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Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères

Fascicule 18 - Témoignages du 14 juin 2005


OTTAWA, le mardi 14 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 17 h 3 pour étudier les défis en matière de développement et de sécurité auxquels fait face l'Afrique; la réponse de la communauté internationale en vue de promouvoir le développement et la stabilité politique de ce continent; et la politique étrangère du Canada envers l'Afrique.

Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je souhaite la bienvenue à nos invités. Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères dans le contexte de notre étude spéciale sur l'Afrique.

[Français]

Nous avons aujourd'hui le plaisir de recevoir cinq ambassadeurs africains. Nous accueillons, en effet, de l'ambassade de la République algérienne démocratique et populaire, Son Excellence M. Youcef Yousfi, ancien ministre et ambassadeur au Canada depuis avril 2001; de l'ambassade de la République tunisienne, Son Excellence M. Mohamed Saad, ancien ministre et ambassadeur au Canada depuis juin 2001; de l'ambassade du Royaume du Maroc, Son Excellence M. Mohamed Tangi, qui a déjà fait des études à l'Université d'Ottawa, et ambassadeur au Canada depuis septembre 2003; et finalement, de l'ambassade de la République islamique de Mauritanie, Son Excellence M. Mahfoud Ben Deddach, ancien sénateur et ministre, ambassadeur au Canada depuis septembre 2004.

[Traduction]

Nous accueillons, de l'ambassade de la Grande Jamahiriya libyenne populaire et socialiste, Son Excellence M. Ahmed Ali Jarrud, diplomate de carrière et ambassadeur au Canada depuis le 27 mai de cette année.

[Français]

Je vous souhaite à tous, la bienvenue au Sénat du Canada. Je tiens à préciser que leurs excellences feront leurs brèves présentations dans l'ordre de préséance, dans l'ordre de la réception de leurs lettres de créance par Son Excellence la Gouverneure générale.

Je tiens également à préciser que l'ambassade d'Égypte a malheureusement dû décliner notre invitation.

Nous sommes enchantés, Excellences, que vous ayez accepté notre invitation à comparaître aujourd'hui pour nous donner un aperçu de vos pays, les défis auxquels ils font face et leur rôle sur le continent africain.

Avant d'inviter Son Excellence Yousfi à prendre la parole, je laisserai la présidence au sénateur Di Nino. Je dois m'absenter pour environ dix minutes afin de discuter de l'avenir du comité.

[Traduction]

Le sénateur Consiglio Di Nino (vice-président) occupe le fauteuil.

Le vice-président : Je crois qu'il a été convenu que nous commencerions par M. Yousfi. Allez-y.

[Français]

Son Excellence M. Youcef Yousfi, ambassadeur de la République algérienne démocratique et populaire au Canada : Honorables sénateurs, mesdames et messieurs, je tiens à remercier le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères pour l'invitation qu'il m'a adressée pour parler de mon pays et de l'Afrique.

Située au cœur du Maghreb, à la porte de l'Afrique et du monde arabe, l'Algérie est à une heure de vol de l'Europe. Second plus vaste pays de l'Afrique, elle compte une population pratiquement égale à celle du Canada.

Si, comme le Canada, elle dispose de ressources naturelles abondantes et diversifiées, notamment des hydrocarbures et des minerais, elle subit la contrainte d'un climat relativement sec. Il est à rappeler que le Sahara, le plus grand désert au monde, couvre 90 p. 100 du territoire de mon pays.

Au lendemain de l'indépendance, en 1962, après une longue et cruelle guerre de libération, l'Algérie, avec de très faibles ressources humaines qualifiées et un pays dévasté, a entrepris de reconstruire un État moderne et de faire face aux énormes défis de développements économique et social avec l'aide de nombreux pays, dont celle particulièrement appréciée du Canada.

Malgré les erreurs et les insuffisances du passé, l'Algérie a pu restaurer l'État, préserver son intégrité territoriale, bâtir des relations solides avec les autres nations, éduquer la majeure partie de sa population et relever, de manière significative, son niveau de vie.

La chute du prix du pétrole, au niveau des années 80, allait cependant faire apparaître des faiblesses majeures.

Le système économique centralisé mis en place s'est révélé fragile du fait de sa trop grande dépendance des hydrocarbures. L'agriculture au lieu d'être un des moteurs de développement était en déclin et ne remplissait pas son rôle. Le système éducatif nécessitait une modernisation rapide. Le système politique et les institutions de l'État ne répondaient plus aux besoins et aspirations des citoyens. Ils nécessitaient des transformations profondes. Dès 1986, des réformes étaient lancées, notamment en ce qui concerne l'ouverture économique et l'institution du multipartisme. Malheureusement, le faible niveau de préparation des institutions de l'État à encadrer ces changements fondamentaux a amené des partis extrémistes à tenter de prendre le pouvoir en utilisant la religion et la violence terroriste.

Le pays n'était pas du tout préparé à faire face à cette situation. La libéralisation du commerce extérieur allait se traduire par la fermeture de centaines d'entreprises et la perte de centaines de milliers d'emplois, aggravant la situation sociale et alimentant les partis extrémistes. L'Algérie allait vivre l'un des pires moments de son histoire contemporaine, faisant face seule à la violence terroriste. Je voudrais souligner que le Canada a marqué de multiples manières sa solidarité avec mon pays durant cette période. Certains d'entre vous sont venus le visiter et ont témoigné du sens du combat qu'il menait. Je souhaiterais leur rendre un hommage particulier.

Le rejet de la violence et de l'extrémisme par la population, l'action des forces de sécurité, la promulgation de la Loi sur la concorde civile ont affaibli considérablement les groupes terroristes et les ont isolés. Durant cette période particulièrement difficile, l'Algérie n'a pas manqué de poursuivre les réformes entreprises qui, faut-il le souligner, n'ont pas été imposées de l'extérieur. Elles résultaient d'un choix stratégique, délibéré, pour mettre le pays sur la voie de la prospérité, du progrès, de la stabilité et de la modernité. De nombreuses élections pluralistes organisées à partir de 1995, tant au niveau communal, législatif ou présidentiel ont montré que le système démocratique s'ancre dans la société.

Aujourd'hui, nous pouvons constater que des progrès ont été réalisés dans tous les domaines et que la situation est en train d'évoluer de manière très positive. Nous espérons ardemment que la loi d'amnistie générale qui se discute actuellement ramènera la sécurité totale, la paix et la sérénité dans les cœurs. Le pays consacrera alors l'intégralité de ses efforts au développement économique et social, d'autant plus qu'il sort de son isolement et retrouve sa juste place dans le monde.

De leur côté, les réformes économiques commencent à porter leurs fruits. La libéralisation du commerce extérieur, la conclusion d'un accord de libre-échange avec l'Union européenne, l'adhésion prochaine à l'OMC, la révision des différents textes et règlements dans le domaine économique rétablissent la confiance dans le pays et les investissements se multiplient.

Le partenariat dans le secteur des hydrocarbures, notamment avec des compagnies canadiennes, a apporté une nouvelle dynamique se traduisant par des découvertes significatives qui ont permis le renouvellement des réserves et une augmentation sensible de la production. Grâce aux progrès du secteur privé — notamment dans l'agriculture, l'industrie, les services —, à la conjoncture favorable du prix du pétrole, les taux de croissance ont bondi ces dernières années vers des niveaux de l'ordre de 5 à 7 p. 100 et l'on s'attend à ce que durant l'année 2005, ces taux dépassent les 7,5 p. 100. Les autres indicateurs économiques sont aussi encourageants. Le PIB par habitant a augmenté de près de 50 p. 100 en quatre années. La dette extérieure diminue, ne représentant que 25 p. 100 du PIB. Son service décroît et atteint 16 p. 100 des exportations. Les réserves de change s'élèvent à plus de 45 milliards de dollars, assurant une stabilité financière au pays.

Cependant, nous avons deux défis à relever, des défis majeurs : le premier concerne la diversification de l'économie qui reste trop dépendante des hydrocarbures; le second est la réduction du taux de chômage, qui est particulièrement préoccupant. Nous prévoyons à cet effet des investissements de l'ordre de 120 milliards de dollars canadiens durant les cinq prochaines années dont 70 par le gouvernement. Éducation, santé, logement, eau potable, infrastructure de base, services publics et aide au développement sont parmi les principaux chapitres des dépenses de l'État.

Le Canada est un pays ami de l'Algérie. Nous célébrons cette année le 40e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre les deux pays. L'aide multiforme accordée par le Canada a été extrêmement utile et appréciée. Nous avons besoin plus que jamais de votre pays pour nous accompagner dans nos réformes et établir un partenariat toujours plus fort. Nous partageons tant de choses ensemble, en particulier l'établissement d'un ordre mondial plus juste, plus équitable et plus solidaire.

Son Excellence M. Mohamed Saad, ambassadeur de la République tunisienne au Canada : Monsieur le président, nous sommes invités à parler des défis en matière de développement et de sécurité que doit relever l'Afrique : la réponse de la communauté internationale en vue de promouvoir le développement et la stabilité politique de ce continent, ainsi que la politique étrangère du Canada envers l'Afrique.

Avant de venir ici, je me suis posé la question : Dois-je parler de mon pays ou dois-je parler de l'Afrique? J'hésitais entre les deux, car la question se pose vraiment. La Tunisie a porté pendant 2 000 ans le nême nom que l'Afrique. Ainsi j'ai décidé de me concentrer sur l'Afrique en relation avec le Canada.

C'est une heureuse occasion pour échanger avec vous des idées, des problèmes et des défis auxquels fait face l'Afrique, sur la réponse que peut apporter la communauté internationale, et le Canada en particulier, à l'Afrique et sur la manière dont elle peut l'accompagner pour régler les problèmes auxquels elle fait face.

La Tunisie se trouve au nord de l'Afrique. Nous avons eu notre indépendance en 1956. Depuis ce temps, la Tunisie n'a eu de cesse d'édifier un État indépendant, bien sûr, mais surtout moderne qui bannit tous les démons de la division, qu'elle soit d'origine ethnique, religieuse ou tribale, consacrant l'égalité entre tous les citoyens, indépendamment de leur sexe, de leur race ou de leur religion. C'est une question fondamentale parce que quand on voit l'actualité défiler sous nos yeux quotidiennement sur les écrans de télévision, dans les pays arabes et musulmans, cette question prend tout son relief.

Pourquoi l'Afrique? Pour deux raisons au moins, morale et éthique, mais aussi économique. L'Afrique compte 52 pays, ce qui représente 13 p. 100 de la population mondiale. Sur les 49 pays les moins évolués et les moins développés au monde, 34 sont africains. Cela vous donne une idée de l'ampleur de la tâche et des défis. L'Afrique reçoit uniquement 1 p. 100 des investissements étrangers dans le monde. L'Afrique tient de tristes records en matière de pauvreté et de misère : le sida, l'analphabétisme, et cetera.

Vous voyez donc que tous les jours que le bon Dieu fait, nous avons plein de défis à relever. Toutefois, il y a un paradoxe. De quelle Afrique s'agit-il? Nous sommes ici pour parler de l'Afrique, mais nous, en Afrique du Nord, on se pose la question : Parlons-nous de l'Afrique du Nord, de l'Afrique subsaharienne ou de toute l'Afrique?

Ce n'est pas qu'une hypothèse d'école, c'est ainsi que la problématique africaine est posée.

Très souvent on se demande si l'Afrique du Nord fait partie de ce bloc qu'est l'Afrique. Quelle place faut-il accorder, dans ce contexte, aux pays émergeants, ces pays qui ont su échapper à cet océan de misère et qui font maintenant partie de l'Afrique du Nord? Comment sont perçus ces pays par la par la nouvelle forme de la politique étrangère du Canada ces pays avec lesquels le Canada a tissé des liens durables depuis 40 ou 50 ans? Quelle est la stratégie envers l'Afrique? Comment allons-nous aider l'Afrique?

Faut-il envisager l'Afrique uniquement sous l'angle humanitaire, voire même sécuritaire, ou y a-t-il d'autres façons de poser la problématique pour l'Afrique? Cette thèse semble être aujourd'hui, créditée par la nouvelle forme de la politique étrangère du Canada et nous pensons que l'Afrique doit être envisagée dans son ensemble.

L'Afrique n'est pas seulement un problème humanitaire. Elle pose à la fois un problème sécuritaire, un problème de développement et un problème social. Nous croyons qu'il faut accompagner l'Afrique, il faut l'accompagner pour lui donner la place qui lui revient en tant que partenaire à part entière du Canada.

Il ne faut pas se contenter d'orienter l'aide publique au développement vers l'Afrique. Nous voulons passer à une autre logique de développement, à une autre logique de coopération avec le Canada. L'aide publique au développement, bien sûr, est importante, mais nous avons tendance à la considérer d'un point de vue surtout humanitaire. Le partenariat, par contre, suppose une autre logique de rapport, surtout sur le plan économique. Nous pensons que le Canada devrait promouvoir ce nouveau type de relation basé à la fois sur le commerce et sur l'investissement. Voilà ce que nous attendons.

Nous voulons accompagner l'Afrique dans son œuvre de développement et l'aider à s'accomplir. Sur le plan politique, nous devons engager la concertation avec les pays africains pour résoudre les conflits qui entravent aujourd'hui le développement de l'Afrique. Nous croyons que le Canada doit travailler avec certains des pays d'Afrique les plus avancés pour aider les pays d'Afrique les moins avancés au moyen de la coopération triangulaire ou tripartite.

Sur le plan économique, il faut engager le partenariat avec les pays africains en se basant sur l'investissement et le commerce. Il faut penser à réduire et à effacer la dette des pays africains. Une partie de cette dette a été effacée lors de la réunion du G8 qui s'est déroulé dernièrement en Angleterre. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire. L'effacement de la dette est une chose, mais il y a également la possibilité de conversion de la dette dans des projets à caractère social ou économique. Sur le plan social, également, il y a beaucoup à faire. Il faut soutenir l'éducation et la santé. Il faut lutter contre la pauvreté qui est un terreau fertile pour l'extrémisme.

La question de sécurité préoccupe aujourd'hui le monde entier, suite aux événements du 11 septembre. À notre avis, il existe deux façons d'agir face à cette situation. Nous devons considérer l'aspect sécuritaire, bien sûr, mais surtout l'aspect développement. Il faut investir, développer et donner aux gens de l'emploi pour lutter contre le terrorisme et extirper les racines de l'extrémisme.

La contribution du Canada pour aider l'Afrique s'est fait remarquer très tôt. Au cours des dernières années, le Canada a créé le Fonds d'investissement pour l'Afrique et le Fonds pour le développement de l'Afrique. Elle a orienté deux tiers de son aide aux pays dits de concentrations dont les deux tiers sont africains.

Nous, pays émergeants de l'Afrique du Nord, nous posons certaines questions. Quelle est la politique du Canada avec les pays africains émergeants, avec ce segment de pays qui ont fait un pas vers le développement?

Le sénateur Prud'homme : Aidez-nous dans notre réflexion.

M. Saad : Nous sommes prêts à vous aider, mais nous vous demandons également de nous aider et de nous écouter pour qu'ensemble nous puissions trouver une réponse à cette question.

[Traduction]

Le vice-président : Merci, Excellence. Le but de cette invitation est naturellement d'obtenir votre opinion et vos conseils ainsi que ceux de vos collègues. Tous vos commentaires sont les bienvenus, surtout s'ils représentent des critiques constructives de certaines des choses que nous avons pu faire. Je m'adresse à vous tous. Nous sommes très heureux de vous avoir parmi nous.

[Français]

Votre Excellence, M. Mohamed Tangi, nous vous cédons maintenant la parole.

Son Excellence M. Mohamed Tangi, ambassadeur du Royaume du Maroc au Canada : Honorables sénateurs, j'ai remis mon texte de présentation à votre greffier. Pour gagner du temps, je vais me contenter de le survoler avec vous.

[Traduction]

Le sénateur Prud'homme : Monsieur le président, pouvons-nous convenir d'annexer au compte rendu le texte préparé par le témoin?

Le vice-président : Êtes-vous d'accord?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : Adopté.

M. Tangi : Je remercie l'honorable sénateur de cette excellente suggestion. Je vais donc survoler ce texte.

[Français]

Monsieur le président, honorables sénateurs, Vos Excellences les ambassadeurs, j'aimerais être un peu plus détendu dans ma présentation et vous dire que si vos recherchistes examinent les archives du ministère des Affaires étrangères, ils trouveront une note rédigée par le ministre des Affaires étrangères de l'époque, M. Pearson, qui recommandait au gouvernement du Canada, à la veille de l'indépendance du Royaume du Maroc, d'en faire un ami, à l'instar des autres pays comme la Grande-Bretagne, les États-Unis et la France. Heureusement, le gouvernement canadien a suivi cette recommandation de M. Lester Pearson. Pendant les 50 dernières années, les liens d'amitié entre le Royaume du Maroc et le Canada n'ont cessé de se développer et de se diversifier.

Avec la présence en sol canadien de presque 100 000 immigrants d'origine marocaine, nous sommes maintenant beaucoup plus que des amis. Nous sommes, comme on le dit en anglais, « almost family ».

Pour comprendre le nouvel État, que le Canada a décidé de se faire un ami, il faut se souvenir qu'il s'agit d'une nation millénaire. Dans sa présente configuration, le Maroc existe depuis au moins 12 siècles. La dynastie Alaouite qui règne actuellement au Maroc remonte au XVIIe siècle.

Pour encore mieux comprendre le Maroc, il faut saisir trois autres dimensions, à savoir son enracinement profond en Afrique, son appartenance à la nation arabe et sa grande ouverture traditionnelle sur le reste du monde.

L'évolution du royaume du Maroc est indissociable de l'histoire du bassin méditerranéen, berceau de quelques-unes des plus grandes civilisations de la planète. C'est conscient de ce riche héritage que le royaume du Maroc a abordé les défis de la période post-coloniale et que nous vivons jusqu'à nos jours, le défi du développement économique et social et, de plus en plus, le défi de la sécurité et le défi de la paix qui sont des conditions sine qua non pour la prospérité de tous.

Ces défis, honorables sénateurs, nous les saisissons à plusieurs niveaux; au niveau national, au niveau régional, au niveau continental de l'ensemble de l'Afrique et, finalement, au niveau global.

Sur le plan national, à la veille de notre indépendance et pendant plusieurs décennies nous nous sommes attelés, à l'instar de nombreux états africains, voire du tiers-monde, qui ont été sous le joug colonial, à parachever notre intégrité territoriale. Nous avons également procédé à l'édification d'une structure d'un état moderne, d'un état de droit. Nous avons lancé la consolidation de la démocratie et de la promotion des droits de la femme et de l'homme et, finalement, pour nous lancer dans un développement économique et social intégré.

Sur le plan régional, notre préoccupation majeure a été, et est toujours, celle de l'édification d'un Maghreb uni, paisible et prospère, à l'instar des autres ensembles régionaux dans le monde.

Sur le plan continental de l'Afrique qui est au cœur de notre débat aujourd'hui, dès le lendemain de notre indépendance, puisque nous étions l'un des premiers pays d'Afrique à obtenir son indépendance, nous avons veillé avec le peu de moyens que nous disposions déjà à l'époque à contribuer à la libération des nations encore sous le joug colonial.

Parallèlement, nous avons contribué au règlement des conflits à l'intérieur des pays et entre les pays, et nous avons participé aux opérations de rétablissement de la sécurité et du maintien de la paix en Afrique sous la houlette des Nations unies. C'est quasiment une dizaine d'opérations de maintien de la paix auxquelles le Maroc a participé en Afrique.

Sur une note plus positive, nous avons essayé, avec encore les moyens et les ressources limités dont nous disposons toujours, de contribuer au développement du continent sur le plan économique et social, aussi bien sur le plan bilatéral que dans le cadre de programmes multilatéraux.

Au niveau global, notre contribution demeure solidaire pour relever les nouveaux défis du début du XXIe siècle que sont la mondialisation anarchique, avec ses aléas de marginalisation économique et sociale d'une grande partie de l'humanité et les atteintes à la diversité culturelle et civilisationnelle.

Sur une note un peu plus détendue, le monde a adopté une convention sur la protection de la diversité biologique, mais il est toujours en train de tergiverser sur l'adoption d'une convention sur la protection de la diversité culturelle.

Les menaces et les défis auxquels nous faisons face, monsieur le président, appellent de notre part, de tous les continents, une alliance objective contre les risques pour la stabilité, la sécurité et la paix engendrés par l'extrémisme et le terrorisme.

Honorables sénateurs, le Canada a été à nos côtés sur le plan bilatéral. Son aide apportée dans des secteurs vitaux pour notre développement économique et social, comme la santé, l'éducation de base, la bonne gouvernance, et la promotion de l'égalité entre les sexes est également extrêmement appréciée. Nous souhaitons que le Canada puisse continuer à nous accompagner dans nos efforts de modernisation, de démocratisation et de marche vers le progrès.

D'un autre côté, honorables sénateurs, nous savons que l'Afrique est au centre des préoccupations canadiennes. C'est pour cela que, comme témoin de cette préoccupation, le Canada a remis l'Afrique à l'ordre du jour de la communauté internationale à l'occasion du Sommet de Kananaskis.

Nous souhaiterions que le Canada se mobilise davantage pour que le prochain sommet du G8 à Gleneagles en juillet en Écosse, consacré notamment à la dette des pays pauvres et à l'aide au développement, ainsi que le Sommet des Nations unies de septembre 2005, prennent sur cet enjeu majeur qu'est le développement de l'Afrique, les décisions qui s'imposent.

Nous pouvons compter sur l'engagement du Canada. Chacun connaît en effet les convictions et le dévouement du Canada pour l'Afrique.

Le président : Merci beaucoup. Maintenant, j'appelle Son Excellence Mahfoud Ben Deddach.

Son Excellence M. Mahfoud Ben Deddach, ambassadeur de la République islamique de Mauritanie au Canada : Merci, honorables sénateurs. C'est un grand plaisir pour moi de me trouver aujourd'hui devant un comité du Sénat, moi qui ai eu à exercer également cette fonction élective dans mon pays lors des premières élections démocratiques multipartisanes qui se sont déroulées chez nous en 1992.

Merci encore de me permettre de vous parler d'un pays qui parmi les cinq ici présents est certainement le moins connu, ce qui constitue un paradoxe pour un pays qui fut le berceau de deux parmi les plus grands et les plus prestigieux empires africains.

Je vais parler d'abord de l'empire de Ghana qui a été créé en Mauritanie et dont la capitale, et la ville principale Awdaghosr, se trouvent dans ce pays et qui a été créé par des Mauritaniens d'origine négro-africaine. C'est un pays qui s'est étendu pratiquement sur toute l'Afrique de l'ouest. Il était tellement prestigieux que, lorsqu'en 1957 le président de ce qui était à l'époque appelé la Côte-de-l'Or voulait choisir pour son pays un nom africain prestigieux, il a choisi le Ghana. C'est l'actuel Ghana qui, pourtant, ne faisait pas partie de l'empire du Ghana.

Le deuxième grand empire dont le berceau a été la Mauritanie est l'empire des almoravides qui s'est étendu sur toute l'actuelle Afrique du Nord et l'Espagne. C'est ce qui a valu à ce pays le nom de Mauritanie. C'est le territoire des Maures. Le pays des Maures est tout simplement le nom que les Espagnols donnaient aux musulmans d'Andalousie et qu'on donnait généralement aux musulmans. C'est pourquoi lorsque les Espagnols ont colonisé les Philippines, ils ont appelé les musulmans des Philippines, les Mauros (los moros).

Curieusement, ce pays qui historiquement a été le berceau de deux grands empires africains et dont la contribution à l'histoire de l'Afrique est nul autre pareil, demeure pourtant l'un des moins connus actuellement. Pourquoi? La colonisation y a pour beaucoup contribué. Nous avons aussi notre part. Il nous est toujours difficile de parler de notre pays en bien. Pour nous cela peut revêtir une forme de vérité et on ne veut pas son pays. Dans tous les, s'il n'est pas sûr que mon pays soit le moins connu, c'est certainement le plus pauvre des cinq pays

C'est pourquoi j'aimerais, avant de parler un peu de mon pays, attirer votre attention sur ce cas. Je représente ici un pays pauvre qui a besoin d'aide et d'assistance davantage que tous les autres pays ou, en tout cas, comme la plupart des pays africains qui sont considérés actuellement, comme des pays dits de concentration dans le cadre de la politique étrangère du Canada et dont mon pays, malheureusement, n'a pas pu faire partie.

La Mauritanie est un pays pauvre qui s'étend sur une vaste partie du Sahara. Mon collègue d'Algérie vient de dire que le Sahara est le plus grand désert; il représente 90 p. 100 du territoire algérien et 95 p. 100 du territoire mauritanien.

Nous avons donc très peu de ressources en matière d'eau. Nous avons connu 30 années successives de sécheresse où il n'a pas plu. Tout ce qui a été fait dans mon pays a été fait par nous. La Mauritanie a été une colonie accessoire, si on peut dire, pour la France. Ce qui intéresse les Français, c'est que les Mauritaniens ne venaient pas au Sénégal ou au Mali pour intervenir, c'est-à-dire qu'ils ne créaient pas de problèmes dans les colonies sénégalaises ou maliennes, où les tribus mauritaniennes avaient l'habitude d'exercer une certaine autorité avant l'arrivée des Français. Ils ne s'intéressaient pas tellement aux territoires, c'est pourquoi rien n'a été fait dans mon pays. Ils n'avaient même pas de capital lorsqu'ils ont accédé à l'indépendance.

Notre capitale a été construite en 1957, lorsque nous avons accédé à une indépendance interne, soit à une autonomie interne. Le premier conseil de ministres qui a eu lieu chez nous s'est tenu sous une tente parce qu'il n'y avait pas d'édifice public, ni de bâtiment, ni de route.

Ce que nous avons actuellement, nous l'avons fait nous-mêmes. On ne tient pas cela de la colonisation. C'est vrai que la Mauritanie a fait beaucoup d'efforts. Quand on compare notre point de départ et là où nous en sommes actuellement — avec l'un des pays qui a un taux de croissance parmi les plus élevés en Afrique, qui varie entre 4,5 et 6 p. 100 chaque année, et malgré une dette énorme — je constate avec plaisir que nous faisons partie des 18 pays pour lesquels le G8 vient de déclarer qu'il va annuler la dette des institutions monétaires internationales. C'est un pas important, mais cela n'est pas suffisant.

La Mauritanie est aussi un pays multiethnique. J'ai signalé tout à l'heure qu'il y avait l'empire du Ghana. Nous sommes un pays multiethnique qui a été peuplé d'abord par des populations noires au moment où le Sahara était humide et c'était bien avant les 3000 ans ou 4000 ans avant l'ère chrétienne. Puis 2000 ans avant l'ère chrétienne, des tribus berbères du nord du Maghreb sont descendues en Mauritanie et se sont installées. Des tribus arabes les ont rejoint plus tard. Nous avons donc une population qui est à la fois africaine, berbère et arabe.

Nous avons quatre langues nationales, trois langues africaine et la langue arabe, en plus de l'usage du français qui est répandu et qui est très utilisé en milieu de travail en Mauritanie du fait de la colonisation.

Nous avons une population d'environ 3 millions d'habitants pour un territoire d'un million quelque 50 000 kilomètres carrés, c'est-à-dire dix fois moins que le Maroc en ce qui concerne la population et deux fois plus en ce qui concerne le territoire.

Nous avons des ressources assez consistantes en matière de minerai, notamment le minerai de fer qui est qualifié comme étant la meilleure qualité mondiale reconnue jusqu'à présent. Nous avons aussi des ressources en matière halieutique très importantes. Étant donné que nous n'avons pas la possibilité de contrôler efficacement nos côtes, nos ressources halieutiques font l'objet de pillage de la part de plusieurs compagnies de pêche venant de plusieurs pays, tels que la Corée, le Japon, la Russie.

Malgré cela, la pêche constitue la deuxième ressource pour le pays, après les minerais. La Mauritanie est un pays désertique, mais est reconnu comme étant l'un des plus grands pays qui possède le plus grand cheptel en Afrique. Nous avons un cheptel qui s'élève à quelque 12 millions de têtes. Si je prends cela en comparaison avec nos voisins marocains qui, pour 30 millions d'habitants ont 15 millions de têtes, la Mauritanie pour 3 millions d'habitants a 12 millions de têtes. Tout cela nécessite donc une aide accrue pour que la Mauritanie soit modernisée. On parle d'élevage primaire et intensif parce qu'il s'agit d'une population nomade. Les gens vont là où ils peuvent trouver de l'herbe et de l'eau. On n'est donc pas modernisés et on n'a pas de moyens financiers.

Voilà grosso modo quelles sont nos ressources principales : les minerais, les poissons et l'élevage.

La contribution du Canada au développement de la Mauritanie sur le plan bilatéral est pratiquement nulle. Le Canada contribue, par contre, dans le cadre du Programme de la mise en valeur du fleuve Sénégal qui est commun au Sénégal et au Mali. Le Canada est le plus grand contributeur dans le cadre de ce programme, ce qui a permis de construire, par exemple, deux grands barrages sur le fleuve Sénégal sur 150 000 hectares de terres irrigables. Nous avons pu viabiliser sur ces 150 000 hectares de terres irrigables 50 milles dollars, parce que les coûts sont très élevés. Avec cet argent, nous avons atteint un taux de 60 p.100 de nos exportations.

La denrée principale exportée par la Mauritanie est le riz. Nous sommes des grands consommateurs de riz. La production de riz couvre maintenant 60 p. 100 de nos besoins. Nous importons seulement 40 p. 100 avec les 50 000 hectares. C'est-à-dire que si nous avions la possibilité de pouvoir viabiliser ne serait-ce que 20 000 autres hectares, nous pourrions atteindre avec cette matière l'autosuffisance alimentaire.

Sur le plan politique, la Mauritanie est un pays qui a connu, comme la plupart des pays africains, un système de parti unique jusqu'en 1978 qui, à cause de la malheureuse guerre du Sahara occidental, il y a eu une période d'instabilité provenant d'une série de coups d'état militaires qui se sont terminés en 1984 par l'instauration du dernier coup d'état militaire qui a amorcé, et ce, bien avant la chute du mur de Berlin et bien avant la dislocation du bloc de l'Est, des étapes vers un système démocratique multipartisan.

Déjà en 1986, la Mauritanie a connu des élections municipales et régionales avec multiplicité de partis et multiplicité de candidatures. C'était donc avant les événements de 1989. En 1991, nous nous sommes dotés d'une constitution qui garantissait le système de multipartisme, les libertés politiques dans leur ensemble, la liberté d'expression sous toutes ses formes, les libertés de constituer des partis, de manifester. La Mauritanie est aussi le premier pays dans tous les pays arabes à avoir organisé des élections présidentielles avec multiplicité de candidatures. Cela a eu lieu en janvier 1992.

Nous avons renouvelé depuis le Parlement avec ces deux Chambres. La Mauritanie a été l'un des premiers pays à créer une chambre sénatoriale. C'est même le premier pays en Afrique subsaharienne à avoir créé le Sénat. Nous avons déjà renouvelé les Chambres à trois reprises. Il y a eu des élections présidentielles qui se sont déroulées aussi à trois reprises avec multiplicité de candidatures.

Je ne conclurai pas en disant que nous avons un système parfait. C'est un système qui en est à ses débuts. Nos citoyens commencent à s'habituer à l'élection et au poids de chaque vote. C'est avec la répétition des élections que le système démocratique finira par s'implanter définitivement. Votre pays est doté d'une vielle démocratie et on constate, de temps en temps, des imperfections. C'est le cas de la Mauritanie qui commence et émerge dans ce système.

Je veux dire aussi que la Mauritanie est un pays relativement stable — je ne sais pas si vous avez appris que nous venons d'être agressé, le 4 juin, par un groupe terroriste qui avait sévit en Algérie. Personne n'est donc à l'abri des actes terroristes. La Mauritanie est un pays stable qui a connu des problèmes parce que c'est le pays qui a été le moins préparé à la vie moderne et pour lequel la colonisation n'a rien fait.

Nous sommes depuis longtemps une population nomade à l'écart de la modernité, et nous sommes entrés seuls, dans un système moderne. Nous essayons de faire des efforts pour que la Mauritanie entre de plain-pied dans l'État.

Notre pays a un commissariat pour lutter contre la pauvreté et nous avons constaté qu'avec l'instauration de ce commissariat, le niveau de pauvreté a sensiblement diminué de l'ordre de 16 p. 100. Nous avons constaté, par contre, que le revenu par habitant a progressé de l'ordre de 22 p. 100. Notre pays essaie, dans le calme, dans la tranquillité et dans le cadre de la coopération pacifique avec les autres pays, d'avancer, de faire son petit bout de chemin tout seul. Il n'est pas très connu et ne bénéficie pas de beaucoup d'aide internationale. J'ai signalé que nous recevions, sur le plan bilatéral, peu d'aide de la part du Canada parce que la Mauritanie n'est pas un pays que j'appellerais un pays vedette. Il y a de ces pays qui sont connus et qui bénéficient d'une publicité de par le monde. Nous, nous étions en marge de la société. Nous venons d'y entrer depuis l'indépendance et jusqu'à présent, nous gagnons à être connus pour pouvoir, nous aussi, bénéficier de l'aide alors que nous en avons besoin beaucoup plus que d'autres pays.

[Traduction]

Son Excellence M. Ahmed Ali Jarrud, ambassadeur de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste au Canada : Honorables sénateurs, je suis extrêmement heureux de comparaître à votre honorable comité. Je vais commencer par vous donner quelques informations sur la Libye que vous connaissez tous bien.

La Libye est un pays situé au Nord de l'Afrique et sur la côte sud de la Méditerranée. Elle a un territoire de 1 800 000 kilomètres carrés et une population d'environ cinq millions d'habitants. La côte méditerranéenne de la Libye est d'environ 2 000 kilomètres de long. Je suis fier de dire que la Libye est un des pays les plus sûrs et les plus stables du continent.

La Libye coopère avec la communauté internationale à la lutte contre le terrorisme et a pris l'initiative courageuse d'abandonner son programme d'armes de destruction massive.

Comme les honorables sénateurs le savent, la Libye a d'excellentes relations avec le Canada. De nombreuses familles libyennes connaissent bien le Canada car de nombreux Libyens ont fait leurs études dans les universités canadiennes. Le Canada est un pays où les Libyens aiment bien venir en visite ou faire des études. Nous sommes convaincus que nos relations avec le Canada vont continuer de s'améliorer, surtout après la visite du premier ministre à Tripoli l'an dernier.

Je n'avais pas l'intention de vous parler de la Libye car je voulais me concentrer sur notre politique en Afrique. J'ai communiqué à l'honorable comité des informations sur notre rôle, nos efforts et notre politique en Afrique, et tout particulièrement en ce qui concerne la question du Darfour qui est très importante pour nous et pour les Canadiens. Je vais aborder brièvement ce que nous faisons en Afrique, pour compléter les documents qui vous ont été remis.

Les honorables sénateurs savent que la Libye est une partie importante de l'Afrique avec laquelle elle a d'importantes relations sur les plans économiques, politiques et humains. Vous connaissez certainement la réputation qu'a acquise le col Gadhafi en Afrique, notamment en apportant la stabilité dans cette région et en contribuant à résoudre des conflits entre pays africains. Il a été nommé coordonnateur de la paix en Afrique par certaines organisations africaines.

La Libye apporte une aide économique importante à divers pays africains pour aider ses frères africains à surmonter leurs difficultés économiques, notamment ceux qui sont plongés dans des conflits armés. Nous en citons plusieurs exemples dans le document que nous avons remis aux honorables sénateurs.

Au mois de mai, il y a eu un mini sommet à Tripoli sur la question du Darfour. Avant ce sommet, il y avait eu une réunion à Tripoli avec les tribus rivales, notamment les dirigeants des tribus du Darfour. Cette réunion a été un succès. Toutes les parties concernées ont accepté un cessez-le-feu et sont convenues de travailler ensemble à un règlement des problèmes du Darfour.

La Libye est un pays voisin du Soudan et il y a des relations tribales. Nous avons ouvert nos ports et nos aéroports pour permettre à l'aide humanitaire de passer par notre territoire en franchise de droits. En juin dernier, nous avons signé une entente à ce sujet avec le programme alimentaire mondial. Nous encourageons aussi les pays comme le Canada à passer par la voie de la Libye car elle est sûre et elle permet d'acheminer directement l'aide humanitaire.

Nous coordonnons nos activités avec le Canada au sujet du Darfour, qui nous préoccupe beaucoup. Nous apprécions tout ce que le Canada a fait et tout ce qu'il a proposé jusqu'ici à l'égard du Darfour. Nous l'encourageons à apporter plus d'aide à cette région du Darfour. Nous encourageons le Canada à nous aider et à aider d'autres nations à surmonter la pauvreté, la maladie et tous les autres problèmes de l'Afrique. Nous aussi, comme vous le savez, nous souffrons de la pauvreté en Afrique.

Notre pays a été utilisé par des immigrants illégaux — des centaines de milliers d'Africains qui émigraient illégalement vers l'Europe. Nous avons récemment conclu une entente avec l'Union européenne à ce sujet, mais toutes les mesures que nous pouvons prendre du côté de la Libye et du côté de l'Europe ne peuvent pas enrayer cette migration illégale. La solution, c'est d'investir plus, de participer massivement au programme de développement et de mettre sur pied des projets de développement en Afrique pour freiner et arrêter cette immigration illégale. Monsieur le président et honorables sénateurs, je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

Le président : Merci.

[Français]

Le sénateur Prud'homme : Je suis très heureux que vous soyez ici aujourd'hui. Comme la vérité a toujours ses droits, je vous dirai que je favorisais une étude des relations entre le Canada et le monde arabe. Je me suis rangé du côté de la décision majoritaire du comité d'étudier l'Afrique, car immédiatement je me suis souvenu que vos cinq pays font tout de même partie de l'Afrique. Je savais donc qu'éventuellement nous finirions par nous retrouver.

Deuxièmement, je vous encourage à ne pas hésiter, dans vos questions, à être durs, implacables, charmeurs, puisque, actuellement, à travers tout le Canada on pourra vous écouter. Je prends donc l'engagement public de distribuer vos textes que vous avez déposé ici aujourd'hui et qui, à mon avis, aident à mieux comprendre l'Afrique du Nord.

Vous remarquerez les caméras qui enregistrent la présente réunion. J'aimerais vous indiquer, afin d'être clair, que vous aurez une copie de cet enregistrement, si vous le désirez, et je m'engage à faire en sorte que vous en ayez une le plus tôt possible. Il ne faut donc pas hésiter à rendre nos échanges les plus vigoureux possible.

Cela fait plus de 20 ans que nous avons touché à cette question, au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères. Je suis heureux de voir mon collègue ici présent, lequel fut très actif dans le domaine et avec qui je suis en profond désaccord sur certaines interventions d'il y a 20 ans, car elles durent encore.

Revenons à l'Afrique. Je ne veux pas poser de questions en particulier.

[Traduction]

Je tiens à ce qu'il soit consigné au compte rendu que je suis enchanté de voir l'ambassadeur de la Libye. Je sais que vous serez consterné de l'entendre, mais je tiens à ce que cela figure au compte rendu. Je voudrais presque vous présenter mes excuses pour les problèmes énormes que vous avez eus à ouvrir votre ambassade à Ottawa. Je remercie le Seigneur de m'avoir donné assez de force pour prendre les mesures nécessaires pour vous permettre d'ouvrir cette ambassade à Ottawa et d'établir des relations avec Ottawa à une époque difficile. Les pressions étaient tellement énormes que vous ne réussissiez même pas à trouver un appartement à Ottawa. Je suis intervenu. C'est un grand succès et vous êtes maintenant le peuple le plus populaire. Je ne m'inquiète pas pour vous. Toutefois, il y a un commencement à tout et je tiens à ce que ceci figure au compte rendu.

Votre Excellence, vous avez abordé un dossier fort chargé qui intéresse mes collègues, celui du Darfour. Assez curieusement, mes autres collègues sont tous intervenus en français, mais je vais m'adresser à vous dans une langue neutre, l'anglais, et ensuite je reviendrai au français. À propos du Darfour, tous vos collègues nous ont dit : « Accompagnez-nous. » J'aimerais vous accompagner. Vous avez ouvert la porte à cette possibilité pour le Canada. Puisqu'il est maintenant kascher d'avoir de bonnes relations avec la Libye, j'aimerais voir le genre de propositions que vous seriez prêts à soumettre au Canada pour que le Canada et la Libye entreprennent un projet conjoint, puisque vous connaissez bien la situation et que vous êtes situé tout près. C'est vous qui avez ouvert cette porte. Je vous serais donc reconnaissant de développer un peu cette idée pour permettre à mes collègues de profiter de votre expérience.

[Français]

J'aimerais réitérer à Son Excellence l'ambassadeur du Maroc que la promesse que je lui ai faite de reconstituer l'Association parlementaire Canada-Maroc est en voie de se réaliser. Même si le Parlement s'ajourne et qu'il n'y a pas d'élection, il faudra que cela se fasse.

Vous avez dit : « Accompagnez-nous ». Pourriez-vous nous dire comment vous, pays de l'Afrique du Nord et pays arabes, pourriez nous accompagner, le Canada, dans notre politique étrangère en Afrique?

Actuellement, on nous parle que de grandes crises mondiales, presque d'antisémitisme, ce qui pourrait nuire à des relations harmonieuses. Je parle aussi des dangers de l'islamophobie qui, à mon avis, se répand à vive allure. Cette tendance est plus dangereuse que toute autre maladie mortelle qui puisse toucher le cœur de l'homme. Je tiens à le souligner, il faut que vous nous impressionniez du danger que cela peut poser dans les relations avec l'Afrique. Est-ce possible d'avoir de bonnes relations avec l'Afrique si la paix n'existe pas dans cette partie du monde?

Tout commence avec la paix. Pour faire du commerce, il faut de la tranquillité. Pour avoir la tranquillité, il faut de la connaissance et avoir le sens du partage et du partenariat. Ma question s'adresse tout d'abord à monsieur l'ambassadeur.

[Traduction]

M. Jarrud : Je suis reconnaissant au sénateur Prud'homme de l'aide qu'il nous apportée pour nous permettre d'ouvrir notre ambassade. Nous avons eu du mal à trouver un endroit pour cette ambassade mais, grâce à Dieu, nous avons enfin une ambassade à Ottawa. Après près de 30 ans pendant lesquelles nous n'avons pas eu de présence ici, nous avons maintenant des représentants résidant à Ottawa et à Tripoli. Je suis touché par les remarques de l'honorable sénateur.

Le Darfour est un problème important et délicat. Le Soudan est notre voisin. La Libye a participé il y a longtemps au processus de paix au Soudan entre le gouvernement du Soudan et le Front populaire de libération du Soudan. La Libye et l'Égypte ont proposé un plan de paix. Malheureusement, ce plan de paix a échoué en raison de pressions qui se sont exercées de l'extérieur pour empêcher l'adoption de la formule proposée par la Libye et l'Égypte, pour des raisons liées à la guerre froide et aux années de tension, etc. La situation a maintenant complètement changé. Le Darfour demeure un problème délicat. Il faut reconnaître que le gouvernement du Soudan a agi de façon maladroite dès le début. Maintenant que le problème a pris une dimension internationale, le gouvernement du Soudan se rend compte qu'il faut prendre la question au sérieux et qu'il doit participer avec l'Union africaine à la recherche d'une solution à ce problème.

Nous apportons une aide humanitaire par le biais de nos relations avec les dirigeants des tribus. Il y en a dans le sud de la Libye et d'autres dans l'est du Tchad. C'est une relation complexe. Nous avons noué d'excellentes relations avec toutes les parties prenantes au Darfour. Ces relations nous permettent de jouir de la crédibilité et de la confiance nécessaires pour contribuer de façon positive à résoudre cette question.

Le récent sommet de Tripoli, du 16 au 18 mai, a été un succès. J'ai la déclaration finale de ce sommet. Trois ou quatre jours avant, il y a eu une importante rencontre des dirigeants des tribus, du Mouvement pour la justice et l'égalité du Darfour et des représentants du gouvernement. Tous les participants sont convenus d'un cessez-le-feu et ont décidé de travailler ensemble à résoudre ce problème. Cette réunion a été une ouverture. Certains de ces dirigeants de tribus ont assisté au sommet et rencontré les présidents des pays qui y participaient. Il s'agissait du Nigeria, en tant que président de l'Union africaine, de l'Égypte, du Tchad et de la Libye. Seule cette question a été abordée. L'Union africaine fait un travail admirable au Darfour pour essayer d'y établir la paix et la sécurité. Il faut que tous les pays concernés appuient les efforts de l'Union africaine et lui apportent toute leur aide. Mais il est difficile d'accepter une intervention étrangère. C'est là le problème. Le gouvernement du Soudan affirme qu'il s'agit d'une intervention étrangère alors que le Darfour fait partie du territoire souverain du Soudan.

Pour trouver une solution, il faut concentrer notre aide sur l'Union africaine. Elle a besoin d'aide pour faire son travail. Si elle peut recevoir l'aide nécessaire, nous pourrons, nous les nations africaines, jouer un rôle important pour régler cette question.

[Français]

M. Yousfi : J'aurais quelques réponses à donner au sénateur Prud'homme à sa question sur ce que nous pouvons faire et ce que nous pouvons proposer de façon à ce que l'on puisse éventuellement trouver, ensemble, des solutions aux multiples problèmes présents en Afrique.

En ce qui concerne l'Algérie, nous nous considérons comme Africains et nous sommes Africains. Dès notre indépendance, en 1962, nous avons aidé tous les pays qui n'étaient pas indépendants à se libérer du colonialisme. Nous avons aidé aussi bien l'Angola que le Mozambique, le Cap Vert que l'Afrique du Sud.

Je voudrais vous rappeler que M. Mandela était en Algérie, à la veille d'être arrêté et de passer la plus grande partie de sa vie en prison. S'il y a des pays qui connaissent très bien l'Afrique subsaharienne, ce sont les pays maghrébins, de la Mauritanie au Maroc, de la Tunisie à l'Algérie.

L'Algérie a accueilli des milliers d'étudiants africains. Nous sommes intervenus dans beaucoup de pays africains aux niveaux économique et social. Nous sommes même intervenus militairement pour aider un certain nombre de pays comme le Nigeria au moment de la sécession, des tentatives de sécession et des débuts de guerre civile qu'il y avait au Nigeria à certains moments.

Nous avons travaillé en excellent partenariat avec les États-Unis et l'Union européenne pour trouver une solution au conflit entre l'Éthiopie et l'Érythrée.

Nous connaissons les problèmes africains, nous connaissons la manière de régler les conflits en Afrique. La question du Darfour, telle qu'elle est posée, mérite réflexion de votre part. Il faudrait voir si un partenariat pourrait être établi entre les pays d'Afrique du Nord, le Canada et un certain nombre de pays afin de trouver une solution à ces conflits.

Ce n'est pas par des interventions étrangères qu'on pourra régler le problème ni par des pressions extérieures qu'on pourra trouver une solution à des problèmes aussi sensibles que ceux-là.

L'Organisation de l'union africaine essaie de faire le maximum et elle trouvera une solution, pour peu qu'on veuille l'aider. Il suffit que la communauté internationale veuille effectivement aider parce que c'est un problème humain dramatique. Il y a le problème de transport des troupes, l'approvisionnement et l'alimentation des forces de maintien de la paix. Il y a toute la logistique dans laquelle vous pouvez aider, non seulement vous, les Canadiens, mais également les membres de la communauté internationale.

Ce que nous ne voulons en aucun cas, c'est une intervention étrangère au Soudan qui mette en danger sa souveraineté et son intégrité territoriale. Nous ne le voulons pas et nous considérons que ce n'est pas de cette manière qu'il convient de régler la question. Nous pouvons le régler et vous pouvez aider les pays africains à régler ces questions par un soutien logistique.

Les 190 millions de dollars qu'a donnés le Canada sont extrêmement utiles et très appréciés. La proposition d'offre de soutien logistique est appréciée, et je crois qu'il y a possibilité de trouver des partenariats, non seulement pour le conflit qu'il y a aujourd'hui au Darfour, mais également dans les autres régions où il y a des conflits, que ce soit au Liberia, en République démocratique du Congo, ou pour arrêter définitivement les étincelles qui peuvent surgir du jour au lendemain dans les conflits entre l'Éthiopie et l'Érythrée, ou d'autres conflits.

Nous pouvons travailler ensemble, Canadiens, Maghrébins et d'autres membres de la communauté internationale, pour trouver des solutions à cette question. J'irai un peu plus loin en matière de coopération. En ce qui concerne la coopération économique, culturelle et scolaire, nous avons une très grande expérience dans les relations avec l'Afrique subsaharienne. Nous pouvons créer ensemble des partenariats pour apporter une aide aux pays africains qui en ont besoin.

Nous avons établi cette coopération depuis de très longues années. Nous avons l'expérience et les capacités également pour le faire. Nous pouvons apporter notre expérience dans la formation de ce partenariat.

[Traduction]

M. Tangi : J'aimerais réagir tout d'abord à la proposition du sénateur Prud'homme. Je suis heureux de constater qu'il va pouvoir créer le groupe parlementaire...

Le sénateur Prud'homme : « Reconstituer ».

M. Tangi : Reconstituer le groupe d'amitié parlementaire Canada-Maroc. Il est urgent de le reconstituer. J'aimerais inviter ses membres à se joindre au président du Sénat, M. Hays, qui a eu la gentillesse d'accepter une invitation officielle de son homologue marocain à se rendre en visite au Maroc cet automne.

Monsieur le président, il existe deux façons de collaborer. On peut tout d'abord travailler avec les pays du Magreb, l'Algérie, la Tunisie, le Maroc, la Libye et la Mauritanie, pour terminer le travail que nous avons entrepris. Prenez par exemple notre pays, le Royaume du Maroc. Nous sommes une démocratie en transition. L'image du Canada dans notre pays est bien plus importante que vous ne l'imaginez. C'est l'image d'un pays idéal, d'une authentique démocratie multiculturelle et pluriethnique. Je crois que votre expérience nous sera utile pour savoir si nous faisons les choses correctement. Mais nous aurons aussi besoin d'indulgence si parfois nous ne progressons pas aussi vite qu'on pourrait le souhaiter, sachant qu'il a fallu presque 1 100 ans aux démocraties parlementaires occidentales pour en arriver où elles sont aujourd'hui, alors qu'on nous demande d'accomplir le même chemin en quelques années seulement.

En ce qui concerne le développement économique et social, vous nous avez demandé d'être très francs avec vous. Permettez-moi alors d'être très franc. Je pense qu'il a été prouvé qu'on ne peut pas avoir une approche sectorielle ou à l'emporte-pièce. Le développement socio-économique a été défini à la fin des années 60 comme étant le mouvement ascendant de tout le système social. En effet, il ne concerne pas uniquement des secteurs comme l'éducation, la santé et l'emploi; c'est un ensemble indivis. De même, il ne concerne pas uniquement un certain nombre de pays dans une région donnée. En se développant, les pays attireront des problèmes comme l'immigration illégale et je ne sais quoi d'autre.

Il s'ensuit que nous pourrions nous concentrer sur des questions en particulier, mais il faut le faire dans une perspective globalisante. Dans mon pays, j'ai un petit jardin à l'arrière de ma maison. J'ai voulu utiliser des pesticides, mais le jardinier qui me donnait un coup de main m'a dit : « Monsieur Tangi, avant de le faire, veuillez vous assurer que tous les voisins le font aussi. À quoi bon chasser les moustiques de votre jardin s'ils se retrouveront partout ailleurs. » Ce qui est en cause, donc, c'est tout le continent. Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire. Nous devons nous attaquer aux problèmes de l'ensemble du continent.

Surtout, nous devons réfléchir aux problèmes spécifiques aux pays du Maghreb, lesquels ont été qualifiés par mon voisin, ambassadeur de Tunisie, comme étant des pays émergents. Bien entendu, nous commençons déjà à nous relever sur nos pieds. Nous avons besoin de transferts de la technologie dans tous les domaines. Nous avons besoin également d'investissements, notamment dans les industries axées sur l'exportation.

Enfin, la dernière question, et non la moindre, est celle de la sécurité dont tout le monde parle ces jours-ci. Nous sommes les premières victimes du terrorisme. C'est le cas dans tous nos pays. C'est pourquoi je voudrais attirer votre attention sur ce que j'ai dit dans mon mémoire. Nous devons forger une alliance objective de tous nos pays. Le terrorisme n'a pas de religion, ni de race, ni de lieu pouvant lui être rattaché. Dans mon pays, le Royaume du Maroc, nous pensions être à l'abri du terrorisme. Or, les événements de mai 2003 au Maroc — notre 11 septembre à nous — nous ont sortis de notre léthargie. Je tiens à souligner cela en particulier, car nos jeunes démocraties sont menacées par ces extrémistes et ces mouvements terroristes. En fait, ceux-ci utilisent tous les outils de la démocratie pour faire tomber ou déstabiliser les régimes démocratiques que nous tentons d'instituer dans nos pays.

S'agissant de la question soulevée par mon collègue de l'Algérie, le partenariat tripartite entre nos pays et le Canada pour le développement de l'Afrique subsaharienne s'avère aussi un outil très efficace. Nous avons déjà tenté l'expérience de la coopération tripartite avec des pays très loin de l'Afrique, notamment le Japon et la Chine. Nous avons connu de francs succès dans les domaines des pêches, de la construction routière, de la santé, de l'éducation et dans bien d'autres domaines où nous avons mobilisé nos ressources. L'expérience, d'une part, et l'accès à des ressources financières et techniques des autres pays ont rendu service à notre continent. Je vous remercie, monsieur le président.

[Français]

M. Saad : Voilà des questions intéressantes. Le sénateur Prud'homme m'a posé plusieurs questions en une seule.

Le sénateur Prud'homme : Cela évitera d'étudier pendant un an les relations au Moyen-Orient.

Le président : Je vous ferais remarquer que le Maghreb n'est pas le Moyen-Orient, sénateur Prud'homme.

M. Saad : Vous avez même débordé sur l'Afrique. J'en conviens, le sénateur Prud'homme a posé des questions importantes et intéressantes à la fois. La stabilité et la sécurité sont des données essentielles pour le développement, car il ne peut y avoir d'avancées sérieuses et significatives en matière de paix sociale ou de stabilité sans le développement.

Nous avons un cas qui n'est pas très loin de nous, le cas de Haïti. Je crois que le Canada a toujours fait son devoir envers Haïti. Le Canada a toujours été parmi les Premières nations à aider Haïti. Le Canada l'a fait et il continue à le faire.

Je crois que le premier ministre, le jour de la présentation de la nouvelle revue de politique étrangère, a justement soulevé ce cas en disant que, sans stabilité, il ne peut pas y avoir de développement et il ne peut pas y avoir de progrès social. J'allais dire que la stabilité est en fait une condition sine qua non pour le développement qui, lui-même, génère la démocratie.

Les pays du Maghreb, à mon sens, sont à la fois une partie du problème, mais également une partie de la solution. Une partie du problème car nous sommes des pays africains et nous faisons donc partie de cette Afrique qui nous pose tant de problèmes aujourd'hui.

Je peux vous dire, en tant que représentant d'un pays à la fois arabe, africain et musulman, que tous les jours je dois relever un triple défi pour convaincre, pour chasser le doute et pour accompagner et rassurer beaucoup de nos interlocuteurs.

À partir du moment où nous disons que la Tunisie est un pays musulman, tout de suite il y a certaines images qui émergent, quoique la Tunisie a toujours été un pays connu pour sa modération, sa culture modérée et son ouverture. Ce sont des images et des stéréotypes.

Quand on parle de pays arabes, automatiquement on va penser à certaines images qu'on voit à la télévision et qui font peur. Quand on parle de l'Afrique, il y a également ces images qui surgissent à la télévision; l'Afrique c'est la misère, c'est le VIH. Tous les jours que le bon Dieu fait, nous sommes appelés à travailler et à combattre sur au moins trois terrains différents.

Quelles relations aujourd'hui pourrions-nous avoir avec le Canada? Comment le Canada envisage et voit sa relation avec le Maghreb? Pourtant, je dois dire et répéter que le Canada est certainement le pays qui a fait le plus pour les pays du Maghreb.

Durant ces 50 dernières années, nous avons pu tisser des liens que je qualifierais sans hésitation de durables. Il serait dommage aujourd'hui que des pays comme nous, amis du Canada, attachés au Canada, que ces pays émergents de l'Afrique, ne soient pas pris en compte par la nouvelle revue de politique étrangère. On nous dit : vous êtes des pays émergents, maintenant volez de vos propres ailes.

Que peut-on faire de nous? Je pose la question parce que nous sommes attachés au Canada et nous pensons que nous pouvons travailler ensemble, en Afrique précisément. Nous pensons que les pays d'Afrique du nord constituent une locomotive pour apporter le progrès et le répandre en Afrique. Peut-on imaginer le Canada sans Montréal, Toronto ou Vancouver? Je vous pose la question, honorables sénateurs.

Nous avons la connaissance du terrain, de la culture et nous avons développé, chemin faisant, un savoir-faire et une expertise. Je peux vous dire que malgré les moyens très modestes de tous les pays du Maghreb — je ne suis pas venu pour parler de la Tunisie aujourd'hui; j'en parle incidemment. Mais si par hasard on a des questions à me poser sur la Tunisie ou s'il est possible qu'on puisse à un autre moment parler de l'expérience tunisienne, je suis disposé à le faire.

Je pense que nous avons développé une expertise dans tous les domaines tels, l'éducation et la santé. Comme vient de le dire mon collègue, M. Tangi, le développement est un tout indivisible.

Par exemple, en matière de contrôle des naissances ou de planification des naissances, vous connaissez l'expérience tentée en Chine et en Inde. On a essayé d'imposer à des familles une procréation programmée en leur disant qu'ils avaient droit à un enfant. Cela n'a pas marché. Cette méthode coercitive a non seulement causé des traumatismes, mais elle n'a pas marché.

En Tunisie, en revanche, nous avons entamé cette politique en 1960. La politique de la planification des naissances a commencé à donner des résultats 40 ans après. Ce n'est pas par la force de la législation ou la force de l'État, mais par la persuasion et par l'éducation; parce que les femmes ont fini par comprendre, et surtout les filles qui habitent loin dans les zones rurales qui ont été scolarisées. Ces jeunes filles ont fini par comprendre, après avoir été à l'école et à l'université, qu'il y va de leur intérêt et de leur bien physique et intellectuel de ne pas avoir beaucoup d'enfants.

Le sénateur Prud'homme : Et les garçons...

M. Saad : Les garçons bien sûr, mais surtout les jeunes filles. Les femmes, c'est très important dans la société puisqu'elles forment plus de 50 p. 100 de la population. Si on tire un trait sur les femmes dans n'importe quelle société, soyez sûr qu'aucune société n'accepterait d'être unijambiste et le résultat serait connu.

C'est donc comme cela, en s'attaquant à tous les secteurs de la société, et surtout en éduquant les femmes et les hommes, qu'aujourd'hui le taux de croissance démographique en Tunisie est de l'ordre de plus ou moins 1. C'est le résultat, comme l'a dit mon collègue marocain, d'une politique globale qui a permis d'atteindre ce résultat. Nous avons donc une certaine expertise et nous pouvons travailler ensemble.

Cela commence par la concertation et cela finit par le partenariat. Tous ensemble — c'est ce que nous avons coutume d'appeler la coopération tripartite — nous pouvons travailler et porter le bon message et la bonne parole dans les pays africains.

Le président : Il est déjà 18 h 40 et d'autres sénateurs désirent poser des questions. Je serai donc un peu plus conscient du temps qui passe.

[Traduction]

Le sénateur Prud'homme : Rappel au Règlement. Je voudrais simplement vous mettre à l'aise, sachez que chaque ambassadeur n'a pas besoin de répondre à chaque question. Une réponse pourrait suffire. Cela dit, je ne voudrais pas empiéter sur le temps des autres.

Le président : Je comprends. C'était inévitable, sénateur Prud'homme. C'était aussi inévitable que demain sera je ne sais quel jour.

[Français]

M. Ben Deddach : Je dirais que la première des choses que nous pourrons demander aux honorables sénateurs présents est de contribuer éventuellement par une action soutenue auprès du gouvernement du Canada, afin de corriger certains aspects de la revue de la politique étrangère quand elle arrivera à son terme, c'est-à-dire quand il y aura une prochaine revue de la politique étrangère.

Le Canada est un grand pays contributeur qui a un rôle important à jouer dans le monde et qui a un rayonnement extraordinaire dans chacun de nos pays. À tel point que nous sommes submergés de demandes de sollicitations d'étudiants qui veulent venir poursuivre leurs études ici au Canada, tellement ce pays est bien vu et bien apprécié chez nous. Éventuellement, vous pourriez faire observer qu'il est quand même étonnant, à la lumière de ce que je viens d'énoncer, que le Canada ait pu négliger tout un ensemble de pays du Maghreb.

Si je me limite à l'ensemble du Maghreb, par exemple, pour ne pas dire l'ensemble des États de la ligue arabe, on remarque qu'aucun ne figure parmi les 25 pays de concentration du fonds d'aide du Canada. Cela constitue, à mon avis, un point concret.

Mes collègues se joindront sans doute à moi pour solliciter votre appui lors de la prochaine révision de la politique canadienne des affaires étrangères. Loin de moi l'intention de critiquer la politique du gouvernement canadien. Le Canada est tout à fait souverain d'estimer l'ordre de ses priorités en fonction du moment. Toutefois, nous pensons que cette partie du monde mérite un intérêt, ne serait-ce qu'en prenant un ou deux États pour faire partie des pays de concentration — et je plaiderai pour mon pays qui en a tant besoin.

Le président : Nous allons étudier la nouvelle politique. On discute d'ailleurs du moment où cette étude se fera. C'est une question de temps.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino : Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue à tous ici. Nous avons eu l'occasion de discuter il y a plusieurs semaines, et je suis ravi de vous revoir ici. Merci d'être venus.

J'ai quelques brèves questions à poser. En faisant ma recherche, j'ai été surpris d'apprendre que les relations entre vos cinq pays et notre pays au chapitre du commerce et de l'investissement sont très faibles — étonnamment faibles. Franchement, outre le fait que le Canada gagne énormément de l'immigration provenant de vos pays, nous devons trouver un moyen de faire davantage, étant donné toutes les raisons que vous venez d'évoquer, et que je ne vais pas répéter. Voilà en guise de commentaire bref.

J'ai deux questions. Je vais les poser toutes les deux, et à vous de décider qui veut y répondre.

Le président : Voulez-vous les adresser à un témoin en particulier?

Le sénateur Di Nino : Pas forcément.

Le président : Il serait utile que vous le fassiez.

Le sénateur Di Nino : Merci, monsieur le président. Disons les deux premiers témoins.

Nous parlons de l'échec essuyé par les pays qui sont allés à l'aide de l'Afrique. Nous nous sommes entretenus avec une centaine de témoins jusqu'à présent, et je pense qu'une conclusion générale s'impose : nous avons échoué dans nos tentatives d'aider le continent. Nous avons entendu un éventail d'opinions différentes sur le pourquoi de cet échec, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez, notamment à deux chapitres. Quel rôle les Nations Unies devraient-elles jouer, et le cas échéant, dans quelle mesure, dans la gestion des problèmes avec lesquels l'Afrique est aux prises aujourd'hui? D'autre part, nous entendons constamment dire que l'intervention du Fonds monétaire international, le FMI, et de la Banque mondiale a été, et je pense que c'est le cas, catégoriquement rejetée par les pays de l'Afrique subsaharienne qui ont témoigné devant nous, à tel point que la plupart d'entre eux ont laissé entendre que l'intervention était négative plutôt que positive.

[Français]

M. Yousfi : Je ne crois pas que le niveau du commerce soit faible, en comparaison à d'autres régions. Le niveau d'échanges commerciaux entre nos pays et le Canada est quand même relativement important. Avec l'Algérie seule, les échanges dépassent les 3 milliards de dollars US, ce qui n'est pas négligeable.

Deuxièmement, je ne suis pas tout à fait convaincu du point que vous soulevez à l'effet que l'aide au continent africain semble avoir échoué. Il faudra y réfléchir ensemble. Mes collègues peuvent témoigner que l'aide du Canada à nos pays, dans des secteurs précis tels celui de la formation professionnelle et de l'aide au secteur privé, furent un succès. Cette aide a contribué de façon significative à faire progresser certains domaines. L'aide qu'a apporté le Canada, par exemple, pour la transformation de l'économie ou dans les périodes de transition économique, n'a pas été un échec. Au contraire, elle a eu des effets positifs.

Mon collègue M. Mohamed Tangi a parlé du transfert de technologie. Quand l'aide est bien étudiée et bien ciblée avec des partenaires qui participent, elle est un succès. Toutefois, si on va dans des pays où on ne sait pas dans quel domaine il faut intervenir, l'aide peut être voué à l'échec. Ce partenariat triangulaire dont on parlait peut être une solution.

L'ampleur des problèmes en Afrique quelques fois s'avère si considérable que l'aide peut ressembler à une goutte d'eau dans l'océan. Il faut alors que cette goutte soit un peu plus grosse et qu'elle cible particulièrement l'endroit où elle peut tomber pour fertiliser la terre. Il faut qu'elle tombe sur l'oasis pour le fertiliser. Une petite goutte d'eau dans l'océan sera effectivement peut être perdue.

Je ne suis pas tout à fait d'accord que tout ce qui a été fait est nécessairement un échec. Je sais que plusieurs ONG prétendent que l'aide apportée tombe, en tout ou en partie, entre des mains entachées de corruption. Il est possible que cela arrive.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino : Permettez-moi de préciser mon propos. Je ne parlais pas vraiment de la contribution du Canada, mais celle de la communauté mondiale. Ce n'est pas mon opinion que j'exprime. C'est plutôt celle d'un grand nombre de témoins qui semblent en fait s'accorder pour dire que le problème de la pauvreté est pire aujourd'hui qu'il y a 50 ans. La moitié des pays qui réussissaient jadis à nourrir leurs populations dépendent aujourd'hui de l'aide alimentaire pour leur survie. Je parlais donc du monde entier plutôt que du Canada comme tel, car je suis d'accord avec vous pour dire que le Canada a probablement été plus efficace que la plupart.

[Français]

M. Saad : Je crois effectivement qu'il s'agit d'une question importante. Je ne pense pas que le Canada soit en cause. Le Canada, comme d'autres pays contributeurs, ont beaucoup aidé l'Afrique. J'ai visité plusieurs pays d'Afrique, et le problème, à mon sens, est un problème de gestion. A-t-on les capacités de bien gérer la chose publique et les deniers publics? Voilà toute la question. Si vous avez ces capacités, vous allez réussir. Et je pense que les pays d'Afrique du Nord sont un bon exemple. C'est pourquoi on considère nos pays comme ayant des revenus intermédiaires et comme étant des pays émergents. Si vous vous penchez sur l'utilisation de l'aide canadienne, vous constaterez qu'elle a été bien utilisée. Elle fut très utile et nous a permis d'avancer.

Mais l'aide nécessite la bonne gouvernance également. Elle nécessite les cadres nécessaires pour la mise en place et l'exécution des programmes de développement.

Quant aux relations économiques entre le Canada et l'Afrique du Nord, si je m'en tiens à la Tunisie, nos échanges se situent, dans les deux sens, à peu près à 500 millions de dollars.

Le président : Les échanges?

M. Saad : C'est cela, les échanges entre les deux pays.

C'est un bon exemple de réussite parce que nos pays sont sortis de la logique de l'aide, de l'assistance à une autre logique, celle du partenariat qui est basé sur les deux piliers, les deux notions de commerce et d'investissement. Vous avez fait votre part en ce qui a trait au commerce. Je crois que ce n'est que justice. Nous avons été aidés par le Canada. Aujourd'hui, nous avons les moyens de commercer. Nous avons donc déjà un pied dans cette nouvelle logique, dans cette nouvelle relation de partenariat. Il reste maintenant l'investissement. Et l'investissement, on ne le voit pas venir. Il faudrait que nos amis canadiens, que le secteur privé canadien, que les entreprises canadiennes regardent un peu de l'autre côté, du côté de l'Afrique. Je crois que nous sommes prêts à engager cette nouvelle relation et déjà, nous avons des histoires à succès d'entreprises qui ont été réalisées dans le cadre du partenariat et qui fonctionnent.

Nous pouvons donc voir sur le terrain des expériences réussies de ce nouveau type de relation qui est en train de se mettre en place et qui prendra un peu de temps. Nous sommes en train de changer de logique. Nous sommes en train de changer de comportement, de mentalité. Et le Canada est pour beaucoup dans ce changement de mentalité grâce au Fonds de développement du secteur privé que le Canada a mis en place pour les pays du Maghreb, qui nous a permis justement d'avancer ensemble et de construire cette nouvelle relation. Nous pouvons être inventifs, ce qui a été le cas.

La marge de progression est importante, certes. Nous avons des témoignages qui sont très encourageants. Il ne faut pas oublier aussi les flux humains entre le Maghreb et le Canada. Il y a des immigrants maghrébins qui viennent au Canada, mais nous recevons également des touristes tous les ans. Et en nombre important. Au moins 60 000 à 70 000 et ce chiffre est appelé à augmenter. Cela permet de créer des liens et cela génère des fonds et des moyens très importants. Je ne parle pas des étudiants qui sont là et qui nous aident à jeter des ponts entre le Canada et le Maghreb. Il faut encourager ces gens. Je crois qu'ils font du bon travail.

Pour terminer, vous avez cité le FMI et la Banque mondiale. Je crois que l'on se félicite de l'action de la Banque mondiale ainsi que celle du Fonds monétaire international. Nous avons bien travaillé depuis des années. C'est vrai que l'on se concerte, on échange, mais c'est toujours nous qui prenons nos responsabilités et nos décisions. Ces deux institutions financières internationales nous aident. Elles figurent parmi nos meilleurs et nos principaux bailleurs de fonds.

Pour revenir à ma première réponse, le tout est une question de bonne gestion et de bonne gouvernance.

[Traduction]

M. Tangi : Je voudrais offrir un complément d'information en réponse à la question soulevée par le sénateur Di Nino.

Les niveaux des échanges commerciaux et de l'investissement peuvent paraître bas actuellement. Par exemple, le volume du commerce entre le Royaume du Maroc et le Canada se chiffre à quelque 300 millions de dollars. Cela dit, au cours des derniers mois, nous avons observé des signes positifs d'investissement de la part d'entreprises canadiennes au Maroc, notamment dans les secteurs des mines, de l'énergie et des télécommunications. Nous cherchons à accroître cette activité. Il est de notre intérêt de diversifier nos partenaires économiques. Il est également de votre intérêt de ne pas mettre tous vos œufs dans le même panier.

En ce qui concerne l'immigration, vous avez raison. Nous avons effectivement dans tous nos pays une population très jeune. Plus de 60 p. 100 de la population a moins de 25 ans. Bon nombre de nos jeunes sont très qualifiés, et le Canada représente un rêve pour eux. Nous sommes des sociétés libres. S'ils sont heureux au Maroc, ils sont tout à fait libres d'y rester. Cela dit, s'ils estiment qu'ils peuvent être plus heureux ailleurs, tant mieux pour eux.

S'agissant de l'aide en Afrique, je voudrais m'inscrire en faux contre les commentaires que vous avez déjà entendus. Je ne connais pas de projet de coopération au Maroc ou dans n'importe quel autre pays d'Afrique du Nord qui ait échoué. Quand vous visiterez le Maroc à l'automne prochain, si vous vous joignez à la délégation du président, vous serez très fiers de voir les projets à l'œuvre. Ce sont des vitrines.

[Français]

Ce sont des vitrines de la réussite de la coopération entre le Canada et nos pays.

[Traduction]

J'ai écouté vos propos au sujet de la Banque mondiale et du FMI. Ces organismes viennent nous voir avec des mesures radicales, et parfois les solutions ont des effets fâcheux. Quoi qu'il en soit, comme l'a indiqué mon collègue, l'ambassadeur de Tunisie, en ce qui concerne le Maroc, ces deux instances nous ont aidés dans notre programme d'ajustement structurel, qui était nécessaire pour assainir nos finances, en dépit du prix à payer. À l'heure actuelle, nous tentons de corriger les effets secondaires qu'ont eus sur le plan social certaines des mesures financières et économiques qu'ils nous ont recommandées et que nous avons mises en œuvre.

Je vois l'avenir avec optimisme. Une fois de plus, je tiens à appuyer la solution concernant l'échec de l'aide dans d'autres pays que les nôtres par deux suggestions : tout d'abord, une approche globale; et deuxièmement, notre disponibilité. D'après notre expérience sur le terrain, parce que nous l'avons vécu, le travail que nous effectuons conjointement avec le Canada pour offrir une aide à l'Afrique évoluera rapidement, du moins nous l'espérons, et rendra ce partenariat aussi efficace que possible.

[Français]

M. Ben Deddach : Je voudrais dire que sur le plan de l'aide internationale et de l'intervention des institutions monétaires internationales, comme cela a été dit, cette aide a été indispensable pour nos pays. Naturellement, elle est assortie à un certain nombre de conditions qui sont quelquefois draconiennes. En effet, pendant quelque 20 ou 30 ans, on ne pouvait pas recruter des travailleurs ou soutenir les prix de certaines matières premières et on devait laisser les prix monter.

De façon générale, les pays africains ont tenté, chacun selon ses moyens et ses méthodes de gouvernance, de s'acclimater à ces conditions parce que cette aide était indispensable. Il n'y aurait peut-être pas eu d'équilibre budgétaire dans beaucoup de pays africains s'il n'y avait pas eu cette aide des institutions monétaires internationales. Toutefois, cela a créé des problèmes dans certains pays.

Il faut trouver le juste équilibre entre la logique du banquier et la logique du développement économique. La logique du banquier veut que lorsque les institutions monétaires prêtent de l'argent, cet argent soit remboursé. Les conditions pour s'assurer que cet argent retournera dans les caisses des institutions monétaires internationales sont ces mesures draconiennes dont est assortie toute politique d'ajustement structurel dans n'importe quel pays. Elles font des dégâts dans la société, cela est évident, mais cela ne veut pas dire que les contributions n'ont pas été importantes et déterminantes, et que des pays comme le mien sont arrivés à trouver un cadre dans lequel travailler avec ces institutions monétaires. Si vous regardez n'importe quelle étude faite par ces institutions monétaires, la Mauritanie se classe parmi les pays qui sont les plus en règle avec la politique d'ajustement structurel. C'est pourquoi nous avons été cotés comme étant un des pays qui bénéficieront d'une réduction de dette, parce que tout cela dépend de la stabilité, de la bonne gouvernance et de la politique intérieure du pays. Il y a aussi ces paramètres qui jouent.

Maintenant, je suggérerais aux sénateurs, s'ils ont leur mot à dire éventuellement dans l'élaboration d'une nouvelle politique d'aide internationale, que ce soit dans le cadre des Nations Unies ou par l'intermédiaire des institutions Dretton Wood, de privilégier la logique du développement par rapport à la logique du banquier. Il faut être généreux si on veut aider. Il y a certains critères particulièrement difficiles pour la société qui ne doivent pas rester les mêmes pendant 30 ans. Il faut quand même essayer de trouver des critères qui favorisent beaucoup plus le développement. C'est pourquoi, lorsque le dernier G8 a décidé d'annuler la dette des institutions monétaires internationales par rapport à 18 pays, avec la possibilité d'en ajouter neuf autres, cela a été accueilli de façon assez mitigée en Afrique. Tout le monde était content, particulièrement les pays concernés, mais il y a la crainte que cela ait des conséquences sur l'aide à venir. Ne dira-t-on pas que ces pays n'étaient pas solvables ou qu'il faudrait mettre à leur disposition moins de moyens?

Il faut toujours essayer d'aider ces pays, leur consentir des prêts tout en imaginant des mesures qui ne créent pas des dégâts dans la société, qui ne suscitent pas de révoltes ça et là dans certains pays du tiers monde.

[Traduction]

Le président : Je crois qu'il ne reste pas suffisamment de temps pour une autre question. Sénateur Grafstein, il est déjà 19 h 5.

Le sénateur Grafstein : J'ai écouté les interventions de mes collègues sénateurs. J'ai travaillé sur cette question et je tiens à en parler aux ambassadeurs.

Le président : Dès que Son Excellence Ali Jarrud aura répondu, sénateur Grafstein, vous aurez l'occasion de prendre la parole.

M. Jarrud : Les 4 et 5 juillet, le mois prochain, aura lieu le Sommet ordinaire de l'Union africaine à Tripoli. Ce sera un sommet important. La plupart des chefs d'État africains y assisteront. Le programme de ce sommet sera chargé. La Libye assumera la présidence du sommet l'année prochaine. J'espère que le Canada pourra être représenté à cette conférence au plus haut niveau possible en raison du grand intérêt que le Canada manifeste à l'égard des questions africaines, et du soutien et de l'appui que le Canada offre aux nations africaines, que nous pouvons tous constater. Comme je vous l'ai dit, le Canada jouit d'une excellente réputation dans les pays africains parce que c'est un pays qui n'a pas de passé colonial; c'est un pays qui se consacre à la protection des droits de la personne et à l'aide humanitaire; et c'est un pays qui contribue au maintien de la paix.

Le président : Je vous remercie.

Le sénateur Grafstein : Je ne voulais pas être impoli.

Le président : Ce n'est pas ça, mais nous avons cinq témoins.

Le sénateur Prud'homme : C'est important. Une demi-heure de plus ne nous tuera pas.

Le sénateur Grafstein : Je tiens à souhaiter la bienvenue à Vos Excellences. Nous considérons ce sujet important. Au lieu de mettre l'accent sur l'Afrique, j'aimerais mettre l'accent sur les États méditerranéens. Ce n'est pas irrespect envers Son Excellence de la Mauritanie, mais j'aimerais parler des autres pays dans le temps limité qui m'est alloué.

Le président : Allez-y. Il s'agit d'une étude sur l'Afrique.

Le sénateur Grafstein : C'est l'Afrique du Nord.

J'ai eu l'occasion de rencontrer les ministres du Commerce et de l'Économie de tous vos pays à Wilton Park l'année dernière lorsque nous avons parlé de la réforme économique au Moyen-Orient arabe, en mettant l'accent sur l'Afrique du Nord. Cette étude se fondait sur des rapports provenant des Nations Unies. Je suis sûr que vous avez tous lu les rapports des Nations Unies sur le développement humain dans les pays arabes en 2002-2003; puis il y a eu le Rapport mondial des Nations Unies sur le secteur public et la gouvernance en ligne en 2005; puis les rapports du Forum économique des pays arabes, de l'Iran et de la Turquie, sous l'excellente direction d'un de nos collègue au Caire. Tout cela sera versé au compte rendu. Vous aurez l'occasion de répondre de façon plus complète par écrit.

Le président : Je tiens à vous rappeler que l'Iran et la Turquie ne sont pas des pays arabes.

Le sénateur Grafstein : Ils ont participé au Forum économique des pays arabes, et ce forum a inclus l'Iran et la Turquie parce qu'ils faisaient partie des États méditerranéens. Je comprends la différence.

Ces études ont donné lieu à des conclusions étonnantes. Ces études ont abondé dans le même sens que Son Excellence du Maroc, à savoir que la région du monde qui a été le plus durement touchée après les événements du 11 septembre était le Moyen-Orient arabe, et essentiellement l'Afrique du Nord. Pourquoi? C'est parce que le développement économique a été paralysé. Les statistiques publiées par la Banque mondiale indiquent que l'investissement étranger direct dans le monde est passé d'environ 1 p. 100 en 1990 à moins de 0,5 p. 100. Il s'agit d'une diminution de 50 p. 100 de l'investissement direct sur 10 ans. Par conséquent, la conclusion, c'est que le chômage est endémique dans la région et qu'il faudrait créer au moins 100 millions de nouveaux emplois au cours des 10 prochaines années, soit 10 millions d'emplois chaque année, simplement pour répondre à la demande actuelle dans vos pays. Si l'on ajoute la Mauritanie, ce chiffre serait encore plus élevé.

L'année dernière, le G8 a décidé de prendre trois mesures. L'une d'entre elles consistait à accélérer le commerce intra-régional pour favoriser une zone de libre-échange. Ma première question est la suivante : quelle suite a-t-on donné à cette proposition? Autrement dit, où en sont vos pays à l'heure actuelle pour ce qui est d'un accord de commerce intra-régional entre vos pays?

Vous vous rappellerez qu'un certain nombre de sommets — le sommet de Sanna, le sommet du G8 et le sommet de Jordanie — au cours des trois ou quatre dernières années ont tous mis l'accent sur trois questions : une augmentation de l'investissement direct, un accroissement du commerce intra-régional, puis, enfin, le libre-échange avec l'Union européenne et l'Amérique. Où en sommes-nous à cet égard? En d'autres mots, a-t-on réalisé des progrès depuis que le G8 a affirmé qu'il devait s'agir d'une priorité? Le G8 a-t-il accompli ce qu'il était censé accomplir? Vos pays ont-ils fait ce qu'ils avaient convenu de faire, c'est-à-dire s'acheminer rapidement vers la modernisation afin d'être prêts au libre- échange?

Le Maroc a conclu un accord de libre-échange avec les États-Unis. J'ai encouragé notre gouvernement à conclure un accord de libre-échange avec le Maroc sur une base similaire, mais notre gouvernement n'a manifesté aucun intérêt en ce sens.

M. Tangi : Il est vrai que l'une des faiblesses de notre région, c'est le commerce intra-régional. Cette faiblesse est attribuable à des raisons historiques. Le commerce s'est toujours fait dans l'axe nord-sud. Nous travaillons fort pour régler le problème. Nous avons ouvert une frontière avec la Mauritanie et nous sommes en train de construire une route. À notre grand étonnement, le commerce entre les villes voisines de part et d'autre de la frontière s'est accru en neuf mois d'environ 1 300 p. 100, et tout cela grâce à la route qui a été construite. Il s'agit d'un problème physique qui a été réglé.

En ce qui concerne les accords de libre-échange, nous avons également conclu un accord de libre-échange entre le Maroc, la Tunisie, l'Égypte et la Jordanie. Ces pays forment le groupe d'Agadir. Cet accord de libre-échange est ouvert à tous les pays du sud de la Méditerranée.

J'ai dit plus tôt que nous voulions diversifier nos relations économiques. C'est dans cet esprit que nous avons conclu un accord de libre-échange avec les États-Unis l'année dernière. Cet accord de libre-échange a déjà été approuvé par le Congrès américain et est maintenant en vigueur. Monsieur le président, nous serions extrêmement heureux de conclure un accord de libre-échange avec le Canada.

En fait, Sa Majesté le Roi Mohammed VI, dans le dernier discours du Trône prononcé en juillet 2004, a mentionné qu'il aimerait que le Canada devienne un partenaire stratégique.

Le sénateur Grafstein : J'ai une brève observation à faire sur le libre-échange.

Le président : Il y a d'autres témoins qui aimeraient répondre.

[Français]

M. Yousfi : Je remercie le sénateur Grafstein pour les commentaires qu'il a faits. Nous avons eu l'occasion d'échanger quelques idées sur la question. Premièrement, en matière d'investissements, nous souhaitons que le Canada nous accompagne dans la modernisation de nos textes législatifs et des choses à offrir aux compagnies de façon à attirer plus l'investissement. Nous sommes en processus présentement. Il est possible que nous ne sachions pas beaucoup le faire. Nous souhaiterions votre aide. Je souhaiterais, monsieur le président, vous raconter une anecdote qui démontre la difficulté d'attirer ces investissements.

Je suis allé voir le président de la grande compagnie ENI et j'ai discuté avec lui de la possibilité d'investir en Afrique du Nord et en particulier dans mon pays et dans la pétrochimie et les engrais. Nous avons des réserves de gaz, des phosphates comme beaucoup de pays de la région et nous souhaiterions les valoriser et investir dans les engrais et la pétrochimie. Le président de l'ENI m'a dit : « si je le fais, je vais être assassiné parce que je suis en train de fermer toutes les unités d'engrais et de pétrochimies dans le sud de l'Italie, en Sicile et en Sardaigne. Si je viens investir en Afrique du Nord et perdre le marché pour les industries italiennes, je suis mort. »

Donc, il y a malheureusement, encore, cette mentalité chez beaucoup de pays qui considèrent les pays du Maghreb comme un marché et non pas comme un partenaire où il faut investir. Malheureusement, pour les pays européens et pour certains pays, ce sont des Malaisiens, des Chinois et des Australiens qui peuvent investir, les Européens pour des raisons internes et des difficultés n'investissent pas. Regardez ce qui se passe actuellement avec la Chine et regardez les difficultés que cela pose dans un certain nombre de pays du Maghreb pour l'industrie textile. Ce n'est pas uniquement de notre côté. Un investissement est un partenariat. Il faut être deux pour danser. Peut-être ne savons-nous pas danser, mais les autres refusent d'aller sur le plancher de danse.

Deuxièmement, en ce qui concerne les accords de commerce, nous avons signé un accord de libre-échange avec l'Union européenne. J'ai posé la question aux Européens : « est-ce que vous voulez être des partenaires ou vous voulez nous considérer comme des colonies commerciales? » Il faudrait voir s'ils peuvent nous accompagner. Il est prévu qu'ils accompagnent et qu'ils modernisent notre appareil de production de façon à ne pas subir l'invasion des produits européens sans rien en échange. C'est cela le partenariat. Ce n'est pas simplement le fait de signer un papier. Nous avons signé des papiers. Et malheureusement, pour la plupart d'entre nous, nous n'avons pas vu venir ces investissements européens parce que nous avons signé un accord de libre-échange.

Nous souhaiterions avoir les mêmes accords de libre-échange avec les États-Unis — la plupart d'entre nous sommes en négociation — ou avec le Canada. J'ai vu que le Canada allait signer des accords de libre-échange avec des pays asiatiques et pas avec les pays du Maghreb et je ne sais pas pourquoi.

Concernant le commerce entre nous, nous sommes en train de bâtir, la région du Maghreb petit à petit avec des accros. On avance et on recule, mais il y a une volonté réelle de la part de ces pays du Maghreb de construire un ensemble homogène, solide. Nous l'avons fait peut-être un peu dans la précipitation. Il faut aller étape par étape. Nous avons la volonté de le faire et nous allons le faire.

Lorsque les conditions s'y prêtent, nous allons relativement vite. En quelques années, l'Afrique du sud et l'Algérie sont devenus les premiers partenaires commerciaux dans le continent parce qu'il y a une volonté politique derrière. Les choses mûrissent et les conditions sont favorables pour le faire. Il n'y a pas de raison, les échanges commerciaux existent et ce n'est pas, encore une fois, le fait de signer des textes. Il y a des textes au niveau des pays arabes et des pays de la région de créer une zone de libre-échange. Il y a d'autres conditions. Nous sommes tous en train d'émerger. Nous ne sommes pas en surplus de façon à échanger des produits. C'était ma façon de répondre à votre question, je vous remercie.

M. Saad : La séance tire à sa fin et je pense que c'est vers la fin que les choses restituent toute leur saveur. Voici une excellente question. Les relations économiques entre les pays du Maghred, sénateur, vous avez fait allusion tout à l'heure au processus de Barcelone, les relations avec l'Amérique du Nord.

Ce sont des questions extrêmement importantes. Tous les pays du Maghreb aspirent, en dehors de l'Europe, à avoir des relations privilégiées avec l'Amérique du Nord, pour des raisons à la fois historiques, économiques, culturelles et politiques. Je pense qu'avec l'Europe, de la même manière que pour les relations entre le Canada et les États-Unis, les choses vont d'elles-mêmes et ne posent, pour ainsi dire, aucun problème.

Évidemment, nous avons tous passé des accords de libre-échange avec l'Europe mais, la Tunisie ayant été la première à signer avec l'Europe, c'est en 2008 que nous aurons une zone de libre-échange totale et entière. Donc, dans trois ans, les échanges seront tout à fait libres entre la Tunisie l'Europe et, bientôt, les autres pays du Maghreb.

Non seulement nous avons passé un accord de libre-échange, un accord d'association avec l'Europe, mais, l'année dernière, nous avons fait encore un pas en avant et nous avons signé l'accord sur la politique de voisinage qui renforce les relations entre les deux rives, entre le Maghreb et les pays européens.

Il faut dire que les Européens investissent; au Maghreb ils investissent même de manière massive. Ce sont, en fait, les investissements qui créent les relations les plus viables et les plus durables. On ne peut pas bâtir une relation uniquement sur le commerce. Nous sommes entre partenaires, entre amis, et vous nous avez demandé de parler franchement. De notre côté nous sommes venus avec la volonté et l'intention de parler franchement. Cela n'a jamais posé de problème avec le Canada, cela ne date pas d'aujourd'hui.

C'est là la question car, au fond, c'est une relation de solidarité. Si nous voulons éradiquer la pauvreté et la misère, par-delà les extrémismes de toutes sortes, religieux ou politiques, pour mettre un terme à la violence, il n'y a pas meilleur remède que le développement. Cela se fait aujourd'hui par la création de richesses, qui elle-même se fait par le commerce et l'investissement.

Or certains pays mesurent leurs relations avec tel ou tel pays uniquement en termes d'échanges commerciaux. Mais la relation n'est pas seulement le commerce, si important qu'il soit. Le commerce n'est pas tout, l'important c'est l'investissement. C'est la raison pour laquelle nous bataillons pour avoir des relations privilégiées avec le Canada. Nous voulons le Canada, c'est notre choix, personne ne nous impose d'avoir cette relation avec le Canada. Nous la voulons, c'est tout. Mais il ne suffit pas de vouloir — est-ce que nous le pouvons tout seuls?

C'est pourquoi nous parlons aujourd'hui de relation privilégiées et de partenariat. Pour être partenaires, il faut être au moins deux. C'est le secret et c'est le nœud du problème.

Lorsque nous parlons de zones de libre-échange avec le Canada — nous l'avons fait à plusieurs reprises — nous sommes regroupés et avons créé le Groupe du Maghreb arabe à cinq. Nous sommes aussi engagés dans le cadre de l'Union du Maghreb arabe (UMA) — comme vous l'êtes dans votre association avec les États-Unis et le Mexique. Nous avons invité beaucoup de responsables canadiens pour échanger avec eux, pour parler avec eux, leur donner des idées et aussi pour échanger et recevoir leur point de vue en retour.

Nous avons tant espéré voir le Maghreb figurer au sein de la nouvelle revue de politique étrangère. Malheureusement, comme disait Sœur Anne, je n'ai rien vu venir.

Merci, sénateur, de poser cette question et de me donner l'opportunité et l'occasion — Ô combien précieuse — de vous entretenir du fond de la question.

[Traduction]

Le sénateur Grafstein : Pour vous aider, monsieur l'ambassadeur, le Canada est membre de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE. L'OSCE a annoncé la coopération économique dans la région de la Méditerranée, qui comprend tout ce dont je viens de parler. Nous tardons à concrétiser nos engagements à cet égard.

Le président : Je dois intervenir. Dans un instant, il sera 19 h 30. Vous avez la parole, monsieur Saad.

[Français]

M. Saad : Je crois que nous avons atteint le fond du problème. Entre les pays du Maghreb, les choses se font de manière fluide et naturelle. En 1956, j'ai servi en tant qu'ambassadeur au Maroc et j'ai vu la première convention d'établissement qui permettait, au lendemain de l'indépendance des différents pays, la libre circulation des biens et des personnes entre les pays du Maghreb. C'était en 1956, il n'y a pas de visas entre nous. Nous avons même des mesures incitatives pour privilégier l'entrée des produits maghrébins dans les différents pays du Maghreb.

Évidemment, en plus des accords, les choses vont d'elles-mêmes et si je prends le cas des frontières avec la Libye, pour la Tunisie, ou avec l'Algérie, nous avons assisté ces dernières années avec une augmentation en flèche des échanges, qui est le fait des populations établies de part et d'autre de la frontière.

Voilà, monsieur le président, merci pour cette question.

M. Ben Deddach : Je voulais signaler à l'honorable sénateur Grafstein que la Mauritanie est complètement impliquée dans tout ce qui concerne la Méditerranée. Elle fait partie de l'initiative de Barcelone, de l'Euromed et du Groupe 5+5. Également la Mauritanie a été un membre actif des forums économiques pour le Moyen-Orient lorsqu'il a pu se tenir chaque fois, à Casablanca ou en Égypte.

Même si nous ne sommes pas directement sur la Méditerranée, nous le sommes à travers le Maroc et l'Algérie. Par conséquent, tout ce qui concerne la Méditerranée cela nous concerne. Je voulais aussi dire que la Mauritanie est un pays propice aux investissements. C'est un pays qui a beaucoup de possibilités en matière minière notamment.

Des sociétés canadiennes sont présentes en Mauritanie dans le domaine minier, des sociétés de l'Alberta, dans la recherche du diamant et même, maintenant, dans l'industrie pétrolière naissante. Il y a en effet des indices intéressants montrant que la Mauritanie pourrait, peut-être vers la fin de l'année, commencer à exporter du pétrole; des sociétés canadiennes commencent à s'y intéresser, il y en a au moins trois qui sont impliquées dans ce processus. Pour le moment les australiens ont été les premiers.

Nous étions — je ne sais pas si l'Algérie a abouti récemment à cela — le deuxième pays en Afrique, après l'Afrique du sud, à établir une totale liberté d'échange.

Chez nous, la politique monétaire est libre. Les monnaies s'échangent sur le marché. C'est-à-dire que si un investisseur arrive chez nous, il est sûr d'emporter avec lui son argent, puisqu'il peut acheter librement le dollar ou la livre ou n'importe quelle monnaie internationale sur le marché. Il n'a pas besoin de l'intermédiaire de la Banque Centrale de Mauritanie ou d'une quelconque autre banque.

Je crois que l'Algérie s'acheminait vers une politique semblable. Je ne sais pas si elle a été réalisée, mais à ma connaissance, à l'époque où nous l'avions fait, il n'y avait que l'Afrique du Sud dans toute l'Afrique qui pratiquait cette politique monétaire. C'est donc un pays qui peut éventuellement intéresser des investisseurs canadiens.

Nous avons un commerce intermaghrébien très fluide, que ce soit à travers le Sahara occidental avec le Maroc ou que ce soit avec nos frères algériens des deux pays maghrébiens qui sont immédiatement à nos frontières. Cela est encore beaucoup plus fluide avec l'Afrique de l'Ouest qui, bien avant le Maghreb et bien avant l'Union européenne, avait établi une zone de libre-échange où les personnes et les biens circulaient seulement avec la carte d'identité.

Le président : Merci beaucoup.

[Traduction]

Monsieur Jarrud, aviez-vous un commentaire à faire? Vous avez 2 000 kilomètres de côte dans la Méditerranée.

Le sénateur Prud'homme : Ils développent le tourisme.

Le président : Je connais la côte assez bien, sénateur Prud'homme. J'y suis allé à de nombreuses reprises.

Sénateur Grafstein, il est 19 h 30, et par respect envers nos témoins, qui sont ici depuis deux heures et demie, vous avez posé votre question et je vais lever la séance.

Le sénateur Grafstein : Pourrais-je simplement poser cette question pour le compte rendu et les témoins pourront nous répondre par écrit? C'est une brève question, mais elle porte sur ce que chacun d'entre eux a dit, et il s'agit de l'investissement privé direct, qui est une question primordiale en matière de croissance.

L'année dernière, le G8 a convenu qu'il faudrait établir un réseau d'investissements privés.

La Société financière internationale, le secteur privé de la Banque mondiale, a proposé l'année dernière un fonds de 100 millions de dollars pour l'investissement privé direct dans votre région. Qu'est devenu ce fonds? Aux dernières nouvelles, l'argent n'avait pas été affecté.

Le président : Merci beaucoup. Nous laisserons tous ceux qui veulent répondre parler directement au sénateur Grafstein.

La séance est levée.


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