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Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères

Fascicule 8 - Témoignages du 23 février 2005


OTTAWA, le mercredi 23 février 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui, à 16 h 4, pour examiner les défis en matière de développement et de sécurité auxquels fait face l'Afrique; la réponse de la communauté internationale en vue de promouvoir le développement et la stabilité politique de ce continent; ainsi que la politique étrangère du Canada envers l'Afrique.

Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, nous poursuivons notre étude spéciale sur l'Afrique, conformément à l'ordre de renvoi adopté par le Sénat le 8 décembre. Hier, nous avons tenu notre première réunion sur la pandémie de sida. Aujourd'hui, nous avons le plaisir de recevoir Son Excellence Olufemi Oyewale George, haut-commissaire de la République fédérale du Nigeria. Nous lui souhaitons la bienvenue, ainsi qu'à son personnel, au Sénat du Canada.

La réunion d'aujourd'hui vise à nous permettre de mieux comprendre les complexités du Nigeria, un pays important et diversifié, où vit environ 25 p. 100 de la population d'Afrique subsaharienne. Nous sommes ravis, Votre Excellence, que vous ayez accepté notre invitation à comparaître devant nous aujourd'hui. Je sais que vous vous réjouissez de nous donner un aperçu de votre pays, des défis auxquels il est confronté et des efforts du Nigeria pour maintenir la sécurité et la stabilité en Afrique. La parole est à vous.

Son Excellence Olufemi Oyewale George, haut-commissaire, Haut-Commissariat de la République fédérale du Nigeria : Honorables sénateurs, mesdames et messieurs, c'est pour moi un grand honneur et un privilège de comparaître devant ce distingué comité. Comme on m'a fermement assuré que ces délibérations ne constituaient pas une audience sur le Nigeria mais plutôt une contribution à l'étude canadienne sur l'Afrique, j'ai prévu vous donner un bref aperçu de la situation politique et économique du Nigeria. J'espère ainsi vous informer suffisamment pour vous permettre de bien comprendre le rôle du Nigeria dans la sous-région de l'Afrique de l'Ouest, dans l'Afrique et dans le monde en général.

Comme vous le savez peut-être, le Nigeria a acquis son indépendance de la Grande-Bretagne le 1er octobre 1960 et a hérité de ce pays une démocratie parlementaire inspirée du modèle de Westminster. Ce régime s'est appliqué de 1960 à janvier 1966, lorsque le premier coup d'État militaire au pays y a mis fin violemment. Cet incident malheureux a déclenché une série d'événements, dont un contre-coup d'État en juillet 1966 et une guerre civile sanglante qui a duré 30 mois et s'est soldée par la défaite de la sécession du Biafra en 1970. Le régime militaire qui a réussi à mettre fin à la guerre civile était sous le commandement du général Yakubu Gowon, qui a été renversé à son tour en juillet 1975, avant que la règle démocratique ne soit brièvement restaurée en 1979. Il s'en est suivi une succession de régimes militaires pernicieux de 1983 à 1998, jusqu'à ce que la règle démocratique soit enfin rétablie le 29 mai 1999, sur le modèle du système présidentiel de gouvernement américain. Cela a donné lieu à l'élection du président Obasanjo pour un premier mandat, puis il a été réélu pour un second et dernier mandat en avril 2003.

De quatre et ensuite cinq régions en 1960 et en 1966, le Nigeria a été subdivisé en douze États en 1967, avant d'être redivisé en 36 États et le territoire de la capitale fédérale d'Abuja en 1996. Cette structure n'a pas changé depuis. Les 36 États sont semblables aux dix provinces du Canada.

L'économie du Nigeria, qui s'est basée sur l'agriculture de l'indépendance jusqu'au milieu des années 70, s'est transformée en une économie monoculturelle axée sur le pétrole lorsque le pétrole est devenu le soutien principal de l'économie nigériane. Il représente 25 p. 100 de son PIB, 70 p. 100 des revenus du gouvernement et 90 p. 100 de ses recettes en devises. Le revenu par habitant y est actuellement d'à peine 300 $.

L'établissement d'un pays comporte beaucoup de difficultés. On estime la population du Nigeria à 126 millions de personnes, dont la majorité vit en région rurale. Les centres urbains comme Lagos, Ibadan, Enugu, Port Harcourt, Kano et Kaduna continuent d'attirer une migration des régions rurales vers les villes, ce qui crée une immense pression sur l'infrastructure de base et les services sociaux. Le fait qu'un Africain sur quatre soit nigérian a aussi d'énormes incidences sur la politique étrangère du Nigeria, qui a pour principe directeur la promotion de la dignité et du bien-être de la race noire partout.

Notre pays a la main-d'œuvre la plus importante et la plus instruite, ce qui en fait la puissance culturelle et créatrice dominante en Afrique. Comme au Canada, son unité est ancrée dans sa diversité. C'est le pays de plus de 250 groupes ethniques, dont la plupart sont de religion musulmane ou chrétienne, et on y parle plus de 300 groupes linguistiques distincts et petits dialectes. Sa superficie est de 923 768 kilomètres carrés; elle s'étend de l'océan Atlantique, en passant par les forêts tropicales humides au sud et la savane au centre, jusqu'à la limite du désert du Sahara au nord.

Le plus grand défi auquel ont été confrontés les gouvernements nigérians successifs, particulièrement depuis l'indépendance, c'est de rassembler des peuples aussi diversifiés et de forger la nation nigériane à partir d'eux. Bien que le pays ait connu des épisodes de violence en raison de différences religieuses et ethniques, il est toujours resté uni. Ce sont les efforts créatifs des gouvernements pour promouvoir l'unité dans la diversité qui ont rendu cette unité possible, par l'adoption de diverses mesures, dont le système fédéral de gouvernements à trois paliers et un système de gouvernements locaux démocratiquement élus qui est garanti par la Constitution et appuyé par le gouvernement fédéral. Ce sont des éléments uniques au système fédéral du Nigeria.

Le principe du caractère fédéral est d'ailleurs une autre mesure qui garantit que tout président nigérian élu, par exemple, doit non seulement avoir recueilli le plus grand nombre de voix à l'élection présidentielle, mais aussi au moins un quart des voix dans les deux tiers des États de la fédération, au moins, ainsi que sur le territoire de la capitale fédérale. Ce principe est décrit à l'article 133 de la constitution de 1999. Il enjoint aussi les gouvernements fédéral, d'États et locaux à veiller à ce qu'il n'y ait pas prépondérance d'un groupe ethnique dans un organisme gouvernemental ou un ministère, de sorte que tous les divers groupes soient équitablement représentés dans les nominations gouvernementales.

Les distingués sénateurs peuvent certainement comprendre en partie les complexités de la situation.

Les gouvernements d'États ont protesté contre le contrôle des ressources par le gouvernement fédéral, particulièrement dans les États d'où il tire l'essentiel de ses revenus pétroliers. C'est particulièrement vrai dans la région du Delta du Niger, où les problèmes combinés de la dégradation environnementale et de la pauvreté ont alimenté l'agitation, qui a parfois atteint des niveaux violents. De plus, certains ont demandé à grands cris la dévolution des pouvoirs aux gouvernements d'États et locaux.

L'introduction de la charia dans certains États du nord de la fédération, en 2000, a créé des fissures supplémentaires dans l'administration, même si la charia fait partie de l'expérience politique nigériane depuis l'époque coloniale. Il est toutefois rassurant de constater que les tribunaux compétents du Nigeria ont fait respecter la primauté du droit et les droits fondamentaux des citoyens trouvés coupables par des tribunaux de la charia d'instances inférieures et qu'ils ont veillé à ce que les peines de mort imposées dans des circonstances controversées soient renversées.

[Français]

L'expérience du Nigeria dans la construction nationale a été une expérience unique. Cependant, c'est cette même caractéristique qui a créé le plus de défis, que le gouvernement fait de son mieux à employer. En réponse au désir populaire des Nigérians, pour un dialogue national sur l'avenir du pays, par exemple, le gouvernement a tout récemment convoqué une Conférence nationale de réforme de la politique nationale, qui a commencé à Abuja le 21 février 2005.

L'objectif de cette conférence est de fournir aux Nigérians une plate-forme pour exprimer leurs points de vue en ce qui concerne les structures du gouvernement au Nigeria, la révision de la Constitution de 1900 d'un système électoral de partis politiques, les relations entre le gouvernement fédéral et les États et les gouvernements locaux ainsi que le rôle que doit jouer la société civile dans le processus politique.

[Traduction]

L'ordre du jour de la conférence est ouvert; le seul principe y étant que l'unité du pays et le système fédéral doivent être préservés. Le principal objectif de l'organisation de cette conférence importante est de faire en sorte que le Nigeria se renforce en tant qu'État fédéral moderne capable de répondre aux besoins de sa population et bien positionné pour continuer de jouer un rôle actif et respectable, pas seulement en Afrique de l'Ouest, mais aussi ailleurs en Afrique et dans le monde.

Pour ce qui est de la bonne gouvernance, le problème de la corruption, de la transparence et de la responsabilité du gouvernement s'est aggravé en raison des faibles institutions et de leur difficulté à faire appliquer les règlements. La commission indépendante sur les pratiques de corruption et la commission sur les crimes économiques et financiers, qui sont les principaux organismes à cet égard, font de leur mieux dans les circonstances les plus difficiles pour résoudre un problème qui prend racine dans de nombreuses années de despotisme militaire et un système de favoritisme bien établi. Non seulement est-il urgent que les attitudes des Nigérians changent, mais le gouvernement doit prendre conscience de la nécessité de renforcer ces institutions, parce que c'est le seul moyen de produire des résultats concrets dans l'ensemble du pays. Cela dit, les Nigérians sont de plus en plus sensibilisés aux dangers de la corruption et à ses conséquences négatives sur l'utilisation des ressources pour le bien commun.

Je vais maintenant mettre l'accent sur l'éradication de la pauvreté et le développement économique. L'un des défis fondamentaux auquel est confronté le gouvernement nigérian dans la sphère économique, c'est la transformation d'une économie nigériane extrêmement dépendante du pétrole en une économie industrielle favorisant les liens nécessaires entre l'agriculture, l'industrie et la fabrication. Cette transformation est la clé de la création d'emplois, de l'éradication de la pauvreté et de l'amélioration de la qualité de vie des gens à court et à long termes.

Bien que le gouvernement demeure le principal moteur de l'économie, il s'est engagé à un programme ambitieux de privatisation de tous les secteurs, qui comprend la déréglementation du secteur pétrolier et une stimulation renouvelée des investissements étrangers dans l'économie. C'est là le défi qui se présente aux entrepreneurs privés canadiens, qui pourraient tirer pleinement avantage des programmes continus de privatisation et de diversification en agriculture, en minéraux solides, en télécommunications, en technologie de l'information et dans d'autres secteurs de services.

Pour éradiquer la pauvreté et promouvoir un développement économique rapide, le gouvernement a adopté un nouveau cadre stratégique économique, la National Economic Empowerment and Development Strategy — NEEDS — , qui est un programme de réforme économique détaillé et cohérent, ainsi qu'une réponse sectoriale au problème. Plus particulièrement, ce programme a pour objectif de faire passer le taux de croissance du PIB de 3,5 p. 100 à 7 p. 100 par année, compte tenu que la population augmente de 2,8 p. 100 par année. L'économie a besoin d'une croissance annuelle d'au moins 5 p. 100 du PIB et d'investissements annuels de 30 p. 100 du PIB, alors qu'ils se situent actuellement à 18 p. 100.

La NEEDS vise aussi à faire diminuer le déficit budgétaire du gouvernement, qui se situe actuellement à 4,7 p. 100, afin de l'abaisser à 2,5 p. 100 du PIB ou moins, et à réduire considérablement la dette extérieure du pays, qu'on estime actuellement à 34 milliards de dollars. La dette extérieure du Nigeria demeure un grand obstacle à la croissance économique et à l'éradication de la pauvreté, parce que le gouvernement consacre 1,7 milliard de dollars par année à ses obligations de service de la dette, soit quatre fois la part du budget annuel allouée à la santé et à l'éducation.

Cependant, grâce à la NEEDS, nous nous sommes engagés sur la voie de la réforme et de la gestion économiques. Pour la première fois depuis des dizaines d'années, et je pense plus précisément à 2004, nous avons atteint ou surpassé nos objectifs économiques. La croissance économique a été de plus de 6 p. 100 en 2004, ce qui est au-delà de l'objectif de 5 p. 100. Le ratio de comptabilité de caisse du gouvernement fédéral entre le déficit fiscal et le PIB n'a été que de 1,9 p. 100 plutôt que du 3 p. 100 visé. Le taux d'inflation est descendu à 9,5 p. 100 en décembre 2004. De plus, le stock de réserves est passé de 3,7 milliards de dollars américains en 1999 à 18,4 milliards de dollars américains le 31 janvier 2005.

La lutte contre le VIH/sida, la malaria et les autres maladies transmissibles qui tuent des enfants, comme la polio, est un autre grand défi du pays. Bien qu'on sous-évalue généralement le taux d'infection au VIH/sida, on estime qu'environ 3,5 millions de Nigérians vivent actuellement avec le VIH/sida. Les efforts du gouvernement visent à faciliter l'accès aux services médicaux, particulièrement aux médicaments antirétroviraux, et à diffuser de l'information. À cet égard, le projet de loi qui est entre les mains des distingués sénateurs et qui élargirait l'accès aux médicaments génériques pour les victimes du VIH/sida dans les pays africains en développement, intéresse énormément mon pays.

La politique nigériane sur l'environnement se fonde sur des initiatives de développement et de renouvellement environnementaux et a pour objectif principal la préservation de l'environnement. Un ministère de l'environnement séparé a été établi pour concevoir, coordonner et mettre en œuvre en partenariat avec des organisations non gouvernementales, des groupes de la société civile, des collectivités et d'autres intervenants un programme environnemental qui garantirait la durabilité à long terme. Il y a aussi la Commission de développement du Delta du Niger, qui a la responsabilité de relever les défis développementaux et environnementaux de la région du Nigeria qu'on appelle le Delta du Niger et qui est riche en ressources pétrolières, mais qui est actuellement ravagée par l'exploration pétrolière et gazière et par le brûlage à la torche. En effet, le gouvernement a mis en place des mesures pour réduire le brûlage à la torche grâce au projet de transformation en gaz naturel liquéfié, à une utilisation accrue du gaz naturel et à l'exportation de gaz par le gazoduc de l'Afrique de l'Ouest. Par-dessus tout, le Nigeria est déterminé à mettre en œuvre la Convention sur les changements climatiques et la biodiversité, ainsi que le Protocole de Kyoto, entre autres politiques écologiques.

[Français]

Le rôle du Nigeria en Afrique occidentale est basé sur le principe de son voisinage, de la paix, de la stabilité et de l'intégration économique. Le Nigeria n'a jamais cherché à exploiter des pays voisins ni à leur imposer sa volonté. Au contraire, le pays a toujours cherché à promouvoir d'excellents rapports avec ses voisins immédiats comme le Bénin, le Niger, le Tchad, le Cameroun, et même des voisins comme São Tomé-et-Principe et la Guinée équatoriale, en leur offrant plusieurs formes d'assistance. Le TAC, qui est similaire au Canada Corps, est un programme de coopération et d'assistance technique au profit des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, qui met à la disposition de ces pays les services volontaires des experts nigérians.

[Traduction]

Nous nous efforçons de maintenir des relations pacifiques avec nos voisins immédiats par des consultations fréquentes et le partage transfrontalier d'infrastructures, notamment pour l'électricité, les routes et le gaz. Divers mécanismes appropriés ont été établis pour favoriser l'atteinte de ces objectifs; parmi ceux-ci il y a la Commission mixte Nigeria-Niger, la Commission de développement du bassin du lac Tchad et la Commission quadripartite du Nigeria, du Togo, du Ghana et de la République du Bénin. Dans le cas du Cameroun, le litige concernant les frontières terrestres et marines ainsi que la péninsule de Bakassi est en train de se régler conformément au jugement qu'a rendu la Cour internationale de justice de La Haye en 2002.

Monsieur le président, j'ai le privilège de siéger à la Commission mixte de l'ONU sur le jugement de la CIJ et je peux dire, sans peur d'être contredit, que le Nigeria est totalement déterminé à le mettre en oeuvre. Le transfert officiel de la péninsule au Cameroun a jusqu'ici été retardé par des petits problèmes techniques, dont la poursuite intentée par les Autochtones de la région contre le gouvernement fédéral ainsi que les incidences constitutionnelles de tout transfert de territoire, étant donné que le gouvernement local de Bakassi figure à la première annexe de notre constitution. En réalité, les deux pays ont déjà échangé des bandes de terre importantes dans la région du lac Tchad. La démarcation de la frontière terrestre complète évolue de façon satisfaisante et conforme au jugement rendu par la CIJ.

Le Nigeria a joué un rôle pivot dans l'établissement de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, la CEDEAO, qui a pour mandat de promouvoir l'intégration régionale, la paix, la prospérité et la sécurité dans la région. Le Nigeria reconnaît que la paix et la stabilité sont des conditions préalables essentielles pour l'intégration économique et qu'il sera bien plus efficace de faire valoir son intérêt national en Afrique de l'Ouest dans une atmosphère de paix et de sécurité. C'est pourquoi il a uni ses efforts à ceux des autres États membres de la CEDEAO pour intervenir dans le conflit libérien en 1992, ce qui a favorisé le rétablissement de la paix et de la stabilité dans un pays ravagé par la guerre. Ce sont ces considérations, combinées à un pur altruisme et au désir de partager et de faire attention aux autres qui ont motivé les interventions du Nigeria à diverses reprises au cours des dix dernières années en Sierra Leone, en Guinée-Bissau, ainsi qu'à Sao Tome-et-Principe, ce qui a contribué au rétablissement des gouvernements démocratiquement élus après les coups d'État militaires qui ont eu lieu dans ces pays. On oublie parfois que le Nigeria a dépensé quelque dix milliards de dollars américains au Libéria et en Sierra Leone, sans mentionner tous les membres des Forces armées nigérianes qui ont fait le sacrifice suprême de leur vie pour la paix dans ces pays.

Après la reprise anticonstitutionnelle du pouvoir par le fils de l'ancien président du Togo, Gnassingbe Eyedema, le Nigeria, en tant que président de l'Union africaine et conformément à son engagement à favoriser la démocratie et la règle de droit, a joué un rôle de premier plan dans la campagne pour le rétablissement de la légalité constitutionnelle de ce pays. D'ailleurs, c'est sous le commandement du Nigeria que la CEDEOA a adopté en juillet 2000 son Protocole sur les changements inconstitutionnels de gouvernement. C'est sur cette base que sera dorénavant rejeté tout changement inconstitutionnel de gouvernement dans les États membres de l'organisation régionale. Nous croyons aussi que c'est un moyen d'assurer l'expérience démocratique du Nigeria.

Je vais maintenant vous parler du rôle du Nigeria dans l'Afrique et dans le monde. La taille de la population du Nigeria et ses richesses naturelles lui confèrent un rôle primordial dans les affaires africaines, ce que les gouvernements successifs du Nigeria reconnaissent depuis l'indépendance. Peu après son indépendance, le Nigeria a participé à des opérations de maintien de la paix pour l'ONU au Congo et au Tanganyika, qui est maintenant la Tanzanie. Il a joué un rôle de modérateur et de conciliateur dans l'établissement de l'Organisation de l'unité africaine, l'OUA, à une époque où le continent était divisé par diverses idéologies, au début des années 60. L'expression concrète par le Nigeria d'une vision fonctionnaliste et gradualiste de l'intégration est demeurée le principe directeur des États africains dans leurs consultations avec le Nigeria pour la promotion de l'intégration régionale aux échelles sous-régionale et continentale.

Tout comme, de la période de l'indépendance jusqu'au début des années 1990, le Nigeria se préoccupait de la libération définitive de l'Afrique des vestiges de la domination coloniale et du système répugnant de l'apartheid, notre pays demeure aujourd'hui très déterminé à s'attaquer à la prévention, à la gestion et à la résolution des conflits en Afrique, ce que démontre son engagement face aux conflits interétatiques et nationaux, notamment au Tchad- Occidental, au Soudan, en RDC, au Burundi, au Zimbabwe ainsi qu'en Érythrée et en Éthiopie.

À la suite des changements sur la scène internationale, dans la situation intérieure de l'Afrique et dans le développement économique du continent, le Nigeria a joué le rôle principal dans la transformation de l'Organisation de l'unité africaine qui est devenue l'Union africaine en 2000. Pour déboucher d'une façon globale sur la synergie nécessaire entre le développement économique d'une part, et la prévention, la gestion et la résolution des conflits d'autre part, le Nigeria a consulté quelques pays africains animés des mêmes sentiments pour élaborer, en 2001, le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, le NEPAD. Le Nigeria est heureux que tous les efforts visant à faciliter la coopération et le développement en Afrique sont maintenant chapeautés par ce programme de l'Union africaine.

Vous me permettrez maintenant, honorables sénateurs, d'en appeler au Canada et aux autres pays du G8 pour qu'ils fassent preuve d'un plus grand engagement face à la mise en œuvre du Programme d'action pour l'Afrique du G8, lequel programme a été adopté par les participants au sommet du G8 et du NEPAD qui, en juillet 2002, s'est tenu à Kananaskis en Alberta, sous la présidence du Canada. C'est un nouveau défi qui se pose au Canada. Outre les investissements, la promotion, l'accès aux marchés, l'allègement de la dette, l'accroissement des ressources, particulièrement en matière d'APD, le Mécanisme africain d'examen par les pairs du NEPAD constitue un aspect important où l'aide est nécessaire. Jusqu'à présent, environ deux douzaines de pays africains, y compris le mien, ont adhéré à ce système d'autoévaluation volontaire et d'échange de pratiques exemplaires en matière de gestion politique et économique.

Je passe maintenant aux relations entre le Nigeria et le Canada. Les relations bilatérales entre nos deux pays ont vu le jour en 1960. Ces relations sont cordiales et découlent d'années de respect mutuel, de coopération et d'adhésion de longue date au Commonwealth. Le Nigeria et le Canada ont toujours entretenu d'excellentes relations. La coopération bilatérale s'est épanouie dans d'autres domaines, comme celui du commerce, des investissements, de la coopération technique, de la culture et des contacts entre les gens.

L'Agence canadienne de développement international, l'ACDI, continue à jouer un rôle crucial à cet égard, particulièrement dans les domaines de la prestation des soins de santé, de l'agriculture et de l'environnement. Je crois que l'ACDI peut offrir davantage sur les plans de la quantité et de la qualité de l'aide accordée au Nigeria, alors que le Canada cherche à atteindre l'objectif que les Nations Unies ont fixé en matière d'APD, c'est-à-dire 7 p. 100 du PIB.

Ces excellentes relations se sont détériorées entre 1995 et 1998, le Canada étant déçu de la conjoncture politique au Nigeria pendant cette période. Les relations diplomatiques ont été rétablies complètement en 1998, puis il y eu échange de hauts-commissaires en 1999, à la suite du retour à la démocratie en mai de cette année-là. Le Nigeria reconnaît le rôle crucial joué par le Canada pour mobiliser et maintenir le soutien international.

Même si nos relations bilatérales ont été dynamisées par l'échange de visiteurs de prestige entre 1999 et 2002, je suis néanmoins préoccupé par le fait que ces excellentes relations politiques ne se sont pas encore traduites par des résultats analogues sur le plan économique. Le commerce bilatéral est faible et peu varié, tout comme le sont les investissements canadiens dans notre économie. À mon avis, c'est un autre obstacle dans les relations entre nos deux pays.

Sur le plan social, les Nigérians sont en butte à de graves difficultés lorsqu'ils veulent obtenir un visa d'entrée au Canada. Il est regrettable que la rapide délivrance de visas aux canadiens par notre mission ne soit imitée par votre pays. La situation s'est compliquée par le fait que le service de traitement des visas d'immigrant demandés par les Nigérians a été relocalisé à Accra au Ghana, au lieu d'avoir été maintenu à Lagos. J'ai fait valoir mes préoccupations à cet égard au ministère des Affaires étrangères, mais aucune amélioration ne semble avoir été apportée jusqu'à présent.

Les programmes d'échange culturel et d'échange jeunesse sont peu fréquents et très espacés, sans compter que les étudiants nigérians ont de moins en moins la possibilité d'obtenir des bourses et de la formation au Canada. Cette situation doit changer si nous voulons faciliter les contacts étroits entre les gens et normaliser complètement les relations bilatérales.

L'attitude d'Exportation et Développement Canada (EDC), qui a refusé d'accorder la couverture habituelle aux entreprises canadiennes souhaitant faire des affaires au Nigeria, constitue un obstacle important à la promotion d'une meilleure collaboration économique, question qui me préoccupe grandement. La raison apparente de ce refus est le bilan du Nigeria en matière de réformes économiques et de remboursement de la dette, bilan que la société d'état ne considère pas flatteur. Cette position apparemment politique d'EDC doit être modifiée, en contrepartie des formidables efforts déployés par le gouvernement nigérian en mettant en œuvre les réformes économiques fondamentales que le FMI et la Banque mondiale ont jugé pertinentes. De plus, le Nigeria a toujours respecté ses obligations envers ses créanciers en matière de remboursement de la dette. À mon avis, le Canada devrait trouver rassurant le fait que le Nigeria n'a aucune dette envers lui.

Monsieur le président et honorables sénateurs, créer un groupe parlementaire nigérian au Sénat à la Chambre des communes constituerait un moyen de bonifier les relations entre le Nigeria et le Canada. Un tel groupe d'amis du Nigeria facilitera ma mission et aidera le pays à s'assurer que le gouvernement accordera toujours la priorité aux questions d'intérêts mutuels pour les deux pays.

J'aborderai maintenant la place de mon pays dans le monde. Le Nigeria continue d'apporter sa modeste contribution à la promotion de la paix et de la sécurité internationales à titre de membre des Nations Unies, des agences spécialisées de cette instance et d'autres organisations internationales, comme le Commonwealth. Le Nigeria a un bilan comparable à celui du Canada en matière de maintien de la paix internationale, notre pays n'ayant jamais hésité à dépêcher des troupes dans les différents points chauds du monde, dans des coins aussi éloignés que le Timor- Oriental, l'ex-Yougoslavie et d'autres endroits à l'extérieur de l'Afrique.

Étant donné ses efforts énormes, qui devraient lui permettre en permanence de bonifier son apport déjà important afin d'assurer la paix et la sécurité internationales et de satisfaire aux autres objectifs des Nations Unies, le Nigeria a des arguments irréfutables pour appuyer sa demande d'adhésion au Conseil de sécurité des Nations Unies à titre de membre permanent représentant l'Afrique.

En conclusion, monsieur le président et honorables sénateurs, de nombreux observateurs de la scène nigériane ne tiennent souvent pas compte du fait que notre pays a accédé à l'indépendance depuis à peine quatre décennies et demie, ce qui est peu par rapport à des pays comme le Canada. Même si cela ne justifie nullement les erreurs de notre pays, il n'en demeure pas moins qu'il faut toujours prendre en considération nos difficultés et nos problèmes actuels, notre situation complexe et notre expérience restreinte en matière de gouvernance démocratique.

[Français]

Le Nigeria regarde avec espoir un avenir plus prometteur en prenant des mesures pour se réconcilier avec son histoire et en confrontant les défis présents. Le gouvernement, en faisant face au présent, cherchait aussi à corriger les erreurs du passé pour que le présent aussi ait de la valeur pour l'avenir. Un des buts est d'assurer qu'un meilleur avenir soit légué aux générations futures de Nigérians.

[Traduction]

Pour favoriser l'unité et promouvoir un développement économique rapide profitant à tous les Nigérians, les réformes nécessaires exigent des rajustements fondamentaux à nos manières de faire, à nos façons de nous gouverner et à notre mode de vie comme Nigérians. C'est la vision et la mission qu'a adoptées l'actuel gouvernement du président Obasanjo. Par le passé, le Canada s'est révélé un fidèle ami du Nigeria. J'exhorte votre distingué comité à prendre les mesures pour que cet appui soit augmenté afin de compléter les efforts que déploiera le gouvernement à l'avenir. C'est la seule solution qui permettra au Nigeria de relever les défis auxquels il est confronté et de consolider son unité afin de façon à être davantage en mesure de promouvoir encore plus la paix et la sécurité régionales tout en favorisant la prospérité mondiale.

Je vous remercie, honorables sénateurs.

Le sénateur Andreychuk : Je devrais peut-être vous faire part d'un conflit d'intérêt me concernant. Son Excellence et moi avons travaillé ensemble. J'éprouve beaucoup de respect pour lui et j'admire son professionnalisme au sein de la diplomatie et particulièrement son engagement envers son pays. Nous collaborons depuis fort longtemps.

Je veux simplement lui souhaiter la bienvenue à notre séance. J'espère que votre travail ici se poursuivra de la même façon que par le passé.

Vous avez abordé un très grand nombre de questions. Cependant, je souhaiterais que vous apportiez des précisions sur quelques-unes d'entre elles. Le Nigeria est l'un des pays africains les plus importants. Les Canadiens sont peut-être au courant de la situation en Afrique du Sud et de l'apartheid. Nous entendons parfois parler du sida et d'autres problèmes. Cependant, lorsqu'on aborde les enjeux au niveau gouvernemental, sur le plan diplomatique et en matière de politique étrangère, il faut tenir compte du Nigeria lorsqu'on se penche sur les politiques africaines.

La dynamique interne du Nigeria est très intéressante et l'Afrique est aux prises avec des problèmes épineux. Je voudrais donc en aborder ces deux points. Premièrement, le Nigeria a appuyé très énergiquement la mise en œuvre du NEPAD, plan d'action en vertu duquel les dirigeants africains ont élaboré la façon dont ils gouverneraient l'Afrique et rendraient des comptes à leurs citoyens ainsi qu'à la communauté internationale. L'un des mécanismes établi est l'examen par les pairs.

En Afrique, on se demande si cet examen par les pairs ne doit porter que sur les questions économiques ou s'il doit englober les questions politiques, économiques et autres — dans un sens large —, les dirigeants africains comptant vraiment sur le soutien par les pairs, l'influence des pairs et la reddition des comptes aux pairs pour assurer le succès de l'Afrique. À cet égard, le Nigeria joue un rôle très important.

Il est arrivé qu'on perçoive différemment la façon dont le Nigeria interprète l'examen par les pairs. Je voudrais savoir ce que vous en pensez et en quoi cela entraînera une dynamique propice en Afrique.

M. George : J'ai eu la chance de pouvoir participer de près à l'élaboration du NEPAD et je pense que beaucoup ne comprennent peut-être pas la façon dont est né ce plan d'action. D'autres pays ont demandé à quelques dirigeants comment on pouvait leur venir en aide. C'est ainsi qu'est né le NEPAD.

Le plan d'action a été élaboré par des Africains, parce que nous avions tous vécu l'expérience de tous les programmes qui ont été plus ou moins imposés. Ceux-ci n'ont jamais été efficaces.

Parallèlement, en raison de la nouvelle orientation qu'ils ont maintenant adoptée, la plupart de ces dirigeants savent que, pour maintenir le succès, il faut une bonne façon de faire les choses. Il faut respecter certaines normes minimales. C'est ainsi qu'a été mis en oeuvre le mécanisme d'examen par les pairs.

Ce mécanisme est censé être exhaustif et ne pas porter uniquement sur les aspects économiques, politiques ou sociaux. C'est un mécanisme exhaustif. Eu égard à la nature particulière de l'Afrique, l'adhésion est censée être volontaire. Vous n'êtes pas tenus d'adhérer à ce mécanisme, mais si vous décidez de vous abstenir, vous serez au courant des désavantages en découlant parce que vous serez virtuellement exclus de la plupart des initiatives émanant des programmes de développement dans le cadre du NEPAD.

Encore une fois, c'est aussi un moyen de s'assurer que ceux qui en ont la capacité et la volonté pourront entraîner dans leur sillage ceux qui tergiversent ou qui ne sont peut-être pas encouragés à y adhérer. Cependant, lorsque ces derniers se rendent compte que les adhérents obtiennent l'aide et le soutien attendus, ils peuvent être incités à joindre les rangs. Telle est la situation actuellement.

Je ne crois pas qu'aucun pays africain ne sera contraint d'y adhérer. Le tout se fera volontairement, et nous espérons que le Canada pourra appuyer ces efforts lorsqu'il se rendra compte des avantages du mécanisme — et c'est la raison pour laquelle je veux réitérer mon appel en faveur du programme adopté par le G8. À mon avis, c'est ce qui encouragera les autres à poursuivre dans le giron des programmes du NEPAD et à conserver le mécanisme d'examen par les pairs qui découle de ce plan d'action.

Le sénateur Andreychuk : J'ai eu la chance de faire partie de la délégation canadienne qui a assisté à un colloque interparlementaire. Naturellement, il a été question de la richesse et de la pauvreté de certains états en hydrocarbures, et du rôle que doit jouer le gouvernement fédéral dans le secteur primaire. Dans les faits, cela ne fonctionne pas toujours ainsi, les gouvernants ayant certes davantage voix au chapitre par rapport à ce qui est peut-être prévu dans la constitution.

Il est important que les membres comprennent la complexité du système de répartition des ressources, sachent qui contrôle celles-ci et soient au courant des services qui sont exigés du gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux, parce que c'est naturellement ce qui nous préoccupe souvent au Canada. Je pense qu'on ne comprend pas la complexité de ce problème au Nigeria.

M. George : Je suis heureux que vous soyez au fait de certains aspects. Ce qui a notamment attiré mon attention, c'est la façon dont le Canada est en mesure de composer avec ce que nous appelons le contrôle des ressources et la répartition fiscale à cet égard.

Effectivement, le sol et le sous-sol appartiennent au gouvernement fédéral en vertu de la Constitution du Nigeria. Qu'il s'agisse de l'agriculture ou de l'exploitation minérale, le sol et le sous-sol relèvent de la compétence fédérale, mais des pouvoirs ont été dévolus aux administrations locales à cet égard. Dans les faits, il en découle que les produits du sol et du sous-sol appartiennent au gouvernement, sauf pour ce qui a été dévolu. C'est ce qui est inscrit dans la Constitution.

Encore une fois, après s'être rendu compte que cette situation avait, entre autres, entraîné divers problèmes, le gouvernement s'est attaqué immédiatement et correctement à ce problème. En fait, c'est ce qui explique notamment pourquoi cette question est l'une de celles qui seront abordées lors de la conférence nationale, parce que des Nigérians de tous les horizons pourront dorénavant affirmer ce qu'ils veulent et ce que la fédération devrait faire à cet égard.

Pour l'instant, c'est effectivement le gouvernement fédéral qui obtient tous le revenus, mais il existe une formule de partage à cet égard. Le gouvernement fédéral conservera ce pouvoir jusqu'à ce qu'il le cède à un état particulier.

La Constitution de 1999 a intégré notamment la notion d'administration locale, qui est maintenant reconnue comme l'un des trois ordres de gouvernement. Effectivement, les administrations locales sont reconnues intégralement et protégées correctement dans la Constitution.

Auparavant, ces pouvoirs étaient accordés à l'état, à qui il appartenait de les céder ou non à l'administration locale, ce qui n'a pas eu lieu au cours des trois ou quatre dernières années. Le gouvernement fédéral confie maintenant ces pouvoirs directement aux administrations locales. Les pouvoirs des gouvernements des états leur permettent de s'acquitter de leurs activités.

Je ne peux pas prédire ce qui débouchera de la prochaine conférence nationale, mais je suis persuadé que, en raison des propositions et de la nouvelle orientation, cette question suscite de nombreux problèmes entre le pouvoir central et les autres ordres de gouvernement. Cependant, les Nigérians s'attaqueront à ces problèmes comme ils l'ont toujours fait par le passé.

Le sénateur Andreychuk : Au cours de nos déplacements, nous avons appris avec intérêt que tous les pouvoirs parlementaires se trouvaient dans le bureau du président. Nous avons eu des discussions intéressantes au cours desquelles nous nous sommes demandé comment vous pouvez surveiller le pouvoir exécutif si tous les pouvoirs émanent du bureau du président. Au Nigeria, le renouveau démocratique et la nouvelle restructuration ont permis notamment d'insister sur les solutions à employer et les moyens de faire comprendre à la population la notion d'indépendance du Parlement.

Le président : Le Nigeria est un pays vaste et dont la complexité est infinie. Votre pays ne comprend-t-il pas 36 états?

M. George : Oui.

Le président : Je me rappelle quand le Nigeria est devenu indépendant. Depuis lors, le pays a connu bien des vicissitudes. La répartition des ressources naturelles explique-t-elle partiellement la succession de coups d'État militaires et de gouvernements civils élus? Je sais qu'il s'agit d'une question complexe. J'en suis très conscient. Cette succession découle-t-elle en partie de que nous appelons, au Canada, la péréquation?

Au Canada, nous appliquons un système de péréquation, en vertu duquel nous avons, grosso modo, des normes nationales. J'habite à Toronto, en Ontario. Plusieurs millions de Canadiens y vivent, et notre province est un des moteurs économiques du pays, comme le sont d'autres régions canadiennes, mais nous pensons en fonction de normes nationales. Les normes sont, en règle générale, les mêmes, quel que soit l'endroit où vous habitez au Canada.

Au Nigeria, les ressources pétrolières, en particulier, se retrouvent dans une seule région. Cela a-t-il exacerbé les problèmes de gouvernance?

M. George : Vous devez remonter le cours de notre histoire pour bien comprendre la situation actuelle. Je répondrai d'abord à votre question initiale. Ce n'est pas imputable à la répartition des ressources naturelles.

Le président : Je voulais dire d'argent.

M. George : Ce n'est pas ce qui est à l'origine des coups d'État ou des régimes militaires, absolument pas. Ils sont la conséquence des déficiences léguées par l'autorité coloniale. L'étude de notre histoire coloniale permet de comprendre la cause du problème. L'administration coloniale avait pour seul objectif de favoriser l'économie de la puissance coloniale. Beaucoup de choses ont été négligées. Au moment de l'indépendance, les gens savaient déjà quoi faire pour se prendre en main. Cependant, les désirs ne coïncident pas toujours avec la réalité.

Peu après l'accession à l'indépendance, les hommes politiques n'ont pas pu tenir toutes les promesses faites. C'est ce qui, combiné à diverses nouvelles tendances, a ouvert la voie au premier régime militaire. La situation actuelle présente plus de défis pour la démocratie au Nigeria.

Durant le régime militaire, cela n'est jamais arrivé, parce que ce n'était tout simplement pas possible. Les gens manifestent aujourd'hui des sentiments qu'ils ont dû refouler durant le régime militaire. Le gouvernement fédéral était tout puissant. Tout ce qu'il annonçait faisait loi. Il n'était absolument pas question de principes démocratiques. Le gouvernement fédéral décidait de tout ce qui convenait à tout le monde dans le pays. Nous sommes maintenant revenus à un état d'esprit démocratique. On est libre. On peut dire ce que l'on veut.

Comme je l'ai dit, on prend les choses très au sérieux. Malheureusement, ce sont seulement les aspects négatifs qui sont rapportés. Je n'ai pas peur de dire qu'il y a des problèmes, mais les problèmes ne sont pas toujours ceux signalés. En fait, peu après mon départ du Nigeria, certains de mes collègues m'ont posé des questions sur des incidents dont ils avaient entendu parler, mais qui n'étaient pas vraiment arrivés.

J'ai toutes les raisons de croire que les représentants canadiens vont faire un compte rendu fidèle de ce qui se passe au lieu d'exprimer les points de vue de ceux qui veulent faire la nouvelle.

Le président : Je sais que le Nigeria joue un rôle important dans le maintien de la paix depuis quelque temps, et ce, indépendamment du gouvernement au pouvoir. À tout le moins, à ce que je sache, ce n'est pas lié à un régime en particulier. Le Nigeria joue un rôle dans le maintien de la paix depuis longtemps et dans bien d'autres régions.

Même si c'est sans doute difficile d'avoir des chiffres exacts, quel pourcentage de la population du Nigeria pratique l'agriculture de subsistance, d'après vous?

M. George : Environ 70 p. 100 de la population dépend de cette agriculture.

Le sénateur Corbin : Votre Excellence, j'aimerais discuter avec vous de la demande d'adhésion du Nigeria au Conseil de sécurité des Nations Unies à titre de membre permanent représentant l'Afrique. Actuellement, aucun État africain ne siège au Conseil de sécurité.

M. George : C'est exact.

Le sénateur Corbin : Vous dites avoir des arguments irréfutables pour appuyer votre demande. Pourriez-vous nous en dire davantage là-dessus?

M. George : Vous savez sans doute qu'il est question de réformer l'ONU. Cela fait partie des questions soulevées. L'Afrique est d'avis que seul un groupe restreint de pays ont un droit de veto au Conseil de sécurité, ce qui n'est pas vraiment démocratique d'après elle. C'est pourquoi nous croyons qu'il faut élargir la participation pour inclure toutes les régions du monde.

Nous ne savons pas combien de sièges pourraient être accordés à l'Afrique, mais nous estimons réunir toutes les conditions requises pour en occuper un, compte tenu de notre contribution passée à la paix et à la sécurité dans le monde.

Le sénateur Corbin : Quel appui recevriez-vous des autres États africains?

M. George : Le Nigeria va assurément recevoir leur appui. Toute la CEDEAO va appuyer le Nigeria, même dans le sud.

Le sénateur Corbin : Avez-vous demandé l'appui du Canada?

M. George : Ce serait prématuré de notre part de le faire.

Le sénateur Corbin : Que voulez-vous dire?

M. George : La situation n'est pas encore claire — le comité de 15 membres qui vient d'être formé délibère toujours. Nous ne faisons que préparer le terrain, au cas où cela s'avère nécessaire.

Monsieur le sénateur, je pense savoir quelle est la position du Canada au sujet de l'expansion du Conseil de sécurité de l'ONU.

Le sénateur Corbin : Voulez-vous dire que vous pouvez compter sur le Canada?

M. George : Nous allons assurément compter sur lui, mais je sais quelle est la position du Canada à ce sujet. Le Nigeria et le Canada ont toujours été des amis et ont toujours compté l'un sur l'autre sur bien des questions. Nous considérons le Canada comme un allié naturel à cet égard.

Le sénateur Corbin : Puis-je me permettre de vous demander de nous expliquer quelles sont les tensions dans les régions productrices de pétrole du pays? Après tout, il en est parfois question dans les nouvelles nationales et internationales. J'aimerais que le comité comprenne mieux ce qui est en jeu. C'est un problème difficile, mais j'aimerais mieux comprendre.

M. George : Monsieur le sénateur, j'en ai déjà parlé. C'était la manifestation de sentiments refoulés. Il y a beaucoup de pauvreté. Les compagnies de pétrole arrivent, font ce qu'elles veulent et repartent. La population estime que ce n'est pas juste. C'est exactement ce qui se passe. Durant le régime militaire, la population savait qu'elle ne pouvait s'exprimer parce que les compagnies étaient protégées par le gouvernement.

Le sénateur Corbin : Le gouvernement actuel est lié par les ententes faites durant le régime militaire.

M. George : Il n'y a aucune entente.

Le sénateur Corbin : Le régime militaire dirigeait le Nigeria et, donc, les permis d'exploration ont été autorisés par quelqu'un.

M. George : Désolé, je n'avais pas compris. Il est évident que les permis ne peuvent être annulés et qu'ils ne le seront pas. Nous ne parlons pas de l'octroi des permis dans le cas des champs pétrolifères. Il y a du mécontentement parce que les sociétés pétrolières ne respectent pas les normes voulues et partent après avoir déversé beaucoup de pétrole et pollué des zones de pêche sans faire d'efforts pour corriger leurs erreurs. C'est ce contre quoi les gens se battent.

Le sénateur Corbin : Le gouvernement ne peut-il pas forcer les sociétés pétrolières à nettoyer les lieux?

M. George : C'est ce qu'on fait maintenant. D'ici l'an prochain, aucune société pétrolière ne pourra faire de brûlage à la torche. Elles sont au courant depuis quatre ans du moratoire de cinq ans.

Je ne devrais pas le dire maintenant mais, si nécessaire, les sociétés auront de lourdes amendes à payer.

Le sénateur Robichaud : Votre Excellence, je vais vous poser ma question en anglais, même si vous parlez bien français. Vous avez dit que le gouvernement s'était engagé à mettre en œuvre un vaste programme de privatisation et que les entrepreneurs canadiens ont à relever le défi d'aller faire des affaires chez vous. Ai-je raison de croire que le programme n'a pas l'ampleur que vous voudriez qu'il ait?

M. George : Oui.

Le sénateur Robichaud : Pourquoi?

M. George : J'y ai fait allusion. C'est attribuable en partie au fait que les entreprises canadiennes qui veulent faire des affaires chez nous ont besoin d'une assurance d'EDC mais, pour une raison ou une autre, la société n'offre pas la protection nécessaire. Je ne sais pas pourquoi.

Le sénateur Robichaud : Vous avez dû discuter avec ses représentants afin de faciliter la venue d'entrepreneurs canadiens au Nigeria.

M. George : Oui, monsieur le sénateur, nous l'avons fait, et nous avons enregistré le message. Si je peux parler ouvertement, certaines des raisons qui m'ont été présentées me semblent incroyables. Il faut suivre ce que les Américains ont indiqué dans tel et tel rapport. C'est le problème. Envoyez vos représentants faire leur propre enquête. Le FMI et la Banque mondiale ont donné le feu vert et appuyé les programmes de réforme, comme je l'ai dit dans ma déclaration. Depuis quatre ou cinq ans, nous avons régulièrement payé notre dette aux diverses entreprises. En fait, cela fait partie des problèmes auxquels le gouvernement est confronté. Chaque année, un montant de 1,7 milliard de dollars est consacré au paiement de la dette, ce qui est quatre fois supérieur au budget des soins de santé ou de l'éducation. C'est pourquoi nous tentons de dire que nous ne voulons pas avoir des miettes, ni de l'aide pour de l'aide. Nous aimerions mieux bien régler les problèmes par le développement économique et des investissements commerciaux. Malgré le niveau de notre développement économique, nous n'avons pas eu peur d'aider ceux qui se trouvent dans une situation pire que la nôtre au Nigeria. C'est un autre défi auquel nous avons fait face.

Le sénateur Robichaud : Dans quel secteur de l'économie l'aide du Canada serait-elle la plus utile?

M. George : Dans les trois ou quatre secteurs clés suivants : le pétrole et le gaz, l'agriculture, les télécommunications et les technologies de l'information, ainsi que dans les minéraux solides, puisque le Nigeria en recèle d'importantes quantités. En fait, on tente d'éveiller l'intérêt des entreprises canadiennes pour l'exploration et la prospection minières dans notre pays. J'ai fait allusion au blocage un peu plus tôt.

Le sénateur Robichaud : Avez-vous observé des progrès à ce chapitre?

M. George : Comme je l'ai mentionné, on a demandé à EDC de se rendre sur le terrain et de constater par elle-même. Peut-être qu'à son retour, si elle accepte l'invitation, elle verra les choses différemment.

Le président : J'aurais une petite question. Quel est le ratio dette-PIB du Nigeria? Quelqu'un le connaît? Vous dites que vous dépensez tout cet argent, je l'ai noté, soit un montant quatre fois supérieur à celui consacré aux secteurs de l'éducation et de la santé.

M. George : Quatre fois le budget annuel de l'éducation.

Le président : Quel est le ratio dette-PIB du Nigeria? Est-ce que vous le connaissez?

M. George : Mes collègues me disent que notre dette est presque égale au PIB.

Le président : Donc, à peu près 100 p. 100. Le PIB équivaut actuellement à environ 100 p. 100 de votre dette, que vous tentez évidemment d'alléger, comme tout le monde d'ailleurs.

M. George : Exactement.

Le sénateur Downe : Pour faire suite à la question de mon collègue, j'aimerais savoir ce qu'il en est de l'aide offerte actuellement. L'ACDI est présente au Nigeria, mais recevez-vous d'autres formes d'aide de la part du Canada?

M. George : Autre que celle de l'ACDI?

Le sénateur Downe : Oui.

M. George : Non, pas à ma connaissance.

Le sénateur Downe : De quoi s'occupe l'ACDI dans votre pays?

M. George : Vous voulez savoir ce qu'elle fait actuellement ou ce que je prévois qu'elle fera?

Le sénateur Downe : Quelle est son implication actuelle?

M. George : L'ACDI soutient des programmes et des systèmes de prestation de soins de santé, d'éradication de la polio, certains programmes de sensibilisation du public au VIH, et elle participe également un peu au renforcement des capacités. L'autre jour, j'ai reçu des demandes de visas de certains militaires pour la CEDEAO, laquelle est basée au Nigeria, qui voulaient participer au renforcement des capacités en matière de maintien et de consolidation de la paix. Elle travaille à ce genre de choses.

Le sénateur Downe : Et vous souhaiteriez qu'elle travaille aussi à quoi?

M. George : Au-delà de ce qu'elle fait déjà, permettez-moi de parler du problème de la sécurité et du maintien de la paix sur le continent, dans notre sous-région en particulier. J'ai fait référence aux 10 milliards de dollars que nous avons dépensés au Nigeria, geste que beaucoup ne comprennent pas. Quand j'en parle, la plupart des gens me demandent : « Comment pouvez-vous dépenser tout cet argent, avec tous les problèmes que vous avez? » Certes, nous avons nos problèmes, mais c'est ainsi que fonctionne notre politique étrangère. Il m'a été difficile d'entendre nos soit disant amis, qui avaient aussi contribué à l'élaboration de cette politique et à sa mise en œuvre, dire que le Nigeria avait participé à la crise au Libéria, ce qui est complètement faux. Comme je l'ai mentionné, la conception qu'ils ont et qu'ils veulent faire valoir est fondée sur leurs opinions et non sur les faits. Nous avons porté le fardeau sans l'aide de la communauté internationale.

Un mécanisme a été développé par la CEDEAO, avec le Nigeria en avant-scène, afin de faire face à de tels problèmes : le Critère de Convergence Macro-économique (ECOMAC). Au-delà des nouvelles possibilités offertes par l'ECOMAC, nous avons mis en oeuvre ce que nous avons appelé des systèmes d'alerte rapide dans quatre centres d'Afrique occidentale. La communauté peut ainsi être prévenue longtemps à l'avance. Elle peut donc commencer à examiner les faits et les données et, par déduction, conclure que si le problème n'est pas rapidement réglé, il risque, dans les prochaines années, de dégénérer en crise. C'est au renforcement de ces capacités que nous travaillons.

Il y a aussi un autre mécanisme, qui est la mise en place de la logistique dans deux centres de cette sous-région, de sorte que lorsqu'une intervention sera vraiment nécessaire, le Nigeria n'aura pas à acheminer des ressources ou du matériel par avion depuis Lagos ou un endroit éloigné. Nous sommes censés avoir des centres où seront entreposées certaines de ces choses. Voici comment le Canada pourrait apporter son aide : en faisant des dons d'équipements à la CEDEAO.

Autre fait intéressant : Quand le moment est venu de déployer des troupes en Côte d'Ivoire, la République du Bénin ne pouvait pas intervenir à cause de ses propres problèmes logistiques — elle avait l'effectif pour, qu'elle a mis à la disposition de la communauté. Toutefois, en ce qui concerne le déploiement du Bénin, un autre pays a dû payer le déplacement de ce contingent pour permettre au Bénin d'assumer son rôle de maintien de la paix dans la sous-région. Voilà un exemple des fardeaux que le Nigeria portait seul.

Nous aimerions obtenir ce genre d'appui, ce genre d'aide, pour pouvoir au moins consacrer une partie de nos ressources à notre propre développement économique.

Le sénateur Mahovlich : Le Nigeria a une population assez forte, et je songeais à votre système d'éducation. Y a-t-il un manque d'enseignants? Avec autant de population, j'aurais pensé que vous cherchiez des professeurs. Y a-t-il des professeurs ou des enseignants canadiens au Nigeria?

M. George : Aux niveaux élémentaire et secondaire, il n'y a aucun manque d'enseignants au Nigeria. Comme je l'ai dit, nous avons le plus grand bassin de main-d'œuvre qualifiée du continent.

Le sénateur Mahovlich : Avez-vous vos propres enseignants?

M. George : Oh, oui. Je suis allé à l'université au Nigeria.

Actuellement, nous avons un programme, que nous appelons le programme technique d'aide essentielle, grâce auquel nous envoyons nos professionnels —médecins, comptables et infirmières — travailler dans d'autres pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

Le sénateur Mahovlich : Dans votre pays, est-ce que tout le monde parle la langue officielle, qui est l'anglais?

M. George : Je ne dirais pas tout le monde.

Le sénateur Prud'homme : Comme au Canada.

M. George : Je croyais que la question que vous alliez poser concernait la population. Oui, le pays est très peuplé et la croissance démographique a été rapide. Bien que nous ayons beaucoup misé sur l'éducation, cette situation demeure un défi majeur pour notre pays.

Un musulman pourrait dire : « Selon ma religion, j'ai le droit d'avoir quatre épouses. Vous ne pouvez pas m'obliger à avoir une seule épouse ou un seul enfant. » Je fais encore allusion aux vestiges du colonialisme. Ce sont quelques-uns des problèmes que l'on rencontre. « Personne ne me dira que je devrais avoir trois enfants parce que je sais combien il est difficile d'en élever un seul. »

C'est une question de culture; une question de religion. En fait, le gouvernement a imposé une limite de quatre enfants par famille.

Le sénateur Mahovlich : Est-ce dans la loi?

M. George : Oui, mais comment est-il possible de n'avoir que quatre enfants quand on a quatre épouses?

Plus précisément, les dégrèvements fiscaux et autres allocations du gouvernement ne sont accordés que pour quatre enfants maximum. Si vous avez 20 enfants, vous devez assumer seul les 16 autres. Voilà le genre d'incitatifs offerts.

Ils doivent être subtils parce que le gouvernement peut difficilement forcer les gens. En effet, ceux-ci protesteront s'ils estiment que leurs droits religieux sont bafoués.

Le président : Au Canada, beaucoup de gens ont quatre épouses; seulement, ils ne les ont pas en même temps.

M. George : Chez nous, certains en ont quatre à la fois et parfois davantage.

Le sénateur Prud'homme : Expliquez-nous comment ces femmes peuvent toutes être traitées exactement de la même façon.

M. George : Il faut bien comprendre que c'est une question de religion.

Le sénateur Andreychuk : Dans certaines de mes discussions, je me suis rendu compte qu'une partie du problème d'EDC était votre passé récent ainsi que les quelques coups d'État et autres difficultés que vous avez connus. Les organismes prêteurs veulent une stabilité durable. Le défi pour le Nigeria sera de donner des preuves de progrès et de constance dans les changements démocratiques entrepris. Cela me mène à la question que je voulais vous poser.

D'un côté, vous avez une très forte population — en grande partie jeune —, vous faites face au VIH et à des problèmes d'éducation, et cetera, et de l'autre, vous voulez renforcer la primauté du droit dans un État démocratique, rebâtir des institutions viables et modifier la constitution. Quel est le plus grand défi à relever? Est-ce garantir la suprématie du droit et des institutions solides ou contrôler la dynamique sociale qui semble imparable?

Je dis cela parce qu'un certain nombre de nos témoins ont déjà identifié le VIH comme étant le plus grand fléau. D'autres, estiment plutôt qu'il faut s'attaquer à la corruption et instaurer la primauté du droit partout en Afrique. Du point de vue du gouvernement nigérian, que vous représentez, quelles sont les plus grandes batailles à livrer?

M. George : Le VIH/sida ne fait certainement pas partie des priorités. Ce qui compte par-dessus tout, c'est d'améliorer le bien-être des Nigérians et, pour y parvenir, il faut des programmes de développement économique appropriés. Voilà quelques-uns des problèmes éprouvés par les Nigérians. D'ailleurs, depuis cinq ou six ans, le gouvernement dit que nous ne pouvons pas continuer ainsi. Nous devons changer certaines choses. Voilà pourquoi j'ai dit qu'EDC est probablement en retard de trois ou quatre ans. Elle n'est pas au courant des développements actuels parce que si c'était le cas, elle saurait que les programmes économiques mis en œuvre ces quatre dernières années ont été examinés et mis à l'épreuve par la Banque mondiale et le FMI : ils ont été jugés crédibles. J'ai parlé de ce que nous étions capables de faire en 2004, et cela se maintiendra.

Les Nigérians comprennent que les anciennes méthodes n'étaient pas les bonnes. Nous sommes en train de changer les choses nous-mêmes, et il y a des progrès au chapitre de la privatisation et des investissements étrangers.

Je suis certain que l'on vous a déjà dit qu'il y a quatre ans, il y avait un nombre très limité de cellulaires au Nigeria. Aujourd'hui, même un vendeur au bord de la route possède un cellulaire; les gens en viennent à se demander comment ils ont pu vivre sans. Cela a été possible seulement grâce à la privatisation du secteur des télécommunications. En fait, le Nigeria est le pays où le secteur des télécommunications croît le plus rapidement. C'est le plus dynamique. Voilà pourquoi j'ai lancé ce défi. Les entreprises canadiennes perdent des opportunités.

Le sénateur Andreychuk : Puis-je ajouter quelque chose? Vous avez donné le FMI et la Banque mondiale comme exemples. Si on exclut la Grande-Bretagne, à cause de sa position historique, des pays européens et asiatiques ont-ils investi massivement au Nigeria au cours des quatre dernières années? Vous avez souligné que le Canada accusait un retard. Qu'en est-il des autres pays?

M. George : Avant de quitter le Nigeria, j'ai été invité par divers groupes d'expatriés qui font des affaires là-bas. Un des représentants m'a dit : « Même s'il est difficile de faire des affaires ici, nous faisons de l'argent et nous ne voulons pas que d'autres viennent. »

Ils ne disent pas aux autres quelle est la situation réelle parce qu'ils ne veulent pas de nouveaux compétiteurs.

Le sénateur Corbin : Votre Excellence, nous savons tous les deux que le baromètre de la santé d'une démocratie est la liberté d'expression. Pouvez-vous nous parler des médias et de la presse? Sont-ils bien vivants et critiques?

M. George : Si vous aviez visité le Nigeria, vous sauriez que notre presse est la plus libre de toute l'Afrique.

Le président : Votre Excellence, au nom de mes collègues, je vous remercie beaucoup pour cet après-midi extrêmement instructif. Votre mémoire nous a tous impressionnés par sa rigueur. Nous allons l'examiner plus attentivement.

Merci encore.

M. George : Merci beaucoup.

La séance est levée.


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