UN CANADA DIMINUÉ
Les
effets de la négligence sur les Forces armées canadiennes
L’effritement
de nos moyens de défense sur le territoire national et à l’étranger
Rapport provisoire du Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense
Septembre
2005
MEMBRES
38e Parlement – 1ière Session
COMITÉ PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE
L’honorable Colin Kenny, Président
L’honorable J. Michael Forrestall, Vice-président
et
L’honorable Norman K. Atkins
L’honorable Tommy Banks
L’honorable Jane Cordy
L’honorable Joseph A. Day
L’honorable Michael A. Meighen
L’honorable Jim Munson
L’honorable Pierre Claude Nolin
* L’honorable Jack Austin C.P. (ou l’honorable William Rompkey, C.P.)
* L’honorable Noël A. Kinsella (ou l’honorable Terry Stratton)
* Membres d’office
Les sénateurs suivants ont aussi participé aux travaux du Comité lors de son étude :
L’honorable Ione Christensen
L’honorable Anne C. Cools
L’honorable Percy Downe
L’honorable Rose-Marie Losier-Cool
L’honorable John Lynch-Staunton
L’honorable Terry M. Mercer
L’honorable Wilfred P. Moore
L’honorable Donald H. Oliver
L’honorable Gerard A. Phalen
L’honorable William Rompkey
L’honorable Peter A. Stollery
L’honorable David Tkachuk
L’honorable Marilyn Trenholme Counsell
MEMBRES
37e Parlement – 3e Session
COMITÉ PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE
L’honorable Colin Kenny, Président
L’honorable J. Michael Forrestall, Vice-président
et
L’honorable Norman K. Atkins
L’honorable Tommy Banks
L’honorable Jane Cordy
L’honorable Joseph A. Day
L’honorable Michael A. Meighen
L’honorable Jim Munson
L’honorable David P. Smith, C.P.
*L’honorable Jack Austin C.P. (ou l’honorable William Rompkey, C.P.)
*L’honorable John Lynch-Staunton (ou l’honorable Noël A. Kinsella)
* Membres d’office
MEMBRES
37e parlement – 2e session
COMITÉ PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE
L’honorable Colin Kenny, Président
L’honorable J. Michael Forrestall, Vice-président
et
L’honorable Norman K. Atkins
L’honorable Tommy Banks
L’honorable Jane Cordy
L’honorable Joseph A. Day
L’honorable Michael A. Meighen
L’honorable David P. Smith, C.P.
L’honorable John (Jack) Wiebe
*L’honorable Sharon Carstairs C.P. (ou l’honorable Fernand Robichaud, C.P.)
*L’honorable John Lynch-Staunton (ou l’honorable Noël A. Kinsella)
*Membres d’office
MEMBRES
37e Parlement – 1ière Session
COMITÉ PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE
L’honorable Colin Kenny, Président
L’honorable J. Michael Forrestall, Vice-président
et
L’honorable Norman K. Atkins
L’honorable Tommy Banks
L’honorable Jane Cordy
L’honorable Joseph A. Day
L’honorable Laurier L. LaPierre
L’honorable Michael A. Meighen
L’honorable John (Jack) Wiebe
*L’honorable Sharon Carstairs C.P. (ou l’honorable Fernand Robichaud, C.P.)
*L’honorable John Lynch-Staunton (ou l’honorable Noël A. Kinsella)
* Membres d’office
1. En finir avec les promesses en l’air
2. La disponibilité militaire : un moyen et non une fin en soi3. Pourquoi les Canadiens ont besoin de leurs forces armées
5. Un personnel trop peu nombreux et débordé
7. Comment la défense a-t-elle pu en venir à compter pour si peu au Canada?
9. Les menaces traditionnelles persistent
11. Un assez bon plan, mais...
12. … Le gouvernement ne se presse pas comme il le devrait
13. L’importance d’agir sur plusieurs fronts : 3D/EN
PARTIE II : L’ÉTAT DES FORCES CANADIENNES
III. La Force aérienne canadienne
IV. Capacités particulières des Forces armées
1. Forces d’opérations spéciales : FOI2.
2. Équipe d’intervention en cas de catastrophe (DART)
4. Le renseignement de défense.
PARTIE III : DÉFIS STRATÉGIQUES
3. Le recrutement, un défi structurel
4. Le recrutement et le maintien des effectifs, un défi organisationnel
6. La lenteur du processus d’approvisionnement
Comparaison détaillé avec d’autres pays
Effectif en activité régulié – 31 mars 1914-2005
Structure des Forces canadiennes
Statistiques du personnel des Forces canadiennes
Organigramme du Ministère de la Défense nationale
Organigramme des Forces canadiennes
Précis de l’Énoncé de la politique de la défense
Biographies des membres du Comité
Biographies du Secrétariat du Comité
PARTIE I : APERÇU
Voici le premier des trois rapports que le Comité va publier au cours de l’automne de 2005. Ce rapport initial tente d’évaluer dans quelle mesure la capacité actuelle des forces armées canadiennes permet de répondre au rôle qu’elles sont supposées assumer : protéger les Canadiens et agir dans le meilleur intérêt du Canada, au pays comme à l’étranger. Un deuxième rapport dressera une liste des solutions proposées pour remédier aux faiblesses identifiées dans le présent rapport par le Comité. Un troisième et dernier rapport se penchera sur les perspectives d’avenir et déterminera comment le Canada peut modeler au mieux son armée afin de continuer à défendre ses intérêts dans les décennies à venir.
En résumé :
-
Rapport 1 : Les lacunes existant dans les forces armées canadiennes
-
Rapport 2 : Ce qu’il est nécessaire de faire pour combler ces lacunes
-
Rapport 3 : La meilleure façon de remanier l’armée canadienne pour défendre les intérêts de nos enfants et petits-enfants
Malgré ses observations sur les lacunes que l’insuffisance de financement a fait naître au sein des Forces canadiennes, le Comité reconnaît que l’armée du Canada n’est pas une armée de pacotille. Tant s’en faut. Nous avons la chance d’avoir une force de combat professionnelle de premier ordre qui sert extrêmement bien les Canadiens. Cependant, le personnel de nos forces armées pourrait les servir de manière encore plus professionnelle et aurait de meilleures chances de s’en sortir sain et sauf si nous lui fournissions les ressources adéquates pour le faire. Le rôle de notre Comité est de mettre en lumière de façon suffisamment claire les faiblesses que l’insuffisance de financement a engendré au sein des forces armées, afin de convaincre les Canadiens et leur gouvernement qu’un financement approprié de l’appareil militaire serait un investissement sensé pour l’avenir du Canada.
Quelle est la raison d’être du présent rapport? D’abord, le Comité a déjà publié le rapport intitulé L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense en février 2002, un autre sur la défense de l’Amérique du Nord (La défense de l'Amérique du Nord : Une responsabilité canadienne) en septembre 2002, un rapport sur les faiblesses des forces armées canadiennes (Pour 130 dollars de plus…) en novembre 2002 et un rapport sur la défense des côtes du Canada (Les plus longues frontières mal défendues au monde) en octobre 2003, et il a effectué des mises à jour sur les questions soulevées dans tous ces rapports dans Le manuel de sécurité du Canada en décembre 2004.
Depuis lors, le Comité a tenu de nouvelles audiences et assemblées publiques à travers le pays et a entendu une foule de nouveaux témoins1. Leurs témoignages ont permis de faire progresser notre compréhension de ces questions. Deux autres raisons importantes motivent la publication des rapports que nous produirons cet automne. La première est que, si les comités parlementaires produisent des rapports sur des questions revêtant une importance majeure pour les Canadiens, puis se désintéressent de ces questions, leurs rapports sont invariablement mis au placard puis tous ceux cherchant un prétexte pour les ignorer déclarent à la moindre occasion qu’ils sont dépassés.
Deuxièmement et surtout, tandis que le gouvernement fédéral a pris certains engagements relativement à la modernisation des forces armées canadiennes, créant l’illusion politiquement satisfaisante d’une marche en avant, la triste vérité est que l’état de l’armée canadienne continue à se détériorer. Jusqu’à présent, les solutions politiques du gouvernement n’ont conduit à rien qui ressemble de près ou de loin à une résolution de fond des problèmes. Les manchettes qui ont suivi l’exposé budgétaire du printemps dernier déclaraient que le gouvernement allait remettre sur pied une armée canadienne mal en point, mais trop peu de parlementaires, de journalistes et d’autres analystes ont posé les questions clés : (a) comment? et (b) quand?
Les réponses s’étalaient pourtant au grand jour devant eux : (a) par des demi-mesures au mieux. (b) la plupart se mettant réellement en branle peut-être dans cinq ans.
Pour les membres du Comité, il s’agit d’une question résolument trop importante pour jeter l’éponge. Si le gouvernement ne met pas bientôt la machine en route pour corriger certaines des failles les plus importantes existant dans les capacités défensives du Canada, les Canadiens seront obligés de continuer à s’exposer à des risques énormes en ce qui a trait à leur sécurité personnelle et à leur bien-être économique, de même qu’à l’aptitude de leur gouvernement à faire progresser leurs intérêts généraux sur les plans national et international.
Le présent train de rapports portera sur notre capacité en matière de défense – c'est-à-dire sur l’aptitude du Canada à produire, employer et maintenir assez de puissance militaire pour atteindre des objectifs définis. Le Comité reconnaît – il a même produit des rapports sur le sujet – l’importance et l’interdépendance des éléments qui constituent l’ensemble de nos forces de la sécurité nationale. Il sera parfois question dans les pages qui suivent d’agences comme le Service canadien du renseignement de sécurité, la Gendarmerie royale du Canada et la Garde côtière canadienne, mais le présent rapport porte sur les Forces canadiennes.
La puissance militaire, tout au moins dans le contexte canadien, ne consiste pas à mener les gens par le bout du nez. Elle vise au contraire à s’assurer que les Canadiens ne se font pas marcher sur les pieds et que leurs valeurs et leurs intérêts ne sont pas bafoués. Par nos ennemis, nos amis ou qui que ce soit d’autre en quête d’une duperie.
Les gens, les valeurs et les atouts de toute société où il fait bon vivre valent la peine d’être défendus. Le Canada regorge sans l’ombre d’un doute de personnes intéressantes qui mènent une vie éminemment gratifiante. Mais nous, les Canadiens, ne semblons pas nous rendre suffisamment compte de nos faiblesses vis-à-vis des catastrophes naturelles ou causées par l’homme, que ce soit au pays ou à l’étranger, pour investir une quantité raisonnable de nos fonds publics dans la préservation de nos acquis. Il est impossible de bien servir les Canadiens en refusant d’assumer cette responsabilité.
Nous ne pouvons pas nous permettre de tout simplement miser sur la conviction que tout ira bien pour nous et pour nos descendants puisque, la diminution des dépenses en matière de défense observée au cours des quinze dernières années nous rendra vulnérables pendant une période au moins aussi longue. Nous nous devons d’essayer d’enrayer ce phénomène. Les Canadiens méritent mieux.
1. En finir avec les promesses en l’air
La souveraineté d’un pays se fonde sur sa capacité de se défendre et de faire progresser ses intérêts vitaux à l’extérieur de ses frontières. Les forces armées canadiennes donnent aux Canadiens une puissance utilisable en dernier recours pour défendre notre pays et assurent une présence qui nous permet d’être pris au sérieux sur les questions que nous jugeons importantes. Une force armée nationale efficace est l’expression ultime de la volonté qu’a un pays de demeurer libre, indépendant et prospère.
L’un des nombreux mythes auxquels ce Comité est confronté en permanence est qu’un pays doit d’abord définir les thèmes de sa politique étrangère globale avant même de pouvoir commencer à réfléchir à une politique de défense. En fait, c’est l’inverse qui est vrai.
Modifier la politique
étrangère ne coûte rien. Il suffit de quelques mots pour adapter nos relations
avec le reste du monde. Mais la politique de défense est intimement liée à
notre capacité de l’appliquer. Sans le personnel et le matériel que cela
requiert, nous aurons beau parler, rien de ce que nous pourrons dire ne suffira
à
La politique étrangère du Canada, qui vise à faire progresser les intérêts de notre pays et à créer un monde meilleur, ne peut raisonnablement prétendre pousser ses ambitions au-delà du degré d’influence qu’exerce le Canada dans le monde. Nous ne pouvons créer des situations plus sécuritaires, meilleures sur le plan de l’emploi, plus porteuses de prospérité et offrant une image bonifiée de soi aux Canadiens si nos idées, nos avertissements et nos encouragements tombent dans l’oreille d’un sourd.
L’influence du Canada à l’étranger dépend, dans une large mesure, de la façon dont notre pays contribue à la résolution des problèmes de la planète. Le plus important d’entre eux est, sans contredit, le chaos et l’instabilité. La prospérité au niveau mondial est impossible en l’absence de stabilité. L’instabilité puise son origine dans diverses causes dont la pauvreté, l’injustice, l’esprit de vengeance, la tyrannie et l’éternelle soif de pouvoir. Il est du devoir de tout pays développé et civilisé de d’abord protéger ses propres frontières, puis d’offrir une véritable aide pour lutter contre ces forces déstabilisatrices.
Le Canada devrait bâtir une puissance militaire suffisamment importante pour protéger ses propres frontières, participer à la protection de l’Amérique du Nord et, en se concentrant prudemment sur des tâches à sa portée, aider à désamorcer l’instabilité au niveau international. Cela représenterait un investissement sensé pour l’avenir du pays. Au lieu de cela, le Canada néglige son armée, de même que son programme d’aide extérieure, et tente de faire sa place sur la scène internationale principalement en faisant des discours, des discours qui sonnent bien creux étant donné le peu de mesures concrètes qui viennent les étayer.
Qui prête attention aux déclarations du Canada? La réussite diplomatique s’obtient en s’acquittant de ses devoirs internationaux, ce que ne fait pas le Canada.
Le budget annuel canadien consacré à l’aide extérieure se situe bien au-dessous de la moitié du fameux objectif – fort raisonnable – de 0,7 % du PIB fixé par Lester B. Pearson. D’autres pays atteignent déjà cet objectif de 0,7 % ou se sont engagés à le faire2. Ce qui n’est pas le cas du Canada. De même, le budget militaire du Canada est, au mieux, squelettique (et l’on sait qu’il vaut mieux être bien en chair que squelettique pour combattre efficacement). Les chiffres montrant la baisse des dépenses sont présentés plus loin dans le présent chapitre. Sans la mise en place de politiques progressistes appuyées par un financement adéquat pour redynamiser son armée et ses programmes d’aide extérieure, le Canada continuera à être un pays sans véritable poids sur l’échiquier international.
Que nos ennemis nous méprisent n’a rien de surprenant. Mais nous n’avons pas besoin d’être méprisés aussi par nos amis. Un grand nombre de Canadiens se plaignent du fait que les États-Unis ignorent les aspirations et les besoins légitimes du Canada. Les États-Unis ne respectent même pas les modalités des traités et accords internationaux, plus particulièrement l’ALÉNA. Bien entendu, ils devraient se plier à leurs obligations sans avoir à subir de pressions ou d’incitations. Mais tant vaut ne pas se faire d’illusions!
La vérité est que le Canada est bien plus susceptible d’obtenir ce qu’il veut de Washington s’il arrête de s’appuyer sur le mythe de l’amitié pour parvenir à ses fins. Non pas que les Américains ou leurs dirigeants soient particulièrement inamicaux. La plupart des pays du monde remplaceraient sans hésiter leurs propres voisins par les États-Unis. Aussi agaçante que puisse être Washington de temps à autre, par rapport à d’autres pays, nous vivons dans un excellent voisinage.
Mais les pays n’ont pas d’amis, ils ont des intérêts. L’amitié ne compte pas lorsque les intérêts américains sont en jeu. Si vous n’avez rien de concret à offrir aux Américains, leurs dirigeants ne s’intéressent pas beaucoup à vous. En ce moment, à tort ou à raison, les États-Unis essaient de jouer les gendarmes du monde. Washington considère Ottawa comme une capitale extrêmement peu généreuse, si l’on tient compte des ressources que le Canada pourrait, selon les Américains, investir pour contribuer à une plus grande stabilité dans le monde. Le Canada n’a pas besoin d’imiter les Américains en matière d’approche des affaires étrangères. Il devra s’investir dans la politique mondiale s’il veut marquer des points à Washington. Notre tâche n’est pas de servir les États-Unis. Nous devons plutôt être capables de les influencer si nous voulons agir dans le meilleur intérêt du Canada.
Ce sont là d’importantes
considérations pratiques. Mais la question de notre état de préparation sur le
plan de la défense dépasse le simple domaine pratique. Jamais tous les
problèmes du monde ne pourront être résolus par de
Si le Canada délaisse ses responsabilités visant à assurer sa propre défense et participer à la défense de l’Amérique du Nord, les États-Unis ne se feront pas prier pour occuper tout le terrain et le faire à notre place. Aux yeux du monde, le Canada deviendrait pour ainsi dire un protectorat, une pâle imitation d’État indépendant. Ceux qui prétendent que le Canada devrait afficher son indépendance vis-à-vis des États-Unis en minimisant l’importance de la puissance militaire – ou en refusant de conclure avec Washington des ententes militaires pour la défense de l’Amérique du Nord – rendent le Canada plus dépendant des États-unis, et non le contraire.
2. La disponibilité militaire : un moyen et non une fin en soi
Le Canada ne peut pas investir de manière judicieuse dans son avenir s’il n’effectue pas les investissements appropriés dans ses forces armées. Les Canadiens doivent avoir la capacité de se défendre et de protéger leurs enfants, leurs emplois et la souveraineté de leur pays, tout en contribuant à bâtir un monde meilleur. Ils doivent investir à un niveau qui soit comparable à celui des dépenses consacrées par les autres pays développés pour ces mêmes atouts importants. Ce n’est pas le cas actuellement.
Les 32 millions de Canadiens doivent avoir une armée capable de répondre à leurs besoins, en particulier dans les moments difficiles. Ce sont des moments auxquels aucun d’entre nous n’aime penser, mais c’est dans ces moments que les actions, et non les discours, font avancer les choses. Nous connaissons tous l’expression « au moment crucial ». Soit un pays possède les moyens de défendre ses citoyens au moment opportun, soit il ne les a pas.
Le Canada ne peut se permettre d’être passif dans un monde grouillant d’activité. Il y a eu et il y aura toujours des situations dans lesquelles le personnel de l’armée canadienne doit mettre sa vie en jeu car les Canadiens ont désespérément besoin de réponses non verbales rapides et efficaces face à des menaces immédiates, au pays ou à l’étranger.
L’armée canadienne n’a jamais hésité à répondre à des appels de détresse. Mais au cours des dernières années, elle s’est vue contrainte d’étirer l’élastique pour faire face aux exigences énormes qui lui sont imposées. Personne ne peut étirer l’élastique à l’infini sans risquer de la voir céder, en particulier lorsqu’il s’agit de la survie politique et économique d’un pays.
3. Pourquoi les Canadiens ont besoin de leurs forces armées
Les Canadiens comptent sur leurs forces armées en dernier recours pour se défendre contre des attentats directs visant leur pays et ses alliés, défendre leurs principaux intérêts économiques et leurs valeurs sociales, prévenir la propagation du terrorisme, le trafic de stupéfiants et d'autres types de crime, agir à titre d'allié fiable d’autres pays qui partagent nos valeurs et qui nous soutiennent en cas de besoin, aider à créer un monde meilleur et plus stable et, enfin, réagir aux catastrophes naturelles qui se produisent ici et à l'étranger.
Les Canadiens oublient parfois certains des rôles que leurs forces armées ont assumés pour aider notre pays à survivre, à prospérer et à construire un monde plus juste et stable.
À
l'étranger : Les États avertis ont toujours souscrit à un élément clé en
termes de stratégie militaire : il est préférable de faire la guerre
aussi loin de chez soi que possible. Les raisons sont évidentes. Les guerres
entraînent toujours la dévastation et le chaos. Personne n'en veut dans sa
cour. Le Canada a réussi à éviter une telle situation, bien que les nouvelles
formes de guerre donnent à penser que notre tour viendra. Au cours du XXe
siècle, les Forces canadiennes ont été déployées massivement lors de
Au
pays : Au cours de
Le personnel militaire canadien a aidé ses concitoyens à combattre des incendies de forêt, à endiguer des inondations, à secourir des individus perdus en forêt ou en mer, à enlever la neige ou la glace au lendemain de tempêtes hivernales ou de verglas et à apporter son soutien aux blessés dans diverses situations difficiles.
Police d'assurance à l'échelle mondiale : En défendant les Canadiens, à l'étranger et au pays, les Forces canadiennes offrent une protection qui équivaut à une police d'assurance mondiale. Quand les choses vont très mal pour le Canada, les forces militaires canadiennes sont notre carte maîtresse. Toutefois, comme toute police d'assurance, vous en avez pour votre argent. Dans ce cas, nul besoin de lire les passages en petits caractères pour savoir que, après presque deux décennies de négligence, il y a des limites à ce que les Forces canadiennes peuvent accomplir pour nous dans toute situation critique. Jusqu'à un certain point, c'est logique. Mais il ne peut qu'y avoir des limites aux retombées sur les investissements en matière de sécurité. Mais quels risques les Canadiens sont-ils prêts à prendre pour assurer leur survie et leur prospérité alors que les dés sont pipés en matière de défense? Jusqu'ici, nous avons été chanceux. Mais une question plane toujours : En jouant à pile ou face, quelles sont les chances que le côté face apparaisse toujours?
4. Trop peu d'argent
Le Canada affecte trop peu de fonds à la défense et à l’aide étrangère. Au-delà du soulagement de leur misère que les projets militaires et de développement économique peuvent procurer aux peuples moins fortunés, les deux types d’activités ont un propos égoïste. Les premiers nous permettent de chasser les méchants, tandis que les seconds nous aident à extirper la pauvreté et la brutalité qu’ils laissent toujours derrière eux.
Le ministère de la Défense nationale prévoit dépenser quelque 14,3 milliards de dollars en 2005-20063. Si le gouvernement fédéral avait tenu compte des recommandations formulées par notre comité en novembre 2002 dans le rapport « Pour 130 dollars de plus… », le budget actuel serait d'environ 17,5 milliards $, et de 2002 à 2005, le gouvernement aurait affecté 15,28 milliards $ de plus à la défense.
En fait, nos prévisions de 2002 étaient excessivement basses. Plus nous y regardons de près, plus nous constatons de lacunes. De combien le budget de la défense du Canada devrait-il être aujourd'hui? Il devrait osciller entre 25 et 35 milliards de dollars.
De plus, la recommandation faite par le Comité en 2002 était trop restrictive. Elle ne portait que sur l’augmentation nécessaire du budget de la défense nationale et ne tenait pas compte du fait qu’il fallait aussi augmenter celui de l’aide au développement. Ce n’est qu’en luttant sur ces deux fronts que le Canada pourra se défendre et contribuer à créer un monde meilleur.
En 2004-2005, les dépenses militaires représentaient 1 p. 100 du PIB du Canada, soit environ 420 $ par habitant, alors que l’aide étrangère n’avait droit qu’à 0,19 p. 100 du PIB, ou quelque 65 $ par habitant4.
Dans les deux cas, c’est insuffisant. L’engagement pris par le gouvernement dans son Énoncé de politique internationale d’investir dans les trois D – défense, diplomatie et développement – est noble, mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Nul besoin d’être Bono, le populaire chanteur du groupe U2, pour admettre que nous faisons semblant.
En 1990-1991, les dépenses militaires représentaient 1,6 p. 100 du PIB. En tant que pourcentage du produit intérieur brut (PIB) – la mesure de notre production économique annuelle –, elles ont subi une chute vertigineuse de 62,5 p. 100 depuis 15 ans5.
Les dépenses par habitant que nous affectons à la défense et à l’aide étrangère souffrent de la comparaison avec celles de beaucoup d’autres pays développés. Les 368 $ par habitant que nous avons dépensés en 2004 pour la défense font piètre figure à côté de celles du Royaume-Uni (quelque 846 $), des Pays-Bas (environ 679 $) ou de l’Australie (environ 729,309 $) (une comparaison plus détaillée avec d’autres pays figure à l’Annexe III)6.
Et si le Canada s’est engagé à augmenter le budget de l’aide étrangère au cours des dix prochaines années, il ne s’est pas engagé, contrairement au Royaume-Uni et à beaucoup d’autres pays d’Europe, à atteindre l’objectif de 0,7 p. 100 du PIB proposé par Lester B. Pearson7.
Alors que le Canada est clairement beaucoup plus près de la cible visée par les terroristes internationaux que la majorité des petits pays, il n’est qu’au 128e rang sur 165 pays en matière de dépenses militaires comme pourcentage du PIB8.
En 2004, les Canadiens ont dépensé environ 13,8 milliards de dollars pour l’achat de boissons alcoolisées, alors qu'ils n'allouaient que 14,1 milliards $ à leurs forces armées9. Bien que la bière et le vin puissent les aider à oublier qu'ils ne sont pas correctement protégés, leur réveil risque d'être brutal si nous continuons à faire faux bond à nos forces de défense.
Bien entendu, les dépenses militaires ne sont pas le seul indicateur de l'efficacité militaire. Mais elles représentent un indicateur pertinent. Dans les prochains chapitres de ce rapport, le Comité veut documenter plusieurs secteurs qui montrent que la parcimonie à court terme s'est traduite par des faiblesses remarquables chez nos militaires.
Il y a évidemment des pays qui allouent à la défense ce que beaucoup de Canadiens considéreraient comme un pourcentage trop élevé de leur PIB. Mais le Canada n'en fait certainement pas partie. Il serait naïf de prétendre que notre pays doit donner l'exemple en forgeant son modeste arsenal d'épées en socs de charrues de manière à ne plus devoir participer aux conflits internationaux; non seulement cela saperait-il l’aptitude des Canadiens à survivre comme pays, mais le Canada se déroberait ainsi à l’obligation qu’il a de contribuer à un monde plus juste et plus stable.
5. Un personnel trop peu nombreux et débordé
Le plein effectif autorisé des Forces canadiennes, soit le nombre de membres que le gouvernement a prévu au budget, atteint 62 181. À titre de comparaison, le plein effectif autorisé en 1965 était de 93 353,alors qu'il se situait à 114 164 en 1970.
Au dernier dénombrement, l’effectif formé en activité était de 51 70410. Ce chiffre est moins de 62 000 parce que certains membres suivent des cours de formation, que d'autres sont en congé en raison d'une blessure ou d'une maladie, en congé de maternité ou de paternité, sont en vacances ou ont obtenu automatiquement un congé suite à une affectation outre-mer. Les congés de maladie associés à l'épuisement professionnel ont représenté un problème grandissant au sein des forces armées au cours des dernières années puisque, jusqu'à tout récemment, le rythme des affectations a été effréné en raison des ressources disponibles.
Avoir un peu moins de 52 000 membres formés en activité et disponibles ne signifie pas, bien sûr, que 52 000 personnes peuvent être envoyées au combat. Environ la moitié de ce personnel est monopolisé par les fonctions administratives quotidiennes, la formation ou d’autres fonctions de soutien.
De plus, il est impossible de déployer l’autre moitié de l’effectif en même temps. Pour chaque unité en mission, il y en a approximativement trois en préparation.
Dans son rapport intituléL'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense (février 2002), le Comité était d'avis que pour continuer de confier des missions aux Forces canadiennes à la même cadence que dans les huit années précédentes, il faudrait qu’elles disposent d’un effectif actif de 75 000 membres pour pouvoir faire tout ce qu’on attendait d’elles. Il recommandait donc de porter leur plein effectif autorisé à quelque 90 000 membres.
Le Comité considère que les Forces canadiennes opèrent à un niveau d'effectif qui est de 40 à 45 % inférieur à ce qu'il devrait être pour accomplir les types de tâches qu'on leur a ordonné d'accomplir au cours de la dernière décennie.
On pourrait être tenté de demander « et
après? ». Si les Forces canadiennes ont rempli leurs missions au cours des
dix dernières années, avons-nous vraiment un problème? La réponse est oui.
L’accomplissement de ces missions a eu une profonde incidence sur les Forces et
leur personnel. Dans
Le gouvernement a fini par reconnaître que le moteur des forces militaires du Canada surchauffait dangereusement en 2004 et a décrété une pause dans les déploiements outre-mer, confessant ainsi que les Forces n’arrivaient pas à faire ce qu’on attendait d’elles qu’au prix de leur soutenabilité à long terme.
Le Comité en a alors conclu que le gouvernement commençait à comprendre l’étendue et la gravité des problèmes qu’éprouvaient les Forces. Notre optimisme a été éphémère. En effet, le budget de 2005 est loin de les avoir réglés. La fréquence des déploiements va bientôt remonter, alors que le budget n’a pas affecté aux Forces des fonds de l’ampleur de ceux dont elles auront besoin pour donner aux Canadiens la puissance militaire requise pour les protéger et sauvegarder leurs intérêts dans un monde fort instable.
Ce budget établi à la hâte n’affecte tout simplement pas à la défense les fonds dont elle a besoin pour atteindre les objectifs ambitieux décrits dans l’Énoncé de politique internationale de cette année. L’argent prévu suffirait peut-être pour maintenir les Forces si l’interruption des affectations devait devenir permanente, mais cela serait gaspiller des ressources énormes. Or, le Chef d’état-major de la défense, le général Rick Hillier, a dit au Comité que rien ne lui permet de croire que le gouvernement exigera moins des Forces canadiennes au cours des dix prochaines années qu’au cours de la dernière décennie.
La promesse faite lors de la présentation du Budget d’augmenter l’effectif de la Force régulière de 5 000 membres et celui de la Réserve de 3 000 membres et de grossir le budget du ministère de la Défense nationale de 12,8 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années peut avoir plu à ceux qui ne savent pas à quel point les Forces canadiennes se sont détériorées, mais n’importe quelle analyse sérieuse des mesures qui s’imposent démontrerait que cette promesse n’était au mieux qu’une demi-mesure. Le Budget n’a donné aux Forces canadiennes qu’une couche de peinture, alors qu’elles ont un besoin désespéré de travaux de rénovation.
« Le président : Il nous semble qu'au cours des dix dernières années, nous avons toujours été sous pression et que le prix que nous devrons en payer pour les dix prochaines années pour s'en remettre sera extraordinaire.
Le gén. Hillier : Je suis tout à fait d'accord. »11
6. La panne sèche
Si les Forces canadiennes avaient connu un répit au cours des années 1990, la compression des coûts pourrait possiblement être justifiée. Au lieu de cela, le gouvernement du Canada a cru bon de déployer les Forces canadiennes dans toutes sortes de situations d'urgence sur notre territoire alors que nos soldats envoyés à l'étranger quittaient le pays à un rythme encore plus effréné qu'à toute autre époque depuis la guerre de Corée. Rwanda. Bosnie. Somalie. République démocratique du Timor-Leste. Kosovo. Érythrée. Haïti. Afghanistan.
Parmi ces missions, peu ressemblaient, même de loin, à l’idée que les Canadiens se font du « maintien de la paix ». Au cours des années 1950, le premier ministre canadien Lester B. Pearson voyait dans les Casques bleus comme une force militaire internationale neutre, légèrement armée à des fins d'autodéfense seulement, déployée entre deux parties qui avaient convenu de mettre fin aux hostilités et qui acceptaient que cette présence militaire tienne lieu de rempart entre elles12.
Ce concept a donné des
résultats à Chypre, mais à compter des années 1990, c'était chose du passé. Il
était devenu rapidement difficile de trouver deux parties disposées à conclure
une trêve et à permettre à des tiers de
Bien que les études démontrent que les Canadiens continuent de croire au mythe des Forces canadiennes gardiennes de la paix mondiale, le fait est que lorsque nos soldats furent déployés outre-mer, ils ont presque toujours servi dans des situations de combat dangereuses. Mais le mythe du guerrier pacifique persiste. Cela explique probablement pourquoi que, lorsque le gouvernement a promis au cours de la dernière campagne électorale, d’augmenter l’effectif de 5 000 hommes, il s'est évertué à dire qu’ils seraient désignés comme Casques bleus. Les Canadiens doivent comprendre que les jeunes hommes et femmes qu’ils envoient outre-mer ont beaucoup plus de chances de se retrouver en situation de combat plutôt que de séparer deux groupes pacifiés les accueillant avec le sourire aux lèvres. Ils ne peuvent survivre au combat sans la formation et l’équipement voulus. Tôt ou tard, le sous-financement des Forces canadiennes mettra en péril la vie des jeunes soldats qui combattent pour nous. C’est inévitable. Ces jeunes gens vont devoir affronter des individus prêts à tout pour les anéantir, et ils ont besoin de tout le soutien que nous puissions leur offrir.
Mais, au cours des dernières années, nous les avons laissés tomber trop souvent en leur en demandant de faire trop sans leur donner les ressources pour le faire. Une vague d'épuisement professionnel se propage dans les forces militaires canadiennes. Un nombre trop important de soldats ont été déployés au pays et à l'étranger au cours des dernières années alors que très peu de personnel était disponible pour assurer la formation des nouveaux membres et recycler les anciens. Non seulement le matériel se détériorait-il, mais les soldats souffraient, leurs familles éclataient provoquant ainsi un exode massif d’éléments clés.
7. Comment la défense a-t-elle pu en venir à compter pour si peu au Canada?
Le principal devoir de tout gouvernement national est de faire tout en son pouvoir pour assurer la sécurité de ses citoyens. Garder son armée en état de combattre est un des principaux moyens d’y arriver. Sans une armée capable de répondre aux besoins, aucun gouvernement ne peut assurer avec confiance la souveraineté de l'État, ni le défendre contre ceux qui pourraient s’en prendre à ses citoyens et affaiblir sa société.
Comment les forces armées du Canada en sont-elles donc venues à être aussi négligées au cours des années 1990 et de la première partie de cette décennie?
Ce n'est pas que le gouvernement ait accepté l'argument des tenants de la théorie des « dividendes de la paix » selon lequel la puissance militaire n'a plus de pertinence depuis la désintégration de l'Union soviétique. En 1993, le nouveau gouvernement de l'époque reconnaissait qu'il y avait encore de graves problèmes à résoudre. Le Livre blanc sur la politique de défense de 1994 reconnaissait que « le Canada fait face à un monde fragmenté et plein d'imprévu, où la guerre, la répression et le chaos côtoient la paix, la démocratie et une prospérité relative »14.
Mais la même année, le déclin dans les dépenses militaires a sérieusement commencé. Le gouvernement libéral s’est lancé dans la lutte contre les déficits budgétaires, estimant qu’ils risquaient de faire perdre au Canada tout prestige sur le plan économique dans les cercles financiers internationaux. Cette initiative du gouvernement, aussi pénible fut-elle, a gagné le soutien généralisé du public et du monde. Un éditorial du Wall Street Journal a souligné le déficit budgétaire important du Canada et suggéré que son voisin du Nord courait le risque de devenir un pays du tiers monde15. Cet éditorial devint un cri de ralliement, et le gouvernement, dans le cadre de l’examen des programmes ministériels, sabra tous les postes de dépenses comme aucun autre gouvernement d'après-guerre n'avait osé le faire.
Le ministère de la Défense nationale fut durement touché et ce, pour trois raisons.
Premièrement, alors que le
gouvernement et des analystes extérieurs réalisaient que les menaces connues
auxquelles le Canada faisait face persistaient et que de nouvelles menaces
pourraient bien survenir, l’opinion publique l’a emporté sur la leur. Les Canadiens
se sont en général détendus après la fin de la guerre froide. La plupart
d’entre nous avons épousé la théorie des dividendes de
Deuxièmement, le fait que le budget de la défense soit insuffisant ne signifiait pas qu’il ne soit pas considérable lorsqu'on le compare à celui d'autres ministères. Il représente les plus grandes dépenses discrétionnaires du gouvernement16. Il y a des dépenses non-discrétionnaires plus considérables, mais elles sont pour ainsi dire bloquées dans des postes budgétaires (comme les contributions au Régime de pensions du Canada) et on ne peut y apporter de modifications importantes sans devoir d’abord modifier les lois. La défense représentait donc une cible facile.
Troisièmement, le gouvernement a traité le ministère de la Défense nationale comme à peu près tous les autres ministères. Il n’a aucunement tenu compte du fait que la plupart des éléments humains du Ministère n'étaient pas des bureaucrates travaillant dans des bureaux, mais des jeunes hommes et femmes qui risquaient de se retrouver dans des situations de vie ou de mort à un certain moment de leur mandat. C’était là une différence fondamentale, qui a pourtant été rejetée du revers de la main.
Aucun autre ministère n'a à assumer la responsabilité d'acheter le matériel perfectionné dont son personnel a besoin pour se protéger et faire son travail. Les Forces canadiennes achètent des taille-crayons et des photocopieurs et télécopieurs comme tout autre ministère, mais elles ont également besoin de matériel et de systèmes extrêmement perfectionnés. Si ceux dont elles disposent ne conviennent pas à leur mission ou ne sont pas entièrement fonctionnels, cela peut être catastrophique sur le champ de bataille. Les responsables des achats militaires peuvent établir les priorités en matière d'achat de matériel et de systèmes et ils peuvent les choisir judicieusement et prudemment sur le marché de l'armement. Mais contrairement à une réduction de 20 p. 100 du budget de ministères comme Industrie Canada ou Patrimoine Canada, amputer le pouvoir d'achat du ministère de la Défense nationale de 20 p. 100 peut avoir des répercussions désastreuses, voire fatales, et à plus forte raison si la réduction ne s’accompagne pas d’une baisse proportionnelle de la fréquence des missions confiées à nos militaires.
Ainsi que le contre-amiral McNeil l’a déclaré,
« Le problème, c'est qu'on applique aux opérations militaires des règles administratives et bureaucratiques, qui émanent essentiellement du Conseil du Trésor et qui visent tout le reste de l'appareil fédéral, de sorte que les Forces canadiennes ne constituent simplement qu'un élément du système fédéral. Je plaiderais en faveur de la spécificité des opérations militaires. […]Les opérations militaires sont dangereuses et elles diffèrent des autres opérations gouvernementales […] [I]l faut traiter un peu différemment les braves membres des Forces canadiennes qui assument une responsabilité illimitée. Il s'agirait d'un énorme changement culturel au Canada.17
8. Les nouvelles menaces
Une puissance militaire canadienne solide n'est pas une fin en soi. Elle ne se justifie que si une évaluation honnête des tendances géopolitiques, sociales et environnementales permet de déceler des menaces ou soulève des inquiétudes exigeant une augmentation de notre capacité
(a) de défendre notre pays et notre façon de vivre
(b) de contribuer à maintenir l’ordre dans le monde.
Malheureusement, comme nous encourageons très peu le débat public sur ce sujet, les Canadiens ont tendance à présumer que leur gouvernement est prêt à faire face à tout ce qui pourrait nous menacer. Pourquoi ne le serait-il pas, puisque le premier devoir de tout gouvernement est de protéger ses citoyens?
Les deux questions qui suivent sont donc largement laissées à l’évaluation du gouvernement :
-
Quelles sont les menaces qui pèsent actuellement contre les Canadiens ou auxquelles ils risquent de faire face au cours des prochaines décennies?
-
Sommes-nous capables de nous défendre contre ces menaces, compte tenu de ce que nous avons investi dans la gestion du risque?
Lorsque la guerre froide a pris fin, reléguant enfin les conflits primaires du dernier siècle à l’histoire, les Canadiens se sont figuré qu’ils pouvaient désormais se contenter d’une petite police d’assurance, et le gouvernement, résolu à réduire ses dépenses à n’importe quel prix, s’est fait un plaisir de leur donner raison.
Nous n’avons pas compris le chaos qui émergeait.
Personne n’a vraiment remarqué certains signes avant-coureurs importants, qui auraient dû nous alerter contre l’apparition d’une nouvelle vague d’un extrémisme qui n’était pas d’État : l’explosion de l’appareil d’Air India, en 1985; la désintégration de l’État, en Somalie; les conflits religieux et ethniques en Yougoslavie; l’attentat à la bombe de 1993 au World Trade Centre; le génocide au Rwanda; l’explosion d’une bombe à l’immeuble fédéral Murrah, aux États-Unis, en 1995; les attentats à la bombe contre une ambassade des États-Unis, en Afrique, en 1998, et l’attaque contre le USS Cole, au Yémen, en 2000. Nous n’avons vu dans ces événements que des problèmes d’autres pays. Ils se trouve qu’ils nous concernaient aussi.
Les attentats du 9 septembre 2001 nous ont réveillés
Ce n'est que le 11 septembre 2001 que les Nord-Américains ont commencé à réaliser que leur continent n'était plus une forteresse invulnérable. Il est non seulement devenu évident que nous faisions face à une nouvelle menace énorme, mais pour la première fois le danger était trop près pour préserver notre tranquillité.
La menace était non seulement près, mais elle était qualitativement différente de la confrontation traditionnelle de forces armées massives qui avaient marqué les XIXe et XXe siècles. C'était l'époque des batailles « force contre force ». Cette nouvelle menace était asymétrique : elle pouvait surgir n'importe où, n'importe quand. Les groupes terroristes sont en mesure d'opérer au-delà de l'autorité des États ou des gouvernements établis. En outre, comme en témoignent les attentats à la bombe qui sont produits à Londres en juillet 2005, les cellules terroristes peuvent opérer sans la gouverne ou l'assentiment d’une organisation terroriste. Un simple mélange d'idéologie (gratuite), d'amertume (gratuite) et de produits chimiques disponibles dans des centres de jardinage locaux (peu coûteux) pouvait nous exploser au visage au moment et à l’endroit où nous nous y attendions le moins.
Le Canada n’est pas à l’abri
Malgré la complaisance de plus en plus grande dont la plupart des Canadiens font preuve à mesure que s’estompe le souvenir du 11 septembre, il est tout à fait vraisemblable qu’un attentat se produise un jour en sol canadien.
La multiplication des pays défaillants ou en déroute dans le monde, en particulier en Afrique et au Moyen-Orient, a créé des conditions propices à l'hostilité envers les sociétés prospères et les valeurs occidentales. Les États-Unis, l’Indonésie, l’Espagne, le Kenya, l’Arabie saoudite, l’Irak, les Philippines et la Grande-Bretagne ont déjà été frappés et le Canada occupe une place peu enviable sur la liste qu’Oussama ben Laden a dressée des pays qu’il compte châtier. Peut-être aurons-nous de la chance, mais il ne serait pas sage de miser là-dessus.
9. Les menaces traditionnelles persistent
Si la violence autre que d’État a maintenant fait une entrée en scène remarquée, le traditionnel conflit entre États n’en est jamais sorti pour autant. La prolifération nucléaire s'est poursuivie dans des pays comme l'Inde et le Pakistan, tandis que des États plus pauvres, comme la Corée du Nord et l'Iran, se préparent dans les coulisses. Alors que les éléments de l'ancienne Union soviétique présentent moins de risque, d'autres États ont commencé à améliorer sensiblement leur situation économique, ce qui entraîne toujours l’apparition d’intérêts conflictuels nouveaux. Depuis le début de la première décennie du 21e siècle, l'humanité s’ébahit de la croissance de l’économie chinoise, mais elle devrait également surveiller de près celle de ses dépenses militaires et de son influence aux niveaux régional et mondial.
Les démocraties occidentales font de toute évidence face à des menaces au chapitre du terrorisme; à l'avenir, elles pourraient aussi être aux prises avec des menaces plus conventionnelles de la part de pays qui étalent leur puissance pour la première fois. En plus de ces menaces militaires, les conditions météorologiques imprévisibles entraînées par le réchauffement de la planète rendent le type de crises qui ont exigé l'intervention des forces armées canadiennes dans le passé encore plus susceptibles de se produire dans un avenir rapproché.
En bref, certaines des craintes des Canadiens peuvent s'être dissipées au cours des quatre années qui se sont écoulées depuis le 11 septembre, mais au vu des menaces actuelles et potentielles qui les guettent, ils devraient ouvrir l’œil. La question n'est pas tant de savoir si le Canada devrait investir dans la préparation militaire que comment il devrait le faire.
10. Nous ratons notre départ
Résolu à mettre fin aux déficits budgétaires et rassuré de voir l’électorat rassuré par un faux sentiment de sécurité au commencement du nouveau siècle, le gouvernement fédéral ne voyait pas l’urgence de remédier aux problèmes profonds et endémiques des Forces canadiennes.
Ce n’est que lorsque le Comité
permanent de la défense nationale et des anciens combattants de la
Le gouvernement a fini par régler ce problème, mais des faiblesses plus fondamentales persistaient, comme la pénurie de personnel, la détérioration de l’équipement, le manque de formation et le déploiement excessif. Encore une fois, il a fallu que des études de comités parlementaires, du vérificateur général du Canada et d’organismes universitaires et non gouvernementaux signalent ces problèmes au grand public pour que les politiciens se sentent suffisamment interpellés pour s’y attaquer.
Mais il n’est pas allé assez loin. Sur les 12,8 milliards de dollars de fonds nouveaux qu’il a réservés aux Forces canadiennes sur les cinq prochaines années, il n’a prévu au budget que 1,1 milliard de dollars pour les deux premières années, et très peu de cet argent doit être effectivement versé avant 2008-2009. Il s’agissait d’un vieux truc de politicien : annoncer l’Eldorado pour ensuite distribuer les fonds au compte-gouttes. Cela a peut-être marché sur le plan politique, mais c’était une façon fort chiche de traiter une institution aussi importante et en aussi mauvais état.
Si la plupart des Canadiens ont vu une bonne nouvelle dans l’annonce que l’effectif des Forces canadiennes serait augmenté, aucun analyste militaire sérieux ne croit qu’une augmentation aussi faible tirera les Forces de leur situation intenable. Les promesses d’achat d’équipement neuf étaient bonnes à entendre, elles aussi, mais comme le gouvernement ne commencera à se le procurer que dans trois, quatre et même cinq ans, le Canada sera à court de moyens dans des domaines d’importance cruciale jusqu’à la fin de la décennie.
Le Comité reconnaît qu’il n’existe pas de solution facile et rapide aux problèmes de nos militaires, mais nous pourrions au moins nous hâter de nous y attaquer, ce qui nous permettrait d’en sortir plus vite. Jusqu’à maintenant, le gouvernement n’a pas plongé; il s’est tout au plus mis les orteils à l’eau.
11. Un assez bon plan, mais...
Tout de suite après son Budget de 2005, le gouvernement a rendu public son Énoncé de la politique internationale, dont la partie sur la défense décrit une nouvelle politique canadienne dans ce domaine.
Le Comité souscrit aux
principes de base inscrits dans la déclaration qui concerne
Mais il faut mettre un bémol à tout cela, un seul : rien dans l’Énoncé n’indique que les Forces recevront les ressources humaines ou matérielles nécessaires pour réaliser ne serait-ce qu’une infime partie de ce plan.
À la lecture du Budget, on a presque l’impression que c’est par acquit de conscience que le gouvernement a inscrit le rajeunissement de nos forces militaires sur sa liste de priorités.
Donc, le problème ne tient pas au document lui-même mais plutôt au fait que le gouvernement ne s’y engage pas à allouer les ressources nécessaires pour réaliser les objectifs qu'il contient. En bref, dans le contexte actuel, le général Rick Hillier ne peut atteindre les buts fixés. Le financement de base n’est pas suffisant pour restructurer les fondations des Forces canadiennes et permet encore moins de bâtir quoi que ce soit d’ambitieux sur ces dernières.
L’histoire devrait servir d’avertissement aux Canadiens. Le Livre blanc sur la défense de 1994 s'est aussi avéré un document de politique fort utile, mais le gouvernement a abandonné tout effort d'atteindre ses objectifs peu après sa rédaction. S'il y a une leçon à retenir de l'exercice entrepris en 1994, c'est que les mots ne veulent rien dire si les fonds nécessaires ne sont pas alloués. Ne mâchons pas nos mots : avec une force de seulement 56 000 membres en 2010, le général Hillier ne sera pas en mesure d'atteindre ses objectifs. Le général semble être un homme hautement réfléchi et énergique, mais cela n'en fait pas un alchimiste.
12. … Le gouvernement ne se presse pas comme il le devrait
Il se trouve des gens – particulièrement chez les hauts gradés des Forces canadiennes – pour affirmer que c’est pratiquement par chance si le gouvernement n’a pas affecté aux Forces un financement plus immédiat dans son budget de 2005, parce qu’avec leur personnel et leur infrastructure actuels, il leur faudrait de toute façon au moins deux ans pour régler ne serait-ce qu’une infime partie de leurs problèmes.
C’est exactement ce que le gouvernement veut entendre, mais le Comité a visité suffisamment de bases au Canada et discuté avec un nombre important de membres des Forces pour conclure que nous pourrions faire beaucoup plus de choses rapidement qu’il ne prévoit les faire s’il cessait seulement de se … traîner … les … pieds.
Les hauts gradés qui ont comparu devant le Comité ont justifié la timidité budgétaire du gouvernement en soutenant que les Forces canadiennes ne se doteront pas de la capacité d’accueillir un grand nombre de recrues avant les quatrième et cinquième années du plan18.
C’est du moins l’avis qui prévaut au quartier général d’Ottawa.
Les membres du Comité ont souvent constaté que les commandants et le personnel des bases situées à l’extérieur d’Ottawa parlent plus ouvertement de leurs besoins et de ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas faire. Le lieutenant colonel Melançon, Commandant de l’École d’infanterie, à la base des Forces canadiennes Gagetown, a essentiellement dit au Comité que si on lui procurait plus de ressources et qu’on lui donnait le feu vert quant à la façon de mener la formation, il pourrait accueillir plus de recrues. Comme il l’a si bien dit, « [i]l n'y en a pas de problème, il y a juste des solutions »19.
Il est peut-être vrai que les militaires auraient du mal à organiser rapidement tous les types de formation dont les recrues ont besoin. Il se pourrait même qu’ils doivent, pendant un certain temps du moins, acheter certains types de formation technique hors de la sphère militaire. Mais l’explication qu’on nous donne constamment, à savoir qu’il faut procéder lentement parce que nous sommes incapables d’aller plus vite, ne tient pas la route. Nous devons cesser de penser que cette léthargie n’aura pas de conséquences graves sur les Canadiens, parce qu’elle pourrait fort bien en avoir. Si nous avions mis autant de temps à nous préparer pour la Deuxième Guerre mondiale, nous serions arrivés au front juste à temps pour assister à la fin des opérations militaires.
13. L’importance d’agir sur plusieurs fronts : 3D/EN
En matière de défense, les Canadiens doivent voir plus loin et plus grand. Il ne faut pas arrêter notre réflexion qu’à la seule composante militaire décrite dans la partie de l’Énoncé de politique internationale qui porte sur la défense.
Le Comité souhaite que les trois rapports qu’il publiera cet automne ravivent le débat public et incitent les Canadiens à voir plus loin que leur gouvernement. Sa vision nous fait prendre un bon départ. Elle engage le pays à intégrer les trois D – défense, diplomatie et développement – et à appliquer cette stratégie intégrée pour aider les États défaillants ou en déroute. Mais pour que ce plan ait la moindre chance de renverser la situation dans ces pays, il faudra l’élargir et en faire ce que nous appellerions la stratégie 3D/EN : défense, diplomatie, développement et engagement national.
Sans l’ingrédient essentiel qu’est l’engagement authentique des Canadiens, aucun gouvernement n’aura la volonté politique de soutenir les efforts que les militaires canadiens devront constamment déployer outre-mer afin d’aider ces pays à se relever et à reprendre la route.
Ces pays ne se rétabliront que grâce à un apport abondant d’outils militaires, diplomatiques et de développement (c'est-à-dire des services de génie, une réforme judiciaire, l’implantation de nouvelles méthodes d’agriculture, la réfection de l’infrastructure urbaine, l’implantation de nouvelles technologies de traitement et d’utilisation de l’eau, etc.). Même si nous choisissions judicieusement les pays où nous interviendrons, nous devrons y injecter pendant de nombreuses années des sommes considérables puisées dans le trésor public des Canadiens. Si elle n’a pas l’appui du public, une contribution de cette importance sera abandonnée dès qu’il faudra réduire le budget national.
Les Américains ont laissé tomber l’Afghanistan dès que le pays a réussi à se débarrasser des Soviétiques. Aujourd’hui, ils en paient le prix. Nous aussi, d’ailleurs. Il ne suffit pas de remporter des victoires militaires, et il faut que les Canadiens le comprennent et réalisent l’importance des efforts que nous devrons déployer pour « gagner » dans les pays qui ont besoin d’aide.
14. La nécessité d'un dialogue national
Étant donné que toute société où il vaut la peine de vivre mérite d'être défendue, dans toute société intelligente, il devrait y avoir un pacte entre le gouvernement, les forces armées et les citoyens. Le gouvernement doit faire tout son possible pour expliquer clairement aux citoyens les ressources qui sont nécessaires pour défendre le pays et contribuer à la stabilité mondiale. Il doit exprimer clairement l'importance de recourir aux effectifs militaires et à une aide étrangère réfléchie comme moyens importants de promouvoir les intérêts du Canada au pays et à l'étranger.
Les chefs militaires doivent dire publiquement la vérité aux autorités, c'est-à-dire être francs et directs avec les législateurs et les Canadiens au sujet de la capacité de nos forces armées de fournir un degré de sécurité raisonnable en tout temps. Et les citoyens ont l'obligation d'écouter attentivement, de déterminer l'élément de risque qu'ils acceptent de courir, et d'informer leurs législateurs du niveau de défense nationale et de l’ampleur de la contribution à la défense de l'ordre mondial qui leur semblent acceptables.
À l'heure actuelle, il n'y a pas de débat national sur cette question. Les commandants militaires en poste à Ottawa sont, règle générale, loin d'être francs en public lorsqu’il s’agit de leurs besoins réels, et les Canadiens sont, pour la plupart, sereinement inconscients des problèmes auxquels nous faisons face. Cette situation n'augure rien de bon pour l'état de préparation du Canada. Tôt ou tard, la prochaine crise va se produire. La question n'est pas de savoir si elle viendra, mais quand. Et nous sommes loin d'être prêts à l'affronter.
15. Les aspects essentiels
Le présent rapport comprend forcément des milliers de mots sur certains des problèmes auxquels les Forces canadiennes sont confrontés lorsqu’ils font leur travail pour les Canadiens. Lors de nos nombreuses rencontres avec des membres des Forces canadiennes, nous n’avons nulle part obtenu un point de vue aussi clair et précis sur les besoins des ces dernières que vers la fin de nos audiences de Regina, en mars 2005. Le sénateur Norm Atkins a demandé aux commandants de trois unités de la Réserve ce dont ils avaient besoin pour leurs soldats.
« Le sénateur Atkins : Si vous aviez un vœu à formuler pour obtenir quelque chose dont vos unités ont réellement besoin, quel serait-il?
Le lieutenant colonel Charlie Miller : Plus de soldats, monsieur.
Le lieutenant colonel Wainwright : L'appui de tous les Canadiens. . .
Le lieutenant colonel Paul Rutherford : Plus de matériel de formation pour mes soldats. »20
PARTIE II : L’ÉTAT DES FORCES CANADIENNES
II.I – L’Armée
II.II – La Marine
II.III – La Force aérienne
II.IV – Les capacités particulières des Forces armées
I. L’Armée canadienne
L’Armée canadienne se doit actuellement de relever un triple défi :
(1) Préparer sa croissance
L’Armée va connaître une nouvelle phase de croissance. La majorité des 5 000 nouvelles recrues promises aux Forces régulières par le gouvernement sur une période de cinq ans vont se joindre à l’Armée. Après des années de réduction des effectifs, la capacité de recrutement doit être renouvelée. La capacité d’instruction, au niveau individuel, des unités et des formations, doit être augmentée.
(2) Se transformer
Notre Armée, comme la plupart des armées occidentales, doit se transformer en une force de combat moyenne, moderne et adaptée. Pour ce faire, elle va devoir modifier la façon dont elle s’entraîne, s’équipe et combat. Selon le ministère, elle va devoir doubler sa capacité à entreprendre et à mener à terme des opérations à l’étranger tout en augmentant sa capacité d’intervention en cas de crises sur le territoire national.
(3) Tout en continuant à garantir son efficacité
Les deux défis précédents ne font que s’ajouter à ceux qui existent actuellement. L’Armée doit, tout en reprenant des forces et en évoluant, continuer, à tout instant, à préserver sa puissance d’intervention. Au calme relatif des 18 derniers mois (dû à la décision, prise par le gouvernement, de suspendre les déploiements) va succéder une série d’engagements importants qui devraient, dans un avenir rapproché, se prolonger. Déjà, les engagements pris par le gouvernement à l’égard de la mission internationale en Afghanistan, et la disponibilité accrue requise au Canada pour faire face aux menaces claires d’attaques terroristes, laissent augurer que l’Armée ne va pas chômer.
Ces défis sont rendus plus ardus encore par différents facteurs aggravants résultant du fait que l’Armée souffre de sous-dotation, de sous-équipement et de sous-financement. Ces facteurs sont :
-
le manque de personnel qualifié;
-
la cadence élevée des déploiements;
-
l’équipement dépassé;
-
des méthodes de recrutement inefficaces;
-
une capacité d’instruction mal adaptée;
-
une infrastructure détériorée;
-
une structure de réserve sur laquelle on ne peut pas compter au moment crucial.
Relever ces trois défis va nécessiter d’importantes ressources en termes d’énergie, de vision et d’argent. La présente section a pour objet de donner un aperçu des problèmes que l’Armée va devoir affronter au cours de la prochaine décennie, et de rappeler aux Canadiens que cette institution – si essentielle à leur bien-être – ne pourra tout simplement plus venir à leur rescousse si le gouvernement continue de réduire son financement comme une peau de chagrin. Si les commandants sont peut être un trop réticents à exprimer cette vérité en public, ils n’hésitent pas à aborder ouvertement leurs faiblesses dans leur rapport d’impact aux chef d’état-major de la Défense.
« Au moment où nous entrons dans [l’exercice] 2005-2006, le Commandement de la Force terrestre aura beaucoup de mal à remplir les missions qui lui ont été confiées tout en empêchant l’érosion de l’effectif et en soutenant les mesures de transformation requises pour évoluer à la même vitesse que l’environnement de sécurité. […] Les mesures prises à ce jour pour accomplir ces changements ont eu raison de la souplesse des ressources disponibles. [traduction] »
Lieutenant général Marc Caron,
Chef d’état-major de l’Armée de terre[21]
notre interprétation : L’Armé doit affronter une triple fatalité. Elle est trop sous-financée pour remédier aux faiblesses causées par le sous-financement passé, elle est trop sous-financée pour assumer ses responsabilités actuelles, et elle est trop sous-financée pour se préparer aux transformations importantes dont elle doit faire l’objet afin de pouvoir continuer de servir les Canadiens à l’avenir.
Le défi que doit relever l’Armée – c’est-à-dire demeurer efficace tout en se réinventant en prévision de l’avenir – serait déjà ingrat même si elle ne devait pas le relever au terme de plus d’une décennie et demie de négligence. Comme le lieutenant général Caron le signale dans son étude d’impact (sur les fonds réservés à l’Armée par le gouvernement pour 2005-2006) :
« À défaut de recevoir des fonds supplémentaires du ministère, le Commandement de la Force terrestre devra continuer d’affecter une partie importante du financement de son programme de développement durable à la réalisation de plusieurs des initiatives de transformation plutôt qu’aux fins auxquelles ces ressources devraient servir. En fait, ce n’est qu’en réduisant ou en sous-finançant délibérément ses activités que l’Armée est parvenue à faire les modestes transformations accomplies jusqu’à maintenant. Le changement va continuer de s’accélérer au cours des prochaines années alors que bon nombre des transformations actuellement projetées seront effectuées et que de nouvelles initiatives seront mises en application. Les investissements supplémentaires requis pour mettre ces projets à exécution vont excéder les ressources à la disposition du Chef d’état-major de l’Armée de terre[22]. [traduction] »
NOTRE INTERPRÉTATION : « Vous comptez sur l’Armée pour défendre les Canadiens contre les menaces auxquelles nous devons actuellement faire face au pays et à l’étranger tout en souhaitant qu’elle se transforme en une institution capable à l’avenir de remporter la victoire sur des théâtres où l’on fera la guerre avec des moyens modernes, mais vous ne nous fournissez pas l’argent et les ressources dont elle a besoin pour y arriver. Elle ne peut tout simplement pas faire ce que vous attendez d’elle avec les fonds que vous lui donnez. »
Le lieutenant-général Caron a dit qu’au cours de l’exercice 2005-2006, l’Armée recevra 224, 2 millions de dollars de moins que ce dont elle a besoin pour jouer son rôle actuel et se préparer à celui qui lui sera confié à l’avenir[23].
De l’Avis du Comité, cette estimation du manque à gagner est très modeste, surtout si on tient compte des sommes énormes que la détérioration des installations oblige à investir dans l’infrastructure.
L’estimation du lieutenant-général Caron serait en deçà de la réalité même si l’effectif des Forces armées ne devait pas connaître plus que la timide augmentation que le gouvernement s’est engagé à faire. Le Comité croit que, tôt ou tard, on admettra qu’une augmentation beaucoup plus importante s’impose. Le gouvernement devrait investir davantage dès maintenant en prévision de cette éventualité.
Une Armée « vidée »
Non seulement la plupart des recrues que le gouvernement a promis de fournir à l’Armée ne seront-elles pas engagées avant quatre ou cinq ans, mais le personnel dont les commandants disposent actuellement est beaucoup moins nombreux qu’il ne paraît. D’après l’étude d’impact de l’Armée de terre de cette année, le pourcentage des militaires « ne participant pas aux opérations » – parce qu’ils sont pour la plupart en congé de maladie permanent ou temporaire – est d’environ 15 p. 100[24]. Mais ce n’est que la moitié du problème. En effet, comme un nombre important des membres des unités de soutien sont habituellement en formation en cours d’emploi, le nombre de militaires sur lesquels certaines de ces unités peuvent compter représente moins de 70 p. 100 de leur effectif[25]. Selon le lieutenant général Caron, ce facteur a engendré « un état de choses permanent qu’on a fini par appeler ‘ une Armée vidée[26] ’ [traduction] ».
Une Armée de plus en plus « vidée »
Comme les recruteurs des Forces canadiennes arrivent difficilement à séduire d’éventuels intéressés, l’Armée canadienne assiste impuissante à un exode de son personnel compétent dont les conséquences pourraient être dévastatrices.
Comme le reste des Forces canadiennes, l’Armée doit combattre les effets de l’évolution démographique. Une grande partie des effectifs militaire et civil de l’Armée deviendra admissible à la retraite au cours des prochaines années.
La façon dont le colonel Ryan Jestin, commandant de la 3e Unité de soutien de secteur, à Gagetown, a décrit les défis qu’il lui faudra relever au niveau de sa base est symptomatique de l’ampleur du problème. Le colonel Jestin a déclaré au Comité que, d’ici à 2011, plus de 58 p. cent de l’effectif civil de l’Armée à Gagetown auront atteint l’âge de la retraite[27].
C’est à souhaiter. Ce n’est peut-être pas un défi insurmontable, mais c’est un défi de taille et généralisé à l’ensemble de l’Armée. Comme le brigadier général Côté, commandant de la Force terrestre au Québec, l’a déclaré : « Mon problème dans ce secteur actuellement, c'est que nous avons beaucoup de gens qui approchent de l'âge de la retraite et qui vont pouvoir la prendre[28] ».
Le départ prévisible d’un si grand nombre de membres des personnels civil et militaire d’expérience ne devrait normalement pas poser de problème majeur si ces derniers étaient parallèlement et progressivement remplacés par des recrues formées et qualifiées. Mais, compte tenu du fait que le recrutement, au sein des Forces canadiennes, est réduit à la portion congrue depuis les années 1990, il s’est créé un déficit de personnel chevronné qui a entraîné une pénurie de personnel de niveau intermédiaire. Si le personnel militaire expérimenté en fin de carrière décide de prendre la retraite à laquelle il a le droit, le niveau d’expérience du celui qui le remplacera sera bien entendu inférieur. Il existe même un risque de pénurie réel dans certaines spécialités, car si l’Armée recrute, elle éprouve des difficultés à recruter du personnel spécialisé.
Une cadence de déploiement excessive : nous ne faisons plus le poids
Les rapports antérieurs du Comité ont fait état du cycle insidieux qui a conduit, ces dernières années, les Forces canadiennes à un point de rupture :
1. les politiciens ne financent pas suffisamment les Forces canadiennes;
2. les politiciens engagent les Forces canadiennes dans des missions à l’étranger qui excèdent leur capacité;
3. à chaque nouvelle mission, les Forces canadiennes manquent désespérément de personnel bien formé;
4. l’effectif est tellement déployé qu’il ne reste personne derrière pour former les recrues et les membres réguliers qui ont besoin d’acquérir une formation pour s’acquitter de nouveaux types de missions;
5. l’effectif formé est déployé si souvent qu’il souffrent d’épuisement professionnel;
6. les politiciens continuent de sous-financer les Forces canadiennes . . .
7. les politiciens continuent d’engager les Forces canadiennes . . .
La décision de réduire le nombre de déploiements jusqu’en février 2006, dans l’espoir de rajeunir l’effectif, l’équipement, les systèmes et la planification, est une des décisions les plus judicieuses que le gouvernement fédéral ait prises depuis deux décennies à l’égard des Forces canadiennes. Nous aurions souhaité qu’il s’en tienne à cette décision suffisamment longtemps pour que les effets positifs de cette dernière puissent se faire sentir, mais il a été décidé d’envoyer de nouveaux contingents au Soudan et en Afghanistan. Il est donc fort à craindre que ne réapparaisse l’épuisement dû à la cadence excessive de déploiements que nous avons connue au cours des dernières années.
La base de Gagetown est la plus importante de l’Armée canadienne pour la formation dans le maniement des armes de combat. Le lieutenant colonel Brian Douglas, qui y dirige l’École d’artillerie, a déclaré que :
« […]. Même si l'attention continue d'être braquée sur les troupes canadiennes déployées à l'étranger, les instructeurs et les soldats à l'école d'artillerie continuent de boxer dans la catégorie de poids supérieure afin d'appuyer les forces de campagne. Bien que nous tournions à l'heure actuelle avec 95 p. 100 de l'effectif requis, le nombre de militaires disponibles est en fait bien inférieur. Notre taux de laissés hors de la bataille est en moyenne de 15 à 20 p. 100, ce à cause de congés de paternité et de maternité, d'invalidité permanente ou temporaire et de cours de qualification. Cela impose un fardeau énorme au restant du personnel tout au long de l'année[29]. […] »
Le Comité a entendu des témoignages de ce type au quatre coins du Canada. Ainsi le colonel Timothy J. Grant, commandant du 1er Groupe-brigade mécanisé du Canada, basé à Edmonton, a-t-il déclaré plus ou moins la même chose au Comité[30].
Que cette institution – qui est déjà loin d’avoir tout le personnel dont elle a besoin pour s’acquitter de ses nombreux mandats – soit « à court » de 20 p. 100 de son effectif signifie essentiellement qu’elle ne roule que sur trois roues.
Manque de techniciens qualifiés et de pièces de rechange
Un des problèmes les plus graves qu’éprouve l’Armée canadienne est qu’elle n’arrive pas à maintenir en bon état l’équipement qu’elle possède. Il y a à cela deux causes principales : le manque de personnel qualifié requis pour effectuer les réparations, et le manque de pièces de rechange dont ce personnel a besoin pour réparer les véhicules. Et ce problème sévit dans toutes les bases du pays.
Si les Forces canadiennes manquent de techniciens qualifiés, c’est bien évidemment parce que les réductions budgétaires qu’elles ont subies au cours des années 1990 les ont obligées à cesser de recruter. Mais le lieutenant général Caron a aussi dit au Comité que la cadence effrénée des déploiements que le gouvernement leur a confiés jusqu’à tout récemment a eu un effet non seulement sur le personnel qui y a été affecté, mais aussi sur le nombre de techniciens qualifiés disponibles dans les divers services :
« Le rythme opérationnel élevé [des années 1990 à 2003] et ce que nous appelons « rythme personnel » c'est-à-dire le temps consacré au perfectionnement professionnel ou à l'attribution des missions, a eu des répercussions. La première concerne probablement l'attrition. Même si le taux d'attrition s'améliore, il y a quelques années et même l'année dernière, le taux d'attrition dans la section des armes de combat était plus élevé que pour la moyenne des Forces canadiennes. […] le départ du personnel. C'est là où les répercussions ont été les plus profondes[31]. »
Mais d’après le lieutenant général Caron, la cadence effrénées des déploiements a eu un autre effet secondaire important, à savoir que, comme les membres de l’effectif qui auraient pu donner de la formation étaient en mission ou avaient quitté les Forces à cause du rythme opérationnel trop élevé, l’Armée dans son ensemble s’est soudainement retrouvée à court de techniciens qualifiés :
« Si nous avons effectivement des insuffisances dans les domaines techniques, c'est que nous n'avons pas encore réussi à obtenir les gens qu'il nous fallait. Ce sont des gens qui nous ont quittés par exemple, et ceux qui les remplacent doivent être formés. Il faut jusqu'à 18 mois de formation pour qu'un technicien en système de conduite de tir devienne opérationnel sur le VBL III[32]. »
Le lieutenant colonel Brian Douglas, de l’École d’artillerie de la BFC Gagetown, a dit que la pénurie de techniciens qualifiés et de pièces de rechange causait un ralentissement des réparations et de l’entretien :
« […] il y a la contrainte de notre matériel. Les véhicules, en particulier, posent problème, avec un taux de véhicules hors d'usage de 27 p. 100. Les attentes pour main-d'œuvre comptent pour 16 p. 100 tandis que les attentes pour pièces représentent 11 p. 100. Cela suscite bien évidemment de la frustration chez mes soldats et instructeurs qui doivent sans cesse jongler avec notre matériel roulant[33]. »
Le colonel Christopher Davis, le supérieur du lieutenant colonel Douglas et commandant du Centre d'instruction au combat de la BFC Gagetown, a ajouté :
« Nous avons des difficultés dans deux domaines pour ce qui est de nos véhicules : l'acquisition nationale des pièces de rechange est motivée par un souci d'économie; et nous avons besoin de techniciens qualifiés pour réparer ces véhicules. Nous jouissons d'un appui excellent pour Gagetown, mais nous n'avons pas assez de techniciens pour répondre à la demande actuelle et au taux d'utilisation de nos véhicules[34]. »
Le manque d’équipement
L’Armée manque actuellement d’équipements essentiels, tels que l’équipement de combat de nuit. Si les unités opérationnelles sont dotées de tout l’équipement dont elles ont besoin, les unités de formation, quant à elles, ne bénéficient souvent pas d’un équipement suffisant, ce qui signifie qu’il peut arriver que le personnel sur le terrain ne soit pas correctement formé à utiliser l’équipement qu’on lui confie.
Le colonel Christopher Davis, commandant du Centre d’instruction au combat de Gagetown, nous a dit qu’il lui était extrêmement difficile de former les troupes dans l’usage de l’équipement de combat de nuit dont elles auront besoin sur le terrain :
« Le matériel de combat de nuit pose clairement un problème […], il a fallu puiser dans notre stock de matériel de combat de nuit de l'École d'infanterie pour équiper le 2RCR qui partait pour Haïti. De ce fait, mon entraînement au combat de nuit s'est pratiquement arrêté, du moins l'entraînement à pied [35]. »
L’École d’infanterie de la BFC Gagetown a depuis lors récupéré son équipement de combat de nuit, mais sa formation n’en a pas moins été interrompue. La formation en vue d’un futur déploiement est trop cruciale pour être interrompue en raison du manque d’équipement, tout particulièrement lorsqu’il s’agit d’un équipement qui peut faire la différence entre la vie et la mort.
L’Armée dispose d’un équipement à la fine pointe de la technologie, mais elle ne dispose tout simplement pas d’assez d’équipement pour répondre à tous ses besoins opérationnels et de formation. Elle se retrouve donc contrainte à jongler avec ses maigres ressources, ce qui revient à jouer avec la vie de ses jeunes recrues.
La Réserve de l’Armée est tout particulièrement douée pour se tirer d’embarras en cas de pénurie d’équipement. Comme le lieutenant colonel Trottier, commandant du régiment de Windsor, l’a déclaré :
« Les forces n'ont pas suffisamment de matériel, en raison de contraintes budgétaires. Le matériel est donc partagé. […]. Le matériel [de reconnaissance] est partagé avec l'effectif de Meaford, en Ontario, situé à six heures d'ici. Nous utilisons par conséquent le matériel qu'ils ont là-bas pendant un week-end, nous le rendons par la suite, et le week-end d'après, une autre unité s'en sert. Bien souvent, deux ou trois unités différentes veulent utiliser le même matériel un week-end pour un exercice de plus grande ampleur, ce qui pose parfois des problèmes, mais il y a généralement suffisamment de matériel pour que tous puissent en avoir et grâce à ce système de partage, nous pouvons entraîner nos soldats relativement efficacement...Nous avons du bon matériel, mais nous n'avons pas tout, étant donné que cela coûte très cher de soutenir toutes les activités[36]. »
Le fait de pouvoir effectuer une partie de l’entraînement, mais pas tout l’entraînement souhaité par le commandant, avec l’équipement approprié n’est pas limité à la BFC Gagetown et déterminer l’équipement requis nécessite parfois de lire entre les lignes.
Le brigadier général Greg Young, commandant adjoint du Secteur du centre de la Force terrestre, nous a déclaré qu’il possédait « suffisamment d'équipement » pour mener à bien l’instruction qu’il doit donner, mais que cette dernière pourrait être plus étoffée s’il disposait de plus d’équipement. Il s’agit, comme il l’a expliqué, de gérer les attentes. Les unités ne manquent pas d’équipement, car l’instruction qui leur est confiée est réduite en proportion de l’équipement disponible.
« Le sénateur Meighen : Mais vous avez actuellement assez d'équipement pour les membres qui se joignent à la Réserve?
Le brigadier général Young : C'est cela.
Le sénateur Meighen : Vous avez assez d'équipement pour aller outre-mer?
Le brigadier général Young : Assez pour entraîner nos soldats, pour les déployer au sein de groupes d'intervention qui sont correctement équipés.
Le sénateur Meighen : Je suis heureux de vous l'entendre dire.
Le président : Êtes-vous donc en train de nous dire que, dans notre rapport, nous n'aurons pas à dire que vous avez besoin de plus d'équipement?
Le brigadier général Young : Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.
Le président : Nous voudrions savoir ce que vous voulez dire.
Le sénateur Meighen : Avant que vous ne répondiez, je voudrais vous expliquer l'une de nos difficultés. Nous avons entendu dire que vous n'avez pas l'équipement de la meilleure qualité possible. Nous avons entendu dire que vous n'avez pas assez d'équipement mais nous avons du mal à en obtenir conformation de votre part. J'ose quand même croire qu'il n'est pas contraire à la doctrine militaire de dire que vous pourriez avoir plus d'équipement pour donner une meilleure instruction?
Le brigadier général Young : Je suis d'accord avec cette dernière remarque. L'équipement que nous avons actuellement est certainement limité. […]Il est limité en quantité[37]. »
Il n’est pas possible, au regard de ce problème, d’y aller par quatre chemins, car ce dernier a des conséquences graves sur l’efficacité des Forces armées canadiennes et sur la sécurité de leur personnel. Les Forces canadiennes manquent cruellement du matériel essentiel à leur entraînement et à leur survie sur le terrain. Ce problème dépasse largement le cadre des difficultés que l’Armée escompte régler au moyen de sa gestion globale du parc de véhicules.
Gestion globale du parc de véhicules
Depuis la fin des années 1990, l’Armée a dû faire face à une cadence de déploiements effrénée. Les troupes étaient épuisées et il faillait trouver une solution. C’est pourquoi, lorsque le gouvernement a décidé une « pause opérationnelle » d’août 2004 à février 2006, l’Armée a décidé de mettre en place un système officiel de gestion de la disponibilité opérationnelle qui doit entrer en vigueur en février 2006.
Ce nouvel outil établit un cycle permanent de trois ans, alternant récupérations, entraînements et déploiements, qui, selon le ministère, permettra au gouvernement canadien de disposer de la capacité durable de déployer jusqu’à deux forces opérationnelles de 1 000 personnes et un quartier général de groupe‑brigade[38]. De plus, le système de gestion de la disponibilité opérationnelle prévoit la possibilité de déployer une troisième « force opérationnelles de secours » pour faire face aux situations d’urgence de courte durée et permettre à l’Armée de continuer à assurer des opérations telles que des interventions d’aide en cas de catastrophe ou d’évacuation de personnel non combattant. L’une des caractéristiques essentielles du système de gestion de la disponibilité opérationnelle est la période de récupération de six mois qui suit immédiatement chaque déploiement en vue de remédier aux effets d’une cadence de déploiements opérationnelles élevée des unités.
Les unités, une fois intégrées à ce système, feront l’objet de formations validées selon une échelle de niveaux définis. La « gestion globale du parc des véhicules » mise en place par l’Armée vise à mettre en commun les ressources en équipement lourd (tels que les véhicules de combat). Les unités ne recevront désormais que l’équipement dont elles ont besoin, lorsqu’elles en ont besoin, afin de mener à bien une formation d’un niveau déterminé.
Les unités de l’Armée ne disposeront donc plus en tout temps d’un ensemble d’équipements lourds complet.
Se pourrait-il que la gestion globale du parc de véhicules constitue une façon déguisée de gérer la pénurie d’équipement? Le sénateur Banks a eu un échange assez franc sur le sujet avec le brigadier général Côté, commandant de la Force terrestre au Québec :
« Le sénateur Banks : […] J'ai acquis la conviction...qu'il s'agit plutôt d'un euphémisme pour dire se débrouiller et replacer les chaises longues sur le pont du Titanic, si vous voyez ce que je veux dire, avec des ressources inférieures à ce qu'elles devraient être.
Je vais vous donner un exemple. Il y a quelques instants, vous nous avez dit que deux sur trois de ces unités qui sont censées être des unités d'infanterie légèrement blindée ont le matériel nécessaire, la troisième n'en a pas. Donc ces militaires se baladent alors qu'ils sont censés constituer une unité d'infanterie mécanisée. Et vous nous dites que c'est parce que les véhicules ont été envoyés [au Centre canadien d'entraînement aux manoeuvres] en Alberta.
Lorsque j'entends cela, je pense immédiatement que c'est un peu court. C'est un peu court. Nous demandons à ces gens de faire un boulot sans leur donner le matériel dont ils ont besoin pour le faire. Nous leur demandons d'inventer des expressions comme « gestion de la disponibilité opérationnelle » et de dire que ces unités vont être déployables de façon prévisible.
Ce n'est pas comme si la nécessité d'une intervention militaire se faisait sentir progressivement, de façon prévisible, sans heurts et petit à petit, ce qui nous permettrait de dire : « Voici exactement ce que nous allons devoir faire dans six mois. » Il peut y avoir un tremblement de terre, une tempête de verglas, à moins que quelqu'un ne commence à nous tirer dessus. Il est impossible de prévoir ce genre de choses.
Est-ce que je me trompe? Est-ce que je suis sceptique à tort? Est-ce que je vois sous mon lit un méchant monstre qui n'existe pas et tout va très bien au contraire?
Le brigadier général Côté : Il y a bien un monstre et j'ai vu ses pantoufles, monsieur. […]Je pense que c'est cela. On a certainement eu un problème de ressources. La transformation de l'armée est financée à même le budget d'opération de la maintenance et non pas comme un projet qui aurait eu un financement adéquat au plan national. Si on veut utiliser un aphorisme, on a juste à dire qu'on doit cannibaliser ce qu'on appelle l'armée institutionnelle pour pouvoir employer ou préparer les troupes opérationnelles pour le déploiement[39]. »
Absence d’infrastructure de formation
Le visage de la guerre change. De nos jours, les conflits sont susceptibles de prendre la forme de batailles isolées davantage livrées au cœur de zones urbaines plutôt qu’en rase campagne.
Comme en témoigne une pile de documents produits par les Forces armées, celles-ci s’adaptent à cette nouvelle réalité.
Mais elles ne disposent pas pour cela de certains des outils élémentaires. Nous envoyons de plus en plus souvent nos troupes dans des centres urbains. Pour se battre dans les rues d’une ville, il faut acquérir une formation différente. Mais l’Armée n’a pas d’école de formation en opérations urbaines, et le colonel Davis sait qu’il lui faut en créer une au Centre d’instruction au combat :
« […] j'ai besoin de crédits pour une installation d'entraînement sur terrain complexe, un village d'opérations urbaines qui puisse recevoir l'infanterie, les blindés et l'artillerie de toute une compagnie. Une installation d'entraînement complexe nous permettrait de former nos soldats et officiers à la guérilla urbaine, l'environnement le plus fréquent et le plus dangereux d'aujourd'hui[40]. »
Le lieutenant général Caron a déclaré au Comité que le manque de fonds a obligé l’Armée à courir des « risques » sur le plan de l’infrastructure :
« Nous prenons effectivement certains risques au niveau de l’infrastructure. Pour gérer le risque, nous devons savoir précisément ce dont nous disposons. Il s’agit toujours d’établir un équilibre ou de gérer le risque financier, entre l’atteinte des objectifs de la mission et le maintien des actifs réels dont nous disposons comme l’équipement, le personnel, et cetera[41]. »
Le Comité juge qu’il s’agit de risques qui peuvent se révéler fatals si les troupes envoyées sur le terrain ne sont pas suffisamment préparées
Une infrastructure vétuste
Au cours des trois dernières années, le Comité a visité presque toutes les principales bases de l’Armée au Canada. Partout où il est allé, le Comité a interrogé le personnel de ces bases et les familles de ce dernier sur leur qualité de vie. Une de leurs critiques les plus fréquentes visait l’état de délabrement avancé de l’infrastructure, y compris des logements permanents, des services publics et des installations de formation et d’entraînement.
Selon l’étude d’impact rédigée par le lieutenant général Caron pour l’exercice 2005-2006, « Le fait que ce soit au commandement de la Force terrestre qu’incombent la responsabilité institutionnelle de financer son infrastructure et la capacité historique de s’acquitter de cette responsabilité a été entériné par le ministère depuis des années[42]. [traduction] »
Pour le seul exercice 2005-2006, l’Armée a dû faire face à un manque à gagner de 100 millions de dollars en termes de réparations et de rénovation. Selon le lieutenant général Caron, 50 p. 100 de l’infrastructure de l’Armée a plus de trente ans et 5, 4 p. 100 de cette dernière est considérée comme faisant partie du patrimoine canadien[43]. L’Armée ne dépassera pas cette année 58 p. 100 des objectifs fixés par le ministère de la Défense national en matière d’entretien et de maintenance, et 71 p. 100 de ceux que le ministère lu a fixés en matière de construction[44]. Comme le souligne le lieutenant général Caron : « [ce manque à gagner] ne fera que s’ajouter au fardeau accumulé de l’Armée en matière d’infrastructure[45] [traduction] ».
Lorsque le Comité s’est rendu à Saint John, au Nouveau-Brunswick, plus tôt cette année, les officiers de la BFC Gagetown – la principale base de l’Armée dans le Canada atlantique – nous ont montré à quoi pouvait ressembler une base militaire où des travaux de réparation et de rénovation s’imposent de toute urgence. Le commandant de la base, le colonel Ryan Jestin, nous a décrit toute une série de déficiences. Il devrait être possible de remédier à certaines de celles-ci grâce aux 143, 5 millions de dollars qui doivent, comme on l’a récemment annoncé, être consacrés à l’infrastructure de Gagetown, mais le témoignage du colonel Jestin demeure un bon exemple de l’ampleur des problèmes d’infrastructure auxquels sont confrontées les Forces canadiennes :
« La base Gagetown a été construite dans les années 50. Historiquement, les fonds destinés aux projets de recapitalisation et d'entretien sont restés bien en deçà de l'objectif de 2 p. 100 du coût de remplacement des biens immobiliers. Les services publics […] sont acheminés par des tunnels souterrains. […] ces installations sont en place depuis 50 ans et ont grand besoin de réfection […] il est tout particulièrement important de remplacer les canalisations d'eau chaude à haute température qui chauffent la plupart des bâtiments. […] le coût total de réfection de toutes les installations de services publics se chiffre à environ 50 millions de dollars. Selon ma perspective, le plus gros problème est la détérioration des logements pour célibataires de la base au terme d'une utilisation intensive de 50 ans. […] Les fonds destinés aux projets de recapitalisation et d'entretien sont restés bien en deçà de l'objectif de 2 p. 100 du coût de remplacement des biens immobiliers. On examine actuellement au quartier général de la Défense nationale une proposition […] selon laquelle les fonds de recapitalisation et d'entretien seraient portés à hauteur de 6 p. 100 de la valeur de remplacement des biens immobiliers […] Le cas échéant, nous serions financièrement en mesure d'effectuer une grande partie des travaux de réfection essentiels en souffrance et, ainsi, de rajeunir notre infrastructure vieillissante [46]. »
Le colonel Jestin a causé une certaine surprise au sénateur Tommy Banks en établissant un lien direct entre les budgets et la détérioration de l’infrastructure :
« Le sénateur Banks : Colonel Jestin, en parlant de la réparation de l'infrastructure, vous avez parlé de la notion de 4 p. 100 (sic!) de la valeur de remplacement. […]Pouvez-vous nous chiffrer ce montant?
Le colonel Jestin : Sénateur, c'est 1 milliard à Gagetown.
Le sénateur Banks : Un milliard?
Le colonel Jestin : Un milliard.
Le sénateur Banks : Avec neuf zéros?
Le colonel Jestin : Oui, sénateur. J'ai besoin de l'ordre de 60 millions de dollars par an pour entretenir correctement l'infrastructure.
Le sénateur Banks : Et combien vous donne-t-on en ce moment?
Le colonel Jestin : Je crois que l'an dernier j'ai dépensé 24 millions de dollars, sénateur.
Le sénateur Banks : Donc, moins de la moitié?
Le colonel Jestin : Oui, sénateur.
Le sénateur Banks : Cela signifie que nous accumulons un lourd passif?
Le colonel Jestin : Oui, sénateur, c'est exactement cela.
Le sénateur Banks : Et si rien ne change, le toit des bâtiments finira par s'effondrer?
Le colonel Jestin : J'espère que l'on n'en viendra pas là, sénateur, mais oui, vous avez raison, monsieur.
Le sénateur Banks : L'entretien de l'infrastructure accumule une facture reportée qui ne cesse de grossir. C'est un peu comme un déficit annuel qui contribue à l'endettement à long terme.
Le colonel Jestin : C'est exact, sénateur.
Le président : Pour parler franchement, vous perdez beaucoup de temps à trouver des moyens de tenir le coup avec ce que vous avez.
Le colonel Jestin : Oui. C’est comme notre équipement, sénateur. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour garder notre équipement en état de marche et nous en faisons autant avec l’infrastructure. »
Le problème de la détérioration de l’infrastructure ne sévit pas que dans cette région du pays. Comme l’a déclaré au Comité le lieutenant-général Young, commandant adjoint du secteur du Centre de la Force terrestre (SCFT), les besoins en infrastructure sont, dans sa région, majeurs :
« Une bonne part de l'infrastructure requise pour appuyer les Forces de réserve du SCFT remonte au début des années 1900, lorsque les soldats étaient encore à cheval et que les exercices répétitifs étaient un volet important des tactiques de bataille.
Les manèges construits dans les années 1950 et 1960 étaient conçus de la même manière que les anciens manèges, mais avec les normes de construction de l'époque. La plupart de nos manèges [à l’exception de celui qui vient d’être construit à Windsor] sont inefficients du point de vue des opérations et de l'instruction.
Si l'on voulait les rénover en fonction des normes d'aujourd'hui, pour l'accès sans obstacle ou les systèmes de câblage qu'exigent les ordinateurs, le coût serait extrêmement élevé[47]. »
Le brigadier général Young a déclaré que le secteur du Centre de la Force terrestre (SCFT) vient de lancer un plan de reconstruction « employant des méthodes novatrices et efficientes[48] ».
Malgré l’assurance donnée par le brigadier général Young que des solutions sont en cours d’être trouvées dans le SCFT, la dégradation de l’infrastructure de l’Armée demeure, dans l’ensemble du pays, un problème chronique qui ne cesse de s’aggraver.
La Réserve de l’Armée canadienne
En 2000, cinq ans avant que le gouvernement n’annonce qu’il recruterait 3 000 nouveaux réservistes (la plupart destinés à l’Armée), l’Armée a institué le projet de Restructuration de la Réserve de la Force terrestre (RRFT) dans le but, épousé avec enthousiasme par le gouvernement de l’époque, de porter l’effectif de la Réserve de la Force terrestre à « au moins » 18 500 personnes avant l’exercice courant (2005/06) [49].
En avril, puis de nouveau en novembre, 2003 (donc deux ans avant que le gouvernement suivant ne promette de recruter 3 000 réservistes de plus), le ministre de la Défense nationale a annoncé que l’objectif visé pour la Phase I – porter l’effectif à 15 500 personnes – avait été atteint[50]. De surcroît, il a annoncé de plus que l’effectif de la Réserve de la Force terrestre atteindrait 18 500 personnes en 2006/07[51].
Tout le monde a semblé oublier ces promesses quand le gouvernement actuel a annoncé, au printemps de 2005, que l’effectif de la Réserve serait augmenté de 3 000 personnes pour s’établir en tout à 18 500. Cet engagement avait déjà été pris il y a deux ans.
Mais, le 1er septembre 2005, le ministère de la Défense nationale a annoncé que l’effectif de la Réserve de la Force terrestre n’était que de 13 053 personnes au lieu des 15 500 prévus annoncés deux ans plus tôt[52]. De deux choses l’une : depuis deux ans, la Réserve de la Force terrestre perd plus de membres qu’elle n’en recrute, ou bien quelqu’un se trompe (ou s’est trompé) dans ses calculs. Si l’effectif de la Réserve diminue, cela augure mal en ce qui a trait à la réalisation des engagements de le porter à 18 500 pris en 2003, et réitéré en 2005.
La Réserve est-elle rentable?
Pour évaluer la valeur de la Réserve, le Comité a examiné le nombre de réservistes qui passent à la Force régulière, et il a constaté que, en 2005, la Réserve de la Force terrestre a en moyenne procuré à cette dernière de 10 à 15 p. 100 du personnel déployé dans les opérations à l’étranger – soit de 100 à 200 personnes en tout temps[53], et qu’elle lui fournit une proportion encore plus importante de son effectif stationné au Canada.
Depuis le début de 2005, la Réserve de la Force terrestre a maintenu à elle seule plus de 2 500 réservistes en service actif à plein temps.
Les membres de la Réserve de la Force terrestre qui effectuent une période de service actif constituent sans conteste un appoint de choix pour les Forces régulières. Tous les commandants que le Comité a entendus lui ont déclaré que les membres de la Réserve, lorsqu’ils rejoignent une unité de combat, s’y comportent au quotidien aussi bien que ceux des Forces régulières. Ils s’y montrent parfois même admirables.
Mais le Comité éprouvent cependant deux réserves à l’égard de la Réserve de la Force terrestre, à savoir :
-
Dans quelle mesure peut-on vraiment compter sur la Réserve si rien n’oblige cette dernière à participer à une opération où sa présence s’avère pourtant indispensable?
-
Dans quelle mesure est-il logique de continuer de garder les unités de réservistes à proximité les unes des autres ou sur des terrains qui ont une grande valeur commerciale?
Les membres de la Réserve sont payés pour en faire partie, mais ils ne sont nullement tenus de doter les postes vacants des Forces canadiennes régulières. Des commandants des Forces canadiennes ont exprimé au Comité leurs inquiétudes quant au fait de risque de ne pas pouvoir obtenir, dans de courts délais, le soutien de la Réserve si des situations d’urgence l’exigeaient[54].
Tel n’a pas été le cas jusqu’à présent, puisque des milliers de réservistes se sont portés volontaires lors des inondations du Saguenay, en 1996, de celles du Manitoba, en 1997, de même que lors de la tempête de verglas en 1998 et du passage à l’an 2000[55].
Néanmoins, l’inquiétude demeure et cette dernière fur exprimée par colonel Jim Ellis, commandant adjoint lors de l’Opération Peregrine (déploiement visant à combattre les feux de forêt près de Kelowna, en Colombie-Britannique, en août et en septembre 2003), lors d’une déclaration en réponse à une question du sénateur Day :
« Le sénateur Day : Colonel Ellis, vous avez été un peu chanceux dans ce cas-là, parce que vous aviez un groupe de réservistes qui s'apprêtait à aller à Wainwright en août, donc il était en attente. Si cela n'avait pas été le cas, auriez-vous réussi à trouver de 500 à 880 réservistes?
Le colonel Ellis : Je pense que nous avions 870 réservistes là-bas à la fin, qui provenaient de partout dans l'Ouest du Canada. Vous avez raison. Si l'incident était survenu au beau milieu de l'année scolaire ou à n'importe lequel autre moment que juillet ou août, je suis certain que nous n'aurions pas eu autant de personnel. C'est un fait pur et simple, comme je l'ai dit. Comme ces emplois ne sont pas protégés, beaucoup de ces hommes et de ces femmes vont à l'université ou à l'école secondaire, et il est très difficile pour eux et elles de s'en absenter[56]. »
Ici, là, et partout à la fois
La façon dont sont gérées, partout au Canada, les installations de la Réserve s’avère coûteuse et inefficace. Certaines unités de la Réserve utilisent des manèges militaires vétustes situés sur des terrains d’une grande valeur commerciale, qui demeurent inutilisés une grande partie de l’année et sont parfois si proches les uns des autres que ces installations pourraient sans problème être fusionnées.
Il est possible que le choix de l’emplacement et des installations de la Réserve réponde à des impératifs démographiques, mais le choix du lieu de leur implantation, ainsi que leur configuration, devrait être étudiés au cas par cas.
Le Comité a beaucoup apprécié les installations récemment construites pour les réservistes à Windsor, en Ontario, en vertu d’un accord de partage des coûts et de l’espace conclu avec des intérêts de l’endroit. Dans une note au ministère de la Défense nationale, le Comité a demandé s’il serait possible, dans certains cas, de vendre les manèges militaires vétustes et d’adopter le modèle de Windsor. Selon la réponse reçue du ministère, le haut état-major des FC a pris note de la recommandation et cette dernière fait actuellement l’objet d’un examen[57].
II. La Marine canadienne
La Marine canadienne s’enorgueillit d’être une force navale de classe mondiale – « la meilleure petite marine au monde, » comme elle se qualifie elle-même. Il serait plus juste de la décrire comme étant « la meilleure petite marine sous-financée au monde dont les bâtiments présentent tous des défauts d’un genre ou l’autre ».
Dans les années à venir, le gouvernement du Canada va devoir de plus en plus débourser d’argent pour remettre à neuf certains bâtiments, en remplacer d’autres et doter la Marine de nouvelles capacités. L’addition risque d’être salée.
Trois facteurs combinés ne font qu’aggraver les difficultés qu’éprouve la Marine à relever les défis auxquels elle doit faire face. La Marine connaît en en effet une pénurie en termes de :
1. personnel qualifié nécessaire au bon fonctionnement de sa flotte;
2. fonds nécessaire pour fournir à sa flotte les pièces dont elle a besoin;
3. capacité d’assurer, par ses propres moyens ou bien en faisant appel au secteur privé, l’entretien de sa flotte en conformité avec ses propres normes de maintenance, à savoir en termes de fonds nécessaires pour assurer son l’approvisionnement et entreprendre toute les repartions requises par ses navires et ses infrastructures.
Pour citer le Chef d'état-major des Forces maritimes, le vice-amiral Bruce MacLean :
« Le défi, pour cette année et celles à venir, consistera à établir des perspectives stratégiques abordables pour la transformation de la Marine canadienne. Je suis confronté à une demande sans cesse croissante […], mais je dois exécuter les tâches et les missions qui me sont confiées bien en deçà d’un niveau de référence mesuré. Non seulement le manque de fonds, mais aussi [la pénurie] de personnel spécialisé […] m’empêchent d’établir un plan détaillé et efficace pour maintenir et remplacer les capacités actuelles de la Marine. En l’absence de ressources adéquates, les capacités de la Marine diminuent. J’ai donc pour objectif de gérer ce déclin inévitable jusqu’au remplacement de la flotte. Toutefois, cette approche axée sur la gestion des risques repose sur l’obtention de ressources additionnelles. […] Si on n’alloue aucune ressource pour remédier à la situation, il deviendra évident pour les Canadiens que leur Marine est en train de sombrer. [traduction] »
Le Canada a besoin d’une marine
Bien qu’ils habitent un pays qui, bordé par les océans Atlantique, Pacifique et Arctique, possède le plus long littoral du monde, une zone de responsabilité océanique de plus de 11 millions de kilomètre carrés et des eaux territoriales traversées chaque jour par plus de 1 700 navires, la plupart des Canadiens n’ont probablement jamais beaucoup réfléchi à leur marine[58].
Grâce à sa marine, un pays peut protéger ses eaux territoriales, projeter sa puissance à l’étranger, garder les routes de navigation ouvertes, honorer ses obligations envers ses alliés, assurer le transport maritime de ses troupes de combat à l’étranger et leur fournir une puissance de feu pour les protéger au besoin, de même que s’engager dans les eaux littorales des pays où il mène des activités militaires. Les marines ne dominent plus le monde militaire comme elles le faisaient au XIXe siècle et au début du XXe, mais elles demeurent un élément essentiel de la défense d’un pays et de l’avancement de ses intérêts sur la scène internationale.
Les chapitres traitant de la défense dans l’Énoncé de politique internationale préconise que la Marine améliore la capacité de ses bâtiments à effectuer des opérations dans la zone littorale[59] dans le cadre de la Force opérationnelle permanente de contingence et de la Force opérationnelle de mission. La Marine est également invitée, afin d’assurer une meilleure protection du Canada, à accorder une plus grande importance à la coordination de sa capacité d’intervention en cas de menace ou de crise naissante dans notre zone d’exclusion économique ou au large de nos côtes. Pour ce faire, la Marine doit participer à l’élaboration d’une vision maritime nationale commune et œuvrer à la mise en place de Centres d'opérations de sécurité maritime intégrant totalement les différentes ministères et organismes concernés.
La Marine devra également coopérer avec les autres ministères et agences du gouvernement afin d’assurer la surveillance des approches maritimes ainsi que des eaux intérieures que sont, par exemple, les Grands Lacs et la Voie maritime du Saint-Laurent.
Il faut que quelqu’un s’en charge. Le Comité a recommandé que la Garde côtière canadienne soit armée de manière à combler ce vide, mais il serait à tout le moins préférable de confier ce rôle à la Marine plutôt que d’avoir des côtes virtuellement sans défense.
Il sera difficile de transformer une marine qui présente actuellement autant de faiblesses, surtout quand les programmes complexes de remplacement de bâtiments peuvent s’échelonner sur 15 à 20 ans? La Marine canadienne est confrontée à la difficile tâche de maintenir sa capacité opérationnelle tout en subissant un long processus de reconstitution. À moins que des mesures extraordinaires ne soient prises pour accélérer le processus, la Marine n’aura rien de la pertinence que le gouvernement prévoit pour elle.
Notre Marine est débordée
Au cours des dernières années, la Marine a fonctionné à une cadence infernale. L’exemple le plus évident fut l’Opération Apollo de lutte contre le terrorisme au Moyen-Orient, de 2001 à 2003, au cours de laquelle la Marine a déployé à tour de rôle 16 de ses 18 gros bâtiments de guerre et 95 p. 100 de ses 4 100 marins ont effectué une rotation dans la mer d’Oman[60].
Peut-on s’attendre à ce qu’elle performe de manière compétente à une telle cadence au cours de la prochaine décennie?
En bref, la réponse est non. À vrai dire, la réponse exhaustive à cette question figure dans « l’étude d’impact » pour 2005, présenté au Chef d'état-major de la Défense par le vice-amiral M.B. MacLean, qui indique de quelle partie de son mandat la Marine pourrait s’acquitter en vertu de son allocation budgétaire, et celle à laquelle elle devra renoncer[61].
En février 2005, le vice-amiral MacLean a carrément déclaré que la Marine ne pourrait pas « pleinement s’acquitter de son rôle de défense maritime » avec son enveloppe budgétaire de 2005-2006 [62].
NOTRE INTERPRÉTATION : « Nous ne pouvons pas faire notre travail. »
Le vice-amiral MacLean a calculé qu’il lui faudrait 224 millions de dollars de plus pour que Marine puisse remplir son mandat auprès des Canadiens durant l’exercice 2005-2006[63]. On ne sera cependant pas étonné d’apprendre qu’elle n’obtiendra qu’un petit pourcentage de ces fonds additionnels.
Ces dernières années, le sous-financement chronique a entraîné une réduction de l’efficacité générale de la flotte, des pénuries de personnel, des difficultés à soutenir les opérations courantes, ainsi que des retards sans cesse croissants au chapitre de la maintenance et de la réparation des navires et de l’infrastructure.
De toute évidence, il n’y a pas un seul type de bâtiment au sein de la flotte de la Marine qui ne soit pas aux prises avec des problèmes. Chaque classe de bâtiments présente plusieurs défectuosités qui ne peuvent être réglées ou qu’on laisse s’aggraver avant d’y remédier[64].
Selon le vice-amiral :
« […] La priorisation réactive assure de manière constante un roulement inefficace à chaque niveau de prestation de service. Il en résulte une tendance générale de détérioration de l’état de la flotte qui, en bout de ligne, constitue un risque éventuel pour la sécurité du personnel et du matériel. [traduction] »
NOTRE INTERPRÉTATION : « Au lieu d’instituer un processus rationnel d’achat et de réparation selon les besoins prévus pour accomplir notre travail, nous sommes obligés de faire constamment du rapiéçage quand l’équipement fait défaut. Non seulement c’est une façon stupide d’assurer la maintenance des biens d’équipement, mais cela met également la vie des marins en danger. »
Décrépitude de la flotte canadienne
DESTROYERS – Quatre destroyers de la classe Iroquois ont fait l’objet d’une modernisation de demi-vie entre 1990 et 1994. Depuis, le NCSM Huron a été mis hors service et la Marine ne possède donc plus que trois destroyers. Les autres sont en train de rouiller et auraient probablement dû être mis au rencard il y a dix ans. Durant une visite d’étude à Halifax, en mai 2005, le Comité a appris que les destroyers atteindront la fin de leur vie utile en 2011. Le plan officiel prévoit leur maintien en service jusqu’en 2015, ce qui signifie qu’ils devront subir des réparations et des rénovations importantes. Sans destroyers, le Canada perdrait sa capacité de commandement et de contrôle dont il a pu tirer parti dans les années 1990 pour diriger les bâtiments de coalitions dans le cadre des opérations menées dans les Balkans et en Asie du Sud-Est. Il est peut probable que ces destroyers soient remplacés avant leur retrait du service[65].
FRÉGATES – Entre 1988 et 1995, 12 nouvelles frégates de la classe Halifax ont été mises en service. Ces frégates peuvent jouer un rôle assez utile en haute mer mais, à l’instar des destroyers, elles sont suréquipées pour assurer des opérations de « simple police » le long du littoral. Ces frégates atteindront bientôt leur échéance de rénovation de demi-vie utile. Il serait grand temps d’organiser un débat pancanadien sur la façon la plus intelligente de remplacer ces frégates, mais un tel débat ne semble pas à l’ordre du jour.
SOUS-MARINS – La désormais tristement célèbre saga des quatre sous‑marins diesel de la classe Upholder achetés au gouvernement britannique afin de les intégrer à la Marine canadienne continue toujours. Le processus d’acquisition de ces sous-marins a été entaché d’un certain nombre d’erreurs, à commencer par quatre années de tergiversations politiques sur la pertinence de les acquérir, quatre années durant lesquels on a laissé ces derniers se détériorer en calle sèche. Mais, puisque ce processus d’acquisition a déjà fait l’objet d’enquêtes approfondies de la part de la Commission d’enquêtes des Forces canadiennes et du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants de la Chambre des Communes, le Comité ne s’éternisera pas davantage sur la question[66]. Il convient maintenant de juger de la capacité de ces sous-marins à leur mérite. Le processus de « canadianisation » du système de conduite de tir, du dispositif de chargement et de tir des torpilles (dans les tubes) et de certains équipements de navigation et de communication n’est toujours pas terminée. À Halifax, le Comité a constaté qu’une partie de ce processus, et notamment celui de la capacité de tirer des torpilles, ne sera pas achevée avant plusieurs années. Il faudra, parallèlement, planifier la rénovation de demi-vie de ces bâtiments, ainsi que l’avenir à long terme du programme des sous-marins canadiens.
NAVIRES DE DÉFENSE CÔTIÈRE – Les navires de défense côtière (NDV), armés dans les années 1990, constituent la plus récente plateforme de la Marine. Ces 12 bâtiments de défense côtière de la classe Kingston ont été conçus pour être dotés d’équipements de chasse aux mines, d’écholocalisation par sonars à balayage latéral et de relevés des routes de navigation, pour servir de plateformes d’entraînement pour les marins (tout particulièrement pour ceux de la Réserve), et pour assurer un rôle de plateforme de défense côtière. Mais parce que leur rôle de défense est limité, ils n’ont pas été dotés de la même capacité de défense côtière que les garde‑côte de la GCC. Les marins d’un NDV d’Esquimalt nous ont déclaré que leur bâtiment est incapable de se maintenir longtemps stationnaire sur une mer agitée. Le Chef d'état-major des Forces maritimes, le vice-amiral Bruce MacLean reconnaît que « [les NDV] ne peuvent intervenir, par exemple, dans les Grands Bancs, l’hiver. Ils n’ont tout simplement pas la capacité nécessaire pour les manœuvres en mer[67]. »
NAVIRES DE SOUTIEN – Le ravitaillement des réservoirs et des soutes des bâtiments de la Marine est assuré par les pétroliers ravitailleurs d’escadre (AOR). Avec la mise hors service du NCSM Provider en 1998, la Marine ne dispose plus actuellement que de deux pétroliers ravitailleurs d'escadre, les NCSM Protecteur et Preserver.Bien que ces derniers aient subi de nombreuses rénovations au cours des années, ils n’en sont pas moins âgés de 35 ans. Le simple fait de ne plus disposer que de deux AOR, combiné au fait que ces derniers sont vieillissants et n’ont plus qu’une disponibilité réduite, fait que le ravitaillement en mer est devenu un véritable défi. Nos navires de soutien sont tous bonnement en train de perdre leur capacité de soutien. Le gouvernement a annoncé que les AOR seraient remplacés par des bâtiments de soutien interarmées (NSI) multi rôles, à plus ou moins long terme.
hélicoptères maritimes– Le soutien aérien de la Marine est assuré par des Sea King, ces hélicoptères maritimes canadiens bien connus. Ces derniers opèrent à partir de frégates, de destroyers, ainsi que de navires de soutien. Les 29 hélicoptères de la Force aérienne qui composent cette flotte vénérable mobilisent pour chaque heure de vol des ressources en maintenance considérables qui font que ceux-ci ne sont désormais plus utilisés que sur les bâtiments en disponibilité élevée. La saga de leur remplacement, qui dure depuis un quinzaine d’années, n’est toujours pas résolue. La nouvelle flotte des hélicoptères 28 CH-148 ne sera pas opérationnelle avant la fin de la décennie.
La flotte fantôme des vaisseaux « portés manquants »
Il vaut mieux avoir des bâtiments qui ne font peut-être pas tout à fait l’affaire que de ne pas en avoir du tout pour accomplir des tâches importantes. La Marine manque de tout un éventail de bâtiments de haute mer pour remplir son mandat dans les eaux nationales et internationales et, plus particulièrement, de :
Navires de transport maritime stratégique– Tous se rappellent de l’été 2000 au cours duquel le Canada a eu beaucoup de mal à rapatrier 580 véhicules et 390 conteneurs maritimes du Kosovo. Le gouvernement canadien a dû retenir les services de SDV Logistics Canada Ltd. de Montréal pour ramener cet équipement d’une valeur de 223 millions de dollars au Canada avec les trois soldats qui en assuraient la garde. SDV Logistics a engagé un sous-traitant, Andromeda Navigation Co. de Montréal, qui a affrété le cargo GTS Katie, enregistré à Saint-Vincent-et-les-Grenadines et propriété de la Third Ocean Marine Navigation Co. d’Annapolis, au Maryland. Ce fut un long voyage. Le Katie a passé deux semaines à tourner en rond au milieu de l’Atlantique après que la Third Ocean Marine ait ordonné au capitaine de ne pas pénétrer en eaux canadiennes tant qu’Andromeda Navigation n’aurait pas réglé un différend monétaire découlant d’un précédent transport affrété. Le gouvernement du Canada a finalement dû envoyer des notes diplomatiques au gouvernement de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, qui a donné la permission aux autorités canadiennes d’arraisonner le navire. En fin de compte, quatorze marins du NCSM Athabaska sont montés à bord du GTS Katie lors d’un assaut héliporté et ont fait amener le navire au port. Cette saga fut, pour le moins qu’on puisse dire, un épisode fort embarrassant. Le Canada a besoin d’une capacité de transport aérien et maritime pour acheminer personnel et matériel aux quatre coins du globe. Cette capacité est actuellement très limitée.
Navires pour débarquer des troupes à terre – Si le général Hillier est sérieux quand il dit vouloir axer les ressources militaires canadiennes vers les missions gérables à l’étranger où une présence canadienne peut faire la différence, il faudra alors nous doter de bâtiments capables de débarquer nos troupes à terre. Nous n’en avons pas présentement.
Navires capables de patrouiller efficacement nos côtes– Contrairement à celle des États-Unis, la Garde côtière canadienne ne joue pas un rôle policier. Nos côtes sont facilement accessibles. La Marine canadienne a donc besoin de bâtiments qui soient plus gros, plus rapides, plus aptes à la navigation en haute mer et mieux équipés que les soi-disant bâtiments de défense côtière, mais plus petits que les frégates ou les destroyers de sorte qu’ils puissent patrouiller nos eaux côtières. La défense dans ces dernières est jugée importante dans l’Énoncé de la politique internationale; cependant, on n’a rien annoncé qui laisse entendre que la Marine sera bientôt dotée de ce genre de bâtiments.
Navires capables de patrouiller les Grands Lacs et le Saint-Laurent – Les Grands Lacs, qui constituent le talon d’Achille du Canada, s’ils ne relèvent pas de la responsabilité de la Marine n’en constituent pas moins un problème. Bien que le gouvernement ait récemment annoncé la mise en place de patrouilles conjointes de la GRC et de la Garde côtière canadienne, ainsi que des patrouilles conjointes canado‑américaines dans le cadre du programme « Shiprider », le Canada ne dispose pas d’une présence importante sur les Grands Lacs. Il conviendra de veiller à ce qu’un autre ministère du gouvernement remédie à cette faiblesse.
Trop de maintenance pour trop peu de personnel de maintenance
Depuis 15 ans, l’effectif de la Marine est demeuré relativement stable, se situant autour de 11 000 marins réguliers, 4 000 réservistes et environ 4 000 civils. Il en fallait davantage, mais on n’en a pas davantage recrutés plus vue le manque d’argent. En 2004, le NCSM Huron, destroyer de commandement et de contrôle, a été mis hors service parce que la Marine ne pouvait pas doter tous ses bâtiments d’un équipage suffisant.
Lorsque le commodore Roger Girouard, commandant de la Flotte canadienne de la côte Ouest, a comparu devant le Comité en février 2005, le sénateur Joe Day lui a demandé quel était son plus grand défi, le manque de pièces ou le manque de personnel qualifié. Voici sa réponse :
« À l'heure actuelle, monsieur, il me faudrait dire les deux. Il manque un certain nombre de marins sur la côte [Ouest] en comparaison de l'effectif. J'ai dit qu'il y en avait 1900 dans la flotte. L'effectif établi est en fait d'environ 2200. Nous avons un peu de misère à faire en sorte que toutes les couchettes soient occupées à bord de tous les bâtiments. Encore là, nous gérons cette équation de ressources humaines en accordant la priorité à ceux qui doivent être déployés et nous comblons les manques à bord des autres bâtiments au besoin. Nous avons une vague de recrues qui arrive, de jeunes marins et officiers. Mais en termes d'entraînement, ce n'est pas encore tout à fait au point.
Quant aux pièces, il y a l'approvisionnement et les innombrables pièces diverses. Nous gérons cela. Notre autre défi, c'est la capacité de maintenance. C'est-à-dire la capacité pour l'effectif, y compris mes marins et les responsables de l'entretien de la flotte, d'effectuer tous les travaux d'entretien, toutes les réparations que je pourrais demander en une journée donnée.
Là encore, il y a un manque du côté de cette capacité. […]Toute cette équation des ressources, qu'il s'agisse des effectifs, des pièces ou de la capacité de réparation, est une problématique que je suis de très près tous les jours de mon poste de commandant de la flotte[68]. »
NOTRE INTERPRÉTATION : « Nous maintenons les choses en place avec des bouts de ficelle. »
Lors de sa visite d’étude à la BFC Esquimalt, le Comité s’est vu déclarer par le commandant Kevin Greenwood, capitaine du NCSM Winnipeg, que la pénurie de marins limitait, entre autres, le nombre de réparations que l’équipage d’un bâtiment pouvait effectuer durant une période de rénovation. Selon le commandant Greenwood, si la taille des équipages continuent de diminuer de façon si dramatique, les marins ne pourront bientôt plus effectuer les réparations requises.
Ce problème ne touche pas seulement la côte Ouest. Le capitaine Andy Smith, commandant de l’Installation de maintenance de la flotte à Cape Scott, qui constitue le principal centre d’entretien de la Marine sur la côte Est, a déclaré que le budget qu’il s’était vu allouer pour les réparations essentielles au maintien de l’efficacité de la flotte était inférieur de 20 p. 100 à ce dont il avait besoin. Le commandant Smith a indiqué au Comité que, faute du budget nécessaire, il manquerait de personnel pour assurer la maintenance nécessaire pour que les bâtiments puissent prendre la mer avec des capacités opérationnelles et de soutien adaptées. « Parfois les navires vont être déployer sans une certaine capacité ou bien sans une deuxième manière de faire pour la même fonction[69]. »
Cela voulait dire, composer avec une pénurie importante de techniciens et d’électriciens (militaires et civils). Cela voulait dire, utiliser parfois du personnel formé dans un domaine, comme le génie, pour exécuter des tâches dans d’autres domaines, telle la planification ou la logistique.
La crise du personnel pourrait encore s’aggraver
La Marine, comme le reste des Forces, doit relever le défi démographique résultant du fait qu’une bonne partie de son effectif a atteint, et même dépassé, l’âge de la retraite. Selon son commandant, le capitaine Andy Smith, l’Installation de maintenance de la flotte à Cape Scott est un parfait exemple de cette situation alarmante. Il a déclaré à ce propos :
« L'âge moyen à Cape Scott est de plus de 50 ans; j'ai même quelqu'un qui a 77 ans. L'âge moyen des travailleurs dans certains métiers est de 53 ou 54 ans; ceux-ci prendront également leur retraite. Très peu de militaires à la retraite sont revenus travailler en tant que civils[70]. »
Ce commentaire du capitaine Smith décrit parfaitement ce qui s’avère être un phénomène d’ampleur nationale.
La Marine canadienne éprouve des difficultés à maintenir ses bâtiments de disponibilité élevée au niveau maximal de disponibilité requis, ne peut toujours pleinement satisfaire aux objectifs ministériels prévus de maintenance et de réparation des biens immobiliers, et est incapable de maintenir des plateformes d’équipement et de combat, sans parler de les moderniser au rythme où elle le souhaiterait.
Il s’agirait d’une façon inefficace de gérer n’importe quelle entreprise, mais nous ne parlons pas ici de n’importe quelle entreprise. Nous parlons de jeunes gens qui accomplissent des missions périlleuses au nom de tous les Canadiens.
Manque de pièces de rechange et d’équipement
Les commandants de bâtiments sur le point de partir en mission sont obligés de se débrouiller entre eux pour obtenir l’équipement requis pour assurer la pleine capacité opérationnelle de leur bâtiment. Lorsque le Comité s’est rendu à Esquimalt, le commandant du NCSM Winnipeg lui a déclaré que son équipage était en train de récupérer de l’équipement d’un autre bâtiment accosté le long du sien de sorte que son bâtiment puisse être dûment équipé pour son déploiement au Moyen-Orient. C’est une situation courante dans la Marine canadienne. C’est ce qu’on appelle la « TRANREQ » (demande de transfert[71]). Les marins blaguent entre eux à savoir quel bâtiment aura « la pièce » convoitée. Ce partage de pièces entre bâtiments, qui en laisse certains sous-équipés, fait perdre un temps fou à enlever les pièces, à les réinstaller, à les enlever de nouveau, et ainsi de suite
Mais le commodore Girouard semblait s’être résigné à effectuer ce numéro de jonglerie :
« Maintenant, est-ce que chaque navire sous mon commandement dispose d'absolument toutes les pièces? Non. À l'heure actuelle, il faut composer avec cela. C'est une question de gestion et nous y travaillons sans relâche[72]. »
Comme le commodore Pile l’a déclaré au Comité le 6 mai 2005 à Halifax « […] ce serait bien que toutes les caisses de pièces de rechange soient pleines et qu'on n'ait jamais à échanger des pièces et des membres d'équipage entre bateaux pour leur permettre de reprendre la mer, mais nous le faisons. Nous sommes constamment obligés de déplacer nos ressources et nos membres […][73]. »
Il est donc tout à fait logique que la Marine se soit dotée d’une Politique de disponibilité opérationnelle et de maintien en puissance, en vertu de laquelle les bâtiments sont assujettis à un cycle d’états de disponibilité qui permet aux équipages de se reposer et de ressourcer, et à l’équipement de faire l’objet de l’entretien requise. Cela dit, il existe tout de même un fossé de taille entre la mise en œuvre d’un tel cycle de disponibilité et la pratique actuelle consistant à dépouiller un bâtiment de ses pièces afin de permettre à un autre bâtiment de partir en mission. Ce n’est assurément pas la façon la plus pertinente d’utiliser un équipage, tout particulièrement au regard de la pénurie de personnel dont souffrent les Forces armées.
Le lieutenant général Marc Dumais a déclaré au Comité, en mai 2005, que les Forces canadiennes étaient pleinement conscientes du défi que la Marine se devait de relever en matière de pièces de rechange. Selon le lieutenant général Dumais :
« Au cours des dernières années, les besoins relatifs au compte d'approvisionnement national maritime [en pièces de rechange] ont augmenté de façon constante en raison du vieillissement de tous les principaux actifs de la flotte et de la mise en service des sous- marins de la classe Victoria. Cela a exigé que nous accordions la priorité au travail à effectuer et a, par le fait même, commencé à avoir une incidence sur la disponibilité opérationnelle de la flotte. À la suite du Budget 2005, les ressources pour l'approvisionnement national maritime ont augmenté de façon significative, ce qui nous aidera[74]. »
notre interprétation : « Cela fait maintenant longtemps que nous n’avons pas les moyens de nous payer les pièces de rechange dont nous avons besoin, mais, puisqu’on se décide enfin à nous donner un peu d’argent, nous allons voir ce que nous pouvons faire. »
Une infrastructure vétuste
L’infrastructure de la Marine est en aussi piteux état que celle de l’Armée ou de la Force aérienne. Un sous-financement chronique de l’entretien courant a entraîné un lourd déficit en termes de réparations. Il en résulte que le coût des infrastructures est victime d’un effet de « boule de neige » de plus en plus important. Selon le commandant de la BFC Halifax, le capitaine Roger MacIsaac :
« Le coût de remplacement prévu de l'infrastructure est d'environ 1, 4 milliards de dollars. Dans l'ensemble, les installations sont relativement désuètes. Les restrictions budgétaires des dernières années ont considérablement limité la capacité du personnel d'entretenir toute l'infrastructure selon ce que nous considérons comme la norme de l'industrie. La liste des projets pour nous ramener dans les limites de ces normes se chiffrerait à environ 280 millions de dollars. [...] Notre niveau de financement actuel ne nous permet pas d'atteindre nos objectifs en matière de réfection de l'infrastructure vieillissante; voilà pourquoi je dirais que vous avez raison à cet égard[75]. »
En résumé
La Marine manque de personnel et de pièces de rechanges. Ses installations sont vétustes et ses navires sont vieillissants. Ou, pour reprendre l’euphémisme du vice-amiral MacLean :
« . . . une tendance générale de détérioration[76]. »
III. La Force aérienne canadienne
Des appareils vieillissants. Une pénurie de pilotes et de techniciens qualifiés. Une incapacité à assurer rapidement le transport aérien du personnel et du matériel en cas de situation d’urgence. Des programmes de replacement accéléré des appareils qui tournent au ralenti. Des hélicoptères plus âgés que les parents des pilotes qui sont à leurs commandes.
Et, pour couronner le tout, le déficit de financement le plus important de toutes les Forces armées canadiennes pour l’exercice 2005-2006, soit 608 millions de dollars.
Voici, en résumé, le portrait des Forces aériennes canadiennes, sur le point de décrocher.
Le Chef d'état-major de la Force aérienne, le lieutenant général Ken Pennie, n’y est pas allé par quatre chemins au moment d’aborder les défis que doit relever la Force aérienne :
« La Force aérienne se trouve à une étape critique de son parcours. Fragilisée par une décennie de rationalisation, elle ne compte maintenant que la moitié du personnel et la moitié des aéronefs qu'elle avait à la fin de la guerre froide.
Pendant la même période, le nombre de membres de la Force aérienne déployés dans le cadre d'opérations a pratiquement doublé, et rien n'indique que le rythme des opérations soit appelé à ralentir.
À l'heure actuelle, le vieillissement de la flotte et de l'infrastructure impose des contraintes supplémentaires sur la capacité de la Force aérienne à remplir ses rôles. L'écart entre les besoins en approvisionnement au niveau national et les montants qui sont consentis, ainsi que l'expérience de plus en plus limitée du personnel et la difficulté à maintenir nos effectifs, viennent aggraver ces problèmes.
Bref, la Force aérienne est aux prises avec une lacune sur le plan de la soutenabilité en ce qui a trait à la mise sur pied de capacités opérationnelles alors qu'elle se transforme en vue de remplir ses rôles qui consistent à défendre le Canada et les intérêts du Canada.
Dans le contexte de la sécurité qui s'est dessiné après les attentats du 11 septembre, l'évolution de la nature des menaces fait en sorte que nos ressources déjà insuffisantes sont sollicitées encore davantage.
Malgré la tension que nous connaissons aujourd'hui, on est déterminé à prendre les décisions difficiles qui s'imposent pour relever ces défis au chapitre de notre sécurité future. Nous devons veiller à être en mesure d'utiliser de la façon la plus efficace possible les ressources dont nous disposons[77]. »
En résumé, on nous a demandé de faire des coupes dans les années 1990 et on nous demande aujourd’hui d’en faire toujours plus. Notre matériel et nos bases vieillissent. Nous n’avons pas les moyens de remplacer, ou même d’entretenir, notre flotte actuelle. Nous avons besoin de plus d’argent et de plus de personnel, faute de quoi des choix critiques s’imposeront. Certaines réponses du Chef d'état-major de la Force aérienne montrent bien à quel point la situation de ce dernier est difficile :
« Le sénateur Banks : Vous avez été très clair. Il y a quelques minutes à peine, vous avez même dit qu'avec la moitié moins de personnel et d'avions, vous aviez tout de même deux fois de plus de choses à faire.
Le lieutenant général Pennie : Nous avons deux fois autant de gens déployés à l'étranger, et la cadence opérationnelle s'est accélérée.
Le sénateur Banks : Il est facile de comprendre pourquoi les choix sont difficiles.
Le lieutenant général Pennie : Ils le sont.
Le sénateur Day : Pourriez-vous accomplir cette transformation dont vous nous avez parlé — et je vous remercie de nous avoir soumis un document écrit — avec le financement dont vous avez disposé habituellement dans le passé?
Le lieutenant général Pennie : Si mon budget ne changeait pas — je veux dire le budget des FC consacré à l'aviation — nous ne pourrions pas faire tout ce que nous souhaitons réaliser. Nous pourrions nous en approcher, mais cela impliquerait des décisions pénibles[78]. »
notre interprétation : « Nous n’arriverons bientôt plus à sauver les apparences. »
La Force aérienne canadienne, malgré le régime financier sévère que lui a fait subir le gouvernement fédéral depuis 1994, continue de demeurer un élément essentiel de notre sécurité nationale et de notre défense.
La Force aérienne assure, 365 jours par année, les opérations de recherche et de sauvetage sur l’ensemble du territoire canadien, dispose en permanence d’une force d’alerte rapide prête à réagir en cas d’atteinte à la sécurité de notre espace aérien, assure la surveillance de nos côtes, le transport aérien de personnel et de matériel, militaires ou civils, aux quatre coins du monde, ainsi que le soutien héliporté de la Marine et de l’Armée, ainsi que celui de certaines opérations de l’ONU.
Au cours de la décennie qui vient de s’écouler, la Force aérienne a notamment assuré le soutien des opérations de l’OTAN au Kosovo, a fait intervenir, en réponse aux attentats du 11 septembre, ses chasseurs CF-18 qui sont depuis lors en état d’alerte permanente, et a également utilisés ces derniers pour garantir la sécurité du Sommet du G8 à Kananaskis, en Alberta. Elle assure aussi, depuis 2001, le soutien aérien permanent des opérations canadiennes en Afghanistan, de même que celui de la plupart des autres opérations menées par les Forces canadiennes. Plus récemment, elle a transporté les volontaires de la Croix-Rouge à la Nouvelle-Orléans afin de venir en aide aux victimes de l’ouragan, rapatriant au retour les Canadiens qui se trouvaient sur place.
Malgré les coupes sombres infligées au financement de la Force aérienne, le gouvernement continue d’exiger que cette dernière assure une capacité opérationnelle quasi identique à ce qu’elle était en 1994. Pour ce faire, elle a dû,se rapetisser. Il lui a fallu également hypothéquer son avenir, une décision que les Canadiens risquent, à long terme, de regretter amèrement.
Presque toutes les composantes de la Force aérienne ont été réduites. Au milieu des années 1990, la Force aérienne a dû fusionner cinq quartiers généraux fonctionnels en un seul quartier général opérationnel, réviser à la baisse le nombre d’heures de vol de toutes ses flottes d’appareils, réduire le nombre de ses techniciens qualifiés et fermer cinq bases aériennes majeures.
Certaines de ces initiatives étaient justifiées par la fin de la guerre froide. La dissolution de l’Union soviétique avait assurément réduit les risques d’une attaque du Canada par des missiles ou des bombardiers survolant le pôle Nord. De même, la menace d’une attaque de la côte Est par des sous-marins soviétiques avait disparue.
Mais ces coupes draconiennes ne tenaient pas compte de l’émergence de nouvelles menaces. Si des chasseurs à réaction sont désormais inutiles pour intercepter des bombardiers soviétiques, ils sont nécessaires pour protéger nos grands centres urbains contre d’éventuelles attaques terroristes. Si les patrouilles aériennes côtières n’ont plus pour mission de chasser les sous‑marins soviétiques, elles doivent désormais rester vigilantes face à tout navire suspect pouvant s’approcher des côtes canadiennes. De plus, les appareils de patrouille maritime furent appelés à effectuer des patrouilles terrestres qui ne font pas partie de leur capacité traditionnelle et, compte tenu du fait qu’ils constituent les seules plateformes aériennes de surveillance terrestres disponibles au Canada, il est fort probable qu’ils soient amenés à continuer d’assurer cette capacité dans le futur.
La nécessité d’assurer la surveillance des eaux canadiennes afin d’y faire respecter notre souveraineté et d’y traquer les navires hostiles n’a en rien diminué. Le Comité est même d’avis qu’elle n’a fait qu’augmenter, et sera encore appelée à augmenter dans le futur.
Les besoins en matière de transport aérien, et tout particulièrement en matière de transport aérien stratégique, ont également connu une croissance exponentielle. En effet, non seulement les Forces canadiennes n’ont cessé de multiplier leurs déploiements à l’étranger, mais le Canada a fermé ses bases avancées en Allemagne, et tout doit donc désormais être expédié à partir de l’Amérique du Nord, alors que nous disposions auparavant d’importants inventaires d’équipements et de munitions en Europe. Mais, le Canada ne disposant pas d’une capacité de transport aérien suffisante, nous ne cessons de devoir emprunter ou louer des appareils étrangers.
La réduction et la fusion des flottes d’hélicoptères ont privé les Forces canadiennes de leur capacité de reconnaissance de l’espace de combat, de même que de leur capacité d’assurer leur propre transport aérien moyen/lourd. Les opérations récemment menées et la transformation que connaissent actuellement les Forces canadiennes ont cependant démontré que ces capacités étaient à nouveau requises et les Forces canadiennes font actuellement tout ce qui est en leur pouvoir pour les restaurer.
Le Canada n’a jamais remplacé ses appareils d’appui au combat, et n’a même pas trouvé de fournisseur fiable capable de lui en procurer. Et la liste ne s’arrête pas là.
En résumé, la Force aérienne a dû concéder toutes sortes de sacrifices afin de conserver un éventail de capacités aussi large que possible. Mais, du coup, tout cet éventail de capacités en a été affecté.
La plus sous-financée des Forces armées
L’étude d’impact de la Force aérienne pour l’exercice 2005-2006 démontre que le sous‑financement de la défense aérienne du Canada, atteint, pour ce seul exercice, 608 millions de dollars, un chiffre qui ne fait qu’exacerber plus d’une décennie de sous‑financement[79].
Bien que le gouvernement fédéral n’ait pas annoncé qu’il envisageait de purement et simplement démanteler la Force aérienne, il n’en continue pas moins, année après année, à la dépouiller de façon quasi systématique.
La Force aérienne a dû encaisser le plus gros des coupes subies par les Forces canadiennes durant les années 1990 et cette situation perdure toujours aujourd’hui. En terme de personnel, elle a dû, réduire son effectif de moitié. Ce dernier, qui était de plus de 24 000 membres, est tombé, avec le départ de plus de 10 000 personnes, aux environs de 12 500 membres[80].
En terme d’entretien, le déficit de la Force aérienne dépasse plus d’un milliard de dollars[81]. Comme la Marine et l’Armée, la Force aérienne n’a toujours pas trouvé le moyen de financer l’intégralité de ses plans de modernisation. Elle doit faire face à une grave pénurie de pilotes et de spécialistes en maintenance aéronautique, qui sont, comme on peut s’en douter, les deux catégories de personnel les plus essentielles au bon fonctionnement des appareils.
Lorsque que l’ancien commandant de la Force aérienne, le lieutenant-général Ken Pennie, a déposé son étude d’impact sur les conséquences du budget 2005-2006 sur la Force aérienne, il a surtout insisté sur le fait que le Canada allait devoir subir le contrecoup d’un tel sous‑financement généralisé :
« La Force aérienne continue à perdre de l’altitude. […] Nous en sommes arrivés à un point où même un dévouement constant n’est plus suffisant pour maintenir les capacités nécessaires. […] La Force aérienne demeure fragile en raison du sous-financement chronique et des réductions asymétriques de personnel. Nos escadres et nos escadrons sont trop à bout de souffle pour suivre le rythme actuel des opérations[82] [traduction.»
Quel avenir?
En termes d’écart entre le financement accordé par le gouvernement et les fonds dont la Force aérienne a besoin pour remplir son mandat, le lieutenant-général Pennie a prédit que, « [à] moins que la situation ne soit corrigée d’une manière ou d’une autre, [cet écart va se creuser] de façon importante au cours des trois prochaines années[83] [traduction] ». Pour ce qui est de la capacité de la Force aérienne à défendre les Canadiens, « [l]e [financement des pièces de rechange par l’Approvisionnement national] prévu va clouer la plus grande partie de la Force aérienne au sol et interdit tout rétablissement à court terme[84] [traduction] ».
En résumé, d’après lui, « [l]’écart, en terme de financement par [l’Approvisionnement national], est tout simplement atterrant[85] [traduction] ».
Le manque de financement dénoncé par le lieutenant-général Pennie n’inclut pas le déficit accumulé par la Force aérienne en matière d’infrastructure.
L’une des conséquences concrètes de ce problème de financement est le vieillissement des flottes d’appareils. La flotte des CC-130 Hercules, qui constituent les « bêtes de somme» du transport aérien au sein des FC, connaît des problèmes d’entretien chroniques. Le manque de fonds pour les pièces de rechange réduit encore leur disponibilité en retardant les interventions de maintenance requises. Un certain nombre de ces appareils ont atteint le terme de leur « durée de vie utile » et devront être remplacés, faute de quoi le coût de leur maintenance risque de devenir exorbitant[86].
La Force aérienne se retrouve dans l’incapacité d’assurer pleinement les capacités essentielles qui lui ont été assignées[87]. Le coût du carburant d’aviation représente environ 25 p. 100 du budget opérationnel et de maintenance de la Force aérienne. La hausse importante du coût du carburant d’aviation, le taux de disponibilité réduit des appareils et d’autres contraintes budgétaires ont engendré une réduction du nombre des heures de vol qui s’est traduite par une chute du niveau d’expérience des pilotes[88]. La capacité de la Force aérienne à assurer la relève de ses forces opérationnelles a, de fait, atteint un plancher critique. Ainsi la Force aérienne parle-t-elle désormais de déployer seulement deux « lots de six » CF-18 plutôt que deux escadrons de 12 à 15 appareils, comme c’était le cas par le passé, ce qui reviendrait à réduire la flotte de moitié.
La pénurie de personnel, au sein de la Force aérienne, amoindrit considérablement la capacité opérationnelle de cette dernière. Celle-ci souffre plus particulièrement d’une pénurie de pilotes de CF-18 aptes au combat. Mais le manque de techniciens représente également un problème majeur. Dans les années 1990, alors même que la Force aérienne était contrainte, pour atteindre ses objectif de réduction de l’effectif, d’inciter financièrement ses membres à démissionner, l’embauche de nouveaux techniciens a été considérablement réduite, Cela s’est produit malgré le fait qu’il était évident que ces derniers étaient nécessaires pour assurer à long terme l’entretien essentiel des appareils. Ces petites économies momentanées se traduisent aujourd’hui par un douloureux problème sévira des années durant : la Force aérienne manque cruellement de techniciens et il faut huit ans de cours théoriques et de stages pratiques pour former ces derniers en aéronautique qualifié.
Si le nombre d’appareils dont la Force aérienne doit assurer la maintenance a diminué, on constate également que ces appareils sont vieillissants et requièrent une maintenance accrue. Le fait est que cette réduction significative des embauches, qui a duré environ huit ans, a créé une grave pénurie de techniciens qualifiés, que le lieutenant-général Pennie a décrit au Comité en ces termes :
« Le lieutenant-général Pennie : Aujourd'hui, nous ouvrons à nouveau les portes et avons recommencé à recruter. Mais si on gratte un peu en deçà de la surface, même si nous avons maintenant comblé nos postes et que nous sommes plus nombreux, si l'on regarde les compétences des techniciens que nous avons embauchés dans les bases et dans les escadres, on constate que 40 p. 100 d'entre eux et parfois plus n'ont pas les compétences voulues. Ce sont des jeunes que nous devons former du début à la fin.
Le sénateur Banks : Ils ne sont pas encore qualifiés.
Le lieutenant-général Pennie : En effet. Ce sont des recrues qualifiées, mais ils n'ont pas encore la compétence voulue pour déclarer qu'un aéronef est en bon état de service ou ne l'est pas. Ils n'ont pas ce qu'il faut pour apposer leur signature en guise d'approbation du travail d'entretien, car ils sont encore en période d'apprentissage sur le tas. L'apprentissage peut prendre jusqu'à cinq ans avant que quelqu'un soit qualifié et puisse approuver un entretien complet, ce qui constitue un véritable fardeau pour ceux qui sont restés. N'oubliez pas que nous avons comprimé toutes les organisations considérablement. De plus, nos aéronefs ne rajeunissent pas; ils vieillissent. C'est un facteur important de l'équation.
Le sénateur Banks : Par conséquent, ils requièrent plus d'entretien.
Le lieutenant-général Pennie : Le travail d'entretien nécessaire a augmenté un peu. Le nombre de gens assurant l'entretien a baissé, tout comme le nombre de mécaniciens qualifiés. De plus, ceux qui sont qualifiés doivent assurer l'entretien pour toutes nos opérations à l'étranger, puisqu'il est essentiel que l'on envoie à l'étranger des gens pleinement qualifiés. Lorsqu'ils reviennent ici, il leur revient alors de former les jeunes recrues. Cela fait déjà quelques années que nous avons rouvert la porte, mais il faudrait attendre jusqu'en 2008 environ pour atteindre une certaine stabilité dans notre main-d'oeuvre.[…] Il est évident que nous avons mis un terme à plusieurs de nos activités à la suite des compressions des années 90. Le système de recrutement a également été dégraissé et nous essayons maintenant de le reconstituer.
Le sénateur Meighen : Je pense que nous avons dégraissé un peu trop, un peu trop rapidement, de sorte que nous avons maintenant un mal de chien à reprendre un rythme de croisière, qu'il s'agisse d'ailleurs des Forces de réserve ou du traitement des nouvelles demandes, peu importe. Je vois que vous hocher la tête en signe d'accord[89]. »
Le manque de techniciens dans la Force aérienne a des résultats très concrets Ainsi, à la 4e Escadre de Cold Lake, la pénurie de personnel technique a réduit de 20 p. 100 la capacité opérationnelles des chasseurs aériens. Le colonel Duff Sullivan a même déclaré que la pénurie de techniciens qualifiés avait des répercussions négatives sur la compétence des pilotes :
« Le colonel Sullivan : Tout d'abord, chaque jour, nous devons faire face à d'importantes difficultés. […] [N]ous sommes assez préoccupés par le nombre de ce que nous appelons des techniciens qualifiés en activité qui font partie de notre escadron, et c'est une expression bien connue que vous entendrez probablement dans tous les autres secteurs.
Nous aimerions que 90 p. 100 de l'effectif de nos escadrons d'appui tactique soit qualifié en activité.
En ce qui concerne mes deux escadrons d'appui tactique, dans l'un l'effectif est de 64 p. 100 et dans l'autre, de 68 p. 100, c'est donc une situation assez difficile. Lorsque l'on commence avec seulement les deux tiers de sa capacité, il est considérablement difficile de faire en sorte que l'ensemble des aéronefs soit en état de fonctionnement et d'utiliser toutes les heures de vol qu'on vous a données.
Nous réussissons à former nos techniciens, mais en contrepartie, nous avons réduit le nombre d'heures de vol, ce qui influe sur les compétences de nos pilotes.
Le sénateur Forrestall : Cette baisse du nombre d'heures de vol est-elle importante?
Le colonel Sullivan : Oui, elle l'est. En fait, nous arrivons à la fin du présent exercice financier, et nos pilotes de CF-18 auront 25 p. 100 de moins d'heures de vol à Cold Lake; comme le disent les pilotes de guerre :
« Chaque heure de vol en moins réduit la capacité de fonctionnement. »
Cela pourrait représenter une réduction de 20 p. 100 des compétences et de la capacité[90]. »
Les pilotes de la Force aériennes ne sont ainsi plus capables de maintenir leur disponibilité au combat pour les opérations air-sol à basse altitude.
Le commandant opérationnel de la Force aérienne, le major général Charles Bouchard, commandant de la 1re Division aérienne du Canada, a ainsi dû admettre que le nombre d’heures de vol avait baissé :
« Cette réduction est le résultat d'une série d'événements inter reliés, et s'explique tout particulièrement par la disponibilité des aéronefs, du nombre d'heures qui peuvent être attribuées aux aéronefs que nous possédons, et aussi par le nombre de techniciens responsables de la création et de la production de ces heures de vol[91]. »
La crise du personnel de la Force aérienne pourrait encore s’aggraver
La crise du personnel que connaît actuellement des Force aérienne menace de s’aggraver davantage. En effet, comme la Marine et l’Armée, la Force aérienne est confrontée à une pyramide démographique où bon nombre de ses techniciens les plus chevronnés approchent de l’âge de la retraite.
Comme l’a souligné le colonel Bill Werny, commandant du Centre d'essais techniques (Aérospatiale) de la BFC Cold Lake :
« Un autre aspect de ressources humaines qui complique la gestion du manque de personnel, c'est qu'au cours des trois prochaines années, on prévoit le départ à la retraite d'un groupe d'employés civils qui représente pratiquement 190 ans d'expérience et d'ancienneté[92] […]. »
Le colonel Perry Matte, commandant de la 14e Escadre à la BFC Greenwood en Nouvelle Écosse, a fait écho à ces inquiétudes en ajoutant que « […] la très grande majorité des membres de l'effectif formés en activité ont 15 années de service ou plus et vont bientôt prendre leur retraite[93] ». Ce qui signifie que, dans un avenir pas si éloigné, si elle ne remédie pas à la fonte de l’effectif des techniciens certifiés sur cet appareil, la Force aérienne ne disposera plus d’employés pour certifier la maintenance entreprise sur ses appareils de patrouille maritime à long rayon d’action.
Les appareils
La Force aérienne disposait en 1990 de 684 appareils. Elle ne dispose plus aujourd’hui que de 303 appareils[94]. Durant la même période, le nombre annuel d’heures de vol autorisées est passé d’environ 290 000 aux alentours de 120 000, soit une chute de 59 p. 100.
La flotte de chasse, qui a culminé en 1990 avec 125 CF-18, ne compte plus aujourd’hui que 104 CF-18, dont seuls 80 seront bientôt modernisés. En 1994, il a été décrété par le gouvernement, dans le Livre blanc sur la Défense, que la flotte de chasse serait réduite à 48 appareils affectés à des escadrons opérationnels[95]. En 2000, afin de réduire encore les coûts, le nombre d’appareils affectés à des escadrons opérationnels a été abaissé à 48, soit 12 pour chacun des quatre escadrons de chasse que compte le Canada. Vingt des 80 appareils modernisés vont être affectés à l’entraînement, et deux autres seront utilisés pour les essais et les évaluations. Les 10 appareils restants seront utilisés à tour de rôle pour remplacer, en rotation, les appareils des escadrons opérationnels en cours de maintenance et constitueront une réserve de sécurité en cas de situation d’urgence.
La flotte des hélicoptères tactiques, qui comptait jadis 114 appareils de trois types différents, à savoir des Chinook, des Huey et des Kiowa, a été remplacée par une flotte de 100 appareils composée uniquement d’hélicoptères Griffon. Cette dernière ne compte plus, aujourd’hui, que 75 appareils. Une flotte composée d’un seul type d’hélicoptères coûte moins cher, mais la capacité opérationnelle en a été affectée.
Que cela signifie-t-il? Cette situation démontre que les commandants des Forces canadiennes se trouvant sur le terrain sont parfois privés du matériel dont ils ont besoin. Le major général Andrew Leslie, ancien commandant de la Force internationale d’assistance à la sécurité, a déclaré au Comité, de passage à Kingston, qu’il aurait bien souhaité que sa Force puisse disposer d’un hélicoptère plus puissant et doté d’une capacité de transport plus importante que le Griffon[96].
La flotte d’appareils de reconnaissance maritime à long rayon d’action, qui était autrefois composée de 40 appareils, à savoir de 18 Aurora, de 3 Arcturus et de 19 Tracker, peine aujourd’hui à remplir son mandat avec 18 Aurora et 2 Arcturus. Ces derniers seront retirés du service en 2007. Les Tracker, quant à eux, ont été retirés du service dès la fin des années 1980. Les 18 Aurora feront prochainement l’objet d’un programme de modernisation à long terme, mais cette modernisation ne réglera pas les problèmes structuraux que connaissent ces appareils et qui devront être réglés au cours des cinq prochaines années au coût de plusieurs centaines de millions de dollars.
Le colonel Matte, officier responsable des appareils de patrouille maritime Aurora sur la côte Est, a déclaré, que, en raison de ce programme de modernisation et du manque de pièces de rechange, le plus grand défi qu’il ait à relever consiste tout simplement à disposer d’appareils prêts à décoller. Un rapide calcul a permis au colonel Matte de déclarer que :
« [L]'activité aérienne d'aujourd'hui est inférieure à la moitié de ce qu'elle était au début des années 90. Bien que nos équipages continuent d'être en mesure de mener de façon efficace et sûre leurs missions de vol, il y a eu une réduction marquée du nombre d'heures de vol et, en conséquence, de l'exposition et de l'expérience pouvait être accumulées par nos équipages[97]. »
Le rôle d’hélicoptère maritime devra continuer d’être assumé par les Sea King vieillissants jusqu’à ce que les nouveaux hélicoptères maritimes entrent en service aux environs de 2009. Les 29 Sea King actuellement en service seront alors remplacés par 28 appareils de type CH‑148.
La flotte de transport aérien comprend cinq Polaris (Airbus A310) qui remplissent divers rôles dont le transport de troupes et de matériel et, une fois qu’auront été complétées des modifications apportées à deux appareils, le ravitaillement en vol. Ces appareils d’occasion ont été achetés à l’industrie aéronautique canadienne au début des années 1990 en remplacement d’un nombre équivalent de Boeing 707[98].
La flotte des CC-130 Hercules compte 32 appareils, dont 19, achetés au milieu des années 1960, Ils sont reconnus comme étant les plus vieux Hercules en service dans le monde. Seuls sept de ces appareils ont moins de 20 ans. La question du remplacement des Hercules aurait dû depuis longtemps être réglée[99].
En plus du transport aérien assuré par la Force aérienne, les Forces canadiennes doivent également affréter des vols de transport, au coût de plusieurs dizaines de millions par années, auprès de nos alliés ou du secteur privé. Les Forces canadiennes ont ainsi dû procéder de la sorte pour assurer le transport des troupes et du matériel de la FIAS de Turquie à Kaboul, ainsi que pour transport la DART en Asie du Sud-Est au lendemain du tsunami de décembre 2004. Le Comité estime que les Forces canadiennes dépensent ainsi en moyenne 50 millions de dollars par année pour affréter des vols de transport[100].
La flotte de recherche et de sauvetage a su, mieux que les autres, tirer son épingle du jeu durant cette période difficile. Les quatorze hélicoptères Labrador vieillissants ont été remplacés au cours des cinq dernières années par 15 nouveaux Cormoran. Au début des années 1990, neuf des 15 appareils Buffalo ont dû être retirés du service en raison de restrictions budgétaires. Mais la Force aérienne a vite constaté qu’il lui faudrait les remplacer en un certain nombre d’endroits où les CC-130 étaient déjà surutilisés.
Les Forces canadiennes ont lancé un projet visant à acquérir de nouveaux avions de recherche et de sauvetage qui permettraient de retirer du service les six derniers Buffalo ainsi que les plus vieux des CC-130 actuellement affectés aux opérations de recherche et de sauvetage. Si ce projet a bénéficié un certain temps d’une « procédure accélérée », il a perdu de sa vitesse et il est peu probable que les nouveaux appareils ne soient mis en service avant 2008 au plus tôt[101].
L’élément d’appui au combat de la Force aérienne offre toute une gamme de services d’appui aux trois éléments des Forces armées, et, notamment, des services de sauvetage sur les bases, des cibles pour les exercices de tir antiaérien réel de la Marine et de l’Armée, des émetteurs électroniques embarqués afin d’entraîner les opérateurs de capteurs à travailler dans des conditions dégradées et des services de transport léger afin de transporter des pièces requises d’urgence ou des troupes devant se déplacer à la hâte.
L’élément de soutien aérien de la Force aérienne a quasiment disparu (à l’exception de 10 hélicoptères Griffon qui assurent le sauvetage sur des bases). Les six avions à réaction Challenger et des 42 chasseurs à réaction T‑33 obsolètes jadis utilisés pour la guerre électronique et divers entraînements n’ont pas été remplacés et les Forces canadiennes n’ont toujours trouvé auprès des prestataires de service un appareil de substitution fiable pouvant les remplacer. Nos Forces armées ne peuvent donc plus se préparer à affronter tout un éventail de menaces qu’elles peuvent être amenées à rencontrer sur le terrain, en mer ou dans les airs.
Projets en cours (ou en souffrance…)
Le plan visant à reconstituer la Force aérienne canadienne met clairement l’accent sur la qualité plutôt que sur la quantité. Voici la liste des appareils devant être modernisés ou remplacés afin que ce plan puisse être mené à terme :
a. Programme de modernisation progressive des CP-140 Aurora : après une longue série de rénovations aussi coûteuses qu’inefficaces, un premier lot d’appareils devrait être modernisé d’ici la fin de 2005 et la modernisation de l’ensemble des 16 appareils sera achevée en 2010. Il sera ainsi possible de remédier, d’ici une décennie, aux déficiences des systèmes électroniques de ces appareils, mais si les Aurora canadiens sont appelés à encore devoir voler au-delà de 2020, ils devront faire l’objet d’un programme de rénovation structurelle majeur.
Si le gouvernement ne réussit pas à garantir la capacité des Aurora aux Forces canadiennes, ces dernières perdront les seules plateformes de surveillance stratégique dont elles disposent. La capacité du Canada à surveiller ses côtes et le Nord en sera sérieusement diminuée.
b. Modernisation des CF-18 : la phase 1 du projet de modernisation des CF-18 est terminée et l’ensemble des 80 appareils devrait être modernisés d’ici 2009.
La modernisation continue des CF-18 permettra au Canada d’accroître leur capacité opérationnelle pour le reste de leur vie en service prévue (jusqu’aux environs de 20020) grâce à l’amélioration de leur radios, de leur radars et de leur capacité de reconnaissance des appareils ennemis. Mais l’échéance de 2020 n’étant plus si éloignée, la question de leur remplacement reste entière.
c. Projet de l’hélicoptère maritime (CH-148) : les premiers des 28 appareils commandés devraient être livrés aux environs de 2009.
Cela fait déjà bien trop longtemps que l’on attend la mise en service de ces nouveaux hélicoptères maritimes. Les hélicoptères embarqués à bord de nos bâtiments de marine permettent à ces derniers de disposer d’ une capacité de surveillance transhorizon. Les Sea King désuets, et ne disposant que d’une capacité limitée, auraient dû être remplacés dès les années 1990. Les nouveaux hélicoptères doteront notre Marine d’une capacité de surveillance et d’alerte accrue qui permettra d’assurer une meilleure protection de nos marins et de nos aviateurs.
d. Avion de recherche et de sauvetage (ASAR) : le projet d’acquisition d’avions de SAR ne bénéficiant plus d’une procédure accélérée, il est probable qu’aucun appareil ne soit livré avant 2008.
Ces appareils sont indispensables pour garantir que les Canadiens puissent, à toute heure et en n’importe quel point du Canada, disposer d’une capacité de recherche et de sauvetage. Ces nouveaux appareils remplacent les Buffalo (dont le retrait du service était initialement prévu pour le débuts des années 1990) et les plus vieux des Hercules requis pour assurer les opérations de transport aérien tactique.
e. Transport aérien stratégique : le Canada ne dispose pas d’une capacité de transport stratégique et ne semble pas qu’il en sera doté dans un avenir rapproché. Le concept demeure à l’étude, mais aucun projet concret n’a été lancé. Les Forces canadiennes sont actuellement en train d’établir la liste de leurs besoins en matière de transport aérien : transport tactique léger pour les opérations menées sur le territoire national, transport moyen pour des opérations menées sur le territoire national ou à l’étranger, et transport stratégique offrant la possibilité de déployer le personnel et le matériel sur le théâtre des opérations.
Plus l’étude de la question du transport stratégique traînera en longueur et plus il faudra attendre longtemps avant que nous puissions mettre un terme à l’emprunt et/ou la location de « taxis » étrangers pour transporter nos troupes.
f. Remplacement des CC-130 Hercules : ici encore, le concept n’a pas encore dépassé l’étape de l’étude. Il serait cependant souhaitable que les nouveaux appareils entrent en service entre 2012 et 2015.
Les Hercules des Forces canadiennes, qui sont parmi les plus vieux au monde, sont également parmi ceux à être utilisés de la façon la plus intensive. Au cours des dernières années, la disponibilité des Hercules a dégringolé (de près de 50 p. 100), ce qui a entraîné une réduction de la capacité générale des Forces canadiennes à assurer le soutien de leurs troupes déployées à l’étranger ou des opérations menées au Canada. Ce projet, qui doit améliorer notre capacité générale de transport aérien doit aller de l’avant, car il n’a été que trop longtemps retardé.
g. Hélicoptères de transport moyen : l’Énoncé de politique internationale prévoit l’acquisition d’une flotte d’hélicoptères de transport moyen permettant d’assurer le soutien des opérations de maintien de la paix ou de coalition telles que celles actuellement menées en Afghanistan. Ce nouveau concept pourrait se traduire par un hélicoptère ressemblant aux Chinook dont les Forces canadiennes avaient fait l’acquisition dans les années 1970 pour ensuite les céder aux Pays‑Bas dans les années 1990. Aucune date de mise en service n’a encore été fixée.
Si l’Énoncé de politique internationale fait de cette capacité une priorité à court terme, aucun calendrier d’acquisition n’a été annoncé. Compte tenu du type de missions que les Forces canadiennes viennent de mener en Afghanistan, il est évident que les commandants déployés sur le terrain se voient actuellement priver d’une capacité essentielle. C’est pourquoi on ne saurait trop hâter ce programme.
IV. Capacités particulières des Forces armées
Bien que la plupart des capacités abordées dans le présent chapitre relèvent de l’Armée, de la Marine ou de la Force aérienne, le Comité les juge suffisamment importantes pour faire l’objet d’un traitement distinct. Chacune connaît en effet des problèmes propres qui méritent une attention particulière.
Ces capacités sont :
1. Les Forces spéciales : FOI2 – Cette force redoutable bénéficie-t-elle des ressources dont elle a besoin? Compte tenu du mystère qui entoure cette unité d’élite, nous n’en savons pas assez pour répondre par la négative – du moins, pour l’instant.
2. L’Équipe d’intervention en cas de catastrophe (DART) – Les Canadiens sont fiers de leur DART. Mais, compte tenu de son organisation actuelle, n’est-elle pas surtout une équipe d’ostentation?
3. Le transport aérien stratégique – Est-il dans le meilleur intérêt des Canadiens de ne pas disposer, en cas de crise, d’un moyen rapide et fiable de transporter du personnel et du matériel sur le lieu de cette crise, au Canada ou à l’étranger? Bien sûr que non!
4. Le renseignement de défense – Le renseignement est devenu l’une des armes les plus essentielles de la guerre moderne. Le Canada accorde-t-il au renseignement la priorité qu’il mérite? Il ne saurait s’agir ici de mégoter.
5. Les technologies de l’information – L’information n’est que de peu de valeur si les principaux intervenants ne peuvent se la communiquer. Il faut rationaliser la technologie informatique du ministère.
6. Les Centres d'opérations de sécurité maritime – Pouvoir se faire une image globale précise de ce qui se passe sur nos côtes est essentiel à la sécurité nationale du Canada. Faisons-nous des progrès suffisamment rapides en ce sens? Non.
1. Forces d’opérations spéciales : FOI2
La Force opérationnelle interarmées 2 (FOI2), une unité d’opérations spéciales de 300 à 500 membres provenant des divers éléments des Forces régulières et de la Réserve, constitue l’élite des forces de combat canadiennes, C’est est aussi probablement l’unité la plus souvent appelée à intervenir sur le terrain.
La FOI2 a été constituée au sein des Forces canadiennes en 1993 après que la responsabilité de la lutte antiterroriste ait été transférée, au niveau fédéral, du Groupe spécial des interventions d'urgence de la GRC aux Forces canadiennes. Cette décision donnait suite à une recommandation du Comité spécial du Sénat sur le terrorisme et la sécurité publique.
La FOI2 avait à l’époque pour mandat quasi exclusif d’assurer des interventions de lutte antiterroriste consistant essentiellement en des missions telles que l’assaut d’un avion de ligne détourné. Elle était alors avant tout censée constituer le bras armé des forces de police et des services de renseignement.
Bien qu’elle continue d’exercer un mandat et un rôle dans le cadre de la lutte antiterroriste (son commandant a ainsi déclaré au Comité qu’elle possède toujours la capacité d’intervenir en cas d'incidents dans un gratte‑ciel, dans le métro, ou bien à bord d’un avion de ligne ou d’un navire), la FOI2 voit actuellement son mandat s’élargir et évoluer vers des opérations spéciales plus conventionnelles.
Cette évolution s’est accélérée en 2001 avec l’invasion de l’Afghanistan qui a constitué la première mission de guerre d’envergure de l’unité. Cette intervention a jeté les prémisses de l’élargissement de son mandat et d’une importance plus grande accordée aux interventions à l’étranger. Depuis lors, des membres de la FOI2 ont participé à tous les envois de troupes canadiennes en Afghanistan.
La FOI s’est ainsi dotée de capacités élargies telles que celle de se déployer à partir d’un sous-marin ou en parachute, ou bien de pouvoir recourir, pour atteindre ses cibles, à des armes guidées par laser.
Dans son budget de décembre 2001, le gouvernement avait annoncé son intention de consacrer 119 millions de dollars à la FOI2 afin de doubler l’effectif et d’accroître les capacités de cette dernière. Selon les représentants du Ministère, la quasi-totalité de cette somme, à l’exception des fonds alloués à l’infrastructure, a déjà été dépensée. Cependant, le gouvernement refuse d’indiquer comment se déroule l’augmentation des effectifs de l’unité, et ce, alors que les rumeurs indiquent qu’elle se déroule plus lentement que prévu. De plus, le gouvernement ne semble pas disposer d’aucun plan visant à doter la FOI 2, avant 2008, des nouvelles installations d’entraînement dont elle a un besoin urgent[102].
Défis
A. Recrutement du personnel
Accroître l’effectif de la FOI2 n’est pas chose facile, et ce, en raison de la pénurie générale de personnel dans les Forces, des normes de qualification sévères et de la durée importante de la procédure de formation.
Le bassin de candidats potentiels au recrutement par la FOI2 se limite aux membres chevronnés des Forces canadiennes, ce qui est source de problèmes compte tenu du simple fait que les Forces dans leur ensemble connaissent une importante pénurie de personnel. Le sous-chef d'état-major de la Défense, le lieutenant-général Marc Dumais, a déclaré que « [l]'un des problèmes tient au fait que les unités ne veulent pas perdre leur personnel en faveur de la FOI2. Toutes les unités manquent de personnel chevronné, mais je ne crois pas qu'il y ait pénurie de militaires intéressés à se joindre à la FOI2[103]. ». Le lieutenant-général Dumais a ajouté que le recrutement prévu de 5 000 membres dans les Forces régulières devrait permettre de remédier partiellement à ce problème, mais pas avant un délai d’au moins cinq ans.
La courbe d’apprentissage, au sein de la FOI2, est aussi raide que pénible. Les représentants du MDN ont déclaré qu’il fallait environ trois ans d’instruction pour qu’une recrue devienne pleinement opérationnelle. Les prérequis, pour être pris à l’essai dans la FOI2, sont sept ans d’ancienneté dans les FC, une personnalité, une famille et une situation financière stables, ainsi que la recommandation du commandant. Ceux et celles qui réussissent les épreuves physiques, particulièrement éprouvantes, doivent ensuite suivre une période d’instruction d’un an avant de se joindre à la force d’assaut. Le Comité a appris, durant sa visite au quartier général de Dwyer Hill, que, en moyenne, seul un quart des personnes ayant réussi les épreuves physiques finissaient par intégrer la force d’assaut.
B. Rétention du personnel
La FOI2 a dû faire face, ces dernières années, à un problème de rétention de son effectif. Les raisons de ce problème sont au nombre de trois : la première est que le secteur de la sécurité privée internationale a connu, depuis 2001, un essor important. Les membres de la FOI2 constituent, pour ce secteur, des recrues très convoitées. Bien que les membres de la FOI2 reçoivent des primes spéciales, les régimes de rémunération généreux et les possibilités de passer à l’action qu’offre le secteur privé en tentent plus d’un[104].
La deuxième raison est que le mode de vie des membres de la FOI2 est très contraignant. Ces derniers doivent souvent demeurer dans un état de disponibilité opérationnelle élevée durant des périodes parfois très longues, et ce, sans être pour autant déployés. Ils sont contraints de vivre dissimulés dans leur foyer et de demeurer invisibles lorsqu’ils sont sur le terrain. Ce mode de vie peut avoir de graves répercussions sur leur vie familiale.
La troisième raison est que, compte tenu du caractère particulier de la FOI2, ainsi que des missions et de l’entraînement de cette dernière, les membres de l’unité ne peuvent y demeurer qu’une période de temps limitée s’ils ne veulent pas éprouver de difficultés à réintégrer les Forces régulières ou la Réserve, et, ainsi progresser professionnellement au sein de ces dernières. Selon les représentants de l’État-major du MDN, cette dernière raison est à l’origine d’un taux de roulement relativement constant.
C. Faiblesses de l’élément de soutien
L’État-major des Forces canadiennes a assuré au Comité que la FOI2 disposait d’un équipement à la pointe de la technologie. Cependant, comme dans le cas d’une bonne chaîne stéréo dotée de mauvais haut-parleurs, son efficacité, faute de soutien, est gravement compromise. Ainsi, par exemple, la FOI2 ne dispose-t-elle pas actuellement, pour se rendre sur le théâtre des opérations et s’y déployer, que d’avions CC-130 Hercules et d’hélicoptères Griffon vieillissants. Ni les uns, ni les autres, ne sont adaptés à ce type de missions. La disponibilité, le rayon d’action et la capacité de transport limités de ces appareils réduisent la capacité d’intervention de la FOI2, tant au Canada qu’à l’étranger.
Font également défaut à la FOI2 le soutien logistique et médical, ainsi que de l’appui d’une unité d’infanterie d’élite, dont elle a besoin. L’apport d’une telle axée sur les opérations spéciales, permettrait de décupler la capacité d’intervention de la FOI2 sur le terrain. Ainsi, si l’on ordonnait à la FOI2 de partir à l’assaut d’une cible dans Kandahar, en Afghanistan, l’appui rapproché d’une unité d’infanterie permettrait à cette dernière de sécuriser la zone environnante et d’intervenir dans un environnement relativement protégé.
Il est à noter que la vision présentée par l’Énoncé de politique internationale tient compte de la nécessité d’augmenter cette capacité de soutien et propose de créer un Groupe des opérations spéciales. Aucun plan détaillé, ni aucun calendrier de mise en œuvre, n’a encore été rendu public.
D. Installations existantes
Compte tenu de l’expansion et de l’évolution de la FOI2, ainsi que de la création prévue d’un Groupe des opérations spéciales, les jours de la FOI2 au centre d'entraînement de Dwyer Hill sont comptés. Comme l’a déclaré le lieutenant-général Dumais en juin dernier :
« Le problème de Dwyer Hill, c'est qu'il empiète sur le voisinage du fait de ses dimensions réduites; il ne tient plus dans son espace. Cela va empirer quand il prendra de l'expansion pour mettre sur pied le Groupe des opérations spéciales. Il faut donc trouver un emplacement plus grand et mieux adapté[105]. »
Le nouveau centre d’entraînement, a-t-il ajouté, devra permettre à l’unité d'intervenir rapidement dans les grands centres urbains et, pour ce faire, lui permettre de bénéficier d’un accès rapide au transport aérien. Il devra également permettre de pouvoir assurer une formation très complexe dans une grande installation multidimensionnelle qui soit adaptée à ses besoins.
Un halo de mystère
La FOI2 demeure une unité de combat largement admirée, dans les cercles militaires internationaux, pour sa capacité d’effectuer des assauts rapides et efficaces lorsque les circonstances l’exigent. À cet égard, elle s’est vu décerner la United States Presidential Unit Citation pour les services exceptionnels qu’elle a rendus dans le cadre des opérations menées, en 2002, par les Forces d’opérations spéciales internationales en Afghanistan.
Le gouvernement entoure la FOI2 d’un voile de mystère qu’il justifie en invoquant le secret nécessaire à la sécurité des opérations. Une partie de ce secret est assurément justifiée, mais la plus grande partie de ce dernier ne l’est pas.
Même en privé, les questions les plus élémentaires, telles que « Quelle est la taille de l’unité? », sont esquivées même si sa taille initiale figure dans des documents publics que le gouvernement a publiés. À tire d’exemple, ce dernier a publié un communiqué de presse indiquant son intention de doubler la taille de l’unité. Les réponses vagues obtenues par le Comité par rapport aux questions élémentaires dénotent un état d’esprit bien particulier, à savoir que le gouvernement n’a clairement pas l’intention de permettre aux institutions parlementaires d’évaluer la pertinence des fins militaires auxquelles la FOI2 est utilisée, ni l’adéquation des moyens mis à la disposition de cette unité afin d’atteindre ces fins. Pour paraphraser certaines des réponses obtenues par la Comité:
« Connaître la taille de notre force pourrait permettre à une personne de concevoir une attaque qui serait capable de surpasser sa capacité et de la vaincre.»
« Des bribes d’information apparemment sans conséquence peuvent, une fois rassemblées, constituer un tout cohérent dont nos ennemis pourraient se servir contre nous. »
Voici un extrait d’un échange entre le président du Comité et le lieutenant général Dumais lors de la réunion du 27 juin 2005 :
« Le président : Dans quelle mesure [le] rôle [de la FOI2] s'est‑il transformé par rapport à sa vocation initiale, la lutte contre les détournements d'avion?
Le lieutenant général Dumais : Son rôle a pris beaucoup d'expansion, sans entrer dans les détails. Cela exige une formation intensive et des sujets très spécialisés.
Le président : Quand vous dites « sans entrer dans les détails », quand vous parlez au Parlement, dans quelle mesure pouvez-vous dire au Parlement ce qu'elle fait?
Le lieutenant général Dumais : Malheureusement, une très petite mesure. C'est une question de sécurité opérationnelle à divers égards. Nous comprenons tous que divulguer trop de ses capacités ou de tout autre aspect de ce qu'elle fait pourrait compromettre sa capacité d'exécuter sa mission ou mettre en danger telle ou telle personne[106]. »
Le mandat de la FOI2 a changé. Mais les Canadiens ne savent pas pourquoi, ni comment. Il existe des moyens de transmettre des renseignements pertinents et détaillés sans mettre en péril la sécurité ou l’efficacité de la FOI2, mais il existe surtout une volonté délibérée de ne pas permettre une évaluation raisonnée de la façon dont le Canada utilise la fine pointe de ses Forces armées.
Si le Comité peut concevoir que certaines informations puissent devoir demeurer secrètes, il croit néanmoins que tous les Canadiens sont en droit d’obtenir plus d’informations sur cette unité, sur ses capacité et sur son mandat. Ces derniers pourront ainsi juger si cette force agit comme il se doit pour défendre et promouvoir les intérêts du Canada, ou si elle dispose des ressources et du commandement nécessaires à cette fin. Comment les Canadiens pourraient-ils, sinon, décider si la FOI2 constitue une composante militaire utile à la défense nationale et à la politique étrangère du Canada?
2. Équipe d’intervention en cas de catastrophe (DART)
L’Équipe d’intervention en cas de catastrophe (DART) est une unité d’urgence composée d’environ 200 membres des Forces canadiennes. Déployée dans les zones sinistrées pour une durée maximale de 40 jours, la DART dispense des soins médicaux de base, exécute des travaux d’ingénierie et fournit de l’eau potable jusqu’à l’arrivée d’une aide plus complète.
La DART a été mise sur pied par les Forces canadiennes en 1996 après que les équipes de secours du Canada et d’autres pays soient arrivées au Rwanda trop tard pour sauver d’une épidémie de choléra plusieurs milliers de personnes ayant fui le génocide rwandais.
Depuis sa création, la DART a été déployée trois fois : au Honduras en 1998 après qu’un ouragan a dévasté le pays, en Turquie en 1999 à la suite d’un tremblement de terre et au Sri Lanka, deux semaines après qu’un tsunami a anéanti l’île le 26 décembre 2004.
Cette unité peut dispenser des soins médicaux de base, traiter des blessures mineures et prendre des mesures pour empêcher la propagation des maladies. Ses installations de purification peuvent produire entre 150 000 et 200 000 litres d’eau potable par jour[107]. La DART peut aider à réparer des infrastructures, à rétablir l’alimentation en électricité et en eau, à construire des routes et des ponts, et à mettre sur pied des camps de réfugiés. En outre, la DART aide à améliorer la communication pour faciliter le déploiement de l’aide. Elle n’est pas conçue pour intervenir dans les zones de conflit.
Dotée d’un acronyme accrocheur, la DART est très populaire auprès des Canadiens. Cela signifie, bien entendu, qu’elle plaît aussi aux politiciens. La DART est l’une des composantes militaires plus souvent évoquées par les participants aux audiences publiques organisées par le Comité dans chaque province. À Regina, Victoria, Edmonton, Calgary et ailleurs au Canada, la population n’avait que des éloges à l’égard de la DART.
La DART, cependant, comporte trois lacunes principales : son déploiement dépend de la volonté des politiciens de la déployer; elle coûte cher, et le Canada n’est pas en mesure de la dépêcher avec rapidité et efficacité.
Il convient de mentionner que le gouvernement fédéral a décidé de ne pas déployer la DART en Haïti à la suite de l’ouragan dévastateur de 2004. Le ministre des Affaires étrangères, Pierre Pettigrew, avait alors indiqué que le gouvernement devait tenir compte du coût d’une telle mission – l’intervention de la DART en Turquie, par exemple, a-t-il déclaré, a coûté 15 millions de dollars aux contribuables canadiens.
Il convient aussi de mentionner que la DART est arrivée au Sri Lanka au moins une semaine après ce à quoi on s’attendait compte tenu de la capacité d’intervention rapide qu’on lui attribut. Ce retard s’explique en partie par l’indécision des politiciens.
Dans un discours prononcé devant le Cercle national des journalistes du Canada, le 2 février 2005, le président de Care Canada, John Watson, a dit que déployer la DART au Sri Lanka était « insensé, sauf s’il s’agit d’une manœuvre de relations publiques[108] ». Il a aussi affirmé que le gouvernement avait décidé d’utiliser « une Cadillac, alors qu’un scooter ou une planche à roulettes auraient mieux fait l’affaire ». Il a ajouté qu’il « vomirait » s’il entendait une fois de plus dire que la DART est rapide et capable d’intervenir en moins de temps que les organisations non gouvernementales.
D’après ce que le Comité a entendu jusqu’ici, la DART ressemble en effet beaucoup à une Cadillac : elle paraît bien et elle coûte cher, mais elle n’accélère pas aussi vite que ses compétiteurs. Et, faute de transport aérien fourni par la Force aérienne, la DART éprouve de la difficulté à manœuvrer en situation d’urgence.
Le Canada ne possède pas les moyens de déployer rapidement la DART sur le terrain par ses propres moyens. Il faut actuellement 26 vols de Hercules pour transporter la DART, mais, compte tenu du nombre le plus souvent limité d’appareils disponibles, certains de ces derniers sont contraints de faire plusieurs vols. La DART pourrait-elle se déployer plus rapidement si le Canada disposait d’une capacité de transport aérien propre? Sans l’ombre d’un doute.
Peut-on parler d’un investissement intelligent de nos rares deniers militaires si l’on peut prouver qu’en donnant les mêmes sommes à des ONG – ou en envoyant des contingents militaires moins dispendieux – le Canada en aurait plus pour son argent?
Cette question s’applique aussi bien aux opérations menées sur le territoire canadien qu’aux missions à l’étranger. Le nombre insuffisant d’appareils de transport militaire canadiens nous amène à remettre en question la capacité des Forces canadiennes à dépêcher la DART sur les lieux d’un éventuel désastre au Canada.
L’automne dernier, le Comité a accueilli avec scepticisme une annonce selon laquelle le gouvernement accroîtrait les ressources nationales de la DART, car, en décembre 2004, la DART n’avait toujours pas obtenu ni le personnel additionnel, ni l’équipement pour les basses températures qui avaient été promis. Dix mois plus tard, le gouvernement n’a toujours pas démontré la capacité accrue de la DART sur le territoire canadien, ni prouvé qu’elle était en mesure de se déployer ailleurs au Canada à partir de ses bases situées en Ontario.
3. Le Transport stratégique
La géographie de notre pays est telle que les Forces canadiennes, lorsqu’elles sont appelées à intervenir en situation de crise, au Canada comme à l’étranger, sont généralement amenées à parcourir de grandes distances. Elles doivent donc disposer de la capacité de transporter leur personnel et leur matériel en un nombre de vols aussi restreint que possible. Si nous souhaitons disposer de Forces armées capables d’intervenir efficacement, nous nous devons de les doter des moyens de les transporter là où elles sont requises dans les meilleurs délais.
Le transport stratégique peut s’effectuer selon deux modalités, le transport aérien et le transport maritime, mais dans un cas comme dans l’autre, la capacité de transport stratégique du Canada connaît des graves lacunes.
Le transport aérien stratégique
L’année dernière seulement, le Canada a dû, à deux reprises, faire face à des situations où le fait de posséder sa propre capacité de transport aérien stratégique lui aurait été des plus utiles.
La première s’est manifestée à la fin de décembre 2004 et au début de janvier 2005. Elle concerne la crise qui a suivi le passage du tsunami en Asie du Sud-Est. La lenteur avec laquelle le Canada est intervenu lors de cette catastrophe humanitaire démontre l’approche maladroite adoptée par le Canada lorsqu’il s’agit d’assurer le transport aérien de ses troupes en situation d’urgence.
Durant cette crise, le ministère de la Défense nationale, a affrété deux appareils Antonov AN-124 afin d’effectuer un total de cinq vols entre la BFC Trenton et le Sri Lanka afin de déployer la DART. Chacun de ces vols a coûté 880 000 dollars américains et le coût total de l’affrètement, incluant le total des frais et les dépenses facturés, devrait s’élever à 4, 8 millions de dollars américains[109]. Ce coût n’inclut ni les vols de soutien, ni les vols de rapatriement au Canada. Nous savons, comme la presse s’en est faite l’écho à l’époque, que, en raison de tergiversations politiques qui ont entourées la décision de déployer ou non la DART, au moins un projet d’affrètement d’appareils Antonov a tourné court.
Si le Canada avait possédé sa propre capacité de transport aérien stratégique, il n’aurait pas eu à recourir à des appareils affrétés.
Le Canada a été, en septembre 2005, beaucoup plus lent qu’on ne pouvait l’escompter à porter assistance aux populations littorales du golfe du Mexique affectées par l’ouragan Katrina. Le gouvernement canadien a dépêché sur place le Groupe opérationnel des Forces canadiennes composé de trois bâtiment de la Marine et d’un bâtiment de la Garde côtière. Ces derniers ont transporté du matériel de première nécessité ainsi qu’environ 900 membres de Forces armées. Les premiers éléments du Groupe opérationnel sont arrivés sur les lieux le 12 septembre, soit 6 jours après avoir quitté Halifax, et plus de deux semaines après le passage de l’ouragan, le 29 août
Si le gouvernement avait disposé d’une capacité de transport aérien stratégique, il aurait pu intervenir beaucoup plus rapidement sur les lieux. Le matériel et le personnel de secours auraient pu arriver sur place quelques heures seulement après que le gouvernement a décidé d’agir, alors qu’il a fallu 6 jours aux navires pour effectuer le trajet. Faute de transport aérien stratégique, la capacité qu’ont les Forces canadiennes de déployer mille personnes et des tonnes de matériel est très limitée.
Contraint de prendre un taxi
La façon de procéder du Canada, lorsqu’il doit transporter d’importants effectifs militaires et une grande quantité d’équipement, consiste essentiellement à faire de l’autostop ou à prendre le taxi. Soit nous montons avec nos amis (la plupart du temps les Américains), soit nous louons de gros avions ou de gros navires, à condition bien sûr d’en trouver.
Le gouvernement canadien continue de répéter qu’il sauve de l’argent en louant, plutôt qu’en achetant, de gros avions de transport. Comme l’a déclaré le ministre de la Défense nationale de l’époque, John McCallum :
« Premièrement, il est très clair que les Forces canadiennes ne procéderont pas unilatéralement à l’acquisition de gros avions de transport, moyennant quelque trois à cinq milliards de dollars. Seulement deux de nos dix-huit alliés de l’OTAN ont cette capacité. Il s’agit des États-Unis et du Royaume-Uni et les forces de ces deux pays sont plus importantes que les nôtres ne le seront jamais[110]. [traduction] »
Cela fait longtemps que le Canada ne dispose plus d’une capacité de transport aérien importante. Mais nombreuses furent les occasions où une telle capacité se serait révélée des plus utiles. En 1992, nous avons dû recourir aux forces aériennes américaines pour transporter certains de nos véhicules blindés en Somalie. En 2002, nous avons loué des avions civils et des avions de l’armée américaine pour transporter notre infanterie en Afghanistan. Et ce ne sont pas là des exceptions qui confirment la règle. Comme l’a signalé le Fraser Institute dans une étude intitulée The Need for Strategic Lift, publiéeen août 2005 :
« McCallum a rétorqué à ses critiques que : “ Personne n’a pu à ce jour me donner un seul exemple où l’absence d’une telle capacité nous aurait retardés considérablement ou arrêtés au moment de déplacer des gens ou de l’équipement du point A au point B ”. Si l’on exclut les cas du Timor oriental, de l’Afghanistan, d’Haïti et du Sri Lanka, ce que dit le ministre est incontestable[111]. [traduction] »
Pire encore, pendant la tempête de verglas de 1998, le Canada a dû non seulement louer de gros appareils de transport pour transporter du matériel de secours dans l’Est de l’Ontario et dans l’Ouest du Québec, mais il a dû également demander au gouvernement américain de l’aider à transporter du personnel et du matériel sur son propre territoire[112].
Certes le Canada possède des avions pouvant servir à transporter des militaires et de l’équipement, mais ils sont relativement de petite taille. L’armée canadienne dispose en permanence de 16 à 24 Hercules (sur une flotte totale de 32) pour assurer le transport tactique (c’est-à-dire à l’intérieur du théâtre des opérations). Comme il est mentionné à la page 77 du présent rapport, ces avions sont âgés et la flotte entière sera bientôt remplacée.
De plus, comme nous l’avons déjà mentionné, la DART a besoin de 26 vols d’Hercules pour se déployer, alors que six vols de Boeing C-17 (l’appareil utilisé par les Américains et par les Britanniques) suffiraient. On estime que des centaines de types d’équipement de l’armée canadienne doivent être démontés pour entrer dans un Hercules.
Il n’y a rien de rassurant dans le souvenir du déploiement des Casques bleus au Timor oriental il y a quelques années. En raison de leur rayon d’action et de leur capacité limitée, les Hercules devaient généralement effectuer trois escales avant d’arriver au Timor oriental[113]. Un de nos Hercules avait alors dû rebrousser chemin à trois reprises à cause d’équipement défectueux, avant de pouvoir finalement se diriger vers sa destination[114].
Les coûts associés à ce manque de capacité sont loin de passer inaperçus. Le Comité estime que les Forces canadiennes dépensent chaque année une moyenne de 50 millions de dollars en affrètement de vols de transport.
Le fait de ne pas disposer d’une capacité de transport aérien stratégique suffisante entraîne d’autres coûts moins apparents tels que ceux associés au temps supplémentaire requis pour arriver à destination, à la pression que subissent les pilotes en raison du nombres d’heures de vol supplémentaires que leur impose un nombre de vols accrus, de même que la nécessité de disposer d’un personnel suffisant au points de départ et d’arrivée, ainsi qu’aux escales.
Les Forces aériennes canadiennes disposent actuellement de cinq appareils CC-150 Polaris, qui sont semblables à des avions de ligne A310-300. On peut toutefois lire, dans l’étude du Fraser Institute :
« Le Polaris est capable de transporter 32 000 kg de marchandise, mais comme c’est un avion de ligne converti, il ne peut contenir que des effectifs et des palettes – pas de véhicule militaire, ni de marchandise surdimensionnée. De plus, parce qu’il nécessite du matériel de chargement et de déchargement spécialisé, qu’il n’a pas de rampe de chargement facilitant la manutention des marchandises et qu’il doit atterrir sur une piste d’atterrissage aménagée sur une surface dure, le Polaris se destine à un usage différent de celui réservé aux aéronefs de transport lourd purement stratégiques, bien qu’il ne soit pas moins important[115]. [traduction] »
Comme le Polaris et le Hercules n’ont respectivement pas une capacité et un rayon d’action suffisants pour transporter rapidement le personnel et le matériel canadiens dans des endroits éloignés, nous sommes souvent forcés de louer des appareils vétustes et délabrés, le plus souvent des Antonov, de fournisseurs situés en Russie et en Ukraine. Il ne reste plus beaucoup d’Antonov dans le ciel et ceux qui volent toujours en sont à leurs derniers milles. De plus, ces avions partagent d’inquiétantes similarités avec le Yakovlev-42 qui s’est écrasé en Turquie l’an dernier, tuant 62 Casques bleus espagnols[116]. C’est pourquoi les Forces canadiennes se sont données pour politique de ne les utiliser que pour le transport de matériel, et non de personnel.
Transport maritime
Le transport maritime de personnel et de matériel présente certains avantages tels que celui de permettre de transporter plus d’équipement en un seul voyage. Un navire peu de plus être mouillé à l’avance au large d’une zone de crise potentielle en vue d’éventuelles missions, ce qui réduit d’autant le délai d’intervention si le gouvernement décide d’aller de l’avant. Enfin, un bâtiment de transport maritime peut continuer d’assurer le soutien des troupes une fois que ces dernières sont déployées à terre.
Il a déjà été question, à la page 58, du navire de charge GTS Katie. À son retour du Kosovo, à l’été de 2000, il est resté coincé au milieu de Atlantique, chargé de matériel militaire canadien, pendant que des entreprises du secteur privé se chamaillaient au sujet d’un affrètement précédent non payé. Cette saga aura néanmoins eu le mérite de nous rappeler que nous sommes à la merci des autres lorsqu’il s’agit de déplacer notre personnel et notre matériel dans d’autres pays.
On peut dire que la capacité de transport maritime du Canada laisse encore plus à désirer que sa capacité de transport aérien. Les bâtiments qui servent au transport soutiennent aussi les Forces canadiennes lorsqu’elles vont à terre. Depuis quelques années, le Canada compte sur sa « flotte » de pétroliers ravitailleurs d’escadre – désormais composée du NCSM Preserver et du NCSM Protecteur – pour appuyer le personnel à terre. Les deux pétroliers ont plus de 35 ans. Ils n’ont pas été conçus pour transporter de l’équipement lourd, mais pour transporter du carburant et certains types de matériel.
L’autre option pour le transport d’équipement lourd consiste à utiliser des navires commerciaux. Le gouvernement soutient que la location de ces navires revient moins cher que l’achat. Cela ne fait aucun doute. Il reste qu’en situation de conflit, notre personnel et leur précieux équipement voyagent à bord de navires qui ne sont pas toujours disponibles lorsqu’on en a le plus besoin, et dont les propriétaires ont des intérêts particuliers qui ne concordent pas nécessairement avec ceux du Canada.
Lors de son passage à la BFC Gagetown, en avril 2004, le premier ministre a promis que les deux pétroliers ravitailleurs d’escadre restants seraient remplacés par de nouveaux bâtiment qui disposeront, outre de leur capacité de ravitaillement, d’une certaine capacité de transport. Dans le budget de 2005, le gouvernement s’est engagé à mettre sur pied le Projet de navire de soutien interarmées (NSI) afin d’améliorer la capacité de transport maritime et de ravitaillement du Canada.
Le projet consistera à construire trois bâtiments de grande taille, capables de transporter des effectifs, de l’équipement lourd, des véhicules et d’autres marchandises, qui soient dotés d’une capacité de chargement et de déchargement adaptée. Ils pourront également fournir des munitions, du carburant et d’autre matériel aux bâtiments et aux sous-marins en compagnie, et accueillir des hélicoptères tactiques de capacité moyenne.
Depuis lors, il a été question de se doter d’un autre type de bâtiments plus exclusivement destinés au transport de personnel et de matériel qui pourraient également assurer le soutien des troupes à terre [117].
Le Comité émet des réserves à l’égard de ces deux plans. Le projet de NSI semble vouloir essayer de répondre à un trop grand nombre de besoins au moyen d’un unique bâtiment. De plus, le nombre de bâtiments prévus semble être insuffisant. Enfin, le premier de ces bâtiments ne sera pas livré avant des années. Le comité émet des réserves similaires à l’égard du projet relatif aux trois gros bâtiments de transport mixte.
4. Le renseignement de défense
Le renseignement est, dans un conflit moderne, essentiel au succès. Les Forces canadiennes doivent se doter de la capacité et des moyens de recueillir, de traiter et de diffuser à leurs commandants et à leurs stratèges les renseignements provenant des multiples sources d’information, humaines ou automatisées, publiques ou secrètes, dont elles disposent en leur sein, ainsi qu’au sein du gouvernement et auprès des pays amis.
Les pilotes CF-18 doivent disposer de renseignements sur les cibles qu’ils s’apprêtent à bombarder. Un commandant de mission a besoin de données sur la nature et sur l’emplacement des forces ennemies auxquelles il peut être confrontées. Le chef d'état-major de la Défense doit pouvoir comprendre les tendances qui peuvent modifier la nature d’un conflit afin de pouvoir bien informer le gouvernement des besoins à long terme des Forces canadiennes.
Deux études récemment menées par le ministère de la Défense nationale ont démontré que le renseignement de défense canadien était inadapté. Et rien n’a véritablement changé depuis lors.
Un rapport du Chef – Service d’examen, publié en mai 2002, révélait que le ministère ne comptait pas moins de cinq gestionnaires de haut niveau possédant des responsabilités en matière de renseignement, mais que personne ne détenait l’autorité fonctionnelle centrale nécessaire pour coordonner les efforts de ces derniers. Ce rapport soulignait que notre capacité, en matière de renseignement de défense nationale et de technologie de l’information était, en dépit de son caractère essentiel, sous l’emprise de la confusion. Les Renseignements humains (HUMINT) et les Renseignements de sources ouvertes (OSINT) des FC y étaient jugés des plus primaires. Pire encore, il n’existe actuellement aucune doctrine, aucune politique ou aucune directive, en matière d’obtention de renseignements.
L’Examen du renseignement de défense (ERD), achevé en 2004, jugeait que, à l’exception du renseignement tactique, le renseignement de défense se révélait totalement inadapté[118].
L’une des principales conclusions de cet examen était que, compte tenu de la structure de responsabilisation actuelle du renseignement au sein du ministère de la Défense, il était impossible pour ce dernier de fonctionner de façon intégrée, de répondre aux besoins croissants et changeants du renseignement ou de s’adapter à un environnement de sécurité en mutation, et ce, tout particulièrement en matière des menaces asymétriques. Il importait donc de mettre en place une nouvelle structure.
Les Forces canadiennes ont reconnu que le renseignement de défense devait constituer l’une de leurs priorités. Le Rapport sur les plans et priorités 2005‑2006 du MDN indique qu’il s’agit de la deuxième des quatre plus importantes priorités du sous-chef d’état major de la Défense[119]. C’est pourquoi les Forces canadiennes ont créé le poste de chef du renseignement de la Défense en vue de coordonner les différents aspects de ce domaine d’activité.
Le défi consiste désormais à mettre en œuvre les recommandations de l’Examen du renseignement de défense avec les ressources et le personnel limités disponibles. En décembre 2004, le major général Michel Gauthier, chef du renseignement de la Défense, a expliqué au Comité qu’il ne disposait pas des ressources nécessaires pour remplir son mandat :
« Le major général Gauthier : Je ne suis pas du genre à dire que j'en ai suffisamment pour faire le travail…Vous verrez qu'il y a plusieurs domaines dans lesquels je dis que nous manquons de ressources et nous prenons des risques. Nous devons nous occuper de plus près de ces domaines pour mieux définir nos besoins et prendre des décisions sur la répartition des ressources ou la gestion des risques.
Vu la rapidité avec laquelle le contexte de la menace s'est transformé, vu l'ampleur des déploiements à travers le monde au cours de dix dernières années, je ne dirais certainement pas que nous avons toutes les capacités dont nous avons besoin actuellement, bien au contraire…
Dans le cadre des déploiements, j'ai certains doutes concernant notre capacité HUMINT actuelle d'appui aux opérations à l'étranger, et aussi concernant la fonction de contre-ingérence. Du point de vue de l'analyse stratégique, je ne pense pas à un domaine particulier. C'est plus une question quantitative; comme je vous l'ai dit, il faudrait accroître considérablement les ressources [120]. »
Les Forces canadiennes ont récemment recruté des analystes du renseignement supplémentaires. Des experts, tant militaires que civils, ainsi que de nouvelles unités, sont formés afin de se spécialiser en renseignements de sources ouvertes, en renseignements humains, en géomatique, en imagerie, en contre‑ingérence et en planification. Néanmoins, les ressources et le personnel affectés par les Forces canadiennes à leur capacité de renseignement demeurent insuffisants.
Le nombre de personnes disponibles pour recueillir du renseignement est insuffisant au regard du trop grand nombre de missions de renseignement devant être menées partout dans le monde. Le sous‑chef d’état-major de la Défense, le lieutenant général Marc Dumais, a souligné dans son étude d’impact pour 2005-2006 le défi que constitue, pour le Canada, le fait de participer à des missions de renseignement en un si grand nombre de points du globe[121].
Certains pays ont décidé, pour remédier à cet situation, de limiter leurs opérations à une partie bien délimitée du globe :
« Le sénateur Kenny : Les Australiens ont dit qu'ils se spécialisaient dans un petit coin du monde et que c'était leur contribution aux autres pays, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et le Canada. Ils ont ajouté que ce qui manquait au Canada, c'était un petit coin qui serait sa spécialité.
Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
Le major général Gauthier : Disons que leur géographie n'est pas la même que la nôtre. Nous avons des Forces canadiennes déployées dans trois pays en Afrique et je pourrais continuer, 17 missions distinctes et 1 400 personnes aujourd'hui, c'est-à-dire un chiffre assez faible pour nous. Ils sont loin d'avoir des déploiements aussi diversifiés.
Sans vouloir critiquer les Australiens, et je respecte tout à fait ce qu'ils font sur le plan militaire et sur le plan du renseignement, je dirais que nous ne pouvons pas nous permettre le luxe de nous limiter à un champ d'action aussi étroit que le leur[122]. »
Peut-être sera-t-il permis aux Forces armées canadiennes de limiter leur domaine de renseignement. Dans son Énoncé de politique internationale, le gouvernement annonce son intention de concentrer son effort de renseignement sur un nombre limité d’états défaillants ou en voie de le devenir. Une telle mesure constituerait assurément un progrès, mais encore faudrait-il qu’elle soit accompagnée d’un accroissement de la capacité de renseignement, car, dans une guerre moderne, aucun rôle n’est plus important que celui-ci.
Un futur incertain faute de ressources suffisantes
Il est nécessaire d’augmenter l’effectif des spécialistes du renseignement. Le nombre d’officiers formés par l’École du renseignement militaire des Forces canadiennes ne répond pas à la demande actuelle ou prévue.
Les modifications perpétuelles que connaît la structure des Forces armées canadiennes ne fait qu’accentuer l’incertitude qui règne au regard de la capacité de renseignements dont ont besoin le Commandement du Canada, le Commandement de la Force expéditionnaire du Canada et le Groupe d’opérations spéciales.
5. Les technologies de l’information
Le ministère de la Défense nationale, qui se doit assurément de posséder un système de gestion de l’information efficace, souffre d’un manque de contrôle centralisé et de normalisation des systèmes.
Tout un éventail de systèmes se retrouvent ainsi être, d’un point de vue technique, « cloisonnés », car ces systèmes informatiques exclusifs non intégrés, qui sont la propriété du ministère en tant que tel, ou de l’une de ses composantes que sont la Marine, l’Armée et la Force aérienne, ont comme défaut de ne pas pouvoir communiquer entre eux.
M. Dan Ross, sous-ministre adjoint à la gestion de l’information, a déclaré au Comité en février 2005 qu’il s’avérerait extrêmement coûteux de moderniser ces systèmes en terme de capacité et d’opérationnalité. Il est cependant difficile d’imaginer comment des progrès significatifs pourront être accomplis en terme d’intégration sans procéder à une telle modernisation. Selon M. Ross :
« Pour l’instant […][o]n ne peut consigner l'information relative aux pièces de rechange et offrir l’accès à cette information au personnel du sous-chef d’état-major de la Défense ou au commandant de l’armée, de façon à ce qu’ils puissent prendre connaissance de la disponibilité de pièces de rechange pour le Coyote, et, de même, à ce qu’ils puissent déterminer à quel endroit se trouvent des soldats disponibles possédant les compétences nécessaires, de quelle unité ils font partie, et à quel moment ils sont revenus de leur dernière mission […].
[…] [N]ombre de nos systèmes nationaux ne sont pas reliés entre eux, ce qui force le commandant local ou déployé à utiliser plusieurs terminaux pour tenter de transmettre sur divers réseaux son information relative aux RH, aux pièces de rechange, aux munitions et au réapprovisionnement. Les réseaux n’interagissent pas comme ils devraient le faire, ou de la façon dont nous voudrions qu’ils interagissent[123]. »
Dans l’étude d’impact pour l’exercice 2005-2006 qu’il a remise au chef d'état-major de la Défense, M. Ross indique que, l’année dernière seulement, il lui manquait 28 millions de dollars pour remplir le mandat qui lui a été confié en terme de gestion et de technologies de l’information.
Le résultat : des Forces canadiennes moins efficaces aux capacités limitées.
6. Les Centres d'opérations de sécurité maritime
Les Forces canadiennes sont sur le point d’améliorer leur vision globale de la situation maritime générale afin de mieux assurer la surveillance des navires croisant aux larges de nos côtes Est et Ouest, ainsi que sur les Grands Lacs. Pour ce faire, lesCentres d'opérations de sécurité maritime présents sur les deux côtes vont travailler de concert à l’établissement d’une image globale. Le Comité a eu l’occasion, dans le cadre de la présente étude, de visiter les installations (provisoires) de ces deux Centres.
Si la vision globale de la situation maritime générale de nos côtes s’est améliorée depuis la première fois que le Comité s’y est intéressé, en 2002[124], de nombreux progrès restent à faire.
Les défis
1. Obtenir une image nette et complète
Il s’agit là d’un défi de taille, car on dénombre, au large de la Colombie-Britannique seulement, des milliers de bateaux de plaisance naviguant le long des côtes, sans compter la flottille des navire de pêche commerciale et les paquebot de croisière.
La situation, sur l’Atlantique, n’est pas très différente, car, chaque jour, le NCSM Trinity, Centre des opérations de la côte Est situé à Halifiax, repère plus de 200 navires non identifiés et surveille de 12 à 20 navires suspects pouvant présenter une menace. Un officier, à Halifax, a décrit la situation en ces termes : « Ce que nous faisons revient à identifier des brins d’herbe, à rechercher une aiguille dans une botte de foin [traduction] ».
Le Comité a constaté que ce qui devrait être un système de collecte de données centralisé présente des lacunes dans son fonctionnement. Ainsi le ministère de la Défense nationale ne reçoit pas automatiquement les renseignements recueillis par l’Agence des services frontaliers du Canada, ou par Transports Canada, sur les navires qui ont annoncé leur intention de s’approcher des côtes comme cela est désormais obligatoire en vertu d’un règlement entré en vigueur en 2003. De même, sur la côte Ouest, la Défense nationale ne reçoit aucune information des administrations de pilotage qui escortent les navires jusqu’aux ports. Les données provenant de ces deux sources permettraient d’obtenir, en termes de renseignement, une image plus complète et plus précise.
2. Établir des procédures d’opération
Sur les deux côtes, on a mentionné au Comité que, compte tenu de la croissance que connaissent les Centres d’opérations et leur personnel, il va devenir urgent de savoir qui est en charge lorsqu’une crise se déclare.
Un officier a mentionné au Comité qu’aucun protocole de crise n’avait encore été établi et qu’il serait donc difficile, en de telles circonstances, de déterminer « qui est à la barre [traduction] ».
3. Un développement qui se poursuit
Malgré les déclarations du gouvernement relatives à la création des Centre d’opérations de sécurité maritime du printemps dernier, ce projet visant à doter les deux côtes d’installations fonctionnelles où les différents ministères seraient intégrés est loin d’être devenu une réalité. À Esquimalt, seul la GRC et le MDN collaborent de concert. À Halifax, la situation ne semble pas bien plus reluisante. Les Centres, sur les deux côtes, n’ont toujours pas pris possession de leurs installations permanentes et le Centre de la côte Ouest ne devrait pas s’y installer avant 2008.
Ces Centres n’atteindront pas leur pleine capacité opérationnelle (nouveaux bâtiments, système et équipement de commandement et de contrôle, gestion de l’information, effectif complet) avant la fin de la décennie.
4. Les Grands Lacs et les principaux cours d’eau du Canada
Il est important de souligner que, si le Comité n’a pas constaté de grands progrès au regard de la situation sur les côtes Est et Ouest, il n’a constaté absolument aucun progrès, aucune mesure d’un quelconque ministère, en vue de créer un Centre d’opérations de sécurité maritimes permettant au Canada de se doter d’une image fonctionnelle de la navigation sur les Grands Lacs.
PARTIE III : DÉFIS STRATÉGIQUES
Nous avons démontré que les Forces canadiennes ne disposent pas du personnel ni de l’équipement nécessaires pour disposer des capacités militaires que les Canadiens sont en droit d’obtenir. Les principaux coupables sont les gouvernements présents et passés, trop prêts à serrer la ceinture à la Défense dès qu’il est question d’austérité budgétaire. Mais les Forces canadiennes montrent aussi des déficiences qui n’ont pas grand-chose à voir avec les finances.
Dans la section qui suit, nous aborderons huit de ces déficiences. Le manque de fonds en explique certaines, mais il s’agit surtout d’attitudes et de modes de fonctionnement :
1. Bureaucratisation
2. Influence politique
3. Recrutement – défi structurel
4. Recrutement et maintien des effectifs – défis organisationnels
5. Qualité de vie
6. Approvisionnement
7. Ingérence d’autres ministères
8. Communication avec la population
1. Bureaucratization
Tandis que la taille des Forces canadiennes diminuait à la fin des années 1990, celle de la bureaucratie au sein du ministère de la Défense nationale prenait de l’ampleur, surtout du côté civil. Mais le problème ne tenait pas seulement au fait qu’il y avait plus de civils que de militaires aux échelons supérieurs. Le personnel militaire occupait toujours des postes importants, mais au fil du temps il fut davantage intégré à la structure bureaucratique. Au bureau du ministre, il est devenu manifeste que le processus bureaucratique avait étouffé la production.
Le ministre de la Défense nationale, inquiet quant à la qualité (et au coût) de la bureaucratie au QGDN, a mis sur pied un comité consultatif sur l'efficacité administrative, chargé d’examiner la situation.
Dans son rapport d’août 2003, le Comité consultatif soulignait que les responsabilités des cadres supérieurs du QGDN n’étaient pas assez clairement définies, que l’on accordait dorénavant plus d’importance au processus qu’à la production et que le consensus était en train de devenir la philosophie décisionnelle à l’échelle du QGDN. Le gradualisme – c’est‑à‑dire la prise de décisions une à une – prenait le pas sur une action décisive[125].
NOTRE INTERPRÉTATION : Une force militaire, même si elle est sous-financée, est censée rugir comme un lion. Mais les bureaucrates du MDN ont commencé à se comporter davantage comme un troupeau d’agneaux.
Le Comité consultatif a recommandé un examen approfondi du QGDN afin de déterminer son rôle premier, de cerner les responsabilités de chaque groupe d’état-major et de vérifier si les ressources attribuées correspondaient aux résultats obtenus.
Le Comité consultatif invitait clairement le ministère à se concentrer sur le produit et non sur le processus!
Les recommandations du Comité consultatif semblent surtout avoir abouti à des réductions des coûts – plutôt qu’à une modification du mode de décision – ce qui était peut-être en fait le résultat par le bureau du ministre.
Puis, le général Hillier fut nommé, et, selon les initiés, les conclusions du Comité sont passées à l’arrière-plan, l’attention se portant dorénavant davantage sur la volonté du général de transformer les Forces canadiennes pour en faire une force de combat moderne. Il se peut que le style du général Hillier soit ce que le Comité recommandait. Jusqu’ici, il donne l’impression d’agir en lion, mais seul le temps nous dira ce qu’il en est véritablement.
2. Influence politique
Dans les démocraties occidentales, les politiciens ont toujours le dernier mot concernant les grandes décisions militaires, et c’est bien ainsi. Pour citer un exemple qui nous vient du sud, le général américain Douglas MacArthur, qui avait brillamment servi les forces militaires au cours de la Première et de la Deuxième Guerres mondiales puis au cours de la guerre de Corée, a été démis de ses fonctions par le président Harry Truman, quand il a affronté publiquement ce dernier sur une possible attaque de la Chine.
Ce qui est moins connu, c’est qu’il s’est produit le même genre d’incident au Canada récemment, lorsque, en dépit du conseil de son chef d’état-major, le ministre de la Défense nationale a démantelé le Régiment aéroporté du Canada.
Les élus ont le dernier mot dans les grandes décisions militaires; cependant, il arrive souvent que les politiciens empêchent les militaires d’utiliser au mieux leurs ressources.
Citons à titre d’exemple le long et tortueux processus de remplacement des hélicoptères Sea King, devenus archaïques.
L’utilisation des hélicoptères a été une innovation qui a fait la gloire du Canada sur la scène militaire internationale quand il a été le premier à montrer que, dans la lutte contre les sous-marins, les destroyers et les frégates pouvaient servir de plate-forme aux Sea King et permettre le retour des aéronefs grâce à une invention canadienne : le dispositif d’appontage et d’arrimage rapide d’hélicoptères, aussi appelé système Beartrap[126].
Le Canada a eu beau marquer une avance sur les autres nations, il n’en reste pas moins qu’il accusait un sérieux retard dans les années 1990 quand les Sea King, conçus selon la technologie des années 1950 et achetés au début des années 1960, ont commencé à se détériorer. Non seulement sont-ils devenus désuets, mais il faut leur consacrer beaucoup trop d’heures d’entretien pour chaque heure de vol.
La décision de les remplacer aurait dû être prise en fonction des besoins et d’une analyse intelligente des produits de remplacement. Au lieu de cela, la question du coût est devenue un enjeu politique. En fin de compte, les Canadiens ont dû attendre une quinzaine d’années avant d’obtenir des hélicoptères de remplacement raisonnables, période pendant laquelle les pilotes ont pris des risques inutiles en utilisant un matériel périmé.
Est‑ce que le prix d’achat de 4,7 milliards de dollars fixé à l’origine était trop élevé? La question demeure. Les contribuables ont quand même fini par payer presque un demi-milliard en pénalités quand le marché a été annulé et ils n’ont rien obtenu en retour. Pendant ce temps, l’Aviation et la Marine canadiennes ont subi une perte de puissance beaucoup trop longue. Et la population attend toujours.
Parfois, certains contrats douteux s’expliquent par des motifs humanitaires ou nationalistes, par exemple dans le cas d’une région qui a grand besoin d’emplois ou d’une entreprise de haute technologie qui connaît des moments difficiles. C'est ainsi que l’acquisition de jets d’affaires Challenger peut parfois se régler en une fin de semaine, en quelques coups de stylo, alors que des achats d’une véritable importance pour les Forces canadiennes peuvent prendre des années. C'est aussi de cette façon que certaines entreprises, comme Western Star Tracks, ont été sciemment tenues à l’écart et n’ont pas été informées des conditions nécessaires pour remporter un contrat, de sorte que le marché conclu a coûté plus cher aux Forces canadiennes quand il a été attribué à une autre entreprise.
Favoritisme local
Les gouvernements et les politiciens peuvent, pour des raisons politiques, agir d’une façon qui nuit à la puissance militaire du Canada et c’est ce qu’ils font . Les mesures prises découlent généralement de bonnes intentions visant à assurer des emplois et d’autres retombées aux personnes qui tirent profit des bases militaires de diverses régions du Canada, mais il reste que certaines de ces bases ne devraient même pas exister.
On peut donc parler de faux frères en parlant des politiciens qui agissent ainsi puisqu’ils nuisent à un débat honnête sur l’utilité des installations et continuent de dilapider les deniers publics à des fins qui n’ont rien de militaires. Ces faux frères proviennent parfois du parti au pouvoir, parfois de l’opposition. Parfois, ils appliquent les pressions sans relâche, et parfois, dans l’effervescence d’une campagne électorale, ils font une promesse afin d’aider à remporter un siège de plus à la Chambre des communes. C'est ainsi que l’on asphalte la piste d’atterrissage d’une base militaire éloignée même si l’aéroport en question est de moins en moins utilisé.
Dans un même ordre d’idées, lorsque l’existence d’une base militaire ou d’une caserne de la Réserve est remise en question et jugée excédentaire, il se trouve toujours des parlementaires de la région visée pour dire que le favoritisme politique est un petit prix à payer pour garantir l’unité nationale.
Ces types de remarques sont généralement suivis d’autres voulant que la région n’obtienne pas « sa juste part » des dépenses militaires.
Il est entendu que certaines parties du Canada ont plus besoin d’aide que les autres, mais pourquoi faut‑il que l’argent sorte si souvent du budget du ministère de la Défense nationale? Si une ville a besoin de développement régional, les fonds devraient provenir du budget du développement régional et non du budget militaire. Si une entreprise a besoin d’aide à court terme, elle devrait pouvoir compter sur un prêt d’Industrie Canada et non sur un marché signé à la sauvette pour répondre à des besoins discutables.
Les hauts gradés du Canada ne se plaignent pas beaucoup publiquement de la mauvaise utilisation des fonds. Ils ne se prononcent pas non plus publiquement sur les bases qui, à leur avis, sont utiles ou inutiles sur le plan militaire. Certains se plaignent officieusement de la mauvaise répartition des ressources, mais comment les Canadiens pourront-ils avoir une idée juste de la situation si nos chefs militaires ne peuvent ou ne veulent dire officiellement ce qu’il en est?
3. Le recrutement, un défi structurel
Dans les Forces canadiennes,
certains corps de métier manquent cruellement de personnel. Il est très
difficile de remplacer les effectifs perdus pour cause d’attrition naturelle.
Les plans en matière de recrutement et de croissance des effectifs sont mis à
mal par des budgets trop maigres et des règles trop strictes lorsqu’il s’agit,
entre autres, de
Métiers en pénurie de main d’œuvre ou aux membres surutilisés
Il arrive à l'occasion, pour diverses raisons, que certains métiers militaires ne puissent pas compter sur tout l’effectif voulu : soit qu’un métier est temporairement moins attirant, soit que le marché commercial est mieux rémunéré, soit qu’une nouvelle activité ou une modification du déroulement des opérations fasse que la demande dépasse la disponibilité.
Or, quand un métier connaît une importante pénurie de personnel, plusieurs choses peuvent se produire. Premièrement, un corps de métier qui manque de personnel ne pourra pas doter tous les postes nécessaires, de sorte que certaines unités ne pourront pas remplir leurs fonctions. Il se pourra alors qu’un navire ne puisse pas compter sur tout le personnel d’entretien voulu ou qu’un escadron d’aéronefs ne dispose pas de tous les pilotes auxquels il a droit. Le potentiel de ce navire ou de cet escadron s’en trouvera réduit. Par ailleurs, les personnes qui oeuvrent dans ces métiers risquent d'être surchargées afin de combler le manque de travailleurs. Il est vrai qu’il faut s’attendre à des surcharges de travail, mais le surmenage chronique entraîne l’épuisement professionnel. De plus, les militaires qui oeuvrent dans un métier sous-doté risquent d'être déployés plus souvent que d’autres lors d’opérations dangereuses outre-mer. L’accroissement de la fréquence des missions outre-mer conjugué avec une charge accrue au pays risque de miner le moral et la vie familiale, en plus de se traduire par une constante baisse de la puissance militaire.
Le brigadier général J. R. Gaston Côté, commandant du secteur du Québec de la Force terrestre, a décrit les difficultés du système dans les années 1990 :
« Il y a des années où l'on avait jusqu'à 4 200 personnes déployées en tout temps à l'extérieur du pays. C'était un rythme tout à fait insoutenable. […]
Nous avons des sous-officiers et des officiers extrêmement brillants dans nos rangs. Nous avons parlé avec un sergent qui, en 12 ans de service, a accompli sept missions. Chaque mission était d'une durée d'environ six mois et nécessitait de trois à quatre mois d'entraînement en dehors de chez lui, sans parler des cours de carrière qu'il devait suivre. Sur une période de 12 ans, cela représente environ sept ans […] absent du foyer.
On croyait que le sergent en question demeurerait avec le bataillon, mais il a demandé d'être transféré à un endroit où il ne serait pas déployé, spécifiquement pour prendre un temps arrêt[127]. »
Les métiers en pénurie de main-d’œuvre sont considérés comme étant dans une situation critique. Dans les métiers aux membres surutilisés, ceux-ci vivent un grand stress en raison à la fois de graves pénuries de personnel et d’un taux élevé de déploiement opérationnel.
Il ne suffit pas de réagir quand un métier passe dans une de ces catégories : il faut absolument prévoir. En effet, une fois qu’un métier connaît des difficultés de dotation, il faut des années avant de pouvoir trouver un effectif suffisant, en raison du temps nécessaire au recrutement et à la formation de nouveaux membres du personnel. Un étroit suivi est donc nécessaire afin que les recruteurs puissent obtenir les remplacements nécessaires.
Pour d’autres métiers, c’est le recrutement qui pose problème. Ainsi, il est difficile de recruter des pilotes, et les Forces canadiennes n’ont pas réussi à atteindre leur quota de recrues-pilotes des deux dernières années. Cet important métier n'est pas encore en pénurie de main-d’oeuvre. Cependant, s’il l’on ne recrute pas un plus grand nombre de pilotes au cours des prochaines années, le métier pourrait devenir sous-doté, et ses membres pourraient même être surutilisés si les pilotes sont déployés en mission trop souvent.
En 2005, il était difficile de recruter pour les métiers suivants : techniciens navals, transmetteurs, pilotes, médecins, spécialistes des opérations maritimes, pharmaciens et d’autres. Quand la situation est critique, les Forces prennent des dispositions spéciales afin de recruter des personnes pouvant remplir des rôles précis. Ainsi, elles ciblent actuellement les médecins, auxquels elles offrent une prime à la signature pouvant atteindre 250 000 $[128].
Le recrutement : du surplace
Par définition, les forces armées d’un pays constituent un système fluide sur le plan du personnel. Les opérations militaires sont physiquement exigeantes et ce sont surtout des jeunes qui participent aux combats. Par fluidité, on entend les incessants processus d’attrition et de remplacement qui ont cours dans les forces armées, à moins que celles-ci ne soient obligées de battre en retraite sur le plan financier et, conséquemment, de réduire leur personnel, comme ce fut le cas pour les Forces canadiennes pendant les années 1990 et au début des années 2000.
Du 1er avril au 30 juin 2004, les Forces canadiennes ont enrôlé 1 055 membres dans la Force régulière et 1 658 membres dans la Réserve, soit un total de 2 713 personnes[129]. Au cours de la même période en 2005, elles ont recruté 1 010 membres dans la Force régulière et 1 786 membres dans la Réserve, soit un total de 2 796 personnes[130]. Le projet d’accroissement de la taille des Forces canadiennes annoncé par le gouvernement est manifestement mal entamé puisque le Plan de recrutement stratégique prévoyait une augmentation du recrutement de 20 p. 100 pour l’exercice 2005‑2006[131]. Le recrutement est par conséquent déjà en retard de 500 à 600 personnes par rapport au nombre de recrues prévu.
Lors de son témoignage, en décembre 2004, le vice chef d’état-major de la Défense a affirmé qu’il faudrait compter cinq ans pour recruter et former complètement les 5 000 réguliers et 3 000 réservistes additionnels promis par le nouveau gouvernement au cours de la campagne électorale de 2004[132]. En juin 2005, le chef d’état-major de la Défense a signalé que le gros des nouvelles recrues arriverait au cours de la troisième, de la quatrième et de la cinquième année du programme[133] et qu’il faudrait attendre le début de 2009 avant que les 8 000 nouveaux membres soient en uniforme.
Les Forces canadiennes recrutent : passez le mot!
Il faut absolument faire de la publicité pour parvenir à recruter un grand nombre de personnes compétentes dans les Forces. Or, le recrutement prévu de la « bulle » se complique du fait qu’il y a eu très peu de publicité au cours des 10 dernières années car il fallait réduire et non augmenter les effectifs. Les mécanismes de recrutement se sont immobilisés.
De plus, tous ceux qui ont été
témoins des répercussions de
Les Forces canadiennes ont fait un minimum de publicité de recrutement au début de 2005 en utilisant des documents désuets, et cet effort mitigé a produit le type de résultats auxquels il fallait s’attendre : une baisse du nombre de candidats. D’après le ministère, avec le recul du nombre de postulants depuis un an environ, le ratio des candidats aux recrues est passé à 1 à 1 (contre 2,5 à 1)[134]. D’autres facteurs sont peut-être aussi en cause, mais cette tendance se poursuivra probablement tant que la campagne de recrutement ne sera pas plus convaincante.
Parmi les priorités que le
gouvernement a annoncées figurent les deux suivantes : réformer les
marches à suivre pour la publicité dans la foulée du scandale des commandites
et dynamiser les Forces canadiennes. Ce sont deux priorités raisonnables;
cependant, la première est en train d’étouffer
L’aspect démographique
La démographie est une réalité incontournable et, en l’occurrence, elle nuit beaucoup à l’expansion des Forces canadiennes. L’effectif des 16-34 ans, segment visé par les Forces, recule, et la situation ne fera qu’empirer jusqu’en 2020[135]. En effet, le bassin de jeunes gens de cette tranche d’âge, dans lequel les Forces recrutent, diminuera. À l’autre extrémité, les baby-boomers prennent leur retraite et laissent un déficit de compétence.
4. Le recrutement et le maintien des effectifs, un défi organisationnel
Outre ceux d’ordre structurel, il y beaucoup de problèmes au niveau du recrutement, comme le Comité en a entendu trop d’exemples.
Les anecdotes pleuvent concernant les candidats compétents qui ne parviennent pas à s’enrôler malgré tous leurs efforts. Il s’agit peut-être d’exceptions à la règle, personne ne s’attardant aux cas de recrues se retrouvant enrôlées en un rien de temps. Mais les cas sont assez nombreux pour que nous soyons convaincus qu’il faut améliorer le système. Étant donné la difficulté de trouver des candidats intéressants, il faut se garder d’en manquer un seul.
De nos jours, le processus de recrutement des Forces canadiennes est une opération complexe entre le candidat et l'institution qui fait intervenir tout un éventail de règles.
Les retards sont habituellement causés par des problèmes touchant l’attestation de sécurité ou l’état de santé, ainsi que par le manque de place dans le métier ou la formation que souhaite le candidat.
Le 21 février 2005, le vice-amiral Greg Jarvis, chef de la gestion du personnel militaire des Forces canadiennes, a déclaré au Comité que le processus de recrutement ne prend plus maintenant que 35 jours au lieu de 60 pour les candidats qui ne présentent pas de problèmes de santé ou de sécurité[136].
Cependant, les retards persistent, causant pour beaucoup confusion et frustration.
Le candidat idéal
Selon les Forces, le système a été amélioré à tel point que le candidat « idéal » pour la Force régulière ou pour la Réserve peut être traité en l’espace de 30 jours. Il est question ici d’un candidat qui fournit tous les documents nécessaires (papiers d’identité et de citoyenneté, attestation d’études et rapport médical), qui n’a pas de problèmes de santé, qui a des antécédents clairs et facilement vérifiables, qui est en bonne forme physique et qui fait une demande à l’égard d’un métier pour lequel il y a de la place et une formation possible. Malheureusement, selon les données des Forces canadiennes, seulement trois pour cent des candidats tombent dans cette catégorie.[137]
L’histoire qui suit est un peu longue, mais certainement pas aussi longue que le processus qu’a dû suivre le candidat. Elle illustre des douzaines de cas semblables (dossiers perdus, traitement incorrect ou inefficace des demandes, chevauchement d’efforts) dont les membres du Comité ont entendu parler au cours de leurs déplacements.
Voici l’histoire d’un recrutement qui a pris 10 mois :
Le jeune homme en question a remis un formulaire de demande dûment rempli à l’unité de la Réserve navale. Les semaines passent, sans qu’il ait de nouvelles. Il appelle régulièrement, mais ses appels sont invariablement acheminés à des répondeurs. Finalement, l’officier de recrutement de l’unité, nouvellement en poste, affirme que la demande a été transmise au Centre de recrutement des Forces canadiennes pour y être traitée.
Quand le candidat communique avec le Centre, on lui répond que sa demande a été retransmise au détachement du Centre de recrutement le plus près de chez lui.
Plusieurs semaines passent encore, et notre jeune homme ne sait toujours pas où en est sa demande ou avec qui il doit communiquer. Finalement, il reçoit un appel qui le convoque au détachement afin de subir un test d’aptitudes et une évaluation de sa condition physique. Comme le détachement de recrutement est une unité de milice, le recruteur a supposé que le candidat veut s’enrôler dans la Réserve de l’Armée de terre. Mais vous vous souviendrez que le jeune homme avait présenté sa demande à une unité de la Réserve navale et avait bien indiqué son choix sur sa demande. Après les tests, le jeune homme est prié d’attendre un appel qui est censé venir dans deux ou trois semaines, afin de fixer une entrevue.
Encore une fois, les semaines passent. Pendant ce temps, le candidat déménage et s’installe dans une autre ville. Il veille à communiquer avec le détachement de recrutement de sa ville d’origine pour l’informer de sa nouvelle adresse et pour demander que sa demande soit transmise au Centre de recrutement le plus proche de son nouveau domicile.
Le jeune homme attend des nouvelles pendant deux mois. Quand il se rend au Centre de recrutement de sa nouvelle ville, on n’y retrouve aucune trace de sa demande. Un appel téléphonique est logé auprès du détachement de recrutement de la ville d’origine du candidat; puis, plus rien pendant deux semaines.
Finalement, six mois après son déménagement et huit mois après sa première demande, le candidat reçoit un appel d’un employé du Centre de recrutement qui lui demande de soumettre de nouveau tous ses renseignements puisqu’il faut effectuer une nouvelle vérification des antécédents.
Le candidat apprend à sa grande surprise qu’on veut l’inscrire comme membre de la Force régulière et non comme réserviste.
Plusieurs rencontres sont fixées pour une entrevue, qui toutes sont annulées. Enfin, un rendez-vous tient, et le candidat apprend qu’il répond aux normes et peut s’enrôler mais que les résultats de son évaluation de condition physique ne sont plus valables et qu’il doit la subir de nouveau. C'est ce qu’il fait deux semaines plus tard quand une place se libère.
Le système s’accélère alors. Quelques jours plus tard à peine, le jeune homme (qui a en fait presque un an de plus maintenant) reçoit un appel de l’unité de la Réserve navale locale. Il est invité à venir suivre une orientation. Il a persisté et est enfin enrôlé dans la Réserve navale!
Des lourdeurs administratives insurmontables
Il est vrai que la bureaucratie fédérale nuit souvent aux efforts déployés par les Forces canadiennes pour améliorer leurs effectifs, mais la bureaucratie fait aussi des ravages au sein même de l'organisation.
Citons à titre d’exemple les problèmes de transfert entre la Réserve et la Force régulière.
À partir d’une vérification d’état-major des dossiers sur les mutations entre éléments ayant abouti, pour l’exercice 2004‑2005, nous avons constaté que :
§ 6 p. 100 des mutations de la Réserve à la Force régulière se sont faits en moins de 120 jours
§ 60 p. 100 des mutations de la Réserve à la Force régulière ont pris entre 121 jours et un an
§ 34 p. 100 des mutations de la Réserve à la Force régulière ont pris plus d’un an.
Le vice-amiral Greg Jarvis, sous-ministre adjoint (Ressources humaines – Militaires), a expliqué au Comité que quelque chose clochait dans le système :
« Je reconnais qu’actuellement, notre moyenne pour une mutation entre catégories de service est d’environ 12 mois. Notre objectif est de réduire cela à 90 jours[138]. »
Il faut en moyenne une année pour passer d’un élément des Forces canadiennes à un autre. Réduire ces délais des trois-quarts est un objectif louable, mais cela représente un changement énorme.
Le 8 mars 2005, le lieutenant colonel, King's Own Calgary Regiment, commandant d’une unité de la milice, nous a déclaré qu’« il est plus facile de s'enrôler dans l'armée australienne en ligne que d'être transféré dans la Force régulière au Canada. Là-bas, les équivalences sont plus avantageuses, et on les obtient plus rapidement[139] ». Nous n’en croyions pas nos oreilles. Sa déclaration semblait un peu exagérée. Mais attendez : l’histoire est longue, mais, après tout, il faut du temps pour se rendre en Australie.
En janvier 2004, un lieutenant colonel de la Réserve de l’Armée de terre canadienne, qui faisait partie du Corps blindé, a remis sa démission aux Forces canadiennes et s'est enrôlé dans l’Armée australienne où il a maintenant le rang de major. Pendant les 16 années où il a travaillé pour les Forces canadiennes, généralement à temps plein, il a occupé diverses fonctions, notamment comme dirigeant d’une troupe blindée en Bosnie et, en 2003, comme unique agent de liaison canadien à Bagdad.
Avant de quitter le
Canada, cet homme avait essayé par deux fois de passer de la Réserve de l’Armée
de terre à la Force régulière. La première fois, en 1998, il avait
31 ans, était capitaine depuis quatre ans et venait de terminer une
affectation opérationnelle en Bosnie. Il a suivi toutes les règles et présenté
sa demande au Centre de recrutement local. Il a également remis des lettres de
référence très favorables provenant d’officiers supérieurs en activité et
d’officiers généraux à
D'après le commis au bureau de recrutement, le capitaine devait suivre un autre cours de mathématiques afin de s’enrôler dans les Forces canadiennes comme officier (même s’il était déjà officier dans la Réserve) et de plus, s’il démissionnait, son niveau d’instruction ne lui permettrait même pas de s’enrôler dans la Réserve comme élève officier.
Il s'est donc inscrit au programme universitaire canadien pour parfaire son éducation. Après quelques années d’études à temps partiel menant au baccalauréat, il a notamment réussi le cours de mathématiques nécessaire. En 2001, il a de nouveau demandé à être transféré de la Réserve à la Force régulière.
Maintenant âgé de 34 ans et avec le rang de major, cet officier de la Réserve de l’Armée de terre a communiqué à la fois avec le Centre de recrutement (pour le traitement de sa demande), le Directeur de l’Instruction de l’Armée de terre (afin de vérifier les équivalences de ses compétences) et le Directeur de l’Armée blindée et le conseiller en orientation des officiers du Corps blindé (afin d’obtenir des renseignements sur les premières affectations et les perspectives de carrière).
Sans succès. Le Centre de recrutement l’a informé que, pendant qu’il suivait ses cours, les Forces canadiennes avaient relevé la barre en matière d’instruction. Il devait maintenant obtenir un diplôme. De plus, même avec un diplôme, il ne serait pas affecté à un régiment ou à un autre poste tant qu’il n’aurait pas terminé une formation de langue seconde.
Selon le Directeur de l’Instruction de l’Armée de terre, les qualifications que le major avait acquises dans la Réserve, même s’il avait commandé des troupes de la Force régulière lors d’opérations, étaient insuffisantes. Une équivalence serait accordée pour l’instruction élémentaire des officiers, mais il lui faudrait suivre la formation d’officier du Corps blindé de la Force régulière et établir sa compétence sur les véhicules blindés de la Force régulière (char Leopard et véhicule de surveillance Coyote) avant de pouvoir obtenir une affectation dans cette dernière.
De plus, le Directeur de l’Armée blindée et le conseiller en orientation ont informé le réserviste qu’il était peu susceptible d’atteindre le rang de major dans la Force régulière, même s’il occupait ce rang dans la Réserve de l’Armée terrestre à temps plein.
S’il parvenait à entrer dans la Force régulière, ont-ils ajouté, il serait probablement affecté à des postes comme celui d’officier des transports d’unité ou l’équivalent, et non à des postes de commandant dans les opérations de combat. Selon eux, malgré les rapports d'évaluation remarquables fournis par les officiers supérieurs de la Force régulière et son expérience opérationnelle, il ne serait pas à la hauteur des autres capitaines. Il serait peu susceptible d'être considéré pour l’un des trois principaux postes de capitaine d’unité qui servent habituellement de tremplin vers une promotion.
En 2003, le major dans la Réserve de l’Armée terrestre, maintenant âgé de seulement 35 ans, a été promu au rang de lieutenant colonel. Il a d'ailleurs été le seul représentant des Forces canadiennes envoyé auprès du V Corps des États-Unis, à Bagdad. Son rendement était suffisant pour qu’il représente le Canada dans une importante formation de l’Armée américaine dirigeant des opérations de combat dans un théâtre de guerre. Mais il n'était pas suffisant pour lui valoir un rang d’officier dans la Force régulière canadienne.
Il a alors négocié un transfert au Corps blindé de la Force régulière australienne où il a entrepris une nouvelle carrière en janvier 2005, avec le rang de major. En janvier 2006, il occupera les fonctions de commandant adjoint d’un régiment du Corps blindé de la Force régulière australienne.
Dans les années à venir, les Forces canadiennes continueront de réclamer à grand cri des gens compétents, mais elles devraient peut-être cesser de faire la sourde oreille à ce qui se passe chez elles.
Pourquoi certaines mutations prennent-elles tant de temps?
Pourquoi une mutation de la Réserve à la Force régulière prend-elle 32 p. 100 de plus de temps en moyenne qu’un recrutement normal?
Il semble y avoir un certain nombre de facteurs qui freinent le processus de mutation entre éléments, dont le moindre n’est pas l’interdiction que se sont apparemment imposées les Forces canadiennes de transférer les dossiers médicaux et les états de service entre les forces de la Réserve et la Force régulière.
Ceci ne fait qu’exacerber la
première cause de retard, qui tient à la nécessité d’établir le poste dans la
Force régulière convenant le mieux au postulant provenant de
Il faut néanmoins établir que le postulant a effectivement la formation en question, et c’est là que les choses se compliquent. Tout d’abord, les qualifications de la Force régulière et de la Réserve ne correspondent pas forcément, malgré les efforts faits dans ce sens depuis longtemps. Il faut de plus établir exactement les qualifications du postulant. Il serait certes beaucoup plus efficace de pouvoir se communiquer les dossiers, mais certaines unités de la Réserve ne tiennent pas des dossiers aussi exacts et complets qu’elles le devraient. Le vice-amiral Jarvis a indiqué au Comité que l’automatisation des dossiers du personnel, qui est en cours, permettra d’accélérer le processus. Une fois les qualifications de l’individu confirmées, il est possible de faire une offre de mutation.
Les offres sont souvent suivies de discussions et de négociations entre le postulant et les Forces canadiennes, ce qui prolonge le processus. En bref, la constitution de normes communes à la Force régulière et à la Réserve, la tenue rigoureuse d’états de service dans toutes les bases de Réserve et un processus assurant un transfert aisé de ces états de service sont autant de solutions qui faciliteraient les possibilités de mutation entre la Force régulière et les forces de la Réserve.
Tout ceci suppose que les Forces canadiennes accordent une certaine importance au problème et chargent certains de leurs meilleurs éléments du recrutement. Ce n’est peut-être pas l’emploi le plus remarquable de l’armée, mais il comptera parmi les plus cruciaux des dix prochaines années.
5. Qualité de vie
Après avoir interrogé des militaires de tous les grades un peu partout au pays, le Comité est heureux de pouvoir conclure que l’époque où certaines familles de militaires devaient se rendre dans des banques d’alimentation pour se nourrir est bien révolue. Cela se produit peut-être encore de temps à autre, mais ce n’est pas parce que le personnel militaire n’est pas sous-payé, comme c’était le cas dans les années 1990.
Il faut toutefois demeurer vigilant pour ce qui est des salaires et des autres aspects de la qualité de vie. Il serait honteux que les gens qui servent notre pays connaissent de nouveau les pénuries subies au cours des années 1990.
Certains problèmes de qualité de vie demeurent, dont les plus notables sont la difficulté qu’ont les personnes à charge des militaires de pouvoir consulter un médecin de famille et le fait que le personnel militaire est trop souvent éloigné de sa famille, ce qui a des répercussions négatives pour les intéressés.
Accès aux soins de santé
Trop de familles de militaires ont du mal à avoir accès aux soins de santé. La pénurie de généralistes que connaît l’ensemble du pays est encore plus difficile à vivre pour le personnel militaire et leurs familles, en raison de leurs déménagements fréquents et de la nécessité pour eux de repartir à zéro avec chaque nouveau médecin.
Ceci peut
constituer un problème dans les bases les plus éloignées. Par exemple, le
personnel de la base de Cold Lake, située à quelque
Ces problèmes n’existent pas uniquement à Cold Lake. Le capitaine de vaisseau MacIsaac, a confirmé que cela représentait aussi un défi constant à la BFC d'Halifax pour les familles de militaires[141]. Lisa Salley, directrice exécutive du Kingston Military Family Resource Centre et épouse de militaire, a raconté un cas typique de ce que le Comité a entendu un peu partout au pays :
« Un jeune caporal et sa femme, qui était enceinte de huit mois, ont déménagé à Kingston. Ils avaient déjà un fils de trois ans qui avait divers problèmes de santé exigeant un examen tous les six mois. Ils avaient déménagé trois fois durant les huit dernières années. L'épouse n'avait jamais été en mesure de trouver du travail avant de tomber enceinte de son deuxième enfant.
Il leur fallait trouver une maison. Les logements familiaux de la base
ne sont pas une option, car l'enfant est allergique à
On a fait beaucoup pour les familles de militaires. Nous en sommes conscients. Les familles de militaires sont capables de rebondir. Nous le constatons tous les jours quand ces gens-là viennent frapper à notre porte au centre. Cependant, quand on se fait dire en arrivant ici à Kingston — et le même phénomène existe partout au Canada et on en entend de plus en plus parler — qu'il y a une liste d'attente de deux ans pour consulter un médecin, c'est une situation assez effrayante pour les familles de militaires qui déménagent constamment. Nous avons eu des familles dont les enfants n'ont pas vu un médecin depuis huit ans. Ces gens-là doivent se contenter de cliniques sans rendez-vous.
Cela soulève une foule de questions et de préoccupations, parce que si votre enfant éprouve divers problèmes de développement et qu'il voit un médecin différent à chaque fois, même un très bon médecin ne va pas nécessairement déceler les problèmes[142]. »
L’aspect linguistique peut aussi compliquer les choses. Un pourcentage important du personnel militaire est francophone. Au Nouveau-Brunswick, le Comité a appris qu’il est difficile pour les familles de militaires francophones de la base de Gagetown de trouver des médecins de famille francophones[143]. Or, ironiquement, c’est la seule province officiellement bilingue au Canada. Le bilinguisme est essentiel à l’identité du pays que ces personnes servent et c’est à l’hôpital que l’on s’attend le plus à pouvoir être servi dans sa propre langue. Ceci est inacceptable.
Le Comité sait fort bien que la prestation des soins de santé relève des provinces. Toutefois, le gouvernement fédéral a le devoir de faire en sorte que les personnes dont les miliaires ont la charge aient plus facilement accès à ces services, en raison des sacrifices que font les membres des Forces canadiennes et des perturbations causées à leur mode de vie.
Toujours parti
La très grande fréquence avec laquelle le personnel militaire canadien fut déployé ces dernières années s’est traduite par une augmentation des problèmes médicaux dans l’armée. Ce n’est pas uniquement lorsqu’ils sont mutés à l’étranger que les militaires sont éloignés de leur famille. Ceux qui rentrent chez eux après avoir été envoyés à l’étranger obtiennent une pause tout de suite mais sont souvent redéployés peu après. Voici comment les choses se passent, selon le colonel Timothy J. Grant, commandant, 1er Groupe-brigade mécanisé du Canada, à Edmonton :
« Lorsque les soldats reviennent au pays, ils sont protégés pendant une période d'environ 90 jours. Au fur et à mesure que les 90 jours passent, on les rend de plus en plus disponibles pour effectuer d'autres missions et déploiements loin de leur maison mère. En raison des exigences du système d'instruction, une fois la période de 90 jours terminée, bon nombre des militaires qui ont passé deux mois à se préparer pour un déploiement loin de leur famille et qui ont été déployés pendant six mois se voient ensuite confier des missions à Wainwright, Shilo et peut-être même aussi loin qu'à Gagetown.
Le problème pour ces soldats qui se rendent à un endroit comme Gagetown, loin de la maison, pour donner un cours de deux ou trois mois, c'est qu'ils n'ont droit à aucune indemnité au cours de cette période. Ils n'ont pas les avantages qu'ils auraient s'ils étaient à l'étranger; pourtant, ils sont loin de leur famille. Le défi consiste à composer avec le stress des familles pendant que les militaires sont affectés à des tâches ailleurs au pays[144. »
C’est là une question qui a été abordée à chacune des rencontres qu’a eues le Comité avec du personnel miliaire des trois services, de Esquimalt à St-John’s. On ne pourra éliminer complètement le problème, mais on peut le résoudre en partie.
6. La lenteur du processus d’approvisionnement
Pour disposer de forces armées modernes, il faut pouvoir se procurer et entretenir l’équipement nécessaire à son potentiel militaire. Notre armée ne peut bien servir les Canadiens si elle dispose d’un équipement conçu pour les conflits et les urgences d’hier.
Le groupe du sous-ministre adjoint (acquisition et soutien du matériel) de la Défense nationale est le principal fournisseur de services et responsable de tout le matériel pour les Forces armées et pour le Ministère. Les militaires définissent leurs besoins. Le groupe chargé du matériel gère l’équipement en fonction de ces besoins, au fil des diverses étapes que sont l’acquisition, l’entretien et le soutien, les essais et l’évaluation, les déménagements et l’entreposage et, enfin, l’élimination.
Au début de 2005, l’actif dont le Groupe des matériels était responsable était évalué à 21,8 milliards de dollars, et le stock à 5,4 milliards de dollars[145]. Ce groupe dépense à peu près 1,5 milliard de dollars par an pour acquérir de nouveaux biens et la même somme pour les entretenir et les maintenir en bon état.
L’approvisionnement au ministère de la Défense nationale est un processus extrêmement problématique, a dit Allan Williams, le sous-ministre adjoint (Matériels), au Comité en décembre 2004 :
« Il y a quelques années, nous avons mené une étude qui a démontré que les projets d'acquisition d'équipement prenaient environ 16 ans pour passer de l'étape du concept à celle de la fin du projet. Ces délais sont totalement inacceptables, surtout lorsqu'on tient compte de la vitesse à laquelle surviennent les progrès technologiques. Nous nous sommes engagés à réduire le temps d'acquisition d'au moins 30 p. 100, et à long terme de 50 p.100, par le biais de toute une gamme d'initiatives[146]. »
Si les rêves les plus fous du sous-ministre adjoint se réalisent, cela prendra encore huit ans pour faire fonctionner un bien d’équipement. Et les rêves les plus fous ne se réalisent jamais dans la bureaucratie fédérale.
Dans le rapport qu’il a publié en 2003, le Comité consultatif du Ministre sur l’efficacité administrative a déclaré, entre autres choses, que le processus interne de la Défense nationale ayant trait la définition des besoins et l’approbation des projets d’immobilisation (ce qui prend neuf années sur les 14 à 16 nécessaires en moyenne pour l’acquisition de biens importants) est trop long.
Il a estimé que les examens sont trop nombreux et font perdre trop de temps à la haute direction pour peu de valeur ajoutée. Le rapport mentionne les délais typiques
Étape |
DÉFINITION |
Durée typique |
1 |
Établissement des besoins et approbation initiale[147] |
3 ans et 8 mois |
2 |
De l’approbation initiale à l’approbation définitive |
4 ans et un mois |
3 |
De l’approbation définitive à l’attribution du marché |
1 an et 2 mois |
4 |
De l’attribution du marché à la première prestation |
1 an |
5 |
De la première prestation à la pleine capacité opérationnelle |
4 ans et 10 mois |
6 |
De la pleine capacité opérationnelle à la clôture du projet |
1 an |
|
TOTAL |
15 ans et 9 mois |
Le sous-ministre adjoint, Allan Williams, a précisé au Comité qu’il convenait qu’il y avait beaucoup de temps perdu au début du processus :
« … Sur ces 16 années, environ neuf d'entre elles étaient utilisées pour que les Forces armées puissent définir leurs besoins et pour que mon organisation, avec l'appui le ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et de Industrie Canada, puisse mener le processus d'acquisition menant à la signature du contrat.
Il y a un an, le vice chef d'état-major à la Défense et moi avons convenu que nous pourrions faire passer de neuf à quatre ans la période de temps requise — deux années pour définir les exigences et deux années afin de réaliser les spécifications et octroyer le contrat. Par conséquent, nous avons mis en place de nouvelles normes en ce sens[148]. »
À l’occasion du séjour du Comité à Halifax, le contre-amiral Dan McNeil, commandant des Forces maritimes de l’Atlantique, et le commodore Tyrone Pile, commandant de la Flotte canadienne de l’Atlantique, ont décrit la nécessité pour l’armée d’agir plus rapidement que les autres ministères :
« Contre-amiral McNeil : Travaux publics et Services gouvernementaux […] assure l'acquisition de la façon habituelle en vérifiant les retombées régionales et bien d'autres aspects, ce qui signifie qu'il semble impossible de construire un navire sans avoir donné un préavis de 25 ans.
Le président : Commodore, vous avez parfois un avis différent de celui de l'amiral. Vous pouvez aussi parfois compléter le tableau. Vous gardez le silence. Pouvez-vous ajouter quelque chose à cela?
Le commodore Pile : Sans vouloir m'engager trop loin, je dirais que notre système d'approvisionnement a besoin de changements. Comme l'a dit succinctement l'amiral, nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre des décennies pour remplacer les navires qui deviennent très rapidement désuets et d'autres qui sont déjà vétustes, et nous pouvons faire un meilleur travail.
Je comprends pourquoi les politiques et règlements du gouvernement existent. C'est pour protéger l'argent des contribuables, et nous voulons veiller à ce qu'il soit dépensé correctement. Cependant, il y a de meilleures façons, plus logiques, de faire[149]. »
Ingérence externe
L’équipement militaire est de nature complexe et son achat constitue une procédure complexe en soi. Mais, lorsqu’il faut de surcroît se plier à toutes les contraintes dont s’assortit le système d’approvisionnement du gouvernement fédéral, il n’est pas étonnant que l’on aboutisse à un processus pour le moins lent et incommode. Le régime d’acquisition fédéral est surchargé de revues et de chevauchements entre différents organismes.
Au lieu de s’en prendre aux gestionnaires qui dépensent à mauvais escient les deniers publics, les bureaucrates injectent, comme par instinct, encore plus de paperasserie dans le système. On en arrive à une paralysie, ou à une lenteur extrême.
Cela serait improductif dans tout ministère, mais cela est proprement intolérable à la Défense nationale.
Le Comité consultatif du Ministre sur l’efficacité administrative a conclu que l’actuel partage des responsabilités entre le MDN et TPSGC pour l’approvisionnement en biens et services a pour résultat une utilisation inefficace des ressources gouvernementales. Il estime qu’il y a également un chevauchement important dans les activités d’acquisition effectuées par les employés des deux ministères. En fait, la participation des deux ministères est étayée dans le Guide de la politique des approvisionnements de TPSGC, qui comprend un protocole d’entente sur le partage des responsabilités des deux ministères en ce qui concerne l’acquisition des biens et services. D’après ce document, le processus comprend 49 sous-activités, et les deux ministères participent à près de 80 p. 100 des activités en question[150].
Ce chevauchement
tient essentiellement au fait que, selon la structure de gouvernance relative à
l’approvisionnement, la Défense nationale et TPSGC sont tous deux responsables
de cette activité. La Défense nationale est tenue de faire en sorte que les
Forces armées aient les ressources (humaines et matérielles, etc.) nécessaires
pour assumer leur mandat, tandis que le ministre de TPSGC a le mandat légal
d’acquérir des biens et services pour tous les ministères, dont
Un autre organisme d’État, le Conseil du Trésor, intervient dans le processus d’acquisition. Le ministre de la Défense nationale s’est vu confier par le Conseil du Trésor l’autorisation d’approuver les dépenses en biens d’équipement à concurrence de 30 millions de dollars et des projets de construction à concurrence de 60 millions de dollars[151]. Compte tenu du coût de nombreux projets, la Défense doit demander au Conseil du Trésor son approbation et, étant donné que ce dernier ne siège que périodiquement, de nombreux projets peuvent attendre pendant des mois pour des raisons administratives. Actuellement 61 projets du se trouvent actuellement dans ce labyrinthe.
Les Forces canadiennes ont le mandat de protéger les Canadiens et de promouvoir leurs intérêts sur la scène internationale. Aucun ministère n’a de mandat plus puissant ou plus vital. Les outils dont ont besoin les Forces canadiennes pour assumer ce mandat sont extrêmement complexes et, s’il faut trop de temps pour les acquérir, ils peuvent devenir désuets avant même d’être usés. Si on doit les remplacer parce que désuets avant qu’ils ne soient usés, on gaspille les deniers publics. Si on les utilise alors qu’ils sont désuets, les Canadiens n’ont pas la protection qu’ils méritent. Raccourcir le processus d’approvisionnement pour le ministère de la Défense nationale reviendrait à offrir une meilleure politique d’assurance au pays pour des cotisations moindres.
Là encore, on sait que la Défense nationale crée parfois ses propres freins. Le souci de la perfection ne devrait pas empêcher de se contenter de produits excellents qui permettront de mobiliser les Forces canadiennes à temps pour qu’elles puissent intervenir en cas d’urgence. Le Canada a (ou devrait avoir) des forces armées de taille moyenne. Il est difficile de concevoir que nous puissions avoir besoin d’équipement que nos alliés n’utilisent pas.
7. Ingérence d’autres ministères
Les 14 milliards de dollars dont dispose la Défense nationale représentent, à première vue, une somme colossale, mais celle-ci n’est pas entièrement consacrée aux soldats, aux marins et au personnel de la Force aérienne. Une portion est injectée dans des programmes gouvernementaux, qui sont sans nul doute bons pour le Canada en général, mais qui n’ont pas grand-chose à voir avec les militaires.
Prenons le cas de la Citadelle de Québec. Ce bâtiment abrite le Royal 22e Régiment (Van Doos). C’est également un site historique et une grande attraction touristique. Naturellement, elle a besoin de temps à autre de réparations et de travaux de restauration. Parce que c’est un bâtiment historique, tous les travaux qui y sont effectués doivent être soumis au Bureau d'examen des édifices fédéraux du patrimoine.
Et qui paie les restaurations? La Défense nationale, qui a dû injecter déjà 20 millions de dollars et, selon les dernières estimations, qui devra encore verser entre 68,8 et 73 millions de dollars, si l’on en croit le rapport d’impacts menée cette année pour les Forces canadiennes[152].
L’armée est-elle heureuse de payer pour la restauration d’un site historique? Pas vraiment. Elle a expliqué que le Système de commandement de la Force terrestre n’a pas la souplesse nécessaire sur le plan de ressources pour restaurer et entretenir ce lieu historique national et qu’il ne peut rien faire[153].
Le Ministère doit assumer toutes sortes de responsabilités financières qui n’ont rien à voir avec la protection des Canadiens et, comme le major général (à la retraite) Lewis Mackenzie l’a expliqué au Comité l’automne dernier, ces responsabilités sont cumulatives :
« Les programmes gouvernementaux sont importants. Il peut s'agir de programmes de harcèlement sexuel, de sensibilité, de bilinguisme; toute subvention tenant lieu d'impôts représente un gros montant de la facture.[…] Il reste moins de la moitié du budget […] pour administrer l'armée, la marine, la force aérienne et le quartier général[154]. »
Le major général Mackenzie a peut-être exagéré la proportion, mais il a raison à un égard : les 14 milliards de dollars consacrés à la Défense ne vont pas tous à la défense des Canadiens et des intérêts du Canada.
En outre, le Conseil du Trésor
insiste pour que le MDN tienne compte d’autres ministères lorsqu’il délie les
cordons de sa bourse. Lorsque les dépenses peuvent avoir des répercussions sur
le développement régional, les autochtones ou d’autres dossiers d’intérêt
national, le MDN est souvent tenu de prendre en compte des facteurs autres que
militaires dans ses décisions. Le Comité permanent de la défense nationale et
des anciens combattants de la
« La Loi sur la gestion des finances publiques autorise le Conseil du Trésor à établir une politique en matière d’acquisitions, qui elle-même régit les acquisitions des ministères. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) doit veiller à l’intégrité du processus d’acquisition en appliquant des politiques et procédures qui soient justes, transparentes et concurrentielles. Ce ministère s’occupe des approvisionnements pour le ministère de la Défense nationale depuis près de 60 ans et agit comme un centre décisionnel distinct en ce qui concerne les contrats. Le ministère de la Défense nationale, à titre de ministère parrain, s’occupe de la définition des exigences opérationnelles et de la gestion quotidienne de ses achats. À cela, il faut ajouter Industrie Canada, qui administre la politique gouvernementale des retombées industrielles et régionales (RIR), de concert avec les agences régionales - l’Agence de promotion économique du Canada atlantique, Diversification de l’économie de l’Ouest et les divers Plans de développement économique pour les régions du Québec [et l'Initiative fédérale du développement économique du Nord de l'Ontario]. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) est responsable des accords commerciaux qui structurent le processus d’achat dans le cadre d’un régime commercial international libéralisé… D’autres ministères peuvent prendre part à tel ou tel achat, en fonction de la stratégie gouvernementale. Par exemple, si l’on accorde la priorité au soutien de l’entreprise autochtone, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) aura aussi son mot à dire. Un comité interministériel responsable de la stratégie d’acquisition veille à ce que chaque ministère intéressé soit représenté et que ses priorités propres soient prises en compte, chacun devant répondre à « un maître différent. »
Le monde militaire est d’une grande complexité lorsqu’il s’agit de prendre des décisions. Et, dans le contexte de la bureaucratie fédérale, il n’est donc peut-être pas surprenant que les décisions en matière de dépenses ne soient pas toutes sensées.
8. La communication avec la population
Il convient de mentionner un autre facteur : le manque de franchise. C’est un facteur important.
L’une des principales raisons pour lesquelles les Forces armées canadiennes disposent d’un financement insuffisant, c’est que le gros de la population ne comprend pas l’importance du rôle que celles-ci jouent dans la protection et l’amélioration de nos vies.
Et l’une des causes de cette incompréhension c’est que le personnel haut gradé de l’armée canadienne, pour la plupart, continue de tourner autour du pot lorsqu’on lui pose des questions simples du genre :
Quel rôle jouez-vous dans la protection des Canadiens et dans la promotion de leurs intérêts dans le monde?
De quelles ressources manquez-vous pour faire votre travail de telle sorte qu’il n’y a pas de pressions indues sur votre organisation ou votre équipement? »
Depuis des dizaines d’années, les gouvernements peuvent continuer de fournir des sommes insuffisantes à l’armée canadienne parce que la population ne connaît pas les réponses à ces deux questions.
L’information qu’a obtenue le Comité pour démontrer à quel point les Forces canadiennes ont besoin d’injection de fonds provient en bonne partie de demandes d’information et de visites sur place. Trop peu provient de témoignages francs des hauts gradés. À quelques rares exceptions près, un trop grand nombre de chefs militaires cherchent à sauver la face en déclarant par exemple: « Nous sommes un peu à court, mais nous y arriverons ». Comment le public peut-il alors comprendre ce dont l’armée a vraiment besoin pour faire son travail correctement?
Au cours des dix derniers mois, les chefs d’état-major de l’Armée de terre, de la Force maritime et de la Force aérienne ont utilisé pratiquement le mêmes mots pour nous expliquer l’incidence du manque de fonds sur leur secteur.
« Je ferai de mon mieux, avec les ressources qu’on me donne : vice-amiral Bruce MacLean, commandant de la Marine canadienne et chef d’état-major de la Force maritime[155] »
« J'agis en fonction des fonds qui me sont accordés : lieutenant général Marc Caron, commandant et chef d'état-major de l'Armée de terre[156] »
« Nous faisons au mieux avec nos ressources… Nous travaillons fort pour tirer le meilleur parti de ce que nous avons : lieutenant général Ken Pennie, chef d’état-major de la Force aérienne de l’époque[157] »
Aucun n’a mentionné qu’il avait tiré la sonnette d’alarme auprès du chef d’état-major de la Défense dans le rapport d’impact annuel qu’il présente pour indiquer l’incidence du budget fédéral sur leur rendement.
Il y a probablement trois coupables :
-
les chefs militaires bureaucratisés qui, le Comité en est bien conscient, ont pour instructions du gouvernement de ne pas faire plus que « d’expliquer » la politique de ce dernier[158];
-
les politiciens qui devraient s’attacher davantage aux intérêts de leurs citoyens qu’à la recherche de votes facilement gagnés, et qui devraient encourager les hauts gradés à être honnêtes avec la population;
-
les parlementaires, y compris les membres du Comité, qui ne font pas tout ce qui est en leur pouvoir pour poser les bonnes questions et obtenir les vraies réponses.
Trop souvent, les chefs militaires nous donnent les réponses dont ils savent que les chefs politiques se satisferont à la période de questions. Au quartier général de la Défense nationale, d’habiles stratèges élaborent les déclarations destinées aux journalistes et aux parlementaires qui dévient rarement de la position du gouvernement.
Il existe aux États-Unis un mécanisme politique qui est garant d’une démocratie ouverte sur les questions intéressant les militaires. Ainsi, la loi américaine exige que les responsables militaires présentent au Congrès une évaluation honnête de ce dont ils ont besoin pour faire leur travail. Soit ils sont honnêtes, soit le Congrès ne vote pas les fonds nécessaires. Ils ont donc intérêt à être honnêtes.
Il n’existe pas d’exigence de la sorte au Canada, et cela se voit.
Défendre la démocratie appelle la réciprocité – cela oblige les chefs militaires à dire aux politiciens et au public la vérité sur toute situation, les politiciens à dire la vérité au public sur ce qu’il faut faire et sur ce qui est fait et au public, en échange de cette honnêteté, à se soucier des questions qui sont si vitales pour lui et les générations futures.
Nous devons tous nous investir, et nous investir honnêtement. Autrement, nous ne faisons que nous leurrer et tromper notre pays.
1 Du 4 octobre 2004 au 31 juillet 2005, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a entendu 624 témoins et demandé à des douzaines d’universitaires de tout le pays de produire des rapports pour lui.
2 Gouvernement du Royaume-Uni, [traduction] « Communiqué de presse – Les conclusions des ministres des Finances des pays du G8 sur le développement, Londres, 10-11 juin 2005 » (11 juin 2005), disponible à http://www.g8.gov.uk/servlet/Front?pagename=OpenMarket/Xcelerate/ShowPage&c=Page&cid=1078995903270&aid=1115146455234. En juin 2005, réunis à Londres, au Royaume-Uni, les ministres des Finances des pays du G8 ont signalé le progrès réalisé par l’Union européenne vers la cible d’APD de 0,39 p. 100 de leur PIB adoptée à Barcelone; l’annonce faite par la France et le R.-U. d’échéanciers qui verraient les deux pays atteindre la cible de 0,7 p. 100 en 2012 et 2013 respectivement; et l’entente récemment conclue par les pays membres de l’UE en vue d’atteindre l’objectif de 0,7 p. 100 au plus tard en 2015 et une cible mitoyenne de 0,56 p. 100 en 2010 – le double de ce que l’UE affectera à l’APD de 2004 à 2010. Emboîtant le pas à l’UE, l’Allemagne (forte de moyens innovateurs) et l’Italie se sont fixé comme cible d’affecter à l’APD 0,51 p. 100 de leur PIB d’ici à 2010 et 0,7 p. 100 d’ici à 2015.
3 Ministère de la Défense nationale, Rapport sur les plans et les priorités 2005-2006 (2005), 8, disponible à http://www.tbs-sct.gc.ca/est-pre/20052006/ND-DN/ND-DNr56_f.asp. Cette somme englobe les fonds annoncés dans le Budget 2005 et ceux que le ministère compte recevoir en cours d’exercice en vertu de son Budget des dépenses supplémentaire. En supposant qu’il reçoive tous ce qu’il demande dans son budget supplémentaire, les dépenses canadiennes de défense prévues dans les budgets principal et supplémentaire s’établiront à environ 436 $ par habitant.
4 Les montants estimatifs des valeurs en pourcentage et par habitant des dépenses canadiennes au titre de l’aide étrangère sont basés sur l’Assistance globale au développement pour l’exercice 2004-2005. On peut trouver le montant du pourcentage du PIB affecté à la défense dans le document du ministère de la Défense nationale intitulé Au-delà des dollars 2004-2005 (février 2005), 20, disponible à http://www.admfincs.forces.gc.ca/financial_docs/msood/2004-2005/intro_f.asp. Le montant des dépenses de défense par habitant a été calculé à partir du Budget des dépenses principal pour l’exercice 2004-2005 du ministère de la Défense nationale.
5Ministère de la Défense nationale, Au-delà des dollars 2004-2005 (février 2005), disponible à http://www.admfincs.forces.gc.ca/financial_docs/msood/2004-2005/intro_f.asp.
6 Les statistiques pour le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Australie étaient basées sur des données tirées de CIA World Factbook 2004, disponible à http://www.cia.gov/cia/publications/factbook/.
7 Bureau du Conseil privé, Cabinet du Leader du gouvernement au Sénat, « L'aide au développement international : Motion demandant au gouvernement de respecter son engagement à long terme—suite du débat », 6 juillet 2005. Disponible à http://www.pco-bcp.gc.ca/lgs/default.asp?Language=F&page=newsnouvelles&sub=speechesdiscours&doc=20050706-develop_f.htm.
8 «
9 Les magasins et sociétés d’alcools et de bières du Canada ont vendu pour plus de 16,1 milliards de dollars de boissons alcooliques au cours de l’exercice qui s’est terminé le 31 mars 2004 (dernières statistiques disponibles). La valeur totale par habitant des achats de boissons alcooliques s’est élevée à 623,60 $. Voir Statistique Canada, Division des institutions publiques, Direction du Système de la comptabilité nationale, Le contrôle et la vente des boissons alcoolisées au Canada, 2004, (septembre 2005), no 63-202-XIF, disponible à http://dsp-psd.pwgsc.gc.ca/Collection-R/Statcan/63-202-XIB/0000463-202-XIF.pdf. Les 14,1 milliards de dollars que les Canadiens ont affectés à la défense englobent les budgets principal et supplémentaire.
10Voir l’Annexe VI.
11 Major-général R. J. Hillier, « Témoignages », Délibérations du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, (30 mai 2005), disponible à /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/22eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
12 Lester B. Pearson, « Nobel Lecture – The Four Faces of Peace », (11 décembre 1957), disponible à http://nobelprize.org/peace/laureates/1957/pearson-lecture.html. Voir aussi Sean M. Maloney, « From Myth to Reality Check, From Peacekeeping to Stabilization », Policy Options (Été 2005), disponible à http://www.irpp.org/po/archive/sep05/maloney.pdf.
13Depuis 1994, 17 soldats des Forces canadiennes sont morts et 181 autres ont été blessés (dont 10 très grièvement) lors d’opérations à l’étranger.
14Ministère de la Défense nationale, « Chapitre I – Scène
internationale »,
15 « Bankrupt
16 Ministère de la Défense nationale, Au-delà des dollars 2004-2005 (février 2005), disponible à http://www.admfincs.forces.gc.ca/financial_docs/msood/2004-2005/intro_f.asp.
17 Contre-amiral Dan McNeil, « Témoignages », Délibérations du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense (6 mai 2005) disponible à /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/21evd-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
18Major-général R. J. Hillier, « Témoignages », Délibérations du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, (30 mai 2005), disponible à /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/22eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76; vice-amiral Ron Buck, « Témoignages », Délibérations du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, (6 décembre 2004), disponible à /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/07ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
19 Lieutenant-colonel René Melançon, « Témoignages », Délibérations du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, (21 janvier 2005), disponible à /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/09evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
20 « Témoignages », Délibérations du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, (9 mars 2005), disponible à /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/18eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[21]Ministère de la Défense nationale, Armée, « Plans stratégiques des opérations et des ressources », 2005. p. 1.
[22]Ibid, p. 2.
[23]Ibid, « Annexe A » p. 1.
[24] Ibid, p. 6.
[25] Ibid.
[26] Ibid.
[27] Colonel Ryan Jestin, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (31 janvier 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/09evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[28] Brigadier général Gaston Côté, Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (1er juin 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/22cv-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76 .
[29] Lieutenant-colonel Brian Douglas, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (31 janvier 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/09evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76 . Le lieutenant colonel Douglas parle ici du niveau de dotation de l’École d’artillerie de la BFC Gagetown.
[30] Colonel Timothy J. Grant, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (7 mars, 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/16eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[31] Lieutenant-général Marc Caron, , « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (7 février 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/11eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76 6 .
[32] Ibid.
[33] Lieutenant-colonel Brian Douglas, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (31 janvier 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/09evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[34] Colonel Christopher J.R. Davis, “«Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (31 janvier, 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/09evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[35] Ibid.
[36] Lieutenant-colonel Ron Trottier, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (1er décembre 2004), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/05cv-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[37] Brigadier-général Greg A. Young, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (2 décembre 2004), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/06evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[38] Le système de gestion de la disponibilité opérationnelle régit également l’élaboration, la planification et la gestion de tout un éventail de formations et d’opérations de la Réserve qui sera utilisée pour assurer l’appui des forces opérationnelles à niveau de disponibilité élevée.
[39] Brigadier-général Gaston Côté, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (1er juin 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/22cv-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76 .
[40] Colonel Christopher J.R. Davis, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (31 janvier 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/09evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[41] Lieutenant-général Marc Caron, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense(7 février 2005).
[42] Ministère de la défense nationale, Plans stratégiques des opérations et des ressources (PSOR) du Commandement de la Force terrestre, p.6/12.
[43] Ministère de la défense nationale, Plans stratégiques des opérations et des ressources (PSOR) du Commandement de la Force terrestre, p.B-4/29.
[44] Le sous-ministre adjoint (Infrastructure et environnement) recommande d’allouer chaque année 2 p. 100 des fonds de remplacement des bien immobiliers à l’entretien et à la réparation de ces derniers, ainsi que 2 p. 100 supplémentaires à leur rénovation. Selon l’Armée, il lui serait ainsi possible, en 2005, d’investir un total de 284 millions de dollars. Selon le rapport d’impact du lieutenant général Caron pour l’exercice’ 2005-2006, l’Armée prévoit de consacrer aux réparation et à la rénovation183,3 millions de dollars, soit 100 millions de dollars de moins pour le seul exercice en cours.
[45] Ministère de la défense nationale, Plans stratégiques des opérations et des ressources (PSOR) du Commandement de la Force terrestre, p.B-4/29.
[46] Colonel Ryan Jestin, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense(31 janvier 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/09evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76. « Military base gets $145M », Edmonton Journal (13 septembre 2005), p. A5.
[47] Brigadier général G.A. Young, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (2 décembre 2004), /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/06cv-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[48] Ibid.
[49] Ministère de la Défense nationale, Armée, « Contexte RRFT » disponible à : http://www.armee.forces.gc.ca/lf/Francais/9_3_1.asp?FlashEnabled=1& .
[50]Ministère de la Défense nationale, Chef d’état-major de la Défense,«Annexe E : État de la Réserve », Rapport annuel du Chef d’état-major de la Défense 2002-2003, p. 61, disponible à : http://www.cds.forces.gc.ca/00native/pdf/CDS-R2003_f.pdf.
[51] Ministère de la Défense nationale, Chef d’état-major de la Défense ,«Annexe E : État de la Réserve », Rapport annuel du Chef d’état-major de la Défense 2002-2003, p. 61, disponible à : http://www.cds.forces.gc.ca/00native/pdf/CDS-R2003_e.pdf .
[52] Ministère de la Défense nationale, Armée, « Contexte RRFT » disponible à : http://www.armee.forces.gc.ca/lf/Francais/9_3_1.asp?FlashEnabled=1& .
[53] Ibid.
[54] Colonel Jim Ellis, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (1er mars 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/15eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[55] Major général Ed Fitch, « LAND FORCE RESERVE RESTRUCTURE (LFRR) » (présentation au personnel du CSPSND 28 juin 2005, p. 6.
[56] Colonel Jim Ellis, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (1er mars 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/15eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[57] Selon le MDN, le Chef d’état-major adjoint de l’Armée de terre de l’époque, le major général R.J. Hillier, a diffusé en mai 2002 un document intitulé Cadre stratégique des biens immobiliers de l’Armée dans lequel il indiquait que les biens immobiliers actuels de l’Armée coûtaient trop cher à cette dernière et que pour rentabiliser le plus possible chaque dollar qu’elle y investissait, cette dernière devait chercher de nouvelles sources de financement en créant des partenariats avec d’autres ministères ou avec le secteur privé. Le SMA(IE) rédige actuellement un rapport sur les gains d’efficience administratifs que les installations partagées permettraient de réaliser.
[58]Gouvernement du Canada, Défense nationale – Rapport sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 2003,disponible à :http://www.tbs-sct.gc.ca/rma/dpr/02-03/ND-DN/ND-DN03D01_f.asp.
[59] La zone littorale comprend la zone maritime côtière, des eaux intérieures d’accès plus restreints, ainsi que la zone terrestre côtière pouvant être attaqués, défendus ou faire l’objet d’un soutien à partir de la mer.
[60] http://www.forces.gc.ca/site/feature_story/2003/jul03/30_f_f.asp.
[61] Ministère de la Défense nationale, Marine, « Rapport d’impact du COMAR pour 2005 », décembre 2004, p. 1/3.
[62] Ibid.
[63] Ibid, p. 3/22.
[64] Rapport d’impact du COMAR.
[65] La Marine étudie actuellement la prochaine génération de bâtiments de combat destinés à sa flote. Cette étude porte principalement sur un concept de plateforme combattante de surface qui présenterait des capacités similaires à celles des destroyers actuels de la Marine.
[66] Pour une description détaillée des problèmes qu’ont dû surmonter les Forces canadiennes tout au long du processus d’acquisition des sous-marins de la classe Victoria , se reporter à : Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants de la Chambre des communes, Acquisition des sous-marins de la classe Victoria par le Canada, avril 2005, disponible à : /committee/CommitteePublication.aspx?COM=8986&SourceId=110859&SwitchLanguage=1.
[67] Vice-amiral Bruce MacLean, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense(14 février 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/42195-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[68] Commodore Roger Girouard, “«Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (28 février 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/14mn-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[69] Capitaine Andy Smith, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (6 mai 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/21evd-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[70] Ibid.
[71] La demande de transfert est utilisée lorsqu’une pièce, ou un autre équipement, ne peut être obtenu en temps voulu selon la procédure établie. Le commandant demande alors à ce que le commandement approuve sa TRANREQ et, si le Commandement y consent, ce dernier désigne un bâtiment dont le niveau de disponibilité est moins élevé, où sera prélevé la pièce ou l’équipement en question afin que son installation se fasse en temps voulu.
[72] Girouard, « Témoignage ».
[73] Commodore Ty Pile, «Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (6 mai 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/21mn-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[74] Lieutenant-général Marc Dumais, «Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (6 mai 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/25mn-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76
[75] Capitaine Roger MacIsaac, «Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (May 6, 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/21evd-e.htm?Language=E&Parl=38&Ses=1&comm_id=76. Le coût prévu des projets d’infrastructure de la BFC Halifax pour la prochaine décennie est estimé, selon le Plan d’investissement en capitale (Bien immobiliers et construction) des FMAR(A), à 607,51 millions de dollars.
[76] MacLean, « Témoignage ».
[77]Lieutenant-général Ken Pennie, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (7 février 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/11eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[78] Ibid.
[79] Ministère de la Défense nationale, Force aérienne, L'étude d'impact de la Force aérienne 2005-2006 (novembre 2004).
[80] Ministère de la Défense nationale, Le Cadre de la capacité aérospatiale (CCA) ,2003), p. 26.
[81] Ministère de la Défense nationale, Force aérienne, L'étude d'impact de la Force aérienne 2005-2006 (novembre 2004). P. 1.
[82]Ibid.
[83]Ibid.
[84]Ibid, p. 2.
[85]Ibid.
[86]Ibid.
[87]Ibid.
[88]Ibid, p. 3.
[89] Lieutenant-général Ken Pennie, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (7 février 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/11eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[90] Colonel Duff Sullivan, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (7 février 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/16evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[91] Major-général Charles Bouchard, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (10 mars 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/18evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[92] Le Centre d'essais techniques (Aérospatiale) de la BFC Cold Lake va perdre au cours des deux prochaines années six chercheurs chevronnées totalisant 190 ans d’expérience. Le Centre d'essais techniques (Aérospatiale) est actuellement incapable de dotés 15 p. 100 de ses postes civils. Le colonel Werny a expliqué dans son témoignage que, en raison de l’emplacement de la BFC Cold Lake, il lui était extrêmement difficile d’attirer au Centre le nombre de candidat qualifiés requis. Colonel W.S. Werny, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (7 mars 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/16evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[93] Colonel Perry Matte, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (5 mai 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/21eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[94] La Force aérienne dispose de 378 appareils si l’on inclut les appareils appartenant à des prestataires de services utilisés dans le cadre de divers programmes de formation.
[95] Soit 48 en temps normal (en temps de paix) et plus en cas de crise. Ministère de la Défense nationale « Chapitre 7 – Mise en œuvre de la politique de défense », Livre blanc sur la défense, 1994, disponible à : http://www.forces.gc.ca/admpol/fra/doc/5119_f.htm.
[96] Major-général Andrew Leslie, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (29 novembre 2004), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/04cv-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[97] Colonel Perry Matte, « Témoignage ».
[98] Les Airbus ont été acquis auprès de l’industrie en 1993. Les cellules sont actuellement âgées de 19 ans.
[99] Bruce Campion-Smith, « Workhorse », Toronto Star (17 septembre 2005), p. H1. L’article traite de l’âge des appareils CC-130 Hercules et de ses répercussions sur leur disponibilité. Il fait remarquer qu’un des appareils, âgé de quarante ans, est seulement âgé de deux années de moins que les pilotes qui sont à ses commandes.
[100] Le Comité est arrivé à ce chiffre après avoir discuté avec les hauts responsables de l’industrie et du ministère du montant que les Forces canadiennes ont dépensé pour l’affrètement de vols de transport pour les AF 02/03 et 03/04. On retrouve des chiffres similaires dans Major G.S. Parker, « Rented Ships and more jet airliners: How the Canadian Forces can achieve reach on a budget », Collège des Forces armées canadiennes (29 avril 2004), note au bas des pages 53-55, disponible à : http://wps.cfc.dnd.ca/papers/csc/csc30/mds/parker.pdf ; et dans Barry Cooper et Ray Szeto, «The Need for Canadian Strategic Lift », Studies in Defence and Foreign Policy, The Fraser Institute (numéro 5, août 2005), p. 5, disponible à : http://www.fraserinstitute.ca/admin/books/files/CanadianStrategicLift.pdf
[101] Selon le Rapport sur les plans et les priorités 2004-2005 du ministère de la Défense nationale, la demande de proposition (DP) devait être rendue publique le 31 mars 2005, et ce, en vue de remplacer les appareils de SAR en service dans les meilleurs délais. En date du 19 septembre 2005, le gouvernement n’a toujours pas publier de DP pour l’ASAR. Ministère de la Défense nationale, « Section 2 : Plans et priorités – Programmes de capacités – Mise sur pied des forces », Rapport sur les plans et les priorités 2004-2005 du ministère de la Défense nationale, 2004, disponible à : http://www.vcds.forces.gc.ca/dgsp/pubs/rep-pub/ddm/rpp/rpp04-05/sec2e_f.asp.
[102] Ministère de la Défense nationale, Rapport sur les plans et les priorités 2005-2006, disponible à : http://www.vcds.forces.ca/dgsp/00native/rep-pub/ddm/rpp/rpp05-06/j-rpp05-06_f.asp.
[103] Lieutenant-général Marc Dumais, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (27 juin 2005), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/11eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[104] Les membres de la FOI2 bénéficient d’une prime s’ajoutant à leur salaire basé sur leur expérience et qualifications. L’indemnité commence à 444$ pour un nouveau membre jusqu'à 1375$ pour ceux avec l’expérience et les qualifications. Voir : Ministère de la Défense nationale, Directeur Politique et développement, « Indemnités – Taux courants (1997-présent)," (2005), disponible à :
http://www.dnd.ca/dgcb/dppd/allowance/frgraph/allow_f.asp?sidesection=3&sidecat=30.
[105] Lieutenant-général Dumais, « Témoignage ».
[106] Lieutenant général Dumais, « Témoignage ».
[107] Ministère de la Défense nationale , « Documentation– Équipe d'intervention en cas de catastrophe des Forces canadiennes », BG-04.002E (10 janvier 2005), disponible à : http://www.forces.gc.ca/site/newsroom/view_news_f.asp?id=301.
[108] « Canada's tsunami response “ amateur ”, CARE chief says », CBC News (3 février 2005), disponible à : http://www.cbc.ca/story/canada/national/2005/02/03/tsunami-care050203.html.
[109] Cette information a été fournie par le ministère de la Défense nationale en réponse à une demande d’information relative à l’affrètement des Antonov.
[110] John McCallum, cité dans Barry Cooper et Ray Szeto, « The Need for Canadian Strategic Lift », The Fraser Institute Studies in Defence and Foreign Policy (numéro 5, août 2005), p. 5, disponible à : http://www.fraserinstitute.ca/admin/books/files/CanadianStrategicLift.pdf .
[111] Barry Cooper et Ray Szeto, « The Need for Canadian Strategic Lift ».
[112] Selon les renseignement fournis au Comité par le ministère de la Défense en réponse à une demande d’information, il existe entre les États-Unis et le Canada une entente bilatérale de soutien réciproque en matière de transport aérien en vertu de laquelle chacun des deux pays peut demander à obtenir les appareils dont il a besoin pour assurer son transport aérien. Dans le cas de la tempête de verglas de 1998, les États‑Unis ont assuré 17 vols de C-17.
[113] Le plan de vol habituel d’un CC-130 Hercules à destination du Timor oriental comportait des escales à Hawaï, Tokyo et Cambera, et cela, sans compter les escales requises au Canada.
[114] Barry Cooper et Ray Szeto, « The Need for Canadian Strategic Lift ».
[115] Barry Cooper et Ray Szeto, « The Need for Canadian Strategic Lift ».
[116] Emma Daly, « After Afghan Duty, 62 Spanish
Peacekeepers Die in Plane Crash », The
[117] Major général (à la retraite) Lewis Mackenzie, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (6 décembre 2004), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/07ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76. Le chef d’état-major de la Défense, le général Rick Hillier, s’est également laissé aller à spéculer en public sur la nécessité de se doter d’un tel navire.
[118] Ministère de la Défense nationale, Examen du renseignement de défense : Rapport au SCEMD (20 mai 2004).
[119] Ministère de la Défense nationales, Rapport sur les plans et priorités 2005-2006, disponible à : h http://www.vcds.forces.ca/dgsp/00native/rep-pub/ddm/rpp/rpp05-06/j-rpp05-06_f.asp.
[120] Major général Michel Gauthier, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (13 décembre 2004), disponible à : /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/08cv-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[121] Ministère de la Défense nationale, Groupe du sous-chef d’état-major de la Défense, « Excellence en opérations : Groupe du SCEMD, Rapport d,impact pour l’AF 05-06 » (mars 2005), p. 2/22.
[122] Major-général Michel Gauthier, « Témoignage ».
[123] Le sous-ministre adjoint à la gestion de l’information Dan Ross, « Témoignage », Délibérations du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense (14 février 2005), disponible à: /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/42195-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76 .
[124] Parmi les progrès constatés, on signalera une intégration plus rapide et plus poussée des données provenant des appareils de surveillance sous contrat, de même qu’un début de collaboration avec les autres ministères du gouvernement.
[125] Comité consultatif sur l'efficacité administrative du MDN, Réaliser l'efficacité administrative (21 août 2003) disponible à http://www.forces.gc.ca/site/Focus/AE/report/toc_f.htm
[126] Aaron P. Plamondon, « Political Parrying: The Sea King Helicopter and the Evolution of the Maritime Helicopter Project »; article publié pour la première fois dans Maritime Affairs (avril 2003), disponible à http://www.stratnet.ucalgary.ca/publications/pdf/plamondon_political-parrying_apr03.pdf.
[127] Brigadier général J. R. Gaston Côté, « Témoignage »
[128]Ministère de la Défense nationale, « Documentation, Prime au recrutement et augmentation de la rémunération des médecins et dentistes militaires, BG-04.014 » (26 avril 2004), disponible à : http://www.forces.gc.ca/site/newsroom/view_news_f.asp?id=1361
[129] Information soumis par le Ministère de la Défense nationale en réponse à une demande d’information du Comité.
[130] Ibid.
[131]Ibid.
[132] Vice-amiral Ron Buck, « Témoignage », Délibérations du Comité sénatorial permanent de la Sécurité nationale et de la défense (6 décembre 2004), disponible à /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/07cv-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[133] Major général R. J. Hillier, « Témoignage », Délibérations du Comité sénatorial permanent de la Sécurité nationale et de la défense (30 mai 2005), disponible à /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/22cv-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[134] Selon le ministère de la Défense nationale, on pourrait croire que cela est le résultat d’un traitement plus efficient; cela est toutefois plus probablement attribuable à un moindre nombre de candidats et à la nécessité d’en recruter autant que possible qui répondent aux critères de manière à maintenir les effectifs nécessaires. Ce renseignement a été fourni par le ministère de la Défense nationale en réponse à une demande d’information sur le recrutement, 13 septembre 2005.
[135]Ministère de la Défense nationale, Direction de la recherche opérationnelle Le futur environnement de sécurité en 2025, voir : http://www.vcds.forces.gc.ca/dgsp/pubs/rep-pub/ord/fse2025/intro_f.asp.
[136]Vice-amiral Greg Jarvis, « Témoignage », Délibérations du Comité sénatorial permanent de la Sécurité nationale et de la défense (21 février 2004), disponible à /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/42224-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[137]Information soumis au Comité du Ministère de la Défense nationale.
[138] Vice-amiral Greg Jarvis, « Témoignage »
[139] Lieutenant-colonel Bruce Gilkes, « Témoignage », Délibérations du Comité sénatorial permanent de la Sécurité nationale et de la défense (8 mars 2005), disponible à /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/17evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[140] Colonel Duff Sullivan, « Témoignage », Délibérations du Comité sénatorial permanent de la Sécurité nationale et de la défense (7 février 2005), disponible à /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/16evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76
[141] Capitaine de vaisseau Roger MacIsaac, « Témoignage », Délibérations du Comité sénatorial permanent de la Sécurité nationale et de la défense (6 mai 2005), disponible à /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/21evd-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76
[142]Lisa Salley, « Témoignage », Délibérations du Comité sénatorial permanent de la Sécurité nationale et de la défense (7 février 2005), disponible à /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/04evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76
[143] Colonel Ryan Jestin, « Témoignage », Délibérations du Comité sénatorial permanent de la Sécurité nationale et de la défense (31 janvier 2005), /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/09evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[144] Colonel Timothy J. Grant « Témoignage », Délibérations du Comité sénatorial permanent de la Sécurité nationale et de la défense (7 mars 2005),/fr/Content/SEN/Committee/381/defe/16eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76
[145] Sous-ministre adjoint (matériel), Allan Williams, « Témoignage », Délibérations du Comité sénatorial permanent de la Sécurité nationale et de la défense (1er novembre 2004), /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/02ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[146] Témoignage du sous-ministre adjoint (matériel), Allan Williams
[147]Source : Comité consultatif du Ministre sur l'efficacité administrative - Réaliser l'efficacité administrative (21 août 2003)
[148] Témoignage du sous-ministre adjoint (matériel), Allan Williams
[149] Contre-amiral McNeil : « Témoignage », Délibérations du Comité sénatorial permanent de la Sécurité nationale et de la défense (6 mai 2005), /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/21evd-e.htm?Language=E&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[150] Comité consultatif du Ministre sur l'efficacité administrative - Réaliser l'efficacité administrative (21 août 2003), disponible à http://www.forces.gc.ca/site/Focus/AE/report/sec1-2_f.html.
[151] Le ministre a délégué son pouvoir de dépenser de 5 millions de dollars au sous-ministre et à trois autres responsables : les sous-ministres adjoints, Matériels, Gestion de l’information et Infrastructure et Environnement. Tous les autres gestionnaires de niveau 1 ont un pouvoir de dépenser de 1 million de dollars.
[152] Ministère de la Défense nationale, Armée, « Plan stratégique des opérations et des ressources de 2005 », B-7/29-B8/29
[153] Ibid.
[154] Major général (à la retraite) Lewis Mackenzie, « Témoignage », Délibérations du Comité sénatorial permanent de la Sécurité nationale et de la défense (6 décembre 2004), /fr/Content/SEN/Committee/381/defe/07ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=76.
[155] Vice-amiral Bruce MacLean, « Témoignage »
[156] Lieutenant-général Marc Caron, « Témoignage »
[157] Lieutenant-général Ken Pennie, « Témoignage »
[158] Voir à l’Annexe 1 le texte des règlements régissant les témoignages et commentaires au public par les membres des Forces armées canadiennes
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