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Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères

Fascicule 7 - Témoignages du 16 février 2005


OTTAWA, le mercredi 16 février 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères s'est réuni ce jour à 15 h 30 pour son étude sur les défis en matière de développement et de sécurité auxquels fait face l'Afrique; la réponse de la communauté internationale en vue de promouvoir le développement et la stabilité politique de ce continent; la politique étrangère du Canada envers l'Afrique.

Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Nous avons le quorum. Nous pouvons commencer. La séance est ouverte.

Ce matin, j'ai lu dans un des journaux que nous sommes un sous-comité qui étudie l'Afrique. Nous ne sommes certainement pas un sous-comité. C'est le comité principal. Nous n'avons pas simplement trois séances; nous avons trois séances cette semaine. Je ne voudrais surtout pas que l'on croit que nous sommes là à court terme. Nous sommes là pour faire cette étude convenablement.

Je sais que nous voyons certains visages connus et nous remercions nos témoins du temps qu'ils nous consacrent.

Je rappelle qu'en février, nous nous efforçons d'obtenir autant d'information générale que possible. Cela peut paraître un peu répétitif mais nous voulons obtenir le maximum de renseignements avant la semaine de relâche. À notre retour, nous aborderons d'autres éléments de cet énorme problème. Nous avons de la méthode dans notre folie et, sur ce, j'invite maintenant nos témoins à prendre la parole.

Le sénateur Di Nino et d'autres ont parlé du secteur privé et nous nous efforçons d'obtenir des témoins pour venir nous parler de ce secteur.

Aujourd'hui, nos témoins nous parleront de la politique étrangère canadienne envers l'Afrique. Il y aura certain chevauchement parce que nous avons déjà entendu parler de certains aspects de la politique africaine par d'autres témoins.

Nous recevrons les témoignages des représentants des Affaires étrangères Canada, de l'Agence canadienne de développement international et du ministère de la Défense nationale.

Madame Bourcier, si vous voulez commencer, étant donné que nous avons déjà entendu une partie de ce que vous allez dire, je vous suggèrerais d'être brève; pas au point où vous ne puissiez rien dire, mais suffisamment brève pour que nous puissions passer aux questions aussi vite que possible. Nous tirons beaucoup d'information de nos questions. Un autre rappel, notre personnel prend des notes. Votre témoignage est important parce qu'il est consigné au procès-verbal et que nous nous en servirons lorsque nous préparerons notre rapport.

[Français]

Mme Anne-Marie Bourcier, directrice générale, Direction générale de l'Afrique, Affaires étrangères Canada : Merci monsieur le président, on nous a demandé de parler de politique étrangère et d'engagement du Canada à l'égard de l'Afrique aujourd'hui. L'engagement du Canada à l'égard de l'Afrique témoigne de l'importance que les Canadiens attachent à ce continent.

Dans deux sondages successifs réalisés en 2002 et 2003 pour le ministère des Affaires étrangères et du commerce international, tel qu'il existait à cette époque, les Canadiens ont désigné l'Afrique en tant que deuxième région en importance derrière les Amériques. Les Canadiens d'origine africaine sont de plus en plus nombreux et deviennent de plus en plus actifs au plan politique. La population, les parlementaires, les médias ont suivi de très près les dossiers africains comme la situation au Darfour, le dixième anniversaire du génocide au Rwanda et la pandémie de VIH/sida. Le monde des affaires canadiennes est devenu plus actif dans plusieurs pays ou secteurs clé.

L'engagement du Canada à l'égard de l'Afrique se reflète dans les objectifs de notre politique internationale. Nous avons confirmé les priorités élevées que sont la bonne gouvernance politique et économique, la promotion du développement démocratique, les droits de l'homme et la sécurité humaine, la primauté du droit, l'aide à apporter aux États délinquants ou en voie de le devenir et les dispositions à prendre pour parer aux menaces pesant sur la sécurité internationale. Dans une large mesure, ces aspects de la politique internationale du Canada vont de pair avec la plupart des grands défis auxquels l'Afrique fait face.

Deux intérêts canadiens sous-tendent ces objectifs de la politique internationale. Tout d'abord ces objectifs correspondent à des valeurs canadiennes fondamentales. Nous avons à cet égard la capacité et la détermination pour aider les plus défavorisés. Ces objectifs ont également un aspect plus négatif, celui des coûts. L'absence de progrès dans la réponse au défi africain entraînera d'autres dommages considérables au tissu social et économique déjà très affaibli de la société africaine. La communauté internationale, dont le Canada, en payera le prix.

[Traduction]

Les problèmes complexes et interreliés de l'Afrique ne seront réglés que grâce à des approches pluridisciplinaires faisant intervenir tous les éléments du gouvernement canadien. Tous les ministères collaborent étroitement au dossier africain afin d'assurer une intervention cohérente et efficace. Cette approche pangouvernementale s'applique aussi de façon plus large : nous avons besoin de l'appui et de la participation des Canadiens, des ONG, des entreprises et d'autres associations, ainsi que du reste de la communauté internationale. Enfin et surtout, il faut que les Africains eux- mêmes, particulièrement au niveau de la société civile et de toutes ces institutions, participent.

Vous avez hier eu un échange avec le secrétaire général de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique, M. Amoako, qui représente une institution engagée dans le développement de l'Afrique dans le cadre du NEPAD.

J'aimerais brièvement répéter ce qu'on nommait trop souvent de faire dans l'examen de la situation en Afrique. Oublier de tenir compte des progrès réalisés reviendrait à présenter une vision déformée de la réalité et à sous-estimer le mérite de dirigeants africains réformateurs et le travail fructueux d'innombrables Africains, entre autre. Nous devons nous attacher à encourager et mettre en vedette la poursuite de ce progrès récent. Toutefois, et en dépit du progrès réalisé, il faut faire davantage. On ne peut pas permettre la complaisance de nous détourner d'une action visée et constante.

Pour le sommet de Gleneagles en 2005, le premier ministre Blair a fait savoir que l'Afrique serait l'un des deux principaux sujets à l'ordre du jour, l'autre étant le changement climatique. Le Canada appuie fortement cette décision du Royaume-Uni de continuer de mettre l'Afrique au centre des préoccupations, car, en dépit des progrès réalisés, il est manifestement nécessaire d'accentuer les efforts en ce sens.

Nous parlons constamment du rôle du Canada. Le Canada collaborera activement avec les autres membres du G8 et ses partenaires africains pour amener le G8 et la communauté internationale à soutenir encore davantage le NEPAD. Nous avons aussi parlé de la participation du ministre Goodale et je crois que les collègues du ministère des Finances ont comparu devant vous cette semaine.

[Français]

Pour réaliser les objectifs de notre politique étrangère, la bonne gouvernance politique et économique, la promotion du développement démocratique, les droits de l'homme et la sécurité humaine, la primauté du droit, l'aide aux États délinquants ou en voie de le devenir et la prise de mesure pour parer aux menaces pesant sur la sécurité internationale constituent une approche essentielle si on veut inverser la marginalisation de l'Afrique par rapport au reste du monde.

Fait tout aussi important, il nous apparaît essentiel de relever les défis auxquels est confronté l'Afrique pour pouvoir atteindre nos objectifs internationaux, non seulement en Afrique mais aussi à l'échelle mondiale. C'est en Afrique, avec sa population en pleine expansion, que réside la majeure partie des problèmes qui confrontent l'humanité. Notre réussite ou notre échec en Afrique déterminera dans une large mesure notre réussite ou notre échec à l'échelle mondiale.

[Traduction]

Mme Nadia Kostiuk, directrice générale, Politiques, planification stratégique et services techniques, Direction générale de l'Afrique et du Moyen-Orient, Agence canadienne de développement international : C'est avec plaisir que je vous retrouve pour parler en général de la façon dont l'ACDI fonctionne et des grands instruments d'assistance canadienne au développement qui entrent en jeu pour aider l'Afrique.

Je commencerai par les questions d'argent. Il y a eu un accroissement du budget consacré à l'Afrique. Les budgets de 2003 et 2004 ont accru de 8 p. 100 par an l'enveloppe de l'aide internationale du Canada, soutenant ainsi l'objectif du doublement, d'ici 2010, du budget d'aide, et l'Afrique profite au minimum de la moitié de ces augmentations. Vous avez entendu parler du rôle de M. Goodale. Vous avez eu aussi des discussions au sujet de certaines des mesures commerciales qui ont été prises. Vous avez entendu parler hier de l'allégement de la dette. Nous avons aussi mentionné le VIH-sida dans le contexte mondial. Nous avons réalisé des progrès considérables dans les investissements que nous faisons dans la lutte contre ce fléau. M. Amoako a signalé hier soir l'initiative 3 X 5 de l'Organisation mondiale de la santé. En mai 2004, l'ACDI s'est engagée à verser 100 millions de dollars à l'initiative qui, vous vous en souvenez sans doute, vise à assurer, d'ici à la fin de 2005, un traitement à trois millions de personnes souffrant du sida dans les pays en développement.

Selon le consensus international relatif aux principes d'efficacité, cette aide est la plus efficace quand elle vise des pays très pauvres qui se sont engagés à travailler à leur propre développement. Nous avons pour politique une aide internationale plus efficace et nos programmes intensifient leur concentration géographique et sectorielle et leurs efforts en vue de travailler conjointement avec tous les partenaires au développement, essentiellement au moyen d'approches-programmes. Cela entraîne aussi de délier le plus possible l'aide publique au développement en faveur de l'Afrique.

À la page 2 de notre texte, vous trouverez une image de l'enveloppe de l'aide internationale du Canada qui a été créée en février 1991. Un peu plus de 95 p 100 de cette enveloppe est l'aide publique au développement telle que définie par le Comité d'assistance au développement de l'OCDE. Les 3,5 p. 100 restants sont affectés aux programmes des pays en transition. Il s'agit d'une petite réserve créée pour les pays d'Europe centrale et de l'Est. Cela compte comme aide publique mais non pas comme aide publique au développement.

L'ACDI est chargée de coordonner les efforts de tous les partenaires du programme d'APD et est directement responsable de l'administration de près de 85 p. 100 de l'enveloppe de l'aide internationale. Nous travaillons avec divers partenaires canadiens et internationaux pour administrer ces programmes de coopération. Au Canada, comme vous le savez probablement, nos partenaires comprennent des entreprises du secteur privé, des organismes du secteur bénévole, des organisations non gouvernementales notamment, des agences de coopération bénévoles, des coopératives, des syndicats, des associations professionnelles et des établissements d'enseignement ainsi que d'autres ministères fédéraux. Parmi nos partenaires fédéraux figurent d'abord le ministère des Finances et celui des Affaires étrangères, puis la Défense nationale, Industrie Canada, Justice Canada, la GRC et le Centre de recherches pour le développement international.

À la page 3, vous voyez les facettes multiples des instruments à notre disposition. Il s'agit dans tous les cas d'institutions financées par le gouvernement canadien. Nous avons la direction générale des programmes multilatéraux et les institutions qu'elle soutient. Si vous le souhaitez, mes collègues pourront répondre à des questions plus précises. Il y a les organisations multilatérales dont la Banque mondiale, le FMI, la Banque africaine de développement et d'autres organismes des Nations Unies tels que l'UNICEF qui s'intéressent aux questions de développement à long terme. Il y a aussi d'autres organismes qui se concentrent davantage sur les questions urgentes. Nous avons entendu parler de beaucoup de ces organismes au moment du tsunami bien qu'il y en ait certains, comme l'UNICEF, qui fonctionnent à la fois à court terme et à long terme.

Il y a aussi des fonds mondiaux qui se concentrent sur des questions particulières et sont plus sectorielles comme le Fonds mondial pour l'environnement. Il y a aussi des fonds comme le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et la Malaria qui se concentrent sur l'amélioration des services offerts aux gens victimes de ces maladies.

Nous collaborons aussi avec des partenaires canadiens et j'ai déjà indiqué le genre d'organismes dont il est question. Il y a en outre le programme bilatéral, où je travaille, qui repose surtout sur les relations directes que l'on peut avoir avec des gouvernements africains partenaires, et dans une moins grande mesure avec la société civile africaine mais de plus en plus avec des organisations régionales importantes telles que l'Union africaine et d'autres entités.

Le programme bilatéral nous donne la possibilité d'établir des relations à long terme et d'entreprendre des initiatives qui nécessitent plus de deux à cinq ans; nous sommes là pour rester. Cela ne veut pas dire que nous faisons toujours la même chose ni que nous procédons toujours de la même façon mais que les relations ont tendance à durer.

Vous avez entendu parler ces deux dernières semaines de la nécessité de renforcer l'efficacité de l'aide et de l'importance que cela a pour les pays en développement qui travaillent à leur propre développement et pour les partenaires occidentaux qui les aident.

Les principes clés de ce renforcement de l'aide sont, je répète, une prise en charge locale accrue, l'amélioration de la coordination des donateurs, l'établissement de partenariats plus solides, l'utilisation d'une approche axée sur les résultats et la réalisation d'une plus grande cohérence politique entre les pays industrialisés, ce à quoi nous travaillons beaucoup.

On vous a parlé hier des stratégies de réduction de la pauvreté et des possibilités que cela présente pour utiliser certains fonds libérés du fait de l'allègement de la dette pour investir dans la pauvreté et d'autres secteurs clés. Hier, on a également fait allusion à l'article de Stephanie Nolen dans le Globe and Mail qui portait spécifiquement sur ce que peut faire un pays en matière d'éducation quand ce pays dispose de plus de moyens.

Les trois facteurs déterminants pour l'utilisation efficace des investissements dans l'aide sont la bonne gouvernance, le renforcement des capacités, la participation de la société civile. J'ai été très intéresse par la discussion d'hier sur le rôle des parlementaires dans ce processus. Je ne sais pas si vous vous considérez comme faisant partie de la société civile mais vous êtes certainement des porte-parole de la société. On a également constaté une transition vers une utilisation accrue de l'appui aux programmes mis sur pied par les pays récipiendaires eux-mêmes, en fonction du principe de l'appui coordonné. En attribuant la responsabilité d'obtenir des résultats aux gouvernements des pays, ces modalités pourraient sensiblement améliorer les capacités de gestion du secteur public, de bonne gouvernance et de responsabilisation. Cela nous ramène à la notion de donner au pays lui-même la responsabilité de diriger ses affaires.

Je vais maintenant vous parler de l'ajustement des programmes en fonction des conditions des pays. À la page 7, vous verrez que nous avons six pays de concentration. Il y a aussi des pays d'importance régionale tels que les grandes puissances africaines d'Afrique du Sud et du Nigeria.

Quand on s'intéresse au Nigeria, on s'intéresse à un quart de la population totale de l'Afrique. Nous avons des partenaires au développement de longue date au Malawi, en Zambie et au Kenya. Nous sommes actifs là-bas depuis longtemps et avons été là pour le meilleur et pour le pire. Et puis il y a les États en crise, les États fragiles tels que la République démocratique du Congo, le Soudan et le Sierra Leone.

Paul Hunt a mentionné l'initiative du bassin du Nil et ce que cela signifie pour ces pays qui ont ainsi la possibilité de coopérer à la gestion d'une ressource précieuse qui a des implications très importantes pour tous.

Si nous considérons l'Afrique occidentale et l'évolution de nos programmes dans le temps et dans l'espace, nous avons trois pays de concentration : le Mali, le Sénégal et le Ghana. Nous travaillons avec eux depuis longtemps. J'ai commencé comme agent de planification au programme du Ghana il y a 20 ans. La situation politique au Ghana était tout à fait différente de ce qu'elle est aujourd'hui; ce pays a connu une série de coups d'État militaires peu glorieux. Plutôt que de nous retirer complètement, nous avons concentré notre programmation sur le nord du pays, la région la plus pauvre et sur les services essentiels tels que l'eau.

Nous avons évité le gouvernement. Nous avons dit très clairement que nous n'étions pas tellement satisfaits de la situation politique mais que nous tenions à ce que le peuple ne souffre pas plus qu'il ne fallait. C'est le concept de la double pénalisation; on se trouve déjà dans une situation difficile et quelqu'un vient encore empirer les choses. Nous sommes restés mais avons adapté nos programmes. Personnellement, et à titre de Canadienne, je suis satisfaite de voir la tournure qu'a pris le Ghana. Ce pays a connu une série de transitions démocratiques et son économie va mieux. C'est une évolution réellement positive et c'est un des premiers pays à se soumettre au mécanisme de l'examen par les pairs, qui est un exercice assez rigoureux.

J'ai insisté sur l'immensité du Nigeria, c'est un pays important qui abrite un quart de la population africaine subsaharienne. Nous avons travaillé là à l'élimination de la polio. Nous travaillons également dans les secteurs de l'environnement et de l'agriculture par une programmation stratégique qui nous permet de collaborer avec un partenaire important.

Il y a des programmes moins importants au Burkina Faso. Ce pays est partenaire du Canada depuis longtemps et s'est engagé à réduire la pauvreté et à faire de son mieux pour progresser et collaborer avec les donateurs. Nous concentrons notre attention sur l'éducation de base et le développement d'économies locales.

Restent les États fragiles. Le Sierra Leone est un pays qui, comme le disait le président la semaine dernière, s'en tirait bien pendant un certain temps et a connu une période extrêmement difficile. Nous avons la possibilité dans un tel cas d'apporter des secours d'urgence, si possible, et de nous assurer que ce pays reçoit de l'aide alimentaire et que l'on répond à d'autres besoins essentiels. Puis, comme vous l'ont dit nos collègues de la Défense, nous avons également eu l'occasion d'essayer d'aider à régler certains problèmes de sécurité à long terme.

Ce graphique et le suivant montrent qu'en 2000, le Canada s'est engagé à investir dans les priorités de développement social, les besoins humains élémentaires, la protection de l'enfance, le VIH-sida, l'éducation de base, la santé et la nutrition. Nous avons réussi avec les hausses de budget et en ciblant nos priorités, à surpasser les objectifs que nous nous étions fixés. Nous sommes très satisfaits de ce résultat mais il reste beaucoup à faire. Ces dépenses représentaient 35 p. 100 de notre budget en 2000-2001, et sont passées à 51 p. 100, ce que nous croyons être encore le cas. Nous avons indiqué certains des résultats tangibles de cette augmentation.

Je parlais la semaine dernière de l'éducation au Mozambique et de l'amélioration des taux de scolarisation. Une chose que j'ai omise, parce que nous n'en parlions pas spécifiquement, c'est le fait que le Canada fournit en fait des manuels scolaires pour un excellent programme d'école primaire au Mozambique. Une des choses qui est vraiment impressionnante à propos de ce programme de manuels scolaires est que nous insérons dans le programme les questions d'égalité entre les sexes et de VIH. Non seulement c'est utile pour l'éducation de ces enfants mais nous les aidons aussi à faire face à des défis tout à fait fondamentaux pour leur bien-être futur.

Il y a des priorités qui ne sont pas nécessairement sociales. Nous nous souvenons probablement tous de la famine de 1984 en Éthiopie et de la façon dont les Canadiens s'étaient mobilisés à ce sujet. Il y a eu une autre famine en 2003, presque aussi grave. La bonne nouvelle, c'est que le gouvernement éthiopien était beaucoup mieux préparé à faire face à cette famine lui-même et que la communauté internationale était également mieux préparée à coordonner les efforts.

Certains sont morts, certes, mais beaucoup moins qu'en 1984. Est-ce un succès? J'aimerais qu'il n'y ait jamais de famines mais étant donné la géographie de l'Éthiopie et un certain nombre d'autres réalités qui accroissent les risques de sécheresse et donc de famine, nous avons constaté que nous sommes mieux équipés pour faire face à de telles catastrophes qui se produisent assez régulièrement. Je vous ai donné quelques exemples que j'espère vous prendrez le temps de lire.

Pour l'avenir, il nous faut insister sur les partenariats et ce qu'il reste à faire. Comme l'a dit Mme Bourcier, les défis sont énormes et nous touchent tous. Nous ne pouvons pas dire que c'est loin et que cela ne nous regarde pas. La première fois que j'ai pris la parole devant vous, j'ai dit qu'il y a des tas de choses qui peuvent sembler très bureaucratiques mais qui, en fait, sont très importantes pour l'efficacité de l'aide au développement.

C'est une année importante pour l'Afrique du fait du sommet du G8 et du forum de haut niveau sur l'efficacité de l'aide. En septembre, nous serons sous les feux de la rampe lorsque l'on examinera les réalisations des cinq premières années pour réaliser les objectifs de développement du millénaire. Nous avons beaucoup à faire.

M. Andrew Rasiulis, directeur, Programme d'aide à la formation militaire, Défense nationale : Honorables sénateurs, c'est avec grand plaisir que je comparais devant vous pour vous parler du Programme d'aide à l'instruction militaire (PAIM) et de sa mission spécifique en Afrique.

Le PAIM est le principal instrument de diplomatie du Canada en matière de défense et il est conçu pour renforcer la sécurité du Canada. Depuis le début des années 60, grâce au PAIM, le Canada offre une instruction militaire à des ressortissants de divers pays en voie de développement, qui ne font pas partie de l'OTAN.

Avec 65 pays membres, le PAIM a permis au Canada d'être présent en Afrique, dans les Antilles, au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Ouest et en Europe centrale et orientale. Le programme a un budget de 12 millions de dollars et ses objectifs sont d'appuyer la politique étrangère et de défense du Canada; d'offrir une aide ciblée afin de permettre au Canada d'exercer une influence dans les zones qui présentent un intérêt stratégique; de mettre en évidence le rôle important que le Canada joue, en toute indépendance, sur la scène internationale; de promouvoir les relations bilatérales du Canada en matière de défense; de promouvoir la démocratie, la primauté du droit, les droits de la personne et la stabilité internationale; de renforcer la capacité des partenaires du Canada à mener des opérations de maintien de la paix; de contribuer à la guerre mondiale contre le terrorisme en offrant une aide sélective.

Pour atteindre ces objectifs, le PAIM s'appuie sur trois piliers : la formation linguistique; les cours d'état-major et de perfectionnement professionnel, et l'entraînement au maintien de la paix.

Le PAIM est un instrument de politique stratégique et, par conséquent, il doit évoluer en fonction de l'orientation politique du Canada. Cependant, pour demeurer efficace, le programme doit également avoir une certaine stabilité. C'est pourquoi un cycle de planification de trois ans a été adopté pour permettre au programme d'atteindre ces objectifs. Néanmoins, face à une situation stratégique exceptionnelle, le PAIM est suffisamment flexible pour répondre aux besoins grâce à des projets spéciaux, comme nous l'avons vu en Afghanistan et dans les Balkans.

Le PAIM facilite les relations bilatérales en matière de défense. Il est souvent le premier et même le seul contact officiel que le ministère de la Défense nationale entretient avec de nombreuses régions en voie de développement. Plus précisément, pour ce qui est du PAIM en Afrique, 19 pays africains sont membres du PAIM. Au cours de la présente année financière, le PAIM consacrera 1,2 million de dollars, soit environ 10 p. 100 de son budget, à la formation d'Africains.

Conformément aux initiatives du Canada et du G8, le PAIM s'efforce de développer des capacités de maintien de la paix en Afrique, grâce à son programme de « formation des formateurs ». Le PAIM appuie directement le plan du G8 qui vise à développer une capacité de maintien de la paix substantielle en Afrique.

Le concept de « formation des formateurs » vise à amener les Africains à jouer un rôle dans la formation de leurs propres forces armées, grâce aux connaissances et aux compétences acquises dans le cadre du PAIM. Le PAIM offre des cours d'état-major, un entraînement au maintien de la paix, une formation linguistique et des projets spéciaux qui appuient cet objectif.

J'ajouterais que le PAIM est spécifiquement canadien. En tant que pays bilingue, le Canada est bien placé pour fournir une formation linguistique en anglais et en français, de façon à améliorer l'interopérabilité entre les pays africains. Par exemple, des ressortissants de l'Afrique du Sud suivent actuellement des cours de français à la BFC Saint- Jean. Cette formation leur permettra de participer aux opérations de maintien de la paix dans les régions francophones de l'Afrique occidentale. Le contexte culturel canadien est en fait applicable en Afrique et nous nous en servons bien dans tout notre programme.

Conformément aux valeurs multiculturelles du Canada, le PAIM travaille avec les Africains sur place, pour les aider à développer leurs propres capacités de maintien de la paix. Mentionnons par exemple le cours de logistique de l'ONU offert par le Centre de formation au maintien de la paix de Karen, au Kenya; les projets spéciaux comme la formation des aumôniers sud-africains pour qu'ils puissent participer aux opérations de la paix et le cours d'observateur militaire de l'ONU qui sera offert à l'école de maintien de la paix de Koulikouro, au Mali.

Quant à la voie à suivre, le PAIM est présent depuis longtemps en Afrique et il a l'intention d'accroître considérablement sa présence dans la région, conformément au plan d'action du G8 pour l'Afrique. Le MDN est en train d'élaborer des options pour un nouveau programme de « formation des formateurs » qui pourrait multiplier par deux, au bas mot, le nombre de cours offerts aux militaires africains. Grâce à ces cours d'état-major, à son entraînement au maintien de la paix et à sa formation linguistique, le PAIM amélioré permettra au Canada d'augmenter exponentiellement sa contribution au développement des capacités de maintien de la paix en Afrique.

Le PAIM est un programme modeste dont l'impact stratégique est considérable à l'échelle internationale.

[Français]

Le sénateur Prud'homme : Contrairement à mon habitude, je serai très bref. J'aimerais d'abord affirmer que je suis heureux de la défaite de deux projets de loi qui divisaient le ministère des Affaires étrangères.

Il y a eu des débats hier soir à la Chambre des Communes, il y en a eu aujourd'hui au Sénat, et ces débats vont se poursuivre. J'aimerais que le compte rendu reflète mon enthousiasme. Je vous vois ensemble et je veux que vous demeuriez ensemble. Je n'aime pas cette division qui ne peut que compliquer la tâche que le ministère accomplit avec brio.

Si j'ai bien compris, le mandat très large du ministère des Affaires étrangères inclut aussi l'Afrique du Nord. Y a-t-il quelque chose de particulier que vous aimeriez ajouter concernant cette partie de l'Afrique que je ne retrouve pas dans mes documents?

Le président : Nous allons entendre M. Sébastien Carrière, chef de pupitre des affaires politiques pour l'Algérie, la Libye et le Maroc. Vous avez certainement ces documents en main, sénateur Prud'homme.

Le sénateur Prud'homme : J'entendrai M. Carrière tout à l'heure, mais je vais manifester à nouveau ma joie de revoir ceux qui assurent l'unité du ministère. Je sais, vous ne pouvez pas commenter, c'est malheureux, mais les choses sont ainsi faites.

Le président : Quelle est votre question, sénateur Prud'homme?

Le sénateur Prud'homme : Quel est le volet de votre mandat — que vous connaissez et qui est très large — concernant l'Afrique du Nord?

Le président : À qui s'adresse la question?

Le sénateur Prud'homme : La question s'adresse bien sûr à M. Carrière.

M. Sébastien Carrière, chargé de dossiers, Affaires politiques (Algérie, Libye, Maroc), Direction du Maghreb et de la Péninsule arabique, Affaires étrangères Canada : Au ministère des Affaires étrangères, pour des raisons strictement opérationnelles, l'Afrique du Nord fait partie de la Direction générale de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, distincte de la Direction générale de l'Afrique subsaharienne.

Il va sans dire qu'une étude approfondie des relations du Canada avec l'Afrique ne serait pas complète sans qu'il y ait un volet sur l'Afrique du Nord. Pour le bénéfice du comité, je dresserai un portrait général qui illustre notre façon de percevoir les relations avec le Maghreb.

De par sa position géostratégique, l'Afrique du Nord est perçue comme étant un carrefour des civilisations. Située aux confins du monde arabo-musulman, elle joue un rôle de pont entre l'Europe, avec laquelle l'association économique va en grandissant, et l'Afrique subsaharienne, avec laquelle certains pays d'Afrique du Nord ont développé des programmes de coopération.

Le poids démographique de l'Afrique du Nord en fait un partenaire incontournable pour le Canada. Les relations du Canada avec les pays d'Afrique du Nord durent depuis plus de 40 ans. Au début, les relations étaient surtout fondées sur la coopération. Selon nos collègues de l'ACDI, les programmes de coopération en Algérie et au Maroc ont dépensé des centaines de millions de dollars depuis les années 60. Aujourd'hui, les relations sont un peu plus axées vers le commerce.

Les pays d'Afrique du Nord sont en voie de graduation. Ils deviennent donc les partenaires commerciaux privilégiés du Canada. Par exemple, l'Algérie est le premier partenaire commercial du Canada dans toute la zone Afrique et Moyen-Orient. Suivent le Maroc, la Libye et la Tunisie, au rang des sept premiers partenaires commerciaux du Canada.

Au Maghreb, on retrouve également des partenaires politiques importants, notamment au sein des Nations Unies et de la Francophonie. Actuellement, trois des cinq pays maghrébins font partie de la Francophonie et un autre s'en approche de plus en plus. Mentionnons l'aspect humain de ces relations commerciales. Au Canada, on estime la communauté maghrébine à plus de 100 000 individus qui se trouvent principalement au Québec, bien qu'il y en ait un peu partout ailleurs au pays.

L'Afrique du Nord a également développé des relations académiques avec le Canada. Environ 3 000 étudiants maghrébins circulent chaque année dans les universités canadiennes, à raison de 300 à 600 nouveaux et de 300 à 600 qui graduent.

Tout cela vous illustre l'éventail assez large de nos relations avec l'Afrique du Nord. Si vous avez des questions spécifiques, je pourrais y répondre volontiers.

Le sénateur Prud'homme : Si nous avions à réviser notre mandat qui est très large, est-ce que cela vous apparaîtrait logique d'y aller par grandes sections, dont le Maghreb et ensuite l'Afrique de l'Ouest, ou si on peut réussir à la fin de notre mandat, qui va durer au moins un an, tirer le mieux que l'on peut des conclusions pour les régions, c'est-à-dire la vôtre et ceux et celles qui s'occupent de cette région. J'essaie d'intégrer votre région avec le reste de notre mandat qui est l'Afrique et cela se sépare très bien.

M. Carrière : Je ne veux pas définir le mandat du comité. Vous pouvez accomplir votre mandat, qui porte principalement sur l'Afrique subsaharienne, en gardant en tête que le Maghreb a un rôle à jouer dans cela. À savoir s'il faut élargir le mandat ou non, je ne me permettrai pas de commentaire à ce sujet.

[Traduction]

Le sénateur Corbin : J'invoque le Règlement, allons-nous continuer indéfiniment à contester le mandat de ce comité? Je croyais que nous avions régler les choses une fois pour toutes et il semble que l'on revienne toujours là-dessus. Continuons donc!

Le président : Nous ne changerons pas le mandat.

Le sénateur Corbin : Je commence à en avoir par-dessus la tête de ce genre de commentaires.

Le président : Le sénateur Corbin a raison, nous avons un mandat. Nous nous en tenons à ce mandat. Comme je vous l'ai dit, sénateur Prud'homme, nous avons quelqu'un ici du ministère à propos de l'Afrique du Nord.

[Français]

Je connais bien l'Afrique du Nord, vous le savez très bien, j'ai vécu là-bas. J'ai passé trois étés au Sahara. Je connais les changements entre l'Afrique du Nord et l'Afrique noire. Nous avons un mandat du Sénat.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino : Je me demande si quelqu'un parmi nos témoins a vu l'émission de la chaîne anglaise de Radio- Canada hier soir sur les réfugiés au Soudan. Mme Kostiuk semble l'avoir vue.

Mme Kostiuk : J'en ai vu une partie; je ne suis pas sûre d'avoir tout vu.

Le sénateur Di Nino : J'en parle parce que nous parlons d'une région, d'une expérience, d'un camp. Après cette émission, je dois dire que j'étais assez découragé. C'était une condamnation assez sévère de ce camp particulier.

Le président : Où était ce camp?

Le sénateur Di Nino : Au Tchad et l'émission portait sur les réfugiés soudanais. C'était un documentaire avec un monsieur qui filmait l'expérience d'une famille qui cherchait refuge. On suivait ces gens partis de chez eux ou pour aller au camp et relatait leurs expériences en route et une fois arrivés au camp. J'ai trouvé que c'était très critique de la façon dont le camp était dirigé.

Il s'agit d'un camp de l'ONU. Savons-nous les problèmes qui existent dans ces camps et faisons-nous quoi que ce soit avec les renseignements que nous avons ou n'avons pas quant à la façon dont ils sont dirigés?

M. Mario Renaud, directeur général, Politiques, planification et gestion, Direction générale des programmes multilatéraux, Niveau international canadien, Agence canadienne de développement international : Merci beaucoup de cette question.

Malheureusement, je n'ai pas regardé l'émission mais j'en ai entendu parler. À la fin, M. Mansbridge a dit que la famille allait bien; qu'elle avait déménagé dans un camp convenable et avait tous les papiers nécessaires pour quitter la région de Darfour pour se rendre dans l'Est du Tchad.

Au Tchad, les camps relèvent du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCNUR). Le commissariat est reconnu dans le monde entier. C'est un organe des Nations Unies qui s'occupe des réfugiés qui vivent dans les camps. Il n'est pas toujours facile de s'occuper de camps et de réfugiés; on fait parfois face à des situations politiques très tendues. Le commissariat est un excellent partenaire qui appuie continuellement le Canada.

Le sénateur Di Nino : J'appuie le HCNUR et l'ACDI. Le problème n'est pas là, ma question porte sur ce que nous faisons lorsque nous découvrons de tels problèmes. Il s'agit de familles qui n'avaient pas été nourries depuis des semaines; de gens qui mourraient de faim. Les gens mourraient. L'émission donnait des chiffres sur le nombre de morts la semaine dernière et le nombre d'enfants qui meurent de faim en ce moment.

Je sais très bien que le commissariat fait un travail énorme. Je sais qu'il essaie de faire au mieux mais, de toute évidence, cela ne suffit pas.

Comme nous sommes partenaires, comme vous le dites, que faisons-nous à ce sujet?

M. Renaud : Nous recevons finalement ces renseignements. Je n'ai pas regardé l'émission moi-même mais je sais que mes collègues de la division de l'assistance humanitaire examinent la question. Ils ont pris contact avec le HCNUR pour obtenir des détails. Être réfugié n'est pas facile. Il est des situations extrêmement difficiles pour ceux qui ont le malheur d'être réfugiés. C'est très dur au Soudan.

Que pouvons-nous faire dans l'immédiat? Le journaliste qui a réalisé le documentaire a fait quelque chose en communiquant ces informations à la population. Au moins nous sommes au courant, et nous allons faire un suivi auprès de l'organisation.

Le sénateur Di Nino : Il y a une question de temps.

Monsieur le président, puis-je demander que nous obtenions une réponse à la question que j'ai posée, particulièrement lorsqu'il s'agit d'une situation où il a fallu attendre qu'un journaliste aille passer des semaines avec cette famille et constate ce qui me semble être une façon horrible et honteuse de traiter des êtres humains. Cela m'a beaucoup ému.

Je pense que nous devrions obtenir certaines réponses et pas forcément de vous, monsieur Renaud, mais de quelqu'un qui sait ce que l'on fait dans ce genre de cas. Nous ne pouvons pas laisser une telle situation se perpétuer.

Le président : Je suppose, sénateur Di Nino, que vous demandez au greffier et à moi-même de préciser quand nous pourrons obtenir une réponse.

Le sénateur Di Nino : Je demande aux témoins, du moins si cela relève de leur responsabilité.

Mme Kostiuk : C'est un problème à divers volets qui exige une réponse à plusieurs volets. Ce que nous avons vu hier soir était le pire, les pires effets du système. C'est là qu'il y a un impératif politique, qu'il faut faire pression sur le gouvernement pour qu'il change la situation politique et que les gens n'aient pas à quitter leur foyer.

Le système de l'ONU fonctionne et c'était là un camp en particulier. Je ne sais pas combien il y a de camps dans le monde. Je ne sais pas combien de gens continuent à travailler dans ces camps, à vivre et à mourir dans ces camps. C'est extrêmement difficile. L'est du Tchad n'est pas un endroit idéal. C'est mieux que Darfour, ce qui en dit déjà long, mais cela paraissait certainement très morne et désolé.

Nous finançons tous le système de l'ONU. Devrait-il y avoir plus d'argent? Évidemment, mais l'ONU fait ce qu'elle peut avec ce qu'elle a. C'est un problème multidimensionnel et il y a différents acteurs qui essaient de trouver des solutions, mais il est évident que quand on a cela sous les yeux, c'est horrible.

Nous pouvons obtenir davantage d'information sur ce qui se fait, mais je ne pense pas qu'il y ait une réponse simple.

Le sénateur Di Nino : Pour passer à un autre sujet, lorsque la ministre responsable de l'ACDI était là, j'ai demandé quel pourcentage de l'aide de l'ACDI était lié et je crois qu'elle a répondu que c'était environ 60 p. 100. Pourriez-vous confirmer ce chiffre?

Mme Kostiuk : Monsieur le président, je sais que cela a diminué. Je crois que c'est maintenant plus près de la moyenne de l'OCDE. Je sais qu'il y a une chose pour laquelle on délie très peu l'aide et c'est l'aide alimentaire. C'est une question qui intéresse les membres du comité qui voudraient que l'aide canadienne soit déliée. Lorsqu'il s'agit d'acheter des aliments qui ont été lourdement subventionnés par certains de nos concurrents de l'OCDE, cela devient délicat. L'aide alimentaire est davantage liée que les autres formes d'aide mais on a beaucoup délié l'aide ces dernières années, conformément au consensus de l'OCDE en la matière.

Le sénateur Di Nino : Je vais citer un certain nombre de choses qui figurent dans le rapport de la vérificatrice générale, sur lesquelles j'aimerais que vous me donniez votre avis. Elle fait allusion à l'aide liée où les transferts sont conditionnels, et où il y a des conditions spécifiques à remplir. Je répète que nous avons le taux d'aide liée parmi les plus élevés du monde et que ce n'est pas forcément une façon efficace de transférer des fonds.

À propos des subventions qui ont été multipliées par 25, ce qui peut sembler une bonne idée, le rapport indique qu'elles ne sont ni vérifiées, ni transparentes ni retraçables. C'est de l'aide déliée mais sans assurance que l'argent du contribuable canadien est utilisé à des fins d'aide légitime et efficace.

Que pouvez-vous dire du rapport de la vérificatrice générale?

Mme Kostiuk : N'ayant pas encore eu l'occasion de le lire, je dirais que, comme nous en discutons depuis quelque temps, en effet, la façon dont les programmes canadiens d'aide aux pays en développement évoluent signifie qu'il y a moins d'aide liée et plus de subventions. Toutefois, ces subventions reposent sur une analyse rigoureuse des contrôles financiers stricts, en collaboration avec les autres pays donateurs. Ce n'est pas que le Canada fait cavalier seul. Nous travaillons habituellement avec les Britanniques, les Hollandais et les pays nordiques. C'est une évolution de l'aide au développement. Je pourrais vous donner d'autres précisions mais c'est tout ce que je puis probablement vous dire pour le moment.

Le sénateur Di Nino : J'aurais un dernier commentaire. Nous vous avons entendu maintenant plusieurs fois. Vous faites tout ce que vous pouvez pour essayer de nous faire prendre connaissance de ce que nous devons savoir pour progresser. Je comprends que la situation est complexe.

La vérificatrice générale porte une accusation sérieuse à propos des fonds, au moins d'une partie des fonds, qui sont utilisés. C'est le contribuable canadien qui paie l'aide. Il serait normal, monsieur le président, que nous puissions obtenir une réponse appropriée portant précisément sur les accusations de la vérificatrice générale dans son dernier rapport.

Mme Kostiuk : Nous vous la fournirons.

Le sénateur Downe : Mes questions portent sur l'exposé que l'on nous a fait sur le programme d'aide à la formation militaire que j'ai trouvé très intéressant et utile. J'ai particulièrement apprécié que vous n'exagériez pas ce que vous faites en Afrique.

Si j'ai bien compris, 10 p. 100 de votre budget va à l'Afrique où vous dépensez donc 350 000 $. Le reste de votre budget de 1,2 million de dollars est dépensé au Canada pour former des Africains.

M. Rasiulis : C'est exact. Cela va changer dans le prochain cycle triennal. Nous avions de petits programmes de formation au Canada pour les opérations de maintien de la paix. Nos attachés qui administrent nos programmes à l'étranger, dans le contexte d'un processus d'évaluation annuel, nous ont dit qu'il nous fallait en fait amener cette formation aux Africains en Afrique et accroître les moyens des centres de formation locaux.

Le chiffre que vous voyez est bon pour ce dernier exercice financier mais il va considérablement changer pour le prochain exercice. Je n'ai pas la ventilation exacte à vous donner aujourd'hui.

Le sénateur Downe : Le budget de ce programme va augmenter au cours des cinq prochaines années et l'on dépensera davantage en Afrique, n'est-ce pas?

M. Rasiulis : Le budget actuel du PAIM restera le même jusqu'au 28 février, peut-être, lorsque mon SMA pour la politique s'entretiendra avec le sous-ministre et chef de l'État major au sujet de son plan d'entreprise.

Dans ce plan, nous avons une recommandation visant à accroître le PAIM. Dans cette recommandation, nous insistons sur l'Afrique et, dans une moindre mesure, sur l'Amérique latine.

Je pense que l'initiative du Canada et du G8 en Afrique est extrêmement importante et nous travaillons avec nos collègues d'Affaires étrangères Canada et de l'ACDI pour voir en quoi consistera l'enveloppe canadienne et quelle part la défense et le PAIM recevront. L'enveloppe en question sera entièrement consacrée à l'Afrique.

Le sénateur Downe : Après la fin février, si je ne m'abuse, vous disposerez de plus de fonds et vous pourrez alors nous en parler.

M. Rasiulis : C'est ce que j'espère.

Le sénateur Downe : Envisagez-vous un pourcentage supérieur à 10 p. 100?

M. Rasiulis : Il y aura une augmentation d'une façon ou d'une autre.

Le sénateur Downe : Ma dernière question porte sur la sélection des pays africains qui participent à ce programme. D'autres témoins nous ont dit qu'il y a des pays que nous préférons parce qu'ils sont plus transparents et ouverts et répondent à certains critères. Je suppose que ce sont les mêmes pays où vous intervenez, n'est-ce pas?

M. Rasiulis : Nous ne participons pas avec des pays envers lesquels Affaires étrangères Canada aurait des objections, parce que le ministère a le dernier mot quant aux pays qui sont membres du PAIM.

Il n'y a pas de contradiction pour ce qui est des pays; toutefois, en ce qui concerne le PAIM, il est évident qu'il doit avoir cette dimension militaire et sécuritaire. Nous essayons de former des partenaires au maintien de la paix pour aider les Africains à s'occuper de leurs propres missions en Afrique. Cela pourrait diminuer le fardeau de l'armée canadienne. En ce sens, nous visons des armées ou pays en particulier où l'armée est active dans le maintien de la paix et qui souhaitent notre aide pour accroître leur capacité d'intervention.

Le sénateur Downe : Dois-je comprendre que vous intervenez actuellement dans des pays africains qui ne reçoivent aucune autre contribution d'un autre ministère canadien?

M. Rasiulis : J'en doute. Je ne sais pas exactement ce que font le ministère des Affaires étrangères et l'ACDI. Ce que je disais dans mon exposé, c'est qu'en ce qui concerne la diplomatie de la défense ou les intérêts de la défense, dans bien des cas, le PAIM est le seul instrument qu'a le MDN pour entretenir effectivement des relations de défense bilatérales avec un pays en Afrique ou tout autre pays du monde.

Le sénateur Carney : Je tiens à remercier tous les témoins de toutes les informations qu'ils nous ont données. Il va nous falloir un certain temps pour tout digérer.

Avant de commencer à poser des questions, j'aimerais demander quelques précisions à Mme Kostiuk. Comment s'appelait avant Burkina Faso?

Mme Kostiuk : La haute Volta.

Le sénateur Carney : Deuxièmement, dans la documentation que vous nous avez remise, vous avez parlé de doubler l'aide à l'Afrique.

Pourriez-vous nous donner les chiffres, le pourcentage de votre budget total de l'ACDI, qui va au programme d'aide et quel pourcentage est réservé à l'Afrique? Vous parlez de doubler et d'augmente, mais je ne vois pas de chiffres.

J'aimerais vous interroger sur l'exécution des programmes. On nous a dit à l'occasion de différentes études entreprises par notre comité, que ce soit celles-ci ou d'autres, que la capacité de fonctionnement de l'ACDI au niveau des programmes est limitée depuis des années par une réorganisation constante, par le fait qu'elle se trouve toujours en transition, en mouvement. Un exemple d'actualité est celui des récents efforts déployés pour diviser le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Évidemment, le projet de loi C-32 ayant été rejeté, cela crée un autre hiatus.

Vous n'êtes pas responsable de cela au niveau de directeur général mais, étant donné que vous avez quelque 20 ans d'expérience dans le domaine, comment qualifieriez-vous l'effet que ces transformations constantes ont sur l'efficacité des fonctionnaires et des gens qui doivent exécuter les programmes d'aide? Cela peut servir d'excuse : « Nous aimerions en faire davantage, mais. »

Mme Kostiuk : Je suis ravie de vous retrouver aujourd'hui. Pour ce qui est du budget pour l'Afrique, une partie de ce que l'on compte est après coup.

J'ai les chiffres officiels jusqu'à la fin de 2003 pour l'APD canadienne pour l'Afrique subsaharienne et c'est environ 500 millions de dollars sur un budget de 1,1 milliard de dollars répartis géographiquement. Cette proportion aura changé en 2004 puisqu'il y a une augmentation pour l'Afrique. Mes calculs pour le budget du programme bilatéral donnent environ 40 p. 100 venant de l'ACDI et 30 p. 100 tiré de l'enveloppe de l'aide internationale, qui englobe davantage que celle de l'ACDI.

Le sénateur Carney : Le comité aimerait connaître les données les plus récentes.

Mme Kostiuk : Je vous ai apporté la répartition régionale pour l' APD canadienne pour 2002 et 2003. Ce sont les chiffres les plus récents dont nous disposons.

Le sénateur Carney : Pourriez-vous traiter de la question de la culture d'entreprise car c'est tout à fait essentiel en ce qui concerne notre capacité à cheminer de l'aide?

Mme Kostiuk : Il y a toujours des changements, c'est la vie. Pour ma part, j'estime que nous travaillons sur les questions qui comptent. Nous suivons les directives que nous donnent nos maîtres politiques. Il y a eu des fluctuations au fil du temps au chapitre du financement. En général, nos orientations ont toujours été relativement claires. Le Canada n'est qu'un des nombreux pays qui travaillent sur ce dossier. Nous poursuivons notre travail. L'ACDI est composée d'employés qui s'engagent pour la vie. Il s'agit d'un organisme fondé sur les valeurs à l'instar de d'autres organismes gouvernementaux.

Le sénateur Carney : Vous avez répondu avec beaucoup de diplomatie. En parlant de partenariat, vous avez fait référence au secteur privé. Quel pourcentage de vos contrats sont exécutés par le secteur privé? De quelle façon sont-ils répartis sur le plan régional?

Mme Kostiuk : Il va falloir que je vous fasse parvenir cette information car je n'ai pas apporté de ventilation géographique. Certes, le secteur privé est un partenaire important.

Le sénateur Carney : Vous l'aviez déjà identifié comme tel, mais vous devez avoir une certaine idée du pourcentage de votre budget qui est alloué au secteur privé.

Mme Kostiuk : Je préfère vous remettre les chiffres précis ultérieurement car il faudrait tenir compte d'autres facteurs outre la division africaine.

Le sénateur Carney : Mais est-il de l'ordre de 5 p. 100 ou de 50 p. 100?

Mme Kostiuk : Je ne suis pas en mesure de vous donner une réponse adéquate pour l'instant. Si vous me le permettez, je vais vous revenir avec ces renseignements.

Le sénateur Carney : Si j'ai abordé cette question de répartition régionale c'est parce que on nous a dit, et je l'ai entendu dire, que l'un des problèmes auxquels font face les agents contractuels et les fournisseurs de l'ACDI, c'est que si l'on n'a pas d'indicatif régional Ottawa-Gatineau, on n'est pas pris en compte. Comment réagiriez-vous à cela?

Mme Kostiuk : Je pense que, selon mon expérience du monde des affaires, tout dépend où le siège social est situé plutôt que de l'endroit où le travail est exécuté en réalité. C'est donc difficile de vous fournir une réponse fiable quant à la possibilité d'une concentration de l'argent dépensé. Il se peut que l'administration centrale soit située à un endroit et l'usine ailleurs. Il est donc difficile de donner des précisions.

Le sénateur Carney : Je le sais, mais vous en avez parlé dans votre mémoire et cela faisait partie de votre exposé. J'avais cru comprendre que vous étiez en possession de certains chiffres au chapitre de la répartition régionale et c'est pour cela, que je vous pose de nouveau cette question.

Mme Kostiuk : Toutes mes excuses, si j'ai parlé de chiffres régionaux, il s'agissait plutôt de régions du monde que de régions du Canada.

Le sénateur Carney : Vous ne savez pas où sont les fournisseurs, les ONG et le secteur privé. Vous avez des bureaux dans tout le Canada et ces bureaux sont grandement appréciés. Toutefois, vous ne possédez pas de système d'évaluation permettant de savoir le volume de contrats que ces derniers génèrent pour le CIDA ni le budget affecté aux diverses régions.

Je sais que parfois vous effectuez une dotation par langue et que certaines régions sont anglophones, d'autres francophones, selon les pays en cause. Vous devez avoir une idée de la répartition générale de vos fournisseurs.

Mme Kostiuk : Monsieur le président, pour les raisons que j'ai déjà citées, il est très difficile de vous donner une réponse précise. Nous savons que le secteur privé est peut-être concentré dans certains indicatifs régionaux, comme a dit le sénateur. Mais la réalité, c'est qu'ils peuvent être situés n'importe où, en fonction de la production, et à ma connaissance, nous n'avons pas pu faire un examen approfondi de cette question.

Le sénateur Carney : L'ACDI a-t-elle pour politique de jouer le rôle de fournisseur? Nous avons discuté de l'aide liée, qui est un fait accompli. N'y a-t-il pas de discussion au sein de l'ACDI, n'y a-t-il pas de politique sur la question de la prestation de services qui sont destinés à l'exportation par le biais de l'ACDI? S'il n'en existe pas, eh bien pourquoi pas?

Cette démarche existe dans le domaine de l'industrie, entre autres, dans le commerce. Il y a des bureaux dans toute la région d'où on lance des appels d'offres. Vous devez avoir une idée de l'efficacité de ce programme lorsque vous envoyez votre personnel d'un bout à l'autre du pays à la recherche de fournisseurs. Vous devez avoir une petite idée de l'efficacité de ce programme.

Mme Kostiuk : Monsieur le président, l'ACDI a des petits bureaux dans quelques autres villes canadiennes. Mais ce n'est pas un aspect important du fonctionnement de notre organisme. Il existe une politique sur l'aide déliée et nous travaillons dans le respect des normes qui ont été adoptées à la majorité par le Comité d'aide au développement de l'OCDE.

Je céderai volontiers la parole à quelqu'un d'autre car ce dossier ne relève pas de moi. Autrement, je pourrais vous faire parvenir une réponse ultérieurement. Cette solution serait préférable.

Le sénateur Carney : Je tiens à faire remarquer qu'il y aurait davantage d'appui de la part de la population à une aide au développement accrue que nous voulons tous ou nous ne serions pas ici.

Il y aurait davantage d'appui de la part de la population s'il y avait plus de retombées générales à l'échelle de la région de manière à faire participer les gens et à leur fournir une expérience pratique dans ce domaine. Il serait également préférable de ne plus avoir un système qui soit si concentré dans la région d'Ottawa-Gatineau. Il sera impossible d'obtenir des appuis à une éventuelle aide accrue au développement tant que la population ne jugera pas qu'il s'agit d'un effort national.

Le président : Vous avez bien fait valoir votre point de vue, sénateur Carney. Combien y a-t-il de bureaux au Canada?

Mme Kostiuk : Il y en a un à Vancouver, un autre à Calgary, si je ne m'abuse. Les services chargés de l'aide au développement s'emploient de plus en plus à satisfaire de leur mieux les besoins cernés par nos partenaires des pays en voie de développement. Ainsi, nos interventions seront à la fois plus efficaces et d'une meilleure qualité. Cela ne eut pas nécessairement dire que nous continuerons à gérer les affaires de la même façon. Pour ma part, j'estime que les Canadiens apprécieront davantage si nous parvenions à maximiser les retombées sur le terrain. De cette façon, ils verront qu'ils en ont eu pour leur argent.

Si l'on remonte dans le passé, je ne sais pas à quel point la corrélation a été forte entre le pourcentage de chaque dollar dépensé en aide au Canada et l'appui de la population canadienne à l'aide au développement. J'espère que la qualité de l'aide ainsi que les résultats obtenus permettront aux Canadiens de juger nos programmes.

Le président : D'après ce que dit le sénateur Carney, on pourrait s'attendre à ce que l'ACDI bénéficierait d'un plus grand appui si les bureaux locaux en tiraient davantage profit. À Calgary, où sont situés vos bureaux, il doit exister une surveillance quelconque sinon ces bureaux n'existeraient pas. Je comprends très bien que c'est une question qui ne relève pas de votre compétence. Nous allons faire en sorte d'obtenir plus de renseignements à ce sujet, sénateur Carney.

M. Renaud : J'ai une observation à faire. Mme Kostiuk et moi ne disposons pas des renseignements précis que vous demandez, sénateur Carney. Toutefois, je sais que nos collègues de la Division de la gestion de l'approvisionnement ont certains de ces renseignements. Nous nous ferons un plaisir de vous les faire parvenir.

Nous avons trois secteurs d'activités : l'aide de base, une aide responsive, et une aide directive. L'aide de base constitue un soutien de la part de l'ACDI à un organisme pour ses besoins en matière de programme à long terme. L'aide de base sert principalement à financer des organismes multilatéraux de longue date tels que le HCNUR, ainsi que d'autres organismes sous l'égide des Nations Unies.

Le Canada répond de façon spontanée aux propositions que soumettent à l'ACDI des organismes canadiens et internationaux. Nous ne consultons pas le marché au sujet de ces propositions. Nous approuvons ces demandes à condition qu'elles répondent aux priorités fixées par nos pays partenaires ou par l'ACDI.

L'aspect concurrentiel se retrouve surtout dans la directive en vertu de laquelle l'ACDI et le gouvernement du Canada, après consultation et discussion avec les autorités locales, décident de participer à la planification et la conception de projets et de programmes. Mme Kostiuk y a fait allusion au début de son exposé. Il s'agit d'un changement d'envergure dans la façon dont se font les affaires au sein de la communauté internationale parce que les pays assument de plus en plus de responsabilités.

Nous allons vous fournir des renseignements très précis sur la répartition de ces marchés par l'ACDI dans tout le Canada.

[Français]

Le sénateur Corbin : J'aimerais poser deux questions. Mme Bourcier a parlé des priorités du gouvernement du Canada, dont entre autres l'aide à apporter aux États délinquants ou en voie de le devenir, ce qui est l'envers de la médaille de ce qu'on entend habituellement. Que considérez-vous comme un État délinquant? C'est ce qui est écrit dans votre texte : « ... l'aide apportée aux États délinquants ou en voie de le devenir. ». Vous situez-vous sur le plan de la politique interne, de l'administration, ou sur le plan militaire? Qu'est-ce qu'un État délinquant? Ensuite, de quelle façon intervenez-vous pour aider un État délinquant?

Mme Bourcier : Merci de votre excellente question qui nous permet de préciser, par exemple, ce que nous entendons par « pays délinquant ». Un pays délinquant est comme, malheureusement, le cas du Soudan qu'on a dû identifier comme étant un pays qui avait des difficultés énormes avec sa gouvernance.

Heureusement, ce pays fait des progrès à l'heure actuelle, mais des progrès très fragiles. On a parlé, au cours des dernières présentations et dans l'exposé que nous avons déposé pour la présentation d'aujourd'hui, de la signature de cet accord de paix entre le Nord et le Sud qui fait suite à une guerre de 20 ans.

Il s'agit d'un pays indépendant depuis 1956, mais une succession de circonstances ont fait que les progrès ont été très mitigés. Comment le Canada est-il intervenu? Il est intervenu dans le contexte des appuis aux processus de négociation qui ont impliqué les pays de la région.

Nous avons particulièrement été amenés à appuyer l'excellent rôle du Kenya, avec le général Simbao qui a joué un rôle en amenant les parties entre le Sud et le Nord à trouver un terrain d'entente, à la fois sur le partage des responsabilités dans le nouveau devenir de ce pays, sur le partage des richesses, ainsi que sur les nouveaux modèles de gouvernance.

Cette action s'est faite sur le plan diplomatique et également par les appuis financiers que l'ACDI a pu mettre à la disposition des intervenants dans le processus de négociation.

Comment continue-t-on à l'appuyer? On l'appuie encore par des efforts, comme entre autres ceux de votre collègue madame le sénateur Jaffer, qui accompagne ou qui a accompagné le processus de négociation. Le processus de négociation avait des observateurs plus immédiats qui étaient et qui sont toujours dans le contexte d'application du cessez-le-feu. Ce sont les Britanniques, les Norvégiens et les Américains.

Le Canada a réussi à faire élargir ce premier niveau de partenaires extérieurs à d'autres partenaires qui sont dans ce contexte : les Néerlandais, les Canadiens et d'autres pays nordiques qui se sont joints également, ainsi que les Allemands.

Nous continuons à avoir beaucoup de préoccupations avec un pays comme la République démocratique du Congo. C'est un pays qui, dans un contexte de dialogue politique, est arrivé également à signer des accords de paix et qui s'est engagé sur une période de transition qui les amènera vers des élections à l'automne prochain.

Comment le Canada a-t-il exercé son rôle? Par des efforts qui étaient faits et dont je ne vous ai pas donné tous les détails — que ce soit pour le Soudan ou autre, parce que la société civile a été très active de ce côté — et nous avons encouragé ces efforts.

Pour revenir à la RDC, au cours de cette période de dialogue politique qui a amené les différentes parties au conflit à s'entendre et à signer cet accord, nous avons eu beaucoup de travail qui a été fait avec la société civile. Également, beaucoup de travail diplomatique a été fait par le biais d'un envoyé spécial, un diplomate de carrière du ministère : l'ambassadeur Marc Brault, auquel a succédé l'ambassadeur présent, Anne Leahy, qui exerce les suites de ce mandat.

L'ambassadeur Brault a permis de mettre en lumière toute la situation du conflit qui existait en RDC et du conflit qui était, dans une certaine mesure, maintenu à cause des intérêts et des enjeux qui se voyaient tout autour de la République démocratique du Congo.

Les rôles du Zimbabwe, de l'Angola, de l'Ouganda, du Rwanda et, dans une certaine mesure du Burundi, pour ne citer que ces quelques pays, présentaient des défis énormes, et continuent à en présenter.

À l'heure actuelle, nous intervenons avec 28 pays et 11 organisations multilatérales. Nous intervenons en appui à la Conférence internationale des Grands Lacs, qui est un processus de développement d'un niveau de confiance et de développement des capacités d'échange entre les pays, afin de s'assurer qu'au niveau régional la paix et la sécurité soient retrouvées.

Le Canada copréside avec les Néerlandais un groupe d'amis qui appuient ce processus de conférence internationale, et qui réunit 11 pays dans le champ d'intervention. Pourquoi 11 pays? Parce que c'est 11 pays qui sont concernés par la stabilité régionale de la RDC. Je vous citais deux exemples de pays où le Canada a été actif, et continue de l'être sur le plan de ses appuis.

Le sénateur Corbin : Je vous remercie pour cette réponse qui me satisfait en grande partie.

Ma deuxième question s'adresse à Mme Kostiuk. Elle a fait allusion à la situation au nord du Ghana. Vous deviez vous référer à la période non-démocratique du pays. Vous avez dit, en anglais, ce qui suit.

[Traduction]

Nous avons évité le gouvernement mais nous avons exécuté nos programmes. Comment est-ce possible? Est-ce que je vous ai bien cité?

Mme Kostiuk : Oui, monsieur le président.

[Français]

Nous avons toujours des ententes avec les gouvernements. Ce n'est pas comme si nous pouvions travailler dans un pays sans l'accord du gouvernement. C'est le cas, plus particulièrement, pour les programmes bilatéraux. Ces accords à long terme ne sont pas annulés lorsqu'il se produit un changement de gouvernement.

Le sénateur Corbin : Vous continuez à œuvrer même dans les cas d'implantation d'un système militaire ou dictatorial?

Mme Kostiuk : Il est possible de le faire dans le cas d'un programme bien établi. Par exemple, au Ghana, région d'une grande pauvreté, nous étions en train de développer un programme d'eau potable. On a estimé, étant donné le contexte politique, que de terminer ce programme ne serait pas une bonne idée. Par conséquent, la décision fut prise de rester au nord pour travailler avec la population afin d'établir le système d'eau potable dans les communautés. Cette initiative devait sans doute faire l'accord du gouvernement.

Le sénateur Corbin : Il s'agissait d'un accord tacite.

Mme Kostiuk : Toutefois, il n'impliquait pas le gouvernement central du pays. C'est la distinction.

Mme Bourcier : Si je peux me permettre, j'aimerais compléter l'intervention de ma collègue. Le terme « délinquant » est peut-être une mauvaise traduction de l'anglais au français. J'ai d'ailleurs utilisé ce terme à quelques reprises.

Le sénateur Corbin : En anglais on dit plutôt « failed » ou « failing state ».

Mme Bourcier : Ce concept d'État en faillite implique deux notions. Dans le contexte d'un programme de coopération, la responsabilité des fonctionnaires est d'assurer une bonne gestion des fonds de l'État. Il se peut que les canaux de l'organe administratif de l'État puissent créer certains problèmes.

Le ministère des Affaires étrangères a le mandat d'essayer de ramener ces États en faillite vers une meilleure gouvernance politique ou économique. Pour ce faire, nous devons compter sur les efforts de nos collègues du ministère de la Défense, de l'ACDI et du ministère du Commerce international, dans la mesure où ces appuis sont réciproques.

Je soulignais la semaine dernière une autre situation préoccupante qu'est celle du Togo.

Le sénateur Corbin : J'allais la mentionner.

Mme Bourcier : Dans des circonstances qui ont été critiquées par les autorités africaines, le Togo et certaines autorités militaires et politiques ont profité d'une situation et ont poussé le fils de l'ex-président à maintenir un niveau de gouvernance plutôt douteux. D'ailleurs, ceci a amené la Francophonie à invoquer les instruments qu'elle a adoptés au cours des dernières années à Bamako, en Afrique, pour suspendre la présence du Togo dans ses instances.

Sénateur De Bané : Auriez-vous l'amabilité de nous expliquer la compétence de chaque autorité dans le domaine du développement? Je crois comprendre que le premier ministre et le ministre des Finances établissent le budget de l'ACDI. Ensuite, le Conseil des ministres, je présume, établit les différents programmes que l'ACDI peut entreprendre. Il détermine également les continents et pays qui en seront les bénéficiaires ainsi que l'éventail des programmes admissibles. Le ministre de l'ACDI prend aussi certaines décisions. Le président ou la présidente de l'ACDI, à son tour, a compétence pour certaines décisions de même que les différents directeurs généraux, comme M. Renault qui s'occupe des organisations multilatérales.

Pouvez-vous nous expliquer la compétence de chacun afin que nous puissions comprendre qui a voix au chapitre, pour le continent africain, par exemple? Quels sont les pays de concentration? Quels sont les pays que l'on traite comme des cas particuliers? J'aimerais que vous nous donniez une liste des personnes compétentes et leur responsabilité respective.

[Traduction]

Peut-être qu'ils pourraient nous envoyer un tableau pour qu'on puisse voir qui sont ces personnes.

Le président : Je crois que ces données figurent déjà dans les documents qu'on nous envoie depuis quelques semaines.

Le sénateur De Bané : Pourquoi un pays de concentration bénéficiera-t-il de toute la gamme de programmes disponibles et d'autres pas?

Le président : Je comprends. Je crois, si j'ai bonne mémoire, que nous en avons discuté la semaine dernière. Je ne sais pas ce que nous allons faire maintenant. Est-ce que quelqu'un voudrait aborder la question? Nous allons tenter de fournir des renseignements au sénateur De Bané.

Mme Kostiuk : Pouvons-nous vous offrir un organigramme? En ce qui concerne les principes généraux, le gouvernement établit un cadre stratégique. Le budget, comme vous le savez, est établi en fonction des décisions prises par les ministres et, bien sûr, le Parlement en est saisi, donc le ministre est responsable de l'agence, et le sous-ministre. Le président est un sous-ministre comme tous les autres avec les mêmes responsabilités, mais peut-être que la solution la plus simple serait de vous fournir un organigramme avec plus de renseignements écrits qui décrivent cette structure.

Le président : C'est parfait.

Le sénateur De Bané : Merci beaucoup.

Le président : Nous allons donner cela au sénateur De Bané. Nous avons des tas de documents.

Le sénateur Prud'homme : Je vous remercie de nous fournir l'organigramme. J'aimerais être plus précis par exemple. J'aimerais, si possible, avoir celui à partir de novembre 2003, et le nouveau depuis l'adoption du décret qui scindait le ministère en décembre 2003, parce que on me dit qu'il y a des orientations complètement différentes. J'ai peut-être tort. Un nouvel ambassadeur sera nommé en juillet, me dit-on, en vertu du nouvel organigramme, alors je voudrais savoir à partir de quel organigramme nous allons effectuer notre travail. Si c'est possible j'aimerais avoir les deux.

Le président : Honnêtement, suite aux événements hier soir à la Chambre des communes, je ne sais pas si quelqu'un sait comment les choses vont se passer. Je ne voudrais pas poser de questions à nos témoins auxquelles ils ne puissent pas répondre. Si possible, voudriez-vous fournir aux membres du comité les documents que le sénateur Prud'homme a demandés, mais j'ai l'impression que la confusion règne un peu en ce moment.

Sur ce, honorables sénateurs, je vais lever la séance et nous nous réunirons de nouveau mardi prochain.

La séance est levée.


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