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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 7 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 21 mars 2005

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 14 h 34, pour étudier, afin d'en faire rapport de façon ponctuelle, l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.

L'honorable Eymard G. Corbin (président) au fauteuil.

[Français]

Le président: J'aimerais porter à votre attention un document provenant de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones. Ce document décrit les besoins des commissions scolaires francophones, l'état des installations des écoles, et autres sujets connexes. Nous allons le faire circuler afin que vous en preniez connaissance. Ce document date de quelque temps déjà, mais la fédération doit en publier un nouveau ce printemps ou au début de l'été. Nous vous l'enverrons dès que nous le recevrons.

Cet après-midi, nous avons le plaisir de recevoir à nouveau l'honorable Liza Frulla, ministre du Patrimoine canadien et ministre responsable de la condition féminine.

[Traduction]

Vous avez probablement sous la main le texte de la déclaration que la ministre souhaite faire. Nous n'avons qu'une heure à consacrer à la plupart de nos témoins cet après-midi et j'ai déjà demandé à Mme Frulla de nous résumer l'essentiel des informations qu'elle souhaite nous transmettre afin que nous puissions ensuite passer à la période de questions

[Français]

Madame Frulla, bienvenue à notre comité! Je vois que vous êtes accompagnée des mêmes collaborateurs que lors de la séance précédente.

Mme Liza Frulla, ministre du Patrimoine canadien: En effet, je suis accompagnée de mes collaborateurs de première instance, Mme Eileen Sarkar, sous-ministre adjointe à Citoyenneté et patrimoine et M. Hubert Lussier, directeur général des Programmes d'appui aux langues officielles. Ils ont actuellement la responsabilité de négocier les ententes avec les provinces. Ils travaillent excessivement fort pour que ces ententes soient signées d'ici deux semaines.

Pour vraiment remettre les pendules à l'heure, je parlerai tout simplement d'éducation. J'aborderai une partie de la déclaration car on y parle abondamment des négociations et de leur situation actuelle.

[Traduction]

Lors de notre dernière rencontre en novembre, je vous ai présenté les grandes lignes de notre programme de langues officielles. Je suis heureuse que votre comité ait décidé cette fois de se concentrer sur la question de l'enseignement en langues officielles, puisque nous menons des négociations à ce sujet. Bien sûr, vous comprendrez que nous ne pouvons négocier en public mais je vais tenter de vous donner une idée de la voie vers laquelle nous nous dirigeons.

La part du lion des fonds du Plan d'action du Canada pour les langues officielles est consacrée à l'éducation. L'éducation est la clé du développement des communautés. Elle leur permettra de relever les défis de la société du savoir.

Permettez-moi de vous rappeler d'abord, honorables sénateurs, quelques faits dont il faut tenir compte même s'ils peuvent sembler évidents. Tout d'abord, l'éducation est de compétence provinciale et territoriale. Le gouvernement du Canada n'agit dans ce domaine qu'en étroite collaboration avec les provinces et territoires. Un partenariat remarquable existe à cet égard depuis 35 ans.

[Français]

Vous avez ce document. Je vous invite à le lire, qu'il s'agisse des défis ou des progrès, mais pour l'instant, nous irons directement à la page 9, à la rubrique « Favoriser la collaboration interprovinciale et interterritoriale ». Par le passé, le gouvernement du Canada a créé différents fonds spéciaux pour l'éducation dans la langue de la minorité. Cependant, une vision à long terme de 10 ans ne se concrétise pas en prenant des mesures ad hoc, d'où le Plan d'action qui mobilise des ressources importantes, renouvelle la collaboration et exige des efforts concertés de tous les partenaires. C'est pourquoi la nouvelle génération de partenariats issue du Plan d'action est si importante. Nous voulons travailler avec les provinces et les territoires et appuyer les efforts des institutions scolaires associatives, universitaires et collégiales.

Nous voulons encourager les provinces et territoires à collaborer à des projets communs. Le CMEC a d'ailleurs pour mandat de faciliter la collaboration horizontale entre les provinces et les territoires. C'est notamment par son entremise que des programmes pancanadiens, comme le Programme de bourses d'été en langues et le Programme des moniteurs de langues officielles sont devenus des réussites exemplaires. Cette collaboration horizontale apparaît prometteuse. Un effort concerté de plusieurs gouvernements sera nécessaire pour concevoir des outils pédagogiques mieux adaptés aux défis relatifs à l'enseignement en milieu minoritaire, et pour promouvoir la recherche sur ces questions et se doter d'instruments adéquats de mesure des résultats.

Le CMEC peut être aussi un forum de première importance pour relever ces défis. Nous voulons aussi regrouper l'ensemble des provinces et territoires dans la poursuite des objectifs du Plan d'action, et faire en sorte que la totalité des investissements fédéraux, ceux du Plan d'action et ceux du protocole soient gérés de façon transparente, équitable, complémentaire et convergente.

Où en sommes-nous dans les négociations entre les provinces et les territoires? Je sais que plusieurs organismes que vous avez rencontrés se sont montrés préoccupés par les délais de négociation. C'est compréhensible, par contre, des progrès réels ont été accomplis au cours des derniers mois, et je vais vous en faire part.

[Traduction]

En ce qui concerne la prestation de programmes durant l'année scolaire 2004-2005, les provinces et territoires ont tous fait parvenir leurs plans d'action pour le financement de base et pour l'implantation des mesures ciblées par le Plan d'action pour les langues officielles du Canada. Ils connaissent depuis plusieurs mois leurs enveloppes budgétaires pour cette année. La négociation d'ententes bilatérales avec chaque province et territoire est en cours. Cette année, les gouvernements pourront dépenser leur financement jusqu'au 30 juin 2005.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous négocions le renouvellement du protocole d'entente avec le conseil des ministres de l'éducation depuis quelque temps déjà. Le protocole est l'entente cadre pluriannuelle avec les provinces et territoires sur l'enseignement des langues officielles. Il établit un cadre de collaboration pour la réalisation des buts du Plan d'action pour les langues officielles du Canada et il pave la voie pour la négociation d'ententes bilatérales qui prendront en compte les préoccupations et défis propres à chaque province et territoire.

[Français]

De quoi parlons-nous au juste avec le CMEC? On parle, premièrement, de la mise en œuvre des objectifs du Plan d'action du Canada; de la répartition transparente, équitable et efficace des enveloppes budgétaires disponibles entre les provinces et territoires; des mécanismes de collaboration qui favorisent la réalisation d'initiatives pancanadiennes; du renforcement du cadre de reddition de compte; des assurances de consultation des groupes et associations intéressées à l'enseignement de la langue de la minorité et à l'enseignement de la langue seconde, tels, par exemple, les Conseils scolaires francophones du Canada.

[Traduction]

Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour répondre aux préoccupations des provinces et territoires. Nous cherchons aussi à établir un cadre qui rencontre adéquatement nos besoins en vertu du plan d'action. C'est maintenant aux provinces et territoires de faire des propositions.

On me dit qu'à l'heure actuelle, les ministres de l'éducation négocient encore entre eux. Bien que je ne puisse me prononcer pour eux, j'espère sincèrement qu'ils accepteront notre offre afin que nous puissions poursuivre ensemble notre collaboration en vue d'atteindre les objectifs du plan d'action et annoncer une entente de principe d'ici le 31 mars.

En conclusion, nous travaillons d'arrache-pied afin d'être à la hauteur de nos obligations et engagements concernant les langues officielles. Notre engagement est sans équivoque et nous avons réalisé beaucoup de progrès.

[Français]

Depuis ma nomination au poste de ministre du Patrimoine canadien au mois d'août dernier, j'ai rencontré plusieurs ministres de l'Éducation à travers le pays, plusieurs organismes communautaires, y compris la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada ainsi que la commissaire aux langues officielles. Dernièrement, j'ai rencontré la présidente de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones qui m'a parlé de leur stratégie pour compléter le système d'éducation en français langue première au Canada. Je dois dire que c'est une initiative remarquable. De tous les coins du pays et de tous les intervenants, je reçois le même message: l'éducation de nos enfants est une priorité, les défis sont exaltants, voire énormes. J'entends travailler avec tous ceux et celles qui le souhaitent pour faire avancer l'enseignement de la langue française partout au Canada.

Je vous invite à me faire part de votre vision et de vos idées. Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole. Dans la mesure où c'est difficile d'en arriver à étaler toutes les négociations, je dois vous dire que les progrès qui ont été faits ces dernières semaines avec les provinces sont très encourageants et je m'en réjouis fortement.

Le président: Merci, Madame la ministre.

Le sénateur Comeau: Madame la ministre, je vous remercie de venir partager vos idées et le statut des négociations qui ont lieu. Je voudrais que vous m'expliquiez la distinction entre les deux types de négociation en cours: il y a l'entente du protocole et, ensuite la négociation sur les montants. Est-ce exact?

Mme Frulla: Cette année, 2004-2005, il fallait terminer les ententes et cela est déjà fait, 26 ententes ont été complétées. Les provinces font de la gestion de montant et en juin, pour cette année 2004-2005, les fonds seront écoulés. C'est une chose. Ce faisant, nous avons aussi négocié avec les provinces bilatéralement et on connaît aussi certains besoins.

Notre objectif a toujours été de négocier à long terme afin de minimiser ces énergies année après année et de permettre aux provinces d'assurer une planification à long terme. D'une part, on négocie présentement un protocole d'entente sur les objectifs que je vous ai lus. D'autre part, une fois l'entente intervenue avec les provinces sur le protocole d'entente, c'est-à-dire les partages, on négociera bilatéralement avec les provinces pour s'assurer que chaque province s'entend sur le plan d'action des provinces. Cela donne un mécanisme d'imputabilité plus transparent.

Le sénateur Comeau: La question du financement même n'est pas critique?

Mme Frulla: Non. Présentement, on négocie la question de partage. Nous avons travaillé avec une formule qui est déjà sur la table. Le Conseil des ministres de l'éducation regarde cette formule et les provinces négocient entre elles. Ce qui est normal. Je pense que l'entente sur la table est une entente excessivement généreuse, autant pour le financement de base que pour les fonds dédiés. On ne peut pas exiger des provinces de tenir compte des conseils scolaires, c'est de juridiction provinciale. Sauf que dans l'entente, on s'organise pour aller le plus loin possible pour que les provinces tiennent compte des intervenants, dont les conseils scolaires.

Le sénateur Comeau: Étant donné que l'éducation est de juridiction provinciale, et que la section 23 de la Charte nous dit que c'est une responsabilité de par la Charte. J'essaie de comprendre jusqu'à quel point le gouvernement fédéral pourrait avancer les intérêts d'après son droit donné par la Charte.

Mme Frulla: L'article 23 s'applique aux provinces car elles ont la responsabilité de l'éducation. Sauf que pour aider et encourager les provinces, nous nous servons de notre pouvoir de dépenser pour les appuyer dans leurs actions, et pour s'assurer que l'enseignement de la minorité soit de la même qualité que celui de la majorité. Nous les aidons à fournir cet enseignement. C'est notre façon d'agir.

Il est certain que l'enseignement est de compétence provinciale. On est fier d'avoir un pays possédant deux langues officielles, et le fédéral, par son pouvoir de dépenser, appui les provinces. C'est la raison pour laquelle on ne peut pas dire aux provinces exactement quoi faire, on ne peut pas les obliger à négocier avec les conseils scolaires francophones par exemple. Par ce pouvoir de dépenser, on peut les inciter fortement et positivement.

Le sénateur Comeau: Je crois que vous répondez à ma question. En réalité, c'est une responsabilité du gouvernement provincial de réagir à l'article 23 de la Charte. Parfois elle n'a pas les moyens de le faire et c'est à ce moment que le gouvernement fédéral donne un coup de main. Si le gouvernement fédéral n'était pas là, ce serait les cours qui obligeraient les provinces à rencontrer leurs obligations.

Mme Frulla: L'article 23 ne stipule pas jusqu'à quel point on peut investir. À ce moment-là, comme on trouve que c'est important et comme il s'agit de notre Constitution et qu'on l'a adoptée, le fédéral, par son pouvoir de dépenser, a un devoir moral d'aider les provinces à fournir ce service, surtout en éducation.

Le sénateur Comeau: Plusieurs groupes ont comparu devant nous et l'une des demandes qui nous a été faite par les groupes communautaires, qui œuvrent pour faire avancer les communautés, est d'avoir une place à la table des négociations. Je pense qu'ils voudraient être l'un des négociateurs. Ils voudraient au moins pouvoir écouter la discussion en cours.

C'est logique car certaines provinces n'ont pas les connaissances sur le terrain. Elles ont par contre une réticence à inclure les groupes communautaires à la table. Est-ce que vous avez essayé pendant les négociations du protocole?

Mme Frulla: Oui. Encore une fois, on ne peut pas obliger les provinces parce que c'est un partenariat entre elles et nous. On veut s'assurer que les différents groupes qui connaissent bien leur milieu soient consultés.

Le sénateur Comeau: Il y a toujours une certaine réticence de la part des provinces. Est-ce que vous voyez une ouverture?

Mme Frulla: Cela fait partie de l'ensemble de nos négociations. Aujourd'hui, je suis très encouragée, parce que les négociations vont bien. Il reste peut-être une petite réticence chez certaines provinces, mais je crois que cela devrait s'aplanir. Le plan négocié par Hubert Lussier ou Eileen Sarkar est très généreux car il donne beaucoup de flexibilité. Par contre, on demande de la transparence, de l'imputabilité et de la négociation. Si les négociations achoppent pour le 31 — ce que je ne prévois pas —, on a une base pour négocier bilatéralement, mais ce sera moins généreux. À ce moment-là, nous sommes obligés de garder une police d'assurance au cas où. En termes de planification, même pour les provinces, les négociations pourraient être plus laborieuses.

Le sénateur Comeau: Il a été soulevédans le rapport de 2003-2004 de la commissaire aux langues officielles — que la Nouvelle-Écosse n'avait possiblement pas dépensé les fonds là où ils auraient dû être dépensés. Avez-vous examiné cela? Avez-vous essayé de trouver des moyens pour que ces fonds soient dépensés là où ils devraient l'être?

Mme Frulla: Je vais laisser la parole à M. Lussier car il a regardé ce point de très près lors de nos négociations avec la Nouvelle-Écosse. Je dois aussi dire que les fonds pour la Nouvelle-Écosse ont été augmentés. Depuis deux ans, cette province a beaucoup progressé au niveau des services en français. Nous en sommes conscients et fiers de celà. Par contre, il y a eu une vérification et elle n'était pas concluante.

M. Hubert Lussier, directeur général, Programmes d'appui aux langues officielles, Patrimoine canadien: En fait, la commissaire faisait référence à la dépense des fonds accordés à la Nouvelle-Écosse. Une vérification qu'on appelle «  vérification de client » a été faite il y a deux ans. Il a été établi que la province avait bel et bien dépensé les fonds tel que prévu et qu'elle avait des contrôles en place qui pouvaient assurer de retracer les fonds. Le document en question a été remis à la province et à certains des intervenants dans le dossier.

Le sénateur Comeau: Je voulais simplement souligner que cela avait été soulevé à quelques reprises.

Mme Frulla: C'est pour cela que le protocole est important. Dans le protocole, il y a aussi des ententes d'imputabilité, des ententes de transparence, des objectifs communs. Cela oblige le gouvernement autant que les provinces. C'est bilatéral. On travaille en partenariat, mais il y a ce mécanisme également.

Le président: Vu que le fer est chaud, eut égard à l'imputabilité et la reddition de comptes, qui rend des comptes et à qui? Le gouvernement ont leurs électeurs respectifs. Y a-t-il une reddition de compte publique?

Mme Frulla: Oui, la reddition de compte se fait comme dans toutes les redditions de compte fédérales-provinciales aux Canadiens, donc aux communautés.

Le président: Par programme identifié?

Mme Frulla: Par l'ensemble des programmes.

M. Lussier: Il y a deux niveaux auquel se fait la reddition de compte. Le premier niveau, la production de documents qui démontrent que les projets pour lesquels le gouvernement fédéral consent un financement ont été bel et bien accomplis. Les versements sont faits sur foi de production d'états de dépenses. Le second niveau, un peu plus difficile et ambitieux, est celui de la production de résultats, sur lequel on fait de plus en plus de travail en collaboration avec les provinces. Les résultats sont souvent en éducation, comme dans beaucoup de domaines d'activités sociales mesurables sur des périodes de temps assez longues. Le plan d'action en est un exemple et on pense que le protocole va nous aider à mettre en place des mécanismes améliorés pour montrer ces résultats.

Le président: C'est d'ailleurs un point sur lequel insiste beaucoup la commissaire aux langues officielles.

Mme Frulla: Avec raison.

Le sénateur Chaput: Ma première question portait sur les mécanismes de consultation. Mon collègue en a parlé. Si une province était d'accord à ce que les conseils scolaires soient inclus à la table des négociations, si un miracle arrivait et que le Manitoba, par exemple, était d'accord, est-ce que le gouvernement fédéral aurait des difficultés avec cela?

Mme Frulla: Je vais être honnête avec vous, la province n'acceptera probablement jamais. Nous nous sommes parlés très ouvertement. Je n'ai pas d'exemples où les provinces vont avoir une tierce partie. Cependant, ce qui est important, c'est que la province ait consulté ses intervenants dont le conseil scolaire pour leur dire ce que l'on veut faire et ce sur quoi on est imputable. Ils ne seront pas assis à la table. Ce sont des négociations fédérales-provinciales.

Le sénateur Chaput: Il y a le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial à la table des négociations. Lorsqu'on parle des enveloppes budgétaires, une pour le français langue première et une autre pour le français langue seconde, qui décide de la somme qui va dans chacune de ces enveloppes? Est-ce ciblé à l'avance? Je ne comprends pas vraiment.

Mme Frulla: Dans le protocole, il y a les pourcentages qui vont aux différentes provinces. Une fois que les provinces ont accepté le protocole, les mesures d'imputabilité, et cetera, pour pouvoir mesurer les résultats tous ensemble, on s'entend sur les pourcentages d'une province versus une autre, autant au niveau des fonds de base que des fonds ciblés. C'est le plan d'action qui dicte ce qui va aux langues secondes et ce qui va aux langues minoritaires. C'est établi à l'avance.

M. Lussier: C'est tout à fait exact. Le plan d'action, lorsqu'il a été annoncé il y a deux ans, a établi des montants spécifiques, l'un pour la langue seconde et l'autre pour la langue de la minorité.

Le sénateur Chaput: Qu'est-ce qui se passerait si une province demandait d'avoir plus d'argent dans l'enveloppe, par exemple, de la langue minoritaire? Est-ce que cela peut se négocier aussi?

M. Lussier: C'est un fait que certaines des provinces arrivent avec ce type de demande. Nous sommes tenus, à cause du plan d'action, de respecter des allocations globales: langue seconde, langue de la minorité.

À l'intérieur des fonds qui sont accordés pour chacune des provinces, on peut introduire un certain élément de flexibilité, de permutation, dans une année, à condition que le terrain perdu par rapport à une des enveloppes soit récupéré dans les années suivantes, de façon à ce que, au terme du plan d'action, on se retrouve avec des enveloppes globales prédéterminées.

Mme Frulla: Je vous donne juste un exemple pour le développement des communautés de langues officielles. Pour l'éducation dans la langue de la minorité, le budget 2004-2005 est de 153 millions. Pour la mise en valeur des langues officielles, apprentissage de langues secondes, il est de 81 millions. Donc c'est déjà un peu prédéterminé, et je répète à qui veut l'entendre que le protocole est important car il nous permet de travailler dans un cadre de cinq ans — soit les quatre ans qui viennent — ce qui donne une flexibilité aux province et nous permet de négocier avec elles. Nous avons, nous aussi, une reddition de compte à faire par rapport au plan d'action.

[Traduction]

Le sénateur Murray: Monsieur le président, selon les notes d'allocution de la ministre, les deux tiers des ayants droit francophones des niveaux élémentaire et secondaire fréquentent l'école française.

Mme Frulla: S'ils ont le choix de le faire, oui.

Le président: C'est à quelle page, sénateur Murray?

Le sénateur Murray: C'est à la page 4 de la version anglaise et à la page 5 de la version française.

Plusieurs témoins nous ont dit qu'à peine 50 p. 100 des ayants droit se prévalent de leur droit constitutionnel de fréquenter l'école française. Vous voudrez peut-être, en passant, expliquer cet écart qui m'apparaît important. Que ce soit un peu moins de 50 p. 100 auprès de deux tiers, il y a encore une proportion considérable des ayants droit qui choisissent de ne pas aller à l'école française. C'est attribuable à divers facteurs que vous connaissez mieux que moi. La solution réside à divers endroits, notamment dans l'offre de services de garde et de programmes pour la petite enfance. Nous entendrons votre collègue, monsieur Dryden, plus tard cet après-midi. Il a 5 milliards de dollars sur cinq ans pour en arriver à une entente avec les provinces. Nous sommes tous ici d'avis que tout programme national qu'il arrive à négocier devrait comprendre un volet pour les minorités linguistiques. Cela dit, il serait irréaliste de s'attendre à ce que le ministère du Développement social assume toute la responsabilité de ce qui doit être fait à ce chapitre. Les 5 milliards de dollars ne permettront pas de répondre à tous les besoins; il faudra donc de l'argent. De plus, je ne crois pas que ce ministère ait la compétence d'experts qu'on trouve dans votre ministère à ce sujet. Aussi, il faut faire affaire avec les provinces en matière de langues et votre ministère est celui qui sait le mieux traiter avec les provinces. La situation varie beaucoup d'une province à l'autre. Je crois pouvoir dire qu'au Nouveau-Brunswick et en Ontario, où la masse critique existe, il sera plus facile de concevoir un programme que dans d'autres provinces. Si nous voulons inclure un bon volet pour les minorités linguistiques dans le programme des garderies dans tout le pays ou, à tout le moins, dans la plupart des provinces, il faut que votre ministère soit pleinement engagé dans la conception et le financement du programme. Il serait irréaliste de s'attendre à ce que le programme que négocie votre collègue puisse porter tout ce poids.

Mme Frulla: Je parlerai d'abord des deux tiers des ayants droit. Ce chiffre a été tiré du plan d'action. Au moment de sa présentation, le plan d'action faisait état de 68 p. 100 d'ayants droit fréquentant l'école française. Les statisticiens ne semblent pas s'entendre, mais puisque c'est la position du gouvernement, nous nous fions à ces chiffres et continuons d'affirmer qu'ils sont 68 p. 100.

Le sénateur Murray: S'ils l'ont dit, c'est que c'est vrai.

Mme Frulla: Nous ne sommes pas en mesure de vérifier. Quand on a fixé l'objectif ultime à 80 p. 100, on s'est fondé sur ce pourcentage de 68 p. 100. Cela a des conséquences. Nous sommes partis des chiffres qui nous ont été donnés. L'accès est la clé. J'en ai parlé à bien des parents qui m'ont dit qu'un des obstacles n'est pas nécessairement l'accès aux écoles, mais plutôt la qualité des écoles. Je n'entends pas par là la qualité de l'enseignement, mais bien de l'infrastructure. Nous conservons de l'argent pour aider les différentes provinces. Nous avons aussi négocié cette année des projets au Manitoba et au Nouveau-Brunswick, par exemple, pour la construction d'infrastructures qui serviront non seulement cette année mais plusieurs années par la suite.

En ce qui concerne le ministre Dryden et son ministère du Développement social, j'étais moi-même ministre du Développement social l'an dernier. J'ai reçu les 5 milliards de dollars. Le ministre Dryden vous en parlera, mais je peux vous dire qu'il a commencé à négocier le protocole et à lancer des projets pilotes. Ce ministère a quand même un point fort: c'est là qu'on trouve les experts de la petite enfance, ceux qui pourront s'assurer que les outils qui sont conçus sont bons pour les enfants et qui savent comment engager les parents et les enfants. Le ministère a cette capacité, cette connaissance et cette expérience. Nous participons aussi aux programmes pour la petite enfance, même si nos activités se situent surtout aux niveaux primaire et secondaire et que nous interviendrons aussi bientôt aux niveaux collégial et postsecondaire. Nous travaillons avec d'autres dans la conception d'outils. Nous comptons aider les provinces et les parents en leur fournissant des outils. Nous sommes aussi à élaborer une façon de nous assurer de pouvoir intervenir dans les cas où un enfant vivant dans un milieu francophone mais ne parlant pas assez bien le français pour entrer en première année puisse néanmoins fréquenter l'école française. En fait, nous aidons les provinces à intervenir. C'est ce que nous faisons avec des outils bien précis.

Le ministère a des connaissances d'expert que nous n'avons pas. Je le sais car j'ai été à la tête de ce ministère pendant six mois et j'ai été impressionnée.

Le sénateur Murray: Je ne veux pas m'attarder sur le sujet, mais vous avez aussi des connaissances d'expert que ce ministère-là n'a pas.

Mme Frulla: Dans les négociations avec les provinces.

Le sénateur Murray: Dans la négociation avec les provinces de programmes pour les minorités linguistiques. Vous devrez être pleinement engagés pour que le programme national que tente de négocier le ministre Dryden, et qui est encore hypothétique, comprenne un volet satisfaisant pour les minorités linguistiques.

Le sénateur Buchanan: Merci, monsieur le président. J'aimerais d'abord vous remercier d'être venue ce matin. Je tente de rassembler toutes les pièces du casse-tête. Je suis encore tout jeune, mais j'ai beaucoup de vécu.

De 1978 à 1991, j'ai été premier ministre de la Nouvelle-Écosse. J'aime bien me féliciter, et le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, car j'estime que depuis que cette province a signé la Loi constitutionnelle de 1982, elle a respecté l'article 23 en général. Il y a eu des écarts ici et là, mais sous mon égide, je crois que nous avons établi des fondements dans les régions francophones de la Nouvelle-Écosse, surtout dans la région du sénateur Comeau ainsi que dans certaines parties du Cap Breton et dans la région d'Halifax-Dartmouth.

Contrairement à mon éminent collègue, je crois que deux tiers des ayants droit des niveaux élémentaire et secondaire fréquentent l'école française en Nouvelle-Écosse à l'heure actuelle. Ai-je tort de croire cela?

M. Lussier: Il faudrait que je vérifie les chiffres pour la Nouvelle-Écosse. Je n'en suis pas certain. Mais nous avons ces chiffres et nous pouvons vous faire parvenir une réponse.

Le sénateur Buchanan: Si je vous disais qu'il en est ainsi, me croiriez-vous?

Mme Frulla: Moi, je vous croirais.

Le sénateur Buchanan: Avec quelles provinces a-t-il été le plus difficile d'en venir à un accord au cours des dernières années et, surtout, ces derniers mois? J'imagine que vous n'avez pas eu de problème avec le Nouveau-Brunswick, c'est une province bilingue. Mais je me demande ce qu'il en est des autres provinces de l'Atlantique. Je crois et j'espère que pendant la dernière année, la Nouvelle-Écosse a continué d'être parmi les provinces qui ont respecté le protocole d'entente et les accords que vous avez conclus. Est-ce le cas?

Mme Frulla: Sénateur Buchanan, ce n'est pas que nous avons des difficultés avec les provinces. Il faut comprendre que chaque province a ses besoins et que chaque province est différente. Le Nouveau-Brunswick, la seule province bilingue, a des défis différents de ceux de la Saskatchewan ou de l'Alberta qui s'est jointe au processus plus tard, soit seulement il y a 20 ans.

Nous n'avons pas de problème avec les provinces; seulement, les provinces veulent s'assurer d'avoir leur juste part dans le protocole, et c'est tout à fait normal. Voilà pourquoi M. Lussier et Mme Sarkar ont passé tant de temps au téléphone chaque jour pendant des semaines pour s'assurer que les provinces nous comprennent bien et pour peaufiner notre proposition. Aujourd'hui, deux semaines avant l'échéance, le peaufinage est terminé et la balle est dans le camp des provinces.

Le sénateur Buchanan: Il vous reste deux semaines?

Mme Frulla: Oui, l'échéance est le 31 mars. C'est maintenant aux provinces de se prononcer, et je suis très optimiste, bien qu'il ne faille pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué.

Le sénateur Buchanan: J'espère que vous pourrez m'envoyer ces statistiques sur la Nouvelle-Écosse.

M. Lussier: Je le ferai.

[Français]

Le président: Je vais en profiter pour faire un commentaire suivi d'une question. Nous avons constaté au cours de l'audition des témoins provenant des communautés, des conseils scolaires, des associations culturelles et autres, un certain degré de frustration avec le processus. Je parle du processus en général. Qu'il s'agisse d'ententes en éducation avec les communautés, le milieu culturel ou avec les associations, il semble que le processus n'aille pas assez vite et qu'il soit parfois compliqué. Ce qui m'a amené à demander à un des témoins si d'après lui le système était brisé. C'est peut- être exagéré mais c'est une bonne façon de mettre la question de l'avant.

Il est évident qu'il y a toujours un retard dans l'atteinte des objectifs du gouvernement fédéral et des provinces. Avons-nous en place à l'heure actuelle le meilleur des systèmes pour amener le produit à bien ou pourrions-nous améliorer certaine choses? Est-ce que le véhicule du Conseil des ministres de l'éducation du Canada est le seul moyen disponible. Ne pourrions-nous pas penser à autre chose afin de réaliser nos objectifs plus rapidement pour satisfaire tout le monde et éviter des problèmes?

Mme Frulla: Je ne peux pas dire que le processus est parfait. Il n'y a pas de processus parfait. Toutefois, on essaie d'apporter de nouvelles façons de faire. Le protocole est une de ces façons nouvelles dans un sens qu'il y avait un protocole de signé. On met sur la table, avec le plan d'action, 750 millions de dollars sur cinq ans. Il est certain que tout le monde y voie son compte. Nous avons des surplus.

Il faut comprendre aussi les besoins du gouvernement et la gestion des fonds publics. Si je pouvais avoir 100 millions de dollars de plus pour les communautés je les donnerait. À un moment donné, on travaille avec cet ajout qui est énorme,c'est près d'un un milliard de dollars. Il faut s'assurer d'être, dans le cas du plan d'action, juste, équitable et transparent. Il faut aussi s'assurer que la vérificatrice générale soit bien informée. Il est certain qu'on négocie. Vingt-six ententes ont été faites. À la fin des négociations ce sera 38 ententes environ qui seront conclues. Je voudrais aller plus vite et croyez moi que M. Lussier et Mme Sarkar voudraient aller plus vite. Il faut quand même négocier ces ententes. Il faut que ces ententes se fassent à traversun processus transparent et limpide. Il est donc certain que cela prend le temps que cela prend.

On en est presque à un aboutissement, c'est pourquoi je dis qu'il faut régler ces ententes pour le prochain quatre ans afin de passer à autre chose. Qu'on le veuille ou non on pourrait collectivement mettre notre énergie à améliorer le système d'éducation et aider les provinces et les conseils scolaires à aller plus loin. Il faut régler la base à cause du surplus budgétaire. Quand il y a un surplus de fonds tout le monde veut s'assurer de recevoir le maximum. Et je ne les blâme pas parce quand j'étais ministre au provincial je faisais exactement la même chose.

Le président: Cela ne veut pas dire, une fois ces questions réglées, que vous serez en chômage pour les quatre prochaines années.

Mme Frulla: Pas du tout.

Le président: Commencez-vous alors la prochaine ronde de négociations?

Mme Frulla: Il y a d'abord toute la question de voir l'ensemble des besoins des communautés, deuxièmement, travailler avec les communautés pour s'assurer que chaque groupe a son dû, mais aussi qu'il soit très représentatif de son groupe cible. Ensuite, on doit s'assurer que le plan d'action soit bien appliqué, d'apporter des correctifs s'il y a lieu et voir s'il y a des ajouts parce que chaque budget apporte sa petite surprise. On vient de finir celui-là. Il n'y a pas eu de compressions budgétaires malgré qu'on ait demandé à tous les ministères de mettre de l'argent sur la table pour le réallouer. On a vraiment réussi à leur faire comprendre qu'on n'avait pas d'argent en trop. En ce qui a trait au prochain budget, c'est une autre histoire.

[Traduction]

Le sénateur Murray: À ce sujet, je suis membre du Comité des finances nationales aussi et le 31 mars est une date importante parce qu'il marque la fin de l'année financière. Est-ce que tout l'argent ou seulement une partie de l'argent consacré à ce programme provient du budget de l'année financière 2004-2005?

Mme Frulla: Nous poursuivrons les négociations jusqu'en juin parce que l'année financière des provinces se termine en juin 2005.

Le sénateur Murray: Pour quelques-unes d'entre elles.

Mme Frulla: Pour presque toutes les provinces.

M. Lussier: Les négociations en cours d'exercice doivent se terminer avant le 31 mars. Cela ne s'applique qu'aux affectations annuelles d'argent, y compris le plan d'action de 2004-2005, qui, comme l'a dit la ministre, permet aux provinces de dépenser des fonds jusqu'à la fin de l'année scolaire, le 30 juin. La date du 31 mars est donc importante pour l'année 2004-2005.

En ce qui a trait au protocole, qui porte sur les années à venir en commençant par 2005-2006, comme l'a indiqué la ministre, rien ne nous oblige à signer le protocole avant le 31 mars. C'est simplement une date que la ministre a jugé raisonnable.

Mme Frulla: C'est le lendemain de mon anniversaire. Cela m'a semblé une bonne date butoir.

Le sénateur Murray: Vous avez les sommes pour les années à venir.

Mme Frulla: Oui.

Le sénateur Murray: Pour chaque année financière dans le cadre budgétaire.

Mme Frulla: Oui.

Le sénateur Murray: Je m'arrêterai donc ici.

Mme Frulla: Je vais vous dire pourquoi j'ai choisi le 31 mars. Il est vrai que c'est la fin de notre année financière. Nous avons des sommes pour les années à venir, mais c'est la fin de l'année financière en cours. Deuxièmement, nous travaillons à cela depuis mon arrivée au ministre, le 22 juillet. Je crois que le moment est venu de mettre fin à ces négociations qui durent des mois. Nous faisons l'impossible, nous négocions et nous rajustons nos plans dans la mesure du possible. Mais, à un moment donné, il faut finir par s'entendre, sinon on pourrait négocier pendant encore cinq ans. Le plan donne une marge de manœuvre aux provinces, permet aux provinces d'affecter davantage de fonds à une année plutôt qu'à une autre, parce que c'est un plan quinquennal. Si les provinces refusent de signer le protocole et préfèrent un accord bilatéral, nous conclurons des accords annuels qui ne leur offriront pas la même marge de manœuvre.

Le sénateur Murray: Sans identifier les provinces, est-ce que les négociations avec le gouvernement fédéral achoppent sur des questions d'argent?

Mme Frulla: Je dirai qu'il reste encore peu de choses à négocier. Comme M. Lussier l'a dit, ce n'est pas une question d'argent, parce que nous avons l'argent. Il s'agit plutôt de déterminer comment cet argent sera réparti. Il y a un mois, la situation était plus problématique. Je crois pouvoir vous dire aujourd'hui que j'espère avoir un joli présent d'anniversaire.

Le sénateur Murray: Quand le sénateur Buchanan était premier ministre de la Nouvelle-Écosse, il annonçait la création de grands programmes puis il ajoutait: « À condition que nous recevions des fonds du fédéral».

Mme Frulla: Oui, je sais et j'en faisais autant quand j'étais ministre.

Le président: J'ai une question à vous poser sur le protocole.

[Français]

Le protocole, sera-t-il un document rendu public?

Mme Frulla: Oui; il sera rendu public.

Le président: Est-ce qu'il va être détaillé?

Mme Eileen Sarkar, sous-ministre adjointe, Citoyenneté et patrimoine, Patrimoine canadien: Oui, absolument.

Le sénateur Léger: Si je comprends bien, il y a eu la Charte avec l'article 23, en 1982. Cela s'applique à tout le Canada et à tous les territoires. L'éducation est de juridiction provinciale. Quand je me promène dans le pays, je vais dans certaines provinces pour lesquelles c'est comme si le français n'existe pas. Mais je suis encore au Canada, si je comprends bien. Je vais dans certains territoires et c'est comme si tout cela n'a jamais eu lieu.

Est-ce que le gouvernement fédéral va donner de l'argent pour mettre en oeuvre l'article 23 seulement à ceux qui le veulent? et ceux qui n'en veulent pas ou n'en parlent pas, ne recevront rien?

Mme Frulla: Non, pas du tout. Actuellement, les négociations que nous menons se font avec l'ensemble des provinces. Je dois dire que les provinces négocient pour leur pourcentage. Plusieurs provinces dépassent de beaucoup les investissements fédéraux; d'autres seront à 50-50. Pour les territoires ce sera peut-être moins parce que leur capacité est moindre. Néanmoins, toutes les provinces siègent au Conseil des ministres de l'éducation. Toutes les provinces négocient.

Il est certain que cela dépend des provinces. Quand on se rend, par exemple, dans les Maritimes et en Ontario il est certain également qu'on entend davantage de français. Actuellement, en Colombie-Britannique et au Manitoba, le français prend du galon. Notre volonté de voir le Canada comme étant un pays parfaitement bilingue est un beau rêve. J'ai trouvé des améliorations en français — en tant que citoyenne, pas en tant que ministre. Lorsque je me promène à travers le Canada, souvent je suis surprise. Je vais souvent faire exprès de parler en français pour essayer de motiver un échange et cela fonctionne assez régulièrement.

C'est évident qu'on n'en est pas encore arrivé à un pays complètement bilingue. C'est un beau rêve qui devrait être réalisable si tout le monde y croyait autant que nous.

Le sénateur Léger: Les ministères de l'éducation de chaque province souhaitent l'application de l'article 23 à leur degré, n'est-ce pas? Donc si je comprends bien, si les ministères n'en demandent pas beaucoup, ils en ont moins, et s'ils en demandent beaucoup, ils en ont plus,

Mme Frulla: Certaines provinces, parce qu'elles n'ont pas participé assez tôt, trouvent maintenant qu'on pourrait peut-être en ajouter plus, car elles ont du retard. Mais, dans le fond, c'est leur participation historique. On ne peut pas, non plus, pénaliser une province qui a fait son devoir à 100 p. 100 pour une autre. On ne déshabille pas Paul pour habiller Pierre, si ce n'est qu'on essaye d'être juste et équilibré.

Le président: Si une province, à cause de son retard historique, veut en faire davantage, vous ne lui fermerez pas la porte, quand même?

Mme Frulla: Au contraire, nous l'encourageons fortement.

Le sénateur Chaput: Madame la ministre, nous avons eu des témoins qui nous ont parlé de l'importance de la culture et de l'enrichissement culturel dans les écoles, de l'importance de l'enseignement des arts et du développement du potentiel de nos enfants. J'aimerais savoir ce que vous en pensez et si ces ententes permettent l'appui d'activités à caractère culturel et artistique.

Mme Frulla: Oui, cela permet cet appui. Quand on dit qu'on négocie de façon bilatérale, on négocie aussi avec les provinces selon les programmes scolaires qu'elles ont établis après avoir — nous l'espérons et nous allons le préciser formellement — consulté les divers intervenants du milieu.

Oui, les activités à caractère culturel et artistique sont pour moi la base de tout. C'est l'outil par excellence pour faire aimer la langue et pour l'apprentissage du français. Je dois dire néanmoins que nos institutions, et nous en reparlerons demain, que ce soit Téléfilm Canada, Radio-Canada et notre fonds canadien de la télévision, réservent quand même un certain pourcentage pour les francophones en situation minoritaire.

Le sénateur Comeau: Vous voyagez d'un bout à l'autre du Canada et vous voyez un intérêt pour le français qui n'existait peut-être pas il y a quelques années. Je le constate également. En Nouvelle-Écosse, il y a eu d'énormes progrès. On a maintenant une loi sur les langues officielles, similaire à celle de l'Île-du-Prince-Édouard. Il existe un intérêt de la part des anglophones dans des régions où les francophones n'étaient pas toujours bien reçus.

Cela met beaucoup de pression sur les groupes qui appuient la cause de la francophonie dans ces provinces, des groupes comme la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse et d'autres. Cela fait des années que leur budget n'est pas augmenté pour les différents groupes, que ce soit pour les élèves du primaire ou pour les aînés. Pendant qu'ils voient ce nouvel intérêt des Néo-Écossais et des gens de l'Île-du-Prince-Édouard, ceux-ci ne voient pas leurs fonds augmenter. Ils ne se sentent pas appuyés par le gouvernement fédéral. Peut-on leur donner espoir que les budgets seront augmentés sous peu?

Mme Frulla: J'ai rencontré, entre autres, M. Arès et l'ensemble des communautés. Je leur ai dit qu'il y a 750 millions sur la table et ils ont vu leur budget augmenter de 19 millions sur cinq ans. Il y a eu des consultations pour savoir si tous les groupes qui ont été financés sont toujours actifs. D'autres groupes se sont aussi ajoutés. Est-ce qu'on doit les financer? Est-ce qu'il y en a qui sont moins efficaces par rapport à d'autres? C'est l'objet des discussions présentement. Il faut faire une chose à la fois. J'ai un autre budget l'année prochaine et on pourra se consacrer aux communautés en sachant exactement quels sont les groupes qui doivent être appuyés et financés.

Il faut aussi que les représentants de l'ensemble des communautés nous appuient. Ce n'est pas tout de vouloir plus d'argent et de maintenir le statu quo. On veut avoir plus d'argent pour être plus efficace et pour faire face aux nouveaux défis. C'est très important. Il faut aussi évaluer le degré d'efficacité de ce que l'on donne actuellement. Comment fait-on pour que ces fonds soient maximisés? Il faut également savoir ce qu'on fait lorsqu'on en ajoute.

Nous discutons ce genre de choses. Les représentants des communautés ont été déçus parce qu'à un certain moment ils en voulaient plus. Je me souviens très bien d'une réunion, dans le salon derrière la Chambre des communes, où je leur ai dit que je ne leur promettais rien cette année. C'était très clair. Par contre, cela ne nous empêche pas de travailler et de faire certains ajustements avec eux. Si j'ai des petites poches secrètes, c'est certain que je vais penser à eux. Sauf qu'il faut le faire de façon ordonnée. Je ne peux pas dire au ministre des Finances que je veux plus d'argent, sans justifications.

Ce n'est pas tout de dire qu'on n'en a pas assez. Nous sommes tous d'accord avec cela. Ce que la vérificatrice générale va nous demander en bout de ligne c'est comment on peut le justifier, où on va l'appliquer et quelle est la reddition de compte. C'est là-dessus qu'on va travailler.

Le sénateur Comeau: On pourrait peut-être créer une fondation!

Mme Frulla: Ce n'est pas tout à fait dans mes compétences.

Le président: Hélas, nous devons conclure cette partie de nos audiences car Mme Frulla doit quitter Ottawa, si j'ai bien compris.

Mme Frulla: Oui, je vous invite d'ailleurs à regarder ce soir la présentation des Prix Génie — ce sont nos oscars canadiens — et 60 p. 100 des gens en nomination sont francophones! Nous en sommes très fiers!

[Traduction]

Le sénateur Buchanan: À quelle heure vous verra-t-on?

Mme Frulla: Je ne sais pas, mais je ne présenterai pas de prix. Je serai simplement là comme spectatrice, pour célébrer.

Le sénateur Buchanan: Vous y serez, et je suis certain que les caméras seront toujours sur vous. Je serai à l'antenne.

Le président: Sénateur Buchanan, votre devoir est d'être au Sénat ce soir.

[Français]

Le président: Madame Frulla, au nom du comité, je vous remercie de votre disponibilité ainsi que de celle de vos officiels.

Mme Frulla: Il me fera plaisir de revenir vous expliquer le protocole suite à la signature des ententes. On n'a qu'à se croiser les doigts.

Le président: Comme vous le constatez, nous avons une autre période d'une heure pour entendre le témoignage des représentants de l'Association des universités de la francophonie canadienne. Nous avons le plaisir d'accueillir M. Yvon Fontaine, le président de cet organisme. Il est aussi recteur de l'Université de Moncton. J'attends toujours que le sénateur Comeau me pose cette question: comment se fait-il que nous ayons autant de témoins de l'Université Moncton? La réponse à cette question est qu'ils sont les porte-parole officiels pour des organismes nationaux.

Le sénateur Comeau: Je suis un diplômé de l'Université de Moncton.

[Traduction]

Le sénateur Buchanan: Pourrais-je faire une observation? C'est formidable d'entendre des témoins de l'Université de Moncton et d'autres, mais n'oublions pas que le sénateur Comeau a été non seulement député de cette région, mais aussi professeur à l'Université Sainte-Anne. J'ai moi-même un doctorat de l'Université Sainte-Anne. À nous deux, nous pouvons affronter n'importe qui de l'Université de Moncton.

Le président: Nous espérons aller dans la belle province du sénateur Buchanan l'automne prochain et nous pourrons alors aborder toutes les questions que nous aurions négligées lors de l'audition des témoins ici.

Le sénateur Buchanan: Je vous assure que lorsque vous irez dans certaines régions du Cap Breton, vous apprendrez pourquoi je me suis fait élire là-bas. J'y connais tout le monde.

[Français]

Le président: Monsieur Fontaine, suite à votre présentation, nous passerons aux questions.

M. Yvon Fontaine, président, Association des universités de la francophonie canadienne: Merci, monsieur le président. Vous me permettrez, peut être, puisque vous avez dit quelques farces, j'aurais quelques mots à dire au sénateur Buchanan.

[Traduction]

Je rappelle au sénateur Buchanan que mon équipe, les Aigles Bleus de l'Université de Moncton, a battu St. Mary's et Acadia et qu'elle participera au championnat national la semaine prochaine.

[Français]

Monsieur le président, c'est un privilège pour moi d'être ici cet après-midi. Aujourd'hui, comme vous le savez sans doute, c'est la Journée internationale de la Francophonie. Je pense que c'est tout à fait approprié que vous receviez des témoins pour vous parler des grands enjeux des communautés francophones. Je suis ici à titre de président de l'Association des universités de la francophonie canadienne. C'est un poste qui n'est pas rémunéré. Je suis aussi recteur de l'Université de Moncton . C'est un privilège de représenter notre association afin de vous entretenir sur les enjeux des universités de la Francophonie canadienne.

Je sais que vous avez reçu un plan stratégique que nous avons déposé à la ministre Frulla, il y a déjà quelques mois déjà. Nous sommes 13 institutions universitaires situées sur l'ensemble du territoire canadien à l'exception de trois provinces, où il n'y a pas d'institution universitaire de langue française ou bilingue, soit l'Île-du-Prince-Édouard, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique, ainsi que les territoires. Les sept autres provinces comptent des institutions universitaires membres de notre association.

Si vous regardez la carte géographique, vous remarquerez que ces institutions universitaires sont toutes situées dans des endroits où les communautés francophones sont les plus dynamiques, où la vitalité des collectivités francophones dans les différentes provinces sont regroupées, où ils expriment une vitalité au jour le jour. C'est important de le dire parce qu'il y a eu deux types de grandes institutions qui ont assuré la vitalité des communautés francophones hors Québec au cours des années. Il y a eu, bien sûr, l'Église tout d'abord, il faut le reconnaître. Il y a eu aussi les institutions d'enseignement post-secondaire, que je représente aujourd'hui, qui sont bien ancrées dans les communautés francophones depuis de nombreuses décennies. On n'a qu'à penser à l'Université Sainte-Anne, qui a plus de 100 ans maintenant, l'Université de Moncton a une quarantaine d'années, mais ses composantes, qui étaient des collèges classiques au Nouveau-Brunswick, datent de 130 ans. C'est la même chose en Ontario et dans l'Ouest canadien.

Les institutions universitaires que nous représentons sont vraiment l'une des causes principales de la survie des communautés francophones et de la vitalité de ces communautés au cours des dernières décennies. Pourquoi notre plan d'action est-il essentiel et doit être appuyé par le gouvernement canadien? Je vais y revenir.

Permettez-moi de vous donner le contexte du plan d'action et la raison pour laquelle nous avons préparé un plan d'action. Tout à l'heure, on a entendu la ministre Frulla évoquer les négociations qui sont en cours avec les provinces dans le cadre du plan d'action du gouvernement canadien qui a été déposé en mars 2003. Ce plan d'action à vu le jour, en bonne partie, en raison du fait que vers la fin des années 90 des rapports ont été préparés pour le gouvernement canadien. Ces rapports, jusqu'à un certain point, ont recommandé au gouvernement canadien de réaffirmé sa volonté d'intervenir pour assurer le développement et la vitalité des communautés francophones. J'ai été un de ceux qui ont présidé la rédaction d'un rapport pour le gouvernement canadien sur la transformation gouvernementale où, effectivement, on a évoqué le fait qu'il était temps pour le gouvernement de réaffirmer sa volonté d'agir dans le sens de la Loi sur les langues officielles, bien sûr, mais aussi dans le sens de la Constitution canadienne pour assurer la vitalité des communautés francophones et acadienne du Canada. C'est suite au dépôt de ces rapports que le gouvernement du Canada a démontré une volonté gouvernementale, d'abord, par une déclaration du premier ministre en Chambre, à l'effet qu'il allait en faire une priorité en fonction de ces grandes obligations gouvernementales.

En 2003, le plan d'action du gouvernement canadien qui a été applaudi par les communautés et, certainement, par les institutions universitaires que je représente. Le plan d'action du gouvernement canadien interpellait d'abord la population canadienne, le gouvernement et les institutions universitaires sur plusieurs plans.

Le premier plan, c'était d'assurer un plus grand éventail de formation universitaire accessible aux communautés francophones dans les institutions que nous représentons. C'est bien simple, si nous n'avons pas un éventail respectable de programmes universitaires dans nos institutions, cela va être très difficile pour les communautés francophones de continuer à faire des études en langue française.

Si, par exemple, au Collège universitaire de Saint-Boniface, on n'offre pas un programme adéquat, l'Université du Manitoba est juste à côté et elle l'offrira. À l'Université de Moncton, si je ne suis pas en mesure d'offrir une série de programmes pertinents à la communauté acadienne francophone du Nouveau-Brunswick, l'UNB ou Mount Allison ou autres institutions vont en faire autant. On peut dire la même chose de la faculté de Saint-Jean à Edmundston. Dans le plan d'action du gouvernement canadien, il était très clair qu'il fallait aider à renforcir la capacité de nos institutions universitaires d'agir au niveau des programmes d'enseignement et d'élargir l'éventail des programmes d'enseignement universitaires pour les communautés francophones dans leur langue maternelle.

Il y avait deux autres éléments qui nous ont interpellés. Premièrement, les anglophones qui parlaient le français. Il a été démontré que les programmes d'immersion dans les écoles, lorsqu'on arrive à la douzième année, les jeunes anglophones ont une capacité relativement bonne à s'exprimer en français. Mme Frulla disait que de plus en plus, à travers le Canada on est capable de s'exprimer en français et de se faire servir en français. Il y a un intérêt pour la langue française. Cet intérêt vient de deux sources: il vient des francophones eux-mêmes qui n'ont pas peur de s'afficher, mais il vient aussi des anglophones qui ont complété les programmes d'immersion.

[Traduction]

Il a été prouvé que pour maintenir leur capacité en français, ils doivent faire une partie de leur éducation universitaire dans leur langue seconde. C'est une autre partie du plan d'action du gouvernement du Canada. Il faut renforcer la capacité des universités à accueillir les étudiants qui veulent faire une partie de leurs études postsecondaires en français.

[Français]

C'est un enjeu extrêmement important, mais il faut faire attention. La capacité à l'heure actuelle d'offrir des programmes de langue française aux étudiants d'immersion existe surtout dans les institutions que je représente aujourd'hui. On peut le faire de deux façons. On peut les aider à renforcer cette capacité avec des structures d'accueil afin d'accepter plus d'étudiants d'immersion ou bien on peut décider de donner des subventions importantes à l'Université de la Colombie-Britannique, à Simon Fraser ou à l'Université du Manitoba pour qu'ils commencent à offrir des programmes en français.

J'ai une suggestion, mais il faut être prudent et faire attention à cet équilibre. Le jour où le gouvernement canadien commencera à investir de façon importante dans les universités de la majorité, pour développer l'enseignement dans la langue seconde, cela affectera certainement notre capacité de survivre et d'attirer des étudiants anglophones à venir partager une expérience universitaire avec des francophones au Canada. Il faut donc faire attention.

Le plan d'action a aussi évoqué le fait que pour permettre la vitalité et le développement de nos communautés à moyen terme, il faut assurer un certain arrimage des politiques d'immigration au Canada pour favoriser l'arrivée d'immigrants dans les communautés francophones. Or, là aussi il est démontré de façon assez éloquente que lorsqu'il y a des étudiants internationaux qui étudient dans nos établissements universitaires et qui décident de demander un visa de résidant au Canada, il y a beaucoup plus de chances qu'ils restent dans la communauté où ils ont étudié trois, quatre ou cinq ans que d'aller dans les grandes métropoles de Toronto, Montréal ou Vancouver.

Une façon d'encourager les immigrants à venir s'établir dans des régions francophones hors Québec consistait à permettre à nos institutions universitaires de concurrencer avec les universités québécoises pour attirer des étudiants francophones internationaux dans nos établissements universitaires. Voilà trois exemples dans lesquels nous nous sommes sentis interpellés par le plan d'action du gouvernement canadien.

Nous avons déposé un plan d'action un peu ambitieux mais pas trop. Pourquoi suis-je ici aujourd'hui? D'abord parce que j'ai reçu votre invitation. Il y a deux ans, quand le premier ministre de l'époque et M. Dion ont rendus public le plan d'action à la Cité collégiale d'Ottawa, nous étions confiants que dans les mois à suivre nous allions commencer à voir la couleur de l'argent. Cependant, deux ans plus tard, Mme Frulla l'a dit tout à l'heure, nous n'avons toujours pas reçu de nouveaux fonds.

Le financement de nos institutions universitaires est depuis deux ans identique à celui d'avant 2003, c'est-à-dire que les nouveaux crédits budgétaires, s'ils ont été utilisés, n'ont certainement pas été utilisés pour créer un impact positif dans les institutions universitaires que l'on représente. Cela est préoccupant.

Nous demandons deux choses. D'abord dans le plan d'action, plus d'un ministère ont été interpellés. Il y a eu le ministère de la Santé, d'Industrie Canada, de Patrimoine canadien et d'autres. Dans le cas du ministère de la Santé, des ententes directes avec les institutions universitaires ont été prises. Dans les ententes du ministère de la Santé du gouvernement fédéral avec les institutions universitaires, une somme de 68 millions de dollars a été allouée pour renforcer nos programmes d'enseignement dans les professions de la santé.

Il ne est ainsi pour Industrie Canada pour les nouvelles technologies. Nous avons eu des ententes directes entre le gouvernement canadien, via l'APECA, que vous connaissez bien, sénateur Murray, et les universités. C'est la même chose avec la Western Economic Diversification. Le gros des fonds qui devrait affecter nos universités concerne le cadre des langues officielles en enseignement et les autres programmes qui relèvent du ministère du Patrimoine canadien. On a demandé à plusieurs reprises de faire ce que le gouvernement canadien a fait dans d'autres ministères mais aussi avec les universités de la majorité. Le gouvernement canadien est intervenu directement avec les universités pour financer les chaires de recherche du Canada, et pour financer la Fondation canadienne pour l'innovation. On ne passe pas par les provinces. Je comprends bien la Constitution canadienne qui dit que l'éducation est de compétence provinciale. Je comprends bien aussi que pour le système public, il faut avoir des ententes fédérales-provinciales, mais les universités sont quand même des corporations parapubliques avec une capacité d'agir autonome des gouvernements provinciaux. Il devient important que dans une partie de l'initiative du gouvernement canadien, par le truchement de Patrimoine canadien, on se garde une capacité d'agir directement avec les universités plutôt que de passer par les provinces.

C'est ce que représente le plan d'action que nous avons présenté au ministère du Patrimoine canadien. Notre vision des choses ne se limite toutefois pas à ce plan d'action. Ma propre université, par exemple, va bénéficier des ententes fédérales-provinciales. À travers le Nouveau-Brunswick, nous recevrons également des fonds pour renforcer la capacité de l'Université de Moncton dans le cadre des programmes d'enseignement. C'est un plan qui permettra à l'ensemble de nos institutions universitaires une meilleure collaboration et il ajoutera une plus-value à ce qu'ils font au bénéfice des communautés.

Je voulais évoquer rapidement ce qu'on essaie de faire. Je sais que vous avez eu la chance de recevoir le document à l'avance et peut-être qu'on pourrait aller plus en détails et essayer de répondre à des questions. Je vous rappellerai que pour préserver le maintien de la langue, on doit commencer dès la petite enfance et poursuivre jusqu'au grade universitaire. Si nos étudiants n'ont pas la chance de faire des études universitaires dans leur langue maternelle, il y a de bonnes chances qu'ils côtoient les gens de la majorité dans des universités de langue anglaise, à l'extérieur de nos communautés. Ils auront beaucoup plus de difficultés par la suite à revenir chez eux.

Je terminerai en vous présentant des statistiques. Dans le cas de notre université, 80 p. 100 de nos étudiants sont originaires du Nouveau-Brunswick francophone et 80 p. 100 de nos diplômés travaillent au Nouveau-Brunswick. À mon point de vue, ces statistiques démontrent que lorsqu'on peut former des cadres universitaires en langue française dans nos institutions universitaires, il y a de bonnes chances qu'ils contribueront au développement de cette société.

Le président: Est-ce que vous faites partie de l'Association des universités de l'Atlantique?

M. Fontaine: Oui. Je suis vice-président de l'Association des universités de l'Atlantique. Nous avons justement des réunions à l'Île-du-Prince-Édouard la semaine prochaine. Je suis de très près l'Association des universités et collèges du Canada. J'ai eu le privilège de sièger au conseil d'administration depuis quatre ans. Il est très important que nos institutions soient résautées entre elles et avec l'ensemble des institutions universitaires canadiennes, et nous le sommes. Nous avons des collaborations assez intéressantes, peut-être de façon plus informelles, avec la CREPUQ, la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec. Nous ne sommes pas isolés, mais nous avons suffisamment de spécificités pour être regroupés entre nous et faire valoir un certain nombre de nos priorités. Parce qu'en plus d'être des universités de la minorité, nous sommes aussi de petites institutions universitaires, à l'exception de l'Université d'Ottawa. Mon université est relativement grande en Atlantique, mais elle est considérée à l'échelle nationale. Nous avons des réalités linguistiques de taille: nous avons des spécificités qui font en sorte qu'on a besoin de se concerter pour développer un discours qui nous est propre, mais en complémentarité avec ce qu'on fait avec les autres associations universitaires.

Le sénateur Comeau: Il me fait plaisir de vous voir. Je suis un diplômé de l'Université de Moncton. Je sens que c'est mon université aussi. Le mois prochain, Louis J. Comeau deviendra le nouveau chancelier de l'Université de Moncton.

Vous avez soulevé la question à savoir que 750 millions de dollars avaient été consacrés à tous les programmes destinés à la Francophonie canadienne, n'est-ce pas?

M. Fontaine: Le plan d'action du gouvernement canadien a chiffré le budget total pour les prochains cinq ans à 750 millions de dollars. Cela comprend les initiatives du gouvernement canadien en faveur des communautés linguistiques minoritaires y inclus les anglophones du Québec.

Le sénateur Comeau: Toutefois, l'Association des universités de l'Atlantique n'a encore rien reçu?

M. Fontaine: On a eu de petites subventions pour le fonctionnement du secrétariat, mais pas pour des programmes.

Le sénateur Comeau: Votre plan ainsi que celui du ministre Dion prévoyaient des initiatives, notamment sous forme de bénéfices et de chaires, pour les universités de votre réseau. Vous n'avez toujours rien vu de la sorte?

M. Fontaine: Le plan d'action du gouvernement canadien ne dit nulle part que l'Association des universités de la francophonie canadienne serait chargée de réaliser tel ou tel objectif. Il ne fait nul doute qu'il faille mettre à contribution nos institutions pour pouvoir réaliser les objectifs énoncés dans le plan d'action. Cette contribution, à mon avis, est indispensable.

Le sénateur Comeau: Il serait difficile d'aller vers une université anglophone pour répondre aux besoins des minorités francophones. Il ne ferait aucun sens, par exemple, d'aller demander à l'Université Acadia de répondre aux besoins des francophones minoritaires en Nouvelle-Écosse.

Avez-vous exprimé une inquiétude à l'effet que les programmes d'immersion anglophones soient offerts par des institutions anglophones?

M. Fontaine: Cette pratique se fait quelque fois. Il existe également des universités bilingues au Canada. Si on veut développer une capacité additionnelle d'accueil dans les institutions universitaires pour offrir à des étudiants anglophones en immersion la possibilité de poursuivre des études universitaires partiellement ou totalement en français, il faut considérer notre réseau d'universités. Suite au plan d'action, des initiatives furent avancées par certaines universités anglophones, dont l'Université Simon Fraser, où des subventions fédérales furent octroyées pour développer une capacité d'accueil. Ces subventions ont permis à l'Université Simon Fraser d'offrir des cours d'immersion aux étudiants francophones ou anglophones qui désirent étudier en français. Ce fait n'est pas étonnant, car il n'existe aucune institution universitaire en Colombie-Britannique capable d'offrir des programmes en français.

Là où existe de tels programmes, il faut faire attention de ne pas négliger la capacité de ces institutions à contribuer à cet objectif de façon significative.

Le sénateur Comeau: Le taux de succès obtenu par les programmes d'immersion dans nos universités est évident. L'immersion se fait dans des communautés francophones et elle accélère le rythme avec lequel les gens peuvent devenir bilingues. Le processus se fait plus rapidement qu'à l'Université Simon Fraser où ces gens suivront des cours en français, et une fois à l'extérieur de ces cours tout est en anglais.

À mon avis, il ne fait aucun sens que le gouvernement fédéral examine ce modèle et contribue à des programmes francophones dans des universités uniquement anglophones. Nous devrons sans doute nous pencher spécialement sur cette question.

Permettez-moi une dernière constatation. Je suis heureux que vous ayez soulevé le fait que 80 p. 100 des finissants de votre université semblent demeurer au Nouveau-Brunswick. Cette statistique est intéressante. L'un des objectifs devrait être de garder nos jeunes dans leur communauté et de s'assurer qu'ils reviennent.

Avez-vous discuté de cette question avec les autorités fédérales pour faire avancer la cause de la francophonie dans les communautés francophones.

M. Fontaine: J'ignore si nous l'avons évoquée de façon aussi spécifique. Lorsqu'on négocie avec les autorités gouvernementales, qu'elles soient provinciales ou fédérales, l'importance de développer une capacité additionnelle dans nos institutions universitaires a des retombées directes en termes d'investissements dans les ressources humaines qui contribueront au développement économique, social et culturel de nos communautés.

On peut regarder les chiffres dans d'autres institutions. Prenons l'exemple de Saint-Boniface. Plusieurs des diplômés de cette institution ont tendance à demeurer dans la communauté de Saint-Boniface. Dans la ville de Moncton, où il n'existe aucune université de langue anglaise, et si on considère le pourcentage de diplômés universitaire, le pourcentage de francophones est beaucoup plus élevé que le pourcentage d'anglophones. Cette statistique ne sous- entend pas que les anglophones ne suivent pas d'études universitaires. Cependant, lorsque ces étudiants anglophones quittent Moncton pour suivre des études universitaires à l'extérieur, bon nombre d'entre eux ne reviennent pas.

Il est donc important que nos institutions aient la capacité d'offrir des programmes pertinents, car il devient de plus en plus problématique d'attirer ces étudiants dans nos universités.

Le sénateur Chaput: Ma question touche l'arrivée des immigrants et la concurrence pour les étudiants internationaux. Dans votre document, lorsque vous parlez de recrutement d'étudiants, vous indiquez que les universités en milieu minoritaire francophone sont désavantagées. Vous parlez aussi des universités au Québec et des avantages qu'elles ont, compte tenu du fait que les étudiants internationaux reçoivent de la province du Québec une bourse pour payer les frais de scolarité. Cette contribution est provinciale, si je comprends bien?

M. Fontaine: Oui.

Le sénateur Chaput: Vous indiquez également la possibilité que les universités en milieu minoritaire francophone bénéficient d'un programme de bourse. Pouvez-vous élaborer sur ce point?

M. Fontaine: Avec plaisir. Un étudiant parisien qui s'inscrit au Québec dans une université de langue française, paiera les mêmes frais de scolarité qu'un Québécois. Il existe des ententes entre le gouvernement du Québec et les universités québécoises qui permettent qu'un étudiant international soit admis au programme universitaire aux mêmes coûts qu'un étudiant québécois. Il sera également considéré comme un étudiant québécois pour la subvention provinciale.

Or, dans le cas de mon université, je peux inviter un étudiant international et lui dire qu'il va payer la même chose qu'un étudiant du Nouveau-Brunswick ou canadien. Toutefois, je ne peux pas le considérer comme éligible à la subvention provinciale. Par conséquent, un étudiant parisien qui désire suivre ses études à l'Université de Moncton devra payer 9 000 $ en frais de scolarité, alors qu'à Montréal ses frais ne s'élèveront qu'à 1 800 $.

À notre avis, un des moyens pour le gouvernement canadien d'encourager l'immigration de francophones dans les milieux francophones, est de nous donner les outils qui permettront d'attirer ces étudiants francophones internationaux dans nos universités.

Vous avez raison de dire que ces frais au Québec sont assumés par le gouvernement du Québec. En effet, le coût de tout ce qui est francophone au Québec est assumé par le gouvernement du Québec. Toutefois, tout ce qui est francophone hors Québec est assumé en partie par le gouvernement fédéral.

Cette contribution serait donc pour nous un instrument indispensable pour attirer des étudiants internationaux.

L'ambassadeur de Tunisie est venu me voir un jour et m'a exprimé son désir d'envoyer plus d'étudiants tunisiens à Moncton. Il m'a toutefois indiqué qu'on préférait les envoyer au Québec, car, selon un contingent fixé, ils paient les frais de scolarité du Québec. Je lui ai donc exprimé ma volonté d'en faire autant, à condition toutefois que quelqu'un m'aide à financer les coûts reliés à ces étudiants dans mon université.

Tel est l'esprit du programme dont il est question. Nous accueillons un certain nombre d'étudiants internationaux. Cependant, je crois que nous avons un potentiel additionnel très important. Cet appui aura à la fois pour effet d'attirer un plus grand nombre d'immigrants, de créer une masse critique additionnelle pour nos programmes et de nous permettre d'offrir une gamme plus large de programmes. Le jour où nous ne seront plus en mesure de maintenir suffisamment de programmes significatifs dans nos institutions, nos propres étudiants commenceront alors à regarder ailleurs.

Les enjeux sont donc importants. C'est en ce sens qu'on a donné priorité à ce programme dans le cadre du plan déposé au gouvernement canadien.

Le sénateur Chaput: Cette discussion a-t-elle été amorcée avec le gouvernement fédéral ?

M. Fontaine: Oui. Et ce, même avec le ministre précédent. Cela fait deux ans qu'on discute de ce projet en particulier. On a manifesté beaucoup d'intérêt.

Nous avons posé plusieurs questions quant au partage des juridictions fédérales-provinciales en matière d'éducation. À mon avis, il s'agit d'un faux débat. Il existe une multitude de précédents où le gouvernement canadien est intervenu directement pour venir en aide aux universités. Citons notamment la Fondation canadienne pour l'innovation, le Fonds d'innovation de l'Atlantique. L'Agence de promotion économique du Canada Atlantique (APECA) finance directement les universités sans passer par les provinces.

Par conséquent, tout est possible quand la volonté existe.

Le sénateur Chaput: On pourrait avoir un fonds spécifiquement pour cela?

M. Fontaine: Oui. On a proposé quelque chose et on est prêt à trouver un moyen. Si c'est le processus qui manque, je vous assure qu'on peut être assez créatif.

[Traduction]

Le sénateur Buchanan: J'espère que je vous ai bien suivi. Dans les autres universités, on parle d'étudiants étrangers. Combien d'étudiants étrangers y a-t-il dans les universités francophones du pays?

M. Fontaine: Voulez-vous dire à l'extérieur du Québec ou dans les universités faisant partie de l'association que je représente?

Le sénateur Buchanan: Non, des étudiants de l'étranger. Combien d'étudiants viennent d'autres pays?

M. Fontaine: Dans nos universités?

Le sénateur Buchanan: Oui.

M. Fontaine: Dans les universités que je représente aujourd'hui, 90 p. 100 des étudiants étrangers fréquentent soit l'Université d'Ottawa, soit l'Université de Moncton. Ils sont environ 450 francophones. Il y en a environ 350 à 400 à l'Université de Moncton et, je dirais, 50 autres dans les autres universités. Il y a donc en tout approximativement 800 à 900 étudiants étrangers dans nos universités à l'heure actuelle.

Le sénateur Buchanan: Paient-ils les mêmes frais de scolarité que les étudiants canadiens?

M. Fontaine: Non, ils paient beaucoup plus.

Le sénateur Buchanan: Comme vous le savez, dans les provinces de l'Atlantique, les frais de scolarité pour les étudiants étrangers ne sont pas préétablis, chaque province suivant les directives du Conseil économique des provinces de l'Atlantique. Par conséquent, en Nouvelle-Écosse, un étudiant étranger des États-Unis ou du Mexique paie beaucoup plus que les étudiants de la Nouvelle-Écosse.

M. Fontaine: Les frais de scolarité sont environ le double de ceux des étudiants canadiens. Disons qu'à mon université les frais de scolarité sont de 4 500 $; les étudiants étrangers, eux, paient 9 000 $. À Dalhousie, si c'est 5 000 $ pour un étudiant canadien, ce sera 10 000 $ ou 11 000 $ pour un étudiant étranger.

Le sénateur Buchanan: Merci.

[Français]

Le sénateur Murray: Parlons un peu de ces nouvelles fondations créées par le gouvernement fédéral telles que la Fondation sur l'innovation et celle sur la recherche dans la santé. Je présume que votre réseau veille à ce que vos institutions reçoivent leur juste part des mandats de recherche émis par ces fondations. Êtes-vous satisfait de la répartition des mandats des fonds provenant de ces fondations? Je pose la question parce qu'il y a des critiques — et je pense à Brian Fleming que vous connaissez. Il y a un lien avec Ste. Mary's ou une des universités de la Nouvelle-Écosse qui prétend que la plupart des mandats de recherche et la plupart des fonds sont attribués aux grandes universités et que les plus petites universités sont, en comparaison, désavantagées. Quelle est votre expérience?

M. Fontaine: Il faut comprendre que la plupart de ces grandes initiatives du gouvernement canadien, ont créé ces fondations spécifiquement pour bâtir la capacité de recherche dans les universités.

Par définition même, les grandes universités de recherche ont une accessibilité plus grande à ces fonds. Dès le début on était très conscients de cela.

Les petites universités, particulièrement de AUCC ont quand même fait plusieurs représentations pour avoir des quotas minimaux des chaires de recherche du Canada. Ce qui a donné quelques résultats. En ce qui concerne la Fondation canadienne pour l'innovation, quelques critères ont permis à quelques-unes des petites universités d'accéder à des fonds. Au bout du compte, l'écart de capacité de recherche entre les grandes universités et les petites universités s'est élargit.

Je peux dire que la plupart des petites universités du Canada, incluant la mienne, ont obtenu des résultats dans les premières rondes de la Fondation canadienne pour l'innovation. Par contre, on frappe rapidement le fond du baril parce qu'on n'a pas 50 grandes équipes de recherche capables de faire compétition au plan national.

Si je transpose ceci aux institutions membres de cette association, nous n'avons pas fait de représentation à l'effet qu'il y avait peut-être des barrières systémiques sur le plan linguistique dans les grandes initiatives fédérales. Je ne crois pas qu'il y ait eu des barrières sur le plan linguistique. Il n'y a pas de doute que, les petites universités de recherche qui offrent un baccalauréat de premier cycle, ont très peu accès à ces fonds. Il y a eu quelques exceptions bien sûr, l'Université d'Ottawa étant une exception. Il y a eu très peu de retombées financières des grands programmes fédéraux pour les petites universités.

Le sénateur Murray: Y a-t-il moyen d'améliorer cette situation?

M. Fontaine: Cela a toujours été une préoccupation pour les petites universités face aux programmes fédéraux. De plus, les grands conseils de recherche du Canada en sciences humaines, en sciences et en génie ont imposé des frais indirects de recherche. Si on prend l'exemple de l'Université de Toronto, 20 p. 100 de 100 millions de dollars, équivaut à une somme de 20 millions de dollars additionnelles pour des coûts indirects à la recherche. Cela peut faire partie jusqu'à un certain point des fonds d'opération des universités. À la décharge du gouvernement canadien, ils ont dit que dans les petites universités, les frais indirects de recherche seront de 40 p. 100 parce qu'il existe une base minimale. Une certaine sensibilisation a été faite auprès du gouvernement canadien pour s'assurer que les petites universités ne soient pas complètement effacées du processus. Je n'ai pas de reproches à faire au gouvernement canadien à ce sujet. Toutefois, il y a des réalités additionnelles de renforcement des universités canadiennes par rapport aux préoccupations du gouvernement canadien, d'assurer l'existence de nos universités. Il faut que le gouvernement canadien trouve une façon de financer directement nos universités à travers des processus comme on a suggéré. Je suis préoccupé si on le fait uniquement par des ententes fédérales-provinciales. Le gouvernement canadien doit promouvoir une intervention directe auprès des universités de la Francophonie canadienne pour leur permettre de continuer à exercer cette vitalité. Cela ne veut pas dire que des sommes n'arriveront pas par le truchement des ententes fédérales-provinciales, mais ces dernières vont donner priorité au système d'éducation public de la maternelle à la 12e année et c'est très préoccupant.

[Traduction]

Le sénateur Murray: J'ai une question qui est en partie technique, en partie politique et en partie administrative. Le principal programme fédéral d'appui à l'enseignement postsecondaire du pays a d'abord été financé, comme vous le savez, par le biais du financement des programmes établis puis par le biais du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Récemment, le gouvernement fédéral a séparé ces deux volets, pour de bonnes raisons, pour créer le Transfert canadienne en matière de santé. C'est un peu mon cheval de bataille. Ne croyez-vous pas que ce serait une bonne idée que de créer un transfert distinct pour l'enseignement postsecondaire — ce qui mettrait fin aux querelles — afin que l'on cesse de se chamailler sur ce que chaque ordre de gouvernement consacre à l'enseignement postsecondaire?

M. Fontaine: Je suis entièrement d'accord avec vous. Ce serait une bonne façon pour verser des fonds aux provinces que de procéder comme pour la santé. Ainsi, on saurait avec certitude qu'un montant donné d'argent servira à l'enseignement postsecondaire.

Toutefois, il faut être prudent avec un tel système: je craindrais que la plupart de nos institutions ne soient négligées quand viendrait le temps pour les provinces d'affecter l'argent aux différentes universités. J'aimerais qu'on prévoie une disposition exigeant qu'un certain montant d'argent soit accordé aux institutions des minorités. Sinon, si l'entente est trop générale et que le gouvernement fédéral se contente de dire qu'il veut financer l'enseignement postsecondaire par le biais d'accords avec les provinces, les institutions devront faire des démarches auprès des provinces sans avoir la certitude d'obtenir des fonds.

En comparaison, depuis 10 ou 15 ans, nous recevons des sommes directement du ministère du Patrimoine canadien. Par conséquent, je craindrais que les institutions que je représente aujourd'hui, et non pas toutes les universités, ne soient perdantes au bout du compte. Dans mon cas à moi, au Nouveau-Brunswick, il ne serait probablement pas difficile d'obtenir la part qui devrait revenir à mon université, mais je serais inquiet pour certaines autres provinces.

Le sénateur Murray: Croyez-vous que ces universités dépendent actuellement davantage de l'appui du gouvernement fédéral que des subventions provinciales?

M. Fontaine: Non, elles reçoivent toutes des subventions de fonctionnement des provinces.

Le sénateur Murray: Mais cette somme provient du TCSPS et donc, en grande partie, du financement de base provenant du fédéral.

M. Fontaine: Oui, probablement.

[Français]

Le sénateur Léger: Ce qui me surprend, c'est la somme consacrée au recrutement des étudiants. Je suis consciente du phénomène du vieillissement et de la baisse du taux de natalité. Mais dans votre rapport, vous proposez la somme de 52 millions d'ici 2010.

M. Fontaine: Oui.

Le sénateur Léger: De ce montant, 33 millions de dollars seront consacrés au recrutement d'étudiants. C'est une grosse somme. Cela veut dire que vous avez besoin d'un certain nombre d'étudiants et cela correspond à un chiffre. Aujourd'hui, vous avez de la difficulté à atteindre ce chiffre et vous devez recruter ailleurs. À mon avis, 33 millions sur 52 millions, c'est une grosse somme.

M. Fontaine: Il faut comprendre que la somme de 55 millions ne représente pas l'ensemble des ressources financières dont disposent nos institutions. Le budget global de notre réseau universitaire s'élève à au moins 600 millions de dollars annuellement.

Cela dit, dans le cadre de cette demande, nous avons voulu élaborer un plan d'action qui interpelle le gouvernement canadien par rapport aux objectifs du plan d'action. Parmi les grands enjeux de nos institutions universitaires, il y a la capacité d'attirer une clientèle étudiante provenant de l'extérieur de nos communautés.

Même si davantage de gens parlent français au Canada, il existe tout de même une décroissance démographique au sein des communautés francophones au Canada. Dans ce cas, si on veut maintenir une importante gamme de programmes, il nous faut une masse critique d'étudiants. C'est pourquoi je crois que le Canada doit faire des efforts additionnels pour attirer davantage d'étudiants provenant de l'extérieur.

Il faut aller chercher davantage d'étudiants anglophones qui ont vécu l'immersion. Dans la plupart de nos institutions, des fonds de bourse sont disponibles. Ces fonds ont vu le jour suite à des campagnes de financement. Ces fonds pourraient être destinés à des étudiants de la Polyvalente Clément-Cormier à Bouctouche, mais ce ne sont pas des étudiants d'immersion.

Je crois qu'il faut offrir des bourses d'étude à ces étudiants pour les attirer chez nous, sinon ils iront à Mount Allison, à Acadia ou ailleurs. Nous avons la responsabilité de bâtir des fonds de bourse afin de les offrir à des étudiants d'immersion et non pas seulement à des francophones.

Le sénateur Léger: Ces chiffres s'appliquent à ce programme-ci. Avec le phénomène de la baisse du taux de natalité, on a réellement besoin de gens qui seront qualifiés pour soigner les autres. On peut former des architectes capables d'interpréter des plans et toutes sortes d'autres professionnels, mais on doit aussi pouvoir trouver quelqu'un qui puisse planter un clou. Il ne faut pas oublier tout le côté pratique duquel on semble parfois se détacher. Est-ce que je me trompe?

M. Fontaine: La chose la plus noble est certainement d'offrir le plus d'éducation possible à ceux et celles qui ont la capacité et la volonté de poursuivre des études universitaires. Je pense que les choses finissent par s'équilibrer. En tant que recteur d'université, ma responsabilité est de m'assurer que tous les étudiants qui ont la volonté et la capacité de poursuivre des études universitaires le fassent. Contrairement à certaines perceptions, 95 p. 100 des diplômés des universités canadiennes sont sur le marché du travail dans les mois qui suivent l'obtention de leur diplôme.

On connaît tous l'histoire qui dit qu'un diplômé universitaire gagnera dans sa carrière en moyenne un million de dollars de plus qu'un non diplômé.

Je crois que c'est un investissement extraordinaire et le Canada l'a déjà reconnu. D'ailleurs, le gouvernement s'est fixé l'objectif de faire du Canada le cinquième pays au monde en termes de capacité de recherche et je crois que c'est un très bel objectif. Pour y arriver, il faut former des étudiants universitaires et je crois qu'on n'aura jamais trop de diplômés universitaires dans notre société.

Le président: J'ai lu votre présentation au Comité des langues officielles de la Chambre des communes. J'aimerais que vous me disiez si j'ai bien interprété vos propos.

Le Canada, s'il accepte de donner de la formation universitaire à des étudiants du Bénin, de la Côte d'Ivoire ou d'ailleurs dans le monde, a une obligation morale de les encourager à retourner dans leur pays d'origine. Vous disiez que si on forme des cerveaux au Canada, on peut les encourager à rester ou eux-mêmes peuvent vouloir rester au pays.

Vous avez dit que s'ils restaient, cela enrichirait le Canada. Je crois que par le fait même, cela saigne les pays d'où ils viennent, n'est-ce pas?

M. Fontaine: Vous avez raison. Il y a un phénomène d'exode des cerveaux des sociétés les moins bien nanties vers les mieux nanties. C'est un phénomène mondial qui se produit au sein de la francophonie et un peu partout dans le monde.

Le Canada lui-même a connu un phénomène d'exode des cerveaux vers les Etats-Unis. Une des raisons pour laquelle on a créé le Programme de chaire de recherche du Canada, c'est pour rapatrier une partie des plus grands cerveaux canadiens qui travaillent dans les universités américaines vers les universités canadiennes.

Si on forme des personnes d'ailleurs dans nos universités canadiennes, et qu'un pourcentage de ces personnes reste ici, cela n'atteindra jamais le 100 p. 100 ni même le 50 p. 100. On connaît les politiques d'immigration canadiennes. On accepte un certain nombre d'immigrants par année. Le nombre d'étudiants étrangers dans les universités canadiennes est plus grand que le nombre d'immigrants qu'on accepte chaque année. Ces immigrants qu'on accepte ne sont pas des étudiants inscrits dans nos universités. Tout cela pour vous dire qu'il y a une question d'équilibre. Il existe un autre phénomène; Beaucoup d'immigrants reçus au Canada retournent dans leur pays d'origine ou à proximité de leur pays d'origine dès que c'est possible. C'est un phénomène naturel. Le plus grand objectif d'un Acadien qui fait carrière à Calgary est de retourner en Acadie dès qu'il pourra y gagner sa vie là-bas. C'est un phénomène inévitable.

La société canadienne a besoin d'attirer des immigrants. Il faut s'assurer qu'en le faisant, on tienne compte d'un certain nombre d'éléments d'équilibre. Le Canada a besoin des universitaires, mais on a aussi besoin des personnes de métier. Ce n'est pas une contradiction en soi. Le gouvernement canadien peut en faire plus pour contribuer au développement des sociétés moins nanties. Le gouvernement canadien a intérêt à ouvrir davantage les portes aux étudiants internationaux dans les universités canadiennes.

Le président: J'aurais une dernière question avant de clore cette partie de la séance. J'ai assisté à des rencontres avec l'Association des universités de l'Atlantique dont vous êtes le vice-président. À plusieurs occasions on a soulevé le problème de garder les professeurs dans le milieu les universités de l'Atlantique. Vivez-vous ce problème à l'Université de Moncton? Les Universités de Toronto ou de Guelph, par exemple, peuvent offrir de meilleurs salaires, de meilleures conditions de travail, des bourses de recherche, ce qui fait que vos professeurs sont susceptibles d'aller là où est l'argent. Est-ce un fléau à l'Université de Moncton?

M. Fontaine: Le problème de rétention du corps professoral est un problème qui existe généralement dans les petites universités. Le problème est moins relié aux échelles salariales. Avec les dernières conventions collectives signées dans l'Atlantique, les salaires des universités en Atlantique sont tout à fait comparables à ceux des universités du centre du Canada. Plus petite est l'université, moins ses capacités de recherche sont développées. Les personnes qui veulent faire une grande carrière de recherche voudront adhérer à des universités où il y a déjà plusieurs groupes de chercheurs exerçant dans une diversité des disciplines universitaires. Ce sont des enjeux réels. Avec l'arrivée des programmes des chaires de recherche du Canada, cela a aussi eu pour effet d'accentuer le problème. Pendant que les petites universités ont reçu 5, 10 ou 15 chaires de recherche au Canada, les grandes universités comme l'Université de Toronto et la UBC, ont reçu des centaines et des centaines de chaires. Toutes deux ont recruté des professeurs aux États-Unis. C'est un phénomène avec lequel on doit vivre. Certains sont un peu philosophes face à cela. Ils se disent que s'ils ont pu attirer une personne brillante pendant sept ans et qu'elle nous quitte, on aura le bénéfice de l'avoir eu pendant sept ans. Le taux de rétention du corps professoral doit varier entre 80 et 85 p. 100 et la période critique, se situe dans les cinq à sept premières années. Ensuite, quand ils ont vraiment établi un programme de recherche, c'est plus difficile pour eux d'avoir cette mobilité. C'est une réalité avec laquelle on doit composer. Je crois que le problème n'est pas seulement lié à la masse salariale mais aussi à ce que peut offrir la recherche dans les plus grandes universités.

Le président: Monsieur le recteur, je vous remercie au nom du comité pour votre témoignage cet après-midi. Vous avez fait des recommandations que le comité voudra sans doute retenir. Merci encore une fois de vous être déplacés pour venir nous rencontrer. Nous l'apprécions beaucoup.

M. Fontaine: Merci à vous.

Le président: Il est survenu soit un malentendu, soit un problème quant à notre possibilité de siéger après 18 heures étant donné que le Sénat siégera à 18 heures ce soir. Quand nous avons ajourné le jeudi précédent, j'étais sous l'impression que nous avions la permission de siéger pour entendre les témoins prévus à l'horaire jusqu'à 19 h 30 ou 20 heures ce soir. Il appert que la motion n'était pas claire à ce sujet. On avait d'abord pensé convoquer les membres du Sénat à 20 heures, ensuite à 19 heures et ensuite à 18 heures, donc à l'heure même où nous devions entendre le ministre Dryden et un autre ministre. J'ai consulté le leader adjoint du gouvernement. Il m'a dit que cette question sera résolue dès les premières minutes de la séance du Sénat ce soir et que nous aurons la possibilité de terminer nos travaux, même si le Sénat siège en même temps. Je tenais donc à vous informer de cela.

[Traduction]

Je n'y suis pour rien; cela relève du leader au Sénat. Il y a des problèmes mais on me dit qu'ils seront réglés dans notre intérêt.

[Français]

Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Dyane Adam, commissaire aux langues officielles. Elle est accompagnée de collaborateurs que nous connaissons déjà pour les avoirs vus à plusieurs reprises. Je lui demanderais quand même de nous les présenter.

Mme Dyane Adam, commissaire aux langues officielles, Commissariat aux langues officielles: Merci. À ma droite, il y a JoAnn Myer, la directrice générale des politiques et communications, à ma gauche immédiate, c'est Johane Tremblay, directrice générale des services juridiques et à ses côtés, il y a Gérard Finn, conseiller et responsable des affaires parlementaires.

Merci de m'avoir invitée à comparaître dans le cadre de votre examen de l'éducation au sein des communautés minoritaires francophones. Je me réjouis, en fait, du suivi efficace que mène le comité dans ce dossier particulier. Il faut bien le dire, de voir défiler trois ministres devant un comité parlementaire la même journée, c'est sûrement une bonne moyenne! C'est impressionnant!

Parlons de l'éducation. Après le foyer, l'école est le premier espace de vie francophone où se développe le sentiment d'appartenance et où se construisent les valeurs. Un des objectifs du plan d'action pour les langues officielles est de mettre en œuvre des mesures qui favorisent l'établissement d'un système éducatif complet et d'une pleine gestion scolaire francophone en milieu minoritaire. Ce système ne saurait être le calque du système de la majorité, mais un système adapté aux besoins des communautés. L'objectif visé, consiste en la création d'un continuum éducatif allant de la petite enfance au postsecondaire et se poursuivant avec la formation pour adultes et l'apprentissage continu.

J'aimerais donc évoquer les grands axes de ce continuum: l'accès, la qualité et la continuité. Je vais conclure en insistant sur nos attentes et celles des communautés, et sur la trop lente mise en œuvre du plan d'action.

[Traduction]

En ce qui concerne l'accès, le premier défi est de recruter et de retenir les élèves. L'objectif du plan d'action est clair: augmenter la proportion des élèves admissibles tout en améliorant la qualité de l'enseignement. La barre est haute: instruire en français 80 p. 100 de l'effectif scolaire cible d'ici 2013. Tout déclin des effectifs scolaires aura des effets néfastes sur la vitalité des communautés et des institutions. Sans la récupération continue de cette clientèle des ayants droit, plusieurs systèmes scolaires francophones se trouveront en difficulté, puisqu'une tranche de la communauté aura perdu ses droits constitutionnels pour les générations futures.

C'est pourquoi il est nécessaire d'élaborer un plan national de recrutement en partenariat avec les provinces et les communautés. Un tel projet doit cerner tous les enjeux, que ce soit le développement des infrastructures ou les améliorations pédagogiques nécessaires. Un tel plan doit également s'appuyer sur des programmes d'accueil et de soutien des parents exogames et de mesures ciblées pour le développement de la petite enfance. L'accès à l'école française se prépare longtemps d'avance, dès que l'enfant paraît.

Dans le récent budget fédéral, le gouvernement du Canada a indiqué qu'il consacrerait 5 milliards de dollars sur cinq ans pour le financement d'un programme national d'apprentissage et de garde des jeunes enfants. Les négociations sont entamées mais nous ignorons comment cette initiative s'articulera au regard des besoins en milieu minoritaire. Notre expérience démontre que l'absence de dispositions linguistiques claires au sein des ententes intergouvernementales a souvent pour effet que les communautés minoritaires de langues officielles sont laissées pour compte.

Nos discussions avec les agences centrales et les réponses publiques du gouvernement à l'égard des négociations n'offrent aucune indication claire de résultats au chapitre des services à la petite enfance dans la langue de la minorité. Pourtant, les communautés francophones ont défini leur vision: des services de qualité, universellement accessibles, abordables, gouvernés par les parents et rattachés aux écoles primaires. J'invite votre comité à rappeler au gouvernement fédéral que l'inertie et l'absence de leadership ne répondent ni à la lettre, ni à l'esprit de la partie VII de la loi.

L'accès signifie aussi que l'on doit renforcer nos réseaux postsecondaires de langue française. Les gouvernements doivent habiliter les établissements d'enseignement postsecondaires francophones à offrir une gamme complète de programmes. Nous ne pouvons améliorer l'accès aux études sans jouer sur le tableau de l'offre de programmes. D'ailleurs, l'Ontario a reconnu, dans le rapport Rae, la mission éducative et identitaire du réseau d'enseignement postsecondaire de langue française et les ressources financières qui s'y rattachent. Les réseaux postsecondaires veulent développer leurs programmes et rester à l'affût de clientèles en émergence au sein de leurs institutions, soit les diplômés des programmes d'immersion française et les étudiants étrangers.

[Français]

En ce qui concerne le deuxième point, soit la qualité et la continuité. L'égalité en matière d'éducation est bien plus que l'égalité d'accès. C'est assurer tout au long du cheminement scolaire, les conditions et le financement qui garantissent des résultats égaux pour les deux communautés de langues officielles. Les parents réclament d'ailleurs un enseignement de qualité et de véritables options pédagogiques. Présentement, il existe parfois des écarts en matière de rendement comparativement à la majorité. Il faut donc assurer un rattrapage en formant mieux les enseignants et en développant de meilleures ressources pédagogiques. Cela suppose aussi des efforts pour faire de la qualité une priorité. Par exemple, l'élève qui fréquente une école française à Edmonton ou à Fredericton doit pouvoir compléter ses études primaires dans les meilleures conditions possibles et accéder sans heurt à des études secondaires et postsecondaires de qualité dans sa langue. Ce n'est qu'à cette condition qu'il pourra participer pleinement au monde du travail dominé par l'anglais sans perdre sa langue et son identité.

Il en va de même pour la formation continue et l'éducation des adultes qui sous-tendent le développement de ces communautés.

Pour atteindre cet objectif, il faut également élargir l'espace éducatif en français. Il faut le reconfigurer en faisant appel à la technologie et à la coopération entre communautés et entre gouvernements. Par exemple, les universités et les collèges disposent de ressources linguistiques qui peuvent être mises à contribution pour augmenter l'offre de services post-secondaires en français.

Dans le but de relever ces nombreux défis, la table sectorielle de l'éducation qui regroupe les principales organisations communautaires francophones engagées en éducation prépare un sommet qui se tiendra en juin 2005. Il sera question d'adopter un plan global pour la pleine mise en œuvre des droits scolaires sur tout le continuum éducatif. J'espère que tous les paliers de gouvernements y participeront et s'engageront à agir.

Votre rapport, d'ailleurs, tombera à point et aura pour effet de rappeler au gouvernement fédéral ses obligations envers les communautés et la mobilisation dont elles ont fait preuve.

Le troisième point, c'est comment répondre aux attentes. J'aimerais maintenant dire quelques mots sur ces attentes. Soyons clairs, les communautés ressentent une légitime frustration qui ne cesse de croître. Elles ont exprimé leur volonté d'être des partenaires égaux dans la mise en œuvre de l'article 23. Cela signifie une consultation régulière sur tous les projets qui les touchent, notamment sur la mise en œuvre du plan d'action. D'un autre côté, les gouvernements provinciaux ne reconnaissent pas toujours les conseils scolaires comme des partenaires, encore moins comme des partenaires égaux.

De plus, les retards dans la conclusion du protocole d'entente avec le Conseil des ministres de l'éducation, ainsi que des ententes bilatérales, causent de vives inquiétudes. Compte tenu de l'ampleur des défis à relever, les délais encourus sont inacceptables et ont des conséquences négatives sur les provinces et sur les communautés qui ont, en fait, de la difficulté à planifier leur action pour l'année à venir, ce qui peut causer des effets néfastes sur l'enseignement de la langue seconde, par exemple. Il faut faire mieux et plus vite.

Le ministre responsable des langues officielles et la ministre du Patrimoine canadien ont indiqué vouloir conclure ces ententes avant la fin du mois. Nous sommes le 21 mars. Alors, il est donc minuit moins cinq.

[Traduction]

Nous souhaitons tous une plus grande responsabilisation, plus de leadership de la part de tous les gouvernements. Le gouvernement fédéral doit jouer son rôle de champion des langues officielles en enseignement. Il doit rallier tous les joueurs autour d'une vision commune qui puisse catalyser l'action des partenaires provinciaux et territoriaux. Cela suppose également un plus grand empressement à rendre compte. Pourtant, le cadre de reddition de comptes du Plan d'action ainsi que la mise en place d'indicateurs de rendement se font toujours attendre.

Bien que la deuxième année de ce plan quinquennal achève bientôt, nous n'avons toujours pas une idée précise de ce qui a été fait et de qu'il reste à faire. Nous attendons donc impatiemment le rapport de progrès que le gouvernement doit rendre public cet automne. Il faut des résultats tangibles. Par ailleurs, je serai heureuse d'aborder avec vous à un autre moment d'autres éléments du Plan d'action tels que les besoins en matière d'éducation de la communauté anglophone du Québec et l'enseignement du français et de l'anglais comme langues secondes. Tous ces sujets sont en quelque sorte reliés, puisqu'ils visent collectivement à renforcer l'identité bilingue du Canada.

Pour combattre l'érosion progressive des communautés minoritaires francophones, il faut réparer les injustices du passé en assurant une égalité réelle en matière d'éducation, ce qui veut aussi dire de réels partenariats entre les gouvernements provinciaux et les conseils scolaires.

Cette réparation exige le leadership du gouvernement fédéral, la participation active des gouvernements provinciaux et territoriaux et l'implication des communautés à toutes les étapes. Elle requiert en outre un sens aigu des responsabilités et de l'obligation de rendre compte.

Je sens au sein des communautés une grande volonté de travailler ensemble et une nouvelle mobilisation pour assurer la pleine réalisation des droits scolaires. La stratégie élaborée par la Fédération nationale des conseils scolaires francophones pour compléter le système d'éducation en français est une belle illustration de ce dynamisme prometteur. C'est d'abord en construisant les systèmes éducatifs de nos communautés minoritaires de langues officielles que nous renforcerons la francophonie canadienne de demain. Merci. Je répondrai à vos questions avec plaisir.

[Français]

Le président: Merci, madame Adam. Avant de laisser la parole au sénateur Comeau, j'aimerais faire un petit commentaire que j'ai déjà fait aux membres du comité. Il est évident que nous étudions actuellement le système d'éducation dans le milieu minoritaire francophone. Loin de nous la pensée que nous n'en ferons pas autant pour les anglophones du Québec ou que nous n'aborderons pas non plus le système d'immersion français ou anglais, selon les provinces.

C'est un projet à long terme et nous avons cru plus utile et plus productif d'y aller par secteur linguistique afin d'éviter la confusion. Car la situation des anglophones au Québec n'est certainement pas la situation des francophones au Manitoba, par exemple. Les défis sont parfois très différents sur le plan de l'administration, de la livraison des services, des politiques linguistiques de certaines provinces. C'est donc dans le but d'éviter la confusion que nous avons décidé de procéder ainsi, mais nous tenons bien compte de vos remarques. Elles arrivent à point.

Le sénateur Comeau: Bienvenue à nouveau, madame Adam, c'est toujours un plaisir de vous recevoir pour nous guider. Ma première question concerne l'éducation de la petite enfance. Le ministre Dryden sera avec nous un peu plus tard cet après-midi.

L'une de mes préoccupations à ce sujet, c'est la question des cinq milliards qui sont proposés comme étant la solution. Je ne sais pas si cela a été présenté comme tel, en tous cas c'est la proposition qui est faite. Je ne veux pas répéter le commentaire du sénateur Murray. En fin de compte, cinq milliards sur cinq ans, ce n'est pas...

Le sénateur Murray: Ce n'est pas beaucoup, dites-le.

[Traduction]

Le sénateur Comeau: Comment l'a-t-il dit? « Que Dieu me pardonne de le dire, mais 5 milliards de dollars, ça ne permet pas de répondre aux besoins ».

[Français]

Je suis d'accord avec lui pour dire que cinq milliards, ce n'est certainement pas suffisant pour ce que l'on veut faire. Vous avez mentionné un système de qualité, universellement accessible et abordable. J'ai deux questions, premièrement: est-ce que vous avez eu l'occasion d'examiner si les fonds étaient distribués de façon équitable d'un bout à l'autre du Canada? Est-ce que ces cinq milliards répartis sur cinq ans peuvent répondre aux besoins envisagés?

Étant donné que les minorités ne sont pas mentionnées dans ceci, s'il y avait une répartition par personne, quel genre de garderies seraient offertes à nos jeunes en région minoritaire, étant donné que nous n'avons pas, à ce jour, examiné la question du remboursement des injustices du passé?

Mme Adam: À ma connaissance, le gouvernement s'est engagé à verser 5 milliards de dollars, par contre, il n'a pas annoncé la répartition de ces sommes ni encore établi les conditions ou les dispositions. Il n'a pas conclu d'ententes avec les provinces et les territoires pour atteindre cet objectif. Il est encore temps d'intervenir afin de s'assurer que cette fois le gouvernement fédéral agisse en tenant compte des besoins et des intérêts des communautés de langues officielles minoritaires. Pour cette raison les communautés ont fait valoir la nécessité d'avoir dans ces ententes des dispositions garantissant un accès égal aux fonds et aux services qui répondent aux besoins de la communauté.

J'ai rencontré le ministre Dryden pour lui démontrer l'importance, lors des négociations et des rencontres avec ses homologues provinciaux, de faire valoir la responsabilité du gouvernement fédéral de protéger ces minorités et d'assurer leur accessibilité à des services équivalents. Nous n'avons pas encore eu de réponses claires, à savoir si le gouvernement fédéral va vraiment en faire une condition pour ces ententes. Je terminerai sur ce point: il y a eu trop d'expériences passées où on a versé des sommes dans des secteurs, que ce soit pour la formation de la main-d'oeuvre, où on n'a pas inclus de clauses linguistiques. Par conséquent, il est bien difficile de corriger le tir pour le gouvernement fédéral.

Le sénateur Comeau: On a déjà eu des annonces du gouvernement fédéral pour lesquelles les provinces ont démontré de l'intérêt. Cela doit être parce qu'il y a eu des discussions, parce que d'un côté de la table, on n'a rien dit. C'est une annonce du gouvernement fédéral sans aucun engagement de la part des provinces. On n'a pas entendu parler des montants alloués aux provinces. Les minorités linguistiques n'en ont pas fait mention dans aucun communiqué de presse. Prévoit-on des négociations à un prochain tour de table?

Mme Adam: Je souhaiterais que le ministre Dryden, responsable des négociations avec les provinces pour réaliser ce programme national, reçoive un mandat clair du gouvernement fédéral, à savoir qu'il doit tenir compte pleinement des besoins des minorités linguistiques afin qu'il agisse en conséquence. Quand les ententes seront signées on sera en mesure de constater que cinq milliards représentent une somme intéressante pour promouvoir le bilinguisme au pays.

Le sénateur Comeau: Plusieurs groupes ont comparu devant nous en ce qui concerne l'éducation de la petite enfance jusqu'au postsecondaire, mais personne n'a parler des écoles de métiers, des électriciens ou des charpentiers, par exemple. Ces métiers exigent des contacts fréquents avec l'extérieur. Même les collèges s'intéressent très peu à cette catégorie, ce qui fait que presque toutes ces personnes apprennent leur métier en anglais. Avez-vous constaté cette lacune?

Mme Adam: J'ai insisté tout à l'heure sur le continuum de l'apprentissage. Toute notre vie on développe de nouvelles compétences. Pour les métiers, selon les provinces, la formation sera accessible en français ou non, mais dans une province comme l'Ontario, où le postsecondaire est assez bien développé en français, l'enseignement des métiers n'est pas toujours disponible en français. J'ai eu récemment une discussion avec la présidente de la Cité collégiale au sujet de la formation des métiers en français.

Une reconnaissance de l'ensemble des joueurs est nécessaire, tant de la part des communautés francophones que du système éducatif, pour souligner l'importance de bâtir ce continuum. Dès qu'un jeune ne peut pas vraiment étudier, exceller ou devenir diplômé dans sa langue, c'est une perte pour la communauté.

Le sénateur Comeau: Presque tous les finissants d'études postsecondaires de nos régions côtières s'en vont à l'extérieur. On dépense nos fonds pour les faire passer à travers un système d'éducation de la petite enfance jusqu'à l'université et finalement on perd ces gens. Ceux qui restent sont souvent les gens de métier et on ne les reconnaît même pas. Ils sont le tissu même de notre communauté. Je ne peux pas concevoir qu'on néglige ces gens. On devrait peut être examiner cette situation.

Mme Adam: Vous êtes en train de le faire.

Le sénateur Comeau: Oui, mais personne n'a fait mention de ces gens.

Mme Adam: Il n'est pas rare qu'ils soient les oubliés du système et vous avez raison de soulever ce point.

Le sénateur Comeau: Presque tous les experts qui ont comparu devant nous n'en ont pas fait mention. Pourtant je les vois régulièrement dans ma communauté, parce que tous ceux qui sont passés à travers le système universitaire vivent à l'extérieur maintenant.

Ma dernière question concerne les ayants droit. On vise un taux de 80 p. 100. Le sénateur Buchanan a remis en question ce pourcentage. Mais je pense que c'est plutôt 50 p. 100 de ces gens qui sont dans le système. C'est tout de même élevé.

Mme Adam: Vous trouvez cela élevé?.

Le sénateur Comeau: Avez-vous examiné ce chiffre dans les communautés?

Mme Adam: Je ne peux me prononcer que sur notre étude et la dernière étude réalisée par les professeurs Landry et Roussel. Les chiffres se maintiennent. On parle d'un taux de 50 p. 100.

Il faut comprendre que le taux est plus faible dans certaines provinces. Dans d'autres provinces, comme le Nouveau- Brunswick, le taux se situe autour de 80 p. 100. Le Nouveau-Brunswick aurait donc, à toutes fins pratiques, atteint l'objectif du plan d'action. En Ontario, je crois que le taux se situe aux environs de 60 p. 100 et dans une province comme celle de la Saskatchewan il peut chuter jusqu'à 25 p. 100. En additionnant le tout, on obtient une moyenne d'environ 50 p. 100. Les défis sont donc très grands dans certaines provinces.

Le sénateur Comeau: On devrait peut-être insister sur les provinces telles que la Saskatchewan où le taux n'est pas ce qu'il devrait être. Nos efforts devraient cibler ces communautés où l'on éprouve plus de difficulté.

Notre objectif n'est pas de renforcer les communautés à faible taux, mais de tenter de sauver les communautés en déclin.

Êtes-vous satisfaite de la source de ces chiffres? Je présume que ces données sont obtenues à partir du recensement?

Mme Adam: Oui.

Le sénateur Comeau: Êtes-vous confortable avec la façon dont on obtient ces chiffres, soit par le recensement?

Mme Adam: Avant la parution de l'étude de M. Landry, nous avons publié notre propre étude. Cette étude fut réalisée par Angéline Martel. Le commissariat a d'ailleurs publié la première étude sur cette question.

Ce sont, à notre connaissance, les données les plus fiables. Bien entendu, certaines gens ne répondent pas au recensement de façon exacte. Toutefois, à mon avis, les chiffres reflètent bien la réalité.

Le sénateur Comeau: Ma question est due au fait que les Acadiens ne sont pas identifiés dans ce document. En tant qu'Acadien, j'ai de la difficulté à me faire identifier en tant que Canadien français ou de descendance française. Que répondre dans ce cas?

Je me demande si on a une idée du pourcentage correspondant aux communautés semblables à celle des Acadiens.

Mme Adam: Les ayants droit sont définis dans la Constitution. Il existe, bien sûr, quelques définitions. Toutefois, la définition est toujours par rapport à la langue maternelle apprise et encore comprise. Les études qui furent réalisées touchent la langue maternelle. On considère notamment la langue maternelle du répondant et l'école où ses enfants sont inscrits.

Alors je crois que vous pouvez avoir confiance en ces données. Dans cinq ou dix ans, soit en 2013, à la fin du plan d'action, lorsqu'on examinera l'objectif de 80 p. 100, si on utilise la même méthodologie, on devrait pouvoir faire le point sur la réussite ou l'échec de ce plan.

[Traduction]

Le sénateur Murray: Madame la commissaire, je vous remercie d'avoir contribué à mon éducation en m'expliquant ce qu'est un couple exogame. Jusqu'à aujourd'hui, je ne savais pas ce que cette expression signifiait et je me garderai bien de vous dire ce que je pensais qu'elle signifiait. Bref, j'en déduis qu'il y a couple exogame lorsqu'une personne francophone épouse une personne anglophone ou cohabite avec elle.

Au sujet de l'éducation dans la petite enfance et des services de garde, vous avez dit que les pourparlers étaient déjà amorcés mais que nous ne savons pas comment ce projet tiendra compte des besoins des communautés minoritaires. Vous dites aussi que d'après les échanges que vous avez eus avec les organismes centraux et à la lumière des déclarations publiques du gouvernement au sujet de ces négociations, vous ne pouvez avoir une idée claire des services qui seront offerts aux jeunes enfants dans la langue minoritaire.

Nous sommes tous logés à la même enseigne. Je ne crois pas que cela s'explique par le fait qu'on nous cache des choses; j'imagine que tout n'est pas évident dès le départ. Nous recevrons M. Dryden en temps opportun et nous pourrons l'interroger à ce sujet, mais pour l'instant, parlons de ce que nous connaissons.

J'ai reçu une réponse écrite à une question que j'ai posée au Sénat à ce sujet. Les responsables dans ce dossier essaient de négocier en se fondant sur l'Entente-cadre sur l'union sociale conclue par le gouvernement Chrétien il y a plusieurs années. Or, cette entente présente un certain nombre d'obstacles que le ministre devra surmonter.

Tout d'abord, pour avoir un programme national, il faut qu'au moins six provinces y participent. J'ignore, et je crois que vous l'ignorez également, si six provinces sont prêtes à signer une entente. Si ce n'est pas le cas, je suppose qu'il faudra mener des négociations bilatérales; il faudrait peut-être le faire de toute façon.

Comme je l'ai dit à un témoin lors d'une séance antérieure, il est probablement irréaliste, compte tenu du peu de chose que nous savons au sujet de ces négociations, de s'attendre à ce que ce programme atteigne les objectifs souhaités par les minorités linguistiques. Comme vous le dites, ces minorités savent ce qu'elles veulent et nous comprenons l'importance que cela revêt dans l'ensemble de la situation.

J'ai envie de vous demander, à titre d'information, si vous connaissez d'autres exemples. Je me demande si nous ne finirons pas par vouloir un programme d'éducation de la première enfance ou de garderie tout à fait différent de ce que le gouvernement est en train de négocier. Nous voudrons peut-être un programme séparé, qui pourrait être mis en œuvre par le biais du programme d'éducation en langues officielles ou d'un autre programme relevant de Patrimoine canadien, afin d'atteindre ces objectifs tout à fait pressants à mon avis.

La question des services de garde est très importante à différents égards, mais ce n'est pas l'objet de nos échanges aujourd'hui. Nous savons qu'il s'agit d'une question importante du point de vue de l'instruction de la langue de la minorité. Connaissez-vous des cas où l'on a séparé l'élément relevant des langues officielles, la composante relative à la langue de la minorité, pour conclure une entente séparée à ce sujet?

Mme Adam: Je ne crois pas que nous puissions comparer des dossiers différents. Avant de répondre à votre question, permettez-moi d'exprimer une observation générale. Je suis toujours réticente face à l'idée de créer des programmes conçus expressément pour les minorités. Pourquoi? Parce qu'il s'agit généralement d'ajouts qui ne sont pas suffisamment financés.

On peut penser, par exemple, à ce qui s'est fait dans le passé dans le cas du volet formation de l'entente sur l'union sociale; quand on l'a négociée, on n'a pas songé à la nécessité d'offrir la formation professionnelle en français pour différents types de métiers ou aux Métis, ni à offrir une formation permanente en français aux minorités de langue française. On a mis sur pied des programmes séparés ou fait des extensions de programme qui n'étaient pas vraiment prévues par l'entente. Dans des circonstances comme celles-là, le groupe minoritaire se voit presque forcé de quémander des services auxquels il a droit. Ces services ne sont pas prévus dans le programme général, ou dans certains cas ils ne peuvent pas l'être.

Quand le gouvernement fédéral et les provinces négocient des programmes spéciaux à l'intention des citoyens canadiens, comme il existe deux communautés de langues officielles au pays, ils devraient reconnaître que les programmes doivent viser certains objectifs communs, mais qu'ils devront être adaptés aux réalités de chaque communauté minoritaire. Quand on crée un programme à part, la minorité fait des choses de son côté mais elle ne s'intègre pas au courant général. S'il est impossible d'obtenir un engagement fort et clair de rassembler les deux communautés linguistiques officielles dans le même programme, je crois qu'effectivement il faudrait mettre sur pied des programmes séparés.

Je peux vous donner un exemple. Quand j'étais professeur d'université en Ontario, nous avions accès à des fonds spéciaux destinés aux universités françaises et bilingues, mais nous voulions avoir accès à toutes les sources de financement, dont certaines étaient beaucoup plus généreuses que la subvention spéciale au bilinguisme. Au bout du compte, nous perdions toujours au change, et c'est ce qui m'inquiète. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

Le sénateur Murray: Je comprends votre point de vue. Vous avez bien décrit le problème. Comme vous le savez, une des lacunes de l'Entente-cadre sur l'union sociale est qu'elle accorde aux provinces le droit de refuser de participer si elles ont un programme plus ou moins semblable. Je ne saurais dire aujourd'hui si nous aurons un programme national; nous en saurons plus long lorsque le ministre comparaîtra devant le comité. Quoi qu'il en soit, je crois que les ententes bilatérales faciliteront davantage la mise en œuvre du volet des langues officielles et le volet des services dans la langue minoritaire — corrigez-moi si je me trompe, vous avez plus d'expérience que moi dans ce domaine — parce que les conditions varient énormément d'une province à l'autre. Cela sera plus facile à réaliser au Nouveau-Brunswick et en Ontario que dans d'autres provinces.

Mme Adam: Oui.

Le sénateur Murray: Plutôt que d'être inclus dans une entente nationale, sauf sous forme d'engagement général, il faudra que le volet des langues minoritaires fasse l'objet d'ententes bilatérales négociées. Est-ce que je me trompe? Est- ce que quelque chose m'échappe?

Mme Adam: Je crois que c'est la définition du programme national. Est-ce que ce sera précis? Dans quelle mesure est-ce qu'il énoncera les mesures de mise en œuvre du programme? Si ça se trouve uniquement dans les objectifs, on peut alors adapter le programme au besoin des collectivités. En Ontario, il y a non seulement la collectivité francophone qui parle une des langues officielles, mais il y a aussi une diversité qui n'existe peut-être pas dans certaines provinces atlantiques. Chaque province a ses particularités. Il faudra peut-être adapter le programme aux régions qui sont plutôt urbaines que rurales. Je suis sûre qu'il faut pouvoir adapter le programme.

Je me fonderais sur les principes, et le principe est que si le gouvernement fédéral investit dans un programme national pour la petite enfance, il doit veiller à ce que les deux collectivités de langues officielles du Canada soient traitées comme des citoyens égaux qui profiteront également de cet investissement. Deuxièmement, il y a le principe d'une entente suffisamment souple pour pouvoir être adaptée selon les particularités des différentes collectivités; comme elles sont différentes, l'entente doit pouvoir être adaptée.

Le sénateur Murray: Je pense que dans certains cas, le principe de l'égalité ne suffira pas.

Mme Adam: L'égalité des résultats.

Le sénateur Murray: Oui, bien sûr. Il faut que ce soit quelque chose de plus que ce qu'on appelle l'égalité afin d'accorder une attention particulière aux collectivités de langue minoritaire dans certaines régions du pays.

Mme Adam: Si vous me le permettez, la Cour suprême nous a donné des directives très claires à ce sujet. L'égalité ça ne veut pas dire l'égalité de traitement. Il s'agit plutôt de faire en sorte que le résultat soit le même pour les deux collectivités. Il se peut qu'on doive avoir recours à des moyens différents pour obtenir les mêmes résultats.

Le sénateur Murray: Merci.

[Français]

Le sénateur Chaput: J'aimerais soulever trois points. Vous mentionniez — et je suis d'accord — les partenaires égaux. Aujourd'hui, nous avons entendu la ministre Frulla mentionné que lors des négociations de l'entente en éducation, ce sont le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux qui négocient. Malgré le désir des communautés d'être à la table, elles ne sont pas présentes. Vous parliez de rattrapage, il n'y a pas de doute qu'il y a un rattrapage à faire.

Lorsque je pense aux prochaines négociations des ententes entre le Canada et les communautés, les communautés auront à valider leur existence et celle de certains organismes. Non seulement on essaie de se rattraper, mais il faut démontrer qu'on doit être là pour continuer ce travail. Vous parliez d'élargir l'espace éducatif en français. Cet espace éducatif, doit comprendre toute la gamme des services nécessaires dans l'éducation, incluant la petite enfance. La communauté doit composer avec un ministère additionnel pour les services de la petite enfance.

Je viens de vous mentionner la lenteur et la lourdeur du processus. Je veux mentionner également ce qu'on s'est fait dire par un chercheur à l'une de nos dernières rencontres: si l'on continuait à éduquer des minoritaires, nos écoles propageraient le complexe minoritaire. On est plus petit, on est moins riche, on n'a pas assez d'argent et on n'a pas ce qu'il faut.

Si vous étiez à notre place, quelles seraient les premières recommandations à faire au gouvernement pour vraiment faire quelque chose de concret afin d'avancer?

Mme Adam: J'insisterais beaucoup sur le fait que Patrimoine canadien est le ministère qui représente le gouvernement fédéral en ce qui a trait à l'éducation et la négociation avec les provinces — et qu'il doive jouer un rôle plus musclé. En ce moment, les ententes ne sont pas signées. Le plan d'action est un processus lent. Malheureusement, on ne peut pas applaudir les progrès de la mise en oeuvre du plan d'action. Mais comme l'éducation dans la langue seconde et la langue de la minorité représente plus que la moitié du plan, et que cela n'avance pas au rythme escompté, on ne peut pas vraiment être satisfait de la mise en oeuvre de ce plan, et nous sommes à la fin de la deuxième année. Il faut que Patrimoine canadien soit un cataliseur. Il doit travailler avec les provinces.

Les ministres provinciaux de l'Éducation ont à coeur la réussite et ce, tant pour les minorités que pour les majorités. La question de lourdeur bureaucratique à négocier et celle des relations du gouvernement fédéral avec les provinces sont souvent mises de l'avant.

Je ne fais pas partie du processus, je ne suis qu'une observatrice, mais je crois que lorsque ces choses se répètent trop souvent et qu'elles proviennent de différentes sources, c'est qu'il est temps de faire un examen de conscience et de se demander si le gouvernement fédéral est un facilitateur du processus ou s'il l'alourdit indûment. Lorsqu'on alourdit, on retarde les choses. Il y a des provinces qui avaient l'élan pour agir et probablement que leur motivation à le faire diminue dans ce dossier.

Le sénateur Léger: Vous parlez de lourdeur bureaucratique. Est-ce qu'il faut plutôt changer la lourdeur bureaucratique du processus?

Il y a une certaine noblesse rattachée au produit universitaire, il y a une valorisation. Mais lorsque vient le temps de parler de métiers, c'est comme si cela n'avait rien à voir avec l'éducation. Que peut faire le comité des langues officielles pour remettre en question le système d'éducation?

Mme Adam: J'ai toujours cru que le gouvernement était au service des citoyens, et non l'inverse. Vous parliez de partenariat avec les communautés. On sait fort bien que la Constitution accorde des droits aux minorités. Elle leur reconnaît le droit à la gestion scolaire par les communautés. Les conseils scolaires sont des partenaires clés qui devraient avoir droit au chapitre lorsqu'il s'agit de la prise de décisions à propos de l'éducation.

Si ces personnes se sentent exclues, je crois qu'il est de notre devoir de penser à des structures qui leur fourniront des mécanismes ou des processus. J'ignore comment le faire parce que je ne suis pas une experte de la machinerie gouvernementale ou intergouvernementale.

Il y a sans doute des frustrations très légitimes et des voix qui veulent se faire entendre et qui ne semblent pas avoir droit au chapitre en ce moment et pourtant, ce sont les premiers bénéficiaires des effets de ces décisions.

Le sénateur Léger: Puisque la vague est aux chaires de recherche, on pourrait peut-être créer une chaire universitaire visant à simplifier le système du gouvernement. Cela pourrait nous aider à trouver des solutions.

Le président: Nous avons dépassé l'heure prévue pour l'audition du témoignage de Mme Adam. Nous vous remercions, Madame Adam, de vous être prêtée à cet exercice.

[Traduction]

Chers collègues, nous sommes en comité et certains de nos travaux sont informels. Un ou deux de nos collègues reviendront d'un moment à l'autre. Le sénateur Comeau a dû se rendre au Sénat pour quelques minutes. Il reviendra, et nous devrions donc nous mettre à la tâche car notre temps à tous est limité.

Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à l'honorable Ken Dryden et à ses collaborateurs. Je suis sûr, monsieur le ministre, qu'on vous a informé de ce que nous essayons de faire, de découvrir. Cela concerne l'éducation de la minorité francophone. Ce que vous préparez les intéresse grandement et c'est de cela que nous aimerions discuter ce soir.

Nous allons discuter de l'autre groupe minoritaire, les anglophones du Québec, à une autre date. Pour le moment, nous concentrons nos efforts sur la minorité francophone dans l'ensemble du Canada.

Alors, bienvenue à vous et aux fonctionnaires qui vous accompagnent. Je vous demanderais de bien vouloir nous les présenter.

L'honorable Ken Dryden, ministre du Développement social: Tout d'abord, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent. Peter Hicks est sous-ministre adjoint, Politiques et orientations stratégiques, Développement social Canada; Christian Dea est directeur général intérimaire, Connaissances et recherches; Robert Coulter est directeur, Initiatives horizontales et relations internationales; et John Connolly est directeur intérimaire, Opérations, Direction du développement communautaire et des partenariats, Division des partenariats.

[Français]

Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui pour parler des activités que Développement social Canada mène en vue de remplir ses engagements dans le cadre du plan d'action pour les langues officielles du gouvernement du Canada.

Plus précisément, je m'attarderai aujourd'hui à nos activités liées à l'apprentissage et à la garde des jeunes enfants, à notre programme Comprendre la petite enfance, et à deux projets financés par le Plan d'action.

[Traduction]

Comme vous le savez, conformément aux engagements pris dans le discours du Trône d'octobre 2004 et le budget fédéral de 2005, le gouvernement du Canada négocie actuellement une entente avec les provinces et les territoires concernant l'apprentissage et la garde des jeunes enfants. Cette entente fera fond sur le succès de l'Entente fédérale- provinciale-territoriale sur le développement de la petite enfance, conclue en 2000, et du Cadre multilatéral pour l'apprentissage et la garde des jeunes enfants de 2003.

[Français]

Dans ces deux ententes, les gouvernements reconnaissaient que les programmes et services liés au développement de la petite enfance, à l'apprentissage et à la garde des jeunes enfants devraient être englobants et adaptés aux besoins d'enfants évoluant dans divers milieux culturels et linguistiques.

Dans le cadre des discussions menées jusqu'à maintenant, les ministres du gouvernement fédéral, provinciaux et territoriaux responsables des Services sociaux ont convenu d'appliquer les principes QUAD — qualité, universalité inclusive, accessibilité et développement — aux mesures touchant l'apprentissage et la garde des jeunes enfants à l'échelle du pays. Ces principes visent à englober tous les enfants, y compris ceux qui vivent au sein d'un groupe minoritaire de langue officielle.

Nous avons discuté en profondeur de cette question lors de notre dernière réunion, le 11 février.

J'ai alors défendu l'idée que l'inclusion des minorités de langues officielles dans la nouvelle entente est essentielle, conformément aux objectifs fédéraux énoncés dans la Loi sur les langues officielles.

J'en ai également profité pour insister sur l'importance des programmes et services pour les jeunes enfants.

[Traduction]

D'après ce que nous avons compris, et d'après ce que les collectivités francophones et autres nous ont dit, la première langue d'enseignement pour un enfant a de très grandes chances d'être la langue de son prochain niveau d'enseignement et de l'enseignement à suivre. Lorsque la première langue d'enseignement se trouve au niveau de l'école primaire, comme cela a été le cas par le passé, alors on continuera d'employer cette langue au niveau secondaire. Aujourd'hui et à l'avenir, l'apprentissage et la garde des jeunes enfants auront un rôle beaucoup plus important à jouer et la langue utilisée à ce niveau-là constituera la première langue d'enseignement. Cela rend la langue d'enseignement employée au niveau de l'apprentissage et de la garde des jeunes enfants beaucoup plus importante et c'est en vertu de ce principe-là que nous formulons notre approche.

[Français]

Nos négociations se poursuivent et je peux vous assurer que nous continuerons de parler de l'importance d'inclure les minorités de langues officielles.

Laissez-moi maintenant vous parler du programme Comprendre la petite enfance. Il s'agit d'un programme qui aide les collectivités à recueillir de l'information sur les capacités d'apprentissage de leurs enfants, sur les facteurs qui influent sur le développement d'un enfant et sur les ressources locales visant à soutenir les plus jeunes enfants et leur famille.

[Traduction]

Grâce à cette information ciblée, les collectivités peuvent mettre en place des programmes, des politiques et des investissements qui visent à assurer à leurs enfants le meilleur départ possible. À la lumière du succès de la mise à l'essai, en mars 2004, on a étendu le programme de 12 projets à une centaine de collectivités partout au pays. Une répartition et une représentation régionales équitables sont un objectif important du processus de sélection. On étendra la définition de la notion de collectivité, de sorte que toute région affichant le nombre minimal d'enfants puisse participer. Grâce à l'appel de propositions qui a été lancé le 16 février et qui prend fin le 11 avril, quelque 25 nouvelles collectivités lanceront le programme Comprendre la petite enfance à l'automne 2005. Une attention particulière sera prêtée aux collectivités où vivent des enfants appartenant à des minorités de langues officielles.

Le plan d'action a consenti du financement à Développement social Canada pour la mise en œuvre de deux projets liés aux minorités: 10,8 millions de dollars pour la mise en œuvre d'un projet pilote sur les services de garde; et 3,8 millions de dollars pour renforcer la capacité des organisations non gouvernementales. Le projet pilote relatif aux services de garde est un projet de recherche de quatre ans visant à évaluer les programmes existants et à recueillir de l'information sur les répercussions des services de garde francophones de grande qualité pour le développement linguistique, culturel et global des enfants d'âge préscolaire vivant au sein de groupes minoritaires francophones.

Les recherches ainsi menées enrichiront notre connaissance collective de ce qui fonctionne. Elles contribueront en temps opportun à la conception et à la prestation de services de garde destinés aux enfants de groupes minoritaires francophones, en précisant les facteurs liés au programme, à la famille et à la collectivité qui influent sur l'identité et sur l'obtention de résultats positifs. Au moins cinq groupes minoritaires francophones et 200 enfants d'âge préscolaire prendront part au projet. La moitié des enfants participants recevront des services élargis. On évaluera l'impact du projet en comparant les résultats obtenus par les enfants qui bénéficient de services élargis aux résultats obtenus par les autres.

Les 3,8 millions de dollars de financement sont gérés par le Programme de partenariats pour le développement social du ministère. Ce programme fait des investissements stratégiques sous forme de subventions et contributions favorisant l'acquisition et la diffusion de connaissances, la création de partenariats en vue d'atteindre des objectifs communs et le renforcement de la capacité du secteur des organismes sans but lucratif. La Commission nationale des parents francophones a financé en 2003-2004, en 2004-2005 et en 2005-2006 des projets communautaires favorisant le développement de la petite enfance au sein des groupes minoritaires de langues officielles. Par exemple, le projet Partir en français a reçu 1,055 million de dollars, et Partir en français II a reçu 315 000 $. Ces projets permettent de concevoir des outils et du matériel pédagogique liés à l'apprentissage des jeunes enfants dans les collectivités minoritaires de langues officielles. De plus, la Fédération canadienne des enseignantes et enseignants a reçu 276 000 $ pour élaborer le Profil d'entrée à la 1re année dans une perspective langagière et culturelle, qui vise à favoriser l'intégration des enfants dans les écoles françaises.

Les responsables de la Direction du développement communautaire et des partenariats travailleront en collaboration avec des intervenants des collectivités francophones et acadiennes pour utiliser à bon escient les 680 000 $ prévus pour 2006-2007 et pour 2007-2008 dans le Plan d'action pour les langues officielles.

[Français]

En conclusion, le ministère du Développement social prend très au sérieux ces engagements dans le cadre du Plan d'action pour les langues officielles.

Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup monsieur le ministre. Nous allons commencer avec le sénateur Murray.

[Traduction]

Le sénateur Murray: J'aimerais d'abord dire que je me suis trompé plus tôt lorsque j'ai dit que ces négociations avaient lieu dans le contexte de l'Entente-cadre sur l'union sociale. On m'a dit depuis que ce n'était pas le cas. J'avais cru que c'est ce qu'on m'avait dit en réponse à une question que j'ai posée au Sénat, mais ce n'est pas le cas.

Le président: Avez-vous fait cette affirmation dans le cadre de votre échange avec la commissaire?

Le sénateur Murray: Oui.

Monsieur le ministre, je n'ai pas eu l'occasion d'examiner les initiatives qui sont proposées dans le plan d'action, et notamment dans le cadre de Comprendre la petite enfance — initiative fort impressionnante —, mais ce qui m'intéresse et nous tous, si je ne m'abuse, c'est l'orientation que vous comptez prendre en ce qui touche l'entente nationale sur les services de garde. S'agira-t-il d'une entente nationale? Comment ferez-vous en sorte que cette entente comporte un volet satisfaisant en matière de langue minoritaire?

On lit dans ce document que les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux chargés des services sociaux s'entendent pour que les services d'apprentissage et de garde de la petite enfance qui seront mis en place dans le pays reposent sur les principes QUAD. Parfait. Quelle est la prochaine étape dans vos négociations?

M. Dryden: Nous nous sommes rencontrés pour la première fois au début novembre et nous nous sommes entendus essentiellement sur les principes QUAD, comme vous l'avez fait remarquer. Nous nous sommes aussi mis d'accord sur une ébauche de définition de ces principes. À l'issue de cette réunion et de nombreux entretiens entre les fonctionnaires et les sous-ministres, nous avons élaboré une ébauche d'entente qui présente de façon détaillé le fonctionnement du système. Le point essentiel de cette entente, c'est qu'elle reconnaît que la mise en œuvre du programme appartient aux provinces elles-mêmes.

C'est le gouvernement fédéral qui financera ce programme. Il appartiendra aux provinces de le mettre en œuvre en respectant les principes QUAD dont ceux de la qualité et du développement. Dans le cadre du financement de 5 milliards de dollars échelonné sur cinq ans, 100 millions de dollars ont été réservés à la reddition de comptes. Nous ferons des enquêtes et des évaluations pour voir comment ce financement est dépensé et quels en sont les résultats.

Nous nous sommes réunis à la mi-février, mais nous ne sommes pas parvenus à conclure une entente finale. Un nombre important de provinces et de territoires souscrivent cependant à l'ébauche d'entente. Depuis lors, les discussions entre les fonctionnaires se sont poursuivies. Je me suis aussi entretenu avec mes homologues provinciaux et territoriaux et nous avons bon espoir de parvenir à une entente multilatérale à laquelle souscriront toutes les provinces et tous les territoires. Nous ne sommes pas encore arrivés à cette phase-là du processus, mais nous estimons nous en rapprocher.

À la réunion de février, ainsi que lors d'entretiens antérieurs, la question des minorités des langues officielles a été soulevée et débattue. On ne peut pas dire qu'il y a consensus sur la question parmi les provinces et les territoires. J'ai fait observer que certaines de ces réticences découlent du fait que la question est liée au système d'éducation avec tout ce que cela suppose. J'ai fait observer à mes homologues que le système dont il est question est d'envergure beaucoup plus modeste. Il ne faut pas atteindre le chiffre magique de 100 ou de 150 enfants comme c'est le cas lorsqu'on veut construire une école. Il n'est pas non plus nécessaire d'investir deux ou trois millions de dollars comme lorsqu'on veut construire une école. La plupart des services d'apprentissage et de garde de la petite enfance au pays ne sont pas offerts dans de grands centres, mais souvent dans des centres en milieu familial. On peut offrir des services dans la langue de la minorité même si quelques enfants seulement fréquentent un centre. L'important pour ce qui est de cet investissement et de la mise en œuvre du programme est à notre sens que le système s'adresse aux enfants âgés de moins de six ans qui fréquentent des garderies réglementées où l'on offre des services de garde répondant aux principes QUAD. Un pourcentage important de ce genre de services seront offerts en milieu familial au cours des prochaines années. Ces services seront aussi offerts dans de petites garderies qui peuvent accueillir de 7 à 12 enfants. Par conséquent, le système peut être beaucoup plus souple que ne l'est leur système d'éducation dans les provinces et les territoires.

La question que je pose à mes homologues est donc de savoir si les défis à relever, à leur avis, sont du même ordre que dans le domaine de l'éducation? J'aimerais savoir si le genre de questions qu'ils se posent et si leur hésitation sont attribuables à leur expérience du système d'éducation. Compte tenu de l'envergure des services dont il est question, pourquoi devrait-il en coûter davantage pour offrir des services d'apprentissage et de garde de la petite enfance dans la langue minoritaire que dans la langue majoritaire? Pourquoi devrait-il être plus coûteux de dispenser des services dans des centres accueillant dix enfants anglophones que dans des centres qui accueillent dix enfants francophones et vice versa?

Il s'agit de deux systèmes différents, mais il est vrai que les discussions ont lieu avec les mêmes personnes et qu'il nous faut parvenir à les convaincre de nous donner leur accord.

Le sénateur Murray: Comme je crois que cette question relève du mandat d'autres comités, je n'aborderai pas la question de savoir si ces services doivent être offerts par des garderies sans but lucratif plutôt que des garderies commerciales. Je ne pense pas que ce soit la question qui nous intéresse le plus. Vous avez dit que le système serait mis en oeuvre par les provinces, mais qu'il serait financé par Ottawa. Autrement dit, vous ne négociez pas un programme à frais partagés.

M. Dryden: C'est juste. Il ne s'agit pas d'un programme à frais partagés.

Le sénateur Murray: Le financement s'élèvera à cinq milliards de dollars échelonnés sur cinq ans.

M. Dryden: C'est juste.

Le sénateur Murray: Vous avez dit que l'entente que vous cherchez à négocier sera passablement détaillée. Puis-je vous demander de nous en dire plus long là-dessus? J'aimerais savoir si, lorsqu'une entente nationale aura été négociée, à supposer que cela soit possible, vous allez conclure des ententes bilatérales avec les provinces, ententes qui établiront les attentes à leur endroit?

M. Dryden: Chaque province et territoire élaborera son propre plan d'action ou plan d'affaires, si vous préférez, dans lequel il sera précisé comment les principes seront respectés.

Le sénateur Murray: Qu'est-ce qui nous assure dans tout cela que l'entente comportera un volet satisfaisant en matière de langue minoritaire? Compte tenu de la réalité politique et démographique, je m'inquiète moins à cet égard de ce que feront le Nouveau-Brunswick et l'Ontario où les groupes minoritaires sont assez importants. Je crois que les minorités francophones des autres provinces et territoires ont davantage à craindre. Le besoin est grand et plutôt urgent. Des témoins nous ont dit qu'entre le tiers et la moitié des élèves qui ont le droit constitutionnel à l'enseignement en français choisissent, ou leurs parents choisissent pour eux, de ne pas fréquenter des écoles francophones. Certaines raisons l'expliquent et notamment le fait que certains de ces enfants n'ont pas une connaissance suffisante du français. Comme vous y avez fait allusion lorsque vous avez parlé de l'enseignement dans la langue maternelle, l'une des solutions à ce problème c'est d'offrir des services d'apprentissage de la petite enfance en français aux minorités linguistiques. À moins que l'entente nationale ne soit très claire à l'égard des droits de la minorité linguistique, comment pourrez-vous vous assurer que ces services seront offerts dans la langue de la minorité si vous ne concluez pas d'ententes bilatérales avec les provinces à cet égard?

M. Dryden: J'aimerais d'abord insister sur le fait que les négociations se poursuivent et que nous ne nous sommes pas encore entendus sur une entente finale.

Diverses façons s'offrent d'obtenir cette « assurance » ou ce « volet satisfaisant » dont vous parlez. On pourrait d'abord partir de la situation telle qu'elle se présente. Il s'agit de demander aux intervenants d'oublier pour un instant ce qu'ils ont connu jusqu'ici pour accepter qu'il s'agit de citoyens qui relèvent de leur compétence. L'objectif que vise ce système national est important et sa mise en oeuvre peut être extrêmement souple puisque les services ne coûtent pas plus cher dans les petites garderies que dans les grandes. Dans ce cas, pourquoi une province ou un territoire n'accueillerait-il pas de la même façon une demande provenant d'une garderie accueillant des enfants appartenant à la langue majoritaire et celle d'une garderie accueillant des enfants appartenant à la langue minoritaire? Pourquoi les enfants appartenant à la minorité linguistique n'obtiendraient-ils pas les mêmes services? Voilà la première question à laquelle il faut répondre.

Le sénateur Murray: Monsieur le ministre, pendant que nous sommes sur ce sujet, que voulez-vous dire par garderie en milieu familial? Comment avez-vous pu réglementer les garderies en milieu familial?

M. Dryden: Cela représente un énorme pourcentage des services offerts à l'heure actuelle, y compris au Québec. Près de 50 p. 100 des services de garderie offerts au Québec sont offerts à domicile et sont réglementés. Il s'agit de réglementer les normes appropriées; mais parallèlement, il s'agit d'un service qui est offert en milieu familial.

Le sénateur Murray: Faut-il qu'il existe un nombre minimum d'enfants dans une garderie en milieu familial, ou une belle-mère qui s'occupe de son petit-fils serait-elle admissible?

M. Dryden: Cela dépend de votre belle-mère et des services qu'elle offre. Rien n'empêche une belle-mère d'offrir le service; il s'agit de déterminer si le service est de qualité suffisante et répond aux normes. Ce qui se produit souvent dans le cas des petits services — et il y en a au moins un à Ottawa qui fonctionne de cette façon-là —, c'est que vous avez un modèle central. Vous avez un plus grand centre. À Ottawa, l'exemple serait le Centre du quartier Glebe, où il accueille régulièrement 70 à 80 enfants mais qui dessert en tout environ 300 enfants. Il s'agit d'enfants qui, chaque jour, feraient appel à d'autres types de services offerts dans la région d'Ottawa, dans bien des cas en milieu familial.

Il y aurait cinq, trois ou huit enfants qui recevraient les services à domicile et qui une fois par semaine, accompagnés de la personne qui administre les services à domicile, se rendraient au plus grand centre. À d'autres moments ils disposeraient, également grâce à ce centre, d'équipement, de livres, de jouets, et cetera. Ce serait une forme d'établissement de prêt. Un grand nombre des services offerts à l'heure actuelle dans ce pays sont offerts à domicile.

Le sénateur Murray: Je suis heureux d'avoir obtenu cette information.

Le président: Vos questions ont été très utiles, de même que les réponses. Pourrais-je simplement demander au ministre, lorsque vous avez parlé des craintes ou des préoccupations de vos interlocuteurs à propos de l'expansion de ce programme comme cela a été le cas pour le programme de langue et le programme d'éducation et des investissements massifs qu'il faut faire, comment ont-ils réagi à ce que j'ai considéré comme des commentaires positifs que vous avez faits — sans nommer qui que ce soit? Qui sont ces interlocuteurs; s'agit-il essentiellement des ministres de l'éducation?

M. Dryden: Non, il s'agit des ministres des services à la famille. Le titre varie d'une province à l'autre, mais je crois qu'en aucun cas il ne s'agit d'une personne qui a aussi le titre de ministre de l'éducation.

L'une des questions qui en découlera, je crois, et cela se trouve au cœur de la question à laquelle vous travaillez, c'est quel sera le rôle des écoles actuelles dans ce système d'apprentissage et de garde de la petite enfance? Quel est le rôle qu'elles jouent à l'heure actuelle et quel sera leur rôle dans cinq ou dix ans d'ici? Je suppose que de façon générale partout au pays elles seront appelées à jouer un rôle beaucoup plus important. Cela est en partie attribuable au fait que les conseils scolaires considèrent qu'il s'agit d'un secteur qui offre d'énormes possibilités lorsqu'ils ne sont pas sûrs des autres possibilités qui existent. Par ailleurs, c'est un secteur où ils peuvent s'occuper de la concurrence.

C'est précisément ce qu'un membre d'un conseil scolaire a dit: « Pour que nous puissions affronter les conseils scolaires qui nous font concurrence, nous savons que nous devons livrer cette concurrence au niveau le plus jeune, » pour la même raison que j'ai déjà donnée à propos de la langue d'enseignement. Une fois que vous faites partie d'un conseil scolaire, il est fort probable que vous continuerez à en faire partie. Cette concurrence, au lieu de s'exercer entre les conseils au niveau élémentaire, s'exercera au niveau des garderies.

Le président: Cela vaut également pour les communautés linguistiques.

M. Dryden: Précisément. Je suppose que compte tenu de l'égalité des chances — et c'est un aspect où il reste à faire un important travail fondamental — les collectivités francophones se débrouilleront extrêmement bien. Elles sont organisées, elles ont déjà livré des batailles au niveau local et elles comprennent l'urgence de la situation.

Elles seront aussi bien sinon mieux organisées que tout autre groupe communautaire. Le modèle central pourrait très bien fonctionner à cet égard également. Il pourrait y avoir un petit service qui accueille trois, quatre ou cinq enfants qui pourrait également profiter des services d'une école francophone située à proximité.

Le sénateur Chaput: Je dois dire que j'aime ce que j'entends, monsieur le ministre.

J'ai une question à vous poser à propos de l'entente nationale que vous êtes en train de négocier avec les provinces, si j'ai bien compris. Cette entente aborde les principes QUAD. L'entente nationale comportera-t-elle également une clause linguistique pour s'assurer que les provinces qui recevront des fonds de notre gouvernement assurent l'égalité d'accès aux francophones en situation minoritaire, et aussi que les fonds sont utilisés aux fins prévues? En avez-vous discuté ou y avez-vous réfléchi?

M. Dryden: Nous y avons réfléchi, et selon le libellé actuel...

M. Peter Hicks, sous-ministre adjoint, Orientations stratégiques, Développement social Canada: Je crois que l'expression c'est « minorités culturelles et linguistiques ».

M. Dryden: C'est une expression plus générale qui est également utilisée dans d'autres ententes. Cette expression est utilisée dans le cadre de « l'inclusion ».

M. Hicks: Je ne garantis pas, monsieur le ministre, qu'il s'agit du libellé exact, mais il signifie la minorité culturelle et linguistique.

Le sénateur Chaput: Cette entente est-elle suffisamment solide pour continuer à obliger les provinces à rendre des comptes? Par le passé, des ententes comportaient une clause quelconque qui n'était pas suffisamment ferme et qui n'a été absolument d'aucune utilité.

M. Dryden: C'est la bonne question. Nous sommes en train de nous débattre, tout comme vous, afin de déterminer dans quelle mesure toutes les autres mesures dont j'ai parlé permettront d'obtenir le résultat voulu; par ailleurs, il faut également que les provinces sachent que si en fait le résultat voulu n'est pas obtenu, nous suivrons la situation de près et apporteront s'il le faut des ajustements en bout de ligne.

Cela fait partie des efforts destinés à déterminer le meilleur moyen d'obtenir le résultat dont nous parlons. À cela se rattache le défi que nous nous sommes lancé, à savoir que très probablement, la première langue d'enseignement sera la langue permanente d'enseignement. C'est là où résident les enjeux. Comment pouvons-nous atteindre ces résultats de la façon appropriée?

Le sénateur Comeau: Je vous remercie. Le ministre du Patrimoine canadien traite assez régulièrement avec les ministres provinciaux de l'éducation qui sont eux aussi bien au courant des responsabilités du gouvernement fédéral à l'égard des minorités linguistiques. Au fil des ans, les ministres et leurs collaborateurs ont reconnu l'existence de ces responsabilités. Je ne crois pas que votre ministère possède ce genre d'expérience à long terme que possède Patrimoine canadien, pas plus que les ministres et les ministères avec qui vous traitez. C'est en effet ce que l'on peut constater dans le communiqué qui a été émis après vos négociations avec les provinces et qui ne fait aucune mention des minorités linguistiques. Je crois que cela a suscité une certaine inquiétude de la part des minorités linguistiques qui s'interrogent à propos de l'étendue des connaissances de votre ministère et des ministères provinciaux. Certaines de nos collectivités se demandent si elles recevront le genre d'attention qu'elles auraient reçu si cette responsabilité relevait du ministère du Patrimoine. Pouvez-vous nous assurer qu'au cours de la deuxième étape de vos négociations — qui sont en cours à l'heure actuelle je crois — on leur accordera ce genre d'attention?

M. Dryden: Je ne crois pas que le problème que l'on a connu au cours de la première série de négociations était attribuable à l'inexpérience.

Le sénateur Comeau: Il n'aurait pas été aimable de ma part de faire ce genre de commentaire.

M. Dryden: Je crois comprendre qu'il n'existait tout simplement pas d'entente à ce sujet et le communiqué a énuméré les points sur lesquels on s'est entendu. Ici encore, nous sommes partis du principe que si, historiquement, on a décidé de faire appel au ministère du Patrimoine canadien pour livrer la marchandise parce qu'il demandait aux provinces et aux territoires de prendre des mesures qu'ils n'auraient peut-être pas pris autrement, pourquoi est-ce le cas ici? N'est-ce pas précisément une mesure que prendraient les provinces et les territoires? Les minorités francophones sont des citoyens au même titre que tous ceux qui habitent dans cette province en particulier, et là où ils se distinguent, c'est par leur nombre.

Si, en fait, vous parlez de la prestation de quelque chose à l'intérieur du système scolaire qui exige une échelle assez importante, ou si ce n'est pas possible de le faire à grande échelle et que vous devez néanmoins en assumer les coûts, ça c'est une chose. Toutefois, lorsque l'échelle est tellement plus petite, comme dans ce cas, pourquoi est-ce qu'une province traiterait différemment une demande provenant d'un groupe francophone A qui a cinq enfants de celle de l'école anglophone B? Pourquoi ces provinces et territoires ne répondraient-ils pas, pourquoi la participation de Patrimoine canadien est-elle nécessaire pour remplir les obligations découlant de cette entente?

Le sénateur Comeau: Dans le passé, les gouvernements provinciaux et territoriaux n'ont pas réagi de la meilleure façon possible. Je ne citerai aucun exemple. Dans le passé, nous n'avons pas souvent réussi à obtenir que les gouvernements provinciaux répondent à nos besoins. Il y a quelques années, il fallait arracher aux provinces chaque petite miette d'aide. Les choses se sont améliorées au cours des dernières années, mais certains d'entre nous mènent la lutte depuis de nombreuses années et nous ne faisons pas tellement confiance aux gouvernements provinciaux pour qu'ils s'occupent des intérêts des collectivités minoritaires.

M. Dryden: Tout ce que je puis vous dire c'est que dans le passé les circonstances n'étaient pas les mêmes, l'échelle non plus.

Le sénateur Comeau: C'est évident.

M. Dryden: La question est de savoir si dans les circonstances actuelles, étant donné l'échelle, nous pouvons obtenir un résultat différent de celui que vous évoquez.

Le sénateur Comeau: A-t-on consulté les groupes linguistiques minoritaires comme la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada, ou d'autres? Est-ce que vos hauts fonctionnaires ont consulté ces groupes pour s'informer de leurs préoccupations et de leurs idées?

M. Dryden: Oui. Le principal message reçu est celui que je vous ai transmis aujourd'hui en ce qui concerne la première langue d'enseignement. Certains des groupes que vous mentionnez ont été parfaitement clairs à ce sujet.

Le sénateur Comeau: Ils n'ont pas eu de difficultés à rejoindre le ministre. Du moins, on ne m'en a pas rapportées.

M. Dryden: Moi non plus, mais je ne peux pas vous promettre qu'il n'y a pas eu d'obstacles. Je suis assez accessible.

Le sénateur Comeau: Nous allons surveiller cela.

M. Dryden: Oui, j'en suis convaincu.

Le sénateur Léger: Merci. C'est tout un ministère, monsieur le ministre du Développement social. Vous parlez de l'apprentissage des jeunes enfants, des garderies et des services de garde en milieu familial pour la petite enfance. Les services de garde sont offerts à partir de quel âge?

M. Dryden: Essentiellement, de zéro à six ans. Même les enfants de moins d'un an sont inclus.

Le sénateur Léger: Je dirai simplement ceci. Je pense que nous devrions pouvoir naître et mourir dans notre propre langue, même si c'est le chinois, et je ne vois pas comment nous appliquerons les langues officielles à un enfant de moins d'un an, ou à un Autochtone. Je crois que les principes QUAD créent beaucoup de confusions. C'est tout ce que je voulais dire. Voyez-vous ce que je veux dire? L'application des langues officielles commence là. Si votre mère et votre père sont francophones, oui. Les immigrants auront-ils tous le choix? Devront-ils choisir entre le français et l'anglais? J'ai du mal à appliquer tous ces documents à une vie humaine.

M. Dryden: Je vais essayer de vous aider un peu. Les services de garde ne sont qu'une option parmi d'autres qui s'offrent aux parents. Combien d'enfants de moins d'un an participent à une activité d'apprentissage ou en garderie? Le pourcentage n'est pas très élevé. Voilà pour la première chose.

Le congé parental est une autre option. Bien sûr, et c'est la clé, et c'est pourquoi nous lançons cette grande initiative maintenant, parce que nous comprenons mieux qu'auparavant — et les études le confirment — l'importance de ces premières années pour le développement de l'enfant et le développement de la vie. Nous savons avec certitude que dans un fort pourcentage de cas les deux parents travaillent. Ça restera certainement vrai. Alors que faisons-nous pendant ces années-là? Bien sûr, tout cela évoluera et s'améliorera mais l'amélioration doit être fonction de l'âge de l'enfant. Il ne s'agit pas d'apprendre l'alphabet et les tables de multiplication. Il s'agit d'expériences, de circonstances différentes, d'être avec d'autres enfants. Beaucoup de ces choses se passent à un tout jeune âge et, bien sûr, dans un contexte linguistique. Toutefois, l'apprentissage direct d'une langue fait moins partie des premières expériences mais se fait de manière plus indirecte, à la maison, lors des interactions entre les parents et leurs enfants qui permettent à ceux-ci d'assimiler leur langue. C'est évident et essentiel. L'apprentissage et la garde des jeunes enfants impliquent une connaissance des différentes étapes et la création d'un milieu, d'une ambiance et d'expériences propices à l'enfant qui grandit.

Le sénateur Léger: J'espère que la langue officielle va entrer en ligne de compte quelque part. Merci beaucoup.

[Français]

Le président: Monsieur le ministre, au nom du comité, je tiens à vous remercier sincèrement. Vos commentaires nous ont été fort utiles. C'est une première ronde et j'espère qu'à l'avenir, vous vous rendrez aussi disponible que vous l'avez été ce soir. Merci de votre présence ainsi que de celle de vos officiels.

Nous voilà à la fin d'un long parcours avec la présence du ministre responsable des Langues officielles. C'est notre dernière séance d'audition sur l'éducation en milieu minoritaire francophone. Nous avons entendu les porte-parole de plusieurs organismes nationaux et nous avons rencontré deux de vos collègues plus tôt aujourd'hui, Mme Frulla et M. Dryden. Monsieur Bélanger, nous allons clore nos discussions avec vous ce soir.

L'honorable Mauril Bélanger, ministre responsable des langues officielles: Monsieur le président, depuis notre dernière rencontre où je vous avais fait part de mes déplacements et initiatives, j'ai continué ce périple un peu partout au pays. Je m'étais engagé à rencontrer les communautés. J'ai visité quelques communautés dans le nord ontarien.

Je suis allé la semaine dernière au Manitoba où j'ai eu la chance de rencontrer des représentants de toutes les communautés ainsi qu'une représentante en éducation, la nouvelle rectrice du collège universitaire Saint-Boniface. Je même visiter l'école Précieux sang où j'ai eu l'occasion de voir une pouponnière de huit places en action. Ce sont des bébés très mignons. Il a été intéressant d'apprendre, qu'il y a une liste d'attente de 57 personnes. C'est représentatif du besoin. C'est la même chose dans les autres écoles en province.

Je suis allé à Québec où j'ai eu la chance de rencontrer des représentants de QCGN. J'ai également visité le cégep Saint-Laurent et l'école élémentaire Saint-Vincent. J'ai eu une bonne et longue discussion avec les représentants de la communauté sur l'éducation et les garderies.

J'avais rencontré lors d'un caucus, des gens de la communauté du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et finalement, j'ai aussi rencontré à Banff les communautés qui se réunissaient pour des discussions avec les fonctionnaires dans les consultations semi-annuelles. Il y a deux séries de consultations annuellement: une avec les fonctionnaires et les directions générales et une à l'automne, avec les ministres. Il me reste certaines communautés à rencontrer à l'Ile-du-Prince-Edouard, Terre-Neuve-et-Labrador, les territoires. Je devrai me rendre à Toronto et à Montréal et peut-être aussi dans quelques autres communautés au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. J'aurai alors une vue d'ensemble.

Pour ce qui est du reste, on en avait discuté. Mon rôle en tant que ministre responsable des langues officielles est de voir à la mise en oeuvre du plan d'action. Je n'ai pas de contrôle direct sur les programmes. Ce sont mes collègues qui ont un rôle dans le plan d'action. Vous en avez rencontré deux aujourd'hui. Je dois m'assurer qu'ils fassent ce qu'ils ont à faire. Cet automne, j'aurai un rapport de mi-parcours à préparer qui sera très utile et très intéressant parce que ce sera un rapport de faits pour savoir où on en est rendu dans chaque domaine du plan d'action. Ce qui nous mènera plus tard à une évaluation complète du plan pour son renouvellement éventuel, une continuation au niveau qu'on aura atteint en 2008.

Tout ceci n'empêche en rien que d'autres responsabilités se greffent au plan d'action en ce qui a trait à la loi sur les langues officielles. D'ailleurs, nous sommes à considérer à la Chambre le projet de loi S-3 ainsi que d'autres initiatives du gouvernement qui peuvent s'ajouter d'année en année aux initiatives budgétaires comme c'est le cas pour le Programme sur la petite enfance et les garderies.

Il s'agit de faire une coordination et s'assurer que le Plan d'action soit respecté et mis en œuvre intégralement. S'il y a des difficultés, il faut pousser plus de ce côté. Je suis un peu désavantagé parce que je n'ai pu suivre les débats ou les échanges que vous avez eus aujourd'hui avec mes collègues. Il faudra comprendre que s'il y a des questions sur leurs présentations, je ne suis pas tout à fait à l'affût de leurs déclarations d'aujourd'hui.

Le président: Je voudrais commencer l'échange en vous disant que nos interlocuteurs, en privé surtout, formulent l'inquiétude suivante, à savoir que le ministre Mauril Bélanger est un excellent homme, mais on ne lui a pas donné de pouvoir. Comme ministre, il n'a pas de pouvoir. Vous êtes là essentiellement pour veiller à la mise en œuvre du plan d'action, comme vous le dites.

J'ai l'impression que vous n'êtes pas sans avoir parlé au ministre Dryden, qui nous a fait part de la vision qu'il avait de son programme de cinq milliards. J'ai l'impression que vous intervenez aussi auprès d'autres collègues ministériels pour les rappeler à leur devoir et pour vous assurer aussi qu'on livre les services qu'on est en mesure d'attendre aux minorités linguistiques au pays. Est-ce que c'est ce qui se passe essentiellement?

M. Bélanger: Dire que je n'ai pas de pouvoir, ce n'est pas tout à fait exact.

Le président: Je retire mes paroles tout de suite.

M. Bélanger: J'ai quand même un pouvoir d'intervention au Cabinet et aussi le pouvoir de réunir les ministres au Comité des ministres responsables des langues officielles. Le Cabinet s'est prononcé très clairement, à maintes reprises d'ailleurs, sur sa volonté de veiller à ce que le plan d'action soit mis en œuvre intégralement. Ce pouvoir est aussi un pouvoir d'intervention publique en Chambre. Vous vous souviendrez que, lorsqu'il a été question de la révision des dépenses, certains affirmaient que le plan lui-même serait peut-être réduit, mais il ne l'a pas été. Je veux bien que ces pouvoirs s'exercent à l'intérieur du Cabinet et des structures du Cabinet, mais je ne suis pas sans capacité et d'intervenir et, si besoin était, utiliser ces mécanismes pour, effectivement, rappeler à l'ordre des collègues.

[Traduction]

Le sénateur Murray: Monsieur le ministre, M. Dryden, quand il était ici, nous a parlé un peu de certains des projets pilotes et des autres initiatives dans le domaine de la garde d'enfants qui sont financés en vertu du plan d'action. C'est très bien, mais ce n'est pas de cela que je veux parler. J'aimerais vous interroger sur le plan national sur la garde des enfants que M. Dryden est en train de négocier.

Êtes-vous bien au courant de ce qui se passe dans ce dossier?

M. Bélanger: Je crois que je suis bien informé sur cette question.

Le sénateur Murray: Je n'en doute pas. Je ne crois pas qu'Ottawa puisse tout simplement imposer des choses aux provinces dans des domaines de compétence provinciale, et c'en est une. Cela dit, il nous a dit que les provinces se sont entendues sur le besoin d'avoir des services de garderie universels de qualité assurant le développement de l'enfant, mais il s'agit ensuite de conclure une entente avec les provinces pour qu'elles fournissent les services de diverses façons, y compris le service de garde réglementé en milieu familial.

En ce qui concerne les minorités linguistiques, on a mentionné une clause qui parlait des facteurs culturels et linguistiques des collectivités, ou quelque chose du genre. Or, je n'ai pas besoin de vous dire qu'il faut y inclure une composante efficace de ce programme pour les minorités linguistiques. Selon des témoignages entendus ici en comité, le tiers ou peut-être la moitié des enfants ayant un droit constitutionnel de faire leurs études en français n'exercent pas ce droit. Sans que j'aille dans les détails, vous savez qu'un des éléments de solution à ce problème est de commencer l'intervention très tôt.

La commissaire, lorsqu'elle est venue ici, nous a dit que ces discussions avec les organismes centraux et les réponses publiques du gouvernement à ces négociations n'offraient aucune indication claire d'une intention de créer des services à la petite enfance dans la langue de la minorité. Les collectivités francophones ont néanmoins défini leur vision, qui est de créer des services de qualité, qui seraient universellement accessibles et abordables, gérés par des parents et en collaboration avec les écoles primaires.

Comment allons-nous obtenir cela dans le contexte de l'entente nationale de M. Dryden, en supposant qu'il en conclut une? Ou devrons-nous plutôt agir par l'intermédiaire de Patrimoine canadien, des langues officielles et de l'éducation, ou d'une autre entité que j'ignore?

M. Bélanger: Merci pour votre question, sénateur. En passant, j'aimerais féliciter le comité de tenir ces audiences aujourd'hui et cette semaine. Elles tombent à point nommé. De plus, la façon dont vous les avez structurées permet de bien transmettre l'information et pourrait exercer des pressions sur les instances appropriées.

Il n'y a aucun doute que les communautés considèrent ce programme comme étant l'élément clé de leur vitalité future. Que ce soit des minorités francophones ou anglophones, il n'y a aucun doute là-dessus; d'ailleurs, je dois dire que le gouvernement est du même avis. Il s'agit donc d'arriver à une entente, si possible, avec les provinces.

Je vais remonter à l'automne dernier, où j'ai eu l'occasion de rencontrer à Moncton mes homologues, les ministres responsables des affaires francophones des diverses provinces, y compris M. Pelletier, du gouvernement du Québec. Ce groupe a indiqué clairement qu'il voulait voir une composante pour les communautés de langue minoritaire dans l'engagement global du gouvernement — c'était encore un engagement parce qu'on n'avait pas encore de budget. C'est certainement quelque chose que le gouvernement du Canada voudrait réaliser aussi.

Nous sommes au stade maintenant des négociations entre le ministre Dryden et ses homologues visant une entente globale et ensuite des ententes bilatérales.

Le sénateur Murray: D'après ce qu'il a dit, je n'ai pas compris qu'il y aurait des ententes bilatérales, mais il n'a pas dit le contraire non plus.

M. Bélanger: Historiquement, c'est comme ça qu'on procède. S'il peut le faire d'un coup, tant mieux. C'est ce qu'il est en train de faire en ce moment. Il connaît son mandat, qui englobe un élément pour les communautés linguistiques minoritaires, il n'y a pas de doute là-dessus. Il s'agit d'une négociation, donc il n'est pas question d'imposer quoi que ce soit de force.

Le sénateur Murray: Il vous incombe d'imposer quelque chose aux négociateurs...

M. Bélanger: Il m'incombe d'exercer des pressions aussi douces et efficaces que possible, mais ce n'est pas uniquement moi qui dois faire ça. Sans divulguer de secret, car il faut respecter la nature confidentielle des discussions du Cabinet, je peux vous dire que ce programme jouit d'un appui très large. Nous voulons que les communautés linguistiques minoritaires soient représentées pour qu'elles puissent se retrouver dans ce programme et dans les ententes avec les provinces. Voilà où nous en sommes. Je ne peux pas préjuger de ces discussions, de ces négociations, mais l'intention est claire.

[Français]

Le sénateur Comeau: Le sénateur Murray a fait mention de la discussion qu'il y a eu avec le ministre Dryden. À un moment donné, on nous a expliqué qu'il allait y avoir une composante culturelle et linguistique.

Je ne sais pas si je suis à l'aise avec la réponse que j'ai obtenue. Est-ce qu'ils comprennent bien la distinction entre le volet culturel et linguistique? Sinon, j'espère que vous pourrez faire la distinction.

M. Bélanger: Il est vrai que souvent la réaction des provinces est de remettre la question entre les mains de Patrimoine canadien ou d'autres instances. Le gouvernement aimerait s'assurer que dans le cadre des ententes qu'il négocie présentement avec les gouvernements provinciaux, notamment pour la petite enfance et les garderies, qu'une composante pour les communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire soit incluse au sein du programme même et non dans un programme séparé découlant d'un autre ministère. D'ailleurs, le gouvernement se fait le porte-parole de la volonté des communautés, car celles-ci désirent qu'une composante pour les communautés de langue officielle se retrouve à l'intérieur des programmes de chaque ministère et non dans des programmes séparés. À ce moment-ci, la volonté du gouvernement du Canada est claire. Nous voudrions qu'une composante pour les communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire soit intégrée dans les ententes qui sont en train d'être négociées avec les provinces.

Le président: N'est-ce pas aussi le point de vue de la commissaire aux langues officielles?

M. Bélanger: Oui. Les communautés désirent que cette composante soit incluse dans tous les ministères et dans tous les programmes.

Le sénateur Comeau: Les ministres provinciaux sont donc aussi d'accord avec cette approche?

M. Bélanger: Il faut faire une distinction. Mes homologues furent les ministres responsables des affaires francophones. D'emblée, ces personnes ont manifesté leur approbation, voire leur désir à ce que cet incitatif soit mis sur la table lors de nos négociations avec les provinces entamées au mois de février. C'est ce que le gouvernement du Canada fait.

Maintenant, mon collègue le ministre Dryden connaît la réaction de ses homologues.

Le sénateur Comeau: Et elle est différente. monsieur le ministre, je tente de trouver un modèle qui illustre votre poste.

M. Bélanger: Si vous en trouvez un, je vous saurais gré de m'en faire part.

Le sénateur Comeau: Vous êtes presque l'équivalent d'un vérificateur interne. Vous n'êtes pas le patron mais, par contre, vous avez accès à tous les documents et à l'évaluation du rendement de vos collègues. Êtes-vous d'accord avec cette proposition?

M. Bélanger: Vous citez quelques éléments de mon rôle. Toutefois, permettez-moi quelques commentaires sur cette comparaison. D'habitude un vérificateur fait une vérification après coup.

Le sénateur Comeau: Vous m'aurez mal compris. J'ai parlé d'un vérificateur ou d'une vérificatrice interne qui fait une évaluation continue.

M. Bélanger: Ce n'est pas une évaluation que je fais. Je préfère être impliqué au début. Pour la question des garderies, mon intervention ne s'est pas fait après coup mais au début, avant même qu'on aille négocier avec les provinces.

Les personnes qui m'accompagnent sont au Conseil privé. Tout ce qui est amené au Cabinet passe par le Conseil privé. Dans ce cas-ci, le secrétariat sur les langues officielles doit s'assurer que là où nécessité l'exige, la Loi sur les langues officielles soit respectée. Le rôle est donc beaucoup plus actif qu'une vérification après coup. Nous sommes d'accord que la fonction est interne, mais elle dépasse le cadre d'une simple vérification. Je suis un agent qu'on pourrait parfois caractériser de « provocateur ». Mon objectif est de questionner, de pousser et de m'assurer que mes collègues ayant un mandat spécifique dans le Plan d'action le respectent. Au-delà de cet objectif, ma tâche est de faire respecter la Loi sur les langues officielles. Cette fonction dépasse donc le cadre d'une simple vérification. Dans la plupart des cas, mon intervention se fait au préalable, dans la mesure du possible.

Le sénateur Chaput: J'aimerais revenir à la clause linguistique et aux ententes de collaboration. On a discuté plus tôt avec le ministre Dryden de la clause linguistique. J'ai alors demandé si la formulation de cette clause était assez forte pour rendre les provinces imputables en termes des services en français qu'ils doivent dispenser à leur communauté.

Vous avez indiqué, suite à vos discussions avec les ministres responsables des services en français dans les différences provinces, qu'ils étaient tous d'accord avec ce genre de clause linguistique. Ce fait n'est pas surprenant, car ces ministres sont responsables des services en français. Par conséquent, ils doivent être convaincus.

Toutefois, parlons des différents ministères, par exemple, du ministère de la Santé. Lorsqu'on a négocié les ententes avec les provinces, je m'étais adressée de façon informelle au ministre de la Santé pour lui demander si ces ententes iraient jusqu'à inclure une clause linguistique. Il fut alors très franc et me répondit qu'on n'y pensait pas.

M. Bélanger: Vous parlez de l'entente de 41 milliards de dollars sur 10 ans?

Le sénateur Chaput: Oui. Ces propos furent tenus il y a maintenant quelque temps. Est-ce que, éventuellement, le gouvernement fédéral inclura dans toutes ses ententes de collaboration, sinon la majorité, une clause linguistique qui ait suffisamment de poids pour rendre les provinces imputables? Les provinces reçoivent l'argent de notre gouvernement et elles ont un service à offrir aux communautés de langue officielle en situation minoritaire. Elles doivent donc se rendre responsables à savoir que l'argent soit bien dépensé. Pouvons-nous espérer qu'un jour cet objectif se réalise?

Ma deuxième question est la suivante. Lorsque vous ferez l'évaluation de votre plan et de votre rapport, comptez- vous soulever la question des clauses linguistiques?

M. Bélanger: Je répondrai par l'affirmative. D'ailleurs, ce cheminement est déjà en cours. Je me souviens d'un rapport préparé par Yvon Fontaine, maintenant recteur de l'Université de Moncton. Ce rapport portait effectivement sur ces ententes et sur cette dévolution. Il a fait en sorte que le gouvernement se ressaisisse et que des clauses linguistiques et d'imputabilité soient incluses dans ses nouvelles ententes avec les provinces.

On constate d'ailleurs le progrès, par exemple, en éducation. L'entente qui fut négociée et signée avec l'Ontario pour l'établissement des conseils scolaires sur tout le territoire de l'Ontario incluait des clauses très spécifiques sur l'utilisation de cet argent. On parlait de trois catégories seulement. Dans chaque négociation avec les provinces, on bonifie ces clauses. Par conséquent, je n'ai aucune difficulté à croire qu'un jour l'imputabilité sera vraiment acquise dans toutes les ententes qu'on aura à négocier et à signer avec les provinces. C'est la direction que tous les gouvernements semblent prendre, et nous voulons l'encourager.

C'est le cas pour les ententes négociées présentement en éducation. La moitié du plan d'action est consacré à l'éducation. Près des deux tiers des 380 millions de dollars sont ciblés pour augmenter le pourcentage des ayants droit à 80 p. 100. L'autre tiers du montant vise à augmenter le nombre de jeunes bilingues.

Nous devons donc renforcer ces objectifs dans le cadre des ententes bilatérales avec les provinces. Il faut que des mesures soient mises en place pour faire rapport, vérifier et garantir l'imputabilité. Est-ce que je vais traiter de cette question dans le rapport de mi-parcours? Pourquoi pas.

Le sénateur Murray: La Loi sur les langues officielles et la politique fédérale comportent plusieurs aspects dont la langue de service, la langue de travail et la représentation équitable des deux groupes linguistiques au sein de la fonction publique. Avez-vous la responsabilité de surveiller et d'assurer la représentation équitable dans les différents ministères et agences du gouvernement fédéral?

Dans un tel cas, comment remplissez-vous cette responsabilité? Faites-vous un inventaire, aux différents niveaux des ministères, de la représentation francophone et anglophone ou des Canadiens d'expression anglaise et ceux d'expression française?

M. Bélanger: La responsabilité première revient au président du Conseil du Trésor. Trois ministres en titre ont des responsabilités spécifiques, en vertu de la loi — que vous connaissez mieux que moi.

Mon rôle est un rôle d'appui. Nous devons reconnaître que la communauté francophone au sein de la fonction publique, en général, est représentée proportionnellement. Toutefois, il est clair que la communauté anglophone au Québec n'est pas représentée proportionnellement. Je vous avoue ne pas avoir examiné chaque ministère. Nous nous contentons présentement d'une vue d'ensemble par région. Des discussions se sont tenues avec QCGM dans le but de corriger cette situation au Québec. Voilà où le problème se situe de façon plus évidente.

Le sénateur Murray: En tant que ministre, si j'ai bien compris votre rôle, vous avez droit de regard sur toute initiative déposée au Conseil des ministres en ce qui touche les langues officielles. Vous avez également droit de regard sur les nominations à la fonction publique et sur les nominations par décret. Est-ce que vous veillez de façon spécifique et directe à ce que la représentation équitable se fasse?

M. Bélanger: Oui.

Le sénateur Murray: Je remarque la présence de deux personnes du Conseil privé. Ces personnes vous assistent-elles dans cette démarche?

M. Bélanger: Oui.

[Traduction]

Le sénateur Murray: Vous voyez des nominations par décret, entre autres, à la table du Conseil des ministres. Vous avez le droit et la responsabilité d'exprimer des réserves si vous jugez que...

M. Bélanger: C'est peut-être déjà fait, qui sait?

Le sénateur Murray: Je n'oserai jamais poser une telle question.

M. Bélanger: Je peux faire plus que d'exprimer des réserves ou poser des questions. Je peux aussi passer aux actes en créant un comité. C'est un des outils donnés au ministre responsable des langues officielles dans le plan d'action.

Il y a deux outils en fait. Il y a la reddition des comptes, et j'espère revenir pour discuter de cela. Il s'agit d'un outil important. L'autre outil, c'est le comité du cabinet du ministre responsable des langues officielles. Je n'ai pas eu grand recours au comité par le passé, mais cet outil existe pour attirer l'attention de certains ministres et du Cabinet dans son ensemble sur certaines questions. Donc, je peux non seulement exprimer des réserves, mais j'ai aussi le droit d'intervenir et de signaler certaines questions à mes collègues du Cabinet.

Le sénateur Murray: Lorsque vous parlez des ministres responsables, faites-vous allusion au Président du Conseil du Trésor, et aux ministres du Patrimoine canadien et de la Justice.

M. Bélanger: Et également tous les ministres qui ont un rôle à jouer selon le plan d'action pour les langues officielles — l'Industrie, Immigration, le Conseil du Trésor, toutes les agences de développement régional, RHDC, et cetera. C'est un groupe important.

[Français]

Le sénateur Léger: Si je comprends bien, les provinces ont tendance à départementaliser en distinguant, par exemple, l'éducation du patrimoine. Est-ce le gouvernement fédéral qui les a formés ainsi ou est-ce notre système? Peut- être qu'en fait ce n'est qu'un moyen de défense.

M. Bélanger: Je n'ai pas réponse à votre question. Il faudra que je me renseigne. Toutefois, il semble que le phénomène soit apparu naturellement, sans être planifié par qui que ce soit. Des programmes on vu le jour à Patrimoine canadien et le reste s'en est suivi. On s'est donc retrouvés avec des ententes négociées par Patrimoine canadien, que ce soit en éducation, en services ou avec les communautés.

Les communautés minoritaires, tant anglophones que francophones, ont alors manifesté leur intérêt à assister aux négociations. Ce fut d'ailleurs un des éléments clef du plan d'action. On a voulu responsabiliser tous les ministères. C'est également ce qui a amené le gouvernement Mulroney à amender la Loi sur les langues officielles, en 1988, et d'insérer les articles 41, 42 et 43 à la partie VII de la loi. En vertu de cet amendement, les ministères et agences ont désormais une responsabilité envers le développement des communautés. Depuis cette époque, on tente d'assurer un cadre de responsabilisation de gestion des résultats de façon horizontale.

Donc, la tendance est née sans doute des circonstances, et on a ensuite voulu se resaisir et répartir les responsabilités dans chaque ministère et chaque agence, ce qui, à mon avis, est la bonne façon de faire.

Le sénateur Léger: On constate vraiment, 35 ans plus tard, une plus grande ouverture d'esprit, particulièrement dans les Territoires du Nord-Ouest et chez les Autochtones. Cette ouverture d'esprit devient-elle plus systématique en général? Approche-t-on de l'égalité du français et de l'anglais dans la mentalité?

M. Bélanger: Cet objectif se rapproche de plus en plus. En se basant sur les statistiques, on remarque une hausse du pourcentage de la population qui apprend les deux langues. Le nombre de personnes bilingues augmente un peu partout au pays. On remarque cette hausse surtout chez les jeunes.

Bien que certaines résistances demeurent ici et là, on questionne de moins en moins la nature bilingue ou la dualité linguistique au pays. À ma connaissance, aucun parti politique ne s'y oppose.

Le sénateur Léger: C'est déjà un bon pas.

M. Bélanger: Il faut le reconnaître. On constate une volonté manifeste des gouvernements provinciaux. Au cours des dernières années, on a pu remarquer des développements intéressants. En Saskatchewan on retrouve une politique sur les services en français qui n'existait pas dans le passé. En Nouvelle-Écosse on a une nouvelle loi sur les services pour les populations acadiennes. Des secrétariats furent établis en Alberta et en Colombie-Britannique. Cette ouverture est donc réelle.

Ajoutons que les gouvernements du Manitoba, du Québec, de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle- Écosse sont très sérieux dans leur volonté à accorder, à la dualité linguistique et à la défense des langues officielles du pays, toute la place qui leur revient. Par conséquent, on peut affirmer qu'il existe une volonté manifeste. Cependant, comme dans toute société démocratique, il faut un certain temps pour que les choses évoluent de façon positive. Dans le cas présent, je peux vous assurer sans équivoque que les choses évoluent positivement au Canada.

[Traduction]

Le sénateur Murray: Le verre est à moitié plein.

M. Bélanger: Il est plus qu'à moitié plein, à vrai dire.

Le sénateur Murray: Très bien. Je suis du même avis.

[Français]

M. Bélanger: D'ailleurs, ces gouvernements n'hésitent pas à nous demander notre aide. Dans la mesure de nos moyens, nous sommes heureux de la leur offrir.

Le président: Nous voilà arrivés au terme de notre discussion. Monsieur Bélanger, nous vous remercions bien sincèrement de votre disponibilité. Nous allons retenir la recommandation que vous nous avez faite quant à l'imputabilité. Je tiens également à remercier les fonctionnaires qui vous accompagnent ce soir.

La séance est levée.


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