestres; je me contenterai de dire que c'est un objectif que nous cherchons à atteindre par diverses méthodes.
Le sénateur Atkins : Vous n'avez pas à vous en inquiéter dans l'armée de l'air.
Le sénateur Nolin : Que pensez-vous des réserves exprimées par ma collègue le sénateur Cordy? Que pensez-vous des réserves et des inquiétudes relativement à ces virus de plus en plus répandus dans la guerre moderne?
Le cam Robertson : Vous comprendrez pourquoi les gouvernements veulent exercer un contrôle suffisamment serré sur leurs forces pour avoir la possibilité de poser leur veto à tout ce qu'ils trouvent complètement inapproprié.
Le sénateur Nolin : Que voulez-vous dire par veto? Le général est sur le théâtre d'opération en train de consulter un livre pour voir s'il doit envoyer un Canadien, un Italien ou un Allemand pour faire le travail.
Le cam Robertson : On pourrait donner l'exemple de la répression des émeutes, pour laquelle l'armée canadienne n'est pas formée — bien que mes propos soient peut-être dépassés à ce sujet. Nos unités terrestres ne sont pas formées pour affronter des émeutes comme celles qui ont eu lieu au Kosovo le printemps dernier selon les méthodes utilisées par un corps policier moderne, par exemple.
Je crois savoir que nous avons des restrictions relativement à nos forces, à savoir qu'elles ne vont pas participer à la répression d'émeutes. Ce n'est pas négociable. Si l'on essaie de les utiliser dans un tel rôle, elles ne sont pas formées pour cela et ça ne va pas bien aller. C'est une restriction.
Une autre restriction impose des limites à la capacité du commandant d'utiliser ses troupes d'une manière qui le priverait de sa marge de manœuvre opérationnelle, qui ne lui permettrait pas de réagir avec ce qu'il croit être ses meilleures troupes, celles qui conviennent le mieux pour faire face à une situation qui surgit sous son commandement.
Nous nous efforçons d'éliminer ces restrictions. Nous travaillons pour donner au commandant la plus grande liberté possible. Il est certain que c'est ce à quoi nous nous attendions quand le général Hillier était commandant de l'ISAF.
Le sénateur Nolin : Il s'en tenait aux livres.
Le cam Robertson : Il y a certaines restrictions qui sont importantes, mais je pense que le concept général est à mon avis destructeur.
Le sénateur Nolin : Merci beaucoup, c'est bon à entendre.
Le président : Au nom du comité, amiral et colonel, je vous remercie d'avoir témoigné devant nous.
Nous avons certaines questions auxquelles on n'a pas répondu parce que nous n'avons pas eu le temps de les poser. Serait-il possible de vous les faire parvenir par écrit, quitte à ce que vous nous fassiez parvenir des réponses avant que nous quittions Washington jeudi. Si vous pouviez le faire, nous vous en serions reconnaissants.
Le cam Robertson : Je vous en prie.
Le président : Je ne peux pas vous laisser partir sans formuler un commentaire. Si je comprends bien, vous êtes le patron du capitaine Stewart.
Le cam Robertson : En effet.
Le président : Nous voulions vous dire que nous trouvons qu'il est un officier remarquable et très professionnel. Il ne nous a pas payés pour faire cette publicité; je le vois rougir. Je suis sûr que tout ce que je peux dire à son sujet risque de nuire à sa carrière. Je veux seulement que vous sachiez que le comité est reconnaissant pour le travail qu'il accomplit et nous sommes impressionnés par sa qualité. J'espère que vos autres collaborateurs sont aussi bons que lui.
Au nom du comité, je vous remercie beaucoup tous les deux. Votre aide aujourd'hui nous a été précieuse. Nous avons hâte de recevoir des réponses aux questions, réponses que vous ordonnerez au capitaine Stewart de rédiger dès que nous lèverons la séance.
À l'intention des membres du public qui suivent nos travaux, si vous avez des questions ou des commentaires, je vous invite à consulter notre site Web à l'adresse www.sen-sec.ca. Nous affichons le témoignage des témoins ainsi que le calendrier de nos audiences. Autrement, vous pouvez communiquer avec le greffier du comité au numéro 1 800 267-7362 pour obtenir de plus amples renseignements ou de l'aide pour communiquer avec des membres du comité.
Nous avons devant nous aujourd'hui le major général Doug Dempster. Il est directeur général de la Planification stratégique depuis juillet 2001. Il est un officier de transmission expérimenté qui a monté en grade jusqu'à devenir commandant de la Première division canadienne et du Régiment de transmission à Kingston, en Ontario, pendant les opérations dans le golfe Persique et à Oka. Il a un vaste bagage opérationnel ayant servi un peu partout au Canada, à Chypre et en Allemagne.
De 1994 à 1998, il a été directeur de projet pour le système de contrôle et de communication du commandement tactique, qui a coûté 1,9 milliard de dollars, ce qui représente un important projet d'immobilisation. De 1998 à 2000, il a été directeur de la Planification des forces et de la coordination des programmes; à ce titre, il a facilité l'élaboration de la stratégie de défense 2020 et a synchronisé l'augmentation des crédits prévus dans le budget fédéral de 2000.
Le major général Dempster est diplômé d'un cours d'état-major technique de l'armée à Shrivenham, au Royaume-Uni, et du Collège d'état-major et de commandement des Forces canadiennes, et il a obtenu une maîtrise en administration des affaires de l'Université d'Ottawa.
Major général Dempster, je crois que vous avez une brève déclaration à faire. Vous avez la parole.
[Français]
Le major général Doug Dempster, directeur général, Planification stratégique, Défense nationale : C'est un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui. Avant d'aborder les questions relatives au plan stratégique d'investissement dans les capacités, permettez-moi de faire quelques remarques générales.
[Traduction]
Je vais formuler mes observations en deux étapes. Je vais d'abord vous parler, de manière générale, de la planification stratégique et ensuite, plus précisément, du plan stratégique d'investissement dans les capacités.
[Français]
En tant que directeur général de la planification stratégique, je suis au service du vice-chef de la Défense ainsi que du chef et du sous-ministre. Ma mission est de définir l'orientation stratégique visant à assurer la pertinence et la crédibilité de la défense. Comme stratège, j'ai appris que la stratégie consiste à allier les éléments externes aux éléments internes. Il est plus important d'éviter de se tromper terriblement que d'avoir parfaitement raison.
[Traduction]
Pour remplir ma mission, je dispose d'environ 95 employés très professionnels et qualifiés, dont 60 p. 100 sont des civils et 40 p. 100, des militaires. Les membres de ce groupe hétérogène font partie de 15 groupes professionnels militaires et de cinq professions civiles et les deux tiers de mon personnel professionnel détient un diplôme d'études supérieures. Ma division établit de nombreux liens au sein du ministère (20 organisations de niveau 1) et avec des groupes externes (organismes centraux, autres ministères et alliés, particulièrement l'ABCA). Je crois savoir que vous allez vous rendre à Washington à brève échéance. Justement, nous nourrissons d'excellents rapports avec cette capitale et avec les échelons inférieurs de l'état-major.
Nous travaillons en fonction de trois horizons prévisionnels d'environ 5, 15 et 30 ans, et nous avons quatre lignes d'opérations : premièrement, élaborer une stratégie harmonisant les fins, les façons et les moyens en vue d'un environnement futur projeté; deuxièmement, synthétiser les concepts et les besoins en capacité; troisièmement, répartir le budget, le capital et les ressources humaines du ministère; enfin, élaborer et soutenir le cadre de gestion ministériel, y compris la préparation du rapport sur les plans et les priorités, le rapport ministériel sur le rendement et le rapport annuel du CEMD au Parlement.
[Français]
J'ai passé six des sept dernières années à l'état-major central. Pendant cette période, les comités de la défense du Sénat et de la Chambre des communes, plusieurs organismes externes, divers groupes de réflexion universitaires ainsi que nos alliés ont publié de nombreux rapports sur l'état des forces militaires au Canada. Les médias ont amélioré leur couverture des questions de défense et de sécurité. L'appui du grand public pour les forces militaires canadiennes s'est accru. Nous avons accompli des progrès considérables au cours des sept dernières années.
[Traduction]
Ces sept dernières années, nous avons élaboré des objectifs à long terme, la Stratégie 2020, une nouvelle procédure de planification stratégique et une perspective des capacités publiée en 2002 ainsi que des initiatives relatives à la transformation prévue et une feuille de route. Depuis 2002, nous avons bénéficié de cinq augmentations budgétaires successives, et notre budget est passé de 10,5 à 13,5 milliards de dollars. Récemment, le dernier budget annonçait des crédits de 16 milliards de dollars pour la quatrième année.
Grâce au plan de recrutement stratégique, nous avons commencé à renforcer notre effectif militaire. Ainsi, la Force régulière compte maintenant 62 000 membres, et la Réserve, 21 000 membres. Nous avons continué à mettre en œuvre de nouvelles solutions et avons commencé à mettre à l'essai de nouveaux concepts et de nouvelles technologies comme le véhicule aérien sans pilote moyenne altitude longue autonomie pour la surveillance, essais très importants que nous avons effectués l'été dernier. À l'occasion de cette manœuvre, nous avons remonté la côte Est jusqu'à la Terre de Baffin, et à l'intérieur, jusqu'à Gagetown.
Au sein du gouvernement, nous avons été au premier rang en ce qui a trait aux meilleures pratiques de gestion (de la planification en matière de défense à la gestion du rendement, en passant par la planification axée sur les capacités), et nos produits de planification sont sur le Web afin de promouvoir l'ouverture et la transparence.
[Français]
Bien que je sois fier de ces nombreuses réalisations, vous comprendrez qu'il y a encore des lacunes importantes. Nous nous comparons constamment à nos principaux alliés, nous nous efforçons d'améliorer nos opérations, nos capacités et nos moyens institutionnels.
[Traduction]
Permettez-moi de me pencher sur une innovation majeure, le Plan stratégique d'investissement dans les capacités ou PSIC. Ce plan, dont l'horizon prévisionnel est de 15 ans, est lié de façon accrue aux techniques d'établissement des budgets selon la comptabilité d'exercice et de dépréciation. Il fournit un cadre utile de planification efficace au personnel responsable des besoins et au secteur industriel.
[Français]
Le plan stratégique d'investissement dans les capacités est un produit de la procédure de planification axée sur les capacités. Ce document, disponible sur le site Web des Forces canadiennes, décrit en détails les investissements nécessaires pour mettre sur pied de nouvelles capacités militaires pour le Canada, ainsi que pour soutenir les capacités existantes, leurs liens avec la politique et la vision, leur portée prévue et, à un niveau passablement élevé, leurs priorités relatives.
[Traduction]
Le Comité des capacités interarmées requises du ministère assure la surveillance directe de l'élaboration du PSIC, ce qui garantit que toutes les propositions d'investissement se limitent à la portée essentielle, sont clairement liées à la politique et à l'orientation stratégique, grâce à la procédure de planification axée sur les capacités, et qu'elles sont échelonnées de manière à respecter les priorités convenues. Le CEMD et le SM sont directement impliqués, et le ministre est pleinement informé de tous les efforts de développement. La première version du PSIC, terminée en 2003, comprenait une liste des investissements prévus en matière de biens d'équipement.
Il nous paraissait très important que l'acronyme choisi, en l'occurrence PSIC, soit prononçable, car son prédécesseur, le PILT, ne l'était pas. Lorsqu'on conçoit des acronymes, ils doivent être prononçables, quelle que soit la langue.
La première version du PSIC, terminée en 2003, comprenait une liste des investissements prévus en matière de biens d'équipement. Elle a été affichée sur le web en juillet de la même année. L'annexe sur les biens d'équipement a été mise à jour à l'été 2004 et fera l'objet de modifications importantes à l'été 2005, étant donné les annonces faites dans le dernier budget fédéral. Nous envisageons un réexamen approfondi du document du PSIC une fois que l'énoncé de la politique de défense aura été communiqué. Le PSIC tient compte des volets convenus en matière d'investissement, en priorité une capacité de commandement et de détection fondée sur le savoir, représentant 14 p. 100 des fonds, une capacité de soutien, de maintien et de mobilité, qui correspond à 25 p. 100 des fonds. Il s'agit d'un groupe de capacités que nous avons laissé se détériorer au milieu des années 90. Troisièmement, vient la capacité de mise sur pied d'une force et d'activités collectives, qui reçoivent 4 p. 100 des fonds et constituent nos principaux systèmes de simulation utilisés aux fins de la formation et de la gestion d'entreprise. Enfin, la capacité d'engagement efficace prend 57 p. 100 des fonds.
[Français]
Le SCIP actuel respecte les meilleures pratiques de gestion de portefeuille et la gestion efficace des risques de dépassement des programmes. Il contient des projets à trois niveaux de développement (général, intermédiaire et défini) auxquels des techniques d'analyse et de gestion des risques de plus en plus exhaustives s'appliquent en fonction des coûts et des risques des projets.
[Traduction]
Maintenant qu'il a élaboré l'annexe des biens d'équipement et qu'il a amélioré la procédure d'examen, le ministère s'affaire à cerner les investissements nécessaires pour maintenir et développer l'infrastructure de défense et assurer le soutien en service des systèmes d'armes. Ces deux annexes seront créées cette année. L'année prochaine, il procédera à des investissements dans les secteurs suivants : science et technologie, essais et ressources humaines. L'harmonisation complète de tous ces plans de ressource améliorera l'efficacité opérationnelle et l'économie d'effort.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
Le sénateur Cordy : C'est certainement une question dont nous discutons depuis longtemps dans ce comité.
Pouvez-vous nous expliquer le processus d'autorisation des projets? En tant que civils, nous avons souvent l'impression qu'il s'écoule beaucoup de temps entre la discussion d'un projet et sa mise en œuvre, voire même entre la discussion et l'attribution d'un contrat. Pouvez-vous nous expliquer comment se passent les choses?
Le mgén Dempster : Sur le plan pratique, les projets se préparent en deux temps. Il y a la période précédant l'approbation par le gouvernement et celle qui la suit. J'aborderai la question à deux égards. La première moitié du projet est ponctuée par trois décisions, chacune cherchant à réduire le risque. Lors de la première décision, nous constatons simplement l'existence d'un problème. Nous rédigeons alors un document appelé le FSID, où l'on consigne ledit problème. Lorsqu'on cherche à résoudre un problème quelconque, il faut en connaître la nature, sinon on ne peut savoir si on a réussi ou non. De toute manière, ces documents sont exigés de nous par le Conseil du Trésor, tout comme ils le sont de tout autre ministère.
En deuxième étape, nous procédons à l'approbation provisoire du projet. Ayant préalablement fait nos devoirs, nous pouvons alors proposer certains choix. Nous en retenons un, deux ou trois à étudier de façon poussée, et affectons du personnel à cette tâche. Une fois son travail achevé, ce dernier nous revient avec une recommandation, qui constitue en fait une autorisation. Le projet est alors bien défini. Nous en connaissons les risques, en avons étudié les enjeux ainsi que les composantes de la définition de la conformité, et nous avons aussi travaillé en collaboration avec nos alliés. Cela nous amène à l'approbation effective du projet. Il y a approbation par le ministère et enfin par le gouvernement du Canada.
Une fois que le gouvernement a terminé le projet, la seconde moitié du processus s'enclenche. Il relèvera dorénavant du sous-ministre adjoint, et se répartira dans les catégories des projets d'équipement, de la gestion de l'information des projets, ou des infrastructures et de l'environnement liés à de tels projets. Mon personnel participe surtout à la première étape de ce travail.
Pendant la seconde phase — il y a plusieurs phases qui sont également classiques — on transmet généralement à l'industrie une demande de propositions. Ensuite, il y a la phase évaluation et l'attribution du contrat. Après cela, il y a les dates clés et les capacités initiales et finales en matière d'opération. C'est ce jour-là que nous recevons le dossier. Le processus tout entier, depuis la définition du problème jusqu'à la réception d'un équipement, d'un navire ou d'un élément de logiciel, est entièrement normalisé au gouvernement canadien. Par ailleurs, la plupart des pays de l'OTAN procèdent de la même façon. Toutes les phases suivent le même modèle.
Le sénateur Cordy : Mais vu que les technologies évoluent à une telle rapidité, est-ce que vous pouvez changer en cours de route les paramètres de ce que vous recherchez? Si tout le processus prend cinq ans, au bout de la cinquième année, la technologie est quasiment devenue inutile. Pouvez-vous, à un moment donné, modifier les paramètres ou ceux-ci sont-ils coulés dans le béton dès lors que vous êtes allé devant le Conseil du Trésor et que vous avez eu l'autorisation de faire l'acquisition de l'équipement en question? Et à ce moment-là, devez-vous vous contenter de celui-ci?
Le mgén Dempster : La technologie suit des cycles beaucoup plus rapides que ceux de notre processus d'acquisition. Je me souviens, en 1991, j'étais directeur de projet pour un contrat d'acquisition d'un ordinateur. C'étaient des ordinateurs Pentium II avec disque dur de 20MB et, six ans plus tard, il y avait des ordinateurs Pentium III avec des disques durs de plusieurs gigaoctets. C'est donc une difficulté, et cela devient un problème à tel point que, de plus en plus, nous devons viser d'énormes performances plutôt que d'énormes techniques pour éviter de nous faire prendre au piège de l'évolution de la technique.
Le sénateur Cordy : Quels sont les obstacles? Certains nous ont parlé de la nécessité de rendre le système efficace. Y a-t-il des obstacles qui pourraient être éliminés pour simplifier les choses? Certes, je sais que vous devez prévoir les freins et les contrepoids, mais il me semble que parfois, nous pourrions bouger un peu plus rapidement.
Le mgén Dempster : Depuis 10 ou 20 ans, ce que nous avons appris à la Défense, c'est que l'argent est davantage compté que le temps. À l'heure actuelle, ce qui se passe sur le plan matériel, c'est qu'il y a de moins en moins de temps et probablement suffisamment d'argent. Nous devons donc accélérer le mécanisme de notre horloge en ce qui concerne le volet approbation afin de pouvoir obtenir les solutions rapidement. Du côté de la mise en oeuvre, il est possible de procéder à des acquisitions plus rapidement, et je pourrais entrer dans le détail si vous voulez. Mais nous allons devoir accélérer le mouvement du processus afin de pouvoir aboutir au niveau de pertinence dont nous avons besoin.
Le sénateur Cordy : Notre comité a parfaitement compris le travail énorme que les gens des forces armées abattent pour notre pays, et nous avons d'ailleurs souvent recommandé de relever notablement les budgets de la défense. Une bonne partie de cet argent sert actuellement à acheter du matériel, mais nous avons entendu dire que si vous bénéficiez à un moment donné d'une énorme injection de capitaux, ce ne serait pas pour autant possible d'utiliser tout cet argent très rapidement. Est-ce bien vrai?
Le mgén Dempster : En effet. Dans les années 90, nous avons réduit de moitié environ notre capacité de gestion des projets. Cela veut dire que nos experts peuvent traiter la documentation et effectuer les analyses nécessaires. Au milieu des années 90, nous avions pour ce faire 1 600 équivalents temps plein affectés à la gestion des projets, alors qu'aujourd'hui nous en avons environ 800. Nous avons donc moins de personnel pour traiter un plus grand nombre de projets.
En second lieu, la capacité d'approbation du gouvernement est limitée par le temps dont disposent les comités du Cabinet, qu'il s'agisse d'une décision qui doit être prise par le cabinet plénier ou encore par le Conseil du Trésor. Il y a ici deux contraintes : la capacité que nous avons à l'interne de produire le travail et la capacité qu'a le gouvernement de traiter, d'acheminer et d'analyser le travail.
Je pense que le premier obstacle peut être contourné si nous pouvons affecter davantage de ressources. Nous pouvons sous-traiter et engager des gens intelligents, et également réaffecter les ressources à l'interne pour arriver aux niveaux de dotation voulus.
Pour ce qui est du processus d'approbation au gouvernement, il faut absolument revenir au modèle exigé par le Conseil du Trésor et voir si celui-ci ne pourrait pas plutôt déléguer au ministre ou au ministère.
Présentement, le ministre peut approuver les projets de construction à hauteur de 60 millions de dollars. Cela représente quelque 80 p. 100 de tous les projets de construction. Les projets de construction qui coûtent plus cher sont généralement extrêmement complexes et justifient un examen par le Conseil du Trésor ou par un comité encore plus haut placé.
C'est toutefois du côté du matériel que le ministre ne peut approuver qu'à hauteur de 30 millions de dollars. Je ne voudrais pas verser dans le stéréotype, mais 30 millions de dollars ne permettent pas de faire grand-chose de nos jours. À mon avis, il faudrait revoir à la hausse le niveau d'approbation du ministère de la Défense nationale lorsqu'il s'agit d'acheter du matériel. Il devrait être porté à 100 millions de dollars, ce qui devrait nous permettre d'effectuer des projets stratégiques, tandis que les grands projets de l'État resteraient soumis à l'approbation du conseil des ministres ou du Conseil du Trésor.
Le sénateur Atkins : Qu'arriverait-il si l'on envoyait les militaires dans une zone de conflit sans qu'ils aient le matériel dont ils ont besoin? Que faites-vous dans ces cas-là?
Le mgén Dempster : Voilà une excellente question. Il existe chez nous un mécanisme appelé Besoins opérationnels non planifiés, ou BONP. Lorsque nous avons été déployés en Afghanistan, nous avons pu, par exemple, acquérir relativement vite un véhicule aérien sans pilote, de même que louer rapidement de la Suède des radars de tir contrebatterie.
Vous vous demandez sans doute pourquoi nous ne pouvons pas avoir recours à ce mécanisme en temps normal, puisque nous y avons recours en cas d'urgence. Je répondrais à cela de deux façons. En premier lieu, si nous avons besoin en cas d'urgence de l'appui général du gouvernement pour acquérir du matériel, nous l'obtenons. En second lieu, si nous transformions toutes nos activités en urgence, il nous manquerait rapidement de personnel, car en situation d'urgence, nous retirons nos gens d'autres secteurs d'activité pour pouvoir traiter la demande rapidement. C'est donc en partie une question de capacité.
Mais nous sommes en mesure de réagir rapidement en cas d'urgence. Au cours de la première guerre du Golfe, par exemple, nous avons installé des systèmes d'armement destinés aux frégates de patrouille canadiennes sur de vieux navires à propulsion mécanique que nous avons ensuite envoyés dans le golfe Persique. Nous pouvons réagir remarquablement vite, tout comme nos alliés, en cas d'urgence. Le problème, c'est d'obtenir assez rapidement le reste de l'équipement en temps normal. C'est tout un défi pour nous.
Le sénateur Cordy : Quel rôle joue Travaux publics Canada et le Conseil du Trésor lorsque vous faites une demande? Lorsque les militaires décident qu'il leur faut tel matériel, communiquent-ils avec le Conseil du Trésor ou Travaux publics? Comment coordonnez-vous vos activités?
Le mgén Dempster : Le Conseil du Trésor démontre une diligence raisonnable au gouvernement. Dans le cas des grands projets, le Conseil du Trésor, qui est évidemment un comité du conseil des ministres, revoit les demandes d'approbation préliminaire ou les demandes de projet au nom du gouvernement.
Travaux publics ne joue pas de rôle important tant que l'approbation véritable du projet n'est pas donnée par le Comité consultatif supérieur de projet qui s'occupe des achats et de localiser les sources d'approvisionnement. C'est au moment de la passation de contrats que Travaux publics passe à l'avant-plan.
Le sénateur Cordy : C'est une fois que le projet a été approuvé que Travaux publics entre en jeu?
Le mgén Dempster : C'est exact, bien que le ministère prodigue des conseils au sujet de la stratégie d'achat, avant la véritable approbation du projet, puisque cela fait partie de son mandat.
Le sénateur Cordy : Vous avez expliqué que votre groupe s'intéressait aux environnements éventuels prévus. Comment faites-vous? Examinez-vous l'inventaire de tout le matériel que possèdent les Forces armées et en déterminez-vous la période d'usure? Comment faites-vous pour prévoir vos besoins éventuels?
Le mgén Dempster : Nous nous fixons plusieurs horizons de planification différents. Dans le cas des horizons les plus lointains, soit dans 20 ou 30 ans, nous avons recours à certaines méthodes de prévisions relativement complexes pour déterminer ce qui se passera. Le plus important, ce n'est pas tant d'avoir parfaitement raison que de ne pas avoir complètement tort. La technique à laquelle nous avons recours, c'est celle des avenirs de substitution. Nous nous fixons deux, trois ou quatre échéances, et nous vérifions nos solutions par rapport à toute la gamme des échéances à long terme.
Le sénateur Nolin : Pouvez-vous nous donner un exemple pour que nous comprenions ce qui semble complexe?
[Français]
S'agit-il d'un bateau, d'un avion?
M. Dempster : Je parle de l'avenir. Par exemple, il se peut que d'ici 25 ans les États-Unis aient encore le pouvoir primordial dans le monde. On ne le sait pas pour le moment. Il est possible que l'on voit des systèmes d'alliance qui fonctionnent ou qui ne fonctionnent pas.
[Traduction]
S'agissant des autres possibilités, nous envisageons différents scénarios stratégiques pour l'avenir. Sur les six scénarios actuels que nous avons déjà élaborés, quatre reposent sur la poursuite de la prédominance américaine sur la scène mondiale et deux supposent le contraire. L'un de ces scénarios est cauchemardesque, mais nous devons bien prévoir le pire. Les Forces canadiennes sont la police d'assurance du Canada, et un de nos scénarios envisage donc la possibilité que les États-Unis soient victimes d'une calamité quelconque.
Nous intégrons les questions de technologie, la concurrence pour le pétrole et pour l'eau et aussi le fait que le bonheur règne ou non dans le monde. Nous avons toute une série de scénarios étalés sur 25 ans. Il faut beaucoup de travail de réflexion et nous avons chez nous des cerveaux très brillants, des gens qui ont un doctorat, qui travaillent sur la scène internationale et qui sont là pour songer aux différents types d'avenir étant donné qu'il nous est impossible de prédire quoi que ce soit à aussi long terme.
Sur un horizon de 10 à 15 ans, nous pouvons commencer à prédire certaines choses comme les progrès technologiques. Nos spécialistes des sciences et de la technologie ont composé deux listes. La première est une liste des technologies de pointe qui trouveront leur application d'ici 10 à 15 ans, et l'autre est une liste des technologies combattantes que nous devrions pouvoir exploiter d'ici 10 à 15 ans.
Nous pouvons par ailleurs prédire la dépréciation de notre propre matériel, ce dont voulait, je crois, parler le sénateur Cordy. Nous savons bien entendu qu'un navire a une durée de vie utile de 30 ans et que, lorsqu'il a 15 ans, il faut songer à le remplacer 15 ans plus tard. Nous devons nous demander si nous aurons cette capacité dans 15 ans ou si nous pouvons faire les choses différemment ou de façon plus simple. À ce moment-là, nous lançons le processus de définition de nos projets.
Avec une perspective sur cinq ans, nous avons une très bonne idée de l'évolution des choses. Nous avons des évaluations relativement détaillées. Nous savons ce que coûtent les matériels, nous connaissons également les problèmes de formation. Nous connaissons la bête technologique avec laquelle nous devons composer, et cetera. Plus l'horizon est rapproché, meilleures peuvent être les prévisions.
Le sénateur Cordy : Faites-vous vos prévisions en fonction de ce que pourrait être le meilleur matériel ou en fonction de l'argent dont nous disposons?
Le mgén Dempster : Les deux. Nous calculons ce que pourraient être nos budgets d'achats pour les 15 prochaines années, sachant que le gouvernement du Canada nous donne un budget fixe pour les quatre premières années seulement. À partir de là, nous faisons une extrapolation linéaire.
S'agissant de technologie, les Forces canadiennes n'ont pas besoin de toutes les capacités ou de toutes les technologies possibles, de sorte que nous axons notre attention sur celles qui correspondent le mieux aux impératifs de la politique de défense du Canada.
Le sénateur Cordy : À l'automne 2003, c'était M. John McCullum qui était le ministre de la Défense nationale. Il avait déclaré qu'il fallait modifier le processus axé sur l'amélioration des acquisitions. Ce processus a-t-il connu des changements notables ou des changements tout court depuis ce temps-là?
Le mgén Dempster : Je vais essayer de limiter ma réponse aux programmes proprement dits, puisque c'est là mon secteur d'activité, plutôt que de parler des projets plus précis.
Le plus important des programmes que nous mettons en place est un processus en cascade qui repose sur un processus que nous appelons le SCIP qui signifie la planification de l'interopérabilité des communications à l'échelle du territoire. Le processus de planification de l'investissement, un processus parfaitement intégré au niveau de la défense, commence par demander de combien d'argent nous disposons pour les 15 prochaines années et déterminer l'état actuel du programme. À partir de là, on identifie les créneaux restants qui pourraient bénéficier de nouveaux investissements. Ensuite, à partir de la vision que nous avons de nos capacités, on détermine ce qu'il faudra mettre en place d'ici 10 à 15 ans et où sont les principales carences. À partir de là, nous commencerons à investir dans ces domaines en donnant aux différentes activités un ordre de priorité afin de pouvoir obtenir les éléments les plus importants dans le budget.
C'est ce que j'appellerais le problème des rochers, des cailloux et des gravillons. Le ministre McCullum a participé au processus et il l'a beaucoup aimé. L'idée est essentiellement ici que si on a une grosse urne à remplir, on commence par la remplir de rochers. Ensuite, on y introduit des petits cailloux pour boucher les interstices entre les rochers, et enfin on remplit le tout de gravillons. Pour terminer, si on est à l'Université de Dartmouth, il y a encore un peu de place pour la bière. Ce que je veux faire valoir, c'est qu'il faut commencer par faire un tri selon la dimension des éléments.
Dans notre plan, il y a actuellement 11 projets qu'on peut qualifier de « rochers ». Il est important de bien les circonscrire et de bien déterminer combien d'argent devra aller à chacun. Lorsque ces 11 projets auront obtenu les 80 p. 100 de votre argent, il faudra bien les accomplir, c'est important. C'est le rôle 20/80. Quatre-vingt pour cent de l'argent va à 20 p. 100 des projets.
Le sénateur Munson : Votre ministère a déterminé que la mobilité stratégique, essentiellement le transport aérien stratégique, était une priorité de tout premier plan. Étant donné qu'il existe déjà une plate-forme sur le marché, le C-17 par exemple, que faudrait-il faire pour accélérer l'acquisition de cette capacité? Pour nous donner votre opinion franche, complète et professionnelle de la chose, combien de temps faudrait-il, en étant réaliste, si la volonté politique était là?
Le mgén Dempster : Pour commencer, pour nous, la question de la mobilité stratégique et de l'aptitude au déploiement stratégique est absolument primordiale. Pendant la guerre froide, nous avions déployé des forces de première ligne en Europe, et notre marine s'occupait de l'Atlantique Nord. Depuis lors, depuis la guerre chaude et dans l'état actuel des choses, nous n'avons plus aucun actif en première ligne. Notre marine est déployée un peu partout dans le monde. Et d'ailleurs, il en va de même pour notre armée de terre et pour notre armée de l'air, de sorte que la moitié du plaisir consiste à se rendre sur place. Nous admettons donc que l'aptitude au déploiement est effectivement une problématique.
Vous avez posé une question hypothétique en parlant de l'acquisition rapide d'un type d'avion en particulier. Pour vous répondre, je vous dirais que le gouvernement pourrait s'y prendre de deux façons. Il pourrait procéder par appel d'offres et choisir un des soumissionnaires. Il pourrait également, s'il s'agit d'un appareil qui est déjà produit aux États-Unis, en faire l'acquisition rapidement en passant par la filière des achats de matériel militaire étranger. Nous avons déjà utilisé ces deux façons de procéder dans le cadre d'autres projets, et ce sont donc deux options possibles pour nous.
Le sénateur Munson : Dans chacun des deux cas, combien de temps cela prendrait-il?
Le mgén Dempster : Composer une demande de propositions et la rendre publique nécessiterait probablement entre 12 et 24 mois. En général, nous donnons aux soumissionnaires potentiels quelques mois pour préparer leurs réponses et nous nous donnons également quelques mois pour évaluer celles-ci, ce qui donne donc probablement entre 24 et 36 mois. Ensuite, il y a la question des délais de livraison pour le type d'appareil qui nous intéresse.
Dans le cas de la filière d'acquisition de matériel militaire, nous sommes tributaires du calendrier de production américain. S'il s'agit d'un appareil qui est déjà en production, le C-17 par exemple, tout dépendrait de la bonne volonté des États-Unis qui devraient intégrer notre commande à leur chaîne de production.
Le programme de production du C-17 aux États-Unis en est à sa troisième tranche de 60 appareils. Les États-Unis ont déjà reçu 140 ou 150 des 180 appareils que l'Armée de l'air entend acquérir, et la chaîne de montage produit environ 11 ou 12 avions par an. Il faut donc nous trouver un créneau, mais je dirais que ce scénario réclamerait entre 12 et 24 mois.
Le sénateur Munson : Le budget ne date pas tout à fait d'hier de sorte que maintenant que vous avez pu digérer les chiffres et jouer un peu avec eux, diriez-vous que ce budget donne suffisamment d'argent à la défense nationale pour pouvoir financer ces programmes d'acquisition de matériel?
Le mgén Dempster : Le budget comporte deux postes concernant les acquisitions. Le premier correspondait aux quatre composantes annoncées dans le budget, ce que j'appelle le gros hélicoptère avec toute sa fanfare, la FOI2, les bâtiments et ainsi de suite. Quatre postes devaient être financés, et il y avait pour cela assurément suffisamment d'argent. En outre, il y avait un autre élément budgétaire consacré à ce qui sera annoncé dans le cadre de la politique de la défense. Une fois que l'énoncé de politique sur la défense sera rendu publique, on pourra voir si oui ou on il y a suffisamment d'argent au budget pour y donner suite.
S'agissant du programme d'acquisitions, nous sommes en rapports très étroits ave les auteurs de l'exposé de la politique de défense. Je dirais personnellement que ceux-ci ont utilisé en partie les chiffres que nous avons nous-mêmes calculés pour composer les leurs. Les postes budgétaires impératifs que nous avons identifiés sont alignés de près sur ceux qui se trouvent à notre avis dans l'énoncé budgétaire. Mais ici encore, tant que l'exposé de la politique de défense n'aura pas été rendu publique, je ne pourrai rien affirmer avec certitude.
Le sénateur Munson : Dans la première partie de ma question, je vous demandais plutôt si, ayant assimilé tous ces chiffres, vous étiez satisfaits. Il semble y avoir un joli paquet d'argent à l'horizon. Après réflexion, beaucoup de gens pensent qu'il n'y a peut-être pas suffisamment d'argent pour aujourd'hui. Est-ce vrai?
Le mgén Dempster : Vous avez raison, sénateur, dans la mesure où pour les deux premières années ce nouveau poste du budget ne prévoit aucun crédit destiné aux acquisitions. À mon sens, ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Il faut commencer par proposer les documents nécessaires. Il faut trouver des experts pour rédiger les cahiers de charge, faire l'analyse du risque et assembler la documentation de référence. C'est ce que nous commençons à faire actuellement. Mais il faudra encore un peu de temps avant de passer à la phase dépenses proprement dite.
Le sénateur Munson : J'ai cru comprendre que vous alliez bientôt prendre votre retraite.
Le mgén Dempster : Cet été, selon mes plans.
Le sénateur Munson : Y a-t-il quelque chose que vous voudriez nous dire pour vous soulager l'esprit?
Le mgén Dempster : Depuis sept ans, j'ai passé six ans au grand quartier général. Vous êtes nombreux de votre côté à évoluer dans ce domaine depuis de nombreuses années, et vous comprenez donc ce que les Forces canadiennes ont vécu, pas vous, évidemment, sénateur Munson. En 1998, nos forces étaient vraiment au creux de la vague. Les choses n'étaient pas faciles. Pendant toutes ces années que j'ai passées dans les forces armées, j'ai eu bien du mal à joindre les deux bouts pour boucler un programme. Nous avons fait beaucoup de chemin depuis. Il nous reste du travail à faire, mais à mon sens, je prends ma retraite à un moment très porteur.
Je voudrais également vous faire savoir que j'ai l'intention de rester jusqu'à ce que ma fille obtienne son diplôme du Collège militaire Royal en mai, parce que je voulais être en uniforme pour la remise de son diplôme.
Le sénateur Day : D'après ce que vous avez vous-même pu constater depuis six ou sept ans en ce qui concerne les acquisitions et tous ces retards horribles que nous avons subis, nous avez-vous bien parlé de tous les éléments qui, selon vous, pourraient accélérer le processus?
Le mgén Dempster : Non.
Le sénateur Day : Avez-vous composé un document, élaboré un modèle qui permettrait d'accélérer le processus et dont vous pourriez peut-être nous faire profiter?
Le mgén Dempster : Je ne suis certainement pas rendu à ce point, sénateur. Le chef d'état-major de la Défense a constitué quatre équipes pour concrétiser la vision qu'il a énoncée. Je dirige l'équipe consacrée à l'alignement institutionnel, c'est-à-dire toutes les composantes de l'institution que nous allons devoir modifier pour parvenir à concrétiser cette vision des Forces canadiennes.
Dans ce contexte, nous nous employons à apporter des réformes à de très nombreuses composantes de notre institution : processus, gouvernance, structure et méthode d'acquisition, mais également mode de recrutement et de formation. Ma feuille de route est très longue en ce sens que je dois m'intéresser à à peu près tout ce que nous faisons au sein des forces armées. Le chef d'état-major m'a donné entièrement carte blanche. Il veut un point de vue nouveau sur ce que nous devons faire pour que tout marche bien.
Dans cette perspective, nous avons étudié ce qu'il faudrait faire pour réformer tout le processus d'acquisition et de marché public pour la défense. J'ai évidemment quelques idées à ce sujet dont je pourrais vous faire part si vous voulez.
Le sénateur Day : Ce serait utile en effet.
Le mgén Dempster : Il y a trois choses dont j'aimerais vous faire part. La première, c'est tout ce que nous avons compris depuis 30 ou 40 jours.
En second lieu, je voudrais passer en revue les processus internes en usage au ministère de la Défense et vous faire valoir certaines choses à ce sujet. En troisième lieu, je voudrais revenir sur certaines questions externes, des questions qui ne relèvent pas du ministère de la Défense nationale ou même de l'appareil de l'État, des questions au sujet desquelles nous pourrions peut-être vouloir bavarder un peu.
Permettez-moi de commencer par cela et d'évoquer ces trois éléments dans l'ordre. Je me proposerais de procéder de cette façon, de vous en parler un à la fois et dans chacun des cas, vous voudrez peut-être me poser des questions lorsque j'aurai terminé ou alors me demander de poursuivre.
Je vais vous présenter mes observations en six volets. Tout d'abord, pendant les années 1990, nous n'avons pas acquis beaucoup d'équipement. Nombre de programmes qui existaient sont devenus caducs. Nous n'avons pas acquis de nouveau matériel à grande échelle. Ainsi, nous souffrons actuellement d'une capacité interne en déclin, ce qui nuit à la gestion des projets. En outre, le secteur industriel, capable d'exécuter des projets militaires, n'est pas aussi florissant qu'autrefois.
Deuxièmement, nous passons d'une période où nous n'avions pas beaucoup d'argent et beaucoup de temps à une période où nous disposerons d'un nouveau financement appréciable mais peu de temps pour exécuter les projets.
Troisièmement, les opérations, c'est notre affaire et elles sont devenues très réelles pour nos militaires sur le terrain. Il ne s'agit plus des préparations constantes de l'époque de la guerre froide. Désormais, nous procédons à de vrais déploiements avec de vrais risques pour de vraies troupes. Quand il s'agit d'acquérir du matériel, il faut bien dire que c'est pour appuyer ces troupes. L'équilibre entre l'appui fourni aux troupes et l'appui fourni à notre industrie de la défense doit être redressé. À mon avis, l'appui à nos troupes doit être la priorité absolue.
Le marché des armes de défense se mondialise et on y trouve une poignée de firmes puissantes qui savent comment influencer les gouvernements. La façon dont nous aborderons ces grandes structures corporatives qui cherchent à nous vendre leurs systèmes est un enjeu capital pour nous.
Cinquièmement, je vais revenir à ce que le sénateur Cordy a déjà évoqué, à savoir que des technologies bouleversantes et des versions sans cesse nouvelles des logiciels et des systèmes se présentent à un rythme beaucoup plus rapide que le cycle des acquisitions lui-même.
Sixièmement, de plus en plus, pour l'équipement que nous achetons, il nous faut y incorporer la souplesse nécessaire dès le départ. Par exemple, le nouvel hélicoptère maritime doit pouvoir voler au-dessus des terres comme au-dessus de l'eau salée. Il faut que nos nouveaux véhicules non blindés puissent résister à des explosions de mines. Il nous faut être capables de faire face à des situations et à des opérations que nous ne pouvons pas prévoir ou imaginer aujourd'hui. Pour nos systèmes majeurs, il nous faut incorporer la souplesse nécessaire.
Si vous me permettez de résumer ces six observations, je vous dirai qu'elles témoignent d'un monde plus trépidant et turbulent qu'auparavant. Voilà donc les enjeux que nous rencontrons sur le plan militaire. Je vais m'arrêter ici au cas où vous auriez des questions sur ces points-là.
Le sénateur Nolin : À ce propos, la nouvelle force d'intervention rapide de l'OTAN a-t-elle une incidence sur votre démarche ou votre façon d'acquérir de l'équipement? Manifestement, vous devez consulter davantage nos alliés afin de voir comment nos forces peuvent s'imbriquer correctement, n'est-ce pas?
[Français]
Le mgén Dempster : À mon avis, la question primordiale est celle de l'interopérabilité avec nos alliés. L'échange doit pouvoir se faire entre logiciels malgré les changements technologiques dans les systèmes de commandement et de contrôle. Si des changements s'effectuent de leur part chaque 24 mois, nous devons faire de même pour assurer une certaine connectivité.
[Traduction]
La force d'intervention de l'OTAN ne va pas exiger que nos systèmes d'acquisition s'adaptent mais le travail en collaboration avec nos alliés, pour revenir à la question du sénateur Munson, implique que nous devons être capables de nous rendre sur le terrain et de déployer nos forces. C'est au coeur même de la force d'intervention de l'OTAN. Les exigences pour le déploiement varient de cinq à 30 jours. C'est assez rapide et il nous faut être prêts, bien entraînés et équipés, et capables de nous rendre sur le terrain.
La force d'intervention de l'OTAN est alignée sur l'Engagement capacitaire de Prague. J'ai eu l'occasion d'aller à l'OTAN à plusieurs reprises pour coordonner ces engagements de Prague, la capacité que nous pouvons mettre à la disposition de l'OTAN. La réponse est oui.
Le sénateur Atkins : Pour l'achat de l'hélicoptère Sikorsky, avez-vous appliqué toutes les règles que vous avez évoquées avant de prendre la décision, ou la décision a-t-elle été prise par la hiérarchie?
Le mgén Dempster : L'hélicoptère maritime a été conçu en vue de l'interopérabilité.
Le sénateur Atkins : Sur terre comme en mer?
Le mgén Dempster : Oui. Il comporte des radios par exemple qui peuvent communiquer avec les radios de l'armée, et cetera. Au moment où nous avons conçu l'hélicoptère maritime, la notion du travail commun n'était pas aussi poussée qu'aujourd'hui. Si nous devions commencer aujourd'hui, nous ferions mieux. Toutefois, le Sikorsky a été conçu en fonction de l'interopérabilité.
Le sénateur Atkins : Pouvez-vous faire les rajustements?
Le mgén Dempster : Je pense que oui.
Le sénateur Banks : Je voudrais une précision. Vous avez dit tout à l'heure qu'il fallait faire un choix entre ce qui est bon pour les troupes et ce qui est bon pour le secteur industriel et vous avez dit que vous choisiriez ce qui est bon pour les troupes. Nous espérons que c'est le cas.
Avez-vous quelque chose à dire sur l'opportunité d'acquérir une pièce d'équipement auprès d'un fournisseur canadien par opposition à un fournisseur étranger? Autrement dit, si vous avez besoin de matériel pour faire par exemple l'évaluation biologique et chimique, et que vous pouvez l'acquérir tout fait dès maintenant à l'étranger ou de façon relativement facile — en disant par exemple vous construisez 20 de ces pièces, faites-en cinq de plus pour nous — et que vous l'achetiez en Hollande plutôt que de tenir compte des avantages pour le secteur industriel canadien, que recommanderiez-vous? Quelle serait votre préférence, le meilleur conseil professionnel que vous pourriez nous donner sur le plan militaire?
Le mgén Dempster : J'allais répondre à cela plus tard mais je vais le faire dès maintenant si vous me le permettez. Nous parlons ici de la politique industrielle du Canada par rapport à notre politique militaire ou de défense. Il s'agit de mesurer ici l'importance relative de l'une et de l'autre dans une situation donnée. Au Canada, nous avons adopté en fait une politique industrielle de libre marché à quelques exceptions près. La construction navale en est une et il y en a d'autres.
Nous avons accepté la mondialisation comme garante de la prospérité dont nous jouissons et pour que notre commerce soit florissant. Toutefois, en matière d'acquisitions militaires, nous réfléchissons longuement quant à l'opportunité de s'approvisionner au Canada versus un approvisionnement à des sources qui se trouvent sur le marché mondial.
Quand nous avions affaire à des menaces symétriques, c'est-à-dire force contre force, la situation qui existait pendant la guerre froide, il était important que la capacité de fournir l'équipement se trouve au pays ou chez nos grands alliés, de sorte que nous puissions nous mobiliser pour fabriquer des munitions et des systèmes en plus grande quantité que l'ennemi.
Désormais, les menaces sont asymétriques. Les adversaires, qu'il s'agisse d'insurgés, de terroristes, de criminels ou de contrebandiers, sont rusés et rapides. Si nous voulons être capables de faire face à ces gens-là, il nous faut concevoir notre capacité de telle sorte que nous puissions apporter les rajustements nécessaires. Il nous faut rajuster les choses plus vite qu'eux.
Je vais vous donner quelques exemples, des extrêmes. S'il nous fallait une nouvelle arme particulière pour notre force d'intervention contre le terrorisme, et qu'elle n'était fabriquée que dans le pays « X », mais s'il nous la fallait, nous en ferions probablement l'acquisition immédiatement. D'autre part, si ce même pays était renommé dans le monde pour la production de tel ou tel bidule et que le Canada était lui-même renommé, nous serions idiots de ne pas l'acheter ici même.
Ce qui compte en fait ce sont tous les cas qui se trouvent entre les deux. De plus en plus, le facteur qui compte est la rapidité et le temps. Il nous faut avoir la capacité d'opérer à l'échelle du monde, là où on nous demande de le faire, et nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre indéfiniment.
À mon avis, il va falloir être de plus en plus rapide. Autrefois, pour une grosse pièce d'équipement, il fallait attendre 15 ans. Nous visons désormais 11 ans, avec la Stratégie 2020, c'est-à-dire une réduction d'environ 30 p. 100. Je pense que pour l'équipement standard, nous devrions réduire cela à environ cinq ans.
Personne dans cette salle n'attendrait plus de cinq ans pour acheter une voiture ou un avion. Si j'étais Air Canada, je n'attendrais pas 10 ans pour acheter un appareil dont j'ai besoin pour mon entreprise.
De plus en plus le temps devient un facteur crucial. Toute proportion gardée, les industriels canadiens peuvent obtenir une part des contrats d'équipement. Il faut décider si nous voulons fabriquer notre équipement au Canada, si c'est essentiel pour des raisons de sécurité ou de développement de l'industrie. Les forces doivent pouvoir compter sur l'équipement voulu en temps utile. Déployer nos forces de façon sécuritaire et les ramener au pays sont plus importants, selon moi, que de protéger une base industrielle pour la défense. C'est mon point de vue personnel et professionnel.
Le sénateur Day : Si j'ai bien compris, vous vouliez aborder trois sujets généraux. Tout d'abord, les six très bons points, fruit de votre réflexion, que vous avez cités. Il reste deux autres catégories que vous n'avez pas abordées, l'interne et l'externe. Je vous demande de les développer maintenant.
Le mgén Dempster : Je vais revenir à la question du sénateur Cordy, pour ce qui est de l'interne. Il faut un changement fondamental dans le processus. Il nous faut désormais établir des normes de rendement avec devis descriptifs et contrats à l'avenant pour ce que nous voulons obtenir et ensuite nous devons demander aux industriels de nous dire comment faire. Les militaires procèdent ainsi et on appelle ça « commandement de mission. » Nous disons à nos commandants de mission de prendre d'assaut telle ou telle colline mais nous ne leur disons pas comment ils doivent faire. Dans le cas des fournisseurs, non seulement nous leur disons de nous fournir un avion, mais aussi nous leur indiquons tous les détails souhaités. Le cahier des charges est souvent surchargé. Il nous faut passer à une norme de rendement plutôt que de nous empêtrer dans un cahier des charges techniques surchargé. Il nous faut nous servir de certains de nos projets de haute volée exigeant une livraison rapide pour faire valoir cette idée de normes de rendement et d'obligations contractuelles. Au Royaume-Uni, le projet Watchkeeper, qui représentait environ 1 milliard de dollars pour des véhicules aériens télépilotés, n'offrait qu'un document d'une quinzaine de 15 pages. La documentation pour le projet de remplacement des Sea King, le dada du sénateur Forrestall, tenait sur quatre cédéroms. Si on l'avait imprimée, il aurait fallu des volumes et des volumes.
Il nous faut passer à une norme de cinq ans pour les acquisitions. Le bateau de croisière le plus gros du monde a été construit en 68 mois, de l'étude à la réalisation. Il me semble que si nous décidons qu'il nous faut une capacité pour appuyer notre politique de défense, eh bien il faut que nous puissions le faire plus rapidement.
Troisièmement, je voudrais parler de la canadianisation. Très souvent, nous choisissons un bon système adopté par d'autres pays, que nous apportons au Canada et que nous canadianisons. Nous ajoutons bien des détails canadiens qui le rendent plus complexe et plus coûteux et qui rendent plus difficiles l'interopérabilité et l'entretien par la suite.
Quatrièmement, il nous faut en nombres suffisants au sein du ministère des experts, militaires et civils, bien entraînés en gestion des projets. Nous devons les utiliser efficacement pour des projets qui ne traînent pas indéfiniment en longueur et il faut leur donner une motivation de carrière. Il nous faut des gens qui, plus d'une fois dans leur carrière, vont s'occuper d'acquisitions. La formation que l'on donne actuellement aux futurs gestionnaires de projet se fait au cas par cas. L'armée a une école à Kingston qui offre une certaine formation. L'aviation offre un cours sur les systèmes à Winnipeg. La marine n'a rien. Rien de tout cela n'est synchronisé. Les responsables de l'acquisition ne sont pas bien formés et la gestion de carrière se fait au petit bonheur.
Il nous faut des responsabilités bien définies en matière de prévision et de contrôle. Chacun de nos groupes d'acquisitions — le matériel, l'infrastructure et l'information — doit comprendre une personne à qui incombera la reddition de comptes pour les opérations d'acquisition, pour la réalisation du programme dans les délais et selon la qualité et les besoins énoncés. Cela n'existe pas actuellement.
Enfin, il nous faut une gestion de la performance pour surveiller l'évolution au niveau du programme, au niveau du sous-programme et au niveau du projet. Il faut que nous puissions obtenir des améliorations constantes sur le plan du temps, du niveau de qualité et de l'exécution.
Tout cela peut se faire à l'interne. Il va falloir faire un petit effort car il y a loin de la coupe aux lèvres. Nous avons un effectif limité et cela nous oblige à aborder rationnellement la situation.
Le sénateur Day : Avant de passer aux facteurs externes, pouvez-vous me dire si ceux qui vont s'occuper de l'acquisition à long terme seront des militaires ou des civils?
Le mgén Dempster : Je dirais les deux. Quand on aborde un gros projet, il faut que le groupe opérationnel y participe activement. Pour concevoir des avions, il faut des pilotes, et cetera. Sur le plan technique, il faut des militaires qui comprennent les exigences de leur environnement propre et qui peuvent donner une interprétation. Il nous faut également des civils qui pourraient acquérir une masse critique d'expérience d'un projet à l'autre pour l'acquisition, la rédaction des contrats, et cetera. Ainsi, je conçois qu'il faudra des militaires comme des civils. Cela se fait dans d'autres pays où des militaires comme des civils s'occupent des acquisitions. On en déduit donc que les programmes de formation devraient être offerts aux militaires comme aux civils dans nos équipes.
Le sénateur Day : Un employé militaire serait-il susceptible d'occuper ce poste pendant une longue période de temps, ou est-il plus probable qu'il occupe ce poste pendant une courte période de temps puis qu'il passe aux opérations?
Le mgén Dempster : La réponse à cette question réside dans la motivation du personnel. Selon moi, les gestionnaires de grands projets qui comportent des risques importants doivent demeurer en poste pendant trois ou quatre ans afin d'assurer la constance des efforts déployés. Ainsi, aux États-Unis, par exemple, les gestionnaires de grands projets doivent occuper leurs fonctions pendant quatre ans au moins. Selon mon expérience au chapitre de la gestion d'un projet majeur du gouvernement, un mandat d'une durée de quatre ans permet au gestionnaire de mener le projet à terme et de constater les résultats du travail qu'il a entrepris.
Pour ce qui est de la gestion de carrière, il y a un roulement considérable du personnel qui occupe ces emplois. Il est important de choisir les bons candidats pour occuper ces postes, et de leur donner la possibilité d'être promus à d'autres fonctions puis de réintégrer l'équipe par la suite. En effet, un ghetto d'employés confinés à l'approvisionnement et à la gestion de projets risque de se créer. D'autres pays commencent à être confrontés à ce problème : il existe des employés qui n'ont aucune autre expérience professionnelle que celle de l'approvisionnement. Je ne suis pas en faveur d'une solution qui comprendrait une équipe d'employés qui se consacrent exclusivement aux acquisitions.
Il y a six facteurs externes auxquels on pourrait apporter des améliorations. J'estime qu'il nous faut, pour nos acquisitions, un financement stable, adéquat, fondé sur la méthode de comptabilité d'exercice et qui soit approuvé de façon consécutive pour plusieurs années. À l'heure actuelle, le ministère se voit accorder des fonds pour une année seulement. En outre, tout l'argent doit absolument être dépensé à la fin de chaque exercice, sans quoi nous perdons les fonds qui nous restent. Nous pouvons reporter jusqu'à 2 p. 100 seulement de notre budget à un exercice ultérieur. Notre budget d'équipement devrait être approuvé pour plusieurs années à la fois, et ce de façon consécutive. Nous aurions ainsi plus de marge de manœuvre, et nous serions moins préoccupés par nos dépenses annuelles.
En deuxième lieu, il faut faire passer de 30 millions de dollars à 100 millions de dollars le montant maximal des dépenses d'équipement que le ministre peut approuver. Ces changements réduiraient le nombre de demandes d'approbation que nous devons présenter au Conseil du Trésor. En effet, à l'heure actuelle, le Conseil du Trésor a de la difficulté à gérer toutes les demandes d'approbation que nous déposons relativement à nos projets. Cette situation pose problème mais ces restrictions ne sont plus nécessaires sur le plan de la reddition de comptes.
En troisième lieu, nous avons commencé à élaborer un plan solide, fondé sur une approche descendante et axée sur les capacités, qui établit clairement les priorités et fixe des objectifs pour tous les volets de nos activités, qu'il s'agisse d'équipement, de personnel, d'aspects scientifique et technologique ou d'infrastructures, afin qu'il y ait une coordination de tous ces volets. Ainsi, nous voulons éviter de mettre en service le nouvel hélicoptère si nous n'avons pas de hangar pour l'entreposer ou de personnel pour le piloter. La gestion de tous ces éléments doit être intégrée, afin qu'il y ait une harmonisation et des liens entre tous les volets de la capacité, de la formation, des ressources humaines, de l'équipement et de l'infrastructure.
Quatrièmement, il faudrait préparer un plan des capacités qui soit approuvé par le gouvernement environ douze mois après un examen majeur des politiques qui nous concernent. C'est le cas au Royaume-Uni et en Australie. En effet, dans ces deux pays, suite à d'importantes révisions de la politique de défense, si les responsables sont incapables de résoudre toutes les questions de capacité et d'approvisionnement contenues dans l'énoncé de politique un an après sa présentation, alors ces responsables rendent publique une série de directives exhaustives de planification pour les dix années à suivre. Ces directives indiquent en détail les capacités que le gouvernement souhaite posséder et coordonner. Je crois que cette approche favorise une meilleure compréhension des capacités que nous tentons d'acquérir et des raisons pour lesquelles nous le faisons. Pour l'instant, c'est très nébuleux pour les Canadiens, à moins qu'ils ne consultent notre site Internet, ne lisent le PSIC et ne comprennent nos sigles et notre vocabulaire technique. Les priorités des plus hautes instances dirigeantes ne sont pas claires.
En cinquième lieu, il faut rétablir l'équilibre entre les besoins militaires et nos politiques régionales industrielles. Il faudrait encourager les responsables de la politique industrielle à cerner les domaines précis où le Canada veut conserver une expertise industrielle particulière et où il faut maintenir un patrimoine spécifique. Il faut également déterminer quels sont les projets clés d'acquisitions rapides au chapitre de la défense pour lesquels nous devront acquérir ces capacités sans tenir compte, ou presque, des facteurs de nature industrielle.
Il est possible d'avoir recours à l'exemption au titre de la sécurité nationale. C'est un outil qui est lourd de conséquences. Il y a des façons plus habiles de procéder.
En dernier lieu, nous devons revoir notre politique d'adjudication des contrats qui comprend les dispositions législatives applicables au Tribunal canadien du commerce extérieur, le TCCE. En cherchant à être plus efficaces, nous avons instauré une série de processus qui ne permettent pas au soumissionnaire qui n'est pas retenu de faire appel de la décision qui le concerne. Cela suscite du mécontentement dans l'industrie et au sein de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, TPSGC. Je ne suis pas un spécialiste de ces questions. D'autres le sont. Quoi qu'il en soit, nous devons nous pencher dès maintenant sur ces questions afin de modifier nos processus de passation de contrats.
Le sénateur Munson : Vous aviez certaines choses à exprimer.
J'aurais une brève question au sujet des montants de 30 millions et 100 millions de dollars. Quelles sont les règles dans d'autres pays occidentaux par rapport aux montants limites de cette ampleur, qui évitent aux responsables de se présenter devant l'institution équivalente au Conseil du Trésor pour obtenir davantage de fonds? Est-ce le cas en Australie, par exemple?
Le mgén Dempster : Je ne connais pas les montants que le ministre peut approuver à cet égard dans d'autres pays. Je ne crois pas que nous ayons augmenté le montant maximal de dépenses d'équipement que le ministre peut approuver depuis de nombreuses années. Une partie du problème tient au fait qu'avec le même montant, on n'achète plus aujourd'hui ce qu'on achetait autrefois. Si vous examinez les programmes qui se trouvent dans notre document de planification, vous constaterez que nous qualifions les projets de moins de 100 millions de dollars de cailloutis. Les projets qui dépassent ce montant sont appelés des pierres tandis que les projets d'un milliard de dollars ou plus sont qualifiés de rochers. Selon moi, le gouvernement du Canada et le Conseil du Trésor devraient se pencher uniquement sur les rochers et les pierres. Pour les autres ministères, 100 millions de dollars est une somme considérable. En revanche, pour ce qui est de nos programmes dans leur ensemble, nous comptons 156 projets qui font partie du PSIC, et il n'y a pas beaucoup de valeur ajoutée puisque le Conseil du Trésor considère le programme complet avant d'approuver les projets qui représentent des montants moins élevés.
[Français]
Le sénateur Nolin : J'apprécie beaucoup votre recommandation sur l'utilisation des devis de performance. Je pense qu'il s'agit là d'une évolution majeure dans la façon de gérer les fonds publics.
Êtes-vous le seul à avoir cette idée où s'agit-il d'un mouvement concerté à l'intérieur du ministère? Vous êtes conscient des effets sur les politiques actuelles de gestion du Conseil du Trésor; avez-vous évalué l'arrimage d'une idée qui n'est pas révolutionnaire mais qui, dans l'administration publique, peut sembler hors normes?
Le mgén Dempster : C'est une très bonne question. On constate déjà les efforts aux États-Unis et en Grande-Bretagne sur l'emploi de ces techniques.
Le sénateur Nolin : On s'entend sur l'objectif et on le construit?
Le mgén Dempster : Cela deviendra une meilleure pratique et c'est d'ailleurs déjà une pratique efficace dans l'industrie. Il s'agit de trouver le moyen d'amener le volet technique du secteur privé au secteur public. Je crois que c'est faisable.
Le sénateur Nolin : Avez-vous des discussions avec le Conseil du Trésor à savoir comment les règles administratives seraient modifiées pour en arriver à une pratique de ces techniques?
Le mgén Dempster : Il n'y a pas eu de discussions avec eux sur ce plan, mais on peut le faire.
[Traduction]
Le sénateur Meighen : Il est juste de dire que, selon les chuchotements appréciatifs que j'ai entendus autour de la table, votre témoignage nous a été très utile. Il est possible que vos suggestions ne soient pas accueillies favorablement par tout le monde. C'est légitime, mais, à tout le moins, vous nous avez fourni des propositions concrètes. Vous avez reconnu qu'il existe un problème. Pourquoi, lorsque nous entendons des membres de votre profession, faut-il persuader et cajoler les témoins, et insister longuement auprès d'eux pour obtenir leur point de vue de militaires? Nous avons de la difficulté à le comprendre. Il me semble que d'autres administrations se sont dotées d'un régime juridique différent. Je ne sais pas si vous vous êtes éloigné de la position officielle de votre ministère ou non. Vous avez exprimé une proposition raisonnable qui peut être acceptable ou inacceptable. Vous démissionnez et c'est peut-être la raison pour laquelle vous l'avez fait. À tout le moins, vous nous avez fait part d'idées qui nous donneront matière à réflexion. Vous avez fait bien davantage que de nombreux autres témoins, et je vous en remercie et je vous en félicite.
Les Canadiens eux-mêmes sont désormais conscients des difficultés suscitées par les délais d'approvisionnement. Personne dans le secteur privé ne tolérerait de devoir attendre 11 ou 13 ans avant de mettre un programme en pratique. Il y a toutes sortes de problèmes, qu'il s'agisse des cibles qui évoluent ou des changements technologiques. Néanmoins, nous pourrions à tout le moins tenter d'obtenir de meilleurs résultats. Savez-vous à quel rang nous nous classons par rapport à d'autres administrations pour ce qui est du processus d'acquisition et des échéanciers? Connaissez-vous un autre pays où les délais sont aussi importants que chez nous?
Le mgén Dempster : Pour répondre à votre première observation, je crois qu'aujourd'hui, la plupart des officiers militaires ont à cœur la transformation, les réformes et les améliorations. De nombreux officiers militaires souhaitent que des améliorations soient apportées aux Forces canadiennes et j'espère que la plupart d'entre nous n'hésiteraient pas à exprimer franchement leur opinion. Lorsque nous nous exprimons, nous devons respecter les paramètres du gouvernement. Nous devons être perçus comme n'ayant aucun parti pris et nous tentons de travailler avec le système. Néanmoins, nous devons parfois en repousser les limites.
Vous m'avez demandé comment nous nous comparons à d'autres pays pour ce qui est de l'approvisionnement. Je sais pertinemment que, dans certains cas, les délais sont très longs. Le sénateur Forrestall a parlé de l'hélicoptère maritime. Il y a également l'exemple des sous-marins de classe Oberon qui ont été remplacés par le modèle actuel. Ces projets ont semblé exiger énormément de temps. Mon travail avec les Britanniques m'a permis de constater que nous nous en tirons plutôt bien. Le Royaume-Uni a éprouvé beaucoup de difficultés dans un dossier d'acquisition d'avions. Ce pays a également été confronté à des problèmes. Les Australiens ont éprouvé de grandes difficultés avec leurs sous-marins de classe Collins. Les États-Unis ont dû annuler un projet après avoir dépensé des milliards de dollars pour la recherche et le développement. Tous les régimes d'approvisionnement comportent des risques et des délais. Dès aujourd'hui, dans le contexte asymétrique de l'après 11 septembre, nous devons examiner nos échéanciers et nous adapter au rythme du monde actuel. Tout se fait plus rapidement. Nous ne pouvons plus nous permettre d'attendre aussi longtemps avant que nos acquisitions se concrétisent.
Le sénateur Meighen : Vous avez comparé vos projets à des rochers, du cailloutis et des pierres. Est-ce que les échéanciers d'approvisionnement sont différents lorsqu'il s'agit de rochers, de cailloutis et de pierre?
Le mgén Dempster : Oui, c'est le cas actuellement. Nous avons une série de projets que nous qualifions de sable, car ce sont des projets de moins de 5 millions de dollars. Nous les confions à des contractants externes, et ces projets peuvent être achevés en l'espace de quelques mois.
TPSGC ne passe pas en revue la stratégie d'approvisionnement de tout projet inférieur à 2 millions de dollars. Plus le montant du projet augmente, plus il y a de personnes qui l'étudient et qui peuvent nous aider. Les 10 ou 12 projets les plus importants sont présentés au cabinet qui les examine afin que tous les enjeux nationaux puissent être intégrés à l'approbation de ces projets.
Le sénateur Meighen : Permettez-moi de vous proposer un scénario. Supposons que le conseil des ministres décidait que nous devions suivre l'idée du général Hillier et nous doter de deux ou trois forces opérationnelles. Qui devrait se prononcer sur la nécessité d'acquérir une embarcation de classe San Antonio? En vertu de votre nouveau scénario, les responsables militaires prendraient-ils cette décision qui serait ensuite soumise à l'approbation du cabinet? Quelles seraient les retombées positives ou négatives si le cabinet souscrivait à l'opinion du général Hillier selon laquelle, sous réserve de l'approbation par les responsables militaires, l'acquisition d'un navire de classe San Antonio serait nécessaire? Si vous pouviez décider rapidement que vous deviez acheter un navire de classe San Antonio tout juste construit, cela réduirait considérablement les délais, n'est-ce pas? Il ne resterait à se prononcer que sur quelques modifications et ajouts.
Le mgén Dempster : Je recommande que nous préparions un plan de capacité en matière de défense, un programme général qui contiendrait certains des projets rochers principaux et où il serait prévu que nous voulons acquérir une certaine classe d'embarcation pour nous doter d'une capacité particulière et que cela fait partie de la politique du gouvernement. Ensuite, il faudrait désigner des délégués qui iraient parler aux Américains.
Le sénateur Meighen : Selon votre recommandation, s'agirait-il d'une décision politique?
Le mgén Dempster : Il s'agirait d'une décision politique pour laquelle tout le travail préparatoire et la coordination s'effectueraient au sein des Forces canadiennes. Mais le plan serait soumis à l'approbation du gouvernement.
Pour ce qui est de la déployabilité, il y a beaucoup de modèles de navires de transport qui existent à l'heure actuelle. Je ne suis pas un spécialiste de cette question, mais je sais qu'il faut un équipage de 400 personnes pour faire fonctionner un navire de classe San Antonio. Je sais également qu'il a fallu près de 15 ans aux États-Unis pour arriver à l'étape de leur plan d'approvisionnement où cinq navires leur seraient livrés.
Le sénateur Meighen : Je comprends que vous accordez beaucoup d'importance à l'obtention d'un financement certain à long terme ou à très long terme. En l'absence d'un tel financement, la plupart de vos suggestions ne sont pas réalisables. Comment mettre un plan en pratique sans savoir si vous obtiendrez le financement que vous demandez?
Le mgén Dempster : Nous étions confrontés à ce problème précis durant les années 1990. Nous n'avions même pas assez de fonds pour remplacer l'équipement que nous devions remplacer. Il est possible de survivre dans ces conditions à court terme, mais, à un certain moment, il faut investir les fonds nécessaires. L'équipement s'use, ce qui peut causer une crise. Et ça coûte toujours plus cher de résoudre des crises que de gérer nos activités de façon logique.
Le sénateur Meighen : Le sénateur Atkins a demandé à voix basse si nous pourrons éventuellement rattraper notre retard. J'espère que nous le pourrons.
Si je ne m'abuse, M. McCallum, lorsqu'il était ministre de la Défense nationale, a octroyé un contrat à un groupe externe qui avait pour mandat de suggérer des améliorations qui pourraient être apportées au processus d'approvisionnement. Ces recommandations ont-elles été mises en oeuvre, en tout ou en partie?
Le mgén Dempster : Un groupe de quatre personnes a reçu le mandat de former le Comité consultatif du ministre sur l'efficacité administrative. Ce groupe a fait 49 recommandations. Un certain nombre d'entre elles ont été mises en pratique; les autres sont en cours de mise en oeuvre.
Pour ce qui est de l'approvisionnement, ils se sont penchés seulement sur une partie des enjeux. Je crois qu'on a conclu qu'il fallait réfléchir davantage à ces questions et faire plus de travail. Dans la foulée des difficultés auxquelles nous étions confrontés à cause du 11 septembre, il me semble que le groupe s'est concentré davantage sur les questions administratives plutôt que sur les problèmes liés aux capacités et aux opérations. Nous devrons nous pencher davantage sur ces dossiers. Nous espérons être en mesure de mettre en oeuvre toutes les recommandations du comité consultatif du ministre d'ici la fin de 2006. Même si nous réussissions à suivre toutes les recommandations, je ne crois pas que nous éliminerions toutes les difficultés d'approvisionnement.
Le vice-président : Il y a un certain nombre d'années, j'ai eu l'occasion de demander à quelques éminents Canadiens de préparer un budget divisé pour la défense. En effet, la moitié du budget devait être consacrée aux immobilisations et à l'équipement et l'autre moitié, au bon fonctionnement des Forces canadiennes. Pour les immobilisations et l'équipement, le budget peut être établi avec un horizon provisionnel de cinq à dix ans tandis que les salaires, les allocations et autres postes de cette nature doivent être revus chaque année.
Selon votre expérience, cette méthode peut-elle faciliter la planification et offrir davantage de certitude?
Le mgén Dempster : Aujourd'hui, le Parlement doit se prononcer sur le crédit 5 pour les immobilisations et l'équipement ainsi que le crédit 1 pour les budgets de fonctionnement. Si, au cours des années 1990, nous n'avions pas eu la possibilité de faire des transferts entre le budget des immobilisations et équipement et celui du fonctionnement, nous n'aurions probablement pas survécu à cette période. Nous avons retiré des fonds de notre budget d'immobilisations pour les déposer dans notre budget de fonctionnement afin de respecter nos obligations à cet égard. De ce point de vue, il est utile d'avoir cette marge de manoeuvre lorsqu'il faut transférer des fonds entre ces deux volets du budget.
Cela étant dit, il serait avantageux de disposer d'un cadre de gestion qui s'étend sur plusieurs années plutôt qu'une seule année pour ce qui est des dépenses en immobilisations et en équipement. Par conséquent, nous aurions plus de marge de manoeuvre avec un plan quinquennal qu'avec des budgets annuels d'approvisionnement.
Ma réponse peut paraître contradictoire, mais je crois que nous pouvons améliorer le mode de gestion de nos budgets d'équipement.
Le sénateur Day : J'ai une question supplémentaire qui porte sur le comité consultatif du ministre. Pour ce qui est de l'approvisionnement aussi, êtes-vous au courant de l'examen effectué par le secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics, M. Walt Lastewka? Le secrétaire parlementaire a préparé un rapport sur les améliorations qui pourraient être apportées au processus d'approvisionnement, et ce, du point de vue du ministère des Travaux publics. Avez-vous lu le rapport? Si c'est le cas, les conclusions de ce rapport pourraient-elles s'appliquer au ministère de la Défense nationale?
Le mgén Dempster : Je n'ai pas vu le rapport mais j'en ai entendu parler. Il y a probablement une dizaine d'examens de l'approvisionnement au ministère de la Défense qui ont été effectués au cours des 20 dernières années. Je lirai ces recommandations avec beaucoup d'intérêt. En effet, je suis certain que nous pouvons apporter des améliorations à la situation actuelle.
Le sénateur Banks : J'aimerais, par ma question, confirmer les propos du sénateur Meighen, mais en adoptant un autre point de vue. Tout d'abord, je suis d'accord avec lui : nous vous remercions de votre franchise. Votre témoignage est le plus sincère que nous ayons entendu, mais vous n'avez pas exprimé toutes ces conclusions jeudi dernier.
Existe-t-il des obstacles systémiques qui restreignent la mise en oeuvre des améliorations que vous avez si bien expliquées précédemment? Y a-t-il des embûches autres que le système en tant que tel?
Le mgén Dempster : L'inertie constitue un obstacle. Je crois également que, si nous ne parvenons pas à mettre en place les mesures que j'ai mentionnées, c'est surtout parce que nous n'arrivons pas à combler certains postes, qu'ils soient militaires ou civils, c'est-à-dire à embaucher les bons candidats militaires ou civils.
Je crois que si l'on veut recruter un civil professionnel comme agent d'approvisionnement, il faut en moyenne huit mois environ avant qu'il ne puisse commencer à travailler. Nos délais de dotation sont très longs. L'organisation d'un concours ou la promotion à un niveau supérieur sont des procédures très longues. Notre procédure interne de dotation en personnel est sans doute le principal obstacle aux gains d'efficacité dans la gestion des programmes, dont j'ai parlé tout à l'heure.
[Français]
Le sénateur Nolin : En ce qui a trait aux nouveaux pouvoirs de dépenser du ministre, de 30 à 100 millions de dollars, savez-vous si le ministre a fait la demande à ses collègues du secrétariat du Conseil du Trésor?
Le mgén Dempster : Non, je ne crois pas qu'il l'ait demandé. Il occupe ce poste seulement depuis quelques mois et on vient de commencer le processus d'évaluation de toutes les questions. Autrement dit, à mon avis, il n'est pas au courant.
Le sénateur Nolin : C'est une décision qui pourrait être prise rapidement par ses collègues du secrétariat du Conseil du Trésor.
Le mgén Dempster : Certainement.
[Traduction]
Le président : Général, je vous ai prié tout à l'heure, en privé, de m'excuser de n'avoir pas assisté à votre témoignage. Mais dès que je suis arrivé dans cette salle, mes collègues m'ont fait savoir que vous étiez un témoin extraordinaire et que vous aviez apporté une aide précieuse au comité. Je vous demande donc pourquoi vous prenez votre retraite. Nous aimerions encore vous entendre.
Pourrons-nous faire encore appel à vous lors de la rédaction de notre rapport? Il y a eu bien des sourires et des signes d'enthousiasme de la part de personnes d'habitude enclines à bouder ou à bougonner, et je suis sûr que vous pourriez nous aider considérablement. Merci beaucoup d'avoir été des nôtres aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants de l'aide que vous apportez au comité.
Honorables sénateurs, j'ajourne cette séance et nous allons siéger à huis clos dans la pièce adjacente.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.
Le comité reprend ses travaux en séance publique.
Le président : Notre témoin suivant ce soir est l'honorable Anne McLellan. Mme McLellan a été élue pour un quatrième mandat en tant que députée d'Edmonton-Centre le 28 juin 2004. Tout d'abord nommée vice-premier ministre et ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile en décembre 2003, Mme McLellan a été confirmée en ces postes le 20 juillet 2004.
En plus de ses fonctions ministérielles, Mme McLellan préside deux comtés du cabinet, à savoir le Comité des opérations et le Comité de la sécurité, de la santé publique et de la protection civile. Elle siège également au comité des affaires autochtones et, en tant que vice-premier ministre, elle est membre d'office de tous les autres comités du cabinet.
Précédemment, Mme McLellan a été ministre de la Santé, ministre de la Justice et procureur général du Canada et ministre des Ressources naturelles, ainsi qu'interlocutrice fédérale pour les Métis et les Indiens non inscrits.
La ministre est accompagnée par M. Alain Jolicoeur, président de l'Agence des services frontaliers du Canada. M. Jolicoeur a débuté sa carrière dans la fonction publique canadienne en 1973 et jusqu'en 1980, il a occupé différents postes dans le domaine de la météorologie à Environnement Canada et au ministère de la Défense nationale. De 1980 à 1992, M. Jolicoeur a occupé des postes de gestion en génie, en transfert technologique, en développement technologique et en environnement. Par la suite, il est arrivé au Secrétariat du Conseil du Trésor en tant que directeur des ressources humaines pour le gouvernement du Canada. En juillet 1999, il est devenu sous-ministre délégué du Revenu national et commissaire adjoint de l'Agence des douanes et du revenu Canada.
Par la suite, il a été nommé sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Il a occupé ce poste jusqu'au 12 décembre 2003, date à laquelle il est entré en fonction à l'Agence des services frontaliers du Canada.
Madame la ministre, monsieur Jolicoeur, soyez les bienvenus au comité. Nous sommes heureux de vous accueillir de nouveau. Je crois que vous avez un bref exposé à nous présenter. Vous avez la parole.
L'honorable Anne McLellan, vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile: Honorables sénateurs, je suis heureuse d'être à nouveau parmi vous.
[Français]
Je parlerai aujourd'hui du mandat de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada ainsi que des mesures prises par le gouvernement pour renforcer notre infrastructure en matière de sécurité, de l'intégrité de la frontière canado-américaine et du rôle crucial que jouent l'Agence des services frontaliers du Canada et les autres organismes du portefeuille de la SPPCC.
[Traduction]
Comme vous l'avez dit, monsieur le président, je suis en compagnie du président de l'Agence des services frontaliers du Canada, M. Alain Jolicoeur.
J'aimerais féliciter le comité pour l'étude minutieuse qu'il consacre aux questions qui affectent la sécurité des Canadiens et la confiance de nos voisins américains et de nos partenaires mondiaux. Votre précieuse contribution a permis de produire des résultats tangibles.
En tant que ministre responsable de la sécurité publique, je commencerai par souligner l'importance de la politique de sécurité nationale du Canada. Cette politique défend nos intérêts nationaux en matière de sécurité et détermine les mesures à prendre pour réagir aux menaces nouvelles et émergentes. Elle propose une vision à long terme axée sur une succession d'atouts en matière de sécurité publique et elle permet au Canada de progresser dans l'identification et le comblement des lacunes en matière de sécurité. La politique de sécurité nationale réagit aux changements dans un environnement complexe de menaces, elle tient compte des réalités mondiales et garantit les droits des Canadiens.
J'aimerais m'attarder un instant sur ce que je considère comme un changement culturel dans la pratique de la sécurité publique. En décembre 2003, le premier ministre a réuni la GRC, le SCRS, les Services correctionnels du Canada, le Centre des armes à feu du Canada, la Commission nationale des libérations conditionnelles et l'ASFC en un portefeuille unique de sécurité publique et de protection civile, ce qui a permis au gouvernement de partager l'information en temps utile avec les personnes concernées afin de favoriser des partenariats.
Depuis la signature de la Déclaration canado-américaine sur la frontière intelligente, nous avons investi plus de 9 milliards de dollars d'argent frais pour assurer la sécurité de nos citoyens. Il s'agit là d'un processus évolutif, et nous avons encore du travail à faire.
Honorables sénateurs, le gouvernement considère qu'il faut assurer notre avenir économique aussi vigoureusement que nous assurons la protection civile et la sécurité nationale. L'ASFC a été créée pour assurer une gestion intégrée des frontières afin d'améliorer et d'accélérer les initiatives de protection déjà en place et d'élaborer des méthodes plus stratégiques de sécurisation des frontières par l'anticipation des menaces nouvelles et émergentes.
L'ASFC, qui s'est inspirée des riches traditions des organismes qui l'ont précédée, est devenue une agence parfaitement intégrée qui se consacre à la gestion des frontières. Elle respecte les droits des citoyens et se conforme à nos obligations internationales d'assurer la sécurité des frontières et de faciliter les déplacements et les échanges commerciaux légitimes.
Dans le récent budget fédéral, le gouvernement a consacré plus de 400 millions de dollars pour concrétiser les priorités de l'ASFC et pour répondre à l'augmentation de la demande aux principaux postes frontaliers. Ce financement s'appliquera également à des mesures supplémentaires visant à améliorer la santé et la sécurité de notre personnel de première ligne, ces hommes et ces femmes qui travaillent aux points d'entrée 24 heures sur 24, 365 jours par an.
Dans le cadre de notre stratégie frontalière multiforme, nous nous sommes efforcés d'améliorer notre aptitude à détecter, identifier et intercepter les personnes et les marchandises à haut risque avant qu'elles n'entrent sur notre territoire. Nous avons remarquablement progressé dans la mise en œuvre du Plan d'action canado-américain sur les frontières intelligentes. Nous avons créé les programmes Nexus et EXPRES, le Programme d'expéditions rapides et sécuritaires, qui accordent une approbation préalable aux voyageurs et aux marchandises commerciales à faible risque. Le programme autoroutier Nexus compte actuellement plus de 75 000 participants. Nexus Air, amorcé à la fin de l'année dernière en tant que programme pilote à Vancouver, applique la technologie de reconnaissance de l'iris pour vérifier l'identité des personnes qui arrivent au Canada et pour confirmer leur droit d'entrer.
En outre, nous collaborons étroitement avec nos partenaires internationaux dans le déploiement à l'étranger des agents d'intégrité des mouvements migratoires. Ces agents collaborent avec les compagnies aériennes et les autorités locales dans le monde entier pour partager du renseignement, pour détecter les faux documents et pour intercepter les immigrants illégaux, les criminels et les individus liés à des mouvements terroristes avant qu'ils n'arrivent au Canada.
L'information préalable sur les voyageurs et les programmes des dossiers passagers nous indiquent les personnes à haut risque qui voyagent vers le Canada avant leur arrivée. Le Centre d'évaluation du risque fonctionne depuis plus d'un an. Il est en activité 24 heures sur 24 et sert de point de convergence des opérations de gestion et de coordination nationale et internationale des listes de surveillance.
Notre Programme d'information préalable sur les expéditions commerciales renforce notre aptitude à identifier et à intercepter les marchandises dangereuses, ce qui accélère le traitement des marchandises qui franchissent légitimement la frontière. Il oblige les transporteurs maritimes à transmettre électroniquement des données sur leurs cargaisons 24 heures avant que le conteneur ne soit chargé dans un port étranger.
Le budget de 2005 a prévu 88 millions de dollars sur cinq ans qui vont permettre au Canada de collaborer avec les États-Unis dans le cadre de l'Initiative de sûreté des conteneurs et d'augmenter la capacité de nos systèmes informatiques à cibler et à partager de l'information sur les cargaisons à haut risque expédiées vers notre territoire. Le budget a également investi 222 millions de dollars supplémentaires dans les initiatives de sécurité de la Voie maritime des Grands Lacs et du Saint-Laurent et dans les ports canadiens pour protéger le Canada et les États-Unis contre toute menace maritime. L'essentiel de ce montant est attribué à mon collègue, M. Jean-C Lapierre, ministre des Transports, le reste nous étant crédité.
Notre coopération avec les États-Unis se traduit de différentes façons, notamment par la création des équipes intégrées de la police des frontières, placées sous l'autorité de la GRC. Ces équipes multidisciplinaires se composent de membres de la GRC, de l'ASFC et des corps de police locaux; elles collaborent avec les autorités policières américaines dans 15 postes stratégiques situés sur notre frontière commune. Nous avons 23 équipes réparties dans 15 postes régionaux.
Ces équipes, créées au milieu des années 1990, ont remporté des succès impressionnants tant du côté canadien qu'américain, particulièrement dans les domaines de la contrebande et du trafic d'êtres humains. Nous avons récemment implanté des analystes canadiens et américains du renseignement dans quatre postes situés le long de la frontière. Nous commençons une évaluation du programme des équipes intégrées de la police des frontières et nous espérons avoir des résultats tangibles et probants d'ici la fin de l'année financière.
Je sais que ce comité s'intéresse particulièrement aux évaluations et aux résultats. Avons-nous atteint les objectifs que nous nous sommes fixés, que ce soit avec les équipes intégrées ou dans les autres programmes? Nous nous posons évidemment la question, mais nous devrions mieux faire en ce qui concerne l'atteinte des objectifs des différents organismes et unités comme les équipes intégrées.
Lorsque j'ai rencontré l'ancien secrétaire à la sécurité du territoire Tom Ridge en septembre dernier à Détroit, nous avons fait plusieurs annonces, notamment un projet pilote de prédédouanement terrestre au Peace Bridge de Fort Erie et l'expansion des installations de prédédouanement à l'Aéroport international d'Halifax. Nous avons également annoncé l'entrée en service de 30 agents supplémentaires de l'ASFC au point de passage de Windsor-Détroit et nous nous sommes engagés à réduire le temps de franchissement à ce poste commercial essentiel. J'entends poursuivre la collaboration avec mon nouvel homologue à la sécurité du territoire Michael Chertoff sur ces diverses initiatives.
Nous avons déjà considérablement progressé dans l'élaboration d'un plan de sécurité qui concrétise le partenariat nord-américain de sécurité et de prospérité annoncé au Texas le mois dernier. Ces efforts nécessitent du leadership, et le contrôle que vous exercez reste essentiel. Vous avez témoigné de votre volonté de collaborer avec le gouvernement et je dois dire que j'apprécie grandement le fait que votre comité se soit chargé d'un travail aussi important. Je suis la première à dire, comme vous le savez, monsieur le président, qu'une analyse rigoureuse et critique est absolument essentielle si nous voulons atteindre nos objectifs communs.
J'insiste sur le fait que mon ministère est relativement nouveau. Je remercie le Sénat et le sénateur Banks d'avoir parrainé le projet de loi qui a créé ce ministère. J'ai été assermentée il y a un peu plus d'une semaine en tant que première ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de l'histoire, ce qui montre bien la nouveauté de ce portefeuille. Bien sûr, les défis existaient bien avant qu'il ne soit créé. Pourtant, je pense que le nouveau ministère traduit bien l'engagement de notre gouvernement, ainsi que mon propre engagement, à travailler d'une façon plus ciblée et plus intégrée avec nos partenaires essentiels, dont votre comité fait partie, afin de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des Canadiens et pour être en mesure de faire face à toute situation d'urgence, qu'elle soit naturelle ou d'origine humaine.
Je mise donc comme toujours sur la poursuite de notre dialogue.
Le président : Madame la ministre, vous dites que les critiques constructives sont utiles. De notre côté, nous adressons fréquemment des louanges à votre ministère. Si vous consultez l'édition de 2005 de notre Guide canadien de la sécurité, vous y trouverez nos nombreuses louanges.
Mme McLellan : Je vous en remercie.
Le président : Malheureusement, on fait moins souvent les manchettes quand on dit que vous faites bien votre travail que lorsqu'on vous dit que vous devriez faire les choses différemment. Les médias sont comme cela.
Mme McLellan : Monsieur le président, il importe de rappeler que vous êtes à l'origine de notre toute première politique nationale intégrée de sécurité, dont vous avez dit qu'elle était essentielle pour permettre au gouvernement de mieux assurer notre sécurité collective. Voilà qui montre bien la valeur du travail de votre comité. Je sais que vous avez parfois l'impression que nous ne réagissons pas toujours avec la diligence souhaitée, mais nous sommes très attentifs à vos travaux. Je souhaiterais que nous ayons toujours donné suite à vos recommandations.
Le sénateur Meighen : Nous comptons les points.
Mme McLellan : Cela ne me surprend pas.
Le président : Le sénateur Meighen a raison. Nous comptons les points, et de surcroît, nous publions les résultats.
Mme McLellan : En effet.
Le président : Nous considérons qu'il ne sert à rien de dénoncer ce qui va mal si l'on n'est pas prêt à parler aussi de ce qui va bien. Et si tel n'est pas le cas, vos critiques réciproques seront les bienvenues.
Le sénateur Meighen : N'allez pas trop loin pour autant.
Le président : Cette fois-ci, je vais perdre ma place. Mais c'est vrai, les membres du comité apprécient votre réaction. S'il arrive que vous ou vos fonctionnaires trouviez que nous n'avons pas fait ce qu'il faut, nous aimerions que vous nous en parliez.
Mme McLellan : Merci. C'est entendu.
Le sénateur Banks : Je voudrais souhaiter la bienvenue à la ministre et à M. Jolicoeur. Merci d'être parmi nous.
Madame la ministre, vous avez dit, je crois, que vous aviez reçu 400 millions de dollars dans le dernier budget. Vous recevez aussi un peu des 220 millions et des 55 millions de dollars, mais en ce qui concerne les 400 millions de dollars attribués spécifiquement à l'ASFC, comment allez-vous les dépenser? Qu'allez-vous en faire?
Mme McLellan : Je peux vous donner une idée assez détaillée de ce que nous allons en faire. Précisons tout d'abord les choses. Dans mon exposé, j'ai parlé de plus de 400 millions de dollars.
Sauf erreur de ma part, monsieur Jolicoeur, au cours des cinq prochaines années, nous allons recevoir environ 567 millions de dollars pour les activités de l'Agence pour l'initiative sur la sécurité des conteneurs et pour l'ensemble des initiatives maritimes. Je sais qu'on vous a beaucoup parlé de la sécurité du milieu de travail, dans laquelle nous allons investir 139 millions de dollars sur les cinq prochaines années pour la formation, les outils et le matériel radio destinés aux employés qui travaillent seuls, car c'est un problème dont on parle depuis un certain temps, et pour les autres modifications des installations qui vont améliorer la sécurité et la qualité de l'environnement de travail de nos employés.
Nous allons traiter la congestion des postes frontaliers et l'augmentation du volume en augmentant le personnel aux postes frontières essentiels grâce à un montant de 101 millions de dollars. J'ai signalé que le poste frontière de Windsor-Détroit, qui est notre point de passage le plus achalandé, allait recevoir 30 agents supplémentaires. L'augmentation du volume nous oblige à renforcer le personnel à Vancouver, à Calgary, à Toronto, à l'aéroport Pierre-Elliott Trudeau, sur l'autoroute du Pacifique, à Coutts, à Emerson, à Windsor, à Sarnia, à Fort Erie, à Niagara Falls, à Lansdowne et à Lacolle. Ces postes frontaliers recevront des ressources humaines supplémentaires au cours des cinq prochaines années. Un montant supplémentaire de 48 millions de dollars sera consacré au renforcement du contrôle des passagers et des marchandises à risque élevé dans des endroits déterminés de façon stratégique dans l'ensemble du pays, et nous affecterons 13 millions de dollars au traitement du volume supplémentaire dans les centres postaux. Un autre montant de 13 millions de dollars sera consacré au contrôle des exportations et nous allons investir 119 millions de dollars sur cinq ans pour mettre au point et entretenir nos systèmes de technologie de l'information. M. Jolicoeur pourra vous donner des détails complémentaires concernant l'état actuel de nos systèmes de technologie de l'information, que nous allons devoir améliorer afin de disposer de systèmes de communications intégrés. Nous allons investir 88 millions de dollars sur cinq ans dans l'initiative de sécurité des conteneurs, et sur les 220 millions de dollars destinés à la sécurité maritime, SPPCC recevra 46 millions de dollars pour installer des portiques de détection de radiation dans 10 grands ports et pour permettre à l'ASFC de participer au programme des équipes portuaires de la GRC.
Voilà ce que nous allons faire des fonds supplémentaires que nous avons reçus et qui atteignent environ 567 millions de dollars. Je crois cependant que nous allons demander des fonds supplémentaires au cours des cinq prochaines années, car nous allons rencontrer des exigences nouvelles. Je ne voudrais faire croire à personne, et en particulier au ministre des Finances, que je ne reviendrai pas demander des fonds supplémentaires pour l'ASFC d'ici cinq ans.
Le sénateur Banks : Madame McLellan, vous avez parlé de la sécurité du milieu de travail, sur laquelle j'aimerais interroger M. Jolicoeur. En 2002, vous avez demandé à Moduspec Risk Management Services une étude sur la sécurité du milieu de travail et des analyses du risque professionnel. Nous en avons reçu deux versions : une ébauche de rapport et un rapport final. On a noté une différence importante dans une partie du rapport. L'ébauche évoque la nécessité d'une présence policière en six endroits et de protocoles d'entente dans les aéroports. Cette partie n'apparaît pas dans le rapport final qui vous a été remis. Pourquoi ce qui figurait dans l'ébauche a été exclu du rapport final? Quels étaient les arguments justifiant l'exclusion? Nous nous préoccupons depuis un certain temps du problème de la présence policière.
M. Alain Jolicoeur, président, Agence des services frontaliers du Canada : Sénateur, vous parlez de documents antérieurs à la création de l'ACSF. À ma connaissance, l'ébauche de rapport des experts-conseils contenait une recommandation concernant l'importance de la présence d'officiers armés dans certains endroits.
Le sénateur Banks : Je fais spécifiquement référence à la mention d'une présence policière à ces endroits.
M. Jolicoeur : Je crois que la recommandation portait sur les endroits les plus achalandés. Peut-être serait-il plus facile de demander au cabinet d'experts-conseils pourquoi cette recommandation a disparu dans le rapport final. Je crois qu'en interrogeant le personnel de mon service et en approfondissant l'étude des principes, des besoins et de la vulnérabilité, ils ont conclu qu'une telle présence policière n'était pas indispensable.
Le sénateur Banks : Faudrait-il poser la question à Moduspec?
M. Jolicoeur : Je pourrais le faire pour vous
Le président : Pouvez-vous nous assurer que ce n'est pas le gouvernement qui a demandé de modifier le rapport?
M. Jolicoeur : Je n'ai eu connaissance d'aucune demande de modification du rapport. Encore une fois, c'était avant la création de l'ACSF, mais à ma connaissance, la modification a été suscitée par les préoccupations du syndicat concernant la sécurité dans certains secteurs. Travail Canada en est venu à la conclusion qu'il fallait une étude indépendante, qui a été réalisée. Il a été intéressant d'entendre la ministre annoncer que l'argent nécessaire à la mise en œuvre des recommandations du rapport figurait dans le récent budget.
Le sénateur Banks : Madame la ministre, notre comité doit se rendre prochainement à Washington, D.C. Les membres du comité considèrent qu'il leur incombe de rencontrer leurs homologues des comités de la Chambre des représentants et du Sénat à Washington. Comme vous le savez, ils sont soumis à un régime différent. Il est bon que les membres du comité parlent le même langage et abordent les mêmes sujets lorsqu'ils rencontrent leurs homologues américains. Lors de votre dernière comparution devant le comité en février, je crois, nous avons signalé que lorsque nous posons des questions précises pour obtenir des renseignements susceptibles de nous être utiles à Washington ou ailleurs, les fonctionnaires entourent leurs réponses d'un voile plus ou moins opaque. Vous nous avez dit que vous vous efforceriez de les amener à répondre plus directement à nos questions de façon que nous puissions utiliser cette information. Ce n'est pas que nous voulions savoir à combien se chiffrent les effectifs des services ni le montant de leurs budgets, mais nous voulons avoir des renseignements d'ordre général sur la façon dont les choses fonctionnent.
Mme McLellan : J'en ai effectivement pris l'engagement, que je prends très au sérieux. Nous ne voulons pas révéler des détails opérationnels ni certains aspects de l'évaluation du risque qui pourraient renseigner des gens mal intentionnés, mais je reconnais qu'il serait utile aux membres du comité et aux Canadiens qui s'intéressent à la question d'en savoir davantage sur notre façon de procéder. Une information appropriée dissiperait certaines préoccupations et certains mythes entourant les activités des agents des services frontaliers ou de tous ceux qui se consacrent à la sécurité collective des Canadiens.
Mon objectif, comme je l'ai dit à M. Jolicoeur, est de faire en sorte que nous puissions fournir toute l'information possible au président et aux membres du comité dans les limites appropriées. De cette façon, les membres du comité auront le plus grand volume de renseignements possible. Dans certains cas, nous devons convenir que certains renseignements sont destinés à l'usage exclusif du comité. Ils peuvent répondre à vos demandes, mais ils ne doivent pas être divulgués. Voilà mon objectif et je pense que c'est aussi celui de M. Jolicoeur.
M. Jolicoeur : Absolument. Oui, madame la ministre. Mais rendons-nous justice. Nous avons récemment tenu des séances d'information à huis clos sur certains éléments. Je pense à une série de questions que vous nous avez soumises il y a quelques mois. Nous avons également organisé une séance distincte d'information. Je suis convaincu, ayant été gestionnaire du secteur public pendant toute ma carrière, que la meilleure façon d'améliorer la gestion des affaires publiques est la transparence. Le domaine de la sécurité pose des difficultés pour des raisons évidentes. Nous devons veiller tout d'abord à présenter l'information d'une façon qui ne nous place pas en situation de vulnérabilité au plus haut niveau d'agrégation. Pour l'essentiel, il faut la présenter de façon à ne pas divulguer nos recettes. La meilleure façon de le faire, c'est de partager une information axée davantage sur les résultats et l'amélioration, ou sur la vulnérabilité du point de vue des résultats, plutôt qu'en fonction d'un système, d'une méthodologie ou d'une perspective d'évaluation du risque. Voilà notre défi. Oui, nous allons effectivement nous efforcer de vous renseigner aussi bien que possible, et il est plus facile de partager de l'information à huis clos.
Le président : Nous comprenons pourquoi il est plus facile de partager de l'information à huis clos. Cela étant dit, nous tenons beaucoup à ce que nos délibérations soient publiques. Nous n'avons pas tendance à recourir au huis clos. Nous considérons cependant que la transparence améliore la gestion des affaires publiques. Par exemple, lorsqu'on teste de nouveaux systèmes, il peut s'écouler un certain temps entre le déroulement du test et la publication des résultats. Ce délai donne au ministère ou à l'organisme l'occasion de corriger d'éventuelles erreurs. Si l'on sait, par exemple, qu'un rapport sera présenté tous les six mois sur le test réalisé six mois plus tôt, la population sera mieux en mesure de comprendre si son argent a été dépensé à bon escient. On pourra suivre les progrès réalisés, ce qui renforcera la confiance. On nous oppose trop souvent l'argument de la sécurité nationale. Dès qu'on a formulé cet argument, on semble s'attendre à ce que nous renoncions à nos questions.
Ce qui préoccupe aussi beaucoup le comité, c'est qu'on nous dise qu'un renseignement est secret alors qu'on découvre par la suite que des dizaines de milliers de Canadiens le connaissent et sont prêts à nous en parler. Nous n'offrons pas des billets de 10 $ ni des visites gratuites du Sénat pour obtenir des réponses. Nous demandons simplement de l'aide, nous voulons obtenir tel ou tel renseignement et nous constatons que des milliers de Canadiens eux connaissent la réponse. Des fonctionnaires viennent nous dire sans sourciller qu'ils ne peuvent pas fournir la réponse à des parlementaires. Or, il suffit de s'asseoir dans un bar à proximité de leur lieu de travail et quelqu'un va venir vous raconter toute l'histoire. Nous ne pouvons pas concevoir que vos fonctionnaires ne puissent pas nous dire ce que 10 000 personnes savent déjà. Le sénateur Banks aborde un sujet fondamental, car nous sommes convaincus que vous avez de bonnes intentions. Nous sommes convaincus que des gens intelligents travaillent dans vos services. Nous sommes convaincus que vous avez des systèmes qui, tôt ou tard, vous donneront les résultats escomptés. Nous sommes indignés quand on nous répond : « Si je vous dis cela, je vais devoir vous tuer », car nous posons nos questions de bonne foi. Il est certainement possible de trouver un moyen de communiquer les résultats de vos systèmes sans tout dévoiler.
Nous avons été consternés lorsque l'un de vos fonctionnaires a comparu devant nous il y a quelques mois en refusant de nous parler de certains éléments du système dont d'autres fonctionnaires nous avaient déjà parlé. Nous en avons été étonnés, car nous savions que les résultats obtenus constituaient une nette amélioration par rapport à ce qui nous avait été dit précédemment. C'était un sujet intéressant pour les journalistes, et on refusait d'en parler. Voilà le dilemme auquel nous sommes confrontés. Lorsqu'un ministère comparaît devant un comité, il énumère les problèmes qu'il éprouve puis il propose un plan pour en venir progressivement à bout; il montre où il en est actuellement et où il sera rendu six mois plus tard; le comité suit son évolution et donne une réponse tout à fait différente lorsqu'il présente son rapport.
Mme McLellan : Ce que vous avez dit est tout à fait légitime. M. Jolicoeur a insisté sur les résultats. On identifie les problèmes; généralement, ces problèmes sont identifiés publiquement et de façon spectaculaire, comme on a pu le remarquer aujourd'hui. Les défis sont connus. Certains d'entre eux peuvent être problématiques, d'autres peuvent être exagérés. Cela étant dit, certains de ces défis sont bien connus. Tant que certains détails opérationnels ne sont pas divulgués, je ne vois aucun inconvénient à vous dire qu'il y a un plan comportant différents éléments clés, dont nous devrions obtenir des résultats précis dans six mois ou un an. Tout le monde a le droit de le savoir.
Le président : Et de nous communiquer les résultats?
Mme McLellan : Oui, absolument.
Le président : Notre comité a décidé de ne pas commenter ces informations de presse.
Le sénateur Banks : Comme M. Jolicoeur l'a dit, c'est important. Nous ne voulons pas savoir cela pour le plaisir de la chose. Les Canadiens lisent ces informations sensationnelles dans les journaux, dont beaucoup proviennent de sources autres que canadiennes. Les Canadiens veulent connaître les réponses à ces questions. Les Canadiens veulent avoir la certitude que nous sommes à notre affaire.
Mme McLellan : Ils lisent à propos des frontières. Ils traversent les frontières. C'est une chose qui est tangible pour eux. Ils se souviennent du 11 septembre et des autres événements, et c'est pour cette raison qu'ils ont parfaitement le droit de vouloir savoir ce qui se passe aux frontières. Les Canadiens s'intéressent à leurs frontières, qu'elles soient terrestres, maritimes ou aériennes, avec beaucoup plus de rigueur qu'auparavant. Ils s'y intéressent davantage, et c'est bien normal, parce que nous sommes collectivement responsables de notre sécurité. Et cela comprend le public, mais de toute évidence, la sécurité est transcendante à un certain niveau, en ce qui concerne notre attachement à la sécurité collective.
Le sénateur Banks : C'est vrai, et nous aimerions leur dire ce que nous faisons de bien. Nous rencontrons nos homologues américains régulièrement, et nous savons qu'à de nombreux égards, nous les devançons. Lorsque les gens lisent à propos de cela au Canada, c'est à la page 34 du journal, et non à la page 1.
Vous avez mentionné la question des résultats et vous avez prononcé les mots évaluation du risque. Je ne poserai pas de questions, et s'il vous plaît, n'allez pas croire que je m'intéresse à la façon dont cela est fait dans les moindres détails, si je vous pose des questions à ce sujet. Chaque fois qu'on demande à quelqu'un ou à un organisme comment on identifie les personnes qui sont des expéditeurs et des voyageurs connus, on nous répond qu'on procède par évaluation du risque. L'évaluation du risque, dans la mesure où nous avons pu déterminer ce que c'est, signifie qu'une personne est réputée ne pas poser de risque si elle n'a pas de casier judiciaire à l'heure où nous nous parlons. Nous aimerions savoir dans quelle mesure vous et votre ministère en déterminez la méthodologie. Nous ne voulons pas savoir quelle est cette méthodologie. Mais qui décide, et comment décide-t-on, ce que constitue une évaluation du risque? Comment pouvons-nous être rassurés à cet égard?
Mme McLellan : Pour ce qui est de déterminer la méthodologie, c'est l'affaire de l'ASFC, qui travaille souvent en partenariat avec d'autres pays qui font des évaluations du risque. Nous en parlions ce matin. J'espère que je n'exagère pas, mais je crois savoir que nos outils d'évaluation du risque, en ce qui concerne le fret et les personnes — mais chose certaine le fret — sont probablement en ce moment les plus pointus au monde. Cependant, c'est un processus qui ne cesse d'évoluer. Notre méthodologie d'évaluation du risque est peut-être la plus avancée qui soit en ce moment. Les Américains pourraient nous dépasser; il se peut que nous apprenions d'eux et que nous les dépassions à notre tour, et ainsi de suite. Je pense qu'on peut dire, cependant, qu'il existe de manière générale une relation de collaboration étroite lorsqu'il s'agit de déterminer les principaux facteurs de risque, qu'il s'agisse de fret ou de personne, et lorsqu'il s'agit ensuite de créer une matrice, si on veut, pour appliquer cette méthodologie, on l'espère, à l'identification des biens et des personnes à risque élevé.
Le sénateur Banks : Vous dites que l'ASFC met au point ces méthodologies. Est-ce que le ministère les examine, les évalue et décide que c'est bien et qu'on ira de l'avant dans cette voie?
Mme McLellan : On peut dire que M. Jolicoeur discute de ce genre de décisions opérationnelles avec la sous-ministre. Mais chose certaine, on peut dire aussi que ce n'est pas moi qui vais approuver une méthodologie ou une matrice; cependant, chose certaine, de mon côté, lorsque quelqu'un pense que la méthodologie a été mal appliquée, c'est à ce moment-là que j'en entends parler et que j'interviens, qu'il s'agisse d'un témoignage devant un comité comme le vôtre ou d'une personne dont on parle dans les journaux. Je demande alors à M. Jolicoeur : « Comment diable est-ce arrivé? Dites-moi ce qui s'est passé et pourquoi cette personne dit ceci ou cela, et aidez-moi à comprendre la situation en ce qui concerne cette préoccupation qu'on a exprimée. » Je n'approuve pas moi-même la matrice qu'on a mise au point, par exemple. Cependant, j'ai confiance en M. Jolicoeur, et je sais que l'ASFC collabore avec ses partenaires de l'étranger et avec ma sous-ministre.
Le sénateur Banks : Mais quand on procède à une évaluation du risque, peu importe qui l'approuve, il y a aussi une tolérance du risque parce que l'évaluation du risque n'est jamais parfaite. Qui décide du niveau de risque que l'on tolérera? Est-ce le ministère qui décide cela ou M. Jolicoeur?
M. Jolicoeur : Permettez-moi de vous parler un peu de l'évaluation du risque. Comme vous l'avez dit, nous agissons différemment dans deux univers distincts : l'univers des conteneurs commerciaux et l'univers des personnes. Nous avons eu diverses générations d'outils pour procéder à l'évaluation des risques. Comme la ministre l'a dit, du côté des conteneurs, nous avons en ce moment ce qu'il y a de mieux; nous sommes à la fine pointe. Étant donné que nous sommes tous les jours en contact avec nos collègues américains, et étant donné que nous nous faisons mutuellement confiance dans ce domaine — il est très important que nous collaborions étroitement avec eux — nous savons qu'ils comptent nous dépasser et aller plus loin au niveau des bases de données auxquelles on a accès dans ce processus. Grâce au dernier budget fédéral, une partie des crédits que nous avons obtenus pour le système, en fait pour l'Initiative de sécurité pour les conteneurs, nous permettra aussi de passer à la prochaine génération. Notre système s'appelle Titan. Nous allons maintenant passer à Titan II pour nous assurer de rester à la fine pointe.
Il n'est pas vraiment nécessaire de faire approuver la méthodologie au niveau ministériel ou même à mon niveau à moi. Je suis un technicien. J'entre dans les profondeurs du système. Nous recevons au Canada 4 millions de conteneurs par année. Pour chacun, on fait 1 milliard de calculs parce que nous avons 45 éléments que nous recevons 24 heures avant que le conteneur soit chargé. On procède à une comparaison avec une grande base de données, puis avec un tableau où nous avons mis au point un scénario différent qui pourrait mener à des risques plus élevés. C'est très important.
Nous n'avons pas les outils analytiques équivalents du côté des personnes. Nous en avons un, et nous sommes en train de mettre au point la prochaine génération d'outils. Il y a maintenant un mois que nous avons un système où nous comparons automatiquement avec les États-Unis les personnes à risque élevé qui arrivent aux États-Unis ou au Canada.
En réponse à ce que vous disiez à propos de la tolérance, si quelqu'un entre au Canada et que cette personne est proche du niveau qui nous obligerait à passer à la seconde étape, mais pas tout à fait, les deux pays partagent automatiquement leurs informations pour déterminer si l'un ou l'autre a des éléments de risque additionnels qui feraient que cette personne passerait au-dessus de la barre et nous obligerait à passer à la seconde étape. C'est pourquoi nous devons nous entendre sur des évaluations du risque parallèles expressément dans ces cas, et cela existe. Nous nous employons en ce moment à créer un modèle plus général afin de procéder à des évaluations du risque dans tous les cas.
Le sénateur Banks : Ai-je raison de dire que c'est l'ASFC qui décide à quel niveau un risque est tolérable?
M. Jolicoeur : Cela a été négocié avec les Américains pour les besoins de l'échange d'information. Tout le système a fait l'objet d'une évaluation relative à la protection de la vie privée; la commissaire à la protection de la vie privée a signé un accord avec les États-Unis il y a un mois. Il est maintenant opérationnel.
Le sénateur Banks : Vous avez parlé du Système d'information préalable sur les voyageurs. Ce système vous permet d'examiner sérieusement les personnes qui entrent dans notre pays. Il y a un élément de sécurité qui a trait aux personnes qui quittent notre pays par voie aérienne, et beaucoup d'entre nous ont l'impression que les informations sur les personnes qui quittent notre pays ou qui entrent dans notre pays devraient être enregistrées au même endroit et communiquées aux mêmes personnes. Cependant, l'organisation qui est responsable des personnes qui quittent le pays est l'ACSTA, l'organisation qui procède au contrôle de sécurité lorsque les gens quittent notre pays aux aéroports. Madame la ministre, cette organisation ne fait pas partie des organismes que vous avez mentionnés au début et qui ont été greffés à votre ministère.
Quand des gens qui nous intéressent arrivent au pays, ils sont tout aussi susceptibles de quitter le pays; et quand ces gens qui nous intéressent quittent le pays, ils sont tout aussi susceptibles d'y revenir. Est-ce qu'il ne serait pas logique que tous ces systèmes se parlent et que cette fonction relève de votre ministère aussi étant donné qu'elle a trait à la sécurité nationale?
Mme McLellan : Je dois être très prudente ici parce que je ne voudrais pas qu'on me reproche de bâtir un empire ou de chasser sur les terres de mon collègue, le ministre des Transports.
Il est absolument essentiel que les éléments clés de notre appareil de sécurité travaillent dans le même sens, qu'ils aient un mandat clair et qu'ils partagent les informations en temps réel parce que c'est nécessaire.
Le sénateur Banks : Ce n'est pas le cas en ce moment avec l'ACSTA et l'ASFC.
Mme McLellan : Je ne crois pas que cela doit être le but, si cela est approprié, pertinent et nécessaire. Cela ne dit pas nécessairement que tous ces organismes doivent relever du même ministère. Ce qui est essentiel, c'est que dans les cas où les informations doivent être partagées, il existe des systèmes intégrés qui peuvent faire cela en temps réel et, comme je l'ai dit, que les gens comprennent le mandat de chacun. Pour moi, cela ne veut pas dire nécessairement qu'ils doivent tous être dans le même ministère.
Cependant, je demeure toujours ouverte. C'est un nouveau ministère, et nous apprenons, et il est évident que les aspects de la sécurité intérieure ne sont pas identiques. Ils sont quelque peu différents des éléments de mon ministère. Nous apprenons en fait les uns les autres, et ma sous-ministre et son homologue de la sécurité intérieure ont en fait mis au point un plan de travail qui nous aide à comprendre la complexité qui intervient dans la collaboration de ces ministères et de leurs éléments. Dans certains cas, ils peuvent décider que quelque chose ne marche pas aussi bien qu'on le voudrait et qu'il faut faire un déplacement; et nous pouvons décider de notre côté qu'il nous faut quelque chose que nous n'avons pas. Je ne ferme pas la porte. Vous posez une bonne question. On pourrait poser la même question en ce qui concerne la Garde côtière. C'est tout ce que je dirai à ce sujet.
Le sénateur Banks : Nous en avons nous-mêmes parlé beaucoup plus.
Mme McLellan : Encore là, je ne veux pas qu'on pense qu'à mon avis, tous ces aspects importants de la sécurité doivent relever du même ministère. Il faut examiner chaque élément au cas par cas et décider dans quel secteur chaque élément peut le mieux assurer la sécurité collective. M. Jolicoeur voudra peut-être ajouter quelques mots sur l'ASFC et l'ACSTA.
M. Jolicoeur : Le comité de gestion exécutif de l'ASFC a rencontré le même comité de l'ACSTA il y a environ deux mois de cela afin de partager des méthodologies, de parler de technologies, en particulier, et de voir s'il y a des secteurs où nous pouvons collaborer dans les aéroports ou côte à côte, pour améliorer les rapports entre les deux organismes.
Côté structure, je ne ferai pas de commentaires sur la structure canadienne, mais je vous rappellerai que les États-Unis ont créé le ministère de la Sécurité intérieure avant que nous créions nous-mêmes notre nouveau ministère et notre portefeuille. Aux États-Unis, en ce moment, on envisage de faire avec les douanes et la protection des frontières ce que nous avons fait avec l'ASFC, à savoir intégrer aux douanes et à la protection des frontières un élément appelé ICE ou Immigration and Customs Enforcement. L'ASFC est responsable du renvoi et de la détention d'immigrants illégaux et des enquêtes les concernant. On n'a pas fait cela aux États-Unis, mais ils sont en train d'entreprendre le même processus que nous en ce sens.
Le président : Madame la ministre, voilà un cas classique d'un secret dont on se demande pourquoi il est secret. Nous ne pouvons pas concevoir de raison pour laquelle votre confiance dans quelque chose qui marche bien profiterait aux méchants. Cependant, nous ne savons pas, et les Canadiens de manière générale ne savent pas, quel niveau de confiance vous jugez approprié. Nous savons tous que vous ne pouvez pas tout protéger tout le temps. Nous savons tous que la gestion du risque suppose l'existence d'un risque. Pourtant, on hésite à dire à notre comité, ou à déclarer publiquement, par exemple, ce qui suit : « Nous pensons qu'un niveau de risque approprié ici est de 80 p. 100. Si nous sommes confiants dans une proportion de 80 p. 100 que nous allons repérer les problèmes, nous pensons que cela vaut les centaines de millions de dollars que nous investissons dans le système. Si notre niveau de confiance est moindre, nous jugeons alors que nous avons un problème. Si le niveau de confiance est plus élevé, nous pensons que tout va bien. » Que répondez-vous à cela?
Mme McLellan : Je vais vous dire ce que j'en pense, et si M. Jolicoeur fait une crise cardiaque, nous y verrons plus tard.
Si c'est ainsi que vous posez la question, vous ne révélez probablement pas un niveau de détail opérationnel. Il est évident que vous parlez d'attentes, et vous voulez savoir si elles sont satisfaites.
Le sénateur Banks : Nous voulons des résultats.
Mme McLellan : Si c'est cela que vous voulez, je pense que c'est une information qui peut être partagée. Cependant, ce qui est essentiel aussi, c'est le fait que les Canadiens — et je le dis parce que je sais que vous comprenez cela — doivent comprendre que nous ne vivons pas dans un monde exempt de risque. C'est la raison pour laquelle nous faisons ce genre d'évaluations. Si nous avions tout l'argent que nous voulons, j'aimerais pouvoir garantir aux Canadiens une existence exempte de risque à 100 p. 100. Nous ne pouvons pas faire cela. Il importe peu de savoir combien d'argent nous allons dépenser, dans quelle mesure notre équipement est pointu ou combien d'agents l'ASFC va engager. L'absence de risque est une réalité que personne d'entre nous ne connaît. On détermine le niveau de risque avec lequel on peut vivre, et de là, on évalue le risque et on espère avoir les meilleurs outils qui soient. M. Jolicoeur vous l'a déjà dit.
Si nous pouvons faire comprendre ce contexte plus général aux Canadiens, de telle sorte qu'ils ne s'attendent pas à vivre dans un monde exempt de risque, et parler ensuite du niveau de risque que nous jugeons acceptable, cela est très utile. Il faut s'occuper de cet autre élément aussi, à savoir aider les Canadiens — et je sais que les travaux du comité y ont contribué; et que c'est mon obligation à moi et à d'autres — à comprendre que le monde d'aujourd'hui n'est pas exempt de risque. Par conséquent, nous allons accepter un certain niveau de risque, et c'est la raison pour laquelle nous acceptons tel ou tel niveau de risque. Nous pensons que c'est approprié. Ce sont des informations importantes que les gens doivent connaître.
Le président : Nous sommes d'accord. Nous pensons que les gens auraient beaucoup plus confiance dans les systèmes si on les leur expliquait plus ou moins comme vous venez de le faire. Les gens vivent leur vie en prenant des risques tous les jours. Pour traduire cela en termes concrets, si quelqu'un demande : « Qu'est-ce qui est plus dangereux — se rendre en voiture de Montréal à Toronto ou prendre l'avion Montréal-Toronto », nous savons tous qu'il est plus sûr de prendre l'avion.
Mme McLellan : Si vous dites : « Nous sommes disposés à accepter ce niveau-ci de risque » — par exemple, pour la sécurité des conteneurs — je ne sais pas si cette information enhardirait ceux qui veulent nous faire du mal à penser : « C'est un risque qui en vaut la peine », au lieu de : « Si je savais que c'était 90 au lieu de 80 p. 100, je ne prendrais pas ce risque. » Je ne sais pas. J'aimerais avoir votre avis là-dessus, sachant les travaux que vous avez faits.
Le sénateur Banks : Le contexte dans lequel nous posons nos questions est tel qu'il est parfois difficile d'obtenir ces informations, mais nous pouvons savoir et nous avons su — ce n'était pas notre comité mais d'autres comités — quel est le niveau de risque acceptable de BPC dans l'atmosphère. Nous connaissons le niveau d'exposition acceptable à la radiation nucléaire. Cela a été quantifié. C'est peut-être plus difficile dans ces circonstances-ci, mais si nous avions une petite idée de ce que c'était, de ce qu'est le but ou de ce que sont les normes — il doit bien y en avoir — il serait plus facile de maîtriser la question.
M. Jolicoeur : Mon organisation est fatiguée de m'entendre dire que je veux en faire une organisation scientifique et technologique. La question que vous posez a été débattue il y a 30 ans de cela dans une société qui passait au nucléaire. La difficulté pour la société était de traduire en termes compréhensibles le risque mathématique que posait l'industrie nucléaire. On a fini par le faire, et il était bon pour tout le monde que cet exercice ait eu lieu.
J'ai passé la moitié de ma carrière à l'Environnement, où j'ai étudié le risque environnemental dans la transparence.
Je suis d'accord avec vous lorsque vous parlez de transparence et de risque. Là où je ne suis pas d'accord, c'est que dans le domaine de la sécurité, nous ne sommes toujours pas en mesure de traduire en chiffres compréhensibles les risques auxquels nous faisons face dans les divers éléments du processus. Je veux faire cela, mais je veux bien le faire, de telle sorte que nous puissions utiliser des chiffres qui ont du sens, de telle sorte que nous ayons une méthodologie qui puisse appuyer les chiffres que nous utilisons. Mais nous n'y sommes pas encore; cependant, nous avançons en ce sens.
[Français]
Le sénateur Nolin : Monsieur Jolicoeur, vous venez de nous parler d'une rencontre entre les principaux officiers de votre organisation et ceux de la CATSA. Je veux seulement m'assurer que vous êtes conscient du fait que vous avez un mandat législatif bien particulier, et qu'eux n'ont pas l'équivalent. Ils peuvent fouiller des personnes, cependant ce n'est pas l'identité de la personne qui les intéresse, mais bien ce qu'elles portent sur elles.
Nous allons faire des recommandations, mais tant que les modifications législatives ne seront pas mises en place, je ne voudrais pas que quelqu'un de CATSA me demande mon passeport ou d'où je viens et où je vais. Cela ne le regarde pas. J'ai assez de me laisser fouiller par une personne que je ne connais pas, je ne veux pas que cela aille plus loin tant que des mesures ne seront pas mises en place pour s'assurer de l'intégralité du respect de ma personne. Je voulais seulement être certain que vous êtes conscient que cette très fine ligne existe. Puisque nous vivons dans le monde de l'évaluation du danger, nous devons être conscient des dangers.
[Traduction]
Le sénateur Forrestall : Je vais m'écarter pour la première fois ce soir du cours général de nos questions. Je veux poser une question sur les failles qu'il y a entre les points d'entrée des deux côtés de la frontière. Comment allez-vous les combler? Me permettez-vous de vous offrir les services du Halifax Rifles ou d'une autre unité de la réserve.
Le sénateur Munson : Quel âge ont ces gars-là?
Le sénateur Forrestall : Certains d'entre eux ont plus de 100 ans.
Mme McLellan : C'est tout?
Le sénateur Forrestall : Je me demande comment vous allez combler ces failles. Est-ce que les États-Unis vont s'en charger; allons-nous travailler de concert?
Mme McLellan : Votre dernière question est intéressante. Si l'on prend en compte les préoccupations qu'a chaque pays au niveau de la souveraineté, si l'on prend le cas des équipes EIPF, nous travaillons de concert. À mon avis, plus nous travaillons ensemble dans le cadre d'équipes de police intégrées, meilleurs sont les résultats.
Cela dit, nous avons l'ASFC, qui est présente aux postes frontaliers. Nous avons aussi la GRC qui s'occupe des problèmes que posent les passages frontaliers. Cependant, aux postes frontaliers, il y a des gens de l'ASFC qui sont présents. Par exemple, si vous êtes à Saint-Bernard-de-Lacolle, au Québec, ce poste qui a beaucoup fait parler de lui, si l'agent de l'ASFC au poste doit faire appel à la police, ce sera, dans la plupart des cas, à la Sûreté du Québec, parce que c'est le service de police compétent sur place. Cependant, entre les points d'entrée, c'est la GRC qui a compétence pour agir. Par exemple, comme je l'ai dit, nos équipes EIPF sont présentes dans 15 régions en ce moment, il y a 23 équipes, et elles assurent la police des frontières.
Rappelez-vous que nous parlons de risque. Il ne serait pas très raisonnable à mon avis, au niveau de l'emploi des ressources, que la GRC, ou une autre organisation, soit présente sur chaque pouce de cette frontière libre, 24 heures sur 24, sept jours par semaine. Ce ne serait pas une utilisation logique de nos ressources. Par exemple, sur certains points de la frontière, nous avons des capteurs. Encore là, on a évalué le risque, et on a pris la décision qui était la plus logique au niveau de l'allocation des ressources.
Le sénateur Meighen : C'est ce qu'ont les Américains.
Mme McLellan : Oui. Nous avons des capteurs à certains endroits. Nous avons des équipes EIPF. Nous pourrions avoir aussi le détachement local de la GRC; ou, dans certains cas, nous ferions appel à la police compétente. Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Jolicoeur?
M. Jolicoeur : Je sais qu'il y a des moments où l'on n'aime pas entendre parler de l'approche de l'évaluation du risque mais il faut savoir si l'on veut un risque zéro et être partout. Est-ce que la société veut cela? J'imagine que la réponse est non. C'est une question d'équilibre, et il faut pour cela avoir une approche qui nous donnera le genre de résultats que nous voulons. Nous allons évaluer les équipes EIPF, mais je veux savoir pour ma part si nous obtenons les résultats que nous voulons de cette approche.
Le sénateur Banks : Pardonnez-moi d'intervenir, mais ce n'est pas que nous n'aimons pas entendre parler d'évaluation du risque. Au contraire. Nous voulons seulement avoir confiance dans la façon dont vous évaluez le risque.
Le sénateur Meighen : Il est logique que vous ayez un système qui vérifie votre système.
Mme McLellan : C'est essentiel.
Le sénateur Meighen : Si vous disiez, oui, nous avons en effet un système et nous en avons vérifié le fonctionnement récemment — le système d'évaluation du risque de base — et nous avons constaté qu'il fonctionne bien, mais qu'il y a encore largement moyen de l'améliorer, vous nous rassureriez beaucoup; mais comment savez-vous que votre méthodologie d'évaluation du risque fonctionne?
Si vous décidiez peut-être un jour que vous allez dépoter tous les conteneurs qui vont entrer dans le port de Halifax demain, vous seriez peut-être alors en mesure de juger si votre évaluation du risque fonctionne ou s'il faut employer une meilleure méthodologie. Dites-nous, si vous le pouvez, que vous avez une méthodologie pour vérifier votre méthodologie.
M. Jolicoeur : À ce sujet, vous avez parfaitement raison, la seule façon de s'assurer que notre système fonctionne serait d'ouvrir tous les conteneurs, par exemple, à Halifax pendant un mois, et comparer ce que notre système a fait ouvrir avec l'approche aléatoire. Nous allons procéder de cette manière, nous n'allons pas tout vérifier, mais plutôt un sous-groupe de conteneurs choisis au hasard et un sous-groupe de conteneurs ciblés.
En ce moment, nous mettons en place notre nouveau système. Nous devons bâtir notre base de données, l'adapter et faire cela. Nous en avons besoin nous-mêmes. Nous avons mis au point le système de manière à l'améliorer à chaque examen. Nous saurons essentiellement quelle recette donne des résultats, qu'est-ce qui est utile et qu'est-ce qui ne l'est pas. Nous devons faire cela pour améliorer le système lui-même. Avec Titan, nous ne sommes pas parvenus aux termes du premier cycle. Ma réponse, c'est que nous n'avons pas ce que vous voulez, mais je le veux autant que vous.
Mme McLellan : Quand nous évaluons nos équipes EIPF, nous déterminons si elles atteignent ou non leurs objectifs — qu'il s'agisse d'identifier la contrebande, d'arrêter les immigrants illégaux, peu importe le cas — et s'il n'existe pas de mécanisme plus efficace pour assurer la patrouille aux frontières.
Ce que j'aime chez les EIPF, c'est qu'elles sont intégrées et que leurs membres travaillent avec leurs homologues américains. En ce qui concerne les problèmes relatifs à la souveraineté, je crois pour ma part que plus on fera cela, plus nous serons en sécurité des deux côtés de la frontière. C'est ainsi que nous bâtissons une confiance mutuelle. De notre point de vue à nous, il est important que les Américains aient confiance dans ce que nous faisons et dans la manière dont nous le faisons.
Le sénateur Meighen : J'ai une dernière question, madame la ministre, qui fait suite à la réponse que vous avez donnée au sénateur Banks. Vous ne voulez pas qu'on vous reproche de chasser sur les terres de vos collègues, disiez-vous. Je ne voudrais pas que le public canadien pense que la question de savoir si l'ACSTA ou la Garde côtière se porteront mieux si elles relèvent de votre ministère ou du ministère des Transports se résume à une question de braconnage, si vous me permettez le mot.
Mme McLellan : J'essayais d'être polie.
Le sénateur Meighen : On a sûrement dû procéder à un examen pour savoir de quel ministère ce service devrait relever.
Mme McLellan : Vous avez parfaitement raison.
Le sénateur Meighen : C'est ce qu'on fait?
Mme McLellan : On peut dire à l'heure où nous nous parlons qu'on ne procède pas à un examen pour savoir si l'ACSTA devrait relever de la sécurité publique ou d'une autre entité. Notre ministère est relativement nouveau. Nous voulons nous assurer que les éléments que nous avons fonctionnent comme ils le devraient.
Mon collègue, le ministre des Transports, est responsable de l'ACSTA. C'est lui qui est responsable si elle ne fait pas son travail. Lui et moi collaborons étroitement — et comme vous l'avez entendu, M. Jolicoeur et son homologue de l'ACSTA dialoguent. Ce qui ne revient pas à dire qu'il n'existe pas de responsabilité administrative et politique pour s'assurer que cet organisme s'acquitte de son mandat. Cependant, pour ce qui est de savoir si un jour cette entité pourrait mieux servir le public, du point de vue de l'efficience, de l'efficacité ou de la rentabilité, pour ce qui est de savoir si cette entité devrait relever de mon ministère ou d'un autre, nous étudierons ces questions, mais il est trop tôt pour le faire. Nous nous employons en ce moment à absorber, à intégrer et à lancer ce que nous avons. L'ACSTA semble s'acquitter de son mandat aux Transports en ce moment, avec la surveillance ministérielle voulue. Si un jour, on juge approprié, après que les évaluations nécessaires auront été faites, que l'ACSTA pourrait mieux s'acquitter de son mandat en étant intégrée à une autre structure, je serai alors plus que disposée à en discuter. Je n'hésiterai pas à le faire. Vous avez raison. Il s'agit ultimement de savoir si cet organisme est plus efficace là où il est ou ailleurs. Serait-il plus efficient s'il était ailleurs? Pour le moment, nous avons encore beaucoup à faire pour unir les divers éléments de notre nouveau ministère et nous assurer qu'il fonctionne de manière efficiente et efficace et que nous nous acquittons du mandat qui nous a été donné. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne pourra y ajouter des éléments supplémentaires un jour.
Le sénateur Meighen : Peut-être aurait-il fallu, en établissant votre ministère, mettre l'ACSTA et la Garde côtière, ou les deux, sous votre tutelle, mais pour une raison quelconque, on en a décidé autrement. Soit! Je comprends que vous ayez besoin d'une période de constitution, d'évaluation et ainsi de suite. Peut-être pouvez-vous encore vous rattraper, à condition que cela n'offusque personne.
Passons maintenant à la question de l'infrastructure frontalière, et si vous permettez, je prendrai l'exemple de Detroit-Windsor, puisque c'est probablement le poste frontière le plus important. C'est probablement l'un des postes frontières les plus vulnérables aussi. Les défis le concernant sont assez particuliers : il y a notamment la question de la propriété privée des terres des deux côtés de la frontière, y compris le pont, bien que la situation ne soit pas exceptionnelle.
On nous a dit, et c'est une information du domaine public maintenant, qu'il n'y aura pas un autre passage frontalier à Detroit-Windsor, que ce soit sous forme de tunnel, de pont ou autre, avant 2013. Je sais qu'il est facile pour nous de nous asseoir ici et de dire que c'est trop long, n'empêche que c'est trop long. Il s'agit bien de huit années.
Compte tenu de l'importance du passage frontalier de Detroit-Windsor, n'y a-t-il rien qui puisse être fait pour accélérer les choses? Ne pourrait-on pas accélérer les cinq, si je ne m'abuse, examens environnementaux prévus? Je me rends bien compte que tout cela est coûteux, mais ne pourrait-on pas commencer dès maintenant la phase de conception des cinq scénarios possibles, de sorte que lorsqu'on en choisira un, la conception serait déjà au point? Il suffirait alors de donner le feu vert et, voilà, le coup d'envoi serait donné, plutôt que d'attendre de choisir l'option du tunnel avant de commencer la conception. Selon ce dernier scénario, il faudra attendre de nombreuses années avant de terminer la conception et de commencer la construction.
S'il devait y avoir une explosion, volontaire ou involontaire, au milieu du pont, étant donné que nous n'avons pas d'accord de prédédouanement des deux côtés de la frontière, cela ébranlerait sérieusement notre économie. À mon sens, c'est une grande priorité. En fait, je me demande si la construction de quelque chose de nouveau en 2013 règle ce problème.
Mme McLellan : Je conviens que c'est une grande priorité pour nous, de même que pour mes collègues, le ministre des Transports, le ministre d'État pour l'Infrastructure et les Collectivités, M. Godfrey et d'autres. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous travaillons sans relâche. Nous avons conclu un accord avec la province et la ville concernant la phase 1. Nous travaillons de toutes nos forces sur ce qui, nous l'espérons, sera la phase 2 de l'autre côté de la frontière qui se traduira par la mise en place d'une infrastructure importante qui, peu importe le nouveau passage qui sera choisi, est nécessaire, indispensable et utile. Aucun d'entre nous ne souhaite construire une infrastructure qui, tout d'un coup, ne nous mènera nulle part, selon le choix que nous aurons fait, mais les travaux de la phase 2 sont très avancés. Mon collègue Lapierre et moi-même avons hâte de pouvoir apporter les touches finales à la phase 2 en signant un accord avec la province et la ville sous peu.
Le processus auquel vous avez fait allusion n'est qu'un processus bilatéral, ni plus ni moins. Il y a cinq EIE qui sont en cours en rapport avec cinq passages frontaliers possibles.
Le sénateur Meighen : Pour la gouverne de nos téléspectateurs, peut-être pourrez-vous expliquer ce que vous entendez par cela au juste.
Mme McLellan : Je faisais allusion au processus d'évaluation environnementale.
Ce travail devra être fait, et nous comptons le diligenter dans la mesure du possible. Cela étant, je ne sais pas dans quelle mesure on pourra accélérer le processus davantage. Je sais que vous ne suggériez pas que nous prenions des raccourcis juridiques, car cela nous exposerait à des poursuites judiciaires, et ce que nous tentons de faire, en partie, c'est de faire en sorte que le processus soit respecté et que tout le monde ait la conviction que le processus est équitable. Ainsi, on l'espère, tout risque d'être attaqué en justice par qui que ce soit sera réduit, sinon éliminé.
Je crois savoir que ces évaluations environnementales peuvent prendre jusqu'à deux années, bien que nous nous employions à réduire ce délai tout en respectant toutes les exigences juridiques.
Je conviens que nous devons faire tout notre possible pour diligenter le processus, à condition que les coûts soient raisonnables et justifiables. Si c'est le cas, nous devons diligenter le processus dans la mesure du possible de sorte que nous puissions avoir accès à un nouveau passage frontalier le plus tôt possible.
Que je sache, le pont atteindra sa pleine capacité autour de 2011-2012. Or, nous sommes en train d'apporter des changements à court terme, notamment des changements à l'infrastructure dans le cadre des phases 1 et 2, ainsi que le défi des 25 p. 100. Cela aura pour effet de réduire les délais de transit, mais il y a aussi les questions des systèmes FAST, NEXUS, des changements apportés aux aires de service et, peut-être, des agents supplémentaires des deux côtés de la frontière, ainsi qu'un plus grand nombre de postes douaniers. Nous avons un projet pilote de prédédouanement au poste frontière de Buffalo-Fort Erie, mais si le prédédouanement s'avère une solution viable, ce que nous escomptons, il se peut qu'il y ait d'autres solutions à adopter au passage de Windsor-Detroit pour accélérer le trafic, mais d'une manière sûre et sécuritaire.
Tout compte fait, il y a un pont. Ce pont atteindra sa pleine capacité en 2011-2012, si je ne m'abuse.
M. Jolicoeur : Nous commençons à voir des chiffres qui nous rassurent et qui nous permettent de penser que nous pouvons aller au-delà de 2013, mais ce n'est pas ce que nous souhaitons.
Mme McLellan : Non, ce n'est pas souhaitable.
M. Jolicoeur : Ce n'est pas souhaitable, mais nous travaillons dur de notre côté pour faire avancer la construction du pont. Les professionnels des deux côtés de la frontière sont d'avis que si nous tentons de prendre des raccourcis, nous ne ferons pas avancer les choses. En fait, nous ne ferons que retarder l'échéance de 10 ans, étant donné les ramifications juridiques. Cela étant, nous sommes sur la voie express.
Mme McLellan : Bien des gens ont des intérêts dans ce dossier, et nous tentons de faire en sorte que tous soient traités de manière équitable dans les divers processus. Nous ne voulons pas que quiconque se sente lésé au point qu'il cherche à obtenir une injonction provisoire contre nous ou le processus bilatéral ou qu'il entame un recours judiciaire quelconque. Si cela devait se produire, nous serions tous dans de beaux draps.
Le sénateur Meighen : Vous avez évoqué le passage frontalier de Buffalo-Fort Erie. Où en est le projet pilote de prédédouanement? A-t-on choisi un site?
Mme McLellan : Rob Wright a négocié l'accord de prédédouanement avec son homologue de l'époque, Asa Hutchinson. C'est capital à notre avis. Tom Ridge et moi-même avons signé un accord pour lancer le projet pilote. J'ai soulevé la question avec Michael Chertoff lors de sa visite ici, et je crois avoir eu un engagement de sa part à donner le coup d'envoi sans plus tarder à un projet pilote de prédédouanement.
Peut-être M. Jolicoeur peut-il vous renseigner sur les dernières discussions à ce sujet.
M. Jolicoeur : Nous avons commencé les négociations en vue de la signature d'un traité. Après cela, il nous faudra adopter une loi. Nous croyons que d'ici six mois, toutes les discussions auront abouti à un produit final. Par contre, il faudra attendre deux ans avant le déploiement d'agents américains en sol canadien.
Le sénateur Di Nino : Pourquoi? Nous en avons déjà dans sept aéroports canadiens. Pourquoi est-il si compliqué de les déployer en sol canadien?
M. Jolicoeur : C'est ce que nous pensions aussi au début des discussions.
Mme McLellan : Il s'est avéré que notre position n'était pas partagée par certains de nos homologues de l'autre côté.
M. Jolicoeur : En effet, ils avaient quelques préoccupations sécuritaires. Ils voulaient jouir exactement des mêmes pouvoirs du côté canadien que du côté américain.
Le sénateur Meighen : Y compris le port d'armes à feu?
Mme McLellan : Oui, mais ce n'était même pas là le plus grand problème. Le plus grand problème se rapportait plutôt aux pouvoirs de fouille, de perquisition et de saisie, y compris la fouille à nu. Interpeller quelqu'un automatiquement du côté canadien et l'emmener aux États-Unis pour des motifs criminels pose un grand problème.
Le sénateur Meighen : Je peux en effet comprendre le problème, bien que si le territoire est proclamé territoire américain à cette fin, on suppose qu'ils auraient le pouvoir d'effectuer une fouille à nu s'ils ont déjà le pouvoir de le faire aux États-Unis.
Mme McLellan : Cette approche aurait nécessité une série d'interventions juridiques. De même, serait-ce très acceptable sur le plan politique?
Le sénateur Meighen : Pas vraiment.
Mme McLellan : C'est justement ce que nous avons conclu. Les deux parties ont élaboré plusieurs options détaillées et ont déterminé qu'on ne pouvait envisager les pleins pouvoirs pour diverses raisons constitutionnelles. Si nous faisions un projet pilote du côté américain, nous nous heurterions aux mêmes problèmes juridiques relativement à la Constitution des États-Unis et à son interprétation.
Nous avons procédé à une analyse très détaillée et examiné tous les aspects juridiques. Nous songeons à accorder aux États-Unis 90 p. 100 des pleins pouvoirs. Les 10 p. 100 qui restent posent problème. Je pense que le secrétaire Ridge et le secrétaire Chertoff sont probablement d'accord avec l'idée d'un projet pilote et souhaitent voir comment il se déroulera. S'il ne donne pas les résultats escomptés, il nous aura du moins permis à nous et aux États-Unis d'apprendre quelque chose. Et s'il donne de bons résultats, tant mieux.
Nous voulons faire un projet pilote de notre côté et l'un de leur côté à différents endroits pour voir ce que cela donnera.
Le sénateur Meighen : N'y a-t-il pas un poste de prédédouanement de chaque côté de la frontière?
M. Jolicoeur : Non. Ils appelaient cette formule « l'interchangeabilité du dédouanement ». Nous aurions pu l'adopter. Cependant, dans certains postes, il y a plus d'espace d'un côté que de l'autre. L'entente permettrait aussi de changer de côté, mais elle viserait un poste en particulier.
Mme McLellan : À Fort Erié, les États-Unis aimeraient bien, tout comme les entreprises de trafic commercial, déplacer les installations vers le côté canadien puisqu'il n'y a pas de place du côté américain.
Le sénateur Meighen : Nous voudrions peut-être qu'il n'y en ait que du côté américain.
Mme McLellan : Peut-être bien. C'est ce que nous essaierions de faire, encore une fois dans un projet pilote.
Le sénateur Meighen : Selon les résultats de ce projet pilote, la formule pourrait être étendue à tous les postes frontaliers ou seulement à ceux qui comportent un pont?
Mme McLellan : Exactement. La configuration des installations peut varier d'un endroit à l'autre, selon les particularités géographiques ou d'autres caractéristiques.
Le sénateur Meighen : Existe-t-il un système de prédédouanement à l'heure actuelle à l'Aéroport international de Halifax? Sinon, quand y en aura-t-il un?
Mme McLellan : Le système n'est pas encore en place parce que les États-Unis doivent consacrer certaines ressources à la reconfiguration. Il s'agit d'une somme relativement modeste compte tenu du budget du ministère de la Sécurité intérieure des États-Unis, mais leurs ressources sont déjà attribuées. Ils devront puiser dans le budget de l'exercice courant pour financer cette configuration. Nous espérons que cela se fera très bientôt. L'entente est déjà signée et approuvée; les Américains doivent simplement trouver l'argent pour procéder à la reconfiguration.
Le sénateur Meighen : Avez-vous un plan d'urgence au cas où l'un des principaux postes frontaliers du sud-ouest de l'Ontario cesserait d'être fonctionnel pour une raison quelconque?
M. Jolicoeur : Cette question intéresserait davantage le ministère des Transports que les organismes de services frontaliers ou d'immigration. Mon organisation n'aurait pas à réagir à cette situation. Nous cesserions simplement nos activités dans les postes frontaliers fermés.
Il existe des plans d'urgence pour la plupart des secteurs à risque au Canada, mais cette question ne regarde pas l'Agence des services frontaliers du Canada.
Mme McLellan : On déroute déjà régulièrement la circulation dans cette partie de l'Ontario lorsqu'il y a un problème particulier ou de longues files d'attente. C'est la raison d'être de l'initiative sur l'autoroute intelligente. On informe les conducteurs de la situation au poste frontalier de Windsor-Detroit. S'il y a 35 ou 40 minutes d'attente, ils décideront peut-être de se rendre à Bluewater.
Le sénateur Meighen : Trente-cinq ou 40 minutes d'attente, ce n'est rien. Imaginez de 10 à 15 heures.
Mme McLellan : Non, sénateur.
Le sénateur Meighen : Le 11 septembre 2001.
Mme McLellan : Dans ce cas, oui, effectivement, et nous avons tout mis en œuvre pour éviter que cette situation ne se répète.
Le sénateur Meighen : Vous voulez dire les attentats du 11 septembre ou les retards aux frontières?
Mme McLellan : L'un et l'autre, bien sûr. Nous avons instauré les programmes NEXUS et FAST, — le système de contrôle d'identité informatisé — et amélioré l'intégration entre nos deux pays. Nous avons mis en commun nos connaissances et nos évaluations des menaces et amélioré notre capacité de déplacer des marchandises et du fret à faible risque. Nous espérons qu'il n'y aura jamais d'autres attentats comme ceux du 11 septembre. Cependant, nous avons des plans permettant de dérouter la circulation vers d'autres postes frontaliers, si jamais un pont devenait impraticable par suite d'une catastrophe d'origine naturelle ou humaine. Selon la nature, la gravité et la durée de l'événement en cause, il y aurait des files d'attente à ces autres postes frontaliers, mais nous avons des plans en prévision de tels événements.
M. Jolicoeur a raison de dire que cette question ne regarde pas l'agence en tant que telle, mais c'est une question qui a trait à la protection civile, et je serais heureux d'en discuter avec vous.
Le président : Ce sera un projet de loi omnibus. Envisagez-vous l'adoption de plusieurs lois ou plutôt un projet de loi qui vous conférera le pouvoir de procéder de cette façon dans l'avenir?
Mme McLellan : En ce qui concerne le prédédouanement?
Le président : Oui. La mesure touchera-t-elle uniquement un poste?
Mme McLellan : Non. Nous souhaitons que le projet de loi permette d'instituer un système de prédédouanement dans d'autres postes frontaliers. Il établira le cadre légal.
Le président : Je ne comprends pas très bien la résistance des Américains, car l'interchangeabilité du dédouanement ou le prédédouanement leur donne une deuxième occasion d'intervenir. Quand la personne qui les intéresse a franchi la frontière, ils peuvent en faire ce qu'ils veulent. J'ai donc du mal à comprendre leurs objections.
Mme McLellan : C'est vrai. Si les Américains considéraient une personne comme dangereuse et voulaient l'arrêter, ils n'auraient qu'à nous prévenir à l'avance.
Le président : Du côté canadien, si nos lois les empêchaient de faire une fouille à nu, par exemple, ils pourraient tout simplement attendre que la personne entre sur leur territoire pour le faire.
Mme McLellan : Par souci d'efficacité, ils aimeraient qu'on intervienne une fois seulement auprès de chaque personne.
Le président : En terminant ce dernier tour de questions, je dirais que le problème qui se pose à Détroit ne tient pas tellement aux capacités qu'à la redondance et, sur le plan de la sécurité, notre comité s'inquiète de la redondance.
Le sénateur Cordy : J'aimerais parler de la dotation. Le tourisme et les échanges commerciaux ont connu un merveilleux essor du côté canadien. Les échanges ont doublé depuis dix ans. Le personnel aux postes frontières est-il suffisant?
Mme McLellan : Nous avons bien entendu des ressources supplémentaires, comme je l'ai indiqué, pour recruter plus d'employés à certains endroits clés. Si vous posez la question à M. Jolicoeur ou à ceux qui travaillent en première ligne, je pense qu'ils vont toujours vous dire que les effectifs sont insuffisants. Les représentants de la Gendarmerie royale du Canada vous diront toujours qu'ils n'ont pas assez d'employés parce qu'on peut toujours faire plus. Les menaces sont de plus en plus raffinées et complexes. On a besoin de plus de formation et de plus d'outils pour déceler des dangers et des risques de plus en plus complexes sur le plan technologique.
En toute honnêteté, je ne dirai probablement jamais que l'ASFC et la GRC ont assez d'employés et que je n'en demanderai pas plus, parce qu'on peut toujours faire davantage de choses. Il faut évaluer les ressources dont nous disposons et les pressions qui s'exercent sur elles. Ces ressources sont-elles affectées là où elles seront le plus efficaces? Il arrive, et c'est pourquoi nous avons obtenu des ressources supplémentaires, qu'on ait besoin de plus de ressources, même si on les a déployées de la façon la plus efficace. Voilà pourquoi nous allons affecter 30 agents de plus au poste frontalier Windsor-Détroit et à d'autres endroits stratégiques du pays. Après avoir évalué les besoins, nous avons conclu que la demande justifie une augmentation des effectifs. Bref, si vous me demandez si j'aimerais avoir plus d'argent pour pouvoir recruter plus de personnel, je vous dirai oui, absolument.
Le sénateur Cordy : Monsieur Jolicoeur, pour gagner du temps, pourriez-vous nous transmettre un tableau indiquant le nombre d'agents au cours des dix dernières années? Est-ce possible?
M. Jolicoeur : Oui, volontiers. Nous devrons regrouper les chiffres de trois organisations différentes, mais cela peut se faire facilement.
Le sénateur Nolin : Pourriez-vous nous indiquer le nombre d'entrées à chaque endroit.
Mme McLellan : Les véhicules qui entrent et qui sortent?
[Français]
Le sénateur Nolin : Autrement dit, sur une même colonne, le nombre d'employés et le nombre visiteurs, incluant les Canadiens.
M. Jolicoeur : D'accord. Vous ne voulez pas dire pour chacun des ports d'entrée mais globalement.
[Traduction]
Le sénateur Nolin : Elle a demandé les chiffres pour chaque point d'entrée.
Le sénateur Cordy : Je demandais les chiffres globaux. J'étais bien moins exigeante.
Le sénateur Nolin : Je suis sûr qu'on peut les obtenir.
M. Jolicoeur : Nous pouvons vous donner les chiffres globalement. Pour chaque point d'entrée, ce serait beaucoup plus difficile. Nous trouverons ces chiffres et les comparerons au degré d'achalandage, pour que vous puissiez voir les deux courbes à la fois.
Le sénateur Cordy : Quand nous avons visité les postes de Windsor et de Pacific Highway, on nous a dit qu'il y avait des postes à plein temps qui n'étaient pas comblés.
Mme McLellan : Au poste de Pacific Highway?
Le sénateur Cordy : De Windsor et de Pacific Highway. Est-ce attribuable à l'attrition, au fait que les employés prennent leur retraite? Prévoyez-vous recruter du personnel? Nous savons tous que cela prend une éternité pour recruter du personnel dans la fonction publique. Cette situation cause-t-elle un problème? Est-ce qu'on planifie les effectifs à l'avance, ou est-il difficile de recruter dans la fonction publique?
M. Jolicoeur : Vous avez raison de dire que les délais de recrutement sont longs. Nous planifions nos ressources humaines, mais dans ce secteur il faut former les employés pour qu'ils puissent faire leur travail. Il faut donc les recruter, leur offrir un cours et ensuite les affecter. En réalité, il est futile de compter les postes dans l'organisation, bien que beaucoup d'employés le fassent. Nous ne gérons pas en fonction des postes mais en fonction du budget. Chaque poste a son budget et cela prend un certain temps pour remplacer les employés à certains endroits. Certains départs, comme les départs à la retraite, sont prévus, ce qui est un peu plus facile. On peut planifier à l'avance. Mais ce n'est pas toujours le cas. Nous les embauchons mais ils partent rapidement, ce qui nous rend vulnérables. Le taux de roulement est un peu plus élevé. Cependant, quand vous verrez le tableau que vous avez demandé tout à l'heure, vous constaterez que nous suivons assez bien l'achalandage.
Le sénateur Cordy : Si vous savez que quelqu'un va prendre sa retraite, pouvez-vous embaucher et former à l'avance la personne qui va le remplacer, ou devez-vous attendre que le poste soit devenu vacant?
M. Jolicoeur : Nous pouvons le faire d'avance. Cela dépend du budget. Les changements annoncés à la suite du dernier budget dans les conditions des stagiaires de notre organisation nous permettront de le faire plus souvent, parce que cela nous coûtera moins cher pendant la période de formation. Nous pourrons affecter ce stagiaire plus rapidement aux postes devenus vacants.
Le sénateur Cordy : Si vous ne pouviez pas embaucher un si grand nombre de travailleurs temporaires chaque année, le fonctionnement de l'agence en souffrirait-il?
M. Jolicoeur : Nous avons besoin d'une marge de manoeuvre. C'est indispensable dans ce secteur d'activité.
Le sénateur Cordy : La ministre a dit tout à l'heure que l'agence effectue de temps à autre des vérifications de sortie. Vous avez dit, madame la ministre, que des crédits seront prévus dans le prochain budget pour ces vérifications, mais je vous ai peut-être mal comprise. Allons-nous commencer à vérifier plus systématiquement les sorties?
Mme McLellan : Si vous voulez savoir si nous allons adopter un programme comme US-Visit, qui est un système de contrôle des sorties, je vous dirais que nous n'avons pas l'intention de le faire pour l'instant. Il faut être ouvert à toutes les options raisonnables permettant de déterminer qui se trouve en sol canadien, qui entre au pays et qui le quitte.
Cependant, nous n'avons jamais fait de contrôles de sortie, et les États-Unis n'en faisaient pas non plus avant d'instaurer le programme US-Visit. Mis à part les citoyens américains, les citoyens canadiens sont les seuls à être exemptés de ce programme, ce qui témoigne du statut spécial que nous accordent les États-Unis. Nous n'avons pas l'intention pour l'instant d'instaurer un programme de contrôle des sorties comme le programme US-Visit.
M. Jolicoeur : Votre question est peut-être aussi liée à deux mesures que nous prenons auprès des gens qui quittent le pays. Nos collègues américains nous appellent régulièrement quand ils sont préoccupés par quelque chose ou quand leurs inquiétudes montent d'un cran. Ils nous demandent de vérifier des voitures et des camions avant de les laisser entrer aux États-Unis. Il s'agit cependant d'une mesure très précise et très différente. Nous le faisons à certains endroits précis pour des raisons de sécurité précises. Nous le faisons régulièrement à la demande des Américains. De plus, nous sommes responsables des marchandises qui quittent le Canada. Certaines d'entre elles peuvent soulever des préoccupations pour des raisons stratégiques, si bien qu'il faut les vérifier. Des sommes sont prévues dans le budget à cette fin.
Le sénateur Cordy : Notre argent est-il bien dépensé? Notre comité a préconisé l'augmentation des sommes consacrées à la sécurité frontalière. Le gouvernement a-t-il établi si ces fonds supplémentaires ont été bien dépensés?
Mme McLellan : Oui.
Le sénateur Cordy : La semaine dernière, certaines personnes m'ont dit que la perception par le public des mesures de sécurité ne suffit pas pour rassurer les gens; le public doit également savoir que les fonds publics sont dépensés de façon judicieuse.
Mme McLellan : Absolument. Il nous incombe de veiller tous les jours à ce que les ressources soient dépensées de façon efficace et efficiente de manière à assurer la sécurité collective du pays. Nous devons constamment nous demander si les bonnes ressources sont dirigées aux bons endroits. C'est-là qu'intervient l'évaluation des risques. Quels sont les risques associés à ce processus? Où sont-ils? Quelle en est l'ampleur? Nous devons veiller à avoir les ressources et les outils nécessaires pour contrer ces risques. Les Canadiens ont le droit d'exiger que nous soyons efficaces, sachant toutefois que nous ne vivons pas dans un monde exempt de risques. Nous ne pouvons pas garantir l'absence totale de risques. Dans ce contexte, nous devons veiller à ce que l'argent des contribuables canadiens soit bien dépensé dans le domaine de la sécurité.
Cependant, on pourrait toujours faire plus. J'ai pu constater que le processus évolue sans cesse. Au moment où l'on croit avoir réglé un problème, celui-ci prend une autre forme, un nouveau défi se pose ou les malfaiteurs se révèlent plus intelligents que l'on ne l'aurait cru. Au fur et à mesure que nos connaissances s'améliorent, nous améliorons le système qui, partant, évolue sans cesse. Tout bouge, tout change constamment, ce qui peut contrarier ceux qui voudraient mettre en place un système définitif. On pourrait adopter un système quelconque mais, le lendemain, des événements comparables à ceux du 11 septembre pourraient survenir, révélant du coup les lacunes du système. C'est un processus de changement dynamique et constant des outils technologiques utilisés par les forces de l'ordre et les malfaiteurs; la formation nécessaire évolue également, tout comme bien d'autres choses. La sécurité est un environnement dynamique qui comporte une multitude de défis.
Honnêtement, je crois qu'il incombe à votre comité de déterminer, entre autres, si les contribuables canadiens en ont pour leur argent et comment cet argent est dépensé.
Le sénateur Day : Étant originaire du Nouveau-Brunswick, je pense qu'il est important de ne pas oublier le poste frontière de St. Stephen-Calais. Il est tout aussi important pour les Maritimes et le Canada atlantique que celui de Windsor-Détroit l'est pour l'Ontario. Je crois comprendre que les autorités canadiennes avaient approuvé la construction d'un pont mais qu'elle a été retardée par les autorités américaines. Je pensais que nous aurions pu prendre de l'avance pour tous les autres ponts. Cinq évaluations environnementales ont été effectuées et les fonds nécessaires ont été approuvés. Ce serait l'endroit idéal pour des installations de prédédouanement du côté américain. C'est ce que je propose.
M. Jolicoeur : Vous avez raison. Nous sommes prêts à aller de l'avant, nous avons l'argent et l'organisation est prête, mais il semble qu'on ne soit pas tout à fait prêt du côté américain. On n'a pas encore choisi l'endroit où aura lieu le projet pilote canadien sur le prédédouanement. Nous envisageons quelques possibilités, dont le poste de St. Stephen.
Le sénateur Day : Ne le rayez pas de votre liste.
M. Jolicoeur : Nous avons établi des critères et évalué le poste de St. Stephen, mais je ne sais pas s'il sera retenu.
Le sénateur Day : Je voudrais des précisions sur un autre sujet. Monsieur Jolicoeur, vous vous rappelez notre discussion sur les résultats; vous avez dit qu'il était trop tôt pour les évaluer. Nous avons parlé de Titan et Titan II. Quand comptez-vous pouvoir élaborer un test visant à contrer le ciblage? Quand pourrons-nous voir les résultats?
M. Jolicoeur : Accordez-nous à peu près un an pour pouvoir vous donner des résultats qui aient du sens avec Titan. Nous ne voulons pas annoncer des résultats fragmentaires, qui ne serviraient à rien. L'automne prochain, nous pourrons sans doute faire des tests et vous en donner les résultats. J'aime bien l'idée du sénateur Kenny d'attendre un peu avant de vous donner des résultats; quoi qu'il en soit, ce sera dans moins d'un an.
Le sénateur Day : Prévoyez-vous que le passage à Titan II causera des retards supplémentaires?
M. Jolicoeur : Non.
Le sénateur Day : Ma dernière question porte sur des propos tenus par des représentants de l'Agence des services frontaliers lorsqu'ils ont comparu devant le comité en 2003 au sujet de la connexion des bureaux frontaliers à votre ordinateur principal pour permettre désormais aux agents d'avoir tous accès à la même information. Je trouve curieux que vous ayez dit qu'il vous fallait faire d'abord une analyse de rentabilisation. C'était il y a plus de deux ans. Est-ce du jargon politique pour dire : « Il nous faut plus d'argent pour ces emplois? » Si un point de passage justifie un bureau de sécurité et du personnel pour contrôler les entrées, la rentabilisation est toute trouvée.
M. Jolicoeur : C'était avant la création de l'Agence, mais je sais qu'une centaine de bureaux n'étaient pas connectés à l'époque. Il y en a aujourd'hui entre 60 et 65. Malheureusement, ceux qui restent, sont les plus difficiles à connecter. Nous avons commencé par les plus faciles. C'est une question d'infrastructure mais cela doit se faire.
Le sénateur Day : Vous et moi connaissons bien la technologie de pointe et comprenons le sans-fil et les communications par satellite.
M. Jolicoeur : C'est possible et ce serait facile mais le débit n'est pas assez grand. Le canal ne peut pas faire passer le genre d'information dont nous avons besoin.
Le sénateur Day : C'est une question de largeur de bande.
M. Jolicoeur : C'est la difficulté que présentent ces endroits. S'il n'y avait que cela, le problème aurait été résolu. Nous y travaillons et ce sera résolu. Nous trouvons d'autres modes de fonctionnement pour ces bureaux. Ailleurs, la situation a été dénoncée et jugée embarrassante. Nous avons six bureaux construits sur la frontière, mais ils n'ont été bâtis qu'à une seule fin : pour que nos employés dans le bureau américain puissent travailler ensemble et disposer de la même information. C'est ce qui se fait et c'est utile.
Le sénateur Day : Y en a-t-il parmi ces bureaux qui ne sont pas connectés?
M. Jolicoeur : Oui.
Le sénateur Day : Les États-Unis attendent que la technologie progresse et se contentent de la situation actuelle.
Mme McLellan : Les États-Unis sont connectés.
Le sénateur Day : C'est ce que je croyais comprendre. Il leur fallait traverser le salon pour parler à leurs collègues américains. On nous en a déjà parlé.
Mme McLellan : Pas forcément. Personne ne dirait que c'est l'idéal, si l'on souhaite l'intégration, mais si vous construisez une installation qui répond aux besoins des deux groupes d'agents — encore une fois, vous voulez sans doute de la redondance, notre système en marche et branché et leur système en marche et branché, pour plusieurs raisons, par exemple, des agents canadiens qui ont accès à leur information — dans ce contexte, cela se défend parce que les rapports de travail sont étroits, si l'infrastructure n'est pas là à l'heure actuelle, ils ont effectivement accès à l'information américaine.
M. Jolicoeur : Ils ont aussi accès à la même information, mais par téléphone en communication avec les autres bureaux. Personne ne se retrouve sans information.
Le sénateur Day : On peut aujourd'hui obtenir une large bande grâce aux fils téléphoniques.
M. Jolicoeur : À certains endroits, non.
Le sénateur Day : C'est vrai. À cause du central téléphonique. Comme vous disposez de 119 millions pour la technologie de l'information — et vous avez parlé de plusieurs choses comme la création de Titan II et des systèmes de TI que vous voulez améliorer — j'imagine qu'une tranche des 119 millions servira à connecter la soixantaine de bureaux qui ne le sont pas encore. Pourriez-vous nous donner une idée du délai pour que nous puissions vous demander où l'on en est quand il sera écoulé?
M. Jolicoeur : D'ici un mois, je pourrai vous dire combien des 60 nous pourrons connecter dans le court terme.
Le sénateur Day : Qu'entendez-vous par « court terme »?
M. Jolicoeur : Le présent exercice financier.
Le sénateur Day : Je note votre engagement. Quand vous nous répondrez, dites-nous ce qui vous empêche de connecter les autres : la technologie ou l'argent.
M. Jolicoeur : C'est précisément ce que je vous dirai.
Le président : Quand Mme Caplan occupait vos fonctions, elle nous a dit que construire sur la frontière était une mauvaise idée. Elle nous a dit que cela coûtait très cher parce qu'il fallait respecter deux codes du bâtiment, ce qui faisait monter les coûts considérablement. J'en déduis que ce problème a été réglé?
Mme McLellan : J'imagine qu'il vaut mieux respecter le code le plus exigeant, ne trouvez-vous pas?
Le président : Je ne sais pas. Elle a seulement dit qu'elle ne le referait jamais plus.
Le sénateur Nolin : Ils n'ont sans doute pas de réglementation exigeante.
Mme McLellan : La réponse c'est qu'il faut bâtir en fonction du code le plus rigoureux, peu importe de quel pays il vient. M. Jolicoeur n'est sans doute pas heureux de me l'entendre dire.
M. Jolicoeur : La ministre Caplan avait raison : c'est un vrai cauchemar. Trois avaient été construits à ce moment-là. Nous en avons bâti trois autres et nous pensons que cela valait la peine de les construire. Quant à savoir si nous allons en construire d'autres, cela va dépendre de notre plan d'immobilisations — quand les bâtiments devront être remplacés et autres choses de ce genre.
Le sénateur Munson : Nous croyons savoir que les États-Unis comptent passer au VACIS, autrement dit radiographier tous les trains de marchandises en provenance du Canada. Vous ont-ils quoi que ce soit que nous devrions savoir au sujet d'expéditions suspectes de marchandises canadiennes par rail?
Mme McLellan : Voulez-vous dire à haut risque?
Le sénateur Munson : Oui.
M. Jolicoeur : Ce sont les armes qui les inquiètent et aujourd'hui ils passent au VACIS tout ce qui passe par tous les postes frontières, sauf deux, où leur machine sera du côté canadien. Il y en a déjà une en service à Sarnia. L'autre sera à Windsor.
À l'heure actuelle, il y a une inquiétude dans l'industrie — je ne veux pas leur prêter des propos, mais ils inspectent un peu trop de trains, pas du point de vue de les passer au VACIS, mais les arrêter et inspecter l'intérieur de chacun d'eux.
J'ai eu beaucoup de discussions avec nos collègues des États-Unis sur ce point et avec l'industrie. Je pense que ce que nous voyons maintenant, c'est un mode de formation du point de vue de l'agent américain, où ils doivent se familiariser avec la technologie, savoir de quoi il s'agit quand ils voient une image, et le contrôle et l'arrêt des trains va baisser avec le temps.
Le sénateur Munson : Envisageons-nous un programme semblable?
M. Jolicoeur : Non.
Le sénateur Munson : Je voudrais faire une observation. Ça ne fait pas partie des questions proposées. Madame la ministre, vous avez dit que nous sommes des amis spéciaux des États-Unis. Récemment, il est question de passeports que l'on introduirait pour les amis spéciaux, et cela fait partie de la sécurité. J'aimerais savoir comment vous réagissez quand vous entendez cela, vu que nous sommes des amis si spéciaux.
Mme McLellan : Je suis heureuse que vous ayez soulevé la question. Je veux avoir l'occasion d'expliquer aux gens ce qui motive la façon dont agit le département de la Sécurité du territoire et le fait que cela montre que nous sommes traités comme des citoyens des États-Unis. Je crois fermement que nous n'avons pas le droit de nous attendre à être mieux traités que leurs propres citoyens. Ce serait renversant.
Vous pouvez comprendre à quel point il serait inadmissible politiquement si nous disions que les citoyens américains devraient avoir la préférence sur les citoyens canadiens dans les documents d'identité, par exemple, qu'ils devraient être traités mieux que nos propres citoyens. C'est un argument qui ne tient pas.
Comme vous le savez sans doute, sénateur Munson, il y a eu beaucoup de critiques à la suite du 9 septembre et de la Commission du 9 septembre et d'ailleurs, comme quoi beaucoup de citoyens américains rentrant ou entrant dans leur pays — et j'imagine le plus souvent qu'ils rentrent — et qu'ils avaient une série de pièces d'identité, comme c'est le cas de beaucoup de Canadiens, un permis, un acte de naissance, peu importe le cas — dans le domaine du possible, ce sont là les deux les plus évidentes. On s'inquiétait beaucoup au sujet de la sécurité entourant ces pièces — par exemple, la base, les contrôles d'identité qui sont faits pour les délivrer, puis les protections contre les contrefaçons.
La recommandation a été faite — et le Congrès l'a acceptée et la loi a été adoptée en décembre 2004 — ce qui est la raison pour laquelle ceci se produit aujourd'hui — que les citoyens américains sont censés avoir soit un passeport soit une pièce d'identité acceptable — acceptable pour le secrétaire à la sécurité du territoire. Il se peut donc qu'il ne s'agisse pas d'un passeport. Par exemple, il est bien clair qu'ils accepteront EXPRES et NEXUS. Ce qu'ils accepteront d'autre n'est pas clair — par exemple, notre nouvelle carte de résident permanent que chaque résident permanent vient d'obtenir.
J'ai parlé au secrétaire Chertoff la semaine dernière et il reconnaît avec moi qu'il faut que nos fonctionnaires décident ensemble quelles pièces d'identité, en plus du passeport, NEXUS et EXPRES seront acceptables.
Il est bien clair que cette sera une grosse question d'application pour les États-Unis par rapport à ses propres citoyens. Ce sera sans doute beaucoup plus difficile pour eux à appliquer à leurs propres citoyens que ce sera pour nous de nous y conformer.
C'était la motivation. Ce n'était pas parce qu'ils s'en prenaient à nous ou quoi que ce soit de ce genre. C'est seulement qu'ils avaient une inquiétude au sujet des pièces d'identité que possédaient leurs propres citoyens qui rentraient aux États-Unis. Lorsqu'ils ont changé leur loi pour modifier l'exigence à l'égard de leurs propres citoyens, nous, ainsi que d'autres dans l'hémisphère occidental, en faisons partie intégrante. Il n'aurait pas été possible pour nous de réclamer un traitement privilégié par rapport à leurs propres citoyens.
Le président : Une précision à ce propos, madame la ministre. De nombreux douaniers canadiens nous ont dit qu'avec ce système de lecture ils savent qui est propriétaire du véhicule mais ont bien du mal à connaître l'identité de l'occupant vu la pléthore de pièces possibles. Le problème est tout aussi réel pour le Canada que pour les États-Unis quand il s'agit de s'assurer qui entre au pays.
Mme McLellan : Cela fait partie de la nouvelle réalité dans laquelle nous vivons. J'ai dit au secrétaire Chertoff que notre système d'entrée et de rentrée dans nos pays respectifs est fondé sur la réciprocité.
Le président : Nous promettons de ne pas décrire cela comme des représailles quand vous déposerez les règlements.
Mme McLellan : Non, non. Nous allons examiner leurs exigences et décider ce que nous jugeons être approprié ici pour les entrées et les sorties.
Le sénateur Nolin : Madame la ministre, vous avez comparu devant le comité de la justice de la Chambre des communes pour discuter de la sécurité dans les Grands Lacs en février. Vous avez parlé de la proposition américaine shiprider. Pourriez-vous nous expliquer de quoi il s'agit exactement?
Mme McLellan : Shiprider est un programme américain. Les Américains souhaitent avoir des projets pilotes avec le Canada dans les Grands Lacs. Des deux côtés de la frontière, on se préoccupe de la sécurité sur les Grands Lacs. Il suffit de considérer la géographie pour comprendre.
Mon homologue ontarien, M. Monte Kwinter, a évoqué la question à plusieurs reprises avec moi. Je crois savoir qu'il fait de la voile. Il a évoqué devant moi un certain nombre de vulnérabilités possibles qu'il a constatées dans ses déplacements à bord de son voilier autour des Grands Lacs.
Je ne dis pas cela à la légère. Ce qu'il dit est très juste. Aussi bien nous que les Américains savons qu'il y a des vulnérabilités sur les Grands Lacs. Il faut relever le défi. Shiprider serait une façon de faire la police ensemble sur les Grands Lacs.
Nous étudions un projet pilote où on mettrait, disons, un de nos agents de la GRC à bord d'un de leurs patrouilleurs. Ils auraient un de leurs agents à bord de l'un de nos patrouilleurs sur les Grands Lacs. Je crois aussi savoir que la GRC a reçu des ressources supplémentaires pour renforcer sa flottille — je regarde actuellement mon conseiller à la GRC au fond là-bas — de concert avec la Garde côtière canadienne. Il a été indélicat de ma part de ne pas mentionner ce partenariat.
Le président : Cela n'a pas encore été intégré à votre ministère.
Mme McLellan : Sérieusement, tout comme pour le prédédouannement, il y a des questions juridiques dans les deux pays qui doivent être réglées. Soyons honnêtes. Si nous avons un patrouilleur canadien sur les Grands Lacs et que vous avez un policier américain, il pourrait y avoir une situation où quelqu'un est blessé par balle par l'Américain ou vice versa. Vous avez un agent de la GRC canadien à bord d'un patrouilleur américain, un incident survient et il tire sur un trafiquant de drogue américain ou je ne sais quoi en état de légitime défense. Potentiellement, il y a des questions qui se posent à propos de la souveraineté de chaque pays.
Nous voulons nous assurer que nous sommes à l'aise avec les arrangements juridiques et que les Canadiens et les Américains sont informés du programme shiprider et de sa nature — pas les détails opérationnels, mais la nature du programme — pour que les Canadiens et les Américains comprennent bien que c'est un autre aspect du partage et de l'intégration. J'imagine que je ne devrais pas employer le mot intégration, mais l'occasion de travailler ensemble d'une façon qui soit sensée dans un secteur où il y a clairement des vulnérabilités identifiées. C'est-à-dire les Grands Lacs.
Le président : Distincts mais égaux, c'est ce que vous envisagez.
Mme McLellan : Oui, même si ce n'est pas politiquement correct, quel que soit le contexte, monsieur le président. Je pense que nous avons décrit ce que shiprider serait.
Nous examinons la possibilité de projets pilotes par rapport à ce programme. C'est quelque chose de très important pour mes homologues américains. Aussi bien le secrétaire Ridge que le secrétaire Chertoff m'ont dit souhaiter faire des progrès dans le dossier de notre participation à shiprider.
Le sénateur Banks : Précisément sur ce point, vous dites que dans ce cas le fait d'armer les agents des deux pays pourrait créer des problèmes. Comment a-t-on réglé ce problème dans le cas des EIPF? C'est précisément ce dont il s'agit : des agents canadiens et américains armés à la frontière. Ils sont peut-être à une dizaine de pieds l'un de l'autre.
Mme McLellan : Il ne fait pas de doute qu'il y a des problèmes à régler au sujet du recours à la force de part et d'autre de la frontière. Dans certains cas, d'après ce que je sais, c'est réglé au moyen d'un accord. Si vous voulez en savoir davantage, l'agent de la GRC qui est au fond de la pièce pourrait sans doute venir ici et vous donner plus de précisions; peut-être préférez-vous lui parler après.
Ce sont des questions légitimes. On essaie de respecter l'intégrité de la frontière le plus possible. Au bout du compte, la géographie étant ce qu'elle est dans des endroits comme Cornwall et autour des Grands Lacs, des accords et des protocoles doivent être conclus pour permettre aux policiers armés de faire leur travail.
Le président : Comme nous sommes pressés par le temps, le surintendant pourrait-il parler à l'inspecteur et pourrions-nous en rester là?
Le sénateur Munson : Notre homme va parler à votre homme.
Mme McLellan : Peu importe.
[Français]
Le sénateur Nolin : Monsieur Jolicoeur, le sénateur Cordy a soulevé la question quantitative de vos agents de douanes. J'aurais une question qualitative. Je suis conscient de la nature délicate de cette question compte tenu des relations de travail et des relations syndicales que vous devez entretenir avec vos employés.
Ceci étant dit, compte tenu du nombre croissant de visiteurs — pas uniquement les Canadiens qui reviennent à la maison mais aussi les Américains qui entrent, et je pense aussi aux touristes européens et asiatiques —, est-ce que vous évaluez la qualité du travail de vos agents de douanes? Je vous ai vu sourire ce soir à deux reprises et je dois dire que vous êtes un des premiers employés des douanes que je vois sourire depuis plusieurs mois. Vous comprenez exactement ce que je veux dire.
M. Jolicoeur : Je comprends parfaitement ce que vous voulez dire. Évidemment, dans un climat de négociations collectives ou d'élections syndicales...
Le sénateur Nolin : Il faut avoir l'air bête quand les touristes arrivent, c'est cela?
M. Jolicoeur : On évalue le travail de nos employés régulièrement. On a aussi un système pour gérer les plaintes. On est dans un processus standard, gouvernemental, où chaque année, on évalue les employés sur une base régulière. Cela nous permet aussi de déterminer nos plans de formation pour l'année à venir. On rassemble les résultats de ces discussions. C'est un processus normal qu'on retrouve dans n'importe quelle organisation publique.
Le sénateur Nolin : Est-ce que vous vous passez le mot d'un pays à l'autre pour que tous les agents de douanes aient l'air bête quand on arrive?
M. Jolicoeur : Je commence à comprendre un peu plus la nature délicate de la question qui m'est posée.
Le sénateur Nolin : Je présume que les gens ne font pas de plainte parce qu'ils ont peur que ce soit pire. C'est pour cela que je vous en parle ce soir en toute liberté.
M. Jolicoeur : Je voyage comme beaucoup d'autres. J'ai aussi entendu des commentaires en rapport avec cette situation. On encourage fortement nos agents à souhaiter la bienvenue aux voyageurs avec le sourire. On insiste très fort là-dessus.
Je dois dire qu'on fait des progrès. On parle de 97 millions de personnes qui rentrent au pays chaque année. Je doute fort que toutes ces personnes m'écrivent pour me dire qu'elles sont satisfaites.
Le sénateur Nolin : Ne serait-ce que d'entendre le mot « Bienvenue! »? Je vous prends au mot, car vous allez revenir d'ici un an, et on a encore beaucoup de questions à vous poser.
M. Jolicoeur : C'est bien.
[Traduction]
Mme McLellan : Monsieur le président, en ce qui concerne les agents de première ligne, il ne fait aucun doute, à mon avis, tout comme c'est le cas d'autres qui s'occupent de la sécurité et de la sûreté, que depuis le 11 septembre, leur univers est devenu de plus en plus difficile et stressant. Avant, ils traitaient avec des gens — et c'est plus révélateur en ce qui nous concerne — qui essayaient d'entrer au pays et de rentrer à la maison sans déclarer les choses qu'ils devaient déclarer. C'est une partie normale du travail des agents. Ils avaient l'obligation de s'assurer que les personnes auxquelles ils s'adressaient étaient bien qui elles disaient être et qu'elles n'apportaient rien de dangereux ou de nocif ou quoi que ce soit qui devait être déclaré au pays. Depuis le 11 septembre, ce travail est devenu beaucoup plus important sur les premières lignes de la sécurité collective du pays, où je suis sûre les agents et d'autres vivent chaque jour avec la réalité de « qui est cette personne et est-ce que je suis en train de poser les bonnes questions? J'espère que cette personne n'est pas quelqu'un qui veut faire du tort à des Canadiens innocents. »
Mon expérience avec les douaniers bien avant que j'occupe mon emploi était que moi, trop souvent, je tenais pour acquis ce qu'ils faisaient. Nous pourrions dire qu'ils n'étaient pas sympathiques, ou ceci ou cela, mais j'en suis venue à comprendre que le travail qu'ils font est important. Les gens comme nous ne les traitons pas toujours bien. Ils traitent avec des gens qui, dans certains cas sont déterminés à les tromper ou à leur mentir, quelles que soient les raisons. Peut-être ne s'agit-il que d'apporter une nouvelle paire de chaussures au pays et de ne pas vouloir les déclarer. En fait, je n'ai jamais fait une telle chose.
Le sénateur Nolin : Vous avez le droit de le faire, si vous le voulez.
Mme McLellan : Non, non. Je dis que ces hommes et femmes font face à des situations difficiles. Ils traitent avec des milliers de gens par jour, selon l'endroit où ils sont. Il leur arrive de ne pas être aussi gais qu'on voudrait qu'ils le soient.
Le sénateur Nolin : Une seule fois.
Mme McLellan : Je vous demande de penser au travail qu'ils font et à certains des gens qui ne sont pas très aimables avec eux chaque jour, et aussi aux pressions qu'ils subissent dans le monde dans lequel nous vivons, ou ils doivent avoir présent à l'esprit qu'ils sont littéralement en première ligne et doivent repérer les individus à haut risque décidés à causer du tort à des Canadiens innocents.
[Français]
Le sénateur Nolin : J'apprécie la réponse de madame la ministre et je retiens le témoignage de M. Jolicoeur. Cela me ravit de voir que le grand patron des douanes a souri plusieurs fois ce soir et je le dirai à ses employés à l'aéroport de Dorval.
[Traduction]
Le président : Madame la ministre, au nom du comité, vous vous êtes très bien débrouillée.
Mme McLellan : Ça été un plaisir pour moi.
Le président : Cela illustre non seulement votre dévouement mais aussi votre passion et votre énergie que vous soyez restée si longtemps ici avec M. Jolicoeur. Nous savons que nous avons vraiment abusé du temps que vous nous avez accordé. Toutefois, vous avez été d'un grand secours au comité dans la préparation de son prochain rapport et nous vous en sommes éminemment reconnaissants.
Mme McLellan : Cela a été un plaisir.
Le président : Au nom du comité, merci beaucoup.
Mme McLellan : Merci.
Le président : Je m'adresse à nos téléspectateurs. Si vous avez des questions ou des observations, consultez notre site Web à www.sen-sec.ca. Vous y trouverez les témoignages ainsi que le calendrier de séances. Vous pouvez également entrer en communication avec le greffier du comité au 1-800-267-7362 pour obtenir un complément d'information ou de l'aide pour joindre les membres du comité.
La séance est levée.