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Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 25 - Témoignages - Séance de l'avant-midi


OTTAWA, le lundi 27 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 11 h 10 afin d'examiner pour ensuite en faire rapport sur la politique nationale sur la sécurité pour le Canada.

Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je m'appelle Colin Kenny et je suis un sénateur de l'Ontario. Je vous souhaite à tous la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

Premièrement, je voudrais présenter les membres du comité. À ma droite se trouve le sénateur Michael Forrestall de la Nouvelle-Écosse. Ce distingué sénateur a représenté ses concitoyens pendant 37 ans, d'abord à titre de député à la Chambre des communes, puis en tant que sénateur. À la Chambre des communes, il a été le porte-parole de l'opposition officielle en matière de défense. Le sénateur Forrestall est également membre du Sous-comité des affaires des anciens combattants.

À côté du sénateur Forrestall se trouve le sénateur Norm Atkins de l'Ontario. À son arrivée au Sénat, le sénateur Atkins comptait 27 années d'expérience dans le domaine des communications. Il a été conseiller principal de l'ancien chef conservateur fédéral Robert Stanfield, de l'ancien premier ministre de l'Ontario, William Davis, et de l'ancien premier ministre Brian Mulroney. Il siège également au Sous-comité des affaires des anciens combattants.

À ma gauche se trouve le sénateur Terry Mercer de la Nouvelle-Écosse, qui a été directeur national du Parti libéral du Canada. Avant cela, il a occupé un vaste éventail de fonctions dans divers organismes caritatifs, y compris l'Association canadienne du diabète, le YMCA, la Nova Scotia Lung Association, l'Ambulance St-Jean et la Fondation canadienne du rein. En outre, le sénateur Mercer est très actif au sein de l'Association of Fundraising Professionals. Il est membre du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts et du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Notre comité a été mandaté pour examiner la politique canadienne en matière de sécurité nationale et d'en faire rapport. Depuis 2002, nous avons rédigé les rapports suivants : L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense; La défense de l'Amérique du Nord : Une responsabilité canadienne; Mise à jour sur la crise financière des Forces canadiennes : Une vue de bas en haut; Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens; Les côtes du Canada : Les plus longues frontières non défendues au monde; Les urgences nationales : Le Canada, fragile en première ligne, et récemment, Le Manuel de sécurité du Canada, Édition 2005, ainsi que Mise à jour de problèmes de sécurité en quête de solutions; et, tout récemment, un ouvrage sur la sécurité frontalière.

Le comité est en train d'examiner de façon détaillée la politique de défense du Canada. Nous avons tenu des audiences dans chaque province pour demander aux Canadiens de définir l'intérêt national, les principales menaces qui, à leur avis, pèsent sur le Canada et comment ils voudraient que le gouvernement réponde à ces menaces. Les Canadiens ont clairement exprimé leur opinion sur la sécurité nationale au Canada. Nous poursuivrons notre examen tout au long de l'été afin de rallier un consensus sur la vision des Canadiens concernant l'avenir de nos forces armées.

Aujourd'hui, nous accueillons le lieutenant général Marc Dumais. Après avoir reçu ses ailes de pilote en 1976, il a été affecté au 435(ETS) comme pilote de CC-130 Hercules. Le lieutenant général Dumais a eu une carrière longue et illustre au sein des Forces canadiennes, ayant occupé différents postes, y compris celui de commandant du 436 ET, d'officier des opérations de la 8e Escadre, à la BFC Trenton, de J3 Plans et Besoins, de directeur général — Développement de la Forces interarmées, de commandant de la première Division aérienne du Canada et de la Région canadienne du NORAD. En juillet 2004, il a été nommé chef d'état-major adjoint de la Force aérienne au QGDN à Ottawa. En avril 2005, il a été promu lieutenant général et nommé sous-chef d'état-major de la Défense.

Le lieutenant général Marc J. Dumais, sous-chef d'état-major de la Défense, Défense nationale : Honorables sénateurs, je vous remercie de cette occasion que vous m'offrez de vous mettre au courant des développements opérationnels depuis la visite de mon prédécesseur, le vice-amiral Maddison, en février de cette année.

Je suis heureux de me présenter devant vous à titre de chef des opérations des Forces canadiennes et comme responsable de la coordination, du contrôle et du soutien des nombreuses missions militaires autour du monde. Avant d'aborder les questions spécifiques, je voudrais vous mettre à jour brièvement sur les défis opérationnels généraux auxquels nous faisons face et sur l'état des Forces canadiennes pour aborder ces exigences.

Il y a un peu plus d'une année, le chef d'état-major de la Défense a été appuyé par le ministre pour demander une pause opérationnelle. Le gouvernement a en fait réduit nos engagements de sorte que nous avons maintenant un peu plus de 1 600 marins, soldats et aviateurs des FC déployés sur 17 missions. Il y a un an, ce nombre était d'environ 4 000 sur environ le même nombre de missions. Notez que ce chiffre n'inclut pas près de 1 200 membres des Forces canadiennes affectés à l'extérieur du Canada et travaillant côte à côte avec nos partenaires d'alliances et dont un petit nombre sont déployés en opérations.

[Français]

Nos gens continuent de répondre magnifiquement aux nombreux défis et aux conditions personnelles difficiles alors que tous les grades répondent invariablement aux défis.

Mon orientation et celle de l'état-major des opérations des Forces canadiennes est de leur offrir une connexion 24 heures par jour, sept jours par semaine, avec les quartiers généraux de leur pays et, une fois connectée, de leur fournir pas moins que le meilleur soutien d'état-major et de moral que nous pouvons offrir chaque fois qu'ils le demandent.

De plus, nous avons l'intention de continuer à fournir un accès permanent pendant la période de transformation de la structure de commandement qui est décrite dans l'énoncé de politique.

[Traduction]

Nous prévoyons au cours des prochains mois retirer nos forces engagées à Kaboul et avec la mission de l'ONU au Golan. En même temps, nous maintiendrons nos forces navales et de ponts aériens en soutien à la Campagne contre le terrorisme.

De plus, nous avons l'engagement actuel au Soudan et nous déploierons les engagements du gouvernement dans la région de Kandahar, en Afghanistan. De même, au cours de la prochaine année, le Canada assumera le commandement de la Force navale permanente de l'OTAN dans l'Atlantique pour un an à partir d'avril 2006.

En entreprenant ces engagements, nous maintiendrons nos autres capacités à haut niveau de préparation telle la recherche et sauvetage, le secours humanitaire avec l'équipe d'intervention en cas de désastre, DART, et la Compagnie DMBC, si nécessaire. La surveillance de nos approches aériennes et maritimes, que ce soit par l'intermédiaire du NORAD et de l'organisation de planification binationale avec les États-Unis ou par nous-mêmes, sera aussi maintenue.

[Français]

Nous prévoyons changer complètement nos forces et notre posture en Afghanistan de la situation que vous avez vue il n'y a pas longtemps. Nous planifions être une nation contributrice majeure alors que les forces dans le sud de l'Afghanistan transfèrent du commandement des États-Unis à celui de l'OTAN. En février 2006, nous prévoyons avoir une force opérationnelle d'infanterie et un quartier général de brigade. Une équipe provinciale de reconstruction (ÉPR) qui comprendra l'ACDI, les Affaires étrangères canadiennes et la GRC, sera déjà déployée dans ce pays cet automne. Ces unités travailleront ensemble pour offrir une présence canadienne visible pour améliorer nos chances de réaliser une contribution de l'Équipe Canada à la Diplomatie, Défense et Développement. Comme pour toutes les opérations majeures, nous établir fermement nous-mêmes dans l'engagement à cette nouvelle mission prendra encore plusieurs mois.

[Traduction]

Au-delà de notre engagement actuel à la Brigade multinationale d'intervention rapide des forces en attente des Nations Unies (BIRFA) et de la Mission africaine au Soudan (AMIS). Un soutien supplémentaire à la mission de l'Union africaine au Soudan, souvent incorrectement désignée au Darfour, est en cours. Notre mission sera de soutenir les forces de l'Union africaine pour stabiliser la région. Nous porterons une attention particulière au désir de l'Union africaine que nous sommes là pour soutenir.

Une des premières étapes que nous avons réalisée pour mieux protéger le continent nord-américain après le 11 septembre 2001 a été de joindre les États-Unis dans un groupe de planification binational. Ce groupe de planification et de coordination basé avec le NORAD à Colorado Springs examinera avec les États-Unis les options pour améliorer la surveillance des approches maritimes de l'Amérique du Nord.

Nous avons prolongé le mandat de ce groupe jusqu'en 2006 et nous bénéficierons d'une porte ouverte qui offre au NORTHCOM des États-Unis et aux développements de la sécurité frontalière dans le domaine de la sécurité publique et de la protection civile.

[Français]

L'énoncé de politique de la défense rapporte que nous avons l'intention d'adopter une approche pleinement intégrée et unifiée pour les opérations en transformant la structure de commandement. La plus grande partie de la conception de la future structure de commandement doit encore être déterminée. Cependant, nous avons confiance que nous pouvons démontrer des progrès en poursuivant notre amélioration de la gestion du renseignement, en progressant avec l'idée d'intégrer nos sources et systèmes d'information par l'intermédiaire du programme C4ISR et en développant agressivement notre capacité à fusionner l'information et le renseignement pour utilisation par les décideurs et les commandants opérationnels.

[Traduction]

Vous avez rencontré le major général Gauthier en décembre pour discuter de l'état de notre fonction du renseignement. Pour résumer, nous en sommes aux premières étapes de la mise en œuvre de notre programme (désigné Révision du renseignement de la défense) pour renforcer la gestion de la fonction du renseignement et des processus associés pour mieux desservir les commandants et décideurs à travers les Forces canadiennes et le ministère de la Défense nationale. La planification de ce programme est intégrée au travail en cours dans le domaine de la fusion du C4ISR (commandement, contrôle, communications et ordinateurs (computers), renseignement (intelligence), surveillance et reconnaissance), de l'information et du renseignement. Il s'agit d'un programme complexe qui prendra plusieurs années avant d'atteindre la pleine réalisation de ses objectifs de capacité.

La nouvelle politique de défense nous a forcé à réviser toutes nos capacités conformément à cette politique et plus particulièrement à déterminer si chaque programme et projet résultaient en des capacités intégrées. Nous prévoyons, lorsque possible, bâtir en considération des aspects interagence, multinationaux.

Le vice-chef d'état-major de la Défense est le leader de ces efforts de développement des capacités. Nous avons déjà acquis de l'expérience avec les structures pleinement intégrées spécifique aux missions. L'équipe de transformation des FC aidera le CEMD à diriger l'intégration plus tôt dans le cycle de préparation pour les missions. Jusqu'à ce que le processus de transformation soit plus mature, le Centre de commandement de la Défense nationale et l'état-major interarmées continueront à gérer les missions existantes. Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour amener tous les réseaux opérationnels de commandement et de renseignement à travailler ensemble efficacement mais c'est ce que notre campagne C4ISR vise à produire.

[Français]

À ce point, nous sommes en bonne voie de compléter l'amélioration de la Force opérationnelle interarmées 2 abordée dans le budget fédéral de décembre 2001. Nous prévoyons agrandir encore plus cette unité de plus en plus capable et étendre l'organisation de la Défense nucléaire, biologique, chimique, interarmées.

Tel qu'indiqué dans la politique, nos forces spéciales donneraient au Canada une capacité d'intervention rapide tant pour la protection domestique que pour leur engagement aux côtés de forces similaires ailleurs dans le monde.

[Traduction]

J'ai abordé un certain nombre de points liés aux opérations.

Je voudrais vous remercier de votre soutien bien informé aux Forces canadiennes et à ses membres. Je serais heureux de répondre aux questions que vous pourriez avoir.

Le sénateur Atkins : Bienvenue, et merci de ce survol.

J'aimerais commencer par vous poser une question. Quel a été votre plus grand défi depuis que vous êtes sous-chef?

Lgén Dumais : Le défi est le même que celui que j'ai eu à relever en tant que chef d'état-major des forces aériennes. Il a trait à la capacité, c'est-à-dire la capacité de gérer les affaires courantes tout en composant avec les changements dans notre système. Je suis sûr que vous avez déjà entendu l'expression « organisation à un niveau ». Tout le monde travaille sans relâche à assurer la capacité, et plus que tout, le défi a trait à la capacité.

Le sénateur Atkins : Dans votre rôle de chef des opérations, sur quelles capacités militaires majeures pouvez-vous compter maintenant?

Lgén Dumais : Nous avons plusieurs unités à haut niveau de préparation. Nous avons la compagnie de l'unité d'intervention immédiate dans chacune des zones où sont déployées les forces terrestres à l'échelle du pays. Nous avons aussi les bâtiments de garde sur les deux côtes qui sont à un haut niveau de préparation pour parer à toute éventualité. Nos forces de recherche et sauvetage sont aussi à haut niveau de préparation. La Compagnie de défense NBC et la FOI2 sont également à haut niveau de préparation. En outre, nous avons tout un système d'armement dans le contexte de la région canadienne du NORAD qui est en état d'alerte élevée tout le temps ainsi que d'autres unités.

Selon la situation, nous pouvons faire appel à toutes les ressources dont nous disposons, surtout s'il s'agit d'un événement intérieur tel une catastrophe naturelle. Nous pouvons déployer rapidement plusieurs forces au besoin.

Le sénateur Atkins : Quelles sont vos capacités de transport aérien?

Lgén Dumais : Le transport aérien constitue un défi car, comme vous le savez, j'en suis sûr, nous avons eu des difficultés à maintenir notre parc aérien aux niveaux requis. C'est un défi constant. À l'heure actuelle, pour les opérations de recherche et sauvetage, ainsi que pour l'opération Athena en Afghanistan, nous utilisons des Hercules. Nous avons une capacité de transport aérien résiduelle à laquelle nous pouvons faire appel, mais elle varie de jour en jour.

Le sénateur Atkins : Vous avez mentionné le rythme opérationnel. Comment faites-vous pour le mesurer et le surveiller? À quel point préoccupe-t-il les responsables des Forces canadiennes?

Lgén Dumais : À mon avis, un niveau approprié de rythme opérationnel, c'est un rythme que l'on peut soutenir. Le rythme opérationnel comporte diverses dimensions : au niveau stratégique, il a trait à la capacité de maintenir et de soutenir un certain niveau d'opérations. On peut dépasser ce niveau, mais si on le fait, on doit faire une pause pour donner la chance aux forces de récupérer et de les ramener à l'état de préparation nécessaire pour assurer un rythme opérationnel soutenable.

Au niveau individuel, le rythme opérationnel est dépassé quand les niveaux de stress obligent notre personnel à quitter les forces à un rythme excessif.

Depuis 1990, nous avons eu un certain nombre de crêtes dont le rythme opérationnel. Nous vous avons fourni un graphique des opérations qui montre que nous sommes passés de quelque 2 000 missions à des crêtes dépassant les 4 000 missions sur la scène internationale. À l'heure actuelle, ce rythme n'est pas soutenable, et c'est pourquoi nous devons nous retourner au niveau inférieur de temps en temps afin de renouveler notre capacité à accélérer le rythme. La question est de savoir quel niveau nous pouvons soutenir en permanence. L'énoncé de politique de défense tente de régler cette question en définissant le rôle de la force d'intervention d'urgence permanente et des missions spécifiques à celle ci.

Le sénateur Atkins : À quel point déclarez-vous que la pause opérationnelle est terminée?

Lgén Dumais : Dans ce cas-ci, il a été établi, de concert avec le chef d'état-major des forces terrestres, que la pause se terminerait en février prochain et qu'on sera alors en mesure d'accroître nos niveaux d'engagement. Cela va de pair avec notre déploiement en Afghanistan. Nous sommes en pause opérationnelle depuis plus d'un an maintenant. En février, nous serons en mesure d'accroître nos engagements selon la volonté du gouvernement.

Le président : Vous dites que vous l'avez fait en consultation avec le chef d'état-major de l'Armée de terre. Cela me donne l'impression que l'armée est plus stressée que les forces aériennes ou la marine. Pourquoi l'avez-vous dit de cette façon?

Le lgén Dumais : C'est que nous sommes en train de parler principalement de la portion terrestre de l'engagement, qui est assez considérable. Pour ce qui est de la question du rythme opérationnel, vous avez tout à fait raison de dire que la situation n'est pas égale partout. En effet, les forces terrestres ont été massivement engagées dans le passé, et c'est pourquoi elles ont besoin d'un peu de répit. De même, la marine a réduit le rythme opérationnel de ses navires, bien qu'elle continue d'en déployer quelques-uns sur la scène internationale. Pour les forces aériennes, la question n'est pas aussi simple, car chaque composante des forces aériennes a son propre rythme opérationnel. Par exemple, la communauté C-130 a maintenu un rythme opérationnel relativement élevé. Certains de nos secteurs spécialisés maintiennent aussi un rythme opérationnel élevé. Certains postes clés qui n'ont pas le niveau requis pour soutenir les opérations subissent plus de pression pour ce qui est du soutien de nos opérations.

Nous avons compris que le rythme opérationnel ne se limite pas à nos engagements internationaux. C'est pourquoi nous sommes en train d'élargir la définition des niveaux d'affectation généraux de notre personnel. Comme vous pouvez le comprendre, bien qu'ils ne soient pas forcément déployés, nos membres doivent souvent suivre une instruction loin de chez eux.

Nous devons prendre en considération l'ensemble des exigences que nous imposons à notre personnel, que ce soit au niveau de l'instruction, du perfectionnement professionnel ou du déploiement dans le cadre d'opérations. C'est ce niveau d'activité combiné qui a une incidence sur le rythme individuel.

Idéalement, nous aimerions ériger notre propre structure de force de sorte que nous puissions soutenir un niveau approprié de rythme opérationnel tout en permettant à nos membres de prendre le temps nécessaire pour suivre une instruction en vue de leur prochaine mission. Voilà ce que nous aimerions faire relativement à l'énoncé de politique de défense.

Le sénateur Atkins : Quel est l'état actuel de la planification des déploiements futurs au Soudan et au Darfour? Les troupes canadiennes au Soudan seront-elles armées?

Le lgén Dumais : Il faut distinguer entre deux efforts au Soudan. Le premier est sous l'égide de la mission des Nations Unies au Soudan, UNMISUD. De plus, nos membres seront affectés principalement à la BIRFA en application de la résolution 1590 du Conseil de sécurité de l'ONU. Un maximum de 19 membres sera déployé au QG de la BIRFA et une dizaine d'observateurs militaires, à la mission de l'ONU. Je pense que le premier ministre s'est engagé à fournir 40 militaires à la mission des Nations Unies au Soudan.

Le deuxième effort est celui de la mission de l'Union africaine au Soudan, AMIS. Le gouvernement s'est engagé à fournir des troupes canadiennes pour appuyer cette mission à la demande de l'Union africaine dans les domaines clés où celle-ci a besoin d'aide. Je pense que le premier ministre s'est engagé à fournir 60 militaires pour cette mission. Nous sommes encore en train de déterminer la taille de cet engagement, qui dépendra des besoins de l'Union africaine. Nous avons envoyé une équipe de reconnaissance dans la région récemment pour évaluer la manière dont nous pouvons appuyer le mieux cette mission et faire des recommandations en conséquence. Ce soutien ne sera pas strictement au Darfour. En effet, une partie de ce soutien pourrait être fourni dans les quartiers généraux, à Khartoum ou à Addis- Ababa, en Éthiopie.

Pour ce qui est d'armer les troupes, notre intention est de faire en sorte que notre personnel soit armé pour assurer son autoprotection dans le contexte de la mission et conformément au mandat actuel.

Le sénateur Atkins : Pourriez-vous nous dire laquelle de ces missions est, à votre avis, si vitale qu'elle mérite que l'on mette en péril la vie de militaires canadiens?

Le lgén Dumais : Je ne suis pas en mesure de me prononcer là-dessus. C'est une question de politique gouvernementale. Quand on nous ordonne d'exécuter une mission, nous le faisons. Notre responsabilité consiste à faire en sorte que nous fassions part de tous les sujets de préoccupation aux échelons supérieurs et de former et d'équiper notre personnel pour lui permettre de faire le meilleur travail possible de la façon la plus sûre qui soit.

Le président : Quand la politique est annoncée, est-ce que vous avisez les responsables politiques des pertes que vous prévoyez si la politique est mise en œuvre selon la manière dictée par le gouvernement? Le gouvernement sait-il à l'avance quels sont les risques inhérents à la mission? Fournissez-vous au gouvernement une liste estimative des pertes avant le déploiement des troupes?

Lgén Dumais : Je m'attends à ce que nous informions le gouvernement de toutes les ramifications et les implications de la mise en œuvre d'un engagement en particulier.

Le président : Alors, la réponse est oui?

Lgén Dumais : Oui.

Le sénateur Atkins : Avez-vous effectué des évaluations officielles ou un examen du renseignement des capacités opérationnelles des diverses armées dont la force de l'Union africaine au Darfour est composée?

Lgén Dumais : Nous n'avons pas fait d'évaluation officielle. Le chef d'état-major a visité la région en personne et a fait sa propre évaluation. La délégation canadienne a contribué à l'évaluation générale de la situation. Comme je l'ai mentionné, notre équipe de reconnaissance avait pour instruction d'évaluer la manière nous pouvons contribuer le mieux à la région.

Je crois que nous disposons de suffisamment de renseignements pour nous aider à façonner notre engagement envers l'AMIS.

Le sénateur Atkins : Sommes-nous sûrs que notre contribution militaire sera utile?

Lgén Dumais : C'est assurément notre intention. S'il est vrai que nous ne déployons pas toujours des troupes en grand nombre, notre personnel est néanmoins apprécié pour le professionnalisme, l'expérience et l'expertise qu'il apporte aux missions quelles qu'elles soient. Je pourrais vous donner plusieurs exemples de situations où nos membres sont en train de changer le couras des choses.

Ainsi, ils aident à l'instruction d'autres forces, préparant celles-ci à assumer leurs propres responsabilités. C'est ce qu'ils font à Kaboul, en Afghanistan, avec l'Armée nationale afghane et au Sierra Leone avec les équipes d'assistance de l'IMAT. Je peux vous citer plusieurs exemples où le personnel des Forces canadiennes, quoi qu'en petit nombre, peut avoir une influence considérable sur un groupe dont il assure l'instruction, notamment au chapitre de la planification ou pour fournir des conseils.

La contribution n'est pas nécessairement mesurée strictement en chiffres. À mon avis, elle est plus large que cela.

Le président : Pourriez-vous développer cette affirmation? Prenez l'exemple du Soudan ou du Darfour. Que disent les supérieurs aux troupes qui sont sur le point d'être déployées là-bas? Quelle sorte d'instructions leur donne-t-on? Est- ce qu'on leur explique la raison d'être de leur mission et l'importance de leur déploiement pour le pays hôte? Pourriez- vous nous dire ce que le commandant dit à ses subalternes qui sont sur le point d'être déployés dans ces régions?

Lgén Dumais : Certainement, sénateur.

Dans le cas de l'UNMISUD, qui est sous l'égide des Nations Unies, notre personnel sera déployé dans le cadre de la BIRFA. Nous avons des membres affectés en permanence à la BIRFA, indépendamment de la mission. En l'occurrence, la mission tombe sur le coup de la résolution 1590 du Conseil de sécurité de l'ONU.

Il est important de pouvoir établir un lien entre le mandat de l'ONU et l'engagement du Canada envers cette mission pour les troupes qui vont y être déployées et, par conséquent, pour leur contribution à la mission.

Le président : Combien de troupes comprennent la résolution 1590?

Lgén Dumais : Quand nous émettons l'ordre d'exécuter une opération, nous énonçons clairement le but de la mission, son mandat et notre contribution prévue. Bien entendu, nous le faisons conformément aux directives du gouvernement.

Je dirai qu'il en va de même pour les missions à l'appui de l'AMIS, bien que nous n'ayons pas émis d'ordre opérationnel final pour cette mission, puisque nous menons une mission de reconnaissance actuellement pour préciser l'engagement.

Nous leur expliquons clairement que la mission est conforme aux directives du gouvernement canadien et qu'elle s'inscrit dans le mandat de l'Union africaine. Nous décrivons clairement la contribution canadienne à la mission.

Le président : Un soldat aurait-il une compréhension claire de l'objectif et des résultats escomptés de la mission?

Lgén Dumais : Absolument. Nous avons fait bien du chemin depuis le début des années 90 pour ce qui est de la manière dont nous dotons ces missions. Nous nous efforçons d'établir aussi clairement que possible le mandat, la mission, les tâches et les règles d'engagement. Tous ces éléments sont clairement définis. Tout commence avec une lettre du gouvernement exposant les objectifs stratégiques, qui nous explique la nature de la mission.

Comme vous le dites, sénateur, il est important qu'on établisse un lien très clair entre les objectifs généraux du gouvernement et le mandat des troupes des FC déployées.

Le président : Comment faites-vous pour savoir si un caporal-chef a bien reçu le message et qu'il a compris la mission? De quelle manière se fait la rétroaction de la part du caporal-chef en question?

Le lgén Dumais : C'est une fonction du leadership. Il incombe aux responsables d'un déploiement en particulier de faire en sorte que le personnel comprenne la raison de leur déploiement et ce qu'ils peuvent ou ne peuvent pas faire une fois déployés.

Nous avons un très solide programme de formation prédéploiement à l'intention de notre personnel. Les membres suivent un cours de base qui recapitule les tâches relatives à la mission et la manière de les exécuter. En outre, on leur donne des séaces d'information en prévision de leur déploiement.

Manifestement, quiconque participe à la mission doit comprendre très clairement la raison pour laquelle il est déployé et de ce à quoi on s'attend de sa part.

Le président : En fait, ma question était celle-ci : dans la mesure où vous êtes la personne qui sera appelée à rendre des comptes en bout de ligne, comment faites-vous pour être sûr que les ordres sont clairs, qu'ils ont été bien compris et que les choses se passeront d'une manière satisfaisante?

Le lgén Dumais : J'occupe mon poste actuel depuis bientôt deux mois et durant cette période, nous n'avons pas entrepris de nouvelles missions.

Le président : Vous évoluez dans le milieu depuis un certain temps déjà, n'est-ce pas?

Le lgén Dumais : Je n'avais pas terminé ma réponse.

Quand nous avons un roulement et que le nouveau commandant désigné se prépare en vue d'un déploiement, il s'entretient avec moi personnellement en la présence du chef d'état-major. À ce moment-là, nous lui remettons un ordre écrit, c'est-à-dire un ordre qui décrit l'intention du chef d'état-major et des directives de ma part lui expliquant comment les membres de la mission sont censés se comporter, la nature de la mission, leurs responsabilités, les comptes qu'ils devront rendre et la chaîne de commandement. Le CDM et moi lui remettons ces ordres pour faire en sorte qu'ils comprennent clairement la mission et les paramètres de celle-ci.

Ajoutez cela aux ordres opérationnels et aux règles d'engagement auxquels ils devront se conformer et vous aurez l'assurance qu'ils comprennent clairement ce qu'on attend d'eux.

Le président : Avez ces deux réunions et les instructions écrites, est-ce ainsi que vous bouclez la boucle?

Le lgén Dumais : Non, nous sommes en contact continu avec nos missions. En cas de problèmes opérationnels ou administratifs, les commandants appellent les officiers responsables de leur mission en particulier. Parfois, la communication se fait sur une base hebdomadaire, ou selon les besoins. Le dialogue est continu.

En outre, je m'entretiens régulièrement avec les commandants au sujet de leurs missions. Je ne dirais pas pour autant que je discute avec eux chaque semaine, mais, pour les missions d'envergure comme en Afghanistan, je parle au commandant sur une base hebdomadaire. Depuis que j'occupe ce poste, j'ai tenté de parler à chaque commandant au moins une fois, et à plusieurs d'entre eux plus d'une fois. Pas plus tard que ce matin, je me suis entretenu avec le commandant Greenwood, qui est chargé du NCSM Winnipeg, qui est déployé dans le golfe, pour qu'il me tienne au courant du déroulement des opérations là-bas et qu'il me dise si le soutien administratif apporté à sa mission est suffisant. C'est une occasion pour moi d'avoir un contact direct et de soulever des questions ou des préoccupations.

En outre, nous avons rendu visite aux troupes en campagne pour évaluer personnellement la situation et nous faire une idée du déroulement de la mission, comme vous l'avez fait vous-même d'ailleurs quand vous avez rendu visite au chef d'état-major.

Je suis assez convaincu que nous avons une approche très pratico-pratique pour ce qui est de nos missions. De plus, les commandants soumettent des rapports quotidiens à leurs supérieurs, c'est-à-dire à mon personnel. La chaîne de distribution est appropriée, si bien que le chef d'état-major de la Défense, moi-même et d'autres parties intéressées lisons ces rapports. Cela nous donne une bonne idée du déroulement de nos missions.

Le président : Pourriez-vous revenir à ce que vous avez dit au sujet du défi du transport aérien auquel vous faites face actuellement? Vous étiez en train de parler des difficultés rencontrées avec le transport aérien.

Vous travaillez avec trois plates-formes : les Hercules, les Airbus et les Antinov, qui sont loués.

Le lgén Dumais : Oui, nous les utilisons pour des déploiements stratégiques.

Le président : Combien d'Hercules avez-vous?

Le lgén Dumais : Nous avons 32 Hercules.

Le président : Sur les 32, combien sont prévus pour la recherche et le sauvetage?

Le lgén Dumais : Il y a trois avions disponibles tous les jours, car nous avons le Buffalo sur la côte Ouest. Il y en a un à Winnipeg, un à Trenton et un à Greenwood.

Le président : Combien sont en Afghanistan?

Le lgén Dumais : Normalement, nous en avons deux en Afghanistan. Nous envisageons d'augmenter cela à trois avions, si nous ne l'avons pas déjà fait, pour faire face à la demande accrue au moment du roulement.

Le président : Combien d'avions sont prévus pour l'entraînement?

Le lgén Dumais : C'est un aspect secondaire. L'aviation doit certainement avoir des avions disponibles pour l'entraînement au niveau local et l'instruction continue et pour des cours donnés par l'unité d'entraînement opérationnel. Cela nous a posé un défi. Ce n'est pas ma responsabilité en tant que sous-chef d'état-major. Je peux dire, cependant, du point de vue de mon poste antérieur de commandant de la 1re Division aérienne du Canada que cette flotte particulière fait face à des défis constants en essayant d'assumer les mandats et aussi de fournir l'instruction appropriée et voir à la constitution de la force.

Le président : Vu le nombre d'avions qui sont inutilisables un jour donné, si la moitié ne sont pas disponibles, cela n'en laisse pas beaucoup parce qu'un certain nombre sont déjà engagés à long terme.

Le lgén Dumais : C'est exact.

Le président : Qu'en est-il des Airbus?

Le lgén Dumais : Les Airbus sont actuellement très performants, mais nous en avons retiré deux pour des mises à niveau en vue du ravitaillement en vol — pas les deux avions en même temps mais l'un après l'autre — ce qui a eu des répercussions sur la disponibilité de la flotte. De façon générale, le taux de disponibilité de cette flotte est très élevé.

Le président : Combien d'Airbus avons-nous?

Le lgén Dumais : Nous avons cinq Airbus.

Le président : Y a-t-il un Airbus affecté au transport des politiciens ou des hauts fonctionnaires du gouvernement?

Le lgén Dumais : Non.

Le président : Vous en retirez un au besoin.

Le lgén Dumais : Nous essayons, bien sûr, de prévoir les vols de personnalités longtemps d'avance, et l'avion qui est prévu pour ce vol spécial peut être utilisé avant et après le vol. Il doit être disponible s'il est prévu pour ce genre de vol, mais sinon il est utilisé quotidiennement à d'autres fins. Il est utilisé autant que les autres avions.

Le président : Est-ce que nous dépensons quelque 50 millions de dollars par an pour louer du transport stratégique?

Le lgén Dumais : Je n'ai pas ce chiffre avec moi. Le SMA(Mat) devrait savoir ce chiffre plus exactement.

Le président : Est-ce que j'ai raison de penser que c'est dans cet ordre de grandeur-là?

Le lgén Dumais : Ce serait de la conjecture de ma part. De fait, je n'ai pas eu connaissance du chiffre dernièrement; je ne peux donc pas faire de commentaires à ce sujet.

Le président : Étant donné le nombre élevé d'avions inutilisables, surtout les Hercules, pourquoi y a-t-il un rythme rapide des opérations? Si les avions ne volent pas, les équipes sont inactives.

Le lgén Dumais : Le rythme des opérations est certainement rapide pour les avions utilisables; ils volent sans arrêt. Cela a des répercussions sur certaines équipes plus que sur d'autres , puisque certaines sont qualifiées pour l'environnement de l'Afghanistan et d'autres, qui ont moins d'expérience, ne le sont pas. La situation augmente le fardeau des équipes qui sont entraînées spécifiquement pour cette mission tactique, pour aller sur le théâtre des opérations et remplir cette mission. Certaines des autres équipes n'y participent donc pas.

Le président : Pourquoi les pilotes canadiens font-ils des atterrissages et des décollages si spectaculaires?

Le lgén Dumais : Il s'agit là d'une question de tactique, ce qui relève uniquement du commandant et des équipes techniques d'aérotransport. Ils tiennent compte des évaluations de risques pour déterminer le type d'atterrissage et de décollage.

Le président : Est-ce qu'Ottawa envoie des instructions sur la manière d'atterrir et de décoller?

Le lgén Dumais : Non, cela relève uniquement du commandant d'aérotransport, qui prend sa décision en fonction du risque. Nous avons des doctrines qui dictent s'il faut faire l'approche à basse altitude ou à haute altitude. Cela dépend de la météo, de la menace et de plusieurs autres facteurs.

Quand j'étais commandant de la 1re Division aérienne du Canada, nous avons évalué les tactiques pour voir si elles étaient appropriées dans les circonstances, et nous avons jugé qu'elles étaient effectivement appropriées. On est toujours en train d'examiner et de mettre à jour les tactiques, et nous avons confiance dans le jugement de ceux qui sont responsables des avions. Ils sont les professionnels au sol.

Le président : Il nous a semblé que tous les autres pays faisaient atterrir leurs avions comme s'ils étaient à l'aéroport Pearson, mais que nos gens avaient une approche plutôt dramatique.

Le lgén Dumais : Oui, et là encore, chaque contingent peut déterminer le type de doctrine qu'il veut utiliser pour l'atterrissage et le décollage. Chaque pays a la prérogative de piloter ses avions de la manière qu'il juge appropriée.

Le président : Etes-vous en train de nous dire que la décision est prise sur le terrain et non au quartier général?

Le lgén Dumais : Quand j'étais à Winnipeg à titre de commandant de la 1re Division aérienne du Canada, nous avons évalué ce profil de vol en collaboration avec la 8e Escadre, qui s'occupe de l'entraînement pour cette capacité, et cela se fait peut-être encore actuellement, mais je l'ignore. Toutefois les supérieurs participent à la prise de décisions au besoin sur cette question.

Le président : Si les atterrissages se faisaient différemment, pourriez-vous y faire participer un plus grand nombre de pilotes?

Le lgén Dumais : Vous êtes en train de mêler deux choses différentes. On ne parle pas des procédures mais plutôt des évaluations du risque. Si le niveau de risque dépasse un certain seuil, il faut avoir des équipes possédant certaines compétences. Comme vous pouvez l'imaginer, les choses peuvent très bien être calmes, mais la situation peut changer d'une minute à l'autre. Pour cette raison, nous ne pouvons pas considérer la mission comme un service de vols d'affaires, puisqu'il faudrait remplacer toutes les équipes. Si on évaluait les risques tous les jours, il faudrait arrêter les opérations afin de changer d'équipe.

Nous avons une évaluation générale du risque pour ce théâtre particulier, et nous faisons nos vols en fonction de cette évaluation.

Le président : Le type d'atterrissage dépend de l'évaluation du risque, et il faut sans doute des compétences supplémentaires pour ce genre de vol.

Le lgén Dumais : Oui, sénateur, il faut des compétences supplémentaires.

Le président : Il semblerait que les pilotes d'Hercules n'ont pas tous le même niveau de compétence ou d'expérience et que ceux qui ont plus d'expérience travaillent plus fort et que d'autres font très peu d'heures de vol. Est-il juste de dire cela?

Le lgén Dumais : Ils font des heures de vol, mais je ne pourrais pas dire combien. De toute évidence, vous allez faire plus d'heures si vous êtes déployé au Camp Mirage. Le rythme de vol dans ce théâtre est assez intense. Les pilotes étaient déployés pour une période de 56 jours. À moins que cela ait changé, ils font encore un plus grand nombre d'heures que les pilotes qui sont restés au Canada.

Le président : Que faudrait-il pour que tous les pilotes d'Hercules atteignent le même niveau pour pouvoir tous être utilisés pour ce genre de vol?

Le lgén Dumais : Il faudrait qu'ils suivent certains cours et qu'ils aient la possibilité de recevoir de l'instruction.

Si je peux répondre à ces questions, c'est uniquement en fonction de mon poste antérieur. Je commence à me sentir un peu mal à l'aise.

Le président : Est-ce que je m'éloigne de votre domaine de spécialisation?

Le lgén Dumais : Oui, ce n'est pas mon domaine de responsabilité. Je ne voudrais pas du tout me substituer au chef d'état-major de la force aérienne.

Le président : En tant que sous-chef d'état-major, est-ce que ces domaines ne sont pas de votre ressort?

Le lgén Dumais : La constitution de la force est du ressort du chef d'état-major de la Force aérienne. Les théâtres d'opérations relèvent de moi, mais le choix des tactiques et des doctrines pour les opérations dans ce genre de théâtre sont la responsabilité de la force aérienne parce qu'elle possède cette expertise. Ma tâche est de déployer les militaires; je ne leur dis pas comment piloter leur navire ou leurs avions ou comment conduire un char d'assaut. Ils sont censés avoir ces compétences quand nous les déployons.

Le président : La même chose s'appliquerait, j'imagine, à l'armée de terre. Est-ce que vous ou votre bureau serait responsable d'émettre des ordres stipulant que les Forces canadiennes puissent ou ne puissent pas être déployées avec des militaires afghans?

Le lgén Dumais : Vous entrez maintenant dans un autre volet du mandat. Nous avons effectivement le mandat de former le personnel de l'armée nationale afghane.

Le président : Ce n'est pas ce que nous avons compris. Selon le major qui nous a expliqué cela, il y avait 14 individus, dont on évaluait la formation, mais ils ne pouvaient pas recevoir d'instruction parce qu'ils ne pouvaient pas aller sur le terrain.

Le lgén Dumais : Oui, vous avez raison. Ils ne sont pas en fait sur le terrain pour faire des exercices d'entraînement ave l'armée nationale afghane mais ils participent à l'entraînement d'une façon quelconque par le soutien qu'ils apportent au programme d'instruction.

Le président : Nous avions l'impression que s'ils ne dispensaient pas d'entraînement mais qu'au contraire ils procédaient à des évaluation, c'était parce qu'ils avaient reçu des instructions comme quoi ils ne pouvaient pas aller sur le terrain. Est-ce exact?

Le Lgén Dumais : Oui. Le problème de l'entraînement sur le terrain, c'est que les militaires font des exercices pour appuyer la mission, et dans ce contexte on peut très vite passer de l'entraînement aux véritables opérations. Il faut souligner que nous voulons éviter des situations où du personnel des Forces canadiennes mènerait du personnel de l'armée nationale afghane à participer à une opération. Ce n'était pas le mandat, qui était principalement d'aider avec l'entraînement et de le faciliter. Nous avons fait une distinction entre les deux pour être certains que l'entraînement ne se transforme pas en opérations.

Le président : Est-ce que les Français, les Américains et les Britanniques qui font l'instruction des officiers, des militaires enrôlés et des soldats ont la même politique?

Le lgén Dumais : Je ne peux pas parler pour eux. Je sais que chaque pays a une politique différente selon les conditions imposées et la définition du mandat élaboré par chaque pays, même si nous contribuons tous à la même mission. Chaque pays a la prérogative et se réserve le droit d'émettre certaines conditions sur le mandat de son personnel. C'est pourquoi il y a toujours des différences d'approche entre divers pays qui participent à une mission donnée.

Le président : Est-ce que la condition dont nous parlons a été imposée par votre bureau ou par votre prédécesseur?

Le lgén Dumais : Je ne peux répondre à cette question. On devra faire parvenir la réponse au comité.

Le président : Veuillez le faire. Est-ce que les conditions sont élaborées à l'interne par votre bureau avant que le personnel ne soit déployé sur un théâtre d'opérations, ou est-ce que les décisions sont prises au niveau politique?

Le lgén Dumais : J'ai l'impression que c'est plutôt au niveau politique et qu'elles n'émanent pas de mon bureau.

Le président : Pourriez-vous nous tirer cela au clair aussi?

Le lgén Dumais : Certainement.

Le sénateur Atkins : Pour en revenir à la question de l'aérotransport et des Hercules, même si l'entretien et le personnel technique ne relèvent pas directement de vous, est-ce que le fait que les Forces canadiennes ont de la difficulté à trouver le personnel nécessaire pour garder ces avions en bon état, ne vous inquiète pas?

Le lgén Dumais : C'est un sujet de préoccupation pour le chef d'état-major de la force aérienne en raison de ses responsabilités en matière de constitution de la force et c'en est un pour nous en raison de son incidence sur la disponibilité des Hercules.

Dans le poste que j'occupais auparavant, cela nous préoccupait beaucoup. Nous avons déployé des efforts considérables pour hausser le taux de disponibilité de la flotte des Hercules. J'empiète encore sur le domaine du Chef d'état-major de la Force aérienne, mais la flotte manquait de pièces de rechange. Plusieurs avions de la flotte des Hercules vieillissent, certains sont presque aussi vieux que le Sea King, il est donc difficile de les garder en état de disponibilité.

Il y a pénurie de techniciens formés, les GPM de la série 500, et avec les exigences opérationnelles, certains d'entre eux sont déployés sur les théâtres d'opérations, ce qui laisse moins de monde derrière pour former les nouveaux venus. Nous avons un certain nombre de nouvelles recrues, et de nombreux simples soldats qui doivent être formés pour toutes nos flottes, mais chose certaine, pour la flotte des Hercules aussi.

Tous ces facteurs influent sur le taux de disponibilité des Hercules. On a fait un effort sincère pour régler tous ces problèmes. Pour disposer d'un plus grand nombre de pièces de rechange et en acquérir davantage, nous nous sommes donné beaucoup de mal. Par suite du budget, on a investi davantage dans le budget national des acquisitions. Nous avons constaté une amélioration généralisée au niveau des acquisitions, et cela devrait aider toutes les flottes des trois armes.

La force aérienne améliore la formation des techniciens et raccourcit leur temps de formation. Nous nous attaquons au problème sur plusieurs fronts afin d'améliorer les choses.

Le sénateur Atkins : Le rythme opérationnel a un effet sur vos responsabilités, n'est-ce pas?

Le lgén Dumais : Absolument.

Le sénateur Forrestall : Lieutenant général Dumais, au sujet de la politique régissant les approches à Kaboul, j'ignore tout de cette politique et des choses de ce genre, mais j'ai retenu deux choses à propos de notre atterrissage là- bas : le pilote s'est amusé comme un fou, et moi aussi. Il ne m'arrive pas souvent de voler comme ça. J'ai adoré ça et le pilote a fait un excellent travail. Dieu merci, personne à l'arrière ne pouvait voir où nous allions, mais d'un autre côté, ce fut une expérience de cinq minutes hors du commun. L'avion était bien piloté, et nous avons atterri, ce qui dit tout à propos de l'équipage; ça ne dit rien à propos de l'avion, sauf qu'il a tenu le coup, ce qui est suffisant.

Je dois vous avouer que j'ai été surpris et déçu d'apprendre que le gouvernement avait décidé de s'en tenir au coût le plus bas plutôt qu'au coût le plus efficace pour le remplacement des appareils Hercules de recherche et de sauvetage à voilure fixe que vous devez acquérir. Est-ce que cela vous préoccupe? Ou est-ce que vous vous débrouillez simplement avec l'équipement qu'on vous donne?

Le lgén Dumais : Encore une fois, je ne veux pas m'écarter de mon domaine. Je m'occupe du déploiement des forces. Les capacités de recherche et de sauvetage relèvent du Chef d'état-major de la Force aérienne qui est responsable de l'énoncé des exigences opérationnelles.

Les FC veulent maintenir le niveau de service que nous fournissons. C'est la norme minimale qui régit nos activités de recherche et de sauvetage.

Le sénateur Forrestall : Combien d'avions Hercules avez-vous en service en ce moment ou participent à un déploiement quelconque?

Le lgén Dumais : Je n'ai pas vérifié pour aujourd'hui. Nous en avons trois en moyenne tous les jours. Pour le niveau très élevé de préparation en vue des opérations de recherche et de sauvetage, nous avons les deux du Camp Mirage. Nous avons souvent peut-être six avions ou plus qui sont disponibles quotidiennement. C'est approximatif. Je ne suis pas ces informations en ce moment.

Le sénateur Forrestall : Je ne vous demandais pas de détails. On ne sait jamais ce qui peut se passer dans le courant d'une journée. Les trois qui sont en disponibilité pour la recherche et le sauvetage, est-ce qu'ils prennent part aussi à des activités normales de transport, si l'on veut?

Le lgén Dumais : Non, ces trois avions sont prêts à décoller avec un préavis très court. Ils peuvent être utilisés pour la formation locale des équipes de recherche et de sauvetage. Si on les envoie en mission, ils décollent. Ils emportent avec eux tout ce dont ils ont besoin pour accomplir la mission, s'ils doivent partir. À part cela, ils sont entièrement réservés aux missions de recherche et de sauvetage.

Le sénateur Forrestall : Il y a donc neuf ou dix avions qui sont à votre disposition, plus ou moins.

Le lgén Dumais : Je n'ai pas les chiffres les plus récents, mais je dirais que c'est le minimum quotidien.

Le sénateur Forrestall : Ce n'est pas beaucoup, n'est-ce pas?

Le lgén Dumais : Je vous ai expliqué pourquoi les Hercules sont dans cette situation.

Le sénateur Forrestall : Nous savons tous pourquoi il en est ainsi. J'aimerais maintenant revenir à une question qu'a posée le sénateur Atkins. Je veux savoir si l'armée a évalué la structure militaire africaine pour ce qui est de sa capacité d'intervenir dans la situation actuelle et à l'avenir. Si oui, pouvez-vous nous dire comment nous allons déployer les forces canadiennes dans le contexte de cette évaluation?

Le lgén Dumais : Vous parlez de l'évaluation de l'Union africaine?

Le sénateur Forrestall : Oui.

Le lgén Dumais : Le CEMO et d'autres fonctionnaires se sont rendus dans la région pour procéder à des évaluations pour le compte du gouvernement et des Forces canadiennes. Nous avons une équipe de reconnaissance là-bas pour établir quelle sera notre contribution.

Je ne crois pas qu'il nous appartienne d'évaluer les capacités de l'Union africaine pour ce qui est de savoir si elle peut s'acquitter de son mandat ou non. Ce qu'il faut comprendre, c'est que l'on cherche à trouver une solution régionale au problème du Soudan, et l'Union africaine intervient pour cette raison aussi.

Le sénateur Forrestall : Cela semble être important pour ce qui est de notre attitude face au déploiement des Forces canadiennes.

Le lgén Dumais : Dans la mesure où nous pouvons évaluer comment nous pouvons le mieux les aider.

Le sénateur Forrestall : Je songeais à notre maintenance.

Le président : Général Dumais, si vous ne savez pas ce que peuvent faire les armées de l'Union africaine, comment pouvez-vous proposer un plan pour l'aide canadienne?

Le lgén Dumais : Nous avons réalisé ces évaluations à un niveau général, mais si l'on parle des capacités particulières de leurs forces, nous enverrons là-bas des planificateurs qui les aideront à gérer leur mission.

Le sénateur Forrestall : Vous parlez de mobilité?

Le lgén Dumais : Le gouvernement s'est engagé à livrer 100 TTB pour les aider.

Le sénateur Forrestall : Et le renseignement?

Le lgén Dumais : Cela fait partie de notre contribution éventuelle.

Le sénateur Forrestall : Je vais m'arrêter ici. C'est un domaine délicat.

J'aimerais revenir à Kaboul. Nous avons cru comprendre que la transition commencerait peut-être en août. Est-ce que cela fait encore partie de vos plans?

Le lgén Dumais : Pour ce qui est des équipes de reconstruction provinciale, oui. Nous déployons en ce moment nos équipes d'activation dans le théâtre. Nous avons 90 personnes là-bas ou qui sont sur le point de se déployer vers Kandahar pour préparer le terrain pour cette mission. Cette opération est en cours.

Le sénateur Forrestall : Ils seront les premiers? Ce sera le premier groupe sur place?

Le lgén Dumais : C'est exact.

Le sénateur Forrestall : Ayant été soigné à l'hôpital de Camp Julien, tout ce que je peux vous dire, monsieur, c'est que son équipe est du calibre le plus élevé et des plus dévouée. Ils ont été merveilleux.

Le lgén Dumais : Je vous remercie de le dire.

Le sénateur Forrestall : Le professionnalisme de cette équipe n'a pas d'égal, et ces gens étaient prêts à faire les journées de 16 heures qu'on exige de nos Forces canadiennes, pour une raison que je ne comprends pas. Je les adore.

Le lgén Dumais : Je vous remercie de le dire, et je transmettrai vos remarques. L'un de nos messages là-bas, c'est que nous faisons de notre mieux pour fournir un service de haute qualité et soutenir nos troupes lorsqu'elles sont déployées.

Le sénateur Forrestall : Dans la course entre Camp Julien et l'hôpital militaire allemand, ce chef de service extraordinaire qui m'a soigné, et les braves médecins de l'Hôpital Civic d'Ottawa, j'ai eu de la chance. Je suis en parfaite santé.

Est-ce que l'on songe à déplace la FOI2 à Goose Bay? J'espère que non, mais je me pose seulement la question.

Le Lgén Dumais : Le budget nous a obligés à trouver un lieu d'entraînement adéquat. Nous avons les fonds voulus. Cependant, on ne songe pas en ce moment à faire de Goose Bay un lieu d'entraînement possible pour la FOI2.

Le sénateur Forrestall : Quel que soit le lieu, est-ce qu'il devrait être près d'Ottawa?

Le Lgén Dumais : Je répondrais à cela qu'il y a deux critères essentiels. Le premier, c'est la proximité de nos grands centres urbains pour qu'ils puissent intervenir, et cela pose toujours un problème. L'autre, c'est de trouver un emplacement où ils pourront se rassembler pour se prêter à un entraînement complexe sans déranger leurs voisins.

Le sénateur Forrestall : Où en êtes-vous avec l'augmentation de l'effectif?

Le Lgén Dumais : Son effectif est suffisant en ce moment. Il se peut que nous ayons des difficultés au niveau de la rétention si nous ne sommes pas prudents étant donné que les compétences qu'ils possèdent sont très attrayantes, et l'on offre à certains d'entre eux des contrats très lucratifs.

Nous aurons du mal à garder le personnel que nous avons. Nous devrons voir comment évolueront les choses, mais en ce moment, tout va bien.

Le sénateur Mercer : J'aimerais parler moi aussi de l'emplacement de la FOI2. Le brigadier général à la retraite O'Connor, qui est le critique de l'opposition en matière de défense aux Communes, ne veut pas de la FOI2 dans sa circonscription. Je trouve cela étonnant parce que ceux d'entre nous qui ont grandi dans le voisinage des installations militaires savent la valeur qu'il y a de les avoir comme voisins, amis et alliés.

Je suis déçu de vous entendre dire que la FOI2 devrait à votre avis être cantonnée dans une grande ville. Je suis de Halifax, et j'espère que Halifax répond à votre définition d'une grande ville parce que je serais heureux pour ma part d'avoir la FOI2 en Nouvelle-Écosse.

Si le sénateur Forrestall n'est pas favorable à Gosse Bay, toutes les régions du pays devraient être considérées, mais je vous encourage à songer à la Nouvelle-Écosse, qui est très attaché à l'armée, les gens de là-bas ayant toujours appuyé les militaires, même si ceux-ci peuvent faire du bruit la nuit quand ils sont en manœuvre.

Le Lgén Dumais : Je n'ai pas dit que la FOI2 devait être dans une grande ville, seulement près de nos grands centres urbains parce que le temps d'intervention est critique. Il faut que ce soit un lieu où l'on trouve un espace suffisant pour l'entraînement mais où l'on a également un accès rapide à un pont aérien et la capacité de se déplacer par route aussi et de se rendre au lieu névralgique rapidement, en l'espace de quelques heures.

Le sénateur Mercer : Est-ce que la BFC Greenwood répondrait à ces critères?

Le Lgén Dumais : Si l'on a en tête le triangle Ottawa-Toronto, cette région ne serait pas le premier choix.

Le président : C'était un bel essai, sénateur.

Le sénateur Mercer : Je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi le brigadier général O'Connor ne veut pas d'une base dans sa circonscription.

Le sénateur Forrestall : J'espère que vous allez leur trouver une place bientôt et que vous allez les installer, pour parvenir à l'effectif voulu.

À votre avis, quel rôle doit jouer la nouvelle structure de commandement des forces dans la formation individuelle des forces et la préparation pour les déploiements?

Avez-vous pour but de développer tôt ou tard une formule commune pour les déploiements qui s'appliquera aussi bien à l'armée de terre, qu'à la marine ou à la force aérienne, ou leur permettra-t-on de conserver leurs propres régimes de formation?

Le Lgén Dumais : Très bonne question. C'est exactement le genre de problèmes sur lesquels nous nous penchons, à commencer par notre séminaire de Cornwall la semaine dernière qui était animé par le chef d'état-major de la défense. Lorsque nous allons mettre en œuvre notre vision et passer à des opérations plus intégrées, nous devrons utiliser les actifs de l'armée de terre, de la force aérienne et de la marine pour qu'ils puissent être formés ensemble plus souvent.

On aborde ici plusieurs problèmes. Il est admis que ces forces doivent acquérir leur propre expertise en matière de formation. Nous devrons alors trouver des moyens de les unir dans des exercices d'entraînement pour qu'ils puissent agir comme une seule force intégrée. Nous avons la capacité d'organiser des exercices conjoints, et nous allons en profiter pour créer des occasions pour qu'ils puissent s'entraîner ensemble plus souvent.

Ces forces doivent être maintenues à un certain niveau élevé de préparation si l'on veut les déployer comme Force opérationnelle permanente de contingence, FOPC, ou comme Force opérationnelle de mission en cas d'urgence. Ce qui nous amène à un autre élément, à savoir la définition de la future FOPC et l'établissement de normes pour cette organisation de telle sorte que les éléments terrestre, maritime et aérien de la FOPC connaissent le niveau requis d'interopérabilité. Nous devrons raffiner les doctrines afin que ces éléments sachent comment interagir les uns avec les autres.

Il y a plusieurs dimensions qui comprennent les exercices d'entraînement intégrés, les doctrines et les normes. Nous devons définir la composition de la FOPC et de la FOMU.

Le sénateur Forrestall : Il ne s'agit pas seulement de mettre en place diverses unités militaires pour les besoins de la formation, il faut unir les trois éléments. Où ces forces seront-elles formées?

Le lgén Dumais : Nous avons assisté justement ce matin à une séance d'information sur Feuille d'érable, l'exercice qui réunit les pilotes de chasse chaque année à Cold Lake. Ce lieu présente de grands avantages pour la formation des forces terrestres.

Nous songeons à prendre quelques pilotes de chasse de Cold Lake pour les envoyer à Wainwright, où ils s'entraîneront avec les forces terrestres de cette base. Quand je parle des pilotes de chasse de Cold Lake, on peut aussi faire venir les pilotes d'avions Hercules pour qu'ils soient formés avec ceux des hélicoptères Griffin. Nous songeons à intégrer les éléments de planification maritime dans cette formation. De toute évidence, ils ne pourraient pas déployer leurs ressources, mais il s'agit de planification et de toutes les considérations qui accompagnent ce genre d'exercice.

Nous avions autre fois un exercice conjoint sur la côte appelé MARCOT. L'armée de terre, la force aérienne et la marine y participaient, ainsi que des forces américaines et autres. C'était un excellent exercice d'entraînement du genre que nous devons entreprendre aujourd'hui. Nous allons essayer de planifier cela ou quelque chose du genre à l'avenir.

Le sénateur Forrestall : À votre avis, l'accord du NORAD sera-t-il maintenu entre nos deux pays, ou entrevoyez- vous une évolution différente du même niveau élevé d'échange?

Le lgén Dumais : La question est pertinente et opportune. Les pourparlers sur le renouvellement du NORAD sont en cours. Nous avons eu des discussions au niveau supérieur, entre militaires, pour déterminer comment cela pourrait évoluer. Tout le monde s'entend pour dire que le NORAD est une organisation binationale précieuse. Elle est unique. Loin de nous l'idée de la démanteler. Reste à savoir la place qu'elle occupera dans le Commandement Canada et le Northern Command, son homologue américain.

Cela étant dit, la mission du NORAD demeurera au minimum la surveillance et le contrôle de l'espace.

Le sénateur Forrestall : Y a-t-il place pour les Halifax Rifles dans votre planification? Y a-t-il place pour les réserves?

Le lgén Dumais : Absolument. Les réserves font partie intégrante de la solution que nous allons mettre en oeuvre sur plusieurs fronts. Leur contribution se fera entre autres au niveau des éléments spécialisés de la FOPC et de la FOMU. Elles peuvent nous fournir des domaines d'expertise qui nous manquent; par exemple, au niveau du soutien. Pour ce qui est des interventions intérieures, comme on l'a vu dans l'énoncé de la politique de défense, on accordera dorénavant plus d'importance au Canada. Nous entrevoyons un rôle auxiliaire pour les réserves. Les réserves ont fait partie intégrante de nos déploiements jusqu'à maintenant. Et ces déploiements ont été divers et nombreux.

Si l'on prend certains scénarios intérieurs comme la tempête de verglas, nous avions plus de 18 000 hommes déployés dans le cadre de cette urgence, dont un bon nombre provenait des réserves.

Il ne fait aucun doute que les réserves ont joué un rôle et qu'elles continueront de jouer un rôle essentiel dans l'évolution de la division.

Le sénateur Mercer : Où en êtes-vous avec la mise en oeuvre de la Révision du renseignement de la défense?

Le lgén Dumais : Ça avance bien. Nous savons que nous allons mettre en oeuvre toutes les recommandations d'ici l'an prochain. Nous avons augmenté les effectifs du côté militaire, et nous sommes en train d'engager des civils pour atteindre l'effectif recommandé.

Le sénateur Mercer : Vous obtenez le personnel qu'il vous faut?

Le lgén Dumais : Absolument.

Le sénateur Mercer : Deuxièmement, nous avons entendu parler de l'intention que vous avez de créer un Commandement Canada. Tout d'abord, pouvez-vous nous expliquer ce concept opérationnel, les responsabilités qui s'y rattachent et son rapport avec le QGDN?

Le lgén Dumais : La principale raison qui motive le concept du Commandement Canada, tout comme dans le cas du commandement de la Force expéditionnaire du Canada, c'est la nécessité d'établir une structure de commandement et de contrôle pour les Forces canadiennes.

Le Commandement Canada sera un quartier général opérationnel responsable du commandement et de tout l'entraînement et les opérations liées à la zone canadienne. Son effectif sera augmenté comparativement au personnel qui est affecté au sein de notre organisation à la gestion des situations intérieures. Cela lui permettra de faire plus de planification en vue de la coordination avec les autres ministères, de la coordination avec le Northern Command des États-Unis, et il aura un rapport direct de commandement et de contrôle avec les structures régionales qui seront modifiées. Celles-ci deviendront des forces opérationnelles communes.

Nous aurons un lien opérationnel très clair de la région au niveau opérationnel, et du quartier général du Commandement Canada au CEMD du quartier général de la Défense nationale. Ce sera une chaîne opérationnelle qui assurera une liaison claire pour les besoins de la planification et de la coordination intérieure.

Le sénateur Mercer : Est-ce que cela va changer votre rôle et vos responsabilités?

Le lgén Dumais : Oui. Le quartier général du commandement de la Force expéditionnaire du Canada et le quartier général du Commandement Canada seront créés à partir des structures qui existent dans mon organisation. Mes responsabilités intérieures et internationales seront confiées à ces deux quartiers généraux opérationnels.

Le sénateur Mercer : Quel rôle le groupe de planification binational va-t-il jouer dans ce contexte?

Le lgén Dumais : Il a été jusqu'à présent indispensable dans le dialogue entre le quartier général de la Défense nationale et le Northern Command.

Dans nos récents pourparlers avec les Américains, nous avons compris tous les deux l'utilité de ce dialogue. Sa forme pourrait changer, et nous espérons qu'il deviendra un lien plus officiel entre le Commandement Canada et le Northern Command. Par conséquent, la chaîne de responsabilités pourrait évoluer avec la création du Commandement Canada, mais nous avons compris la valeur de cette structure, et nous espérons la maintenir sous une forme quelconque.

M. Rob Merrifield : Selon la nouvelle politique de défense la défense du Canada et de l'Amérique du Nord est la priorité première des Forces canadiennes, et les forces maritime et aérienne vont accorder plus d'importance à la protection du Canada.

Quoi d'autre attendez-vous d'elles, en plus de ce qu'elles ont déjà fait?

Le lgén Dumais : Chose certaine, nous songeons à améliorer certaines capacités. Dans le budget, il y a un poste pour le déploiement d'un avion polyvalent dans le Nord et son remplacement par l'Otter, cette dimension s'en trouvera donc améliorée.

Nous envisageons diverses façons d'améliorer la surveillance du territoire. Nous pensons que les UAV peuvent jouer un rôle au niveau de la surveillance. Nous améliorons notre flotte d'Aurora pour qu'elle soit plus performante au niveau du renseignement, de la surveillance et de la reconnaissance, le RSR, ce qui contribuera de beaucoup à améliorer la surveillance du territoire.

L'un des principaux secteurs de la structure de commandement et de contrôle, le Commandement Canada, simplifiera énormément et améliorera, du point de vue des FC, notre contribution à la sécurité intérieure et notre collaboration avec les autres ministères.

Le sénateur Mercer : Quelles dispositions particulières avez-vous prises pour faciliter l'intégration de la Défense nationale avec les autres ministères?

Dans quelle mesure la défense nationale est-elle représentée dans les autres ministères ou assure-t-elle une liaison?

Le lgén Dumais : Je n'ai pas de chiffres précis mais nous avons établi, ou sommes sur le point d'établir, une liaison avec diverses autres organisations. Nous avons de bons contacts avec la GRC et le SPPCC. Nous avons ou nous allons avoir des membres au Centre d'évaluation intégrée des menaces, le CEIM. Nous avons un représentant aux affaires étrangères. Nous avons des liens avec ces organisations, et nous devons voir s'il y a lieu de les améliorer, et si ces ministères peuvent enrichir notre quartier général, essentiellement le Commandement Canada, qui sera un lieu tout indiqué pour rehausser cette collaboration. La coordination est bonne, et nous l'améliorons constamment.

Par exemple, on a tenu récemment l'exercice Triple Play, qui est un exercice de haut niveau binational se déroulant dans le cadre d'un scénario de sécurité intérieure. Nous sommes allés de notre côté jusqu'au niveau ministériel, et les Américains en ont fait autant jusqu'au Northern Command. Ces exercices nous permettent d'établir de meilleurs liens avec les ministères névralgiques. Nous sommes sur la bonne voie, et les choses ne peuvent que s'améliorer.

Le sénateur Mercer : Quel rôle les provinces jouent-elles?

Le lgén Dumais : Les provinces jouent un rôle important. Le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ont pris part au niveau provincial à l'exercice Triple Play. Dans le cas de la plupart des catastrophes naturelles et autres scénarios, les provinces ont une compétence exclusive. Nos quartiers généraux militaires ont de bons liens avec les services de préparation civile provinciaux. Dans certains cas, nous avons des plans d'urgence en place, par exemple, advenant un tremblement de terre sur la côte Ouest. Toutes ces capacités seront améliorées avec la création du Commandement Canada et nous aurons plus de personnel affecté à ce programme particulier de sécurité intérieure.

Le président : Il y a un groupe que vous n'avez pas mentionné lorsque vous parliez d'intégration, et c'est le SCRS. L'avez-vous omis par inadvertance?

Le lgén Dumais : Je l'ai omis par inadvertance parce que nous avons de bons liens avec le SCRS aussi.

Le président : En ce qui concerne les opérations spéciales dans le contexte canadien, que font-elles? Quels sont les éléments particuliers qui sont compris dans les Forces d'opération spéciales au sein des Forces canadiennes? Quels éléments particuliers sont inclus dans le futur groupe des opérations spéciales?

Le lgén Dumais : Il est évident que je ne peux pas entrer dans les détails, mais les forces spéciales ont un rôle d'appui en cas d'incident intérieur et elles nous aident à réaliser nos engagements internationaux. L'énoncé de la politique de défense prévoit la création d'un groupe d'opérations spécialisées. En ce moment, nos forces spéciales comprennent la FOI2 et la Compagnie interarmées de défense nucléaire, biologique et chimique. Ces capacités seront améliorées, et dans le cadre du concept du groupe des opérations spéciales, d'autres éléments seront renforcés sur le plan du rapport avec les forces spéciales, par exemple, l'Aviation tactique. La structure sera modelée de telle façon qu'elle sera plus grande et encore plus efficiente du point de vue de ses capacités générales.

Le président : On dirait que vous parlez d'un peu moins de 1 000 personnes, soit une compagnie plus le FOI2 pour votre aviation tactique.

Le lgén Dumais : Nous sommes en pourparlers pour voir ce qui sera incorporé dans cette structure. Une fois la structure achevée, sa taille pourrait être considérable.

Le président : On vous a posé des questions au sujet des difficultés d'expansion du FOI2. Des rumeurs persistent selon lesquelles les FC ont du mal à recruter.

Le lgén Dumais : Vous posez la question de manière générale?

Le président : Je parler de la FOI2.

Le lgén Dumais : Il est difficile de trouver du personnel pour cette unité. Il n'y a pas que la force opérationnelle interarmées 2 qui éprouve ce problème.

Le président : Vous avez parlé de la difficulté de garder ces membres, ce que nous comprenons. On peut aujourd'hui gagner beaucoup d'argent comme entrepreneur. Nous comprenons cela aussi, mais en outre, ils sortent rapidement et ils entrent lentement.

Le lgén Dumais : C'est complexe. L'un des problèmes tient au fait que les unités ne veulent pas perdre leur personnel en faveur de la FOI2. Toutes les unités manquent de personnel chevronné mais je ne crois pas qu'il y ait pénurie de militaires intéressés à se joindre à la FOI2, même si leurs exigences sont élevées. Nous allons régler ce problème.

L'augmentation de 5 000 membres des forces régulières et de 3 000 réservistes nous facilitera la vie et permettra aux forces terrestres d'augmenter leurs effectifs. J'espère que cela facilitera tout le processus.

Le sénateur Mercer : Dans quelle mesure notre recrutement est-il dynamique? Dans notre métier, bon nombre d'entre nous visitons des écoles secondaires et des universités. Je n'y ai pas vu souvent de recruteurs des forces armées. Je me rappelle qu'on voyait ces gens-là lorsque j'étais étudiant dans les années 60.

Le lgén Dumais : Selon ce que l'on m'a dit, nous avons en ce moment des difficultés particulières concernant le recrutement. Je vous inviter à poser cette question au sous-ministre adjoint (Ressources humaines-militaires) parce que ce n'est pas mon domaine d'expertise.

Le sénateur Mercer : Nous avons entendu certains reproches, faits en public, du style de recrutement des Américains; je ne veux pas en faire autant ici. Toutefois, je pense que l'armée donne aux jeunes Canadiens une occasion magnifique de contribuer non seulement à la défense du pays, mais à leur perfectionnement et à leur progression de carrière.

Le lgén Dumais : Tout à fait, je suis d'accord avec cette affirmation.

Le président : Je reviens à la FOI2 et à la force d'opérations spéciales. Nous les avons vues ici et ailleurs; par exemple, nous sommes tombés dessus en Afghanistan et à Halifax. Quand vous parlez d'opérations spéciales, cela comprend-il les éléments terre, air et mer?

Le lgén Dumais : Non. Il s'agit d'une unité formée aux trois éléments et extrêmement spécialisée. Il n'y a pas d'unité de force spéciale pour chacune des trois armes des FC.

Le président : Par exemple, un sous-marinier aura été formé pour s'occuper des forces spéciales lorsque la FOI2 est à bord. En pareil cas, les fonctions sont différentes.

Le lgén Dumais : Il reçoit alors toute la formation nécessaire pour remplir la mission.

Le président : La formation vous pose-t-elle des problèmes particuliers?

Le lgén Dumais : Non, sénateur, nous n'avons pas eu de problème de formation.

Le président : Ce groupe relève directement de vous.

Le lgén Dumais : Oui.

Le président : Pour l'avenir, il est évident que le centre d'entraînement de Dwyer Hill ne convient pas et que vous cherchez quelque chose d'autre. À quels besoins en formation cherchez-vous à répondre au nouvel endroit? Qu'est-ce qui a été difficile à Dwyer Hill à part le fait que vous avez irrité certains de vos voisins?

Le lgén Dumais : Le problème de Dwyer Hill, c'est qu'il empiète sur le voisinage du fait de ses dimensions réduites; il ne tient plus dans son espace. Cela va empirer quand il prendra de l'expansion pour mettre sur pied le groupe des opérations spéciales. Il faut donc trouver un emplacement plus grand et mieux adapté. On ignore si toutes les unités qui appartiendront au groupe d'opérations spéciales devront être logées ensemble, mais il nous faut quand même un autre endroit.

Il y a toute une série de facteurs associés à sa capacité d'intervenir rapidement dans les grands centres — avoir rapidement accès au transport aérien, pouvoir réagir et assurer une formation très complexe dans une grande installation multidimensionnelle qui soit appropriée. Ils vont aussi ailleurs pour suivre certains cours.

Le président : Dans quelle mesure son rôle s'est-il transformé par rapport à sa vocation initiale, la lutte contre les détournements d'avion?

Le lgén Dumais : Son rôle a pris beaucoup d'expansion, sans entrer dans les détails. Cela exige une formation intensive et des sujets très spécialisés.

Le président : Quand vous dites « sans entrer dans les détails », quand vous parlez au Parlement, dans quelle mesure pouvez-vous dire au Parlement ce qu'elle fait? »

Le lgén Dumais : Malheureusement, une très petite mesure. C'est une question de sécurité opérationnelle à divers égards. Nous comprenons tous que divulguer trop de ses capacités ou de tout autre aspect de ce qu'elle fait pourrait compromettre sa capacité d'exécuter sa mission ou mettre en danger telle ou telle personne.

Le président : D'après ce que nous savons, les Forces canadiennes ont déterminé que trop de secret entoure ce groupe et qu'il y aurait une discussion plus ouverte de ses activités. Je crois savoir que le ministre a fait une déclaration à cet effet il y a quelques mois.

Le lgén Dumais : De mon point de vue, je ne suis pas libre de divulguer quelque précision que ce soit.

Le président : Ne vous en a-t-il pas parlé?

Le lgén Dumais : Non.

Le sénateur Forrestall : L'intervention la plus visible de la FOI2 et des Forces canadiennes en général se fait normalement à la demande des provinces. Dieu merci, ce n'est pas arrivé souvent au point que l'on puisse établir un bilan, mais comment tenez-vous le premier ministre d'une province informé des services que les forces spéciales peuvent offrir en cas d'urgence? Qui l'informe, qui le tient au courant et comment se transmet la demande?

Le lgén Dumais : Les forces spéciales sont employées strictement sur l'ordre du gouvernement; elles ne répondent donc pas directement aux demandes des provinces.

Le sénateur Forrestall : Les premiers ministres provinciaux sont-ils informés?

Le lgén Dumais : Il est évident que si un événement survient, le commandant local transfère le commandement au commandant de la FOI sur place pour qu'il prenne en main la situation.

Le sénateur Forrestall : Si j'étais procureur général de la Nouvelle-Écosse et que la ministre McLellan disait : « Voici les services que nous pouvons vous offrir si vous en avez besoin », je voudrais avoir des précisions. Sauf tout le respect que je dois à la ministre, je serais étonné qu'elle soit en mesure de répondre en connaissance de cause. Comment le procureur général le sait-il? On ne veut pas réclamer une intervention en disant je ne sais pas si c'est un rôle qui convient à la FOI2.

Le lgén Dumais : C'est une bonne question. Je vois où vous voulez en venir. En fait, c'est l'inverse qui se passe. Il existe divers mécanismes permettant aux Forces canadiennes de s'occuper de questions fédérales ou provinciales. Ils sont très complexes et de nature très juridique. Quand une situation se présente, divers mécanismes peuvent être invoqués et la réaction peut venir ou non de la FOI2. Il peut s'agir d'une contribution militaire d'une autre forme. Dans certains cas, la question relève de la province de sorte que nous ne faisons qu'aider un autre organisme; dans la plupart des cas, c'est ainsi que nous procédons.

C'est donc l'inverse qui se passe. Selon le scénario et le genre de demande, une évaluation est faite du genre de contribution militaire qui convient le mieux à la situation.

Le président : Au nom du comité, merci, lieutenant général Dumais. Nous vous remercions beaucoup d'avoir comparu aujourd'hui devant nous. Nous vous sommes reconnaissants de l'information que vous nous avez transmise.

La séance se poursuit à huis clos.

La séance publique reprend.

Le président : Nous avons devant nous un groupe très distingué. Le commodore Roger Westwood, directeur général, Gestion du programme d'équipement maritime, a été promu à son grade en avril 2003 et pris ses fonctions actuelles en mai 2003. Il s'est enrôlé dans les Forces canadiennes en 1970 et a des antécédents en génie naval. Promu capitaine de vaisseau en 1991, il a été nommé directeur, Architecture navale et ingénierie spécialisée. En juin 1992, il a accepté de gérer le projet de navires de défense côtière.

En février 1999, il a pris le commandement de l'installation de maintenance de la flotte Cape Breton à Esquimalt. En juin 2002, il a été nommé directeur général, Développement de la force maritime au quartier général de la Défense nationale et a occupé ce poste jusqu'au moment où il a pris ses fonctions actuelles.

Nous recevons aussi le brigadier général Dwayne Lucas, directeur général, Gestion du programme d'équipement aérospatial. Il occupe ce poste depuis juin 2002. Il a commencé sa carrière militaire dans la maintenance, auprès du premier groupe aérien du Canada. Il a obtenu une maîtrise en sciences avec spécialisation dans le dessin des aéronefs au Cranfield Institute of Technology, au Royaume-Uni. À son retour au Canada, en 1980, il est entré à la Direction des systèmes du génie aéronautique, à Ottawa. Il a fait partie de l'équipe qui a initié la force aérienne au système d'essai des moteurs de CF-18.

En mai 1998, il devient directeur, Gestion des programmes d'équipement aérospatial (avions-écoles et chasseurs) et modernisation des CF-18.

En juin 2000, il est promu brigadier général et est muté à la première division aérienne du Canada en tant que A1/ A4, où il est responsable du personnel, de l'instruction, de la réserve, des services logistiques, du génie de l'air et de la maintenance.

Le brigadier général Lucas est officier de l'Ordre du mérite militaire.

Nous recevons également le colonel Douglas Wingert, directeur de l'État-major des programmes d'équipement terrestre, poste qu'il occupe depuis mai 2005. Il s'enrôle dans les Forces canadiennes en 1973 et sert à l'étranger en Égypte comme membre de la force d'urgence des Nations Unies. En Namibie, avec les Nations Unies, il commande un contingent logistique canadien du premier bataillon des services. Promu au grade de lieutenant-colonel en 1990, il est muté au quartier général de la Défense nationale où il occupe le poste de gestionnaire de projets adjoint du Bureau de projets, Véhicules blindés légers. Promu colonel en 1998, il est nommé directeur, Personnel (planification) au sein du Groupe des ressources humaines militaires.

En décembre 1999, il assume les fonctions d'adjoint spécial du vice-chef d'état-major de la Défense et, en janvier 2002, prend le commandement du 202e Dépôt d'ateliers à Montréal, avant d'occuper son poste actuel.

Messieurs, je vous souhaite la bienvenue au comité. Veuillez faire vos déclarations.

Le commodore Roger Westwood, directeur général, Gestion du programme d'équipement maritime, Défense nationale : Bonjour. C'est un honneur d'être devant vous aujourd'hui et de vous présenter un aperçu de mon rôle et de mes responsabilités. Au sein du ministère de la Défense nationale, je relève du sous-ministre adjoint (Matériels), M. Dan Ross, et je m'occupe de l'acquisition du matériel et du soutien relatifs au programme maritime, en fonction des exigences établies par le chef d'état-major de la Force maritime, le Vam Bruce MacLean. Essentiellement, je suis responsable du matériel pour tous les navires de guerre, les sous-marins, les navires auxiliaires et l'équipement naval des établissements à terre. Je suis chargé d'acquérir et, subséquemment, de soutenir l'ensemble des plates-formes, des systèmes et de l'équipement naval. Cette responsabilité se prolonge pour le cycle de vie complet de l'équipement naval et est communément appelée responsabilité « du berceau à la tombe ». J'offre aussi au sous-ministre adjoint (Matériels) et au chef d'état-major de la Force maritime des conseils de génie maritime afin qu'ils remplissent leurs rôles consultatifs auprès du gouvernement.

Ma division compte environ 390 personnes, dont 66 p. 100 sont des civils et 33 p. 100, des militaires. De ce nombre, 80 occupent des postes ayant pour rôle particulier de soutenir les projets d'acquisition d'immobilisations. La Division de la gestion du programme d'équipement maritime assure le soutien de biens d'équipement naval évalués à environ 6,5 milliards de dollars et représentant approximativement 41 p. 100 de l'ensemble des biens d'équipement du ministère.

Avant de vous fournir des détails sur les programmes de soutien en service et d'acquisition d'équipement maritime, je crois que je devrais vous donner un aperçu de la nature unique des navives de combat et des sous-marins. Les navires de combat constituent peut-être les produits technologiques les plus complexes jamais conçus. Les systèmes et l'équipement y sont entassés dans un bâtiment compact, flottant et autopropulsé. Ces navires roulent, tanguent et tossent, sont continuellement exposés à des conditions maritimes difficiles et doivent pouvoir résister et faire face à des chocs, à des feux, à des inondations, à des attaques chimiques et biologiques, etc. Ils doivent également être en mesure de mener des combats, l'espace disponible étant encombré de systèmes d'armes.

Un espace limité est alloué à l'équipage qui doit vivre et travailler sur ces navires pour des périodes prolongées. Compte tenu de toutes les personnes, de la machinerie et des armes qui doivent être transportées dans un espace restreint, un navire de combat est une plate-forme mobile techniquement complexe, hautement intégrée et potentiellement dangereuse. Par conséquent, les navires de guerre sont hautement capitalistiques et exigent beaucoup de maintenance.

Je remplis mes responsabilités en matière d'acquisition et d'approvisionnement à l'appui des exigences établies par le chef d'état-major de la Force maritime grâce aux fonds pour dépenses en capital ou fonds du crédit 5. La valeur du programme d'immobilisations de ma division varie généralement de 200 à 250 millions de dollars par année. Depuis quelques années, parce que la Marine ne dispose que d'une petite portion des dépenses en immobilisations du ministère, les dépenses ont été de l'ordre de 200 à 250 millions. Toutefois, compte tenu que le plan d'immobilisations maritimes commence à devenir plus important, ce qui résulte de l'approbation récente de projets comme celui des navires de soutien interarmées et de diverses composantes de l'initiative de modernisation des navires de classe Halifax, les dépenses annuelles augmenteront de façon constante.

Mes dépenses en capital pour la présente année financière sont estimées à 240 millions de dollars et sont dominées par les dépenses relatives au projet de système amélioré de missiles d'autodéfense et au programme de prolongation de la durée de vie des sous-marins que vous connaissez sans doute sous le nom d'initiative d'acquisition de sous-marins de la classe Victoria.

Ma division s'occupe actuellement d'environ 35 projets d'immobilisations, dont la valeur varie de dizaines de millions à des milliards de dollars. Ces projets sont à diverses étapes de mise en œuvre. Certains ne font que débuter, et nous sommes sur le point d'en terminer et d'en clore d'autres. Certains de ces projets avancent très bien, comme le programme de remplacement des YAG 300 et le projet de système amélioré de missiles d'autodéfense, tandis que d'autres connaissent ou ont connu des difficultés. Par exemple, comme vous le savez déjà, l'acquisition des sous-marins de classe Victoria a été retardée en raison de difficultés techniques liées à leur réactivation, alors qu'ils se trouvaient au Royaume-Uni, et à leur canadianisation, après avoir été acceptés par le Canada. Il faut cependant noter qu'en dépit de ces problèmes, on prévoit encore que le projet sera achevé à un coût inférieur au budget établi et qu'il offrira à la Marine canadienne une excellente capacité, à une fraction du coût d'un nouveau programme de construction.

En général, chaque projet est dans une certaine mesure unique, tout comme les difficultés qu'il peut soulever. Si les risques sont bien évalués et gérés, il ne semble pas y avoir d'indicateurs clairs qui peuvent être cernés d'entrée de jeu pour déterminer si un projet d'immobilisations aura ou non des problèmes.

En ce qui a trait au soutien en service, j'assume mes responsabilités relatives à la flotte navale actuelle et à tout l'équipement connexe grâce à des fonds du crédit 1 d'exploitation et d'entretien — cette portion du compte d'exploitation et d'entretien est communément appelée l'approvisionnement national. Chaque année, ma division dépense entre 250 et 400 millions de dollars pour soutenir la flotte, notamment pour des remises en état périodiques et des périodes en cale sèche, l'acquisition de pièces de rechange, la réparation et la révision de divers équipements, la tenue à jour de jeux de documents techniques, le règlement de problèmes d'obsolescence du matériel et l'acquisition de services de soutien et de génie. Cette année, les prévisions de dépenses de ma division pour l'approvisionnement national sont de 370 millions de dollars, et ce, même si nous aurions dû disposer d'environ 500 millions de dollars pour combler tous les besoins.

Au cours des dernières années, les besoins relatifs au compte d'approvisionnement national maritime ont augmenté de façon constante en raison du vieillissement de tous les principaux actifs de la flotte et de la mise en service des sous- marins de la classe Victoria. Cela a exigé que nous accordions la priorité au travail à effectuer et a, par le fait même, commencé à avoir une incidence sur la disponibilité opérationnelle de la flotte. À la suite du Budget 2005, les ressources pour l'approvisionnement national maritime ont augmenté de façon significative, ce qui nous aidera.

Pour mener à bien les programmes d'acquisition et de soutien en service, ma division doit, tout comme les organisations équivalentes de l'Armée de terre et de la Force aérienne, collaborer étroitement non seulement avec des organisations des FC et du MDN, mais aussi avec un certain nombre d'autres ministères. Nous faisons affaire avec Industrie Canada et ses agences régionales afin de négocier pour les projets des retombées industrielles et régionales au Canada. Nous travaillons aussi avec le Secrétariat du Conseil du Trésor afin d'obtenir du gouvernement l'approbation de nos projets. Et bien entendu, nous coopérons avec Travaux publics et Services gouvernementaux Canada qui est l'autorité contractante pour nos initiatives d'approvisionnement.

Il arrive parfois que les exigences des autres ministères soient perçues comme des obstacles à un approvisionnement en temps opportun ou à la réalisation d'un produit optimal. En général toutefois, nous avons d'excellentes relations de travail avec les autres ministères, et les conditions imposées pour nos acquisitions sont conformes au statut et aux règlements approuvés actuels du gouvernement.

Le colonel Douglas Wingert, directeur de l'état-major du programme d'équipement terrestre, Défense nationale : Honorables sénateurs, comme on l'a mentionné, je suis toujours commandant du 202e Dépôt d'ateliers à Montréal et, depuis les deux derniers mois, soit mai 2005, je suis aussi le chef d'état-major du directeur général de la gestion du programme de l'équipement terrestre. J'assume également une troisième responsabilité à titre de conseiller de la branche du Génie électrique et mécanique, une branche de l'armée qui compte approximativement 3 500 techniciens de la Force régulière et de la réserve.

La Division terrestre du Groupe des matériels est responsable de réaliser un programme intégré et rentable d'équipement terrestre afin d'équiper et de soutenir des forces polyvalentes et aptes au combat. Plus spécifiquement, la division fait l'acquisition et le soutien du matériel pour les systèmes assignés d'équipement et de matériel, principalement pour la Force terrestre. La division répond principalement aux demandes du commandant de la Force terrestre, le lieutenant général Caron. Bien que la division soit responsable du cycle de vie complet de l'équipement terrestre, elle assure aussi la réparation de toutes les lignes de réparations et la remise en état de troisième et quatrième échelon par le biais du 202e Dépôt d'ateliers. Enfin, la division fournit du personnel de gestion de l'équipement terrestre pour appuyer le sous-chef d'état-major dans ses fonctions de soutien aux opérations ainsi qu'une expertise en ingénierie de force terrestre au sous-ministre adjoint (Matériels) et au commandant de la Force terrestre.

La division regroupe environ 400 militaires et 600 fonctionnaires civils dont près de la moitié travaillent au 202e Dépôt d'ateliers. La division contrôle ou gère environ 30 000 véhicules, un nombre équivalent d'équipements de communication et un peu plus de 233 000 armes personnelles et autres types d'armes.

Afin de fournir le soutien du cycle de vie de l'équipement, la division dépense annuellement entre 400 et 550 millions de dollars afin d'effectuer, par exemple, des réparations périodiques, des réparations de composantes et des remises en état, faire l'acquisition de vêtements de combat, de pièces de rechange et de munitions.

La division gère plus de 50 grands projets d'immobilisations, dont trois sont spécifiquement inclus dans l'énoncé de la politique de la défense, à savoir le système de canon mobile ou SCM, le véhicule à effets multimission ou VEM, et le Système de véhicules de soutien moyen, ou SVSM.

Le projet de systèmes de canon mobile fournira 66 véhicules ainsi qu'un soutien logistique intégré. Ces véhicules se caractériseront par leur haute technicité et contiendront des modifications minimales nécessaires pour s'adapter à l'équipement spécifiquement canadien comme les appareils de communication existants. Les détails des modifications nécessaires seront précisés au cours de la phase de définition. Les marchés sont conçus pour coïncider avec le calendrier de production du système de canon mobile de l'US Stryker pour s'assurer de faire des économies d'échelle relativement à l'établissement des coûts.

Le projet de véhicule à effets multimission, qui est mené parallèlement à celui du système de canon mobile et à celui de VBL TOW sous blindage, constitue le système de systèmes de tir direct de l'Armée. Le projet vise à fournir un système de tir indirect de l'ère de l'information plus létal, agile, et doté d'une capacité de survie accrue sur les champs de bataille pour appuyer les forces de combat polyvalentes. Le VEM nécessitera plus de précision et d'exactitude en plus d'un commandement automatisé, des réseaux de contrôle et de communication aptes à recevoir des données des réseaux de données tactiques interarmées et interalliées et à y introduire des données. Le VEM doit être efficace pour contrer les menaces terrestres et aériennes.

Le projet du système de véhicule de soutien moyen modernisera et améliorera la capacité de soutien et la capacité des Forces canadiennes. Le projet remplacera la capacité qui est actuellement fournie par le parc de véhicules logistiques moyens à roues.

Il y a certainement plusieurs facteurs qui contribuent au bon déroulement d'un projet ou qui, à l'opposé, causent des problèmes majeurs. En voici certains :

Premièrement, assigner un petit nombre de postes et le personnel militaire ainsi que les fonctionnaires qui s'y rattachent au tout début du projet facilitera grandement un processus opportun et efficace de dotation de la part du Conseil du Trésor. On a constaté qu'un petit investissement initial de ce genre pour les projets les plus importants et critiques permettait d'améliorer le temps de dotation de plus de 50 p. 100. D'autres ministères ne disposent pas forcément de postes similaires à assigner aux projets qui n'ont pas encore reçu l'approbation du Conseil du Trésor.

Deuxièmement, certains projets ont bénéficié d'une participation importante de la part des hauts gradés du ministère de la Défense nationale et du gouvernement qui ont accéléré les choses et qui ont supprimé des obstacles qui ont tendance à ralentir certains projets. Cette méthode s'est avérée efficace pour les grands projets de l'État qui ont une grande visibilité.

Troisièmement, l'industrie de la défense au Canada est limitée au niveau de son envergure et de ses effectifs. On peut donc constater des différences de temps de réponse considérables de la part des entreprises qui sont occupées ou peu disposées à affecter des ressources pour répondre aux besoins en matière de développement du Canada comparativement aux entreprises moins occupées ou disposées à affecter des ressources pour répondre à ces besoins. À titre de partenaire, l'industrie peut jouer un rôle considérable pour tout ce qui touche les délais d'acquisition de la défense; en particulier lorsque pour des raisons de propriété intellectuelle, de politique ou autres, l'achat auprès d'un fournisseur unique est la seule stratégie viable.

Quatrièmement, doter les postes d'un bureau de projet à l'aide de personnes qui sont qualifiées et qui possèdent l'expérience nécessaire peut être un problème majeur. En ce qui concerne le personnel militaire, le problème consiste à réussir à obtenir au moment opportun des personnes ayant reçu la formation adéquate. En ce qui concerne les employés civils, le problème fondamental demeure la période qu'il faut pour doter les postes.

Le major général Dempster a comparu devant vous le 11 avril 2005 pour vous présenter ses recommandations concernant la façon d'améliorer la rapidité et l'efficacité du processus d'acquisition. Je ne suis pas en mesure de vous présenter de nouvelles recommandations. Je voudrais cependant vous indiquer que l'approvisionnement est un processus complexe. En établissant des liens étroits avec d'autres ministères, tôt dans le processus, on s'assure que les stratégies des projets seront soutenues dans l'ensemble du gouvernement et que les décisions seront prises en respectant les mandats du gouvernement. L'établissement de ces liens, tôt dans le processus, permet également d'éviter de réviser les stratégies qui étaient soutenues par la haute direction ou approuvées par toutes les parties prenantes dès le départ. Plus simplement, si l'on obtient l'apport du gouvernement dès le début et si l'on maintient fermement les décisions prises, le processus d'acquisition devrait se dérouler sans heurts et dans des délais appropriés.

Le président : Je vous remercie.

Le brigadier général Dwayne Lucas, directeur général, Gestion du programme d'équipement aérospatial, Défense nationale : C'est un honneur pour moi de comparaître devant vous aujourd'hui pour vous décrire mes responsabilités et mes activités au sein du programme d'équipement aérospatial. Je suis le brigadier général Lucas, chef de la division. Il va sans dire que l'activité du programme a été dynamique et continuera d'accélérer au fur et à mesure que s'effectue la transformation du ministère. Ma division assure le soutien en service de tous les véhicules aériens et systèmes de radar aériens tout au long de leur cycle de vie. De plus, nous sommes responsables de la majorité des projets d'acquisition d'immobilisations dans le secteur aéronautique. Je suis le chef du génie pour la Force aérienne et responsable de tous les conseils en génie aéronautique. En vertu de la Loi sur l'aéronautique, je suis responsable de la navigabilité technique et je suis chargé de certifier la navigabilité technique de tous les produits aéronautiques. Je l'indique parce qu'il s'agit d'une responsabilité légale prévue par la Loi sur l'aéronautique.

Je travaille en collaboration avec le sous-ministre adjoint, M. Dan Ross, afin d'exécuter le programme de matériel aérien en fonction des besoins établis par le chef d'état-major de la Force aérienne, le lieutenant général Steve Lucas. Ma division compte un effectif de 1 100 personnes qui comprend le Centre d'essais techniques (Aérospatiale) situé à Cold Lake en Alberta. Je sais que vous avez eu l'occasion de parler à son commandant. Nous offrons des services de soutien à 14 différentes flottes d'aéronefs, ce qui représente plus de 1 000 contrats de soutien en service à un coût d'environ 800 millions de dollars. Il est important de souligner que nous n'avons pas d'importants centres de révision dans la Force aérienne puisque ce travail est effectué uniquement par l'industrie. Sur le plan des immobilisations, nous exécutons 450 contrats dont l'importance et la complexité varient de quelques millions à des milliards de dollars. Les dépenses totales annuelles s'élèvent à environ 500 millions de dollars et connaissent une croissance exponentielle. Avec l'introduction du projet d'aéronefs de recherche-sauvetage à voilure fixe, le nouveau projet d'hélicoptères tactiques, les projets de véhicules aériens sans pilote et la possibilité d'un projet d'aéromobilité, le programme d'immobilisations augmentera de façon considérable. On aura donc besoin de personnel supplémentaire sur le plan technique et pour la gestion de projet.

Les programmes de modernisation du CP-140 Aurora et du CF-18 Hornet dominent le programme actuel d'immobilisations. Le projet de modernisation du CF-18 fonctionne bien parce que nous avons un seul entrepreneur et agent d'intégration, et nous tirons parti d'un programme similaire entrepris par la Marine américaine et la Royal Australian Air Force. L'expérience acquise est mise en commun et dans divers cas, chaque pays a assumé la responsabilité de certains domaines de développement afin de partager et de réduire les risques et les coûts généraux du projet. Je tiens à souligner que lorsque nous n'arrivions pas à trouver un système de présentation adéquat pour notre aéronef, nous avons piloté un nouveau projet de système de présentation couleur qui a permis au Canada de développer un produit de calibre mondial que d'autres pays sont en train d'acheter. Ces collaborations sont essentielles pour produire le meilleur produit au meilleur coût et dans les plus courts délais possible.

L'un de nos projets les plus exigeants est le projet de modernisation du CP-140, où nous assumons l'intégration des systèmes pour plus de 23 contrats importants passés avec une multitude d'entreprises. Ce projet a débuté à la fin des années 90, lorsque les fonds d'immobilisations étaient insuffisants. Par conséquent, le projet a été mis en œuvre progressivement.

Je tiens à signaler que ce projet se déroule relativement bien grâce à une excellente équipe de projet dirigé par un remarquable gestionnaire de projet.

Je tiens à souligner une orientation que nous avons prise dans le domaine du soutien en service qui devrait accroître les résultats opérationnels, permettre de réaliser des économies importantes et d'assurer une meilleure structure générale de responsabilisation pour créer la meilleure industrie de soutien des aéronefs, compétitive à l'échelle internationale. Notre programme de gestion optimisée des systèmes d'armes produit une structure de soutien axée sur les résultats, fondée sur le rendement à long terme pour l'ensemble des services de soutien d'un système d'armes donné.

Nous sommes sur le point de terminer notre projet concernant le CP-140 Aurora et l'aéronef C-130 Hercules, pour lesquels nous allons conclure des contrats à long terme, fondés sur le rendement. Comme je l'ai indiqué, cela devrait permettre de réduire les coûts des services de soutien, d'améliorer les produits opérationnels et d'établir une excellente base de soutien industrielle canadienne.

Ces dernières années, la demande de fonds pour le soutien en service afin de répondre aux besoins opérationnels a dépassé le financement disponible. Cela a entraîné un arriéré dans le soutien en service et réduit la disponibilité opérationnelle. La situation devrait s'améliorer grâce à l'introduction récente d'un financement accru pour le soutien en service. Notre personnel travaille d'arrache-pied pour que cela devienne réalité, mais nous devons reconnaître que la production d'équipement extrêmement complexe nécessite des délais importants de mise en production. Le financement doit être constant et fourni à long terme pour que l'on puisse optimiser les programmes et éviter l'inefficacité causée par divers niveaux de financement d'une année à l'autre.

Pour exécuter notre programme, qu'il s'agisse du programme d'immobilisations ou de soutien en service, nous travaillons étroitement avec d'autres ministères. Même si je reconnais que nous dépensons des fonds importants au sein du gouvernement en général, nous devons accorder une plus grande importance aux avantages militaires plutôt qu'aux avantages industriels et régionaux. Notre grande priorité doit être accordée à nos hommes et à nos femmes qui sont au front, qui ont besoin rapidement de notre équipement qui leur permettra d'accomplir leur mission et dans la majorité des cas de réduire le risque auquel ils sont exposés.

Même si je reconnais que ces dernières observations remettent en question le statu quo, je considère qu'il est important que nous examinions toutes les possibilités d'accélérer l'acquisition de nouvel équipement. Nous le devons aux jeunes hommes et aux jeunes femmes que nous servons; c'est notre devoir.

C'est un honneur pour moi de diriger une équipe de défense axée sur la mission et extrêmement motivée. Je suis continuellement stupéfié par la façon dont les membres de mon équipe arrivent à fournir à notre personnel en première ligne l'équipement dont il a besoin.

Le sénateur Forrestall : J'ai eu plusieurs fois l'occasion de constater ce savoir-faire, en ayant observé deux fois la construction du Queen Mary II par un pays étranger à l'extérieur de la Grande-Bretagne. Cela a été fait en quelques années, ce qui m'amène en général à poser certaines questions. J'aimerais que chacun de vous trois y réponde.

En ce qui concerne votre engagement, chacun d'entre vous peut-il me donner une idée d'un ou deux projets qui ont eu du succès et m'indiquer pourquoi ces projets ont réussi et, parallèlement, un ou deux projets qui n'ont pas donné d'aussi bons résultats et, particulièrement, les raisons de cet échec. Je songe à des questions de délais, de retards, etc.

Le Cmdre Westwood : Je ne suis pas sûr de bien comprendre ce que vous voulez savoir, mais j'examinerai les deux principaux programmes de construction navale.

Le sénateur Forrestall : J'aimerais savoir pourquoi il faut 15 ans pour qu'un hélicoptère soit en état de fonctionner alors que l'on a construit le Queen Mary II en deux ans.

Le Cmdre Westwood : La conception d'un navire est un peu plus complexe que cela, sénateur. Si je prends les deux principaux projets de construction navale qui se sont déroulés au cours de ma vie, c'est-à-dire les frégates de patrouille canadiennes et les programmes canadiens de navires de défense côtière, ces deux projets ont connu des retards dès le départ. Les contrats ont été conclus, les chantiers navals et leurs sous-traitants avaient un calendrier de livraison et, dans les deux cas, dès le départ, ils ont pris du retard parce qu'ils ne sont pas arrivés à réunir le personnel requis pour préparer la conception à temps pour effectuer la construction à temps. Au fur et à mesure du déroulement des projets et vers la fin des projets, ils ont rattrapé le temps perdu parce qu'ils avaient acquis une certaine expérience. Il y avait 12 programmes de navires et, vers la fin, dans le cadre des deux projets, tous les navires ont été livrés avant la date prévue et à un coût inférieur à celui prévu à l'origine par le programme.

Cependant, au départ, on aurait pu dire que ces projets n'étaient pas efficaces parce qu'il y avait des retards. La première frégate a eu trois ou quatre ans de retard et le premier navire de défense côtière a été livré avec quelques années de retard. C'est le caractère de l'entreprise.

Le sénateur Forrestall : Des projets qui n'étaient pas efficaces au départ le sont devenus par la suite; est-ce exact?

Le Cmdre Westwood : La frégate de patrouille canadienne est un navire de calibre mondial, reconnue par la plupart des spécialistes au monde, mais il a fallu effectivement du temps pour réunir le savoir-faire et la capacité technique permettant de livrer ce produit.

Le sénateur Forrestall : Que fait-on pour remplacer les quatre destroyers porte-hélicoptères?

Le Cmdre Westwood : Nous avons un projet, qui en est à l'étape des besoins, avec le chef d'état-major de la Force maritime, le projet de bâtiment de combat de surface de classe unique, qui ne fait pas présentement partie du programme financé et qui est destiné à remplacer les quatre destroyers et à assurer ensuite un suivi pour ce qui est des frégates.

Le sénateur Forrestall : Quand commencerez-vous à construire ces navires?

Le Cmdre Westwood : Je ne peux pas vous en donner les dates exactes, mais nous sommes toujours en train de penser que la construction ne se fera pas avant 2015.

Le Col Wingert : Je ne peux trouver aucun projet qui n'a pas permis de livrer le produit approprié pour répondre aux besoins de l'état-major de l'armée de terre ou de l'armée. Tous les projets que nous avons exécutés ont bien servi l'armée. Il s'agit de produits de calibre mondial. Bien entendu, cela ne signifie pas que l'équipement est acheté aussi rapidement qu'on le voudrait.

Le temps nécessaire pour acquérir le matériel en ce qui concerne les services est déplorable et j'ai fait des commentaires à cet égard dans ma présentation, mais pour ce qui est de l'équipement, il a donné d'excellents résultats. Tout ce que nous avons acheté a pleinement répondu aux besoins opérationnels de l'armée.

Le sénateur Forrestall : Certains des retards que vous avez connus ont-ils été causés par d'autres préoccupations ministérielles avec lesquelles vous devez composer, le Conseil du Trésor par exemple?

Le Col Wingert : Je vous renvoie, monsieur, à la comparution du général Dempster devant le comité et aux recommandations qu'il vous a présentées sur la façon d'améliorer la période d'acquisition. Je crois que ces recommandations et ces renseignements s'appliquent toujours. Les ministères travaillent ensemble de façon très étroite. On pourrait accélérer le processus, mais cela n'est pas attribuable à la mauvaise volonté de qui que ce soit, mais plutôt il s'agit de s'assurer que l'on assigne l'effectif approprié aux projets de même que les ressources nécessaires pour les mener à bien.

J'aimerais aussi faire un commentaire sur un autre point dont a parlé le général Dempster, à savoir la rapidité avec laquelle nous pouvons interrompre des projets en cas de besoin pressant et nous l'avons constaté à maintes reprises lors de nos missions opérationnelles au cours desquelles nous avons dû doter de toute urgence des besoins opérationnels. Nous pouvons exécuter des projets extrêmement rapidement, ce que nous avons fait en Afghanistan, en Irak, et sur tous les autres théâtres. Le seul problème en ce qui concerne ces projets, c'est que dans le cas des besoins opérationnels non planifiés, le processus exige énormément de temps de la part de notre personnel. Essentiellement, nous devons abandonner toutes nos autres activités pour doter ces projets en particulier.

Ce serait bien si l'on pouvait traiter tous les projets comme des besoins opérationnels non planifiés, mais nous n'avons pas les ressources humaines pour exécuter des projets aussi rapidement, de façon courante.

Le sénateur Forrestall : Je comprends ce que vous dites.

Le Bgén Lucas : En ce qui concerne le programme de CF-18, au début — et j'étais là au début — nous avons eu de la difficulté. Nous avons eu de la difficulté parce que nous ne pouvions pas obtenir un mandat clair de la part du gouvernement. Il s'agissait d'un programme d'avions de combat à une époque où nous nous débattions avec la question de savoir si nous devrions avoir un avion de combat piloté. Comme le gouvernement n'avait pas manifesté clairement son intention à cet égard, la situation était difficile.

Une fois que nous avons obtenu cet accord, le prochain obstacle consistait à obtenir un financement constant et clair. Au début, nous n'avons reçu qu'un financement par reconduction. Enfin, en 2000, nous avons obtenu un mandat clair pour la pleine période du programme. Depuis, le programme a accéléré, grâce à l'étroite collaboration des autres ministères.

Un autre aspect important, c'est lorsque d'autres pays travaillent à des produits ou à des projets semblables. Il faut mettre sur pied des équipes multinationales pour partager les besoins et aller de l'avant. Le coût de la recherche et du développement sur une période donnée est assez important. C'est ce que nous avons fait pour le 18. Je peux vous donner l'exemple des systèmes de présentation. Nous n'arrivions pas à trouver un système de présentation approprié, et les Australiens non plus. Les Américains de leur côté se couvraient. Nous avons décidé que nous le ferions. Nous nous sommes réunis avec nos spécialistes de la recherche en matière de défense et avec l'industrie, nous avons constitué une équipe et nous avons maintenant un produit de calibre mondial. Si nous en vendons le nombre prévu, nous obtiendrons ce produit à la moitié du coût parce que nous toucherons des redevances sur les ventes.

Maintenant, j'aborderai la question du CP-140. En ce qui concerne l'Aurora, notre démarche était graduelle et est toujours graduelle en ce sens que nous avons une seule personne qui essaye de réunir 23 projets importants différents afin de livrer l'aéronef, et une équipe qui tâche constamment d'intégrer un nombre d'entreprises différentes. La tâche est difficile.

Je crois qu'il faut avoir un seul agent d'intégration, le rende responsable et l'obliger à livrer le produit. C'est là où l'industrie doit constituer ces équipes de collaborateurs. Si vous obtenez l'accord du gouvernement, vous obtiendrez les niveaux de financement appropriés et vous pourrez agir plus rapidement.

Le sénateur Forrestall : Je comprends ce que vous dites. Au niveau du commandement du matériel, est-il possible d'organiser le type d'équipe dont vous parlez?

Est-il possible de constituer une équipe multinationale ou politique au niveau industriel et militaire?

Le Bgén Lucas : En ce qui concerne certains systèmes d'armes, nous entretenons des relations solides avec nos alliés. C'est l'un des aspects clés de l'interopérabilité. Nous partageons cette façon de faire avec les deux autres services et nous entretenons des liens solides soit par le biais de l'OTAN, nos alliés américains, ou avec la Nouvelle-Zélande et l'Australie.

Dans les différents secteurs de systèmes d'armement, nous entretenons des relations étroites afin de pouvoir mener à bien ces activités. Je répondrais oui, absolument.

Le sénateur Forrestall : Est-ce que nous nous débrouillons particulièrement bien au niveau du temps et de l'efficacité, lorsque nous voulons obtenir une pièce d'équipement qui existe?

Le Cmdre Westwood : Nous avons un projet de coopération à l'heure actuelle avec les Hollandais afin de fournir un capteur infrarouge. Ce projet en est à l'étape de la mise en œuvre. Le développement est assuré par une équipe qui se compose de militaires hollandais et canadiens qui gèrent le projet avec des représentants de l'industrie hollandaise et de l'industrie canadienne.

Au cours de l'étape de l'élaboration, ce sont les Hollandais qui ont dirigé l'organisation. Maintenant que nous abordons l'étape de la mise en œuvre, nous dirigerons l'organisation et l'industrie canadienne sera le principal entrepreneur pour ce projet particulier.

Si vous parvenez à déterminer l'existence de besoins similaires et à obtenir un financement similaire dans le cadre du programme pour l'appuyer, si les deux pays disposent du financement au moment où le produit peut être développé, alors vous pouvez coopérer et obtenir ainsi des gains d'efficacité; vous partagez le coût du travail. Il s'agit surtout de partager les coûts, mais cela ne permet pas nécessairement d'accélérer le calendrier de production.

Le sénateur Forrestall : Quel est votre principal défi?

Le Cmdre Westwood : Mon principal défi — et je suis sûr que mes collègues seront d'accord avec moi — est la pénurie de personnel possédant une formation en gestion de projet pour exécuter le programme, surtout compte tenu de l'augmentation de nos budgets d'approvisionnement national pour assurer un soutien en service.

Dans mon cas, je passe d'un programme d'immobilisations inactif qui commence à prendre un certain essor pour ce qui est du soutien et de la modernisation de la classe Halifax et le problème sera de faire en sorte d'obtenir le personnel nécessaire pour livrer le produit.

Le Col Wingert : J'abonde dans le même sens. Il s'agit d'un problème important. Ce problème persistera au cours des prochaines années. En dehors d'Ottawa, en tant que membre de la succursale EME et officier supérieur dans ce corps en particulier, c'est un problème pour tous mes techniciens.

Ces dernières années, nous avons recruté un grand nombre de gens, mais ils ne sont pas arrivés à un niveau de leur carrière où ils peuvent être utiles aux projets effectués à Ottawa. Pour l'instant, 25 à 40 p. 100 de nos techniciens n'ont pas encore atteint le niveau de compagnon. Cela signifie qu'ils en sont encore au niveau d'apprenti. Cela a un énorme impact sur l'armée pour ce qui est de trouver des techniciens qualifiés à déployer sur les théâtres opérationnels.

À Ottawa, 30 p. 100 des postes de capitaine sont vacants pour l'instant parce que nous employons ces gens ailleurs. Nous avons l'effectif voulu, mais nous tâchons de conserver sur le terrain les officiers subalternes afin qu'ils acquièrent l'expérience de l'environnement opérationnel avant de les ramener à Ottawa pour acquérir une expérience en gestion de projets. Il ne fait aucun doute qu'il existe un problème de ressources humaines tant dans l'armée que dans la fonction publique.

Depuis 1990, nous avons réduit l'expérience de gestion de projets dans la fonction publique. J'ai établi qu'elle avait été réduite de moitié au moins et c'est quelque chose que, avec toutes les acquisitions qui nous ont occupés au cours des cinq ou six dernières années, nous essayons de reconstituer. Cela s'améliore, mais c'est toujours un problème.

Le Bgén Lucas : Le personnel est notre plus gros problème à tous; pas les fonds, monsieur. Nous avons reçu 1,6 milliard cette année en crédit d'immobilisations. La somme passera à 4 milliards dans deux ans. Nous aurons du mal à arriver à trouver le personnel nécessaire pour réaliser ces projets.

Ce n'est pas relié seulement au ministère, mais aussi à l'industrie. Si vous investissez 2,5 milliards de plus dans l'industrie dans les deux prochaines années, elle devra produire plus de techniciens et de travailleurs spécialisés.

À mon avis, la plus grosse difficulté, sera de trouver du personnel spécialisé et compétent pour accomplir la tâche, autant à l'interne qu'à l'externe, et non les fonds.

Le sénateur Forrestall : Les maisons d'enseignement, comme les universités et les écoles techniques, ont-elles un rôle à jouer?

Ont-elles un rôle dans la formation du personnel spécialisé dont nous avons besoin?

C'est comme si le ministère du Travail disait aux maçons : « Il va nous falloir 4 000 maçons dans deux ans, les avez- vous? » Dites-vous aux universités qu'il va vous falloir telle catégorie de personnes ayant tel ensemble de compétences?

Cela se fait-il dans les Forces armées canadiennes?

Le Bgén Lucas : Tout à fait, du côté des techniciens, nous travaillons avec plusieurs collèges, le collège Édouard- Montpetit à Montréal, SAIT à Calgary et Red River College à Winnipeg.

Je pense que l'alliance est bonne. Le problème c'est qu'Air Canada produit des avions C-Series et Bell Helicopter présentera sous peu une nouvelle famille d'aéronefs. Si Air Canada achète le nouvel appareil, avec lequel ils ont du mal, elle aura besoin de 2 000 techniciens de plus. Leurs techniciens vieillissent, de sorte que la demande au pays surpassera la capacité des maisons d'enseignement.

Du côté des universités, nous travaillons étroitement avec Carleton, le CMR et Polytechnique à Montréal. Ces trois universités forment des diplômés en génie aéronautique. Mais cela ne suffira pas. Si la progression de nos dépenses et du secteur de l'aviation continue au rythme actuel, il y aura une pénurie de personnel qualifié pour remplir la mission.

Le sénateur Forrestall : Diriez-vous que la situation est critique?

Le Bgén Lucas : Oui.

Le sénateur Munson : Vous avez parlé de pénurie de personnel. Personne dans les Forces armées n'a-t-il vu cette pénurie se dessiner il y a cinq ou dix ans? Quelqu'un aurait-il dû faire des plans en vue de cette pénurie?

Le Cmdre Westwood : Tout au long des années 90, le mantra du gouvernement, c'était réduction et compression; les administrateurs ont obéi.

Quand j'ai été commandant du Centre de maintenance de la côte Ouest de 1999 à 2001, on m'a répété sans cesse de faire des compressions.

J'ai regardé par la fenêtre un jour et je me suis dit que dans cinq ou six ans il ne me resterait plus aucun technicien capable d'assurer la maintenance à bord des navires parce qu'ils approchaient tous de l'âge de la retraite. On m'ordonnait de faire des réductions et d'offrir des forfaits de départ au moment où j'anticipais que dans cinq ou dix ans je n'aurais plus personne dans mon effectif pour faire le travail.

Le sénateur Munson : Le brigadier général Lucas semble dire que c'est la même chose dans le secteur privé.

Le Bgén Lucas : Il faut entre 10 et 15 ans pour produire quelqu'un qui possède les compétences et les connaissances nécessaires. Il est évident que cette décision aurait dû être prise en 1995 quand PR un et PR deux sont sortis.

J'étais aussi conseiller de la DG. Je vous le dis : on s'arrachait les cheveux. Avant, dans l'aviation, il y avait 12 000 techniciens; aujourd'hui, il y en a 4 500. C'est un groupe qui vieillit.

Regardez la pyramide des âges : il y en a beaucoup dans la catégorie de zéro à cinq ans, des jeunes sans expérience. Dans celle de 18-25, il y a un autre groupe important, qui approchera de l'âge de la retraite dans quelques années.

La planification du personnel à l'époque ne visait pas à trouver des gens et on a donc raté le coche. Ce ne sera pas facile de reconstituer l'effectif.

Le sénateur Day : Commodore Westwood, dans votre déclaration, vous avez dit être chargé de l'acquisition des plates-formes navales et de leur maintenance par la suite.

Ces temps-ci, il est beaucoup question du ravitailleur interarmées. J'aimerais savoir si vous ou votre personnel ont eu un rôle à jouer — et auquel cas lequel — dans l'établissement des capacités de ce ravitailleur en particulier.

Le Cmdre Westwood : C'est un ravitailleur interarmées et non un simple ravitailleur.

Le directeur du projet relève directement de moi. En revanche, les devis sont établis par la Marine. Une de mes tâches en matière de génie naval est de m'assurer de la validité du devis, qu'il puisse être exécuté et réalisé par l'industrie.

Il y a un processus de validation du devis auquel nous devons participer avec la Marine. Le devis proprement dit, par contre, vient des militaires et notre rôle est de fournir des solutions techniques.

Le sénateur Day : Avez-vous quoi que ce soit à voir avec les décisions? Faites-vous des recommandations?

Le Cmdre Westwood : Oui. Tout au long de l'examen des divers chantiers, nous donnons des avis aux opérateurs et aux chargés de devis pour leur dire si telle ou telle chose est réalisable et faire des recommandations sur ce qui pourrait l'être. Oui, cela se fait.

Le sénateur Day : Si nous achetions dans le commerce, cela prendrait énormément moins de temps à obtenir que si nous essayons de concevoir toutes les fonctions d'appui dans une seule plate-forme?

Le Cmdre Westwood : Ce n'est pas aussi facile que cela. Il n'y a pas beaucoup d'endroits où on peut acheter ce genre de navire dans le commerce. Dans le cas présent, le fait qu'il s'agit d'un exemplaire unique exigera un effort de conception spécial.

Cela dit, si nous nous contentions de remplacer les AOR actuels, les pétroliers ravitailleurs d'escadre, avec un AOR en service dans un autre pays, il faudrait quand même une filière. Il faudrait quand même le construire et il faudrait sans doute changer certains des systèmes, comme celui des communications, pour qu'ils soient compatibles avec la flotte actuelle. Il y aurait du travail de conception, même à partir d'un bâtiment qui existe déjà.

Le sénateur Day : Y a-t-il quelqu'un dans votre groupe, dans la Marine — la question se pose pour l'Armée et l'Aviation — qui se penche sur le temps supplémentaire qu'il faut pour imaginer une plate-forme unique à vocations diverses?

Quelqu'un prend-il une décision dans l'abstrait de faire cinq choses avec cette seule plate-forme? On fait ensuite appel à vous pour vous dire d'en faire l'acquisition, la concevoir avec ce que ça suppose de délais interminables.

Le Cmdre Westwood : Tout au long de la filière, il y a des concessions : à partir de l'idée initiale jusqu'au lancement des travaux. Les deux parties donnent leur avis.

Ma formation est en architecture navale. Je conçois des navires. À une certaine époque, j'étais à la tête de la section chargée de la conception des navires et du développement des concepts. Des opérateurs me soumettaient une exigence et je leur disais si c'était réalisable ou pas et ce que ça pourrait coûter.

Nous essayons de mettre plus d'une exigence à l'intérieur d'une seule coque tout simplement parce que nous n'avons pas suffisamment d'argent pour répondre à toutes les exigences dans des plates-formes spécialisées. Nous essayons d'économiser en regroupant les exigences dans une seule plate-forme.

Le sénateur Day : Cela se solde-t-il par d'immenses retards et, au bout du compte, de plus grandes dépenses si vous tenez compte de tout le temps et de tous les gens que cela exige?

Le Cmdre Westwood : La question est de savoir s'il serait plus coûteux d'avoir deux plates-formes uniques ou d'avoir une seule plate-forme qui réponde aux deux vocations.

Du côté des dépenses, nous combinons les deux exigences dans une seule plate-forme parce que c'est moins coûteux. Comme la complexité est plus grande, cela prendra plus de temps à concevoir. C'est certain.

Le président : Le comité trouve étrange qu'il y ait tant de choses qui doivent être spécifiquement canadiennes.

Pourquoi nos besoins sont-ils différents de ceux des autres pays? D'autres connaissent des difficultés financières et doivent s'acquitter des mêmes tâches et certains d'entre eux sont de la même taille que le Canada.

Pourquoi le Canada a-t-il besoin de quelque chose qu'un autre pays n'a pas déjà?

Le Cmdre Westwood : Dans le cas du ravitailleur interarmées, je peux comprendre. Nous avons certains besoins uniques en leur genre en matière de transport maritime que nous essayons de satisfaire de manière économique.

En général, les autres pays ont besoin de transport maritime et d'AOR. Il se peut qu'ils répondent à ces besoins à l'aide de deux plates-formes différentes. Nous avons essayé de combiner les deux parce qu'il est plus économique de construire un seul navire. Comme l'amiral l'a expliqué, l'espace et l'acier nécessaires pour agrandir un AOR pour qu'il ait une capacité de transport maritime ne sont pas chers si l'on compare cela à la construction d'une deuxième plate- forme qui assure le transport.

Le président : Vous avez l'air de dire que nous sommes les seuls assez malins pour avoir trouvé cette solution et que tous les autres pays ont trouvé des solutions qui ne sont pas très malignes.

Le Cmdre Westwood : C'est peut-être le cas. Nos FCP sont bâties différemment des navires de combat des autres.

Le président : Mais nous n'avons pas pu en vendre une seule à d'autres.

Le Cmdre Westwood : Oui, mais c'est habituellement le cas des constructions navales partout dans le monde.

Le président : J'admets que ce n'est pas une industrie fleur bleue.

Le sénateur Day : Commandant Westwood, vos comprenez ce que j'essaie de dire. J'espère que vous transmettrez le message. Comme je l'ai dit par le passé, essayer de réinventer le couteau suisse, une plate-forme polyvalente, n'est peut- être pas la façon économique de procéder.

Le Cmdre Westwood : Je comprends parfaitement mais dans certains cas c'est peut-être la solution. Comme je l'ai dit en réponse à la question du sénateur Forrestall, dans le cas du capteur infrarouge, nous nous sommes joints aux Pays- Bas et établi notre devis ensemble; cela a ensuite été développé.

Le sénateur Day : Nous avons présenté nos arguments et établi le fait que nous ne nous entendons pas sur ce point.

Je vais passer à la question du nombre de personnes dans votre division, dont les deux tiers sont des civils et le tiers des militaires. Il y a eu un échange intéressant tout à l'heure que j'aimerais approfondir avec vous.

Les militaires sont-ils en discussion avec les autorités universitaires et des collèges militaires pour qu'ils donnent des cours et encouragent les étudiants à s'orienter vers les marchés publics?

Serait-il avantageux pour la carrière des militaires de s'orienter vers les acquisitions?

Devrait-il y avoir un pourcentage plus élevé de civils au QG pour y acquérir des connaissances au lieu de retourner sur le terrain?

Le Cmdre Westwood : Dans notre cas, deux tiers de civils et un tiers de militaires, c'est un bon dosage. Il faut des gens qui ont l'expérience d'aller en mer et de travailler avec l'équipement pour pouvoir donner les bonnes solutions au personnel en mer.

Au sein de notre division, la majorité des employés qui s'occupent exclusivement des approvisionnements sont des civils appartenant au groupe PG. Les employés militaires sont habituellement des ingénieurs ou des spécialistes d'autres domaines. L'important, c'est d'atteindre le bon équilibre. Une proportion de deux tiers d'employés civils et d'un tiers d'employés militaires permet une continuité du point de vue civil et une bonne compréhension des besoins militaires.

Le sénateur Day : Ces personnes se spécialisent-elles dans les approvisionnements ou veillent-elles simplement à ce qu'on tienne compte des besoins militaires?

Le Cmdre Westwood : Je suis arrivé à Ottawa à titre de nouveau commandant. J'ai une formation d'architecte naval et je m'occupais de la réparation des navires basés sur nos côtes. Je me suis spécialisé dans la conception navale et dans la mise en œuvre de programmes. Les personnes chargées de la gestion de projet relevaient de moi. J'ai été gestionnaire de projet pour un important projet de la Couronne pendant six ans. J'ai ensuite été chargé de tout le service qui s'occupe des approvisionnements ainsi que du soutien en service. Il s'agit d'un bon mélange.

Le sénateur Day : Nous avons beaucoup lu sur la nouvelle vision du nouveau chef d'état-major en ce qui touche les formations conjointes et une coopération plus étroite entre les divers éléments des Forces armées canadiennes.

Pensez-vous que cette vision se reflétera aussi dans le domaine des approvisionnements de sorte que d'ici un ou deux ans, la même personne sera chargée des approvisionnements pour l'Armée, la Marine et la Force aérienne?

Le Bgén Lucas : Je crois que la vision du CEM prévoit un seul chef du développement des forces. Une seule personne sera chargée de veiller à l'intégration de notre approche. Compte tenu des caractéristiques particulières des forces aérienne, terrestre et navale, il faudra toujours faire appel à des spécialistes de ces domaines. Je pense cependant qu'il y aura une intégration plus poussée des forces. À l'heure actuelle, des membres des forces terrestre, aérienne et navales participent ensemble à la mise en œuvre du projet technique de transport aérien — le gros hélicoptère de transport — et cela dans le but que nous disposions de tous les renseignements voulus sur l'aéronef. Une personne sera chargée de gérer tout le projet, mais des spécialistes des diverses composantes militaires seront appelés à y participer.

En ce qui touche la question que vous avez posée au commodore Westwood, j'aimerais attirer votre attention, si vous me le permettez, sur deux points. Premièrement, les militaires qui font partie des équipes de projet font profiter ces projets de leur expérience opérationnelle. Ils connaissent les conditions sur le terrain. Ils mettent donc leur expérience au service de l'équipe de projet.

Deuxièmement, en raison du travail opérationnel qu'ils ont déjà accompli, ils connaissent habituellement des représentants des divers pays avec lesquels ils ont travaillé. Lorsqu'ils veulent téléphoner à un représentant de l'Australie, des États-Unis ou de la Grande-Bretagne, ils savent à qui s'adresser parce qu'ils ont déjà travaillé avec cette personne. C'est très utile et cela permet d'exercer une influence sur la conception des programmes. Ces équipes de projet profitent donc de la présence des militaires dans cette mesure.

Le sénateur Day : Vous avez dit que les militaires du CMR acquièrent des compétences en ingénierie aéronautique, mais que les compétences nécessaires dans le domaine des approvisionnements sont davantage liées à l'ingénierie industrielle. Avez-vous eu des discussions avec des représentants du Collège militaire royal et des universités civiles sur la formation du personnel des forces armées pour que celui-ci puisse acquérir les compétences dont ont besoin les forces?

Le Bgén Lucas : Notre programme de formation en ingénierie aéronautique comporte maintenant des cours de gestion de projet. C'est donc un élément de la formation qui va prendre de plus en plus d'ampleur. Il y a quelques semaines, nous avons parlé avec M. Cowan du programme aéronautique. À la BFC de Borden, on dispense une formation pratique en première année.

À SMA (Mat), M. Ross a décidé de mettre l'accent sur cette partie de la formation. Il souhaite établir des liens avec l'institut de gestion des programmes et mettre sur pied des cours à l'intention du personnel. Je n'ai pas personnellement parlé à d'autres universités que celle de Carleton et l'École Polytechnique de Montréal pour leur demander d'inclure des cours de planification à la gestion dans le cadre de leurs programmes d'ingénierie.

Le sénateur Day : À moins qu'on ne me dise le contraire, je présumerai que cela vaut aussi pour l'armée et la marine.

Colonel Wingert, dans votre déclaration préliminaire, vous avez fait allusion à la comparution devant ce comité du major général Dempster. Êtes-vous en désaccord avec certaines observations qu'il nous a faites?

Le Col Wingert : Je n'oserais pas être en désaccord avec lui parce que j'ai travaillé avec le général Dempster lorsque nous relevions tous deux de l'amiral Garnet lorsqu'il était vice-chef de l'état-major. Je n'oserais jamais contredire ce que vous ont dit l'un et l'autre. Il s'agit d'observations valables qui ne seront cependant pas faciles à mettre en œuvre.

Le sénateur Day : Il s'est agi d'une discussion plus franche que celle que nous avons normalement avec des militaires. Il se peut que cela ait eu quelque chose à voir avec le fait que le général Dempster s'apprêtait à prendre sa retraite.

Le Col Wingert : Tout ce qu'il vous a dit était juste. Je ne veux pas vous parler pour l'instant de questions techniques liées à la gestion de projets, mais les différents services concertent leurs efforts pour fournir le meilleur produit possible dans le meilleur délai possible. Chaque service a un mandat distinct, mais tous les services collaborent ensemble.

Le général Dempster a parlé de la question des ressources humaines et des pouvoirs dont dispose le ministre en matière de dépenses. Les recommandations qu'il vous a faites contribueraient beaucoup à nous permettre de livrer les produits que nous devons livrer.

Compte tenu de la vaste expérience que possède le général Dempster, je ne pourrais certainement pas vous faire des recommandations aussi nombreuses que les siennes.

Le sénateur Day : Le Secrétariat du Conseil du Trésor nous informe qu'il mènera une étude sur les approvisionnements militaires.

Les observations du général Dempster constitueraient-elles un bon point de départ et avez-vous déjà contribué à l'étude que va entreprendre le Conseil du Trésor?

Le Col Wingert : Je ne peux pas parler au nom de mes deux collègues, mais nous n'avons pas encore commencé à participer à cette étude. Je pense vraiment que les recommandations du général Dempster pourraient constituer un bon point de départ pour toute étude.

Le président : La pénurie de gestionnaires de projet semblait s'accompagner d'une pénurie de techniciens et de spécialistes de l'entretien. Existe-t-il une différence entre ces deux groupes?

Si j'ai bien compris, nous manquons de spécialistes pour réparer l'équipement et pour l'entretenir. Ces spécialistes sont-ils aussi chargés de la gestion des projets?

Le Col Wingert : Je vais vous parler du point de vue de l'armée et je crois que la même chose vaut pour la marine et l'aviation. Je vais prendre l'exemple d'un officier puisque ce sont habituellement des officiers qui participent à la composante militaire d'un projet. Lorsqu'un officier obtient son diplôme ou lorsqu'un officier est recruté d'une université — parce que les diplômés des universités et des collèges peuvent immédiatement devenir des officiers — nous ne lui offrons pas un premier emploi à Ottawa. Nous l'affectons au sein d'une unité ou d'une formation où il acquiert l'expérience dont il aura par la suite besoin dans sa carrière.

Après une ou deux affectations, nous amenons l'officier à Ottawa. Nous lui fournissons alors une formation en gestion de projet, ce qui revêt une grande importance au niveau d'officier subalterne, mais c'est lorsque l'officier atteint le rang de major et de lieutenant-colonel qu'il peut vraiment contribuer à la gestion du projet. L'officier de ce rang reçoit une formation approfondie en gestion de projet.

La même chose s'applique aux techniciens. Le technicien ne sera pas nécessairement affecté à Ottawa avant 20 ou 25 ans et c'est à ce moment-là qu'il peut fournir des conseils techniques aux unités.

Le président : Faut-il comprendre que vous ne pouvez pas recruter des cabinets d'ingénieurs pour gérer un projet parce qu'ils ne correspondraient pas alors à vos besoins?

Le Cmdre Westwood : Nous faisons encore beaucoup appel à des cabinets privés. Il faut cependant être un client intelligent. Il s'agit d'être en mesure d'être un client intelligent. Il y a une pénurie au sein de l'armée de spécialistes et de membres des corps de métiers qui participent habituellement à la gestion de projet. Il est aussi difficile de trouver des civils pour remplir ce genre de fonctions. Les deux tiers de ma division se composent de civils. Je vois des militaires qui quittent les forces armées après 20 ans pour participer à la gestion de projet à titre d'ingénieur civil.

Le président : N'y a-t-il pas beaucoup d'entreprises auxquelles vous pouvez faire appel? N'est-il pas normal, quand vous faites face à une flambée des dépenses, de vous adresser à des entreprises de l'extérieur et de leur demander de vous aider à gérer ce projet étant donné qu'elles ont de l'expérience?

Le Bgén Lucas : Nous le faisons. Nous avons moins de 50 personnes affectées au projet CF-18. Nous avons signé un contrat important avec Boeing, mais la compagnie travaille sur le même projet avec la marine américaine et les forces aériennes australiennes. L'équipe chargée de la planification du projet compte quelque 350 personnes. La compagnie a plus d'une chaîne de montage. Elle a des gens à Mirabel, à Ottawa et à St. Louis qui travaillent sur le programme même.

La tâche de cette équipe est de faire en sorte que les exigences soient satisfaites — que la livraison se fasse à temps, que la valeur du produit corresponde au montant que nous leur versons et qu'elle conçoive le bon programme de soutien en service qui nous permet d'assurer la maintenance à des coûts raisonnables et que le produit soit raisonnablement fiable. C'est ce qui est en train de se produire maintenant.

Il en va de même pour le CP-140. Nous avons confié des portions de ces contrats à des sous-traitants, c'est-à-dire que nous avons combiné trois ou quatre activités et nous les avons confiées à un entrepreneur. Nous lui avons dit ceci : vous êtes en charge maintenant; vous vous occupez de ces cinq autres compagnies et des pièces de l'équipement dont elles ont besoin pour livrer le produit final. C'est ce que nous faisons maintenant.

Le programme de gestion du système d'armement optimisé va exactement dans ce sens. En effet, nous sommes en train de transférer à l'industrie des responsabilités plus importantes que nous le faisions auparavant au sein de la division. Nous confions ces responsabilités maintenant à diverses sociétés telles que IMP, L-3 Communications à Halifax, et nous ferons de même pour les Hercules sous peu.

Le sénateur Atkins : Nous avons parlé d'acquisitions de matériel important. Qu'en est-il du matériel plus petit? Par exemple, le comité s'est rendu à Kingston et a visité le secteur des communications. Durant notre visite, un technicien a tenté de nous faire une démonstration de quelque chose, mais il n'a pas réussi à le faire, car il lui manquait une pièce d'équipement. Il nous a dit qu'il pouvait acheter la pièce en question à Radio Shack, mais qu'il devait attendre que l'armée la lui envoie, ce qui prend parfois des mois.

Comment gérez-vous ce genre de problème?

L'armée gère-t-elle ses systèmes d'inventaire avec des ordinateurs?

Le Col Wingert : J'aurais de la difficulté à vous parler de ce cas en particulier, car il pourrait y avoir une centaine de raisons pour laquelle la pièce en question n'était pas disponible.

Bien entendu, il y a des priorités. Je ne parle pas des priorités financières, car le problème, comme je l'ai dit tout à l'heure, n'est pas d'ordre financier.

Le sénateur Atkins : C'est le processus.

Le Col Wingert : Il se peut que ce soit le processus comme il se peut que ce soit la pièce en question. Le technicien vous a mentionné qu'il pouvait se procurer la pièce en ville. Je ne remets pas en question la véracité de ce propos. J'aurais besoin de connaître les détails pour être en mesure de répondre à cette question en particulier.

Ce n'est pas un problème financier. Honnêtement, c'est un problème humain. En outre, nous avons eu des problèmes avec la mise en œuvre de notre nouveau système d'approvisionnement. Nous nous sommes heurtés à des problèmes de localisation de stocks qui n'avaient pas été mis en réserve ailleurs dans le système d'approvisionnement. La pièce en question n'était peut-être pas disponible pour toutes sortes de raisons.

Nous pouvons utiliser le système d'approvisionnement dans la mesure où nous pouvons faire en sorte que les étagères soient emplies avec les bonnes pièces au bon moment. Aujourd'hui, dans l'armée, nous avons un problème de pièces de rechange. Le volume de travail qui attend nos techniciens est énorme. Cela étant, d'une manière générale, nous n'éprouvons pas de problèmes en ce qui a trait aux pièces de rechange en campagne, ni au Canada. Il faudrait que je connaisse les détails du cas spécifique que vous citez dans le secteur de l'armement électronique.

Le sénateur Atkins : Quand notre comité s'est déplacé partout au pays, nous avons entendu à de nombreuses occasions que le problème de la maintenance était en partie dû au manque de pièces de rechange.

Le Cmdre Westwood : En ce qui concerne cet exemple particulier, la plupart des organismes côtiers et de formation ont la capacité d'utiliser des bonds de commandes avec l'échelle locale. S'ils ont besoin de quelque chose de Radio Shack ou de Canadian Tire, ils peuvent aller l'acheter. Au sein de l'installation de maintenance de la flotte, nous achetons souvent du matériel localement. Si nous commençons par le système d'approvisionnement pour découvrir que la chose nécessaire pour envoyer les navires en mer n'est pas disponible, nous irons l'acheter. Il y a des mécanismes qui existent pour palier à ce problème.

Cependant, dans bien des cas, la pièce de rechange ou l'appareil nécessaire n'est pas disponible sur l'étagère d'une entreprise commerciale et il faut retourner au fabricant original de l'équipement afin de l'avoir. Par exemple, une compagnie auprès de laquelle nous avons acheté une console d'entraînement de contrôle des avaries avait été mise sous séquestre et avait cessé ses activités. Il s'agit d'un système informatisé pour lequel il me fallait une pièce de rechange. Nous avons acheté des droits de propriété intellectuelle quand la compagnie a fait faillite afin qu'on puisse essayer de trouver un autre fournisseur de pièces de rechange pour appuyer le système jusqu'à ce qu'on puisse finalement le remplacer. Nous ne pouvons pas garantir que les entreprises maintiennent leurs opérations.

Le sénateur Atkins : Tant qu'une pièce d'équipement est en production, il devrait y en avoir en stock.

Cmdre Westwood : Nous tentons de maintenir le meilleur niveau de stocks possible. Cependant, nous avons beaucoup de matériel à l'échelle des Forces canadiennes et par moment nous faisons face à des situations où la source d'approvisionnement n'existe plus, et nous sommes obligés de trouver un autre fournisseur, ce qui prend un certain temps.

Le président : Le sénateur Atkins décrit une situation que nous avons vue partout. Nous l'avons vue dans la réparation des Hercules, où les techniciens à Trenton qui sont très heureux de leurs conditions de travail veulent partir parce qu'ils n'ont pas de pièces de rechange. Quand nous étions à Esquimault, nous avons vu du matériel déplacé d'Ottawa à Winnipeg parce qu'il y avait un manque d'équipement.

Nous trouvons cela difficile à accepter. La liste des bases que nous avons visitées est très longue. Pendant chacune de ces visites nous avons discuté avec les gradés et hommes de troupes sur les heures de midi. C'est incroyable, on nous dit une chose ici, c'est-à-dire que les niveaux de stocks sont très bien, mais on nous dit le contraire sur le terrain, quand nous dînons avec les gens qui installent ces pièces de rechange.

Le Cmdre Westwood : Je n'ai pas dit que tous les niveaux de stocks étaient parfaits. J'avoue que dans certains cas, nous n'avons pas de fournisseur. J'ai dit que cette année, nous allons dépenser 370 millions de dollars en fonds d'approvisionnement national, alors que la demande se chiffre à 500 millions.

Il faut établir notre liste de priorité, et certaines choses ne sont pas faites. Dans certains cas, les compartiments ne sont pas pleins parce que la priorité peut-être une réparation et une révision ou bien une refonte. Quand un navire doit partir en mer et a besoin d'une pièce, il faut la prendre d'un navire dans un état de préparation inférieur.

En même temps, nous essayons de trouver un remplacement pour cet équipement pour renflouer le système d'approvisionnement. Cependant, vous avez raison en disant que les compartiments ne sont pas pleins à 100 p. 100.

Le président : Il n'est pas question de compartiments qui soient pleins à 100 p. 100; c'est le nombre de compartiments qui sont complètement vides. S'il y avait une pièce à l'intérieur, c'est clair qu'ils l'utiliseraient.

Le Cmdre Westwood : S'ils peuvent la trouver.

Le président : Selon nous, le problème réside dans le fait que nous voyons des inefficacités persistantes qui découlent de cela et le nombre de personnes qui sont frustrées et inoccupées et ce qu'il en coût lorsque nous prenons une pièce de rechange d'un navire pour l'installer dans un autre pour par la suite la reprendre de ce navire pour la remettre sur le premier.

Il me semble que souvent, le manque de fonds finit par coûter beaucoup plus aux Forces armées canadiennes que s'il y avait eu un approvisionnement raisonnablement stable de pièces de rechange, ce qui n'est pas votre problème mais celui du gouvernement.

Est-ce que quelqu'un a plaidé l'analyse de rentabilisation devant le Conseil du Trésor ou le gouvernement, pour leur dire qu'ils font des économies de bouts de chandelles?

Le Bgén Lucas : Vous avez probablement vu des cas d'erreurs. Vous avez vu le Hercules, et à ce sujet il n'y a aucun doute. C'est moi qui en suis responsable. Ils étaient certainement à court de matériel. Le Hercules a 50 000 pièces et il nous en manque plusieurs. Quand il manque d'argent, l'équipe établit ses priorités. Ils ont essayé de deviner quelles pièces deviendraient vétustes et ne tomberaient pas en panne par moment, étant donné leur fiabilité. Nous parlons d'avions de 40 ans, et quoiqu'on pensait avoir bien visé, nous nous sommes trompés dans un certain nombre de cas. Nous avons supposé que certaines pièces allaient être bonnes pour 5 000 heures, mais elles sont tombées en panne au bout de 3 000 ou de 3 500 heures.

Nous n'avions pas suffisamment de fonds et il fallait établir les priorités. Il y a présentement un redressement et nous devons chercher de nouveaux fournisseurs pour reconstruire ces pièces. Cela aussi prend du temps. L'industrie ne les a pas en stock, donc nous avons un petit délai de démarrage à cause de cela. Je pense qu'il faudra encore entre 18 et 24 mois avant que ce soit à la hauteur.

Nous refilons la responsabilité pour les nouvelles acquisitions et la gestion optimisée des systèmes d'armes à l'industrie pour assurer la fiabilité et la disponibilité. Ils doivent nous garantir que dans 98 p. 100 des cas, quand on demande une pièce particulière, elle sera disponible.

Je reconnais le problème. Je pourrais vous indiquer des lacunes dans n'importe quelle de nos flottes d'aéronefs.

Le sénateur Atkins : Commodore Westwood, dans votre déclaration liminaire vous avez dit qu'un résultat du budget de 2005, c'est que l'attribution nationale des acquisitions maritimes a augmenté de façon importante. Pouvez-vous nous en dire plus?

Le Cmdre Westwood : J'ai dit que nous avions besoin d'environ 500 millions de dollars par année pour faire tout ce qu'on devrait faire en matière de soutien en service. J'ai commencé l'année dernière avec une attribution d'environ 320 millions de dollars. Cette année, je commence avec 370 millions, ce qui me permettra d'effectuer plus de tâches prioritaires. Je suis reconnaissant d'avoir reçu ces 50 millions de plus pour satisfaire aux exigences.

Cela représente aussi à peu près le même montant que je pourrais prudemment dépenser avec mon effectif actuel. Si on m'en donnait beaucoup plus, je ne pourrais pas palier à la demande parce que je n'ai pas le personnel nécessaire.

Le sénateur Atkins : C'est l'autre chose dont je voulais parler. Au cours de nos voyages, on nous disait tout le temps que même si vous aviez plus d'argent, vous n'arriveriez pas à le dépenser. Je pose la question aux trois témoins : pourquoi est-ce qu'on nous dit cela quand tout donne à penser que vous y arriveriez si vous l'aviez?

Le Bgén Lucas : Il faut voir la chose dans son contexte. Prenons notre budget d'exploitation et de maintenance. Il y a trois ans, j'ai dépensé 450 millions de dollars. Cette année, je dépenserai 830 millions de dollars. À l'intérieur de deux ans, nous allons doubler nos acquisitions. Il faut s'assurer d'acheter le bon matériel, de bien cerner les fiabilités et les évaluations, de ne pas acheter de matériel ni de pièces de rechange dont on n'a pas besoin. Nous grandissons. Il nous faut des budgets annuels stables à long terme.

Nous avons tous été aux prises avec des budgets variables; un budget de 300 millions de dollars une année, et peut- être de 250 millions l'année d'après. Cela rend difficile l'établissement de bons rapports avec les fournisseurs, quand on ne sait jamais ce que sera le budget de l'année suivante. Nous ne pouvons pas nous engager à acheter tant de pièces de rechange l'année prochaine, alors le fournisseur les vend à quelqu'un d'autre.

Il est essentiel qu'on ait un financement équilibré à long terme. Le Vam Buck lutte pour qu'on ait un financement stable à long terme. Sans cela, nous ne pouvons pas être efficaces.

Le Cmdre Westwood : Il faut placer les véhicules contractuels. Il faut un endroit pour dépenser cet argent, et dans plusieurs cas, cela prend des travaux d'ingénierie préparatoire. On ne peut pas tout simplement aller acheter les pièces au magasin du coin. Il faut avoir les bons véhicules pour le faire.

Le sénateur Atkins : Je pense que nous comprenons le message.

Le sénateur Munson : Je sais que nous approchons la fin de cette séance, alors je vous donnerai une occasion de réfléchir à la première question dont je veux parler, soit des projets qui, d'après vous, ont bien réussi, et je voudrais savoir ce qui a contribué à leur succès, aussi bien que les projets qui ont mal réussi, avec leurs difficultés, et j'aimerais que vous donniez peut-être un exemple ou deux de ce qui a vraiment bien réussi, et soyez franc au sujet des échecs.

Colonel Wingert, je vais vous lire un paragraphe. Je voudrais le comprendre.

Certains projets ont bénéficié d'une participation importante de la part des membres supérieurs du MDM et du gouvernement qui ont « précipité » les choses et qui ont supprimé des obstacles qui ont tendance à ralentir certains projets. Cela va bien dans le cas de grands projets de l'État qui ont une grande visibilité.

Qu'est-ce que cela veut dire en termes non techniques, et quels sont les obstacles?

Le Col Wingert : Sénateur, je pense que les trois projets dans l'énoncé de la politique de la défense sont des exemples classiques de visibilité gouvernementale. Dans certains cas, nous ne faisons même pas de concurrence avec les contrats. Par contre, on nous dit où assigner les contrats. On nous dit de nous dépêcher, alors nous passons par-dessus des paliers entiers de bureaucratie du gouvernement, si vous voulez bien, afin d'atteindre un objectif qui pourrait prendre des années, si le projet doit partir de la base, au plus bas de l'échelle des officiers responsables pour remonter jusqu'au Conseil du Trésor avant d'être approuvé.

Ces trois projets sont de bons exemples. Par le passé, nous avons eu le luxe de mener d'autres projets très visibles tels que le véhicule blindé léger et le véhicule Coyote pour lesquels nous avons pu faire le travail d'état-major avec l'aide du gouvernement. Le projet était visible à tel point qu'il était dans notre intérêt de le faire avancer au plus vite.

Comme je l'ai déjà dit, dans divers théâtres d'opérations, nous avons aussi pu faire le travail d'état-major très rapidement à cause des hasards et des exigences opérationnels du théâtre.

Le Cmdre Westwood : La clé, c'est d'avoir des ressources en place. Il est certainement avantageux d'avoir en place les ressources nécessaires pour gérer le projet. Comme je l'ai dit dans mon mémoire, du moment où vous savez bien évaluer et gérer les risques, ce qui exige normalement plus de travail préparatoire, alors les projets réussissent.

Les projets les plus difficiles sont souvent ceux qui exigent beaucoup de développement, où l'on prend un concept, qui peut être développé par notre organisation de recherche et développement, et on tente de trouver une solution acceptable à l'industrie qui nous permet aussi de fournir du service de soutien pour cet équipement durant toute sa vie utile.

C'est dans ces cas-là qu'il y a des problèmes. En ce qui concerne mon projet pour les navires de défense côtière, il n'y a pas vraiment eu de problème au niveau de la conception commerciale, même si j'admets d'emblée que le calendrier a été retardé; nous avons néanmoins installé à bord de ce navire un système de levés des fonds marins d'une conception entièrement nouvelle pour répondre aux nouvelles exigences. C'était là un aspect de ce projet qui nous a créé une suite de problèmes, pendant que l'industrie cherchait à développer le produit.

Le Bgén Lucas : Il faut engager du personnel plus tôt dans le programme. Les programmes pour lesquels on avait engagé du personnel plus tôt ont réussi plus rapidement. Et quand je parle de personnel, il ne s'agit pas seulement au ministère. Il s'agit aussi des travaux publics, d'Industrie Canada, et il faut l'approbation du Conseil du Trésor.

D'après moi, ce sont là les trois agences principales, et alors si chaque ministère n'a pas exactement la même vision, les mêmes priorités et la même allocation de personnel, cela nous crée des problèmes. Ensuite, il faut que le gouvernement soit d'accord sur des définitions claires, faute de quoi le débat n'aura pas de fin, et le cabinet n'approuvera jamais le projet. Il faut une volonté forte et une vision claire. J'ai travaillé sur deux projets où la volonté était chancelante, et dans ces cas, on se demandait tout le temps : « Est-ce bien ce qu'il nous faut? ». Quand on sait clairement ce que l'on veut, on peut acheter des Challengers en une semaine, n'est-ce pas? Je pense qu'avec la volonté nécessaire, il faut le faire d'une manière claire, bien articulée, avec le financement requis et la participation de tous les ministères du gouvernement.

Le sénateur Forrestall : Et n'oublions pas le comité sans frontière.

Le président : Honorables sénateurs, je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que ce groupe a été très fructueux. Nous aimerions fermer les caméras et passer encore quelques heures avec vous.

En tout cas, vous nous avez aidés. Fort probablement, nous vous consulterons de nouveau. Je veux simplement que vous sachiez que nous apprécions votre temps. C'est un domaine qui préoccupe beaucoup le comité. Nous faisons notre apprentissage sur le tas, et nous apprécions votre aide. Merci beaucoup.

La séance est levée.


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