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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 8 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 23 février 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit à 15 h 35 pour examiner la santé mentale et la maladie mentale.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et messieurs, nous poursuivons notre étude de la santé mentale et de la maladie mentale et accueillons aujourd'hui deux groupes de fonctionnaires gouvernementaux. D'abord, le premier groupe sera composé des représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor, du Service correctionnel du Canada et de Citoyenneté et Immigration Canada. Le deuxième groupe sera composé de représentants de la Défense nationale et des Anciens Combattants. Nous demanderons d'abord à chacun d'entre eux de faire une brève déclaration, après quoi nous pourrons leur poser des questions.

M. Phil Charko, secrétaire adjoint, Division des avantages sociaux, Secrétariat du Conseil du Trésor : Je remercie d'abord le comité de m'avoir invité à faire part de mes commentaires sur votre étude portant sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie. Je tenterai aujourd'hui de répondre aux questions du comité sur l'efficacité du gouvernement fédéral en tant qu'employeur, lorsqu'il répond aux besoins des personnes souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie et sur les améliorations à apporter. Il s'agit d'un objectif que nous partageons avec votre comité.

Je commencerai par vous parler brièvement du Secrétariat du Conseil du Trésor. Le Secrétariat du Conseil du Trésor surveille les responsabilités du gouvernement dans le domaine des finances, des relations de travail et de l'administration. À titre de gestionnaire général et d'employeur de la fonction publique fédérale, c'est lui qui établit les politiques et les programmes qui touchent la santé mentale de ses employés. Le Secrétariat du Conseil du Trésor partage ces responsabilités avec la nouvelle Agence récemment créée, l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada.

À mon sens, pour bien réussir la gestion des enjeux touchant la santé mentale dans la fonction publique fédérale, il faut considérer trois facteurs : d'abord, une saine gestion des ressources humaines; ensuite, de bonnes politiques d'aide en milieu de travail; et en troisième lieu, les programmes d'aide du gouvernement à l'égard des employés souffrant de troubles mentaux et de problèmes de toxicomanie.

Pourquoi la saine gestion des ressources humaines est-elle à ce point importante? Si la gestion des ressources humaines n'est pas bien organisée et que la hiérarchie de la reddition des comptes manque de clarté, les politiques et programmes de l'employeur ne seront pas efficaces. Il y a plusieurs années, le vérificateur général signalait que la gestion des ressources humaines dans la fonction publique laissait à désirer. Je suis heureux de vous dire que le projet ambitieux qu'est la Loi sur la modernisation de la fonction publique récemment adoptée par le gouvernement vise à favoriser l'excellence dans la gestion des ressources humaines. Nous sommes sûrs que cette nouvelle loi précisera les responsabilités, puisque l'un de ses grands thèmes, c'est notamment de remettre entre les mains des sous-ministres et des gestionnaires hiérarchiques plus de responsabilités en matière de gestion des ressources humaines. À nos yeux, c'est un élément clé de la gestion de la maladie mentale dans la fonction publique.

La loi prévoit également une consultation accrue avec les syndicats ainsi que des mesures destinées à réduire les conflits en milieu de travail. La loi prévoit également la création d'un fournisseur de services d'apprentissage commun pour la fonction publique, ce qui devrait permettre de mieux former les gestionnaires hiérarchiques en matière de ressources humaines.

La Loi sur la modernisation a été adoptée l'année dernière, et vous vous demandez sans doute si sa mise en œuvre est couronnée de succès. Je suis heureux de signaler que, dans son rapport déposé la semaine dernière, la vérificatrice générale mentionnait que le gouvernement avait établi de bonnes bases en vue de la réforme de la gestion des ressources humaines. En effet, un comité consultatif de sous-ministres a été créé, et certains des changements institutionnels associés à la Loi sur la modernisation de la fonction publique sont actuellement en place. Même s'il y a encore beaucoup de chemin à faire pour moderniser la gestion des ressources humaines de la fonction publique, on peut d'ores et déjà parler de changement de culture. Le grand défi, ce sera de faire en sorte que les sous-ministres et les gestionnaires hiérarchiques s'approprient toutes les questions de ressources humaines, ce qui implique notamment s'approprier les questions de santé mentale de leurs employés.

Le deuxième facteur de réussite, ce sont des programmes d'aide appropriés aux employés et des politiques de mieux- être en milieu de travail. Il existe beaucoup de programmes au gouvernement fédéral destinés à résoudre les problèmes de santé mentale et de toxicomanie et destinés à favoriser le mieux-être en milieu de travail. Nous avons toute une gamme d'activités qui inclue, notamment, le régime de travail souple, le télétravail, le partage des postes, les politiques de mobilité, ainsi que les soins aux enfants. Nos politiques sont généreuses, qu'il s'agisse de politiques de congé, de lutte contre le harcèlement, de programmes de conditionnement physique au travail, de politiques relatives à l'obligation de prendre des mesures d'adaptation, de l'équité en matière d'emploi, les programmes de fierté et de reconnaissance, et des politiques en ce qui concerne le code des valeurs et d'éthique.

Non seulement le Secrétariat du Conseil du Trésor et l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada ont des politiques en ce sens, mais ils ont également des programmes destinés à aider à la mise en œuvre des politiques. En effet, nous publions des lignes directrices, les pratiques exemplaires, et nous offrons de la formation aux gestionnaires. Pour illustrer la façon dont certaines de ces politiques touchent les questions de maladie mentale, je prendrai le code des valeurs et d'éthique dont l'une des parties traite de la dimension humaine. En effet, dans un milieu de travail respectueux les différences individuelles, il est souvent possible d'éliminer le stigmate social rattaché à la maladie mentale, qui est un problème dans la fonction publique. L'étude Duxbury-Higgins, il y a plusieurs années, reconnaissait que les politiques sur le mieux-être en milieu de travail dans la fonction publique fédérale comptaient parmi les meilleures.

Passons maintenant au programme d'aide aux employés, obligatoire dans tous les ministères. Le programme PAE offre du counselling confidentiel à court terme payé par le ministère, qui permet d'aider les employés aux prises avec toutes sortes de problèmes, et pas seulement des problèmes de santé mentale, sans que cela nuise à leur sécurité d'emploi ou à leur carrière. Le programme PAE est un élément important de notre trousse de politiques.

Mais des progrès ont-il été réalisés? Nous sondons régulièrement nos fonctionnaires. Des sondages ont été menés en 1999 et en l'an 2000. Plusieurs problèmes ont été signalés lors du sondage de 1999, mais depuis, le deuxième sondage de 2002 signalait des améliorations dans plusieurs secteurs : Les employés sont mieux reconnus par leurs surveillants, et un sentiment accru de travail d'équipe dans la fonction publique se dégage par rapport à 1999. Voilà des éléments qui semblent traduire une diminution du stress en milieu de travail.

Le comité des sous-ministres a formulé des recommandations en 2002 pour encourager le ministère à se pencher sur les problèmes de charge de travail, de déséquilibre en milieu de travail et sur d'autres problèmes de gestion du milieu de travail qui avaient été signalés. Mais signe de progrès, Statistique Canada obtenait le prestigieux prix favorisant un milieu de travail sain, prix difficile à obtenir, décerné par l'Institut national de la qualité.

Le gouvernement continue à scruter ses propres politiques sur la santé mentale. Michael Wilson a d'ailleurs été nommé conseiller spécial auprès du ministre de la Santé en vue d'évaluer l'approche du gouvernement à l'égard de la santé mentale dans le milieu de travail; M. Wilson est censé déposer un rapport à la fin de l'année, et tout semble indiquer que notre éventail de politiques donne des résultats.

Autres facteurs de réussite? Des gestionnaires bien formés qui s'intéressent aux questions des ressources humaines. La gamme de politiques en milieu de travail portant sur les congés et l'obligation de prendre des mesures d'adaptation pour aider les employés aux prises avec des problèmes de santé mentale sont un autre gage de réussite. J'ai aussi parlé, comme troisième élément, des programmes d'assurance destinés à aider l'employé en difficulté.

J'aimerais maintenant aborder nos programmes d'invalidité, à savoir l'assurance-invalidité, les prestations de santé et les régimes de pension. À titre de plus grand employeur canadien, le gouvernement fédéral a des régimes d'avantages sociaux collectifs parmi les plus ambitieux. Nous sommes sans doute le client le plus important de la plupart des grandes compagnies d'assurance que sont la Sun Life, la Great West et Manuvie.

Notre régime de soins de santé couvre plus de un million de gens, c'est-à-dire que nous avons quelques 500 000 adhérents au régime et 500 000 personnes à charge. Ce régime s'adresse également à nos retraités, puisque 45 p. 100 de ceux qui sont couverts sont des retraités. Notre ministère s'occupe également des prestations d'invalidité, de l'assurance-vie ainsi que des régimes de soins dentaires.

Laissez-moi vous donner quelques chiffres qui touchent les maladies mentales. En vertu du régime de soins de santé, un montant de 65 millions de dollars a été dépensé pour les médicaments sur ordonnance et 10 millions de dollars pour des services de psychologie. En vertu de notre régime d'invalidité à long terme, en 2003, 44 p. 100 de nos cas d'invalidité à long terme représentaient des maladies liées à la dépression et à l'anxiété, ce qui est assez imposant. Toutefois, nous sommes heureux de signaler qu'environ 70 p. 100 de nos employés qui profitaient d'un régime d'assurance-invalidité à long terme se sont rétablis et sont retournés au travail.

Pour ce qui est du retour au travail, nous sommes assez souples : on peut revenir au travail en occupant temporairement un emploi moins exigeant, ou revenir à une semaine de travail aux heures réduites. Si on opte pour les heures réduites, l'assurance-invalidité est maintenue jusqu'au point du retour au niveau du revenu principal. Quant aux pensions, s'il se trouve que la personne est incapable de revenir au travail, c'est le régime de pension de la fonction publique des employés fédéraux qui verse alors une prestation d'invalidité. La prestation d'invalidité à laquelle s'ajoute l'assurance-invalidité garantiront à l'intéressé 70 p. 100 de son revenu jusqu'à l'âge de 65 ans.

Nous pensons que nos programmes d'assurance de base offrent une bonne couverture. Toutefois, comme nous n'avons pas évalué récemment l'efficacité des programmes, nous avons lancé une initiative en vue d'en évaluer la pertinence. Nous nous demandons d'abord s'ils répondent à tous les besoins des divers intéressés et s'ils sont bien intégrés aux politiques ministérielles. Dans le cadre de notre étude, nous regarderons également quelles sont les pratiques exemplaires dans l'industrie, pour faire en sorte que nous ayons nous-mêmes les meilleures qui soient. Nous espérons tirer des leçons de ce que font les grandes compagnies d'assurance en matière de gestion de ce type de problèmes. Nous allons également discuter de ces enjeux avec les agents de négociation.

Quant à savoir ce que la fonction publique doit faire pour améliorer la situation et pour donner l'exemple, je suis d'avis que nous devons continuer à favoriser le changement de culture dans la gestion des ressources humaines. Nous devons faire preuve d'innovation dans nos politiques et programmes touchant la santé mentale et la toxicomanie, et nous devons aussi évaluer de façon plus officielle notre programme de gestion des invalidités.

Il reste beaucoup de défis à relever, mais j'ai voulu vous donner une idée de l'orientation qu'a prise le gouvernement fédéral à titre d'employeur. Merci de m'avoir permis de vous adresser la parole, et bonne chance au comité.

Mme Françoise Bouchard, directrice générale, Services de santé, Service correctionnel Canada : Je me suis adressée au comité en mai dernier relativement aux problèmes auxquels étaient confrontés les délinquants atteints de troubles mentaux. Je veux préciser que Service correctionnel Canada était ravi que les questions touchant les détenus soient si bien représentées dans le rapport du comité.

Je désire d'abord discuter du rôle du SCC en matière de prestation de services de santé mentale aux délinquants sous responsabilité fédérale. Il revient au SCC d'administrer les peines de deux ans ou plus qui ont été imposées par les tribunaux. Par conséquent, nous sommes responsables d'environ 12 000 détenus et de 8 000 délinquants vivant dans la collectivité dans le cadre d'une mise en liberté, quelle qu'elle soit. Or, presque tous les délinquants retournent tôt ou tard dans la collectivité. Le SCC joue un rôle de premier plan dans la prestation des services de santé mentale aux délinquants. Selon notre mandat, qui est prévu dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, nous devons fournir à chacun des détenus des soins de santé essentiels et un accès raisonnable à des soins de santé mentale non essentiels qui contribueront à la réadaptation du détenu et à la réussite de sa réinsertion dans la collectivité. Et nous devons aussi nous souvenir que les besoins en matière de santé mentale continuent de se faire sentir une fois la peine terminée.

Un pourcentage élevé de délinquants sont aux prises avec des problèmes de santé mentale, et c'est là une difficulté grandissante pour l'organisation. Douze pour cent sont atteints de troubles mentaux graves qui nécessitent une intervention immédiate. Le pourcentage des délinquants chez qui on a diagnostiqué un trouble mental au moment de leur admission a augmenté de 61 p. 100 en sept ans. De plus, au cours de cette même période, le nombre de délinquants qui prennent des médicaments sur ordonnance a augmenté de 80 p. 100.

Votre rapport traite du problème relatif au traitement des personnes ayant un diagnostic mixte, notamment des problèmes de toxicomanie et de santé mentale, ainsi que du problème de suicide. Ce problème touche particulièrement le SCC, près de la moitié des délinquants qui ont des problèmes de toxicomanie souffrant aussi d'un autre trouble. Le taux de suicide est également plus élevé au sein de la population carcérale qu'au sein du grand public. Nous souhaiterions qu'une discussion portant sur ces problèmes soit organisée de façon à ce que puissent être créé ensuite un cadre de travail complet et intégré qui mettrait à contribution tous les intervenants du système de justice pénale et les fournisseurs de services dans la collectivité. Les problèmes de santé mentale des délinquants sous responsabilité fédérale sont nombreux, complexes et durables. La façon dont nous intervenons auprès de ces délinquants a une incidence directe sur leur réinsertion sociale, et par conséquent, sur la sécurité du public.

Bien que le SCC dispose d'un certain nombre de psychologues qui offrent directement des soins aux délinquants dans les établissements ordinaires et dans cinq centres de traitement pour les délinquants atteints de troubles mentaux plus graves, nous nous heurtons à plusieurs obstacles. En conséquence, nous avons mené récemment une étude sur nos services de santé mentale. Afin d'offrir un éventail complet de soins de santé mentale, nous avons ciblé quatre secteurs clés sur lesquels nous devons nous attarder et qui nécessitent une stratégie d'investissement.

Effectuer une évaluation exhaustive de la santé mentale des délinquants au moment de leur admission constitue le premier secteur ciblé. Cette évaluation permettra d'établir des plans de traitement appropriés, de placer les délinquants dans les établissements les plus adéquats et de recueillir des données plus précises sur les besoins des délinquants pour faciliter la planification.

Deuxièmement, il faut veiller à ce que nos cinq centres régionaux de traitement satisfassent aux exigences relatives à leur statut d'établissement hospitalier, à l'agrément, au nombre et au type d'employés, aux critères d'admission et au type de sécurité requis. Il faut également cibler la clientèle qui nécessite des traitements particuliers, notamment les délinquants souffrant de TSAF et de troubles de la personnalité.

Quant au troisième secteur, il s'agit de dispenser des services de santé mentale dans nos établissements ordinaires et de mettre sur pied des unités de santé mentale offrant des soins intermédiaires dans certains établissements. Ces unités hébergeraient les détenus qui n'ont pas nécessairement besoin d'être hospitalisés, mais qui requièrent un encadrement plus rigoureux et un soutien plus ferme.

En dernier lieu, il faut mettre en œuvre une stratégie de santé mentale dans la collectivité pour continuer à dispenser des soins aux délinquants une fois qu'ils retourneront dans la collectivité. En effet, il faut mettre sur pied des services spécialisés et des services de soutien pour répondre aux besoins des délinquants en matière d'emploi, de logement et de santé mentale pour faciliter leur réinsertion sociale sans risque.

À l'heure actuelle, nous calculons les ressources supplémentaires qui sont nécessaires à la mise en œuvre du système de soins. Il est évident que nous ne sommes pas en mesure de réaliser pleinement ce projet sans ressources supplémentaires. Une conception de la santé axée sur la population permettrait de réunir tous les intervenants qui on un rôle à jouer. Dans le cas des délinquants atteints de troubles mentaux, cette approche devrait prendre la forme d'une initiative mettant à contribution toutes les administrations et les collectivités. Rappelons que les ressources en matière de santé mentale qui sont actuellement en place dans la collectivité risquent d'être encore plus éprouvées si nous n'adoptons une approche globale et intégrée. Nous devons également tisser des liens avec la police, les intervenants du système judiciaire et nos partenaires provinciaux dans le domaine correctionnel et de la santé pour accroître l'efficacité du projet.

Le SCC joue un rôle important en ce qui a trait à la gestion des délinquants souffrant de problèmes de santé mentale. Étant donné que le nombre de délinquants souffrant de troubles mentaux est relativement faible, les relations avec nos partenaires provinciaux dans le domaine correctionnel et de la santé sont essentielles, surtout en ce qui concerne le soutien et les services communautaires.

Bien que le SCC prenne en charge les délinquants une fois qu'ils ont été condamnés à une peine d'emprisonnement, nous sommes d'avis qu'il faut également prendre des mesures pour réduire les charges de criminalisation des personnes ayant des problèmes de santé mentale, notamment en améliorant le soutien et les services communautaires. Il faudrait donc explorer des idées novatrices comme la mise en place de tribunaux capables de déceler les problèmes de santé mentale et d'offrir des solutions pouvant répondre aux besoins des personnes qui présentent ces problèmes. Je tiens également à souligner que nous devons collaborer beaucoup plus étroitement avec les collectivités des Première nations, des Métis et des Inuits, de même qu'avec leurs fournisseurs de services, afin d'être en mesure de répondre aux besoins des délinquants autochtones en matière de santé mentale. Il s'agit là d'une préoccupation qui revêt de plus en plus d'importance et dont il faut absolument s'occuper.

Nous accueillons les suggestions en vue d'un cadre de travail complet et intégré portant sur les normes de prestation de services aux délinquants atteints de troubles mentaux. Cette initiative permettra de cibler des points de repère adéquats pour ces services et de se concentrer sur la prestation de services de santé au sein d'un milieu correctionnel.

En conclusion, nous souhaitons adopter une approche complète et intégrée en ce qui concerne ce problème.

[Français]

Dre Sylvie Martin, directrice intérimaire, Élaboration du programme de santé de l'immigration, Citoyenneté et Immigration Canada : Honorables sénateurs, c'est un plaisir d'être parmi vous aujourd'hui pour vous présenter le rôle de Citoyenneté et Immigration Canada quant à la santé mentale. De par son mandat, Citoyenneté et Immigration Canada n'est pas un ministère qui a un rôle majeur dans la prestation de services en santé mentale. Selon la Loi de l'Immigration et de la protection des réfugiés et sa réglementation, le ministère admet des immigrants et des résidents temporaires qui contribuent à la croissance du Canada sur le plan économique et social, réinstalle, protège et offre un asile aux réfugiés, aide les nouveaux arrivants à s'adapter à la société canadienne et, éventuellement, à acquérir la citoyenneté et gère l'accès au Canada, de manière à protéger la sécurité et la santé des Canadiens et des Canadiennes, ainsi que l'intégrité des lois canadiennes.

Si la santé mentale se définit par la capacité de chaque personne de ressentir les choses, de réfléchir et d'agir de manière à mieux jouir de la vie, à mieux faire face aux défis, on peut dire que Citoyenneté et Immigration Canada est responsable de plusieurs initiatives, directement ou indirectement liées à la santé mentale.

Plusieurs de nos programmes visent à faciliter et à améliorer l'intégration sociale, culturelle, économique des nouveaux arrivants, diminuant ainsi le stress lié à l'établissement dans un nouveau pays, ceci dans l'intérêt et le bien- être de ses nouveaux arrivants.

Ces différents programmes visent à fournir de l'information concernant les ressources existantes et à faciliter l'accès à ces services.

Citoyenneté et Immigration Canada est aussi responsable du programme fédéral de santé intérimaire, couvrant les services médicaux essentiels et d'urgence, incluant certains services requis en santé mentale pour des groupes spécifiques, principalement les demandeurs de statut de réfugié et les réfugiés.

Citoyenneté et Immigration Canada finance aussi plusieurs initiatives et projets de recherche liés à la santé mentale. Permettez-moi de vous présenter quelques-uns de ces programmes un peu plus en détail.

[Traduction]

Depuis le décret de 1957, le gouvernement offre des services de santé à certains immigrants en particulier. Le programme actuellement en vigueur, le Programme fédéral de santé intérimaire, a été lancé en 1995; il assure des services de santé aux migrants, population qui englobe actuellement les demandeurs du statut de réfugié, les réfugiés, les détenus dans les centres de détention de l'immigration et les demandeurs déboutés encore présents au Canada qui sont incapables de payer les soins de santé dont ils ont besoin. Les soins visés comprennent les services médicaux essentiels et d'urgence, notamment les services de santé mentale, comme les visites chez le médecin, l'hospitalisation et les médicaments essentiels. Les sommes déboursées pour le programme se sont chiffrées à 52 millions de dollars en 2002-2003, tandis que le nombre d'utilisateurs s'élevait à 97 000 et le nombre de demandes à 700 000.

CIC offre également aux nouveaux arrivants au Canada toute une gamme de programmes d'intégration et d'établissement. Le programme d'établissement et d'adaptation des immigrants accorde des fonds aux fournisseurs de services pour la prestation de services directs essentiels aux nouveaux arrivants. Les fournisseurs de services aident notamment les clients à accéder aux services dont ils ont besoin, y compris aux soins de santé, et les dirigent vers les ressources offertes dans la collectivité. Il convient aussi de souligner l'existence du Programme d'accueil, en vertu duquel CIC finance le recrutement, la formation, l'appariement et la coordination des bénévoles qui sont appelés à aider les nouveaux arrivants à s'adapter à la vie au Canada, notamment à les aider à s'y retrouver en matière d'éducation et de santé et à leur faire connaître les services qui sont offerts et la façon dont ils doivent s'y prendre pour y avoir accès. Le Programme d'aide au réétablissement assure aux réfugiés parrainés par le gouvernement un certain soutien du revenu de même qu'un éventail de services immédiats. En 2003, le Canada a accueilli 750 000 réfugiés parrainés par le gouvernement, dont 400 ou 500 environ avaient des besoins spéciaux, notamment des besoins concernant la santé mentale.

Dans le cas des réfugiés ayant des besoins spéciaux, le ministère cherche également à leur trouver parmi la population des parrains qui peuvent les soutenir sur le plan affectif et moral, et qui veillent notamment à ce que les réfugiés aient accès aux services dont ils ont besoin. Citoyenneté et Immigration Canada finance aussi le Centre canadien pour Victimes de torture de même qu'un programme destiné aux nouveaux arrivants qui ont connu la guerre, la violence ou le stress post-traumatique. Le centre offre certains services et assure la liaison entre les survivants et un réseau de professionnels locaux, y compris des avocats, des médecins, des travailleurs sociaux et des représentants de toutes les autres professions offrant des services dont ces personnes auraient besoin.

Citoyenneté et Immigration Canada participe également à divers projets et travaux de recherche relatifs à la santé mentale. Le ministère finance des projets visant à compléter ou à améliorer la prestation de services d'établissement. Certains de ces projets visent des problèmes de santé mentale, comme le stress post-traumatique, l'alcoolisme, l'anxiété, la dépendance, la dépression et la toxicomanie.

Citoyenneté et Immigration Canada est l'un des ministères et organismes fédéraux qui appuient le projet Metropolis lancé en 1996. L'objet est d'améliorer les politiques publiques sur la gestion des migrations et la diversité culturelle dans les grandes villes en améliorant la capacité de recherche des universités, en concentrant la recherche sur les questions cruciales et en trouvant les moyens d'utiliser la recherche avec efficacité dans la prise de décisions. Les questions relatives aux migrations et à la santé mentale sont donc examinées dans le cadre du projet Metropolis.

[Français]

Citoyenneté et Immigration Canada offre différents partenariats à différents niveaux, soit fédéral, provincial, territorial et interministériels. Par exemple, le groupe de travail sur l'établissement à l'intégration est un forum au sein duquel on identifie et on discute des questions de nature multilatérale liées à l'établissement et à l'intégration.

Récemment, nous avons aussi eu une initiative conjointe entre Citoyenneté et Immigration Canada et l'Agence de santé publique du Canada sur la santé d'immigrants. Cette initiative et ce groupe de travail sur la santé d'immigrants a identifié les défis actuels en santé publique et en santé des populations, résultant de l'immigration au Canada. On a aussi discuté de l'importance de la diversité culturelle en gestion de soins de santé, incluant la santé mentale, et on a souligné l'importance et le besoin de formation axés sur la diversité culturelle, dans le contexte des soins de santé et aussi l'importance d'inclure les migrants dans les différentes recherches sur la santé.

Citoyenneté et Immigration Canada est aussi responsable de plusieurs programmes linguistiques. Ces programmes linguistiques facilitent l'intégration au niveau de la société canadienne et facilite l'adaptation à tous les niveaux.

On est aussi responsable, mais cette initiative est une initiative interministérielle, d'un site web qui s'intitule : « Se rendre au Canada ». Ce site fournit plusieurs informations très utiles sur les multiples services communautaires et gouvernementaux existant au Canada et incluant les services de santé et les services sociaux.

Étant donné notre mandat, nous ne sommes pas un ministère qui a un rôle majeur dans la prestation de services en santé mentale. Nous sommes toutefois impliqués en recherche, en éducation, en promotion des questions liées à la santé mentale. Nous finançons diverses initiatives qui sont aussi liées à la santé mentale. En facilitant et en améliorant l'intégration globale des nouveaux arrivants dans la société canadienne, on contribue au bien-être global de ces nouveaux arrivants. On contribue à la santé mentale de ces nouveaux arrivants.

Citoyenneté et Immigration Canada est partenaire avec les provinces et les territoires et diverses parties intéressées et reconnaît l'importance de continuer cette collaboration avec nos partenaires, reconnaît l'importance de poursuivre la recherche et le développement de données supplémentaires appuyant nos prises de décision éclairée, décisions liées aux questions d'immigration, d'intégration et de santé des nouveaux arrivants.

[Traduction]

Le président : J'ai deux ou trois questions à poser au témoin, après quoi je suivrai ma liste d'intervenants. Permettez- moi de vous poser mes questions en suivant l'ordre dans lequel vous avez témoigné.

Monsieur Charko, j'allais vous demander des informations qui se trouvent en fait dans votre rapport, à savoir le coût de l'invalidité à long terme et le pourcentage de ceux qui retournent au travail. À mon avis, la proportion de 70 p. 100 est assez élevée comparativement à l'expérience de tous les autres employeurs, et c'est très bien. Avez-vous obtenu, ou avez-vous déjà cherché à obtenir, des données comparables, par exemple, de la table ronde du milieu des affaires sur la santé mentale et la dépendance, relativement au coût de l'invalidité à long terme ou au pourcentage de ceux qui retournent au travail?

M. Charko : Nous n'avons pas encore fait de recherche là-dessus. Cette question sera à l'ordre du jour de l'évaluation de la gestion de l'invalidité que nous avons l'intention d'entreprendre.

Le président : Dans combien de temps pensez-vous pouvoir obtenir les chiffres?

M. Charko : Pour ce genre de chiffres, nous pourrions sans doute faire parvenir des informations au comité d'ici quelques semaines.

Le président : Ce serait formidable. Comme nous avons pu le constater au cours de nos déplacements au Canada, la base de données relative à cet aspect de la politique gouvernementale est on ne peut plus lacunaire. Il y a eu très peu de recherches sur le sujet, même dans les milieux universitaires. Cela nous serait utile.

Passons maintenant à la page où vous parlez de la nécessité d'un changement de culture. Vous indiquez à juste titre que les progrès seront lents à moins que nous ne réussissions à opérer un changement de culture. D'autres pays ont constaté qu'il fallait pas mal de temps pour en arriver là. Est-ce là une démarche que vous venez tout juste d'entreprendre ou est-elle déjà bien amorcée?

M. Charko : La Loi sur la modernisation de la fonction publique est une étape importante dans cette voie.

Le président : En quelle année a-t-elle été adoptée?

M. Charko : Elle vient tout juste d'être adoptée l'an dernier. Elle constitue un progrès important en ce sens qu'elle appelle au recentrage de l'attention des gestionnaires et au rajustement de la responsabilité des sous-ministres et des cadres hiérarchiques pour les ressources humaines. Nous n'en sommes toujours qu'au stade préliminaire de ce changement culturel. La vérificatrice générale a dit que nous avons de bonnes bases, mais il reste encore beaucoup de défis à relever à ce chapitre.

Le président : Soit dit en passant, nous avons pu constater qu'on apprend beaucoup en parlant aux autres. Ainsi, CIBC et Dofasco semblent tous deux avoir des programmes tout à fait remarquables à cet égard. Vous trouveriez peut- être utile de vous entretenir avec ces gens-là et avec d'autres qu'ils pourraient vous recommander. Il me semble qu'il ne sert à rien de réinventer la roue.

M. Charko : L'important, c'est de sensibiliser, non pas seulement les dirigeants, mais les gestionnaires hiérarchiques et les autres collègues, à ces questions. Les collègues peuvent avoir une influence à cet égard et contribuer à cerner les problèmes dès qu'ils se manifestent.

Le sénateur Cochrane : J'ai une question complémentaire qui fait suite à votre première question, monsieur le président.

Monsieur Charko, je sais que vous avez dit que 74 millions de dollars par an ont été consacrés à cette question, et que 44 p. 100 des employés demandent de l'aide pour régler des problèmes de dépendance ou de santé mentale. À quoi correspond la proportion de 100 p. 100?

M. Charko : Il s'agit du nombre de demandes de prestations d'invalidité à long terme. Je vais vérifier pour voir si j'ai cette information. Le nombre de demandes de prestations d'invalidité à long terme était de 8 824 en 2003. Le taux d'approbation était d'environ 84 p. 100, et les troubles mentaux étaient un facteur dans 43,7 p. 100 de ces demandes.

Le sénateur Cochrane : Avez-vous dit que 70 p. 100 des demandeurs sont retournés au travail?

M. Charko : À long terme, 70 p. 100 des gens sont retournés au travail, mais il ne s'agit pas nécessairement de personnes appartenant à ce groupe-là, parce que l'invalidité à long terme n'en est qu'à ses débuts.

Le sénateur Cochrane : Pourriez-vous nous indiquer ce que représente la proportion de 70 p. 100? Combien de personnes sont retournées au travail? J'aimerais avoir un chiffre précis.

M. Charko : Il faudrait que j'obtienne cette information pour le comité.

Le président : J'ai deux questions pour les représentants de Citoyenneté et Immigration. Vous avez dit que le pourcentage de délinquants diagnostiqués comme souffrant de troubles mentaux avait augmenté de 61 p. 100 en sept ans. Il est intéressant de souligner que c'est il y a environ sept ou huit ans que la désinstitutionalisation a commencé à prendre de l'ampleur. Nous avons fait remarquer dans notre rapport que les prisons sont devenues les hôpitaux psychiatriques du XXIe siècle. Cette tendance dont vous faites état semble nous donner raison. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez.

Je comprends bien les quatre volets de la stratégie que vous nous avez décrite, mais étant assez bien renseigné sur les maigres ressources dont dispose le service correctionnel pour les problèmes de santé mentale, je ne sais pas comment vous allez pouvoir la mettre en œuvre à moins que vous puissiez trouver de nouvelles ressources. J'estime que vos ressources devraient être accrues mais, comme vous l'avez dit, la priorité doit aller à l'évaluation complète de la santé mentale des délinquants à leur arrivée. Or, vous êtes sans doute loin d'avoir les ressources nécessaires à cette fin.

Vous avez également parlé de la nécessité d'offrir des services dans vos établissements ordinaires soit, j'en conclu, les prisons destinées à la population générale. Vous avez indiqué que vous ne pourrez pas concrétiser tous les éléments de votre plan à moins de pouvoir compter sur une capacité accrue. Reprenez-moi si je me trompe, et ce sera là ma dernière question, mais je dirais que votre capacité n'est qu'à 10 p. 100, ou peut-être même 20 p. 100, soyons généreux, de ce qu'elle devrait être, et ce, pour diverses raisons, comme les échelles de rémunération et le peu d'attention que le service correctionnel a accordé à la santé mentale pendant longtemps. Il ne s'agit pas d'un nouveau problème, même si son ampleur est quelque chose de nouveau pour vous. Je sais bien que vous avez un plan, mais pouvons-nous nous attendre à ce que vous fassiez des progrès en vue de le mettre en œuvre? La solution serait-elle que vous espérez que des gens comme nous soulèvent un tollé et que vous ayez ainsi droit à des ressources supplémentaires?

Mme Bouchard : C'est un peu des deux, je suppose.

Le président : Nous sommes tout à fait prêts à intervenir en ce sens.

Mme Bouchard : Je dirais que c'est les deux. Quand nous avons élaboré nos plans, nous étions conscients que nous n'avions pas toutes les ressources voulues. Il faudra faire fond sur notre capacité existante. Pour améliorer l'évaluation initiale, il y a certaines choses que nous pouvons faire dans les limites de notre capacité actuelle. Nous avons déjà commencé à examiner avec le personnel des centres de réception les possibilités à cet égard. Nous étions certainement conscients du fait que, à un moment donné, nous atteindrions les limites de notre capacité.

Pour l'instant, ce que nous visons c'est d'améliorer ce que nous faisons au moment où le détenu arrive chez nous et à faire en plus tout ce que nous pouvons faire. Nous ne saurions dire dans quelle mesure nous pouvons faire plus sur le terrain. Il est certainement possible d'en faire plus à l'interne, mais nous savons qu'il y a des limites à cette capacité, qui doivent être définies.

Le président : Disposez-vous de données historiques sur les types de maladies mentales constatées chez les délinquants? Pouvez-vous nous donner une idée de ce qu'il en coûterait pour mettre en œuvre votre plan d'action en quatre volets?

Le point suivant me paraît vraiment bizarre. Dans votre exposé, vous avez parlé de la Loi sur le service correctionnel et la libération conditionnelle. L'article 86 de cette loi énonce que :

Le Service veille à ce que chaque détenu reçoive

(a) les soins de santé essentiels et,

(b) qu'il ait accès, dans la mesure du possible, aux soins...

Pourriez-vous nous expliquer ce que l'on entend, dans la version anglaise, par les soins de santé mentale non essentiels? Cela me semble être en quelque sorte un oxymoron.

Mme Bouchard : Je ne sais pas s'il en existe une définition officielle, mais je peux essayer de vous en trouver une.

Le président : Je ne veux pas la définition officielle, mais j'aimerais simplement que vous me donniez une idée de ce que l'on a voulu dire par des soins de santé mentale non essentiels.

Le sénateur Cook : À mon avis, cela pourrait comprendre par exemple, le logement abordable.

Mme Bouchard : Pour la population en général, les services de psychologue ne sont pas toujours couverts par l'assurance-santé. Nous offrons tout ce qui est offert à la population en général, plus les services de psychologue. Ces services sont compris dans les services que nous offrons. Ce serait là un exemple de soins que l'on pourrait qualifier de non essentiels. Les gens de la collectivité ont souvent accès aux services de psychologues du secteur privé et non du secteur public.

M. Michael Bettman, directeur général par intérim, Programmes pour délinquants et réinsertion sociale, Service correctionnel Canada : Les soins de santé non essentiels prennent pour point de départ la maladie. Il pourrait s'agir de counselling complémentaire ou d'autres types d'interventions, relatives par exemple à des troubles de la personnalité, qui ne seraient pas nécessairement liées directement à une maladie mentale.

Le président : Cela me donne l'impression que vous partez d'une définition médicale assez étroite de la maladie mentale.

M. Bettman : C'est effectivement le cas quand il s'agit de problèmes de santé mentale. Il nous faut faire une distinction dans une certaine mesure, car les personnes à qui nous avons affaire ne sont pas toutes des malades mentaux, mais elles ont certainement eu des démêlés avec la justice et manifestent des comportements antisociaux. Dans une large mesure, les efforts que nous faisons au chapitre de la santé mentale visent ce type de problème.

Nous avons aussi des programmes correctionnels et des programmes de réinsertion qui sont offerts de façon permanente à notre population générale qui ne souffre pas de maladie mentale.

Le sénateur Callbeck : Je vous souhaite la bienvenue, et je vous remercie de vos exposés.

Tout d'abord, je suppose que les programmes publics de santé mentale sont généralement bien meilleurs que ceux qui existent dans le privé. Mais y a-t-il beaucoup d'entreprises qui offrent de meilleurs services de santé mentale que le gouvernement?

M. Charko : Malheureusement, je ne peux pas répondre à cette question. Nous commençons à peine à évaluer les pratiques exemplaires dans le secteur privé. Nous avons beaucoup à apprendre des autres employeurs pour ce qui est de ce qui se fait dans le domaine.

Le sénateur Callbeck : Vous avez parlé d'un sondage qui avait été réalisé auprès des fonctionnaires en 2002 et qui avait permis de cerner certains problèmes. Je crois vous avoir entendu dire que les sous-ministres avaient dressé une liste de recommandations. Ces recommandations ont-elles été mises en œuvre?

M. Charko : De manière générale, des progrès ont été réalisés. Une des recommandations visait à régler les problèmes liés au déséquilibre attribuable à la charge de travail. Vous vous souvenez sans doute qu'en 1999 et avant, après l'examen des programmes, il existait des déséquilibres au niveau de la charge de travail. La conciliation travail- vie personnelle était difficile dans certains ministères, et je crois que, dans bon nombre de cas, la situation a été corrigée grâce à l'apport de ressources supplémentaires. En outre, les sous-ministres accordent maintenant beaucoup plus d'attention aux questions liées aux ressources humaines depuis cette période, et cela est dû en partie aux recommandations qui avaient été formulées.

Le sénateur Callbeck : Vous avez parlé de plusieurs choses que vous aviez l'intention de faire en ce qui concerne le Service correctionnel du Canada. Vous dites que le SCC a des psychologues qui s'occupent directement des contrevenants. Combien en avez-vous actuellement et combien devriez-vous en avoir pour dispenser des soins de santé mentale adéquats?

Mme Bouchard : Je pourrai vous fournir le chiffre exact plus tard, mais disons qu'il y a environ 150 psychologues qui travaillent pour le Service correctionnel du Canada. Cependant, il ne faut pas oublier que les psychologues ne fournissent pas uniquement des services de santé mentale. Ils effectuent également une évaluation des risques pour les autorités correctionnelles. En fait, l'essentiel des activités des psychologues de SCC ont trait à l'évaluation des risques.

Nous évaluons actuellement nos besoins en ressources de psychologie supplémentaires. Je ne peux pas vous donner une estimation aujourd'hui.

Le sénateur Callbeck : L'examen n'incluait pas de chiffres?

Mme Bouchard : Il ne spécifiait pas le montant des ressources supplémentaires nécessaires. Ce sera notre prochaine étape.

Le sénateur Callbeck : Les psychologues sont-ils des employés de SCC ou faites-vous appel à des psychologues de l'extérieur?

Mme Bouchard : Dans la plupart des régions, ce sont des employés. Dans certaines régions, nous faisons également appel à des contractuels, essentiellement pour l'évaluation de risques.

Le sénateur Callbeck : Les services psychiatriques font-ils défaut? Je vous pose la question parce que j'ai entendu dire qu'au pénitencier de Springhill, où sont détenues plusieurs centaines de personnes, le psychiatre ne vient qu'une fois par semaine.

Mme Bouchard : Nous avons du mal à recruter des psychiatres au Nouveau-Brunswick. Nous sommes toutefois parvenus à recruter un groupe de psychiatres qui se trouvent essentiellement près de notre centre de traitement à Dorchester. Dans le cadre de notre plan, nous voulons accentuer la mobilité des psychiatres au sein de l'institution.

Ceci m'amène à une question qui n'a pas été soulevée : la télémédecine. Il s'agit notamment d'amener des services psychiatriques à l'institution où se trouvent les détenus, car il est parfois inutile de les transférer à un centre de traitement pour les soigner. Il convient néanmoins de renforcer des rapports entre le centre de traitement et l'institution, sur le plan du soutien et des services de consultation.

Le sénateur Callbeck : Pour revenir à votre examen des services de santé mentale, vous l'avez mené à bien et vous avez identifié certains domaines. Quand comptez-vous avoir fini d'élaborer un plan?

Mme Bouchard : Nous espérons finir cet été ou cet automne, au plus tard.

Le sénateur Callbeck : Le dernier domaine que vous avez mentionné est le besoin d'une stratégie de santé mentale à l'échelle de la collectivité qui permette une continuité des soins aux contrevenants quand ils sont libérés. Que se passe-t- il actuellement, lorsqu'ils sont libérés? Quels services obtiennent-ils?

Mme Bouchard : Si un contrevenant a fait l'objet d'un diagnostic, si on a décelé un problème de santé mentale, s'il suit un traitement et s'il a besoin d'un suivi par un psychiatre, nous sommes tenus d'essayer d'assurer une continuité du service, en trouvant un psychiatre, une clinique ou un hôpital qui suivront le contrevenant à sa mise en liberté, et nous devons nous assurer qu'il y a accès. Dans le cadre des plans de mise en liberté dans la collectivité, nous retenons des services.

Toutefois, il est possible que le contrevenant choisisse de ne pas aller au rendez-vous ou à la clinique qu'on lui a recommandée. De plus, il n'est pas toujours facile de trouver un service approprié dans la collectivité pour un contrevenant donné. Cela dépend aussi de l'endroit où ils sont mis en liberté. Quand un contrevenant relâché est mis en résidence dans un de nos centres communautaires, nous lui fournissons des services en cet endroit là, jusqu'à ce qu'il soit complètement sorti du système correctionnel.

Le sénateur Callbeck : Il y a beaucoup à faire dans ce domaine.

Le Sénat étudie actuellement le projet de loi C-10, qui accorderait plus de pouvoir aux policiers et à la commission d'examen.

Mme Bouchard : Je ne connais pas assez bien le projet de loi pour dire quoi que ce soit.

M. Bettman : Moi je le connais vaguement.

[Français]

Le sénateur Pépin : Je vous entendais parler des traitements donnés aux détenus. On nous disait que lorsqu'il manque des lits dans les hôpitaux, bien souvent les détenus sont en attente dans les prisons parce qu'on ne peut pas les transférer. On a eu une série d'audiences à Toronto. Comme le président du comité l'a dit, les prisons sont devenues les asiles du siècle. On nous disait que lorsque vous devez transférer un détenu gravement malade, à ce moment, vous le gardiez, et bien souvent on nous a dit que vous les isoliez complètement.

Je regrette d'avoir manqué vos présentations, j'étais à un autre comité. On a dit qu'ils étaient en isolation et bien souvent, ils n'ont pas de traitement adéquat. Je me demande quelle est la formation donnée?

Est-ce qu'il y a une formation spéciale pour les délinquants? Il semble y en avoir de plus en plus. Quelle est la relation entre vos services, le service correctionnel fédéral et les intervenants de la santé mentale dans les provinces?

Mme Bouchard : Pour l'accès à des lits de traitement pour un détenu en crise, dans notre système fédéral, nous avons les cinq centres de traitement dans chaque région nous avons nos propres hôpitaux, notre propre hôpital. L'accès est souvent disponible dans nos centres de traitement. Il est certain que quelques fois, il peut arriver que la personne soit isolée parce qu'elle est vulnérable par rapport à la population générale et en attente d'être transférée dans nos centres de traitement. Je ne sais pas si la situation s'applique dans les systèmes provinciaux correctionnels, mais en termes d'accès à des lits d'hôpitaux communautaires, pour nous, ce n'est pas toujours l'endroit direct où on va aller pour des soins de santé mentale.

Le sénateur Pépin : Je ne crois pas qu'on faisait référence aux services provinciaux. Je sais que vous avez des centres de santé au Québec.

Vu qu'il y a un nombre si important de délinquants qui ont des problèmes mentaux, vous pensez que ces centres sont complets ou vous avez suffisamment de lits ou de disponibilités pour les accueillir.

Mme Bouchard : Une de nos conclusions dans notre révision des centres de traitement, c'est que l'on ne voyait pas qu'on avait besoin d'augmenter le nombre de lits intensivement mais qu'on avait besoin de mieux les réorienter vers les besoins des détenus et leurs besoins en termes de santé mentale. C'est le processus actuellement de réorientation qu'on fait d'utilisation de nos lits dans les centres de traitement. Cela a été une de nos conclusions de notre révision.

On ne pouvait pas conclure, basé sur nos données à l'intérieur des services correctionnels, que nous avions besoin d'augmenter le nombre de lits intensifs d'hôpital pour les problèmes de santé mentale. Cela ne veut pas dire que nous ne le ferons pas éventuellement. Sur la base des données qu'on avait, on avait besoin de mieux les orienter.

Notre autre conclusion est que oui, on a une augmentation de détenus avec des problèmes de santé mentale qui passent dans notre système, mais très souvent, ces gens peuvent être accommodés si on a des unités spéciales dans nos institutions régulières; soit ils ont besoin de plus de structures ou de supports, mais pas nécessairement de soins plus intensifs, ou soit ils ont besoin d'être protégés de la population régulière et ont besoin de services plus structurés que la population régulière.

On s'est basé aussi sur l'expérience de d'autres rapports, si on réfère au États-Unis, ils ont peut-être un problème plus sévère que nous dans cette situation, où leurs conclusions étaient que 80 p. 100 des détenus ayant des problèmes de santé mentale pourraient être accommodés avec une forme d'unités comme cela dans les institutions régulières. C'est sur cette base qu'on s'oriente pour estimer le besoin d'avoir de telles unités dans nos institutions régulières. On ne croit pas qu'ils ont tous besoin d'être dans un lit de soins intensifs de traitement. On a besoin de mieux orienter l'utilisation de ces lits, ce qui permettrait que certains de ces lits pourraient être libérés pour aller dans une institution régulière mais dans une unité supervisée et mieux structurée.

Nous n'avons pas de programme de formation spécifique pour nos professionnels de la santé qui travaillent avec des détenus en santé mentale. Les psychologues que nous engageons le sont selon des qualifications qui leur sont données dans la communauté et sur notre processus de recrutement, d'analyse de leur compétence lorsqu'on les recrute, pour pouvoir travailler et fournir des services cliniques dans le sens de services de santé mentale.

[Traduction]

Le président : On nous a déjà laissé entendre que la première évaluation était souvent faite à l'aide d'un test informatisé plutôt qu'au cours d'une rencontre avec un psychologue, est-ce exact?

Mme Bouchard : Pour ce qui est du mode de vie, et je pense que le Dr Bettman peut en parler. Pour ce qui est de l'évaluation des besoins de santé, elle se fait au cours d'une entrevue avec une infirmière. Le gestionnaire du programme de consultation peut demander une nouvelle évaluation par un psychologue comme suite à la première entrevue effectuée à l'arrivée du détenu.

M. Bettman : Il faut admettre que tous les délinquants des pénitenciers fédéraux ne sont pas atteints d'une maladie mentale. La Dre Bouchard a mentionné que nous constatons une hausse de la maladie mentale grave, mais ce n'est pas nécessairement le cas de tous les détenus sous responsabilité fédérale.

L'évaluation informatisée nous permet de dépister l'abus d'alcool ou d'autres drogues. C'est une méthode qui est actuellement en cours de révision et qui vise spécifiquement l'abus d'alcool ou d'autres drogues. Il s'agit d'une évaluation beaucoup plus vaste et complète de l'absorption. Ainsi, par un ensemble de questions, nous déterminons la tendance exacte, le niveau d'intensité, les besoins de chaque délinquant, puis nous déterminons de quel type de programmes de désintoxication ils ont besoin. Cette méthode n'est pas spécialement conçue pour les délinquants souffrant de troubles mentaux.

Nous avons des méthodes pour administrer cette série de tests de multiples façons. Par exemple, nous avons la méthode auditive. L'ordinateur en fait lecture, à l'intention des délinquants qui ont du mal à lire. Il s'agit vraiment d'une méthode très perfectionnée pour déterminer l'intensité requise, l'intensité de l'intoxication, l'intensité de la consommation, le style de vie correspondant à l'intoxication, et tout cela est directement lié aux types de programmes et d'interventions que nous assurons en cas d'alcoolisme et de toxicomanie.

[Français]

Le sénateur Gill : Mes questions vont surtout porter sur les Premières nations. Faites-vous la distinction entre les Inuits, les Métis et les Indiens statués ou les gens des Premières nations?

[Traduction]

M. Bettman : Dans notre législation, non. Nous avons envisagé, dans notre programmation, des programmes spéciaux pour Autochtones, et nous avons là une marge d'adaptation de ces programmes. Ces derniers sont conçus eu égard à l'alcoolisme et à la toxicomanie, eu égard à la violence dans presque tous les domaines dont nous nous occupons, notamment les agressions sexuelles, et tiennent compte de populations spécifiques. Nous avons des programmes uniquement pour des populations précises. Pour ce qui est des Inuits, nous avons un programme sur l'alcoolisme et la toxicomanie spécialement conçu pour les contrevenants inuits. Quand aux Métis, il n'y en a pas beaucoup dans notre système, mais les programmes que nous avons conçus peuvent être ciblés pour tenir compte de la population métisse.

[Français]

Le sénateur Gill : Il y a différentes populations, des Inuits, des Métis et des Indiens. Ils habitent des régions différentes, les Inuits plus au nord dans les régions arctiques, les Métis plus dans des milieux urbains ou semi-urbains et les Indiens dans les réserves indiennes.

Il y a quelques années, j'aurais posé mes questions à Mme Martin, parce que les Indiens et les Inuits étaient gérés par Citoyenneté et Immigration Canada. Aujourd'hui, c'est différent.

J'aimerais savoir s'il y a différents programmes d'adaptation comme pour les immigrants, il y a peut-être des programmes d'adaptation ou des difficultés d'adaptation au milieu urbain. Avez-vous un traitement ou des traitements particuliers pour ceux qui semblent manifester des troubles mentaux mais qui sont souvent des troubles d'adaptation ou sociaux, parce que les Indiens viennent de milieux différents? Comment fonctionnez-vous? Ce doit être assez compliqué quand même.

[Traduction]

M. Bettman : C'est une question complexe, de bien des façons. Si l'on pense à des traitements culturels spécifiques, et si l'on tient compte du monde rural par rapport au monde urbain, c'est encore plus compliqué. C'est pourquoi nous avons entrepris, non pas tant de recréer mais de construire à partir de la base, un bon nombre de nos programmes pour les populations autochtones précisément — des programmes conçus par les peuples autochtones, souvent administrés par des membres des collectivités autochtones pour la population autochtone qui est surreprésentée dans notre système fédéral. Pour ce qui est de savoir si elle tient compte de ces différences entre le monde rural par rapport au monde urbain, ils sont plus sensibles à ces questions que le sont peut-être la plupart de nos autres programmes du service correctionnel — et même que les programmes de santé mentale. C'est certainement une question complexe.

[Français]

Le sénateur Gill : Avez-vous avez des statistiques, par rapport à la population en général, sur la population carcérale, et sur les Indiens qui reçoivent des soins, de façon à comparer avec les non-Indiens?

M. Bettman : Oui, mais je ne les ai pas ici.

Le sénateur Gill : Est-ce qu'on pourrait avoir ces statistiques?

M. Bettman : Oui, ce serait très facile.

Le sénateur Gill : Cela m'intéresserait beaucoup, pour pouvoir faire des comparaisons.

[Traduction]

Le président : Cela nous serait utile, parce qu'on a l'impression du moins dans les zones urbaines de l'ouest du Canada, que le pourcentage de délinquants autochtones est nettement supérieur à celui de l'ensemble de la population. Si vous aviez de l'information sur cette question, ce serait bien.

Mme Bouchard : Dans notre rapport qui vous a été remis quand nous sommes venus comparaître en mai, nous présentions des données sur la population autochtone qui relève des services correctionnels du Canada, et nous pouvons les mettre à jour. Dans la mesure où nos programmes nous permettent de fournir des données, nous les fournirons.

M. Bettman : Spontanément, je peux vous dire, bien sûr, que la population autochtone représente 3 p. 100 de l'ensemble de la population et 17 p. 100 de notre population délinquante. Dans la région des Prairies, ce pourcentage frise les 65 p. 100. C'est très élevé ...

Le président : Pardon, 65 p. 100?

M. Bettman : Veuillez m'excuser, de 40 à 50 p. 100, pour moins de 3 p. 100 de la population; mais je ne connais pas les pourcentages exacts dans l'Ouest.

Le sénateur Gill : C'est pourquoi je posais la question. Quand vous parlez de délinquants autochtones, j'aimerais savoir d'où ils viennent — de régions urbaines, du Grand Nord — et nous saurons ainsi certainement...

Le président : Très bien.

Le sénateur Gill : Je sais qu'il y a beaucoup d'Autochtones en prison dans l'Ouest.

M. Bettman : Nous pouvons vous fournir de l'information sur le nombre d'inscriptions aux programmes pour Autochtones. Pour ce qui est de savoir si nous pouvons vous fournir des comparaisons entre la situation en milieu rural par rapport au milieu urbain, en raison de la mobilité des gens, cela pourrait être un peu difficile, mais nous allons tâcher de le faire pour vous.

Le sénateur Cochrane : Ma question s'adresse d'abord à M. Charko. J'aimerais que nous reparlions de ce qu'a dit le président au début. De quel financement dispose-t-on pour le régime de soins de santé de la fonction publique? Deuxièmement, quelle part est consacrée à l'administration?

M. Charko : Pour ce qui est du régime de soins de santé, la valeur totale du régime — c'est-à-dire le remboursement des demandes — c'est environ 500 millions de dollars par an. Pour ce qui est de l'administration, je parlerais des frais d'administration que nous payons à Sun Life — le régime de soins de santé est administré par la Sun Life — et je crois que nous dépensons probablement, sous réserve de confirmation, de 15 à 20 millions de dollars par an pour ces services d'administration.

Le sénateur Cochrane : Y a-t-il d'autres frais d'administration? Il doit y en avoir.

M. Charko : Je ne le pense pas. Je crois que c'est l'essentiel des frais d'administration.

Le sénateur Cochrane : Sur ce montant, 74 millions de dollars sont affectés aux soins concernant la maladie mentale et la toxicomanie, n'est-ce pas?

M. Charko : Oui.

Le sénateur Cochrane : Sur ces 74 millions de dollars, combien sont dépensés pour l'administration?

M. Charko : Par exemple, pour ce qui est du premier montant — les 64 millions de dollars — il s'agit essentiellement du remboursement de médicaments. C'est la catégorie des agents du système nerveux central, et il s'agit essentiellement du remboursement des médicaments. Pour ce qui est des psychologues, l'autre montant, les 10 millions de dollars, concerne des services de consultation psychologique. Il s'agit du remboursement de demandes de services psychologiques.

L'administration de ces demandes ne représente qu'une toute petite portion du montant de 15 à 20 millions de dollars dont je viens de parler. Ce qui se passe, c'est qu'il s'agit d'un système de remboursement, si bien que quand un employé se voit prescrire des antidépresseurs, par exemple, par son médecin, il va à la pharmacie, il achète et paie les médicaments, puis il envoie une demande de remboursement à la Sun Life qui le rembourse ensuite. De la même manière, si on lui conseille d'aller voir un psychologue, l'employé consulte le psychologue, lui verse des honoraires et nous le remboursons ensuite.

Le sénateur Cochrane : Chacun d'entre vous pourrait-il fournir au comité un exemple d'un cas type de client qui a une maladie mentale, ou qui a un problème d'alcoolisme ou de toxicomanie, et nous dire comment chacun d'entre vous s'y prendrait?

Mme Bouchard : Voulez-vous dire le cheminement que peut suivre ce délinquant quand il entre dans notre système?

Le sénateur Cochrane : Oui, quand il vous arrive soit avec une maladie mentale soit avec un problème d'intoxication.

Mme Bouchard : Ou les deux. Je vais laisser M. Bettman vous citer le cas d'un délinquant souffrant d'intoxication, et je parlerai de l'autre cas.

Habituellement, la plupart des délinquants nous arrivent par l'entremise du système provincial. Souvent, les délinquants ont résidé dans le système provincial avant de nous arriver — la plupart d'entre eux, en fait. À leur arrivée ils ont déjà un dossier médical qui renferme de l'information concernant leur traitement, leur diagnostic et les médicaments qu'ils prennent à ce moment-là.

Dans la plupart des régions, nous avons des centres d'accueil, sauf dans les Prairies. Le centre d'accueil est une institution ou un centre qui est conçu pour accueillir les délinquants qui arrivent dans notre système, et où ils restent de un à trois mois dans l'attente d'une pleine évaluation et d'une décision concernant leur hébergement dans une institution appropriée.

Le sénateur Cochrane : C'est ce qu'on appelle le personnel de première ligne.

Mme Bouchard : C'est le centre de réception de première ligne où les personnes sont acheminées.

Dans les Prairies, cela se trouve dans six institutions, car il y également une institution pour les femmes. En raison de la distance et de la géographie, il n'y a pas juste un centre pour la région des Prairies.

Je vais commencer par le centre de réception où les personnes arrivent. Il est normal que chaque délinquant soit vu par une infirmière, afin de renouveler ses médicaments et ses ordonnances, s'il faut poursuivre son traitement, dans un délai de 24 heures suivant son arrivée. L'infirmière fera une évaluation approfondie de son état de santé dans les 14 premiers jours.

Si on a déjà déterminé qu'il souffre de problème de santé mentale — en d'autres mots, s'il a fait l'objet d'un diagnostic et s'il prend des médicaments — l'infirmière ou l'infirmier, décidera peut-être de l'envoyer voir le médecin de l'institution pour faire évaluer ses médicaments et ses besoins. Si nous avons un rapport sur ses problèmes de comportement, il faudra peut-être qu'il soit également évalué par un psychologue, si c'est jugé nécessaire en raison de son comportement dans l'institution.

On fait également une évaluation du risque de suicide lorsqu'ils arrivent, ce qui est un dépistage normal. S'il y a un problème, c'est-à-dire s'il est peut-être suicidaire, l'équipe le place sous observation pour un certain temps et on réévalue son niveau de risque de suicide.

Pendant les trois premiers mois, les détenus restent dans ce centre de réception. Ils reçoivent leur traitement normal. Si, par exemple, un détenu manifeste d'importants problèmes de santé pendant ce séjour, on l'examine et, au besoin, on peut l'admettre dans notre centre de traitement de la région. Nous avons également des psychiatres qui viennent au centre de réception. D'habitude, ils sont également rattachés au centre de traitement. Ils peuvent voir le détenu et décider s'il doit être admis au centre de traitement, car nous ne pouvons pas le stabiliser au centre où il réside à l'heure actuelle, qui est comme une institution. S'il s'agit d'un détenu atteint de schizophrénie, il pourrait être transféré d'urgence à notre installation de traitement où on pourra lui fournir un lit et où notre équipe pourra continuer à lui fournir des soins. C'est une institution où on dispense des soins 24 heures par jour. Là, on le stabilisera, peut-être qu'on changera ses médicaments, et une fois stabilisé, on fait une nouvelle évaluation pour déterminer s'il peut être transféré dans une institution normale.

Nous ne considérons pas nos centres de traitement comme des endroits où les détenus passeront la totalité de leur peine. Une fois stabilisé, le détenu est affecté à une institution normale. Il peut se retrouver dans un établissement à sécurité maximale, moyenne ou minimale, en fonction de l'évaluation du service correctionnel. Dans ces institutions, il y a également des équipes de soins de santé qui suivent les détenus. Le défi, selon la durée de la peine, est de préparer le détenu en vue de sa libération. Nous disons que nous administrons les peines de deux ans et plus, mais la majorité des détenus sont libérés après trois ou quatre ans. Je pense que c'est la durée moyenne de détention dans nos institutions. Nous devons commencer à planifier la libération éventuelle du détenu.

Nous avons des centres correctionnels communautaires, des CCC, qui relèvent également du SCC mais qui sont en général situés dans la communauté. Dans le cadre de son plan de libération, le détenu participe à des interventions à l'extérieur du CCC mais il y retourne pour la nuit.

Nous offrons des services dans ces CCC mais ils sont assez rudimentaires. Le défi pour un détenu qui souffre de troubles mentaux est qu'il peut facilement être déstabilisé et devoir revenir à l'institution normale ou au centre de traitement. Ce serait le cas par exemple, de quelqu'un qui souffre de schizophrénie et qui ne prend pas ses médicaments ou qui ne va pas à ses rendez-vous.

Le sénateur Cochrane : Sont-ils nombreux à vous revenir?

Mme Bouchard : Cela se produit, mais je ne peux vous donner plus d'information.

M. Bettman : Vous aimeriez en savoir plus sur les délinquants toxicomanes? Je vais tenter d'être bref. Il s'agit de délinquants qui purgent une peine de deux ans ou plus et, parce que bon nombre d'entre eux ont déjà été dans un établissement provincial, nous ne sommes pas tenus de leur offrir une cure de désintoxication. Cela se fait habituellement pendant qu'ils attendent leur procès en cour provinciale. La cure de désintoxication fait rarement partie de notre programme.

Quand le détenu arrive au centre de réception, nous faisons une évaluation exhaustive des facteurs criminogènes sous-jacents qui s'appliquent non seulement à l'infraction à l'origine de la peine mais à toute la vie du détenu. Nous constatons que près de 80 p. 100 des délinquants ont eu des problèmes de consommation d'alcool ou de drogue, ce qui ne devrait étonner personne.

Cela ne s'arrête pas là. Nos évaluations sont conçues de façon à déterminer l'intensité du traitement qui permettra de réduire l'influence de ces facteurs. La toxicomanie est liée à la récidive aussi.

Pour les délinquants qui connaissent de graves problèmes de toxicomanie et qui représentent un risque sérieux, il y a des programmes dans presque tous nos établissements, à tous les niveaux de sécurité. Nous avons un programme de réduction de la toxicomanie dans nos établissements à sécurité minimale, moyenne et maximale qui comprend le suivi. Ce sont des programmes centrés sur la réduction des méfaits visant à réduire et à prévenir la toxicomanie. On assure ensuite le suivi pendant toute la peine que purge le délinquant, autant au sein de l'établissement que dans la collectivité, après sa libération.

Nous sommes fiers de notre programme de réduction de la toxicomanie qui jouit d'une réputation à l'échelle mondiale. Des représentants de pays de toute l'Europe, notamment de la Suède et de l'Écosse, viennent assister au fonctionnement de notre programme correctionnel. Notre programme de réduction de la toxicomanie a été homologué par une organisation internationale; nous invitons donc des experts reconnus à l'échelle internationale à évaluer et à homologuer nos programmes, y compris le suivi.

Chaque centre doit respecter des normes rigoureuses et suivre de façon méthodique les lignes directrices et les normes de qualité de nos programmes.

Le sénateur Cochrane : Combien de centres y a-t-il?

M. Bettman : Il y a 166 centres, en fait, 300 au total qui dispensent nos programmes de réduction de la toxicomanie.

Le sénateur Cook : Ma première question s'adresse à M. Charko. Vos chiffres sont époustouflants : en 2004, le gouvernement fédéral était au quatrième rang au chapitre des prestations pharmaceutiques. Avez-vous une ventilation de ces chiffres? Est-ce qu'un organisme fédéral est responsable de tous les clients fédéraux? Si tel est le cas, est-ce que la prestation de services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie ne constituerait pas la première étape vers un système central? Vous tous qui travaillez au sein de ce système complexe qui, selon moi, doit être centré sur la personne, y voyez-vous des lacunes? Comment assurez-vous le lien avec les autres dispensateurs au niveau fédéral et provincial? Comment pouvons-nous faire en sorte que nous offrons à chacun les meilleurs soins possible?

Enfin, nous entendons souvent le mot « stigmatisation ». On nous le répète souvent. Ceux qui sont vos clients font face à une double stigmatisation : la stigmatisation qu'entraîne la maladie mentale et celle qu'accompagne l'incarcération. Comment pouvons-nous faire en sorte que le détenu souffrant de troubles mentaux puisse réintégrer la société et y vivre une vie pleinement satisfaisante?

M. Charko : Je répondrai à votre question sur les prestations pharmaceutiques. Pour vous donner une idée de ce que nous payons, 20 p. 100 des médicaments traitent des maladies cardiovasculaires et 14 p. 100 sont des médicaments du système nerveux central. On trouve ensuite les médicaments d'hormonothérapie, qui représentent 6 p. 100, ainsi que les agents thérapeutiques qui représentent aussi 6 p. 100 de tous les médicaments pour lesquels nous versons des prestations. Les médicaments du système nerveux central constituent un élément clé de notre régime de soins de santé. Je ne répondrai pas à votre question sur l'appareil gouvernemental ou la centralisation des services. Cela est plutôt lié au programme.

En ce qui concerne la stigmatisation, je me préoccupe beaucoup de cela en milieu de travail aussi. Je crois que les suggestions que nous vous avons présentées plus tôt constituent de bonnes pistes de solution pour changer la culture de gestion des ressources humaines, pour former employeurs, surveillants et collègues, pour offrir des occasions de parler de la maladie mentale et pour approfondir nos connaissances de ce sujet. Il a été démontré qu'avec ce genre de formation en milieu de travail et avec des gestionnaires qui assument leurs responsabilités en matière de ressources humaines, on peut éliminer une bonne part de la stigmatisation en milieu de travail.

Mme Bouchard : Pour ce qui est des lacunes du système, l'un des défis que nous devons relever et que nous devons voir sous un jour positif, c'est que nous ne pouvons séparer les soins de santé mentale des soins de santé physique. Les deux vont de pair. Nos infirmiers et infirmières et autres professionnels doivent avoir toutes les compétences nécessaires pour répondre aux besoins des délinquants à leur arrivée. Par conséquent, c'est un défi pour nous car il faut former nos professionnels de la santé et maintenir leur niveau de compétence. Ainsi, le personnel infirmier des centres de réception doit être en mesure de bien évaluer, déceler et diagnostiquer les besoins en santé mentale. Voilà une autre tâche qui nous incombe.

La gestion des délinquants souffrant de troubles mentaux dans nos établissements ne peut se faire que grâce à une approche multidisciplinaire. Cela comprend la formation et la sensibilisation des agents correctionnels qui travaillent auprès de ces détenus afin de réduire la stigmatisation. C'est là une autre tâche qui nous incombe. Ces agents doivent faire partie de l'équipe et pour y arriver, ils doivent comprendre que les problèmes de comportement ne sont pas toujours liés à la criminalité mais souvent plutôt à des troubles mentaux. Voilà pourquoi une bonne gestion et une bonne sensibilisation sont nécessaires.

C'est une tâche de tous les instants et elle est indissociable de notre nouvelle orientation. Je m'arrête ici car je sais que nous disposons de peu de temps, mais nous nous penchons sur tous ces aspects et notamment sur la sécurité et le recours à la force dans le cas des délinquants souffrant de troubles mentaux.

Le sénateur Cook : L'infirmière ou l'infirmier praticien peut-il jouer un rôle au sein de votre système? Moi, je viens de Terre-Neuve; dans la région de l'Atlantique, les délinquants sont parfois réintégrés à la société comme il se doit. Leur peine est déterminée par la possibilité pour eux de purger leur peine pour un délit mineur dans la province ou sur le continent. Souvent, les juges infligent une peine en conséquence. On a le choix d'incarcérer le délinquant pour une période déterminée ou de l'envoyer là où la réinsertion sociale sera possible. C'est tout un défi dans un pays diversifié comme le nôtre. Cela peut être très angoissant pour le détenu et pour sa famille qui ne peut lui rendre visite. Ces délinquants se trouvent alors éloignés de tout ce qui leur est familier.

M. Bettman : J'aimerais souligner une autre tâche à accomplir. Nous n'avons pas toujours, dans la collectivité, ce qu'il faut pour bien réintégrer les délinquants. Notre principal obstacle reste, dans une grande mesure, l'ostracisme. Ces délinquants font partie de notre collectivité mais les gens refusent d'accepter ce fait. Ils veulent les isoler non seulement quand ils sont en prison mais aussi quand ils sont dans les collectivités; ils affirment que le traitement des maladies mentales relève du gouvernement et non pas de la ville et, par conséquent, nous sommes souvent laissés à nous-mêmes quand nous tentons de répondre aux besoins de ces délinquants.

Le sénateur Cook : Les professionnels de la santé se font rares dans ma région.

[Français]

Le sénateur Pépin : Ma question concerne l'immigration. L'accueil des familles immigrantes est un élément important. Ces familles ont choisi le Canada et il faut honorer ce choix. Toutefois, plusieurs familles immigrantes nous ont indiqué qu'il existe un manque de services à l'accueil.

Lorsque vous gardez ces familles sous votre tutelle pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois et que vous constatez qu'un enfant ou une personne souffre de déficiences intellectuelles, quels sont les services que vous pouvez leur offrir? Plus particulièrement, lorsque vous libérez ces familles et qu'elles vont d'une ville à l'autre pour s'installer, est-ce qu'on s'assure qu'une personne souffrant de troubles mentaux pourra jouir de services appropriés dans sa communauté?

Bien que plusieurs de ces gens suivent des cours de langue, ils ne sont pas nécessairement capables de communiquer. La situation peut être délicate pour une personne souffrante si elle ne peut communiquer.

Vous avez parlé d'un programme linguistique. Cependant, on nous a dit que dans la majorité des villes il n'existe pas de programme linguistique pour les immigrants. Par conséquent, j'aimerais savoir si vous êtes en mesure de leur faciliter la tâche, soit en leur donnant le nom d'un endroit qui pourrait les accueillir ou le nom d'un médecin. Pour ce qui est de la langue, c'est un problème auquel nous n'avons toujours pas trouvé de solution.

Dre Martin : Il existe des programmes linguistiques qui ont quand même certains critères d'éligibilité.

Le sénateur Pépin : Je sais qu'il existe des programmes linguistiques. Toutefois, si une personne s'installe dans une ville et soudainement tombe malade, plusieurs nous disent avoir beaucoup de difficulté à communiquer. Dans un tel cas, aucun service ne leur est offert.

Dre Martin : Différents type d'immigrants ont différents besoins. Certains immigrants arrivent en classe économique, d'autres ont un statut de réfugié ou demandent asile. Les personnes réfugiées ou qui demandent asile ont parfois des besoins différents que les gens qui arrivent en classe économique.

Nombre de nos programmes de rétablissement ou d'intégration vont viser cette population. Bien entendu, certains services sont offerts à une population autre que celle des réfugiés. Notre rôle est de faciliter l'accès à des services existants au niveau des provinces. Nous n'offrons pas de services spécifiques. Nous ne sommes qu'un lien qui facilite l'accès en donnant, par exemple, l'information sur ce qui existe dans les régions.

Les réfugiés parrainés par le gouvernement ont des besoins spéciaux. Ils ont souvent des parrains privés qui recevront de l'information sur leurs besoins spéciaux. Les parrains privés faciliteront, encore une fois, l'intégration à notre société canadienne et faciliteront l'accès aux services que requièrent ces nouveaux immigrants.

Nous travaillons avec différents groupes et organisations. Les gens ont la liberté de s'installer où ils désirent au Canada. Il existe donc plusieurs facteurs à considérer lorsqu'il est question d'offrir des services.

Le sénateur Pépin : En général, lorsque le service d'immigration se trouve devant une famille ayant un enfant qui souffre d'autisme, il a alors beaucoup de réticence à accepter cette famille. Toutefois, si on découvre, une fois cette famille installée au Canada, que certaines personnes souffrent de dépression ou ont besoin de services, il est souvent difficile pour ces gens de trouver un centre où on offre des services dans leur langue.

Dr Martin : C'est pourquoi nous avons une initiative conjointe avec l'Agence de santé publique. Notre document intitulé Migration Health Task Force souligne l'importance de former des professionnels de la santé en fonction de la nouvelle société canadienne qui est une société multiculturelle avec des besoins différents. Ce sont là quelques-uns des défis que nous devons relever en matière d'immigration au Canada. Nous sommes bien conscients de ces besoins et nous les avons soulignés à travers ce groupe de travail.

[Traduction]

Le sénateur Callbeck : Docteure Bouchard, j'aimerais revenir à cet examen que vous avez mené. Avez-vous examiné la contribution des groupes bénévoles ou le rôle qu'ils jouent dans les services correctionnels? Je vous pose cette question parce que j'ai reçu récemment une lettre d'un groupe de bénévoles travaillant au pénitencier de Springhill qui offre de nombreux services aux détenus et à leurs familles autant à l'intérieur de l'établissement qu'à l'extérieur.

De plus, le sénateur Cook a fait allusion un peu plus tôt au fait que des détenus de Terre-Neuve ne reçoivent pas de visite des membres de leurs familles car ceux-ci n'ont pas les moyens d'aller les voir à moins de connaître quelqu'un chez qui loger. C'est justement l'un des services que ce groupe de bénévoles offre. Il reçoit 22 000 $ du gouvernement. C'est incroyable ce que font ces bénévoles, les collectes de fonds, les heures qu'ils consacrent à leur travail, et je me demande si vous avez évalué ce travail. Dans l'affirmative, j'aimerais connaître vos conclusions car je crois savoir qu'il y a deux ans, le gouvernement a réduit les sommes qu'il verse à ce groupe.

Mme Bouchard : Dans notre évaluation des services de santé mentale, nous n'avons pas examiné la contribution des organismes bénévoles ou ONG; je n'ai donc pas d'information à vous donner là-dessus. Toutefois, je peux certainement étudier ce que nous offrons à ces groupes.

Dans le cadre de notre stratégie de réinsertion sociale, nous examinerons certainement comment nous pouvons faciliter la libération des détenus dans la collectivité et quel genre d'interventions ou de liens doivent être faits. Nous nous intéresserons probablement davantage à cette question dans ce contexte-là.

Le sénateur Callbeck : Pour avoir vu le résultat du travail de ce groupe, je peux vous dire que ces 22 000 $ provenant des coffres de l'État n'auraient pu être mieux dépensés. Ces bénévoles sont tout simplement incroyables.

M. Bettman : Nous avons la très grande chance d'avoir un peu partout au pays un nombre de bénévoles qui travaillent pour le Service correctionnel du Canada. Ils sont un des piliers de notre système, ces groupes de bénévoles et organismes non gouvernementaux qui défendent la cause des délinquants et qui travaillent en étroite collaboration avec nous dans toutes sortes de domaines, que ce soit les loisirs, les activités récréatives ou la prestation de programmes. Encore une fois, les délinquants souffrant de troubles mentaux pourraient grandement profiter des efforts des bénévoles, mais ce ne serait pas au niveau des interventions primaires en santé mentale. Mais il est certain qu'ils offrent un soutien important et j'estime que nous jouissons déjà de ce soutien.

Pour ce qui est du financement des bénévoles, je suis étonné d'apprendre qu'il a été réduit. Ces dernières années, nous avons déployés de grands efforts pour recruter davantage de bénévoles et avons rehaussé notre capacité par le biais de mémoires au Cabinet sur une approche correctionnelle judicieuse. Peut-être qu'il y a eu des compressions dans certains domaines et que d'autres ont vu leur financement augmenter mais dans l'ensemble, le financement du bénévolat dans les affaires correctionnelles a connu une croissance considérable ces dernières années.

Le sénateur Callbeck : Étant donné que nous avons peu de temps, peut-être devrais-je vous parler de cette situation particulière après la réunion.

Le président : Nous tenterons d'obtenir des données. Merci à tous d'être venus. Le retard que nous accusons témoigne du grand intérêt que nous portons à vos travaux.

Monsieur Charko, j'ai une question pour vous. Vous avez parlé du pourcentage de personnes en invalidité prolongée, surtout pour cause de dépression ou de stress, et j'aimerais avoir la ventilation par sexe. J'ai l'impression que ce groupe comprend beaucoup plus de femmes, tout simplement parce qu'elles tentent de remplir deux fonctions, l'une à la maison et l'autre au travail. Ce n'est que conjecture de ma part, mais si j'ai raison, j'aimerais bien avoir ces données.

M. Charko : Je vous les ferai parvenir.

Le président : Merci d'être venu. Nous recommuniquerons avec vous personnellement.

Puis-je demander aux témoins suivants de prendre place et d'accepter mes excuses pour ce retard, qui est plus qu'un léger retard. Je me suis aperçu que vous êtes là depuis quelque temps déjà et vous pouvez donc comprendre que cette question nous intéresse beaucoup. Vous m'avez sans doute entendu dire au début que nous devons lever la séance à 18 heures, ce qui pourrait signifier que nous vous réinviterons.

Puisque vous nous avez remis vos exposés, et que nous voulons avoir suffisamment de temps pour les questions, je vais vous demander de présenter simplement les points saillants. Je donne d'abord la parole au brigadier-général Jaeger, conseiller médical des Forces canadiennes. Merci beaucoup d'être venu.

Le brigadier-général Hilary F. Jaeger, conseillère médicale, Défense nationale : Puisque c'est ma première comparution devant vous, j'aurai beaucoup de choses à dire. Je vais essayer de résumer les points saillants, au fur et à mesure. Je suis accompagnée aujourd'hui par le colonel Randy Boddam, qui est le principal gestionnaire des Forces canadiennes en matière de psychiatrie et de santé mentale, qui pourra vous parler des « comment » alors que je vous parlerai des « quoi ».

Les sénateurs s'en rendent probablement compte, mais je tiens à rappeler que les Forces canadiennes forment un groupe distinct de Canadiens, de bien des façons. Ce qui est particulièrement d'intérêt pour le comité, c'est le fait que le gouvernement fédéral a la responsabilité de tous les aspects des soins de santé des membres de la force régulière, de leur recrutement à leur retraite, et aussi pour les réservistes qui y ont droit. Cela comprend aussi les soins de santé mentale. Pour en connaître l'origine, vous pouvez vous adresser à des constitutionnalistes et remonter très loin, mais cela nous donne un certain contrôle que n'ont pas d'autres administrations, sur l'ensemble des soins de santé.

Nous croyons à un point de vue très holistique en matière de santé mentale. Nous estimons qu'il s'agit de l'élément de la santé qui se rapporte aux questions cognitives, émotionnelles, organisationnelles et spirituelles et que la santé mentale est bien plus que la simple absence de maladie psychiatrique. Nos normes sont donc assez élevées.

Vous savez peut-être que nous avons récemment eu la chance, aux Forces canadiennes, de procéder à un renouvellement systématique en matière de santé mentale. Dans ce cadre, nous mettons en place un modèle de soins de santé mentale qui tient compte de tous ces facteurs et pour lesquels je pourrai vous donner plus tard davantage de détails.

Avant de concevoir ce modèle et d'essayer de le mettre en œuvre, il nous fallait savoir quelle était l'ampleur des troubles mentaux parmi les membres de la force régulière et de la réserve. Nous avons collaboré avec Statistique Canada à la mise au point d'un supplément de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, destiné particulièrement aux Forces canadiennes : la version 1.2. Je pense que vous avez beaucoup entendu parler de cette enquête, qui portait sur la prévalence de certaines maladies mentales, sur les perceptions de bien-être et l'utilisation des services par les Canadiens, et aussi, en même temps, dans le cadre du supplément, par les membres des Forces canadiennes. Nous avions ainsi un bon point de comparaison.

J'aimerais vous faire part des points saillants de ces statistiques. On peut difficilement penser à la maladie mentale au sein des Forces canadiennes sans songer immédiatement au syndrome de stress post-traumatique. Vous serez donc étonnés d'apprendre que cette maladie n'est pas l'une des trois maladies mentales les plus prévalentes au sein de la population des Forces canadiennes. La principale cause de souffrance psychologique, c'est la dépression, qui atteignait 7,6 p. 100 pour l'année précédant l'enquête. La consommation excessive d'alcool ou la dépendance de type alcoolique atteignait 4 p. 100, et la phobie sociale, 3,6 p. 100. Le SSPT représente 2,2 p. 100 des cas et le trouble panique, 2,2 p. 100. Tous ces chiffres se rapportent à la force régulière qui, en général, a une incidence plus élevée de maladies mentales que la réserve.

Ainsi, au total, la prévalence de maladies mentales rapportée dans la force régulière est annuellement d'environ 15 p. 100, par rapport à 13 p. 100 pour la réserve. Ces chiffres, qui nous donnent une bonne idée de la souffrance psychologique, ne comprennent pas les troubles de la personnalité et les troubles d'adaptation, qui sont aussi sources de détresse.

Bien que la prévalence de ces maladies soit à peu près la même que pour la population civile, il y avait d'importantes exceptions. La prévalence de la dépression dans l'année précédant l'enquête était plus élevée de 80 p. 100 que celle de la population en général. Vous l'aurez récemment entendu dans les médias. De même, la prévalence à vie, toutes les étapes de la vie confondues, était de 60 p. 100 supérieure. L'enquête ne peut pas nous dire les raisons de cette prévalence élevée mais nous donne des données précieuses pour adapter nos interventions.

Au sujet du SSPT, il était difficile de comparer nos données avec celles des civils, puisque Statistique Canada n'a pas jugé bon de mesurer la prévalence du SSPT au sein de la population civile, dans cette enquête. Heureusement, une étude menée par le groupe d'étude des troubles anxieux de l'Université McMaster a constaté que la prévalence pendant la vie civile était, compte tenu de l'erreur expérimentale, la même que pour les membres de la force régulière.

Ces chiffres sur la prévalence ne nous présentent qu'un aspect de la question, lorsqu'il s'agit de comprendre les problèmes posés par la maladie mentale. En effet, la maladie mentale peut causer la libération d'un membre des Forces canadiennes et les incapacités associées aux diverses formes de maladie mentale peuvent causer des pertes de temps de travail ou l'imposition de restrictions dans le cadre du travail. Nous sommes avantagés du fait que nous pouvons adapter le travail de nos membres dans une mesure qui ne peut être envisagée ailleurs. Nous pouvons organiser du travail à mi-temps, réaffecter une personne à un travail moins stressant ou à un travail moins exigeant physiquement. Cela mis à part, environ 42 p. 100 de tous les congés de maladie, c'est-à-dire les congés qui sont pris pour des raisons médicales, ont été pris pour des raisons de santé mentale, et c'est la principale cause des absences prolongées.

La libération pour raisons médicales et les restrictions de travail sont des questions plus graves. Environ 2 300 de nos membres font l'objet d'un examen visant à déterminer leur capacité de demeurer au service des Forces canadiennes. Environ 23 p. 100 de ces dossiers, chaque année, sont attribuables à la maladie mentale et ce n'est peut-être pas étonnant. Ces personnes sont beaucoup plus exposées que les autres à une libération des Forces canadiennes. Quarante-deux pour cent des libérations pour raisons médicales sont associées à un diagnostic principal de maladie mentale.

Qu'est-ce qui a été fait et qu'est-ce qui se fait aujourd'hui pour répondre aux besoins de nos membres? Dans le cadre de notre projet de renouvellement des soins de santé en général, appelé RX 2000, le col Beaudoin a dirigé l'initiative en matière de santé mentale. À partir des données que j'ai citées sur l'ampleur et la portée de la santé mentale dans les Forces canadiennes, on a entrepris une analyse des options, et après obtention d'une approbation ministérielle, on s'est lancé dans la mise en oeuvre d'un projet qui doublera environ le nombre de praticiens en santé mentale auxquels auront accès partout au pays les membres des Forces canadiennes. Ces praticiens feront partie d'équipes multidisciplinaires comprenant des psychiatres, des psychologues cliniciens, des infirmières et infirmiers spécialisés en santé mentale, des travailleurs sociaux, des conseillers en toxicomanie et des aumôniers, qui partageront la responsabilité des soins avec les responsables des soins primaires et optimiseront les services de prévention en travaillant étroitement avec les responsables des programmes de prévention en santé. Grâce à ce travail d'équipe, nous espérons réduire ou éliminer les préoccupations soulevées par les membres des Forces canadiennes, selon lesquels on ne répondait pas bien à leurs besoins, et exprimées dans le cadre de l'enquête de Statistique Canada.

Nous avons mis au point des solutions normalisées à l'évaluation et au traitement des principales maladies mentales et des efforts sont actuellement déployés pour veiller à ce que tout notre personnel soit bien au fait des méthodes de traitement à privilégier. La nouvelle initiative vise en outre le perfectionnement des évaluations psychosociales associées aux déploiements, afin de permettre des interventions plus précoces, l'amélioration de nos services de communication et d'éducation, le suivi et la poursuite de recherches, l'amélioration de nos pratiques et la mesure des résultats. Des sommes nouvelles et substantielles ont été engagées pour l'amélioration des soins de santé mentale au sein des Forces canadiennes, soit 98 millions de dollars sur six ans.

Pour élaborer le système de prestation des soins dont je viens de parler, il faut une injection considérable de personnel. Comme je l'ai dit, il faudrait doubler les effectifs. Si l'on a obtenu le financement, il reste encore à trouver les personnels formés qui combleront les postes. C'est un problème de taille car nous devons recruter des professionnels dans le secteur civil, et nous savons qu'il y a une pénurie générale de professionnels de la santé.

Autre grand problème auquel nous sommes confrontés : notre dépendance à l'égard du système de santé civil quand des malades gravement atteints exigent des soins actifs. Le nombre de lits disponibles dans les ailes psychiatriques est limité. Nous ne disposons pas de telles installations et nous ne pouvons pas toujours y accéder rapidement. Cela nous préoccupe tout particulièrement car de par la nature de leur carrière, les militaires se déplacent fréquemment de sorte que les réseaux d'appui que constituent la famille éloignée et les amis de longue date sont moins susceptibles de venir en aide à un militaire en détresse psychologique.

Le problème peut être atténué jusqu'à un certain point dans la mesure où la chaîne de commandement en est consciente et où l'on peut compter sur les efforts des centres militaires en ressources familiales. Néanmoins, cela ne suffit pas. Les militaires réformés des Forces canadiennes font face à un autre défi : ils doivent faire la transition et recourir aux professionnels de la santé du secteur civil. Il leur est parfois impossible de trouver des places. Même trouver un médecin de famille peut se révéler difficile et c'est un problème particulièrement grave quand un militaire est réformé pour des raisons médicales à cause de troubles mentaux qui exigent un suivi régulier.

Notre relation avec Anciens Combattants Canada est essentielle si nous voulons répondre aux besoins de nos patients souffrant de traumatismes liés au stress opérationnel. Ces dernières années, la coopération s'est intensifiée. Je pense que vous connaissez tous les activités du Centre des soins et d'appui aux blessés, géré conjointement par le MDN et les Forces canadiennes. Il existe désormais un comité de direction pour la santé mentale dont les coprésidents se réunissent régulièrement. Nous sommes en train d'élaborer des protocoles communs pour l'évaluation et le traitement et en vertu d'un protocole d'entente, il y a désormais un accès réciproque limité à certains services. Nous envisageons d'intégrer davantage nos services à l'intention de nos clients mutuels et vendredi dernier, nous nous sommes entendus sur une initiative interministérielle qui nous aidera dans ce travail.

Les membres des Forces canadiennes qui souffrent d'un traumatisme lié au stress opérationnel, comme le SSPT, veulent pouvoir continuer d'être soignés par le professionnel ou l'équipe de professionnels avec lesquels ils ont tissé des liens, même s'ils ont quitté le service actif. Il s'agit de donner aux membres des Forces canadiennes l'accès aux ressources de ACC quand c'est logique, et vice versa. À plus ou moins longue échéance, nous souhaitons panacher ces services. C'est un exemple des questions que le projet conjoint permettra de résoudre. Nous avons espoir que de grands progrès peuvent être réalisés.

Les Forces canadiennes savent bien qu'une intégration plus intense avec ACC, aussi positive que puisse être cette évolution, ne comblera pas la pénurie de professionnels de la santé mentale pour tous nos patients. Seuls ceux dont l'incapacité correspond aux critères d'admissibilité d'ACC seront retenus.

En résumé, la maladie mentale cause de grandes souffrances et de grosses pertes de productivité au sein des Forces canadiennes. Notre service de santé a consacré beaucoup d'effort à la recherche d'une solution à ce problème et le ministère y engage des ressources supplémentaires considérables. À l'avenir, nous aurons à faire face à des problèmes bien réels et pratiques mais nous sommes optimistes. Nous pensons être dans la bonne voie grâce aux améliorations que nous prévoyons d'apporter.

Le président: Merci, général Jaeger.

Sénateurs, notre prochain témoin est M. Brian Ferguson.

M. Brian Ferguson, sous-ministre adjoint, Direction des services aux anciens combattants, Anciens Combattants Canada: Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir accordé la possibilité de comparaître devant le comité aujourd'hui.

[Français]

Le moment est bien choisi pour nous car Anciens Combattants Canada s'emploie actuellement à améliorer les services fournis aux membres des Forces canadiennes et aux anciens combattants souffrant de traumatismes liés au stress opérationnel.

[Traduction]

Tout d'abord, je voudrais vous parler des changements que nous apportons aux cadres législatifs et réglementaires actuels, c'est-à-dire la Loi sur les pensions et le Règlement sur les soins de santé pour anciens combattants, après quoi je vous présenterai un aperçu des activités entreprises afin de mieux répondre aux besoins particuliers des anciens combattants canadiens.

En vertu du Règlement sur les soins de santé pour anciens combattants, si un besoin est lié à une affection ouvrant droit à pension, ACC paiera pour les traitements. Pour les anciens combattants se qualifiant, ACC paiera pour les traitements n'ouvrant pas droit à pension, si le service n'est pas assuré aux termes des régimes provinciaux de soins de santé. Exception faite des services fournis à notre hôpital de Sainte-Anne, tous les services de santé qu'ACC fournit à ses clients sont offerts par les autorités provinciales, des organismes non gouvernementaux et des fournisseurs autorisés du secteur privé. Notre réseau de bureaux dans les districts et les régions nous permet de rester en contact avec les gouvernements provinciaux.

À notre connaissance, Anciens Combattants Canada et le MDN sont les seuls ministères fédéraux chargés du dossier de la santé mentale chez les anciens combattants et les militaires encore en service au Canada. Cependant, nous entretenons tous deux des rapports fructueux avec Santé Canada, qui offre un service d'aide téléphonique aux anciens combattants et à leurs proches en détresse qui ont besoin de counselling.

Je sais que votre comité a préparé trois rapports provisoires. Nous avons pris connaissance de ces documents qui fournissent des preuves éloquentes de l'état de choses au Canada et nous nous réjouissons à la perspective de lire votre rapport final et vos recommandations plus tard cette année. Nous partageons les inquiétudes que vous avez soulevées dans votre rapport.

À titre d'information, ACC verse des pensions d'invalidité et fournit des soins de santé à un peu plus de 209 000 clients, dont 18 p. 100 sont des membres actifs ou retraités des Forces canadiennes. Notre clientèle a augmenté de 58 p. 100 dans les trois dernières années et nous prévoyons compter plus de 58 000 clients des Forces canadiennes d'ici 2013.

Inutile de vous parler des préoccupations suscitées par l'augmentation du nombre de victimes du syndrome de stress post-traumatique, SSPT, parmi nos clients. Nous versons une pension à plus de 8 000 clients atteints d'affections liées à la santé mentale. Plus de la moitié d'entre eux souffrent du SSPT et chaque année, la maladie fait de plus en plus de victimes chez nos jeunes militaires.

Compte tenu du temps mis à notre disposition pour vous présenter cet exposé, nous avons préparé un diaporama que vous pourrez regarder et examiner à votre guise. Vous y trouverez des renseignements statistiques, l'essentiel de ce qui existe, tel que votre greffière nous en avait fait la demande.

À mesure que se multiplient les victimes du syndrome qui obtiennent une pension d'invalidité, notre personnel et celui du MDN doivent accroître les efforts qu'ils déploient pour répondre aux besoins complexes de cette nouvelle clientèle. Permettez-moi de vous présenter brièvement une situation qui illustre bien les besoins actuels de certains de nos clients. Mon propos va recouper ce qui a été dit tout à l'heure.

Il s'agit du cas d'un ancien combattant de 40 ans qui touche une pension établie à 80 p. 100. Ce client souffre du syndrome de stress post-traumatique par suite de son service dans une zone de service spécial et il a des tendances suicidaires. Sa femme et ses enfants l'ont quitté parce qu'ils craignaient pour leur propre sécurité. Après son congé de l'hôpital, ses appels au secours sont restés sans réponse, les organismes locaux n'ayant pas les ressources nécessaires pour lui venir en aide en cette période difficile, ce qui n'est pas inusité. Il a appelé le service d'aide d'ACC et a parlé à un conseiller de secteur qui s'est mis en rapport avec le bureau de district compétent pour explorer les possibilités d'aide à sa disposition. Au départ, nous avions conclu une entente avec nos partenaires des États-Unis pour que le client y reçoive des traitements mais il s'est ensuite présenté une possibilité d'aide à l'échelle locale. En effet, grâce à nos partenariats avec le MDN et les praticiens locaux, le Centre de soutien pour trauma et stress opérationnels du MDN de la région a pu lui dispenser des traitements. Par la suite, le bureau local de district d'ACC prendra son cas en charge et maintiendra le contact avec les cliniciens.

Nos efforts ont été couronnés de succès dans ce cas-ci. Toutefois, la situation de cet ancien militaire montre bien la nécessité d'accroître immédiatement l'accessibilité des soins de santé mentale et de mettre en place un régime de traitement complet, conséquent et intégré, dispensé selon les normes d'excellence les plus élevées qui soient. À l'heure actuelle, comme il est difficile pour ACC, sans parler du MDN et de la population du Canada, de mettre la main sur des services d'aide psychiatrique, nous dépensons nos énergies sur l'intervention précoce en vue de détecter les problèmes au tout début et ainsi éviter que ne surviennent des situations graves. De plus, nos professionnels de la santé dans les bureaux de district peuvent non seulement intervenir au nom des clients et les aider à recevoir les soins qu'il faut, mais ils peuvent suivre de près leur progrès après un épisode critique.

Nous avons déjà accompli beaucoup et nous comptons certes poursuivre sur notre lancée. J'aimerais vous citer quelques exemples de nos réalisations. Comme je vous l'ai expliqué, nous avons mis en place un service d'aide téléphonique en partenariat avec le MDN et Santé Canada. Comme vous venez de l'entendre, le MDN et ACC ont créé à Ottawa un centre de soins pour les militaires blessés et libérés, les anciens combattants et leurs proches, où ils peuvent obtenir de l'aide plus rapidement. Il leur suffit de composer un numéro 1-800.

ACC et le MDN ont affecté des agents de traitement de cas dans les principales bases du pays afin de cerner de façon précoce les besoins des clients qui quittent la vie militaire, notamment dans les cas où ils souffrent d'une invalidité. ACC s'emploie actuellement à créer un réseau pancanadien de cliniques pour le traitement des traumatismes liés au stress opérationnel et c'est le centre de Sainte-Anne qui le dirige. Les trois cliniques, en plus de celle de l'Hôpital Sainte- Anne, ont ouvert leurs portes l'an dernier et les résultats sont bons, à London en Ontario, à Winnipeg au Manitoba, et à Québec. Ces cliniques s'inscrivent dans une stratégie conjointe pour le traitement des troubles de santé mentale qu'avaient annoncée en 2002 les ministres des Anciens Combattants et de la Défense. Elles sont affiliées aux cinq centres de soutien pour trauma et stress opérationnels du MDN et l'objectif consiste à fournir sans aucune interruption des traitements et des soins de qualité et conséquents aux militaires encore en poste et à ceux qui ont été libérés.

Notre stratégie pour le traitement des troubles de santé mentale compte également diverses autres composantes dont des forums éducatifs et de l'apprentissage continu. Nous savons que nous devons continuellement former notre personnel et le tenir au courant des changements apportés aux services et aux programmes pour répondre aux besoins d'une clientèle en constante évolution. D'ailleurs, notre stratégie en matière de santé mentale repose en partie sur cet objectif — renforcer les capacités des dispensateurs de soins de santé qui se spécialisent dans le syndrome de stress post- traumatique et les autres traumatismes liés au stress opérationnel. Et c'est ce que nous avons fait aussi bien dans la structure militaire que dans la communauté médicale civile.

En outre, ACC a appuyé activement la création par le MDN d'un programme de soutien social par les pairs aux victimes de stress opérationnel. Ce programme d'entraide pancanadien fonctionne grâce à la participation de membres et d'anciens combattants des Forces canadiennes qui ont eux-mêmes souffert de traumatismes liés au stress opérationnel et qui veulent aider leurs collègues à guérir. À l'échelle du pays, le MDN peut actuellement compter sur les services de 13 coordonnateurs de soutien qui, jusqu'à présent, sont venus en aide à plus de 1 400 clients. Ce réseau fait appel à un grand nombre de bénévoles et nous avons des brochures, que nous ferons distribuer aux membres du comité, pour leur montrer certains aspects du travail des bénévoles qui viennent en aide aux coordonnateurs de soutien. Nous menons des recherches sur les traumatismes liés au stress opérationnel et nous entretenons d'excellents liens de coopération avec le MDN et d'autres intervenants dans ce domaine.

Pour ce qui est de la télésanté mentale, ACC travaille avec l'école de médecine de l'Université Memorial, à Terre- Neuve, afin d'élargir les services actuels de télémédecine et de les offrir aux clients d'ACC en commençant par des fournisseurs locaux à Terre-Neuve-et-Labrador. Après l'expérience de Terre-Neuve, nous saurons mieux comment offrir des services de télésanté mentale dans d'autres régions.

Nos partenariats dans ce dossier s'étendent bien au-delà des frontières canadiennes. En effet, nous travaillons aussi avec nos partenaires des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie dans le cadre d'un forum international des cadres supérieurs afin d'instituer des protocoles internationaux pour la prévention, l'évaluation, le traitement et le suivi des traumatismes liés au stress opérationnel. De plus, nous avons entrepris un projet de collaboration en éducation avec le département responsable des anciens combattants aux États-Unis et nous avons conclu une entente contractuelle visant à étoffer la trousse éducative de l'Organisation mondiale de la santé afin d'y intégrer un module sur le syndrome de stress post-traumatique.

J'ai longuement parlé de tout le travail que nous avons accompli en vue de répondre aux besoins en santé mentale de nos clients. Mais nous savons que nous avons encore beaucoup à faire. Nous sommes résolus à accroître l'accessibilité des traitements pour nos clients, à assurer une meilleure continuité des soins, à améliorer nos services de gestion de cas et à approfondir les connaissances de nos dispensateurs de services, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du ministère. Notre collaboration avec le MDN, comme Hilary Jaeger l'a mentionné, et les autorités provinciales nous permettra, nous l'espérons, de mettre en place un réseau intégré de soutien aux anciens combattants victimes des traumatismes liés au stress opérationnel. Pour ce faire, nous comptons mettre en commun nos ressources et instaurer des protocoles de diagnostic et de traitement normalisés auxquels seront astreints tous les praticiens concernés. Pour les anciens combattants, la santé mentale est la clé de voûte d'une transition réussie vers la vie civile.

Dans le texte de mon exposé que j'ai déposé, vous trouverez des détails concernant les services que nous offrons à la GRC mais pour gagner du temps, madame la présidente, si vous le voulez bien, je ne les lirai pas et je vais conclure maintenant. Merci de m'avoir invité aujourd'hui.

[Français]

Le sénateur Pépin : Je voudrais vous dire tout le grand respect que j'ai pour les Forces canadiennes. Je travaille depuis quatre ou cinq ans avec des groupes de familles de militaires. Je sais l'excellent travail que vous accomplissez.

Vous avez mentionné certains articles de journaux et on les regarde également. On a spécifié qu'il est important, pour les maladies mentales, de pouvoir demander de l'aide au début, lorsque la maladie se manifeste. Évidemment, quelques fois on a l'impression que la maladie mentale est un peu tabou chez les militaires, on ne doit pas trop toucher à cela. La perception que l'on a est que les militaires ne vont pas demander de l'aide par peur de perdre leur travail. Ils ont peur pour leur carrière. Ce qu'on lit dans les journaux donne la même impression.

Il y a eu un changement de culture vis-à-vis de cette maladie. Vous nous avez donné des pourcentages de personnes souffrant de stress; pour un militaire qui a été traité et qui se rétablit, peut-il revenir? Si je comprends bien, la majorité va quitter le service. Peuvent-ils revenir dans l'armée et continuer leur carrière? Cela serait important.

Dans les documents que vous nous avez distribués — je vous remercie car ceux-ci sont bilingues — on dit que 15 p. 100 des clients issue des Forces canadiennes ne touchent pas de pension d'invalidité liée à des troubles psychiatriques et signalent des symptômes correspondants; et 10 p. 100 de plus montrent des symptômes.

S'ils ne touchent pas de pension d'invalidité, combien d'années de services cela prend-il pour avoir droit à certaines assurances, pension d'invalidité ou autre?

Vous nous avez dit que vous faites affaire également avec les l'association des vétérans aux États-Unis; qui s'occupe d'eux? Peuvent-ils regagner leur emploi? Qu'arrive-t-il aux personnes qui quittent leur emploi et n'ont pas droit à une pension d'invalidité? Combien d'années cela prend-il pour avoir droit à une pension d'invalidité?

[Traduction]

Le bgén Jaeger : Je vais essayer de répondre à vos questions de façon organisée. Si j'ai donné l'impression que la plupart des militaires qui ont des troubles mentaux sont libérés, ce n'est pas ce que je souhaitais.

Le sénateur Pépin : C'est ce que disent les médias.

Le bgén Jaeger : Ce n'est pas le cas. La vaste majorité des gens qui souffrent de troubles mentaux reçoivent un traitement approprié et réintègrent leurs fonctions. Personne ne s'en aperçoit. Nous aimerions bien que quelqu'un se lève et affirme : « Cela m'est arrivé. » Il y a le général Dallaire, qui est un porte-parole éloquent pour ceux qui souffrent de traumatisme lié au stress opérationnel, mais il a dû prendre sa retraite des forces armées. Toutefois, nous aimerions bien compter sur quelqu'un qui exemplifie l'envers de la médaille. Pour des raisons de confidentialité, on ne peut forcer personne à le faire. On ne peut que demander des volontaires.

Pour ce qui est du droit à la pension, si vous êtes libéré des Forces canadiennes pour raisons médicales après 10 ans de service, vous avez droit immédiatement à une rente suivant le nombre d'années de service, à savoir 2 p. 100 pour chaque année de service. Si vous êtes libéré après 16 ans de service, votre pension est de 32 p.100 indexée suivant le taux d'inflation. Vous avez droit au régime d'assurance-revenu militaire, le RARM, qui bonifie cela à hauteur de 75 p. 100 de votre salaire, mais il faut satisfaire à un certain critère, à savoir l'incapacité générale. C'est assez exigeant.

Si l'on arrive à démontrer au ministère des Anciens combattants que l'incapacité est attribuable au service militaire ou a été aggravée par le service militaire, les administrateurs accueillent favorablement une telle requête et l'intéressé devient admissible à une pension correspondant au pourcentage de son incapacité. Cela répond-il à votre question?

Le sénateur Pépin : De plus en plus, on constate que les militaires sont jeunes.

Le bgén Jaeger : Ils ne sont pas aussi jeunes qu'ils l'étaient auparavant.

Le sénateur Pépin : Je connais des cas de jeunes de 19 et 20 ans qui, revenant de mission, souffrent de stress.

M. Ferguson : Vous avez soulevé un point important du point de vue du ministère des Anciens Combattants. Vous avez cité notre brochure qui signale que 15 p. 100 des clients des Forces canadiennes sans pension psychiatrique exhibaient des symptômes correspondant au SSPT. Cette brochure est parue après une enquête que nous avons menée auprès des membres des Forces canadiennes et des ex-membres des FC et nous avons découvert que 15 p. 100 d'entre eux avaient les symptômes du syndrome de stress post-traumatique mais n'avaient jamais demandé une pension. Cela devrait donc faire taire ceux qui disent qu'on se sert de ce trouble pour obtenir une pension. Au moins 15 p. 100 d'entre eux n'en ont jamais fait la demande.

Le fait que bien des militaires aient besoin d'aide pour faire la transition vers la vie civile a été le sujet d'une étude majeure menée par le Comité consultatif des anciens combattants et des Forces canadiennes. À la suite du rapport, les deux ministres alors en poste, le ministre des Anciens Combattants et le ministre de la Défense nationale, ont affirmé qu'ils retenaient les recommandations et qu'ils essaieraient d'instaurer un programme amélioré de réinsertion et nous procédons actuellement aux consultations en vue de le réaliser. Je recommande aux membres du comité la lecture de ce rapport parce qu'il touche à toute la question de la santé mentale, à la notion qu'une bonne santé mentale est capitale pour la réinsertion, et qu'un bon programme de réinsertion est important pour la santé mentale.

Le sénateur Cook : Je voudrais vous poser deux questions. L'une s'adresse à M. Ferguson. Le ministère dispose-t-il d'un programme précis pour couvrir les troubles mentaux et la toxicomanie que les régimes provinciaux ou territoriaux de soins de santé ne couvrent pas? Comment répondez-vous aux besoins de votre population vieillissante?

Brigadier-général Jaeger, voici ma question : y a-t-il une raison particulière qui explique que les membres des Forces canadiennes soient précisément exclus des dispositions de la Loi canadienne sur la santé? Le Programme de santé des Forces canadiennes s'appuie-t-il sur des dispositions législatives spéciales? En dernier lieu, avez-vous des politiques précises en ce qui concerne les services de santé mentale et le traitement de la toxicomanie chez les militaires ou demandez-vous à vos patients de s'adresser aux services qui existent dans la communauté en général?

Le sénateur Cochrane : Quel pourcentage des militaires auraient de tels problèmes de santé mentale? Ensuite, quel pourcentage de ceux qui ont des problèmes de santé mentale ont été traités pour ce problème — combien d'entre eux sont retournés au travail et travaillaient de façon normale?

J'ai cru comprendre que les gens d'anciens combattants obtiendraient un pourcentage des lits d'hôpitaux. Est-ce toujours le cas? Si c'est le cas, vous pourriez peut-être nous en parler davantage. Par ailleurs, en ce qui concerne les problèmes de santé mentale dans votre cas, vous pourriez peut-être faire la même chose. Comment avez-vous accès à ces institutions? Y a-t-il un certain nombre de lits ou d'espace réservés pour les anciens combattants?

[Français]

Le sénateur Gill : Est-ce que nous devons dire brigadière en français ou brigadière-générale?

Le bgén Jaeger : Brigadier-général.

Le sénateur Gill : En anglais, il n'y a pas de problème. Il y a des choses qui m'ont toujours frappé, entre autres, cela m'est resté dans la mémoire, ce sont les soldats américains qui sont revenus du Vietnam. Je voudrais vous poser une question reliée à cette situation. Au Canada, règle générale, on veut que nos soldats, que notre armée devienne, en fait, des agents de la paix qui veulent faire la paix et qui veulent garder la sécurité dans les pays où ils sont déployés.

Par contre, je suis un profane, on continue à entraîner quand même nos soldats, j'imagine, à faire la guerre. Cela ne crée-t-il pas certains problèmes dans les Forces canadiennes — dans le sens qu'ils sont entraînés et mandatés pour faire la paix et par contre, on est entraîné encore, disons, d'une façon traditionnelle pour la guerre — au retour de ces militaires?

Ma deuxième question concerne les Autochtones, les retraités, les anciens combattants. J'aimerais qu'on vérifie cette question sérieusement parce que c'est une question qui me préoccupe énormément. On me dit qu'il y a des anciens combattants indiens qui n'ont jamais été reconnus comme tels et qui n'ont pas de service comme anciens combattants. On me l'affirme, mais je n'ai pas de statistique. Un jour, je vais le découvrir. Si vous pouviez m'éclairer là-dessus, je serais très heureux. On me dit que des gens sont allés à la guerre de 1939-1945, et d'autres plus vieux que j'ai connus, qui n'ont jamais été considérés comme des anciens combattants et n'ont jamais réussi à recevoir des pensions d'anciens combattants.

[Traduction]

Le président : J'ai quatre questions.

Monsieur Ferguson, les survivants consommateurs civils nous ont dit qu'ils accordaient beaucoup de valeur aux groupes de soutien par les pairs. Il n'existe aucun gouvernement qui offre de l'aide financière aux groupes de soutien par les pairs. Dans le questionnaire que nous avons affiché à notre site Internet — et nous avons reçu plus de 500 réponses — ce qui est sensationnel étant donné la façon dont nous l'avons fait — il était très clair que le soutien par les pairs est peut-être le principal service qu'ils veulent avoir.

Étant donné le fait que vous avez dit que vous aviez une brochure, toute information que vous avez, toute tentative que vous avez faite pour évaluer le soutien par les pairs — nous avons peu d'information et nous avons besoin d'aide, de sorte que toute information que vous avez serait appréciée.

Ma deuxième question est liée à celle-ci. Ce n'est pas parce que nous avons deux sénateurs terre-neuviens membres du comité. Nous avons tenté de trouver des données sur l'expérience réelle en télésanté mentale. Le seul programme de télésanté mentale qui existe se trouve à Memorial, Terre-Neuve, n'est-ce pas?

Le colonel D. R. Boddam, Défense nationale : Il y a eu des programmes de télésanté mentale dans d'autres régions du pays. À Toronto et Hamilton, par exemple, il y a eu des projets de télésanté mentale. Par ailleurs, il y a quelques années, j'ai présenté un exposé à l'Alberta Psychiatric Association, et il y avait un exposé spécifique sur l'expérience albertaine.

Le président : Nous vous serions reconnaissants si vous pouviez nous dire où obtenir cette information.

Pour les Forces canadiennes, en ce qui concerne l'enquête de Statistique Canada, je n'étais pas surpris lorsque vous avez dit que les membres des Forces canadiennes avaient tendance à se prévaloir davantage des services que leurs homologues civils. Je suppose — et vous pouvez me dire si j'ai raison ou si j'ai tort — que s'ils font cela, vous payez pour le service. En d'autres termes, dans le cadre du programme d'aide aux employés, ils n'ont droit qu'à six visites par an chez un psychologue, ou quelque chose comme cela. Jusqu'à quel point cette différence dans le pourcentage des gens qui se prévalent de ce service est-elle attribuable au fait que le service est gratuit pour vos membres tandis qu'il ne l'est pas pour les autres?

Nous avons peut-être quelque chose à apprendre du fait que vos membres qui cherchent de l'aide ne subissent pas le même ostracisme que l'on voit dans le reste de la population? Si c'est le cas, est-ce que vous avez fait une campagne de sensibilisation, quelque chose qui a un impact sur l'ostracisme, car dans la population en général, il y a énormément d'ostracisme. Les survivants consommateurs nous ont dit que la stigmatisation dont ils ont souffert était pire que la maladie qu'ils avaient eue au départ. Je ne sais pas si c'est une question d'argent ou d'attitude, mais il serait utile pour nous d'en connaître la raison.

Enfin, j'aimerais faire une observation au sujet des chiffres que vous nous avez donnés au sujet du nombre de victimes du syndrome de stress post-traumatique. Je suis d'accord pour dire que le nombre n'est pas tellement élevé, selon les données dont vous disposez, mais un tableau que vous nous avez donné montre que le nombre de cas avait augmenté de 500 p. 100 en cinq ans. C'est là une augmentation spectaculaire, même s'il y avait peu de cas au départ, et on ne peut passer sous silence une augmentation aussi importante.

Je devrais vous dire, aux fins du compte rendu, que nous avons eu une excellente visite à Sainte-Anne, avec votre médecin chef là-bas, particulièrement en ce qui concerne la maladie d'Alzheimer.

Si vous pouvez répondre à toutes ces questions dans les sept minutes qui nous restent, ce serait formidable. Sérieusement, ce que nous allons faire, c'est demander à chacun d'entre vous de faire quelques brefs commentaires puis nous lèverons la séance afin de laisser la table à nos collègues pour 18 heures, et vous pourrez ensuite nous donner des notes. Quoi qu'il en soit, nous vous demanderons peut-être de revenir nous voir pour poursuivre la discussion.

M. Ferguson : Nous offrons les mêmes services de base pour les anciens combattants âgés et pour les plus jeunes en matière de santé mentale. Au ministère, nous avons des agents de traitement des cas qui surveillent l'évolution de la maladie. Si ces personnes ont un problème de pension et qu'elles ont besoin de traitement, nous payons pour ces traitements; et nous nous tenons au courant des traitements qu'elles reçoivent. La réponse courte, c'est que nous avons un système d'agents qui s'occupent des cas et nous pouvons vous donner plus de détails à ce sujet, si vous le voulez.

Pour ce qui est des anciens combattants autochtones, si vous me le permettez — et je vérifierai afin de m'assurer de n'oublier personne dans mes observations — nous vous fournirons les renseignements plus tard.

Le sénateur Cook : J'ai posé une question au sujet de l'assurance. Avez-vous des régimes d'assurance spécifiques pour les gens qui ne sont pas couverts par les régimes d'assurance-santé provinciaux ou territoriaux?

M. Ferguson : Nous n'en avons pas pour le moment. C'est un problème qui a été soulevé dans le rapport dont j'ai parlé précédemment. Nous avons reçu ce rapport et nous l'examinons pour voir ce que nous pouvons faire à cet égard.

Le président : Nous vous enverrons à tous les trois une transcription afin que vous puissiez nous donner une réponse.

Le bgén Jaeger : Je vais laisser de côté les questions législatives. Je vous enverrai des notes et aussi des exemplaires de toutes nos politiques concernant les services de santé mentale. Pour ce qui est du pourcentage de nos membres qui ont des problèmes de santé mentale, si l'on parle de prévalence annuelle, c'est environ 15 p. 100; si l'on parle de prévalence à vie, alors entre 30 et 35 p. 100 auront une maladie mentale pouvant être diagnostiquée. Cela varie un peu d'une composante à l'autre.

Quel pourcentage d'entre eux reviennent au travail après le traitement? Je vais demander au colonel Boddam de vous donner un chiffre approximatif.

Le col Boddam : Je dirais que la majorité d'entre eux retournent au travail. Comme le brigadier-général Jaeger l'a dit, chaque année, environ 300 membres des Forces canadiennes sont libérés pour raisons de santé mentale. Si on prend 15 p. 100 de 50 000, cela représente 7 500 membres. Par conséquent, seul un tout petit nombre de gens sont libérés pour de telles raisons médicales.

Le bgén Jaeger : Pour ce qui est de la confusion entre le rôle de guerrier et celui de soldat de la paix, et la question de savoir si cela cause un stress excessif, un problème encore plus spécifique, c'est se retrouver dans des situations où on a l'impression d'être impuissant. Sur le plan éthique, on estime devoir agir, mais il y a des contraintes artificielles qui font qu'on ne peut le faire. La différence n'est pas nécessairement entre la culture d'un guerrier et celle d'un soldat de la paix; ils sont heureux d'être des soldats de la paix si on leur donne les outils dont ils ont besoin pour influencer le système pour ce qui est des règles d'engagement appropriées. Voilà l'approche que j'adopterais à cet égard, bien que le colonel Boddam soit beaucoup plus qualifié que moi pour parler des rouages du cerveau.

Nous finançons le programme de soutien aux victimes de stress opérationnel. Nous payons nos pairs qui agissent en qualité de conseillers; il y a aussi des bénévoles qui font du travail en plus de tout cela. Je ne pourrais pas vous dire à combien s'élève le budget.

Le président : Vous avez peut-être un modèle que bon nombre de gouvernements provinciaux devraient songer à adopter.

Le bgén Jaeger : Il y a un officier supérieur des Forces canadiennes qui a la responsabilité d'organiser ce réseau. Il a une petite équipe et il embauche des pairs qui agissent comme conseillers et qui sont des anciens combattants survivants.

M. Ferguson : Le cogestionnaire était ici avec nous aujourd'hui.

Le bgén Jaeger : Pour ce qui est des gens qui ont recours à notre service, oui, nous faisons mieux que la filière civile; mais nos données donnent à penser qu'environ la moitié des gens qui ont des problèmes ne viennent pas demander de l'aide. Nous continuons donc de travailler là-dessus. Y a-t-il de la stigmatisation? Moins qu'avant, mais je crains qu'on ne soit en train de créer deux catégories de maladies mentales. Peut-être est-il acceptable de souffrir de traumatisme lié au stress opérationnel ou de SSPT mais il n'est acceptable de souffrir de dépression ordinaire dans l'armée. Nous travaillons dur pour faire disparaître cette perception. C'est presque une distinction de souffrir de traumatisme lié au stress opérationnel mais vous êtes une mauviette si vous souffrez de dépression.

Le président : J'aimerais poser une dernière question. Je suis troublé du fait que — c'est le colonel Boddam qui l'a dit, je crois — vous libérez environ 300 personnes par année pour des raisons de maladie mentale. Ces personnes se retrouvent dans un système civil épouvantable. À bien des égards, elles obtiendraient de meilleurs traitements si elles restaient dans l'armée. Je ne peux peut-être pas vous poser la question, mais à votre avis, quelles devraient être nos obligations — par rapport à celles que la loi nous impose — quand il s'agit de s'occuper de ces personnes une fois qu'elles sont parties? Si leur maladie mentale est liée d'une manière quelconque à leur travail chez vous, il y a sinon une obligation juridique du moins une obligation morale qui existe. J'aimerais que vous y réfléchissiez.

Le col Boddam : Vous posez là une question énorme. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles nous avons créé un projet en collaboration avec Anciens Combattants Canada. Pour ceux qui ont subi un préjudice psychologique par suite de leur emploi, nous voulons travailler ensemble pour être capables de fournir cette continuité des traitements, à partir du moment où ils commencent à recevoir des soins jusqu'à celui où ils retournent à la vie civile.

Le président : Là où je veux en venir, c'est que si quelqu'un souffrait de stress et a eu des troubles cardiaques, il va recevoir des soins de qualité rendu au civil; s'il a des problèmes psychologiques, ce ne sera pas le cas.

Le col Boddam : C'est vrai parce que nous dépendons du système civil une fois que le militaire nous a quitté. Beaucoup de nos médecins ont des cabinets privés ou travaillent aussi dans le civil, si bien qu'ils peuvent parfois avoir accès à leurs soins; mais il y a un énorme fossé que nous aimerions bien pouvoir combler d'un coup de baguette magique.

Le bgén Jaeger : Nous avons des chargés de cas qui commencent à travailler avec nos gens dès que nous savons qu'ils seront sans doute libérés. Six mois à l'avance, ils commencent à chercher, passent le monde civil au peigne fin...

Le président : À la recherche d'aide.

Le bgén Jaeger : À la recherche de services pour les aider à opérer la transition.

Le président : Je vous remercie d'être venus. Nous allons vous réinviter.

Mesdames et messieurs les sénateurs, avant de partir, il faut adopter rapidement une motion pour obtenir un montant de 8 000 $ dans notre budget législatif. Il se trouve qu'en ce concerne les cyberconsultations dans la motion que nous avons déjà adoptée, je n'ai pas donné le nom de l'entreprise visée. Elle s'appelle « Ascension », et a été choisie par la Bibliothèque du Parlement et non par nous.

Des voix : Adoptée.

Le président : La motion est adoptée. Merci.

La séance est levée.


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