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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 10 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 18 avril 2005

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui à 16 h 5 pour examiner, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, nous avons entendu un certain nombre de ministres et d'autres témoins nous parler de la Convention relative aux droits de l'enfant. Toutefois, notre étude ne se limite pas à cette convention puisque nous examinerons diverses manières dont nous pouvons aider la fonction publique, le gouvernement et les parlementaires à assumer les obligations qui sont les nôtres à l'égard des enfants.

Nous accueillons aujourd'hui des témoins du ministère du Patrimoine canadien, nommément Mme Sarkar, qui est sous-ministre adjointe, et ses collègues. La ministre Frulla devait venir, mais elle n'a pas été en mesure de le faire. Il sera intéressant d'entendre aujourd'hui les représentants du ministère puisque ce sont eux qui assument globalement la responsabilité dans ce domaine au ministère du Patrimoine canadien. La ministre sera disponible ultérieurement.

Je vous cède la parole.

[Français]

Mme Eileen Sarkar, sous-ministre adjointe, ministère du Patrimoine canadien : Madame la présidente, au nom de la ministre du Patrimoine canadien, je tiens à remercier tous les membres de votre comité pour le temps et l'énergie qu'ils consacrent à la question fondamentale des droits de la personne, particulièrement à celle des droits de l'enfant.

En vertu de sa loi constituante, le ministère du Patrimoine canadien est responsable de la promotion d'une meilleure compréhension des droits de la personne, des libertés fondamentales et des valeurs qui en découlent.

En tant que sous-ministre adjointe, je suis responsable du secteur de la citoyenneté et du patrimoine qui comprend le Programme des droits de la personne.

M'accompagnent, Mme Kristina Namiesniowski, directrice générale de la Direction générale du multiculturalisme et des droits de la personne et Mme Calie McPhee, gestionnaire du Programme des droits de la personne. Je voudrais également souligner la présence de Mme Christine Nassrallah, directrice, Politique, recherche et droits de la personne, et Liane Venasse, du Programme des droits de la personne.

[Traduction]

La mise en oeuvre des droits de la personne concerne, comme vous le savez bien, la construction d'une culture de respect d'une culture de droits de la personne.

Le ministère du Patrimoine canadien travaille à promouvoir toutes les caractéristiques de l'identité canadienne, y compris les valeurs démocratiques que nous avons en partage.

Les droits de la personne sont une question à multiples facettes qui touche une grande variété de domaines. La mise en oeuvre efficace des droits de la personne n'est pas du ressort d'un seul ministère, ni même d'un seul gouvernement c'est la responsabilité de tous les ministères et de tous les gouvernements.

Au Canada, les traités sont mis en oeuvre par une grande variété d'intervenants et grâce à divers moyens comme les protections constitutionnelles, les lois, les mesures administratives, les politiques et les programmes sociaux.

Comme vous le savez, et comme le ministre Cotler vous l'a déjà expliqué, le ministère de la Justice joue un rôle de premier plan pour veiller à ce que les lois et politiques fédérales respectent nos obligations en matière de droits de la personne. Le ministère des Affaires étrangères contribue sur le plan diplomatique à tous nos efforts internationaux pour faire avancer la cause des droits de la personne. Plusieurs autres ministères, comme Développement social Canada, l'ACDI et l'Agence de santé publique, jouent également un rôle important dans l'élaboration de politiques et de programmes qui font progresser les droits de la personne, y compris les droits des enfants.

Afin que le respect des droits de la personne demeure une partie inhérente de la culture canadienne, il faut que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, ainsi que la société civile, travaillent de concert pour assurer que chaque citoyen et citoyenne soit traité également et avec dignité, peu importe son âge, ses capacités, sa race, ses origines et ses croyances.

Le Programme des droits de la personne concentre ses efforts dans la coordination gouvernementale et intergouvernementale, et la promotion des droits de la personne au Canada.

[Français]

Je poursuis avec le sujet relatif au rôle de coordination. Avec les provinces et les territoires, le Programme des droits de la personne coordonne à l'échelle fédérale, les consultations concernant la mise en œuvre des traités internationaux liés aux droits de la personne, dont la Convention relative aux droits de l'enfant.

Au sein de l'appareil fédéral, nous avons activement renforcé ce rôle. En outre, nous avons instauré, en janvier 2004, un nouveau comité interministériel afin de renforcer le dialogue entre les divers représentants fédéraux engagés dans la mise en œuvre des traités internationaux liés aux droits de la personne. Ce comité discute de différentes questions telles que le rôle des organisations non gouvernementales dans la surveillance ainsi que l'amélioration des mesures fédérales pour assurer le suivi des recommandations des comités de l'ONU.

Concernant plus spécifiquement la Convention relative aux droits de l'enfant, nous avons aussi instauré un nouveau mécanisme pour assurer une considération continue des obligations de ce traité par des discussions et des recommandations du comité onusien avec tous les ministères concernés et ce, depuis l'année passée.

Suite à la présentation des recommandations du comité, nous faisons le suivi nécessaire auprès des ministères responsables afin de déterminer les progrès réalisés dans la considération de ces recommandations. Notre rôle est d'organiser des rencontres annuelles pour nous assurer que les commentaires du comité onusien soient considérés de façon appropriée. Nous utilisons cette nouvelle approche pour chacun des traités.

Aussi, nous continuerons de collaborer étroitement avec nos partenaires provinciaux et territoriaux au sein du Comité permanent des fonctionnaires chargés des droits de la personne.

Depuis 1975, ce comité permet de partager des opinions et d'échanger des renseignements entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux sur la Convention relative aux droits de l'enfant et les autres traités internationaux concernant les droits de la personne.

Il participe également aux travaux de préparation en vue des examens de l'ONU. Ses membres font plus souvent partie de la délégation canadienne chargée de répondre aux questions concernant le rapport. Le comité aborde les questions liées aux traités internationaux relatifs aux droits de la personne et analyse plus en profondeur les recommandations précises des comités de l'ONU, incluant le partage de pratiques exemplaires.

Nous organisons des conférences téléphoniques mensuelles, en plus des rencontres semestrielles, avec les membres du comité. Enfin, nous informons régulièrement les provinces et les territoires au sujet de travaux de votre comité.

[Traduction]

Je vais maintenant vous dire quelques mots sur les rapports aux Nations Unies. Notre rôle de coordination est intrinsèquement lié à la préparation des rapports aux Nations Unies. Je sais que d'autres témoins vous en ont parlé.

Le Programme des droits de la personne est responsable de préparer les rapports du Canada concernant les six traités internationaux relatifs aux droits de la personne.

Pour ce qui est de la Convention relative aux droits de l'enfant, la portion fédérale du rapport est préparée par les ministères de la Justice et de la Santé. Cependant, le Programme des droits de la personne fournit des lignes directrices et des conseils aux autres ministères fédéraux, ainsi qu'aux gouvernements provinciaux et territoriaux afin de guider leurs soumissions. Le Programme passe en revue toutes les contributions, négocie des révisions, et assure la publication et la distribution de tous les rapports dans les deux langues officielles.

Depuis octobre 2004, le Canada est à jour dans la soumission de ses rapports. Ce n'est pas rien, compte tenu qu'en 2004 seulement, nous avons soumis aux Nations Unies pas moins de cinq rapports. Nous avons réussi cela en apportant des améliorations notables au processus. Nos rapports portent maintenant sur les enjeux clés soulevés par les nations Unies dans les plus récentes recommandations, ainsi que les progrès réalisés depuis. Nous mettons également l'accent sur les résultats.

Nous avons identifié les principaux enjeux dont les rapports devraient traiter en analysant les recommandations de l'ONU et en étroite collaboration avec nos partenaires fédéraux, provinciaux et territoriaux. Nous avons également écrit aux organisations non gouvernementales pertinentes, en fournissant la liste de questions que nous avions l'intention de traiter, et nous les avons invitées à nous donner leur opinion et à nous dire si, à leur avis, ce sont les priorités.

Nos deux derniers rapports ont été soumis dans des délais plus raisonnables. Nous suivrons de près l'évolution du processus pour apporter d'autres modifications, si nécessaire.

[Français]

Nous sommes également impliqués dans la promotiondes droits des enfants auprès des Canadiennes et desCanadiens. Le Programme des droits de la personne investit près de 400 000 dollars par an pour appuyer des projets mis de l'avant par des organismes non gouvernementaux et des établissements d'enseignement, pour promouvoir les droits de la personne.

Les droits des enfants figurent au cœur de nos efforts. Depuis 1997, nous avons appuyé, en collaboration avec d'autres ministères et organismes fédéraux, plus d'une soixantaine de projets mettant l'accent spécifiquement sur les droits des jeunes et des enfants. Nous avons favorisé la création d'ateliers sur les droits des enfants pour les divers groupes et intervenants. Nous avons contribué à l'élaboration de matériel pédagogique qui a été distribué dans les écoles primaires et secondaires du pays, et nous avons permis à des jeunes autochtones de participer à des ateliers sur les droits de la personne et la lutte contre le racisme.

Pour vous donner une meilleure idée de nos efforts, nous allons vous remettre un résumé de quelques projets récents qui ont été appuyés par le Programme des droits de la personne.

Le programme contribue également à la mise en œuvre de l'article 42 de la Convention relative aux droits de l'enfant, par le biais d'autres activités qui accroissent la sensibilisation du public.

Nous nous assurons que la convention, tous les rapports du Canada et les recommandations des comités onusiens soient disponibles dans notre site internet. De plus, nous veillons à ce que tous nos rapports soient distribués aux ONG et soient disponibles dans une multitude de bibliothèques. Nous avons également ajouté à notre site Web une page thématique sur les droits de l'enfant et un bon nombre de liens menant à d'autres sources de renseignement.

Chaque année, nous distribuons 50 000 copies de la Charte canadienne des droits et libertés, dont la plupart dans les écoles. De plus, 4 000 copies de la Convention relative aux droits de l'enfant sont également distribuées sur demande à la population canadienne. D'autres éléments du ministère contribuent aussi à faire avancer la cause des droits de la personne dans notre société. J'aimerais profiter de l'occasion pour vous souligner que le Programme de multiculturalisme a lancé récemment un nouveau plan d'action contre le racisme — c'est un plan d'action gouvernemental — qui contribue directement à la promotion des droits de la personne au Canada.

D'ailleurs, un des objectifs fondamental de ce plan est justement la sensibilisation des enfants et des jeunes à la diversité et à l'importance de la lutte contre le racisme. Nous continuons à travailler à la promotion des droits de l'enfant et attendons le résultat de votre étude.

Je vous remercie de votre attention et il me fera plaisir de répondre à vos questions.

[Traduction]

Le sénateur Pearson : Je vous souhaite la bienvenue à toutes. J'ai travaillé avec un certain nombre d'entre vous pendant longtemps dans différents dossiers. Je connais le défi que représentent les mécanismes, particulièrement les discussions fédérales-provinciales et autres que vous avez décrits.

Pourriez-vous me donner des explications sur une ou deux questions qui m'intéressent? La première est la promotion de la convention. Aux termes de l'article 40, je crois, nous avons l'obligation de promouvoir largement la convention auprès de tous les citoyens, y compris les enfants. Vous avez décrit certains de vos programmes.

Le sénateur Carstairs, qui consacre beaucoup de temps à enseigner aux enfants dans le cadre de Rencontres duCanada, souscrirait sans doute à mon prochain commentaire. Lorsque je demande aux jeunes gens d'un peu partout au pays âgés de 13 à 17 ans qui viennent visiter le Sénat, par groupesde 120 à 130, combien d'entre eux connaissent l'existence de la convention, quatre tout au plus lèvent la main. Partout où je vais, lorsque je m'adresse à des jeunes, j'obtiens le même résultat. Nous avons échoué dans ce domaine. Je ne sais pas trop pourquoi ni comment remédier à la situation. Il faudrait peut-être augmenter vos ressources. Les jeunes connaissent tous la Charte des droits et libertés; on peut donc dire que vous avez réussi en ce qui concerne cet instrument. Cependant, la plupart ignorent l'existence de la convention. Lorsque je leur en parle, ils sont ébahis. Cela les intéresse beaucoup et ils posent de nombreuses questions. Nous avons beaucoup de travail à faire dans ce domaine. C'est là le sujet de ma première question.

Ma deuxième question concerne la préparation de notre dernier rapport, à laquelle j'ai pris part, et au fait que j'ai dirigé la délégation lorsque nous sommes allés à Genève. Nous sommes impatients d'entendre toutes les suggestions que vous pourriez avoir et que nous pourrions ensuite intégrer à nos recommandations quant aux moyens à prendre pour faciliter le processus.

Comme vous le savez, c'est en 2009 que nous devons présenter notre prochain rapport. Je suppose qu'il nous faudra entamer nos préparatifs en 2006. D'après mon expérience, il faut compter au moins trois ans pour compléter le processus. Cette fois, nous devons nous acquitter de la responsabilité additionnelle que nous a confiée le Cabinet, c'est- à-dire faire rapport sur la mise en oeuvre de notre plan national d'action pour les enfants.

Avez-vous déjà commencé à penser à la façon dont vous vous y prendrez pour compléter ce processus? Nos recommandations pourraient-elles vous aider?

Mme Sarkar : Je vais demander l'aide de ma collègue pour répondre à la première question. Nous savons que les enfants ne connaissent pas l'existence de la convention. Pourtant, il s'est écoulé suffisamment de temps depuis son adoption pour qu'ils soient au courant.

Nous avons décidé de contribuer à une enquête menée auprès des jeunes par War Child Canada sur les enjeux planétaires, y compris les droits humains. Nous avons exigé spécifiquement que l'on interroge les jeunes sur l'existence et l'importance de la Convention relative aux droits de l'enfant et sur les traités visant à protéger les droits humains pour recueillir des données de référence susceptibles de nous informer et de guider les orientations futures de notre programme. Ainsi, nous pourrions savoir ce que les jeunes savent et ne savent pas et comment, à partir de là, accroître leurs connaissances. Sensibiliser davantage les jeunes à l'existence de la convention demeure une priorité fondamentale de notre programme des droits de la personne.

Pour ce qui est de la préparation de notre prochain rapport, il va de soi que le rapport de votre comité nous sera extrêmement utile. Au cours des derniers mois, vous avez fait une étude approfondie du sujet. Votre rapport constituera un apport précieux car il sera fondé sur les témoignages de nombreuses personnes compétentes, à partir desquels vous aurez élaboré vos propres recommandations.

Je demanderais à ma collègue, Mme McPhee, de vous expliquer le processus que nous suivons.

Mme Calie McPhee, gestionnaire, Programme des droits de la personne, ministère du Patrimoine canadien : Honorables sénateurs, premièrement, pour ce qui est de mieux faire connaître la convention, nous aurons à ce sujet des discussions plus détaillées avec nos collègues fédéraux et provinciaux. Nous parlerons des meilleures pratiques, de leurs interventions et des efforts supplémentaires qui peuvent être déployés à tous les niveaux pour promouvoir davantage la convention. Le fait que les droits de la personne et les droits des enfants en particulier aient fait l'objet de discussions au sein de votre comité est assurément d'une grande aide pour nous.

En ce qui concerne votre question au sujet du rapport, comme Mme Sarkar l'a mentionné, il existe au niveau fédéral un processus interministériel permanent qui, chaque année, nous permet d'examiner les recommandations en détail, ainsi que les initiatives de notre ministère. Nous avons mis en oeuvre des processus analogues à l'échelle du gouvernement. Cela signifie que nous avons déjà commencé à préparer les grandes lignes du prochain rapport.

Cela dit, ce n'est pas avant un an ou deux que débuteront les préparatifs de rédaction du prochain rapport. Le calendrier de production de nos rapports a été sensiblement écourté. Nous nous sommes aussi rendus compte qu'il était nécessaire de s'y mettre beaucoup plus tôt. Officiellement, nous commençons dès maintenant, soit entre neuf et douze mois avant la date d'échéance. Nous mettons aussi en oeuvre un processus qui, nous l'espérons, nous permettra d'identifier des indicateurs spécifiques pour déterminer les sujets à examiner et les priorités du Canada en général. Pour ce faire, les recommandations des comités onusiens nous servent de guide.

Le sénateur Pearson : Envisagez-vous de faire participer les enfants?

Mme McPhee : Compte tenu du rôle imparti aux ONG, comme l'a expliqué Mme Sarkar, nous souhaitons explorer davantage diverses façons de rejoindre les jeunes et de solliciter leur opinion sur les thèmes que devraient aborder nos rapports et les priorités que le Canada devrait faire siennes. Nous aurons des discussions plus approfondies à cet égard.

L'Agence de santé publique du Canada a un centre où travaillent des experts de la consultation auprès des enfants, et nous allons les rencontrer. Ils nous ont déjà offert leur aide.

Le sénateur Carstairs : Lorsque vous envoyez dans les écoles des milliers d'exemplaires de la charte à l'intention des classes qui en étudient les thèmes, vous devriez peut-être inclure un exemplaire de la convention pour qu'au moins le professeur l'ait en main.

Je vais maintenant vous poser une question plus pointue. Lorsque Max Yalden, un ancien commissaire, a comparu devant notre comité, il nous a dit qu'à son avis, l'actuel processus de rapport du Canada n'était pas la bonne façon de procéder. Selon lui, il faudrait retirer cette responsabilité à Patrimoine canadien pour la confier aux Affaires étrangères. Comment réagissez-vous à ce commentaire?

Mme Sarkar : C'est une question piège, n'est-ce pas. Je vous remercie de votre suggestion d'envoyer un exemplaire de la convention avec la charte. Nous verrons s'il est possible de le faire.

Cette responsabilité devrait-elle incomber aux Affaires étrangères? C'est là une question que je référerais non seulement à mon ministre, mais aussi probablement au premier ministre. C'est une question qui relève de l'appareil gouvernemental. Nous sommes heureux de faire notre part. Nous estimons que la promotion des droits de la personne s'intègre très bien au mandat de notre ministère qui s'articule autour du patrimoine, de l'identité et de la culture. Je suis heureux de faire ces liens lorsque je parle de multiculturalisme et d'aboriginalisme, d'affirmer que tout cela fait partie de l'identité canadienne. Mais je ne veux pas vous faire perdre votre temps en exprimant mon opinion personnelle sur ces questions.

Quant à M. Yalden, il nous reproche, à juste titre, la production tardive de nos rapports. Nous avons fait un effort concerté pour les compléter en temps opportun. Cette critique était justifiée. Si nous pouvons démontrer que nous faisons des progrès à cet égard, il conviendra peut-être que le dossier devrait rester entre nos mains.

Le sénateur Carstairs : Permettez-moi de poser une question sur le processus. Le rapport a été déposé en 2003. Le comité de l'ONU y a répondu sans détour, affirmant que pour un pays industrialisé, le Canada n'était pas à la hauteur dans de nombreux domaines. Il a relevé, entre autres, l'existence de l'article 43 du Code criminel qui autorise le châtiment corporel des enfants. L'autre concernait la façon dont nous incarcérons les jeunes, ce sur quoi nous avons des réserves, et le fait qu'on juge acceptable l'incarcération de jeunes gens avec des adultes. Je m'inquiète aussi du fait qu'on incarcère des enfants qui n'ont jamais eu de démêlés avec la justice avec d'autres qui eux, ont eu de sérieux accrochages avec la loi. Cela se fait dans un certain nombre de provinces.

Lorsque de telles recommandations émanent des Nations Unies, comment invitez-vous les ministères concernés à agir? Évidemment, il appartiendrait au ministère de la Justice de présenter un projet de loi visant à modifier l'article 43 du Code criminel. Or, l'incarcération est une responsabilité provinciale et non fédérale. Ce n'est pas le gouvernement fédéral, mais les gouvernements provinciaux qui incarcèrent les jeunes.

Comment vous y prenez-vous pour informer les divers ministères au sujet de notre piètre feuille de route? Comment faites-vous pour créer les conditions propices à un changement?

Mme Sarkar : Je ne suis pas sûre que ma réponse vous satisfera entièrement car nous jouons un rôle de coordination et, je l'espère, un rôle de persuasion morale. Comme vous l'avez signalé, ce sont d'autres ministères qui assument cette responsabilité. Ce que ma collègue a commencé à décrire et ce que j'ai essayé d'expliquer dans ma déclaration liminaire, c'est que présentement, nous organisons des réunions fédérales-provinciales de coordonnateurs au cours desquelles nous nous colletons avec eux en toute amitié, bien sûr. Il existe aussi un comité interministériel de haut niveau qui réunit des représentants de tous les ministères et nous y examinons les tenants et aboutissants de la question pour voir si nous sommes vraiment sur la bonne voie dans le dossier des droits de la personne. Nous nous réunissons quelques fois par année pour évaluer ce qui se fait à l'égard de recommandations précises. Il est clair qu'il ne faut pas dire à un autre ministère ce qu'il doit faire, mais nous pouvons essayer, comme je l'ai dit, d'exercer des pressions morales et d'être une sorte de voix de la conscience.

La présidente : Vous dites qu'il y a un comité interprovincial. Je suppose qu'il est composé de fonctionnaires; est-ce bien le cas? Je crois savoir qu'il était censé y avoir un groupe ministériel. Quand ce comité a été créé, un ministre de chaque province et un ministre fédéral étaient censés être chargés de veiller à la mise sur pied de ces comités des droits de la personne. Puis il devait y avoir ce comité interprovincial ou fédéral-provincial. Peut-être pourriez-vous m'en donner le nom exact.

Pouvez-vous me dire à quelle fréquence vous vous rencontrez, au niveau des fonctionnaires? Remettez-vous des rapports officiels aux ministres ou à d'autres? Quand les ministres se sont-ils rencontrés? Quand notre comité a commencé son étude de cette question, nous avons entendu des représentants du ministère du Patrimoine canadien qui nous ont dit que les ministres ne s'étaient pas réunis depuis environ neuf ans. Se sont-ils réunis depuis la dernière fois que votre ministère a témoigné devant nous?

Mme Sarkar : Je vais commencer par le titre du comité. Il s'appelle le Comité permanent des fonctionnaires chargés des droits de la personne. Le comité se réunit deux fois par année et est présidé par un directeur général de notre ministère. Je crois que les membres représentant les provinces et territoires sont des conseillers principaux.

Non, aucune réunion ministérielle n'a eu lieu depuis notre dernière comparution ici. Vos commentaires ont été pris en compte et je crois qu'à la dernière réunion du comité, il y a eu une discussion sur la possibilité de proposer aux ministres une réunion au niveau ministériel en 2006.

Le sénateur Poy : Madame Sarkar, vous avez dit que votre ministère publie des documents à l'intention des écoles. Cela comprend-il des livres destinés aux jeunes enfants pour leur faire connaître leurs droits? Comme l'éducation est de compétence provinciale et non pas fédérale, comment savez-vous que les documents que vous envoyez sont effectivement utilisés? Comment mesurez-vous le succès de cette initiative?

Mme Sarkar : Pour répondre de façon satisfaisante, je vais demander à mes collègues de vous donner de plus amples détails sur les documents que nous envoyons.

Mme McPhee : Nous avons divers documents qui sont à la disposition des écoles. En général, nous les envoyons sur demande. Les responsables sont au courant de ce qui est disponible. Nous énumérons les divers articles disponibles sur notre site web. Cela comprend tout un éventail d'outils pédagogiques, notamment un manuel intitulé « C'est votredroit », qui traite des droits des étudiants et des enseignants.

Les ONG créent d'autres documents et, dans la mesure du possible, nous essayons de faire le lien et de nous assurer que les étudiants et les enseignants connaissent ces documents. Bien sûr, comme l'éducation relève des provinces, nous ne nous adressons pas directement aux écoles. Nous utilisons toutefois les bons offices de notre Comité permanent des fonctionnaires chargés des droits de la personne pour leur faire savoir quels documents nous produisons et lesquels sont disponibles, notamment la Convention relative aux droits de l'enfant. Nous avons créé une trousse d'information sur les droits des enfants, dans laquelle on trouve notamment le texte de la convention, des documents tirés de notre site web ainsi que le plan d'action national pour les enfants.

Nous essayons de tirer le maximum à la fois de ce que nous pouvons mettre en ligne pour rejoindre les écoles et de nos contacts avec nos collègues provinciaux.

Nous avons également des liens avec le Réseau d'éducation publique de la Commission des droits de la personne et, dans la mesure du possible, nous les mettons au courant de ce qui est disponible chez nous. Nous pouvons en faire plus. Nous essayons de rendre cette documentation disponible en plus grande quantité le plus rapidement possible et, pour cette raison, nous avons créé sur notre site Web une page ayant pour thème les enfants, où l'on trouve des liens vers d'autres sources d'information et les ONG qui ont fait du bon travail avec nous pour mettre au point cette documentation.

Il peut y avoir d'autres associations avec lesquelles nous pourrions établir des contacts plus étroits et toute recommandation à cet égard serait très utile. Nous travaillons déjà régulièrement avec un certain nombre d'ONG, notamment Aide à l'enfance-Canada et beaucoup d'autres. Toute suggestion que vous pourriez avoir et qui nous permettrait d'en faire plus et d'établir davantage de liaisons nous serait des plus utile.

Le sénateur Poy : Avez-vous des demandes pour les documents que vous réalisez? Avez-vous des liens directs avec des groupes d'immigrants? Il est important que les immigrants qui arrivent dans notre pays connaissent leurs droits.

Mme McPhee : C'est un domaine que nous pourrions explorer davantage. Nous avons des liens avec certains groupes.

Mme Kristina Namiesniowski, directrice générale, Direction générale du multiculturalisme et des droits de la personne, ministère du Patrimoine canadien : En fait, c'est une question d'actualité. J'ai justement eu aujourd'hui même une discussion avec M. Chan, le ministre d'État au multiculturalisme, sur ce que nous pouvons faire pour veiller à ce que les nouvelles communautés émergentes au Canada soient au courant de leurs droits; il ne s'agit pas seulement de pouvoir lire le texte de la charte, mais aussi de comprendre ce que cela veut dire que d'être au Canada et de jouir des droits qui sont garantis par la charte. C'est une observation très pertinente.

Le sénateur Poy : Durant votre conversation, a-t-il été question de faire traduire la charte dans d'autres langues pour qu'elle soit comprise des principaux groupes d'immigrants qui arrivent au Canada? Les immigrants ne comprennent pas nécessairement l'anglais suffisamment bien pour le lire. Cela s'applique surtout aux parents. Je fais donc cette suggestion.

Mme Namiesniowski : La charte a été traduite en un certain nombre de langues. Nous sommes en train de la faire traduire dans les 32 langues les plus couramment parlées à la maison, justement pour résoudre ce problème.

Le sénateur Poy : De quelle autre manière pratique votre ministère fait-il la promotion du multiculturalisme? La Loi canadienne sur le multiculturalisme a été adoptée il y a longtemps et on dirait que nous avons encore du mal à la mettre en pratique. Avez-vous des commentaires là-dessus?

Mme Sarkar : Il y a environ un mois et demi, nous avons tenu une conférence d'orientation politique fondée sur certaines projections statistiques que nous avions demandées à Statistique Canada pour dresser un portrait de la population canadienne,en particulier en ce qui a trait aux minorités visibles enl'année 2017, qui marquera le 150e anniversaire du Canada. Le but était d'inviter les ministères fédéraux à répondre à la question suivante : « Si c'est à cela que ressemblera la population du Canada, sommes-nous prêts à servir la population canadienne? » Ce travail couvre tout l'éventail. Cela fait partie du travail de coulisse que nous faisons et qui n'est pas tellement spectaculaire. On a également mis davantage l'accent sur la compréhension interculturelle; il s'agit de s'attaquer à certaines des lignes de faille qui existent dans la société canadienne. Dans le dernier budget, on a annoncé des crédits additionnels de cinq millions de dollars pour notre programme de multiculturalisme, ce qui nous donne un peu plus d'argent pour faire la promotion du multiculturalisme.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : Ma première question complète celles des sénateurs Pearson et Poy, concernant la promotion de la convention.

Vous avez parlé de promotion multiculturelle des affaires autochtones. Puisque que votre ministère est responsable de la dualité linguistique, en vertu de la Loi sur les langues officielles, faites-vous la promotion des droits linguistiques des enfants au Canada?

Mme Sarkar : C'est une question intéressante. Mme Frulla fait beaucoup en ce qui concerne la promotion des langues officielles. On a la responsabilité de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Pour ce qui est des enfants, on cible souvent les ententes avec les provinces en éducation. Ce n'est pas une question de renforcement des droits, c'est plutôt une question de financement afin que les ayants droit aient accès à l'école dans leur propre langue. Je n'avais jamais fait le lien avec la promotion d'un droit. On passe tout de suite à la programmation qui respecte et reflète le droit des ayants droit dans les écoles. On a également des ententes avec les communautés. On finance les communautés à travers le pays pour appuyer la vitalité des communautés de langues officielles dans chaque province. Est-ce que c'est une question de droit? Je pense souvent au droit à l'éducation. C'est une question que je trouve très intéressante. Je ne sais pas si la réponse est adéquate.

Le sénateur Losier-Cool : Je pense que les droits linguistiques, c'est plus que seulement le droit à l'éducation. C'est également les droits en santé, les droits d'avoir accès aux services judiciaires, aux services sociaux. Tous les droits contenus dans la Convention relative aux droits de l'enfant doivent se faire en vertu de la Loi sur les langues officielles.

Madame le sénateur Carstairs a mentionné le témoignage de Max Yalden à l'effet que cela devrait être aux Affaires étrangères de s'en occuper. On a entendu d'autres témoins qui nous ont dit que, peut-être, le Canada pourrait se doter d'un défenseur national, un ombudsman des enfants, pour ainsi dire. Si tel était le cas, est-ce que vous croyez que cette personne, cet interlocuteur national, pourrait être responsable de la coordination ou même de la promotion du conseil ? Pourrait-on lui confier d'autres tâches ? Ou encore, qu'est-ce que vous pensez de l'idée d'avoir un ombudsman national?

Mme Sarkar : Je suis en train de noter vos questions et vos recommandations. Ce qui est intéressant, c'est qu'on a des modèles d'ombudsman ici au Canada. Par exemple, dans le domaine des langues officielles, on a un commissaire aux langues officielles qui joue un peu le rôle d'ombudsman. Je dois dire que pour les langues officielles, on a une équipe très riche. On a trois ministres qui ont des responsabilités statutaires. On a un ministre responsable pour les langues officielles, M. Bélanger, et on a un commissaire aux langues officielles.

Pour ce qui est de vous donner mes idées sur ce que devrait être un ombudsman pour les droits des enfants, je vous écoute attentivement mais je ne ferai pas de recommandation.

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Ma question fait suite à une question posée par le sénateur Carstairs. Je trouve dans nos notes d'information le passage suivant :

Le Programme des droits de la personne de Patrimoine Canada agit à titre de secrétariat permanent pour le comité permanent et comme étant la principale passerelle gouvernementale d'échange de renseignements sur les droits de la personne, sur les scènes internationale et nationale, ainsi qu'à l'échelle des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.

Je présume que cela reprend fidèlement vos propos. Compte tenu de ce qui précède, du témoignage de M. Yalden et de la participation d'autres ministères, quel rôle est le vôtre, si tant est qu'il y en ait un, lorsque Affaires étrangères Canada, et peut-être le ministère des Finances posent certains gestes. Par exemple, nous avons appris par les médias ces derniers jours qu'un programme de remise de dette important a été consenti à des pays qui ont des bilans horribles en matière de respect des droits de la personne, y compris des droits des enfants?

Au cours de ces discussions interministérielles, jouez-vous un rôle quelconque? Êtes-vous consulté? Y a-t-il moyen de relier directement l'annulation de la dette de ces pays à leur feuille de route en matière de droits humains? En d'autres mots, si l'on veut vraiment consentir de telles remises de dette, ne peut-on pas obtenir en contrepartie des engagements des bénéficiaires en ce qui concerne les droits de la personne et les droits des enfants?

Mme Sarkar : Nous ne jouons aucun rôle à cet égard. Notre rôle consiste à coordonner les réponses aux conventions. Le rôle que vous évoquez n'est pas celui d'un secrétariat permanent.

Le sénateur LeBreton : Si votre ministère sert d'agent de liaison entre la scène internationale et domestique pour ce qui est des droits de la personne, il me semble qu'il serait logique qu'avec votre expertise des conditions qui ont cours, les recherches que vous faites et l'information dont vous disposez, vous soyez partie prenante à ce genre de décision, sous une forme ou sous une autre. Pendant que j'écoutais votre témoignage, j'ai réalisé qu'on passait peut-être à côté de quelque chose d'important.

Mme Sarkar : Merci. Je prends note de vos commentaires.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth : Ma question rejoint celle de ma collègue, madame le sénateur Poy, concernant le fait que la Déclaration des droits et libertés des enfants soit méconnue de la population. Vous pouvez interroger des gens dans la rue; et à la question de savoir s'ils connaissent la Déclaration des droits et libertés des enfants, ils vous répondront par la négative. Ce que ma collègue a suggéré me paraît très pertinent. Je travaille avec les communautés culturelles et ce qui me semblerait pertinent, serait que l'école mette sur pied un programme de sensibilisation à l'intention des parents, qui inclurait des rencontres et des discussions, en présence des enfants. Seraient présents, les éducateurs, les parents et l'enfant que l'on veut protéger. Cela pourrait produire des effets extrêmement bénéfiques, car l'enfant n'a peut-être pas la possibilité, chez lui, de communiquer à ses parents les informations reçues en classe sur ses droits. Si les trois parties sont réunies, cela devient possible. Il faut aussi tenir compte de la culture de ces enfants qui viennent de pays autres que le Canada, et où existent des façons d'éduquer les enfants qui sont différentes des nôtres.

Il est impératif d'être très sensible et attentif à cette différence, et de veiller à ce que les droits des enfants de milieux culturels différents des nôtres, ne soient pas perçus comme étant en opposition avec les valeurs des parents. C'est une recommandation qui me tient à cœur, car je vis parfois des situations très difficiles dans les communautés culturelles. C'est dû aussi à l'ignorance.

Dans cet ordre d'idée, est-ce que vous pouvez me citer des exemples d'activités organisées pour informer et sensibiliser la population aux droits des enfants? Car le Canada, ce n'est pas seulement les Canadiens; c'est aussi des groupes multiculturels. Notre préoccupation, c'est d'arriver à toucher tout le monde.

Mme Sarkar : Effectivement, j'apprécie vos commentaires et ma collègue a dit tantôt que le ministre d'État, M. Raymond Chan, était très sensible au fait qu'il faille vraiment cibler les nouveaux arrivants.

Mme Namiesniowski : Nous avons un autre petit programme. On a seulement 400 000 $ pour le programme chaque année. On fait la promotion de l'augmentation du niveau de connaissance de notre population avec des publications comme le Children's Guide. Nous cherchons toujours des projets que nous pourrions financer. Ce n'est pas nous qui offrons des programmes, mais c'est nous qui finançons les projets qui sont soumis à notre programme par les ONG. Nous sommes toujours à l'affût d'idées comme celle que vous avez mentionnée.

Le sénateur Ferretti Barth : Nous sommes ici pour régler des problèmes et voir quelles sont les meilleures façons d'arriver à un service de qualité égale pour tous dans notre société. Il faut comprendre que nous sommes une nation multiethnique et que, si nous sommes responsables des nouveaux immigrants, nous sommes aussi responsables de les informer sur la façon dont on peut, ici, vivre en toute quiétude. Il est impératif que l'école fasse l'effort de consulter les parents en présence des enfants pour leur expliquer, dans un langage très accessible, ce que sont les droits des enfants. Si vous prenez le dépliant, personne ne le lit. En particulier, les nouveaux immigrants ne comprennent rien.

Si je demandais à ma sœur ou à ma voisine ce qu'elles ont fait de ce dépliant, elles me diraient qu'elles l'ont jeté. C'est le contact personnel qui est important, que vous puissiez parler avec votre cœur de votre culture et de ce qu'elle vous permet de réaliser. C'est ce que le Canada suggère de faire pour le bien de l'enfant. C'est primordial. Prenez ma recommandation, s'il vous plaît.

Mme Sarkar : Une des choses que l'on pourrait faire est de mettre cela à l'ordre du jour avec nos collègues des provinces et territoires, étant donné que l'éducation, c'est leur juridiction. On pourrait faire une tentative dans quelques provinces et voir si le projet pourrait marcher.

Le sénateur Ferretti Barth : Si vous allez à Montréal, je pourrais vous aider. Je connais presque toutes les écoles. Cela me ferait plaisir d'y aller avec un fonctionnaire et de rencontrer ces gens.

[Traduction]

La présidente : Avant de passer à un second tour de table, serait-il possible de fournir au comité les noms des membres du comité de coordination fédéral-provincial, ainsi que les noms des personnes figurant sur la liste interministérielle?

Des représentants du groupe interministériel ou du groupe fédéral-provincial ont-ils déjà été invités à présenter un rapport à un comité parlementaire, que ce soit à la Chambre des communes ou au Sénat?

Mme Sarkar : Je suis désolée, sénateur, mais je ne comprends pas votre dernière question.

La présidente : Pourriez-vous répondre aux deux premières questions?

Mme Sarkar : Pour ce qui est de vous fournir les noms des membres du groupe fédéral-provincial, je voudrais consulter les personnes concernées dans les provinces et les territoires avant de le faire. Je ne dis pas que je ne vous les fournirai pas, mais j'aimerais les consulter pour m'assurer qu'ils n'ont pas d'objection. Pour ce qui est des membres du groupe interministériel fédéral, nous allons bien sûr vous les communiquer.

Pour ce qui est du groupe interprovincial-territorial, nous pouvons assurément vous fournir les noms de tous les membres fédéraux, ainsi que les noms des membres fédéraux du comité interne au sein du gouvernement fédéral.

La présidente : À vrai dire, je suis étonnée que vous ne puissiez nous fournir les noms des membres provinciaux. Ce n'est pas une société secrète, tout de même.

Mme Sarkar : Non, mais je pense que ce serait faire preuve de courtoisie envers nos homologues des autres provinces que de leur demander leur avis avant.

La présidente : Comme je le disais, je m'étonne qu'à notre époque, une requête comme celle-là vous mette mal à l'aise.

Vous avez des réunions au cours desquelles vous discutez d'enjeux comme la mise en oeuvre de la Convention relative aux droits de l'enfant. On nous a dit dans le passé, à moi comme au comité, qu'on s'attachait à résoudre certaines questions. Or, nous ignorons quelles sont ces questions et si les choses évoluent. Aucun mécanisme public ne permet aux gens de savoir que vous discutez de ces questions qui, nous le reconnaissons, ne sont pas faciles. Les procès- verbaux de vos réunions sont-ils disponibles pour le public ou pour les parlementaires?

En outre, avez-vous déjà été invités à faire rapport à un comité parlementaire de la Chambre des communes ou du Sénat au nom de ce groupe fédéral-provincial? Cela est-il déjà arrivé?

Mme Sarkar : Pour ce qui est de nos délibérations et de nos échanges au sujet de ces questions, elles ne sont pas rendues publiques pour une raison bien précise. Les échanges que nous pouvons avoir avec les représentants des provinces derrière des portes closes peuvent être francs et honnêtes de part et d'autre.À mon avis, le fait que nous puissions avoir des échanges musclés en privé favorise la réalisation des objectifs de la Convention relative aux droits de l'enfant ou d'autres conventions. Non, les procès-verbaux ne sont pas disponibles.

La présidente : En tant que membre d'un comité ou individuellement, avez-vous été invitée à discuter de toute question ayant trait à votre travail dans le domaine général des droits de la personne? Évidemment, nous nous intéressons particulièrement à la Convention relative aux droits de l'enfant. Mais parlant de ce domaine en général, avez-vous déjà été invitée à discuter de ces questions, ou de l'existence d'un comité, de la nature de son mandat, etc., devant un comité de la Chambre des communes ou du Sénat, sauf pour la fois où vous avez comparu devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne?

Mme Sarkar : À ma connaissance, non. Mme McPhee pourrait peut-être apporter des précisions.

Mme McPhee : La seule fois où nous avons été invités à comparaître devant votre comité, c'est lorsque le président du comité permanent s'est présenté pour une séance d'information.

Le sénateur Pearson : Merci. Pour revenir brièvement sur l'intervention du sénateur Andreychuk, nous avons appris que dans d'autres pays, le Parlement est invité à participer à une séance avec les fonctionnaires au sujet de leurs observations finales. C'est là une chose qui nous intéresse vivement. Voilà qui explique en partie ce qui motivait l'intervention du sénateur Andreychuck.

La présidente : En tant que sénateurs, nous avons de longs antécédents et de bonnes mémoires. Notre dialogue avec des hauts fonctionnaires fédéraux ne nous a pas permis d'être mis au courant du contenu de certaines négociations avec les provinces; pourtant, nous avons reçu cette information d'autres sources. Simplement pour que soit actualisée la mémoire collective de notre comité, il faudrait que ces procès-verbaux soient distribués à tous ses membres.

Le sénateur Pearson : Vous avez tellement de composantes, y compris les organisations culturelles nationales, la SRC, et ainsi de suite. Vous n'avez pas besoin de répondre à cela. C'est une simple réflexion. J'estime qu'il est important que ces organisations s'intéressent aux enfants qui relèvent de leur mandat. Ce serait la moindre des choses. Je sais que certaines d'entre elles le font. Par exemple, le Centre national des Arts fait de l'excellent travail en encourageant les jeunes artistes. Serait-il utile pour vous d'avoir un mécanisme de liaison qui rappellerait périodiquement à ces organisations, lorsqu'elles font rapport de leurs activités, qu'elles doivent respecter le droit de l'enfant à la culture? Ce n'est pas la même chose que créer un nouvel auditoire ou quoi que ce soit. Il s'agit d'affirmer le droit de l'enfant à la culture et à l'histoire. Je vois plutôt cela comme un exercice de sensibilisation.

Mme Sarkar : Je suis réceptive à cette idée. Je ne vous parlerai pas d'autres comités, mais nous nous réunissons dans le contexte de notre portefeuille. C'est un vaste portefeuille qui englobe des institutions importantes et influentes et c'est sûrement une question que nous pouvons soulever avec eux, au même titre que d'autres questions de collaboration.

Le sénateur Pearson : Si c'était une question standard, ils seraient tenus d'y penser tous les ans.

Le sénateur Carstairs : Pour faire suite aux questions posées par le sénateur Poy et le sénateur Ferretti Barth, y a-t-il une trousse d'information que vous remettez au ministère de Citoyenneté et Immigration et dont ils se servent à l'occasion des cérémonies d'accession à la citoyenneté ou pour sensibiliser les nouveaux citoyens en ce qui a trait à la Charte et à la Convention relative aux droits de l'enfant?

Mme McPhee : Le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration prépare sa propre trousse. Nous leur fournissons des exemplaires de la Charte et nous pourrions certainement envisager d'inclure dans la trousse des exemplaires de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Mme Sarkar : J'apprécie beaucoup les idées que nous ont données le sénateur Carstairs et d'autres.

Le sénateur Ferretti Barth : J'ai assisté à quatre reprises à des cérémonies de citoyenneté.

[Français]

Je n'ai jamais vu la Déclaration des droits des enfants. Si vous me dites que le bureau doit faire la demande pour inclure, dans la pochette, la Déclaration des droits de la personne et la Déclaration des droits des enfants, c'est différent.

Je suis normalement présente à la cérémonie et je peux vous dire que je n'ai jamais vu ce document. Vous devez prendre en considération ce qu'a dit madame le sénateur Carstairs. Il faut revoir le contenu de la trousse d'information que l'on donne aux citoyens et s'assurer qu'il soit complet. Sinon, il y aura encore du temps perdu à instruire les nouveaux immigrants sur les lois canadiennes. En fait, beaucoup d'enfants et d'adultes ne connaissent pas les lois, et c'est de notre faute. Il faut remédier à cela.

Mme Sarkar : Je crois que la recommandation du sénateur Carstairs est excellente.

[Traduction]

La présidente : Notre temps est écoulé. Je vous remercie d'avoir comparu devant notre comité et de nous avoir renseignés sur la façon dont le gouvernement s'y prend pour disséminer l'information au sujet de la Convention relative aux droits de l'enfant et en favoriser l'observation. Ce n'est qu'un début. À ce qu'il semble, il nous reste beaucoup de chemin à parcourir.

Nous avons demandé au président du comité de coordination de comparaître devant nous, et nous sommes impatients de l'entendre. Nous avons aussi hâte d'entendre la ministre. Ces deux témoins peuvent peut-être comparaître en même temps. Vous pouvez les avertir que nous sommes intéressés à poursuivre le dialogue.

Nous allons passer directement à la prochaine partie de la séance. Nous accueillons Mme Sheryl Milne, conseillère en personnel et Mme Martha Mackinnon, directrice exécutive de Justice for Children and Youth.

Je rappelle aux honorables sénateurs que le comité directeur a fixé la date de notre départ pour les audiences que nous tiendrons un peu partout au Canada à la semaine du 13 juin. La première séance aura lieu au Canada atlantique.

Si vous ne pouvez y participer, il serait bon que des représentants de la région vous remplacent car ils peuvent nous fournir une vaste perspective concernant leur région. La date des visites dans certaines villes sera fixée sous peu.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de Justice for Children and Youth. Avez-vous une déclaration liminaire?

Mme Martha Mackinnon, directrice générale, Justice for Children and Youth : Honorables sénateurs, je suis accompagnée de Mme Sheryl Milne, conseillère en personnel.

Je vous remercie de votre invitation. C'est avec gratitude que nous l'avons reçue et nous sommes honorés par l'occasion qui nous est donnée de comparaître devant vous. Je vous présente mes excuses. Compte tenu du bref préavis qu'on nous a donné, nous n'avons pas été en mesure de vous faire parvenir notre mémoire suffisamment à l'avance pour qu'il soit traduit. Au moment même où nous quittions le bureau, notre système informatique est tombé en panne.

Je tiens à souligner à quel point nous sommes heureux que le Sénat accorde à cette question suffisamment d'importance pour avoir confié à l'un de ses comités le soin de l'étudier. En soi, c'est une précieuse reconnaissance du travail que nous faisons depuis de nombreuses années, ainsi que de votre propre compréhension de l'importance des enfants dans notre société.

Justice for Children and Youth a été fondé en 1978. C'est encore aujourd'hui le seul cabinet d'aide juridique consacré aux enfants. Nous sommes des avocats. Nous pratiquons dans divers domaines : le droit pénal, le droit scolaire, le droit de la famille, les droits de la personne et la protection de l'enfance. Devant cette liste, vous aurez compris que notre champ d'activité couvre à la fois les juridictions fédérale et provinciales.

Ce qui est unique au sujet de notre cabinet, hormis le fait qu'il est le seul en son genre au Canada, c'est que nous travaillons pour les jeunes eux-mêmes. Nous acceptons les directives des jeunes. Un comité consultatif composé de jeunes contribue à délimiter le travail du cabinet et à établir les priorités. Nous faisons participer les jeunes à autant d'étapes du travail qu'il est possible de le faire. Cependant, nous savons que le travail que nous faisons, nous le faisons pour eux, et ils nous donnent leurs directives. Ils nous engagent en tant qu'avocats et nous agissons en leur nom.

Cette formule a été très gratifiante pour moi. Je suis non seulement une avocate mais aussi une ancienne enseignante. J'ai travaillé avec les jeunes toute ma vie. Pour Mme Milne, qui est avocate et travailleuse sociale, ce travail a été source de satisfaction, mais aussi de frustration. Lorsqu'on tente d'aider directement les jeunes, certains mécanismes ne donnent pas toujours les résultats escomptés compte tenu du contexte juridique actuel applicable aux enfants au Canada.

Nous oeuvrons dans de nombreux domaines qui, comme je l'ai dit tout à l'heure chevauchent les juridictions fédérale et provinciales, et c'est ce qui nous a amenés à formuler l'une des recommandations que vous trouverez dans notre rapport. Je crois que vous avez déjà entendu cette suggestion. Il faut que la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies soit intégrée au droit canadien.

Ce ne devrait pas être trop difficile étant donné que toutes les provinces, à l'exception de l'Alberta, l'ont déjà ratifiée. On présume qu'au Canada, il n'y aurait pas d'opposition sérieuse à la formulation de la convention onusienne. Cependant, dans la mesure où cela représente un défi, à mon avis, il appartient à Ottawa de faire preuve de leadership, de donner l'exemple et de travailler d'arrache-pied pour convaincre les provinces d'intégrer la convention au droit canadien.

Il importe de noter que le Canada n'a pas simplement signé et ratifié la convention des Nations Unies. Il s'en est fait le champion, le pilote. Il a incité d'autres pays à la signer; il a contribué à sa rédaction et il a déployé des efforts pour que cet instrument, ce traité international voie le jour et devienne la norme en ce qui concerne les droits humains des enfants. Il est crucial que le Canada, qui en est le parrain, soit un leader mondial pour ce qui est d'intégrer la convention au droit national.

Je sais qu'un ou deux sénateurs ont déjà posé des questions au sujet du rôle de l'éducation. Les gens n'affirment pas les droits qu'ils ignorent posséder. Il nous faut créer un climat propice à la diffusion des droits pour que tous puissent s'en prévaloir. Je crois qu'on a suggéré spécifiquement que la convention soit incluse dans les trousses remises aux nouveaux citoyens. Tous les citoyens canadiens et tous les nouveaux immigrants doivent être au courant de son existence et de son contenu, mais il faut aller encore plus loin. Ils doivent savoir que le Canada y adhère sans réserve, qu'il en a été le champion, qu'il l'a signée et ratifiée. C'est un instrument auquel le Canada souscrit sur la scène internationale. Selon moi, il serait très décevant que la signature d'un traité international devienne la limite des hautes eaux. Si l'on ne passe pas à l'étape de la mise en oeuvre, c'est comme si le Canada avait dit : voici ce que nous pensons de la norme internationale; les autres pays devraient la suivre, mais pas nous. J'estime qu'intégrer la convention au droit canadien est une absolue nécessité si nous ne voulons pas perdre le leadership moral considérable dont nous avons fait preuve en militant pour l'adoption de la convention.

Nous avons partagé notre exposé. Je vais maintenant céder la parole à Mme Milne, qui vous parlera plus en détails de certains éléments de notre mémoire, y compris le traitement des cas et le processus qui a abouti à notre mémoire. À mon avis, il s'agissait là d'un processus particulièrement riche. Ensuite, nous vous aiderons volontiers de notre mieux en répondant à vos questions.

Mme Sheryl Milne, conseillère en personnel, Justice for Children and Youth : Honorables sénateurs, je parlerai brièvement de la structure de notre mémoire et du processus qui a débouché sur les recommandations que vous y trouverez.

Le comité des politiques de Justice for Children and Youth a examiné la plupart des mémoires qui vous ont déjà été soumis. Vous constaterez que certaines de nos recommandations font écho à des recommandations que vous avez déjà entendues. Nous ne nous y attarderons pas nécessairement, sauf pour répondre à des questions précises que vous pourriez avoir. En particulier, notre comité des politiques souscrit aux documents et au ton général du mémoire qui vous a été présenté par l'Institut international des droits et du développement de l'enfant. Il souscrit également au langage employé dans ce mémoire pour expliquer de quelle façon les droits des enfants peuvent se concrétiser et comment s'y prendre pour faire participer les enfants et les jeunes aux décisions qui les touchent au premier chef.

Notre mémoire s'articule autour des cas traités à notre cabinet. Nous fournissons quelques exemples de décisions de tribunaux qui illustrent le fait que le système judiciaire ne s'attache pas autant qu'il le devrait au droit des enfants. Vous vous souviendrez sans doute que la Canadian Foundation for Children, Youth and the Law nous sommes une seule et même organisation a été le requérant qui a demandé que l'article 43 du Code criminel soit déclaré anticonstitutionnel. Nous soulignons cette cause dans notre mémoire, non pas pour en reprendre les arguments juridiques dans l'espoir d'avoir une nouvelle chance, mais parce que nous sommes troublés par le langage employé dans la décision majoritaire du tribunal. En effet, en l'occurrence, les droits des enfants ont été complètement évacués du discours. C'est devenu une cause sur les droits des parents. Je répondrai volontiers à des questions spécifiques sur cette question.

De façon plus générale, nous présentons de nombreux exemples quotidiens d'enfants et de jeunes qui n'ont pas voix au chapitre dans les délibérations qui les concernent. Nous déplorons aussi le manque de ressources, notamment pour les enfants immigrants, les minorités raciales et les enfants handicapés.Mme Mackinnon a déjà insisté sur un grand nombre de ces enjeux. Nous représentons ces enfants quotidiennement. Leurs causes ne deviennent pas des causes types. Elles n'en viennent pas à faire l'objet de décisions de la part des juges. Souvent, nos clients abandonnent avant même de franchir la porte de notre bureau, en partie à cause des obstacles qu'il faut surmonter pour présenter une cause type. Les exigences qu'il faut satisfaire pour présenter une cause devant un tribunal ou devant un juge sont extraordinaires, même pour des adultes. Notre système n'est pas ouvert à l'idée que des jeunes présentent leur propre cause ou leurs propres arguments devant un juge.

Dans les cas que nous avons traités, dans nos interventions et dans certains cas, de même que dans la cause Canadian Foundation, nous avons souvent été troublés par la position litigieuse adoptée par les avocats fédéraux et les procureurs de la Couronne provinciaux. En effet, ces derniers cherchent à minimiser l'importance de la convention et les droits des enfants en général, notamment en faisant valoir que l'intérêt supérieur de l'enfant n'est pas un principe de justice fondamentale. Les tribunaux n'inventent pas ces choses-là. Ils entendent les arguments des deux parties. C'est manifestement l'argumentation que leur ont servie les avocats fédéraux. Je ne blâme pas les avocats. Dans bien des cas, ils sont obligés de présenter des arguments vigoureux pour faire respecter la loi devant les tribunaux. Mes propos viennent appuyer l'intervention qu'a faite tout à l'heure Mme Mackinnon lorsqu'elle a dit que le gouvernement doit jouer un rôle de chef de file pour ce qui est de fournir des directives aux avocats impliqués dans diverses causes et pour adopter des lois qui ont véritablement du mordant lorsqu'il s'agit de s'assurer que les droits des enfants font partie intégrante du discours dans les causes elles-mêmes.

C'est sans étonnement que vous verrez que nous recommandons, entre autres, d'abroger l'article 43. À notre avis, c'est crucial dans la perspective des droits des enfants dans notre pays. Il ne s'agit pas tellement d'affirmer que c'est bon ou mauvais pour les enfants du point de vue des sciences sociales; c'est plutôt une question de respect des droits humains des enfants. Notre mémoire renferme une discussion à ce sujet.

La présidente : Je vous remercie de votre exposé. Vous avez fait référence à un rapport qui a été déposé en anglais. Il sera traduit et distribué. Vous pourriez peut-être étoffer vos arguments pour qu'il soit consigné au compte rendu en attendant que nous recevions la traduction.

Le sénateur Baker : Vous aurez remarqué que je n'ai pas posé de questions aux témoins précédents. Espérons que la présidente s'inspirera de son expérience préalable en tant que juge et qu'elle me laissera une certaine latitude.

Madame Mackinnon, vous avez dit au début de votre exposé que c'était pour vous un honneur de comparaître devant notre comité sénatorial. C'est un honneur pour nous de vous recevoir toutes les deux ici. Vous avez toutes deux consacré, j'imagine, la majeure partie de vos vies professionnelles à la défense de l'intérêt supérieur de l'enfant et des droits des enfants. Vos noms, Martha Mackinnon et Sheryl Milne, sont inscrits à l'encre indélébile dans la jurisprudence que nous lisons sur Quicklaw et dans Westlaw Carswell. Même si vous ne croyez pas avoir fait de progrès, vous en avez fait. Chacune des causes que vous avez présentées a constitué une avancée.

J'ai lu l'excellent factum que vous avez soumis à la Cour suprême du Canada au sujet de l'article 43. J'ai constaté que vous aviez rédigé 40 pages complètes, sans compter l'index au début. Vous n'auriez pas pu le compter. Cela aurait été contraire aux règles de la cour. Vous avez dû vous sentir quelque peu limitée dans votre intervention puisqu'on vous permettait au maximum 20 pages.

La grande question que tout le monde se pose est la suivante : vous avez fait valoir qu'il ne devrait y avoir aucune exception à l'infraction connue sous l'expression « voies de fait simples » dans le Code criminel. En cas de voies de fait, aucune exception ne devrait s'appliquer. Vous avez invoqué l'article 266 du Code criminel pour faire valoir que les enfants ne devraient pas impunément être victimes de voies de fait. Vous n'avez pas déclaré que les parents devraient avoir le droit d'infliger la fessée ou que les professeurs devraient avoir le droit d'imposer un châtiment corporel. Votre argument était le suivant : l'article 43 vise non seulement les parents et les enseignants, mais toute personne ayant une autorité quelconque sur les enfants dans un camp, lors d'une manifestation sportive, en tant qu'entraîneur, ou quoi que ce soit du genre.

Ma question est la suivante : À votre avis, où réside le problème? La majorité des Canadiens conviennent qu'il ne devrait pas y avoir d'exception à la règle concernant les voies de fait simples. D'après le dernier sondage mené par la maison Decima Research, les Canadiens y sont majoritairement opposés. Aux États-Unis, une majorité d'États, soit 27 d'entre eux, ont éliminé cette exception de leur législation. Tous les pays d'Europe ont fait la même chose. Deux juges de la Cour suprême ont affirmé sans équivoque que la situation actuelle était inacceptable. À votre avis, quel est le problème? Pensez-vous que cela devrait être l'une des principales recommandations du comité sénatorial?

Mme Milne : Je répondrai à la seconde question en premier. Oui. C'était la question facile.

En réponse à l'autre question, à savoir pourquoi il en est ainsi, il y a bien des choses que nous pourrions améliorer, notamment pour ce qui est de sensibiliser les politiciens et les législateurs à ce sujet. Pour ce qui est de sensibiliser le grand public, on enregistre des progrès. Je sais que le gouvernement du Canada s'est engagé en tout cas cela faisait partie de sa plaidoirie à éduquer la population à ce sujet. Il a fait publier des brochures où l'on explique que le châtiment corporel est une mauvaise chose, que ce n'est pas une solution efficace et qu'il ne faut pas frapper ses enfants. Il faut faire beaucoup plus. Lorsque la Suède a modifié sa législation, elle a organisé des campagnes de publicité à l'intention des citoyens à la télévision, sur les cartons de lait et ainsi de suite, et ces initiatives ont été très largement acceptées. Cela a suscité une réaction dont la population a été l'instigatrice.

La Suède a aussi eu une autre initiative que nous pouvons prendre comme modèle et cela revient à notre recommandation concernant l'éducation c'est qu'elle a fait oeuvre d'éducation auprès des jeunes en leur faisant savoir qu'ils avaient le droit de vivre à l'abri des châtiments corporels. Elle a ainsi créé une nouvelle génération de gens qui ont grandi avec cette idée que les châtiments corporels sont interdits aux parents. Et on est maintenant en présence d'une génération d'enfants qui sont élevés par des adultes à qui on a appris, alors qu'ils étaient eux-mêmes enfants, qu'ils n'étaient pas censés être frappés.

Il faut faire davantage. Sans vouloir vous manquer de respect, nos hommes et femmes politiques sont à l'autre extrême du spectre de l'âge. Ils ont grandi dans des circonstances différentes.

À propos de la cause elle-même, la cour s'est sentie obligée de faire preuve de déférence à l'endroit du Parlement. C'est au Parlement qu'il incombe d'être un chef de file dans ce domaine et de prendre acte des résultats des sondages de la firme Decima Research, si vous voulez. Cela dit, cette question transcende les sondages. Il s'agit d'une question de droits de la personne fondamentale, indépendamment qu'elle soit appuyée ou non par un sondage. La Convention relative aux droits des enfants stipule clairement que le châtiment corporel doit disparaître. À mon avis, c'est clairement l'une de nos obligations internationales à l'égard des enfants canadiens, et nous devons continuer de transmettre ce message.

J'ai de nombreuses idées sur les raisons pour lesquelles nous n'avons pas gagné, mais ce sera pour une autre fois.

Le sénateur Baker : Vous ne devriez pas dire que vous n'avez pas gagné. Si je me souviens bien, le jugement renferme une définition distincte du terme « raisonnable », en vertu de laquelle il est précisé que personne ne peut plus administrer un châtiment corporel à un enfant de moins de trois ans. Si j'ai bien compris et reprenez-moi si je me trompe, la Cour suprême du Canada, dans une décision d'importance majeure, a décrété l'interdiction absolue de porter un coup à la tête. Elle a ajouté qu'il n'est pas raisonnable d'administrer un châtiment corporel à un adolescent. Il ne reste plus que les enfants qui ont entre trois et 12 ans. Dans le mémoire que vous avez présenté à la Cour suprême du Canada, vous avez cité des exemples montrant qu'on ne considère pas que c'est frapper un enfant que de prendre un enfant de 12 ans à la gorge. Vous avez évoqué ces causes qui figurent dans la jurisprudence. Je les ai lues moi aussi. Cela est jugé acceptable. Je ne pense pas que la Cour suprême du Canada ait modifié ce jugement. En conséquence, ce ne sont pas les juges qui font problème car comme vous et moi le savons, les juges ne peuvent prendre une tangente. Ils sont tenus d'appliquer la loi et d'interpréter la loi.

Ai-je raison de dire que vous avez tout de même accompli quelque chose en présentant cette cause? Vous avez à tout le moins mis le pied dans la porte et vous avez obtenu trois changements importants à la loi pour ce qui est de l'interprétation du terme « raisonnable » en vertu de l'article 43?

Mme Milne : Peut-être.

Le sénateur Baker : Expliquez-vous, je vous prie.

Mme Milne : Si je dis cela, c'est que dans une cause récente, entendue l'automne dernier à Toronto, une mère qui avait giflé sa fille adolescente sur la tête a été acquittée au motif que la force employée ne dépassait pas la mesure raisonnable.

Le sénateur Baker : En quelle année était-ce?

Mme Milne : L'automne dernier, en 2004.

Le sénateur Baker : La Cour suprême a rendu sa décision en 2004.

Mme Milne : C'était après la décision. La décision a été rendue en janvier. Il s'agit d'un arrêt remontant à l'automne. En fait, les juges étaient certainement au courant car on faisait référence à notre cause. Le danger de cette décision et de son interprétation à l'avenir, c'est que beaucoup diront que cela prouve une fois pour toutes que l'article en question est constitutionnel, et nous nous retrouvons alors avec une norme sur le caractère raisonnable qui permet d'en arriver à des décisions différentes, même si elles ne seront pas nécessairement aussi déplorables que celles citées dans notre factum, décisions qui seraient fondées sur l'expérience personnelle des juges et leur propre opinion sur ce qui leur apparaît raisonnable. C'est pourquoi nous devons revenir à la charge. Nous devons nous débarrasser de cet article. Je conviens que nous avons fait certains progrès. Entre le moment où nous avons lancé notre cause, en 1998, date à laquelle nous avons déposé notre requête, et 2004, quand la décision a été rendue, l'opinion publique a presque changé du tout au tout sur cette question. Je ne veux pas m'en attribuer tout le mérite, puisque beaucoup de gens ont travaillé à ce dossier, mais ce changement peut être attribué en partie à l'attention médiatique accordée à notre cause et au travail fait pour rassembler les opinions des experts. Vous avez mentionné qu'on permet seulement 40 pages. Environ 10 000 pages de documents ont été déposées en preuve devant le tribunal en première instance. C'est un miracle d'avoir réussi à condenser tout cela en 40 pages.

Le sénateur Baker : Vous ne pouviez pas avoir un factumde 41 pages.

Mme Milne : Il reste qu'une réforme législative s'impose parce que nous avons encore une norme, mais c'est une norme qui a un caractère ridicule. Il y a des lignes de démarcation qui n'ont pas grand bon sens dans la vraie vie.

Le sénateur Baker : Vous faites deux recommandations au comité. Premièrement, la convention des Nations Unies doit être intégrée à la législation canadienne. Cela influerait ensuite sur l'article 43, parce que certaines de vos principales objections à l'article 43 seraient éliminées avec l'adoption de la convention de l'ONU. Si le comité devait recommander les deux, cela ferait l'affaire. C'est bien ce que vous dites.

Mon temps est-il écoulé, madame la présidente?

La présidente : Voulez-vous répondre à cela?

Mme Milne : Je n'ai rien d'autre à ajouter. Merci.

Le sénateur Carstairs : Je suis certainement d'accord avec tout ce qui figure dans votre mémoire. Je tiens toutefois à préciser clairement que ce ne sont pas seulement les politiciens qui sont la cause du problème. Quand j'ai présenté un projet de loi au Sénat visant à abroger l'article 43 il y a environ neuf ans, j'ai reçu une série de lettres manuscrites écrites par un groupe d'enfants d'une classe de 7e année du Manitoba qui m'expliquaient pourquoi ils croyaient que les châtiments corporels étaient bons pour eux. J'ose croire que cette attitude s'est maintenant dissipée. J'ai pourtant reçu ce matin même un courriel d'un jeune homme de 10e année qui m'expliquait pourquoi le châtiment corporel était bon pour lui.

Nous devons faire l'éducation des enseignants. J'ai été consternée par l'intervention dans cette affaire de la Fédération des enseignantes et des enseignants de l'Ontario qui plaidait pour le maintien des châtiments corporels. J'ai été membre de l'Association des enseignants du Manitoba pendant de nombreuses années et je sais que, heureusement, le Manitoba défend depuis longtemps une position contraire et que les enseignantes et enseignants du Manitoba ont adopté une position inverse.

À ce jour, il n'y a aucune volonté politique, en dépit du projet de loi dont le Sénat est actuellement saisi. Comment faire l'éducation des gens pour obtenir l'abrogation de l'article 43?

Mme Mackinnon : Sénateur Carstairs, je vais me contenterde faire quelques observations en langage simple et non pasen jargon d'avocat. C'est vraiment difficile pour un enfant dedire : « Mes parents avaient tort. » Les enfants ont un besoin profond d'aimer leurs parents et un besoin profond de croire que leurs parents font, plus ou moins, globalement, de leur mieux. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles il n'y a pas d'enfants nommément impliqués dans l'affaire de la contestation de l'article 43. C'est pourquoi on a adopté une approche consistant à contester globalement la loi. On ne va pas prendre un pauvre enfant vulnérable et l'amener par la main en luidisant : « Nous voulons que tu témoignes et que tu affirmes que tes parents t'ont endommagé. » Cela nous semble épouvantablement injuste. Je ne demanderais pas nécessairement une telle chose à un adulte, mais, chose certaine, je n'irais pas le demander à un enfant. Si je devais passer aux rayons X la conscience des juges de la Cour suprême du Canada, je crois que j'aboutirais à la conclusion qu'ils aiment à croire que leurs parents ont fait de leur mieux. Et ils trouvent probablement qu'en fin de compte, tout a bien tourné pour eux. Ils s'en sont peut-être mieux sortis que moi. Globalement, tout compte fait, je suppose qu'on peut dire qu'ils s'en sont bien sortis. La question qu'ils ne se sont pas posés, c'est de savoir s'ils s'en seraient sortis encore mieux s'ils n'avaient pas été frappés.

Je vais très bien, même si je suis tombée d'un arbre et me suis frappée la tête. J'aurais peut-être pu faire encore mieux. Je ne sais pas. Nous subissons toutes sortes de blessures dans nos vies. Les êtres humains sont capables de rebondir. Nous sommes capables d'en prendre et nous survivons à bien des épreuves. Cela ne veut pas dire que nous ne pourrions pas faire encore mieux. Si je devais tenter de créer le meilleur des mondes possible, et je veux dire un monde vraiment bon et meilleur, alors je voudrais qu'un enfant puisse se dire : « Je pourrais être encore mieux si je n'avais pas frappé mon frère, si je n'avais pas été frappé. » Nous pourrions inculquer à tous un profond respect pour l'humanité, pour la personne humaine présente en chaque être humain, si nous enseignions à tous que la vie est meilleure quand on ne frappe personne. C'est un projet à long terme, et c'est ce que Mme Milne voulait dire. Nous ne pouvons pas nous attendre à faire naître du jour au lendemain cette compréhension profonde et viscérale de l'importance de cet aspect. Les gens peuvent dire qu'ils ne sont pas d'accord, qu'ils n'ont pas besoin d'adhérer à cette vision. La tâche qui est impérieuse est d'aider les gens à grandir en sachant qu'ils ont le droit d'établir la distinction entre, disons, le « bon toucher » et le « mauvais toucher », et puis « Ceci est mon corps. Respectez-le. »

Le sénateur LeBreton : J'ai une question précise. Il me semble que tous les jours, nous ouvrons la télévision ou le journal et nous voyons ou lisons des reportages sur des cas de brimade. Dans vos recherches et dans les dossiers dont vous vous occupez, avez-vous établi un lien direct entre le comportement envers les enfants et le comportement des enfants envers les autres enfants?

Mme Mackinnon : Il y a un lien. Comme vous le savez, en sciences sociales, le lien de causalité est toujours un peu flou, mais il y a certainement un lien de corrélation. Mme Milne pourra vous en dire plus long là-dessus.

Au sujet des brimades, il y a de nombreuses années, un psychologue en chef d'une commission scolaire a déclaré : « Du moment qu'une enseignante de la maternelle divise les enfants dont elle a la charge en groupes et que l'un des enfants se met à râler parce qu'il n'aime pas un autre enfant de son groupe, c'est comme si on venait de lui donner la permission de brimer ses camarades. » Qu'un enfant râle, ce n'est pas grave, mais on lui a aussi donné la permission d'accorder à un être humain une valeur moindre qu'à un autre. Ce comportement s'enracine et prend de l'ampleur et, rendu en 6e ou en 8e année, se manifeste beaucoup plus méchamment, habituellement verbalement. À l'école secondaire, cela devient encore plus méchant et parfois même physique. On a alors un grave problème sur les bras. Tout a commencé parce qu'on n'a pas enseigné à tous les enfants de trois et quatre ans que chacun d'eux a la même valeur que les adultes qui gravitent autour d'eux et que chaque autre enfant dans sa classe.

Mme Milne : J'ajoute que je sais que vous avez entendu le témoignage de Katherine Covell, du Cap-Breton, qui vous a parlé du travail qu'elle a accompli dans le domaine du curriculum sur les droits de la personne et sur les droits des enfants qui est établi pour l'enseignement primaire. En appliquant ce curriculum à de jeunes enfants, on obtient comme résultat un plus grand respect dans la salle de classe à l'égard des droits, de façon générale, mais aussi un plus grand respect mutuel entre les élèves. Nous y faisons allusion dans nos mémoires au sujet du besoin d'éducation.

Le sénateur LeBreton : Ma question porte directement sur votre mémoire et sur toute la question de l'éducation des politiciens. Je suis d'accord avec le sénateur Carstairs pour dire que la problématique ne se limite pas à faire l'éducation des politiciens. On nous a bien souvent recommandé de créer un ombudsman ou un commissaire à la protection de l'enfant. Vous dites que cette personne devrait relever du Parlement. Quelle serait l'étendue du rôle que jouerait cette personne? Pourrait-elle exercer une influence non seulement sur les parlementaires ou les politiciens, mais aussi sur les tribunaux? Dans votre esprit, quelle serait l'étendue du mandat confié à cet ombudsman ou commissaire?

Mme Mackinnon : D'après ce que nous envisageons, le titulaire de cette charge examinerait les lois existantes et les projets de loi dans le seul but d'en évaluer les répercussions sur les enfants et de vérifier qu'elles sont conformes à la convention de l'ONU. La loi est-elle ou non conforme à cette norme? Si cette personne faisait rapport annuellement à la Chambre, après avoir examiné, de manière cyclique, disons une dizaine de lois par année, ou une seule s'il s'agit du Code criminel, ainsi que tous les projets de loi, cela représenterait la base de son travail et cela tiendrait le commissaire occupé en forçant le Canada à rendre des comptes et à démontrer qu'il s'acquitte de ses obligations internationales. Quant à l'élément de défense des droits, cela pourrait fluctuer, le titulaire examinant des services sociaux, des programmes et la manière dont nous répondons aux besoins des enfants pauvres. Cette personne pourrait examiner l'orientation politique adoptée pour les Autochtones ou pour d'autres groupes de jeunes qui s'en sortent moins bien que la moyenne. Je verrais un tel commissaire faire rapport périodiquement, tous les deux ou trois ans, et avoir le pouvoir de recueillir des renseignements et des données pour aider le Canada à mesurer sa performance au regard de ce qu'il a promis au monde entier de faire.

Mme Milne : Dans les affaires judiciaires, nous avons vu le pouvoir des rapports, par exemple celui de la Commission du droit du Canada, et auparavant celui de la Commission de réforme du droit du Canada. Ces documents qui peuvent parfois être un peu arides, mais qui sont en un sens des efforts de promotion et de défense des droits, sont très convaincants, surtout quand ils traitent de questions sociales et de droits.

Le sénateur Pearson : Ma question porte sur le droit de participer. J'ai été frappée par les descriptions que vous avez faites des cas d'enfants qui n'ont pas obtenu le droit d'intervenir. Je m'intéresse particulièrement au dossier de l'éducation. Je m'intéresse aussi aux procédures de séparation et de divorce et à la capacité des enfants de faire entendre leur voix.

Cela m'a toujours tracassé que les enfants, à l'école, semblent n'avoir aucun droit d'appel ni même la possibilité de se faire entendre lorsqu'ils sont suspendus, parfois pour des raisons qui semblent arbitraires, même si elles peuvent être légitimes. Pourriez-vous nous en parler? Je crois que nous avons beaucoup à faire à ce sujet. Dans le système scolaire, les droits des enfants sont loin d'être aussi bien appuyés qu'ils devraient l'être.

Mme Milne : Je suis certainement d'accord avec cela. Nous sommes intervenus dans l'affaire Eaton. À lire le jugement rendu dans cette affaire, on peut croire qu'il était très progressiste relativement aux droits des enfants de participer et d'avoir leur mot à dire sur les services d'éducation spéciale dont ils ont besoin et sur ce qui est dans leur intérêt. C'est une affaire de droits à l'égalité. Malheureusement, en dépit des belles déclarations formulées dans la décision Eaton, nous n'avons pas vu la réalisation de ces droits partout au Canada.

Nous sommes mieux placés pour commenter la législation en Ontario. La Loi ontarienne sur l'éducation est plutôt archaïque. Les jeunes élèves n'ont rien à dire tant qu'ils n'ont pas atteint l'âge de 18 ans. Ils peuvent se faire entendre de manière limitée quand ils ont 16 ans et plus au sujet de l'éducation spéciale, ce qui est l'unique résultat obtenu à la suite de la décision Eaton. Nous voyons tous les jours des jeunes qui ne peuvent se faire entendre. Ils ne sont même pas interviewés dans des affaires donnant lieu à des mesures disciplinaires. Ils peuvent être menacés d'expulsion alors que leur version des faits n'a même pas été entendue. On constate une réaction presque hostile face à un jeune qui fait appel à nous et qui s'efforce ensuite de faire valoir ses droits, ne serait-ce qu'en matière de procédure, dans la mesure où le résultat peut quasiment être pire pour la jeune personne en question si elle a retenu les services d'un représentant et si elle veut contester le système.

Le sénateur Pearson : Pensez-vous que cela ferait une différence d'abaisser l'âge du vote? Si les enfants avaient le droit de vote à 16 ans, peut-être que les gens à l'école leur accorderaient un peu plus d'attention.

Mme Mackinnon : Je ne sais pas si cela aiderait. Je trouve renversant que dans beaucoup de provinces, on ne peut pas boire avant d'avoir nettement plus que 18 ans, et qu'il y a d'autres droits qui sont conférés aux jeunes bien après l'âge de la majorité. Ils ne représentent pas la majorité des électeurs. Quoi qu'il en soit, il ne semble pas que cela fasse nécessairement une différence, mais cela pourrait les aider à avoir l'impression qu'ils ont au moins une chance de se faire entendre.

Le sénateur Poy : Je vous remercie beaucoup pour votre présentation. J'ai une question d'ordre pratique. Comment les jeunes peuvent-ils entrer en contact avec votre fondation pour vous demander de prendre en main un dossier précis? Comment fonctionne le processus?

Mme Mackinnon : Nous avons une ligne téléphonique sans frais en Ontario. La plus grande partie de notre financement vient de l'aide juridique de l'Ontario et nous avons donc un mandat qui nous est confié par l'Ontario.

De plus, nous sommes inscrits dans un livre que les spécialistes des sciences sociales appellent tous le livre bleu. Avec la permission du CRTC, nous avons un nouveau numéro de téléphone, le 211, qui est comme le 411, et qui est indiqué dans le livre bleu. Il donne accès aux services sociaux et à l'aide communautaire et nous sommes très connus dans ces domaines.

Nous avons aussi un autre moyen de nous faire connaître, mais nous devons faire preuve de prudence à ce sujet. Il s'agit d'une fonction sur notre site Web intitulée « Posez une question à un avocat ». La vérité est que quelqu'un pourrait, comme vous le savez, utiliser l'Internet à mauvais escient. Une personne pourrait nous poser une question en disant: « Je suis une fille de 13 ans », alors qu'il s'agit en fait d'un homme de 30 ans. L'information que nous donnons sur l'Internet est donc plutôt générale. C'est de l'information plutôt que des conseils juridiques. Si l'on nous pose une question sur l'Internet et que nous croyons pouvoir être utiles, nous encourageons fortement notre interlocuteur à nous téléphoner ou à communiquer avec nous individuellement pour avoir une communication plus personnalisée.

Le sénateur Poy : Quel âge peuvent avoir ces enfants? À quel âge apprennent-ils qu'ils peuvent communiquer avec vous en cas de problème?

Mme Mackinnon : La plupart sont à l'adolescence. Le client le plus jeune que j'aie jamais représenté avait sept ans, et c'est parce que je crois qu'il avait vraiment compris la nature de la question pour laquelle il me demandait mon aide. Sa soeur était donnée en adoption et il voulait pouvoir continuer de la voir. Un enfant de sept ans est conscient de ses relations avec sa soeur de deux ans. Il savait qu'il perdrait. J'avais le sentiment qu'il aurait pu m'en apprendre là- dessus. Je dois vous dire que la CIS en Ontario n'était pas d'accord avec cela. Une contestation de sa capacité de signer un affidavit ou de me donner des instructions s'est rendue en cour d'appel, mais il a été jugé capable de comprendre ce qu'il demandait.

Pour nous, la question est de savoir si l'enfant est compétent. C'est difficile pour nous de fixer un âge. Cela dépend de la question.

Le sénateur Poy : Cet enfant a-t-il été dirigé vers votre fondation par les services familiaux?

Mme Mackinnon : Dans ce cas particulier?

Le sénateur Poy : Oui.

Mme Mackinnon : L'avocat de la mère était membre de notre conseil d'administration.

Le sénateur Poy : Merci. C'est ce que je voulais savoir.

Mme Mackinnon : Il se trouve que l'avocat de la mère travaillait au bureau du curateur public. De façon générale, c'est un bureau qui est au courant de notre existence, tout comme le Bureau de l'avocat des enfants de l'Ontario, ainsi que le Bureau de l'intervenant en faveur des enfants de l'Ontario. Ils communiquent avec nous chaque semaine. Je dirais qu'en Ontario, les enfants sont au courant. Nous sommes bien connus dans les agences. Maintenant, aimerions- nous être mieux connus par les enfants eux-mêmes? Absolument!

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth : Cela fait longtemps que j'entends parler des droits des enfants. Encore aujourd'hui, nous voulons départager ce qui va bien de ce qui ne va pas. C'est vrai que la bureaucratie ralentit énormément le gouvernement. Tout le monde parle mais personne n'agit. À mon avis, c'est l'action qui manque.

Considérez-vous que dans l'ensemble, les lois canadiennes protègent les droits des enfants?

[Traduction]

Mme Mackinnon : Une réponse brève qui est le contraire de ce que j'ai dit tout à l'heure. Les enfants ne votent pas, mais ils ne paient pas d'impôt non plus et ils ne téléphonent pas à leur député. Ils ne sont pas activistes de cette manière.

C'est triste à dire, mais dans la société canadienne, nous n'avons pas fait suffisamment de progrès vers une situation où nous serions capables de nous dire que ce n'est pas parce qu'on donne des droits à quelqu'un que des droits nous sont enlevés à nous. Je ne veux pas m'appesantir là-dessus, mais dans l'affaire sur les châtiments corporels, les gens avaient la perception que si l'on donnait aux enfants le droit de ne pas subir d'agression, on enlèverait du même coup un droit à quelqu'un d'autre. Ce n'est pas ma perception de la manière dont fonctionnent les droits de la personne. Ma perception est que plus nous tous avons des droits de la personne étendus, mieux nous serons tous collectivement. Par conséquent, la notion voulant que de donner quelque chose à un enfant n'enlève rien à quelqu'un d'autre est un message que nous ne réussissons pas à transmettre. C'est un message qui dit que je deviens ainsi un meilleur parent, un parent plus fort. Cela fait de moi une enseignante plus forte et meilleure. Je suis un employeur plus fort et meilleur si chaque enfant avec lequel je travaille sait qu'il est un être humain tout autant que je le suis, et mes droits sont renforcés quand chaque membre de ma société jouit des mêmes droits. C'est un message difficile à transmettre, mais nous devons le faire.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth : J'aimerais vous présenter un cas de divorce où l'enfant était coincé entre le père et la mère. Dernièrement, après dix ans, le père, un avocat, a écrit un livre intitulé : Don't let me go, Papa. Vous le connaissez? Cet enfant a subi un calvaire épouvantable pris entre les avocats de la mère, les avocats du père, le droit des enfants, ainsi de suite.

D'après vous, comment cet enfant s'en sortira-t-il, après cette expérience bureaucratique?

En plus des recommandations et des conventions que nous pouvons faire, j'aimerais que chaque province et chaque nation, prennent en charge le problème et agissent. À quel âge l'enfant comprend-il ses droits? Il aime son père, sa mère, il aime même sa maîtresse d'école. C'est tellement délicat que je pense qu'il faut prendre ces situations cas par cas et essayer de diminuer la bureaucratie. C'est trop compliqué. Nous allons empirer la situation plutôt que l'améliorer.

[Traduction]

Mme Milne : Il y a une chose que nous ne faisons pas très bien dans notre système juridique, c'est de régler pour le mieux les ruptures conjugales chargées de conflits ou les séparations entre les parents. Nous ne rendons pas un très bon service à nos enfants. Ils représentent une petite minorité des cas. Pourtant, dans certains cas, les répercussions sont assez catastrophiques pour les jeunes. Si l'on appliquait une certaine terminologie des droits vus sous l'angle de l'enfant, cela pourrait aider dans une certaine mesure, parce que trop souvent, l'enfant est considéré comme un bien que se disputent les parents. Nous y faisons allusion dans notre mémoire, c'est-à-dire les vieux vestiges du sentiment de propriété à l'égard d'un enfant. Nous devons dépasser cela, parce que trop souvent, on constate que « mon enfant » ne signifie pas quelqu'un avec lequel j'ai une relation, mais plutôt quelque chose que je possède. Nous devons établir clairement dans le langage que nous utilisons que les enfants sont des êtres humains qui ont leur dignité et leurs droits.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth : Devant la justice, oui, il faut bien établir et protéger, mais surtout respecter la complexité intérieure et la sensibilité évidente de l'enfant. Ces deux choses ne vont pas ensemble.

[Traduction]

Mme Mackinnon : Je suis entièrement d'accord pour dire que nous les traitons comme des biens ou des outils. Quand quelqu'un est tellement en colère contre son ex-conjoint ou celui ou celle qui s'apprête à devenir son ex- conjoint, il nous arrive souvent de considérer les enfants comme l'outil à utiliser pour faire souffrir quelqu'un d'autre.

Si les tribunaux ne fonctionnent pas bien dans ces affaires extrêmement contestées entre les conjoints, c'est en partie parce que lorsqu'on essaie de responsabiliser l'enfant en lui permettant de faire entendre sa voix, les tribunaux et les autres intervenants comme les travailleurs sociaux et d'autres s'empressent de dire que cela devient aussi une tactique manipulatoire parce que l'on demande à l'enfant de choisir. On demande à l'enfant de rendre quelqu'un malheureux. Il se peut que l'enfant ne puisse se résoudre à rendre malheureux celui des deux parents avec lequel il se trouve à vivre ce jour-là. Par conséquent, de donner une voix à l'enfant, c'est terriblement difficile parce qu'on se retrouve coincé entre des experts antagonistes. Chaque parent embauche son travailleur social qui produit un rapport qui devient une arme de combat. En droit, l'accès n'est pas un droit des parents, c'est un droit de l'enfant. C'est la loi. Pourtant, ce n'est jamais perçu dans cette optique. C'est toujours perçu comme le droit du parent d'avoir accès à son enfant. Peut-être bien que le bon terme existe quelque part dans la loi, mais cela n'a pas changé la façon dont nous ressentons ou rationalisons la situation. Dans notre société, les parents continuent à croire que c'est d'eux qu'il s'agit.

La présidente : Vous venez de me faire revivre mes 12 années au tribunal de la famille. Vous avez tellement raison.

Le ministre Cotler nous a dit que le gouvernement est intéressé à adopter un agenda pour les enfants. Cependant, il a indiqué qu'il était favorable à la conformité à la convention plutôt qu'à son observation intégrale. Nous avons entendu le pour et contre dans ce débat. Le Canada est perçu comme un acteur habile pour ce qui est de se conformer aux conventions internationales. On nous a donné certaines raisons pour lesquelles la convention n'a pas été strictement appliquée. Une raison est que des droits évolutifs sont en cause et que nous devons traiter avec les provinces étant donné qu'une grande partie de la convention a une incidence sur les provinces. Nous avons aussi entendu d'autres raisons.

Pourquoi, à votre avis, la législation internationale en matière de droits de la personne, et plus particulièrement la convention, n'ont-elles pas été adoptées et intégrées à la loi canadienne comme d'autres traités l'ont été traditionnellement? Est-ce parce que les conventions sur les droits de la personne étaient au début plutôt des voeux pieux d'une portée très générale et que ce n'est que plus récemment qu'elles sont devenues plus précises, ou bien y a-t-il une autre raison pour laquelle nous n'avons pas rapidement adopté et intégré ces dispositions dans notre droit national?

Mme Mackinnon : Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit, mais j'ajouterais qu'en l'occurrence, ce sont les enfants qui sont en cause, ce qui rend la tâche encore plus difficile. Je ne m'aime pas les jours où je deviens cynique. Je dirais toutefois qu'on observe une tendance à refuser tout ce qui risque de compromettre les pouvoirs nationaux. Le principal pays non signataire de la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant, ce sont les États-Unis. C'est un pays où l'on fait actuellement des rajustements à la politique étrangère pour tenir compte du fait que les Américains ne croient plus aux traités. L'autonomie nationale est une valeur importante.

Personnellement, je dis, comme c'était déjà le cas de la Charte, que l'on peut exprimer son autonomie nationale en choisissant de renoncer à certains droits et en décidant de dire : « Nous n'allons pas agir par caprice. Nous agirons toujours en faveur des droits de la personne. C'est un choix que nous faisons en tant que puissance autonome. » C'est un choix qu'on peut toujours faire. Je ne peux que dire, avec tristesse et cynisme, qu'à l'heure actuelle, le pendule oscille dans l'autre sens et que l'on ne fait guère confiance à un consensus de nations qui nous disent ce que nous devrions faire.

En outre, comme nous le disons dans notre mémoire, le Canada a été critiqué spécifiquement par le comité qui a fait rapport sur l'article 43 de la Convention relative aux droits de l'enfant. C'est difficile de voir comment un Parlement pourrait faire sienne cette convention sans abroger cet article.

Mme Milne : Je ne me sens pas aussi cynique queMme Mackinnon aujourd'hui, parce que je crois que l'existence même de notre comité et son insistance à traiter des droits de la personne est une source d'espoir. J'espère que beaucoup de gens vont entendre ce que notre comité aura à dire en définitive dans son rapport. Je suis réconfortée par les questions que vous avez posées et par le niveau relevé de la discussion sur les droits des enfants dans cette salle. Nous devons poursuivre cette discussion et continuer d'en parler pas seulement aux politiciens, mais aussi à tous ceux qui font la loi, que ce soit les juges ou les avocats ou les membres du grand public, qui doivent comprendre qu'il s'agit là d'une question qui les touche personnellement et dans leur collectivité.

Les droits de la personne sont importants pour beaucoup de collectivités, mais parfois les gens ne voient pas à quel point c'est pertinent pour eux en droit. C'est davantage une question personnelle. Je pense que nous nous orientons dans cette direction.

Des déclarations catégoriques ont été faites sur l'importance de se conformer à la convention. À nos yeux, c'est plus utile que d'adopter un langage plus diplomatique ou plus bureaucratique et de parler de conformité.

La présidente : Nous savons à coup sûr que les États-Unis ne signent ou ratifient pas autant de traités internationaux que d'autres pays. Cependant, nous savons aussi que dans la pratique du droit, une fois qu'un traité est ratifié, il devient automatiquement la loi en vigueur. Au Canada, ce n'est pas le cas, même quand nous l'avons ratifié. Croyez- vous que les Canadiens comprennent cette distinction? Nous tirons une grande fierté du fait que nous avons ratifié la convention. Les Canadiens pensent-ils qu'en conséquence, nous sommes liés par la convention? Comprennent-ils cette subtile distinction juridique? Notre comité a un rôle à jouer en matière d'éducation et nous devons informer les gens des conséquences de la ratification au Canada.

Mme Mackinnon : Absolument, les gens ne le savent pas.Moi-même, je ne l'ai découvert qu'un mois ou deux après le début de mon premier cours de droit international public, que je suivais seulement comme cours accessoire, et j'ai été épouvantée. Je me suis sentie trahie. C'était la première fois, même comme étudiante en droit, que je comprenais qu'un État pouvait peser de tous son poids et signer un document et déclarer ensuite : « Mais nous n'en sommes pas vraiment convaincus ». Je ne crois pas que les Canadiens, pour la plupart, s'imaginent que tel est le cas. L'éducation pourrait être utile, non seulement pour aider les gens à comprendre, mais aussi pour consolider leur fierté.

La présidente : Croyez-vous que si les gens le savaient, il y aurait davantage de débats au Canada là-dessus et donc davantage de pressions, si je peux utiliser ce terme, pour que les gouvernements se conforment au traité?

Mme Mackinnon : Ce serait certainement un début, mais ce pourrait être un long processus. Comme Mme Milne l'a fait observer, même dans le cas des châtiments corporels, il y a eu un changement plus rapide de l'opinion publique que ce à quoi nous nous attendions en 1998.

Le sénateur Baker : Vous avez fait deux recommandations principales au comité. La première est de légiférer pour que la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant ait force de loi au Canada. Notre comité devrait recommander que l'article 43 soit retranché du Code criminel.

La question est celle-ci : si la convention de l'ONU avait force de loi au Canada et si notre comité recommandait que le gouvernement fédéral entame des discussions avec les provinces pour le faire, cela aurait-il pour conséquence d'équilibrer les lois provinciales et fédérales en ce qui a trait aux enfants? Par exemple, vous avez passé pas mal de temps, madame Milne, à plaider dans l'affaire Pike pour essayer d'obtenir des prestations d'assistance sociale pour une personne âgée de 16 ans. Vous n'avez pas vraiment perdu cette cause, mais il a fallu s'en remettre au verdict. C'était une décision typique qui suivait scrupuleusement la loi. On ne peut pas blâmer le juge, mais c'était perçu comme une intrusion dans l'intégrité de la famille. Si l'on permettait cela, on aurait beaucoup d'enfants de 16 ans qui quitteraient leur famille.

Si nous réussissions à intégrer dans la législation canadienne la convention des Nations Unies, de manière qu'elle ait la même présence que d'autres accords internationaux dans les lois provinciales il y a en effet une disposition spéciale dans chaque province pour appliquer la Convention de La Haye, et celle-ci a préséance en cas de conflit l'intérêt supérieur de l'enfant n'est pas servi pendant la première année si une requête est présentée parce que c'est prétendument réservé à la juridiction qui a présenté la requête, d'après la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Thomson c. Thomson. Vous savez de quoi je parle.

La convention de l'ONU, à votre avis, si elle était intégrée à la loi, ne toucherait pas seulement les affaires dont vous vous êtes occupés au sujet des droits des enfants et des violations de l'article 15 c'est le 20e anniversaire et c'est donc incroyable que nous soyons encore en train d'en parler aujourd'hui et que vous ayez plaidé cette cause si souvent mais aussi cela contrebalancerait non seulement les règles provinciale, mais aussi les incidences négatives de l'interprétation et de ce qui figure dans des conventions comme la Convention de La Haye. Trop souvent, on voit des enfants pleurer à la télévision parce qu'ils doivent être déportés, même s'ils sont citoyens canadiens. L'article 6 de la charte dit qu'un citoyen canadien a le droit de rester au Canada, mais cela ne s'applique pas aux enfants. Vous croyez que cela aiderait grandement à contrebalancer non seulement le droit international dans notre système, mais aussi le droit provincial. C'est bien cela?

Mme Milne : En un mot, la réponse est : absolument. L'affaire Pike est probablement l'une des premières dans lesquelles nous avons plaidé en saisissant directement la cour de la convention. Cela n'a pas eu tellement d'effet. Nous avons dépassé ce stade depuis longtemps. Pike est une autre décision dans laquelle nous avons eu en quelque sorte gain de cause, en ce sens que même si la cour n'a pas accepté l'argument sur les droits, elle a précisé la définition des circonstances spéciales dont un jeune de 16 et 17 ans doit prouver l'existence pour recevoir une aide spéciale. Les juges ont mieux défini cela pour que ce soit un critère plus facile à respecter.

En transformant une convention en une loi, cela aurait plus de poids. La juridiction fédérale est clairement liée par cela, de sorte que dans des affaires mettant en cause l'immigration, le divorce, la Loi sur la justice criminelle pour les adolescents, et d'autres domaines qui relèvent clairement du pouvoir législatif du Parlement, on pourra établir la norme pour l'interprétation de la charte en ce qui a trait aux droits des enfants.

En ce 20e anniversaire, je dois dire tristement qu'aujourd'hui, les enfants n'ont pas tellement de droits au titre de l'article 15. En adoptant cette convention, en ne nous contentant pas de dire que nous allons en tenir compte de temps à autre, de manière à établir des droits pour les enfants, nous allons commencer à voir une interprétation de la charte qui sera plus conforme à la perspective des droits des enfants, ce que nous n'avons pas vu à ce jour.

La présidente : Je vous remercie tous les deux pour votre témoignage et pour vos recommandations. Surtout, je vous remercie pour l'engagement dont vous avez fait preuve envers les enfants du Canada. Il ressort de votre témoignage d'aujourd'hui que ce sont des questions d'une grande complexité et que vous vous rangez du côté des enfants. C'est rassurant. Merci à tous les deux pour votre engagement et votre témoignage.

La séance est levée.


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