Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 9 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 24 février 2005
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel est renvoyé le projet de loi S-18, Loi modifiant la Loi sur la statistique, se réunit aujourd'hui à 11 h 4 pour en faire l'examen.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Nous accueillons aujourd'hui M. Ivan Fellegi, statisticien en chef du Canada, et Mme Jennifer Stoddart, la nouvelle commissaire à la protection de la vie privée du Canada. C'est la première fois que vous comparaissez devant notre comité, n'est-ce pas?
Mme Jennifer Stoddart, commissaire à la protection de la vie privée, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada : J'ai comparu l'an dernier devant le comité au sujet des modifications à la Loi sur la santé.
Le président : C'est vrai.
Vous nous avez tous les deux remis un mémoire, mais comme le comité connaît déjà assez bien le projet de loi de par les versions antérieures qui ont été présentées, j'apprécierais beaucoup que vous soyez brefs.
Je vais céder la parole à M. Fellegi, ensuite à Mme Stoddart.
M. Ivan P. Fellegi, statisticien en chef du Canada, Statistique Canada : Le projet de loi est peut-être vieux, mais contrairement à un vieux soldat, il n'a rien perdu de sa vigueur. À vrai dire, cette mesure législative doit être adoptée étant donné le recensement en perspective. Il faut vraiment lever l'ambiguïté qui caractérise la situation juridique actuelle avant d'entreprendre le recensement, de sorte que nous puissions préciser aux Canadiens les conditions dans lesquelles le prochain recensement sera effectué et qu'ils puissent répondre aux questions en conséquence.
Je vais simplifier ma déclaration préliminaire et soulever seulement quelques éléments. D'abord, en quoi ce projet de loi diffère-t-il de celui dont votre comité a déjà été saisi? Deux caractéristiques principales le distinguent. En principe, il est vraiment très semblable dans ses grandes lignes. Cependant, deux dispositions ont changé. Le projet de loi précédent contenait une disposition indiquant que pour une période comprise entre 92 et 112 ans, le traitement des dossiers tirés de recensements antérieurs et l'accès du public à ces dossiers étaient différents de ce que prévoyait ce projet de loi après 112 ans. Cent douze ans après l'événement, accès sans conditions; 92 à 112 ans — je parle des recensements antérieurs — accès assorti de conditions. Dans le projet de loi actuel, ces conditions ne tiennent plus. Ainsi, en vertu du projet de loi que vous étudiez, tous les dossiers tirés de recensements antérieurs, soit 92 ans après l'événement, seront accessibles au public sans restrictions.
Voilà pour un premier changement.
Il n'y a absolument rien de changé en ce qui concerne les recensements futurs. Pour moi, c'est là une disposition très importante. Ainsi donc, le consentement éclairé est au cœur de la décision que les gens prendront en ce qui concerne le recensement éventuel — c'est-à-dire 92 ans après les prochains recensements, 92 ans après l'événement, les dossiers seront mis à la disposition du public, si les gens y consentent. On ne peut pas retourner en arrière et demander l'autorisation des gens au sujet de recensements déjà effectués, mais on peut le faire pour l'avenir. À partir de maintenant, le consentement éclairé peut être intégré à la loi, mais cette disposition ne peut avoir d'effet rétroactif.
Le dernier point qui diffère entre le projet de loi à l'étude et celui que vous avez déjà étudié, c'est l'examen effectué par le Parlement après les deux prochains recensements. Nous aurons acquis une certaine expérience — nous pourrons voir comment les choses fonctionnent, quels problèmes se posent, et nous pourrons y remédier.
Voilà pour le premier élément général.
En ce qui concerne la deuxième série de points que je veux soulever, je tiens à dire que, comme le premier projet de loi, il s'agit d'un compromis. On devait concilier certains intérêts contradictoires, et je pense qu'on y est parvenu. D'abord, il faut se rappeler qu'un recensement est une opération statistique, et que les opérations statistiques sont tributaires de la confiance du public. J'étais terriblement inquiet, et je le suis encore, mais je suis convaincu que si le projet de loi gagne la confiance du public à l'égard de Statistique Canada et à l'égard de notre promesse de préserver la confidentialité des renseignements, nous répondrons aux vœux de tout le monde. Nous n'atteindrons pas nos objectifs à des fins statistiques, généalogiques ou historiques si les gens ne nous font pas confiance et ne donnent pas l'information à Statistique Canada. Voilà pour les premiers intéressés.
Les autres intéressés sont les historiens, les spécialistes de la généalogie et tous ceux qui veulent avoir accès aux données du recensement. Leurs intérêts sont également bien pris en compte dans ce compromis. Il est prévu que le public peut avoir accès, 92 ans après l'événement, à tous les dossiers de recensements antérieurs, et ce, sans conditions. Comme je l'ai dit, c'est là un changement par rapport à la version antérieure.
Deuxièmement, l'élément de confiance dont j'ai parlé sert bien tout le monde, spécialistes de la généalogie, historiens et autres, parce que la garantie de confidentialité fera en sorte que les données du recensement seront à la fois disponibles et fiables demain.
Troisièmement, le mécanisme d'examen intégré permettra à tout le monde de demander, de déceler et d'effectuer des changements après les deux prochains recensements s'il y a des problèmes soit avec les dispositions relatives au consentement, soit dans la façon dont le recensement est effectué, ou peu importe.
Dernier élément, mais non le moindre, je me suis engagé antérieurement, et je n'ai pas changé d'idée, à travailler avec tous les intervenants pour donner effet à ce projet de loi et pour encourager les Canadiens à se dire d'accord pour que les données de leurs recensements soient accessibles 92 ans après la tenue du recensement.
Je crois fermement à la protection de la vie privée, et j'estime que ce compromis offre des garanties à cet égard. On peut ainsi faire un choix positif et non le contraire. Les gens doivent donner leur accord. Sinon, les renseignements qui les concernent ne seront pas rendus publics 92 ans plus tard. Autrement dit, si les gens ne remplissent pas la case, on suppose qu'ils disent non. En plus, les gens peuvent changer d'idée entre la date du recensement et 92 ans plus tard et leur décision sera respectée. Enfin, le mécanisme d'examen intégré à la loi permettra d'y apporter des changements s'ils s'avèrent nécessaires pour l'application de cette loi ou pour certaines de ses dispositions.
Compte tenu des intérêts divergents, le projet de loi ne saurait être plus efficace. Il constitue une tentative raisonnable visant à supprimer l'ambiguïté juridique avant le prochain recensement. J'appuie, j'encourage même fortement la suppression de cette ambiguïté.
[Français]
Mme Stoddard : Nous aimerions attirer votre attention sur deux points pour l'étude du projet de loi S-18. Premièrement, nous appuyons l'initiative de rendre publics les dossiers de recensement après 92 ans. Après plusieurs vérifications à l'échelle internationale, nous avons jugé que cette période constituait une norme appropriée et raisonnable pour le Canada. Elle représente une juste moyenne par rapport à celle d'autres pays qui varie de plus longue à plus courte. Nous reconnaissons le fait que les renseignements doivent demeurer personnels pour une période donnée seulement puisque à maints égards, leurs dimensions publique et historique peuvent s'avérer utiles pour les citoyens.
[Traduction]
La deuxième question concerne les dispositions relatives au consentement. Dans notre mémoire, nous avons cité le ministre de l'Industrie et du Commerce qui fait mention des Canadiens qui ont le droit de décider pour eux-mêmes s'ils veulent que leurs données personnelles tirées du recensement soient rendues publiques à l'avenir. Voilà un concept des plus nobles et des plus appropriés. Bien sûr, le consentement est essentiel à notre conception de protection de la vie privée. Nous nous en réjouissons, compte tenu du fait que les recensements posent de plus en plus de questions qui sont peut-être plus personnelles, et c'est pourquoi nous avons inséré une disposition sur le consentement.
Nous soulignons dans notre mémoire qu'établir une disposition sur le consentement dans le contexte d'un recensement mené auprès de millions de Canadiens relève du défi. Nous soulevons certains des problèmes que cela pose, et nous abordons le travail que nous avons fait avec Statistique Canada au cours des derniers mois pour nous assurer que les dispositions sur le consentement sont correctement présentées aux Canadiens : il faut que le consentement soit aussi solide que possible si on considère qu'un recensement est effectué auprès d'un vaste segment de la population, sinon à la population dans son ensemble. Nous vous conseillons de consulter Recensement Canada pour connaître les détails sur le meilleur moyen d'y parvenir, ce sont eux les spécialistes de la rédaction des questionnaires du recensement.
En conclusion, honorables sénateurs, nous appuyons le projet de loi. Nous vous exhortons à l'adopter. La question a fait l'objet de nombreux débats, je le comprends, et il est, dans une certaine mesure, important de mettre un terme à ces discussions. Nous devons nous assurer que le questionnaire du recensement respecte, dans la réalité, les principes du consentement éclairé. Nous sommes heureux de constater qu'il y aura un examen après le prochain recensement et après le suivant, et nous sommes en constantes communications avec Statistique Canada pour que les dispositions sur le consentement soient les plus solides possible dans le contexte du recensement.
Le président : J'aimerais poser une question à M. Fellegi, ensuite je céderai la parole au sénateur Comeau. D'après ce que je comprends, l'adoption de ce projet de loi est importante pour vous, en ce sens que vous ne pouvez pas imprimer le questionnaire du recensement pour cette année tant que le projet de loi n'aura pas été adopté. Est-ce bien cela? Pouvez-vous m'expliquer le lien qui existe entre le projet de loi à l'étude et le recensement?
M. Fellegi : Ce n'est pas tellement une question d'impression. Le principal problème, c'est de préciser le régime juridique en vertu duquel le recensement sera effectué avant que les Canadiens soient invités à répondre aux questions.
Le sénateur Comeau : On m'a fortement exhorté à me rétracter au sujet de certaines réticences que j'ai exprimées à propos du projet de loi. Mon patriotisme a été remis en question, mes motivations, pour ne nommer que ces éléments. Cependant, ce que j'ai essayé de faire pendant tout ce temps, c'est mon travail. J'ai la responsabilité, en tant que membre de l'opposition, de préserver la confiance qui m'a été accordée lorsqu'on m'a nommé sénateur, et l'une de ces responsabilités consiste à examiner les limites de la politique gouvernementale et de les faire ressortir au mieux de ma compétence. Par conséquent, c'est de ce point de vue que j'aborde la problématique.
Ma première question s'adresse à M. Fellegi. Monsieur Fellegi, votre nom est partout dans le document d'accompagnement. J'ai ici le formulaire du recensement, et votre nom est partout. Je ne vais pas le lire au complet, mais on y précise que les données du recensement servent à élaborer des programmes pour l'éducation, les garderies, à produire des tableaux statistiques, et ainsi de suite. On précise ensuite que les données seront strictement utilisées à des fins statistiques et que personne, sauf Statistique Canada, ne peut avoir accès à vos renseignements personnels. Je ne vais pas tout lire, mais on poursuit aussi en disant que, selon la loi, Statistique Canada doit protéger la confidentialité des renseignements personnels que vous fournissez et que les employés, y compris les recenseurs, peuvent faire l'objet d'amendes ou de peines d'emprisonnement s'ils ne respectent pas la confidentialité de l'information. Et le document est signé par vous, le statisticien en chef du Canada.
Si vous regardez les dispositions sur le secret que renferme la Loi sur le recensement de 1918, il est évident qu'il n'y a pas d'ambiguïté. Je ne crois pas avoir besoin de vous les répéter. Vous les connaissez probablement assez bien. Comment pouvez-vous changer d'idée et revenir devant nous ce matin, après nous avoir promis de conserver ces dispositions, et nous dire qu'il y a ambiguïté sur le plan juridique? Il n'y a pas ambiguïté sur le plan juridique, monsieur. C'est écrit noir sur blanc dans le projet de loi. Où se trouve l'ambiguïté quand on dit que « nul, si ce n'est une personne employée ou réputée être employée en vertu de la présente loi et qui a été assermentée en vertu de l'article 6, ne peut être autorisé à prendre connaissance d'un relevé fait pour l'application de la présente loi »?
M. Fellegi : Peut-être me permettrez-vous d'abord un commentaire à demi sérieux. Ma signature n'a pas été apposée sur le recensement de 1918, même si j'ai déjà dit, en blague, que je suis statisticien en chef depuis la Confédération.
Le sénateur Comeau : Je suis d'accord avec vous.
M. Fellegi : J'étais d'accord avec vous, et j'ai agi en conséquence. C'est l'avis que nous donnait le ministère de la Justice jusqu'à il y a quelques années — bien que je ne me souvienne pas de la date exacte à laquelle les choses ont changé. Le ministère de la Justice m'a fait part d'un point de vue totalement différent.
Le sénateur Comeau : C'est le même ministère de la Justice qui a poursuivi un ancien premier ministre pendant huit ans pour, finalement, se raviser et dire que le ministère avait commis une erreur. C'est le même ministère de la Justice qui a poursuivi le groupe Pearson — un groupe individuel — en vertu d'une loi qui aurait privé ce groupe du droit d'accéder aux tribunaux pour se défendre.
M. Fellegi : Ce n'était pas seulement le ministère de la Justice. Il y avait un panel de spécialistes nommés par le ministre, panel dont les membres n'étaient pas des politiques.
Le sénateur Comeau : La décision du ministère concernait la période précédant le recensement de 1918, si je me souviens bien. On a dit que si le ministre voulait changer la politique gouvernementale, il devait déposer un projet de loi à cet effet, parce que la loi interdisait une telle mesure.
M. Fellegi : Le ministère estimait qu'il n'y avait probablement aucune ambiguïté juridique jusqu'en 1918, et qu'après cette date, il y avait ambiguïté juridique, ambiguïté qui, à son avis, devait être levée à l'aide d'une modification à la loi.
Le sénateur Comeau : Croyez-vous vraiment, après la promesse que vous avez faite dans ces formulaires de recensement — et bien sûr, vous ne les signez pas depuis 1918 — que la promesse que je vous ai lue est ambiguë aux yeux de la loi?
M. Fellegi : Non. Je croyais certainement à l'époque où j'ai fait ces déclarations et apposé ma signature au bas des formulaires, que la loi ne contenait aucune ambiguïté C'est ce que je croyais. J'avais évidemment tort — je ne suis pas avocat, je suis statisticien. J'ai été conseillé par des gens très compétents, non seulement au ministère de la Justice, mais par le panel d'experts nommés par le ministre d'alors, M. Manley, et on m'a dit qu'il n'y avait probablement pas d'ambiguïté, que nous devrions probablement seulement transmettre les données qui datent d'avant 1918, mais que pour la suite, après 1918, il y a ambiguïté qui devrait être préférablement éliminée par une modification de la loi.
Le sénateur Comeau : Je ne vais pas m'attarder là-dessus plus longtemps. Après avoir fait cette promesse ambiguë que vous répétez deux ou trois fois dans le document de statistiques, je crois, vous dites que si une personne ne répond pas aux questions du document, elle peut s'exposer à une sanction — une peine d'emprisonnement ou une amende, mais je ne suis pas certain des termes exacts. Monsieur Fellegi, vous allez devoir dire de nouveau aux Canadiens que pendant toutes ces années, ils ont rempli des questionnaires de recensement et lu votre promesse, vous allez leur dire que cette promesse ne valait pas le papier sur lequel elle était écrite parce que nous avons changé cette promesse. Voici la nouvelle promesse que nous vous faisons, peu importe ce qu'elle est. Cet aspect de confidentialité tiendra jusqu'à l'arrivée du prochain groupe de politiques qui viendront rompre cette promesse de 92 ans, pour la ramener à 50 ou 25 ans — parce que le Parlement peut faire ce qu'il veut.
Le président : Sénateur Comeau, je ne peux résister à vous dire — avec un brin d'humour — que compte tenu de nos efforts pour renvoyer le projet de loi S-18 au Sénat, aucune autre législature ne voudrait s'enliser à nouveau dans ce bourbier.
Le sénateur Comeau : C'est facile pour vous de dire cela actuellement.
Le président : Je le comprends, mais je ne pouvais pas résister, compte tenu de tout le temps que nous avons passé à examiner cette question.
M. Fellegi : Tout ce que je peux dire, c'est que lorsque j'ai signé mon nom au bas de cette promesse, comme l'ont fait tous mes prédécesseurs — j'en connais certains, mais pas tous — je l'ai fait de bonne foi en comprenant bien la loi telle que je la comprenais, et telle qu'on a demandé à ces gens-là de la comprendre à l'époque. Le fait demeure qu'ils avaient tort. Il y a ambiguïté dont ils n'étaient pas conscients.
Le sénateur Comeau : C'est comme avouer ses péchés à un prêtre selon une règle ambiguë de confession qui le contraint à ne rien répéter de ce qu'il a entendu et qu'ensuite, le prêtre dise que le pape a changé d'idée et qu'il peut dévoiler au monde tout ce qu'il a déjà entendu.
Il y a une certaine confiance qui doit s'installer entre la personne qui veut de l'information, qui explique le but de sa requête en précisant que cela sera confidentiel, et la personne qui répond aux questions. Ce que vous nous dites aujourd'hui, monsieur, c'est que même si vous avez fait une promesse, vous aviez tort pendant toutes ces années, d'après ce que vous disaient certains avocats.
M. Fellegi : Sénateur, nous sommes tous assujettis à la loi, et nous ne pouvons faire mieux qu'en fonction de notre compréhension de cette loi. Si le projet de loi actuel n'avait pas été déposé ou s'il n'était pas adopté sous une forme ou sous une autre, il est alors fort probable que la cause serait soumise aux tribunaux, que ces derniers rendraient une décision qui ne serait peut-être pas aussi équilibrée que celle que nous essayons de prendre actuellement.
Le sénateur Comeau : Très bien. Ça me va. Si la loi est ambiguë au point qu'elle dise que les données peuvent être publiées après 92 ans, alors, qu'on la soumette aux tribunaux. Je crois aux décisions du tribunal. Moi je vous dis qu'il n'y a aucune ambiguïté dans le projet de loi. Nos prédécesseurs n'étaient pas...
M. Fellegi : ... des experts. Je ne peux pas m'engager dans cette discussion parce que je ne suis pas avocat.
Le sénateur Comeau : Très bien. Nous allons voir quel genre de promesse vous faites maintenant.
Madame Stoddart, dans votre témoignage, vous faites référence à l'ambiguïté que l'on décèle dans le document. Croyez-vous vraiment qu'il y a ambiguïté dans la loi et aux promesses de confidentialité qu'a faites le statisticien en chef?
Mme Stoddart : Honorables sénateurs, je ne connais pas bien le document que vous avez cité et dont M. Fellegi et vous avez discuté.
Le sénateur Comeau : Vous auriez dû le lire avant de le commenter. Je fais référence aux formulaires du recensement.
Mme Stoddart : Oui, j'ai lu ce document.
Dans mes observations, honorable sénateur, je faisais référence au projet de loi S-18, projet de loi dont le comité est saisi actuellement. J'attirais l'attention de l'honorable sénateur sur les difficultés administratives à obtenir le consentement des Canadiens. C'est notre contribution à cette initiative particulière.
Le sénateur Comeau : Le sénateur Milne a indiqué il y a quelques semaines que votre bureau l'avait avisée que vous étiez en faveur du projet de loi. Est-ce exact?
Mme Stoddart : Je ne sais pas qui a communiqué avec le sénateur Milne, mais j'ai...
Le sénateur Milne : Monsieur le président, me permettez-vous d'ajouter quelque chose?
Le président : Laissez le témoin finir son commentaire.
Mme Stoddart : J'examine ce projet de loi depuis plusieurs mois. Nous l'avons étudié, nous en endossons le principe, nous appuyons le projet de loi, et nous sommes en faveur du principe du consentement. Nous, en tant que spécialistes de la protection des renseignements personnels, voulons attirer l'attention du Sénat sur la question de savoir comment le consentement est obtenu. C'est de cela dont nous discutons avec Statistique Canada depuis un mois.
Le sénateur Comeau : Êtes-vous en faveur du projet de loi?
Mme Stoddart : Oui.
Le sénateur Comeau : Dans le projet de loi, on fait la promesse que les documents ne seraient pas rendus publics. Le projet de loi dispose que l'information peut être communiquée après 92 ans. Je crois que vous avez dit dans vos commentaires que les données du recensement revêtent un caractère historique après 92 ans. Pourquoi ce chiffre magique de 92? Pourquoi pas 50 ou 25 ans? À quel moment, à votre avis, un document qui ne doit pas être rendu public peut-il l'être?
Mme Stoddart : C'est une date de toute évidence arbitraire.
Le sénateur Comeau : Vous êtes la commissaire à la protection de la vie privée. Vous êtes en train de nous dire qu'un document qui était confidentiel peut être rendu public après 92 ans. J'aimerais avoir votre avis. Vous êtes la commissaire à la protection de la vie privée.
Mme Stoddart : J'ai dit dans mes observations que nous avons examiné les diverses études réalisées en prévision du dépôt du projet de loi, notamment le rapport du comité d'experts. Nous avons été persuadés par le fait, si vous regardez les normes internationales permettant de déterminer quand des renseignements personnels deviennent publics dans le contexte d'un recensement, si je me souviens bien, que la période est d'environ 70 à 100 ans.
Le sénateur Comeau : Quels pays avez-vous examinés?
Mme Stoddart : Dans le rapport du comité d'experts, je crois que c'étaient les États-Unis, la Grande-Bretagne, peut- être l'Australie et la Nouvelle-Zélande aussi.
Le sénateur Comeau : Vous savez que les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Australie ont effectivement imposé une limite dans leurs lois. Autrement dit, lorsque quelqu'un signe le formulaire de statistiques, et donne l'information, il y a une date d'inscrite. Je ne me souviens pas exactement des dates pour les États-Unis, mais lorsque les gens remplissent le formulaire, ils savent qu'il y a une limite. C'est dans leurs lois et c'est écrit dans leurs formulaires — « Cette information sera rendue publique dans tant d'années ». Ce qui n'est pas le cas au Canada.
Mme Stoddart : D'après ce que je comprends, honorables sénateurs, c'est à cause des problèmes que posent les recensements canadiens et la difficulté d'interpréter les dates de publication des données du recensement après 1918, et c'est exactement ce que vise le projet de loi S-18, c'est-à-dire établir une date standard et adopter un système dans le cadre duquel, lorsque les Canadiens fournissent des renseignements personnels, ils consentent à ce qu'ils soient publiés, en comprenant clairement les conditions dans lesquelles cela se fait et la période après laquelle ils seront rendus publics. D'après ce que je comprends, c'est ce que le projet tente de faire et c'est pourquoi nous l'appuyons.
Le sénateur Comeau : C'est très bien, si le projet de loi stipule que les renseignements seront rendus publics après 92 ans et si on y donne son consentement. Mais qu'advient-il des gens qui, entre 1918 et 2004, ont accepté de donner des renseignements en vertu de dispositions précisant qu'ils devaient être gardés secrets? Qu'advient-il de ces gens? Je suis parmi ceux qui ont effectivement rempli leur questionnaire de recensement, de façon bien patriotique, comme on doit le faire. J'ai donné l'information au meilleur de ma connaissance, une information honnête, ce que souhaite M. Fellegi.
Cependant, les données fournies entre 1918 et 2004 peuvent être rendues publiques dans 92 ans. Le projet de loi à l'étude vient donc briser cette promesse qui m'a été faite en tant que Canadien.
En tant que commissaire à la protection de la vie privée, est-ce que cela vous préoccupe?
Mme Stoddart : Oui, sénateur Comeau, mais en pareils cas, il faut examiner le remède à ce genre de préoccupations ainsi que les divers enjeux publics qui doivent entrer dans la balance.
Il semble y avoir une certaine anomalie, en ce sens que le processus était plus clair pour ce qui est de la divulgation des recensements jusqu'à un moment donné, et ensuite, on se retrouve dans la situation qui semblait ne pas avoir été prévue. C'est ce que je comprends. Le législateur n'a pas prévu le coup et soudain, on entre dans cette zone grise dans laquelle, malgré une série d'initiatives législatives différentes, on n'a pas réglé la question de la date de publication ultime ni quelle information donner aux Canadiens.
Je crois que c'est le débat qui fait rage depuis plusieurs années maintenant.
Le sénateur Comeau : Je vous dis, avec tout le respect que je vous dois, madame la commissaire, que cette question a été réglée. Ou bien nos prédécesseurs en 1918 ont oublié de mettre une date de péremption, ou bien ils ont agi à dessein. Je ne connais pas leurs motivations, mais la question a été réglée. Essentiellement, on dit que ces données ne seront pas rendues publiques. C'était un secret; ces données devaient être gardées par le statisticien en chef du Canada pour toujours. Voilà ce qui en était.
Que cela ait été une erreur ou non, permettez-moi de poursuivre. Maintenant vous êtes en train de nous dire que c'est une zone grise. Vous devriez relire le document, madame la commissaire à la protection de la vie privée, et j'insiste sur le mot « privée ». Vous êtes la principale responsable du pays en cette matière.
Continuons alors. Si vous dites qu'il y a des zones grises, et que les renseignements peuvent être rendus publics même si on a promis de ne pas le faire, à quel moment un document devient-il susceptible d'être rendu public? Pourquoi 92 ans? Si, par exemple — Dieu nous protège — des événements comme ceux du 11 septembre devaient se produire au Canada et que l'on réclame de l'information, pouvez-vous imaginer la quantité de renseignements que les forces de sécurité pourraient obtenir dans ces formulaires de recensement concernant la nationalité des gens, leur origine ethnique et religieuse? Vous dites que 92 ans est une période acceptable. Qu'advient-il de la personne qui prétend que c'est une période de 10 ans qui est acceptable? Que faites-vous en pareil cas, madame la commissaire à la protection de la vie privée?
Mme Stoddart : En ce qui concerne la norme de 92 ans, j'ai dit que le Canada avait franchi un pas de plus, qu'il a ajouté la dimension de consentement que n'accordent pas toutes les sociétés à leurs citoyens, d'après mon souvenir. Donc, ce qui est intéressant au sujet du projet de loi dont le comité est saisi, c'est qu'il ne propose plus simplement un principe clair, une limite temporelle pour la publication de renseignements personnels, mais il introduit la notion de consentement en prévision de la publication des données.
Le sénateur Comeau : Dans ce cas, est-ce que la promesse de consentement est aussi valable que celle que M. Fellegi nous fait depuis des années, à savoir qu'elle est valable tant que le groupe de parlementaires actuels sera sur la Colline?
Deuxièmement, pour ce qui est du consentement, tous les formulaires au fil des ans et à l'avenir, de toute évidence, sont signés par une personne en particulier, soit le chef de famille, qui remplit et signe le formulaire au nom de tous les autres membres de la famille. Qu'advient-il de la confidentialité des données de ces personnes, qui n'ont même jamais pris connaissance de ce que le chef de famille a indiqué sur les formulaires?
Mme Stoddart : Tout à fait, sénateur, et c'est ce que je dis dans mes observations. L'application de ces dispositions sur le consentement est une question difficile, et nous en avons fait part à Statistique Canada. Je pense que Statistique Canada a apporté un changement au formulaire — à cause de ce problème que vous soulevez actuellement. Le concept juridique de chef de famille a toujours existé; en droit de la famille, ce concept a été remplacé par autre chose. Ainsi, qui peut répondre pour qui est une question, dans une société de droits à l'égalité, à laquelle nous accordons plus d'attention.
La technique d'élaboration du questionnaire du recensement doit s'adapter à cette réalité. Qui peut donner légalement un consentement à ma place? Un changement important a déjà été apporté. Je crois qu'il y a des indications, par exemple, si vous ne pouvez obtenir consentement ou n'avez pas obtenu le consentement, vous laissez la case en blanc. Bien sûr, il y a la question des enfants mineurs, qui se retrouvent sur le formulaire de recensement sans y avoir consenti, et ainsi de suite.
Je dirais que nous sommes en nouveau pays de connaissance.
Le sénateur Comeau : Vous êtes notre commissaire à la protection de la vie privée et nous comptons sur vous. D'après ce que j'entends, je ne suis pas du tout rassuré.
M. Fellegi : La question de savoir comment obtenir et assurer le consentement est très importante. Nous essayons d'inclure le maximum de sécurité à ce processus à l'aide des étapes suivantes. Premièrement, le libellé proposé pour les directives sur la façon de répondre à cette question particulière sur le consentement est le suivant : « La Loi sur la statistique garantit la confidentialité de vos renseignements. Seulement si vous indiquez oui à cette question, vos renseignements personnels seront rendus publics 92 ans après le recensement de 2006. Si vous indiquez non ou si vous laissez la case en blanc, vos renseignements personnels ne seront jamais rendus publics. Si vous répondez au nom de quelqu'un d'autre, veuillez consulter chaque personne. »
Ensuite on pose la question suivante : « Cette personne est-elle d'accord? » On ne dit pas que vous acceptez en son nom, mais si cette personne à qui l'information s'applique est d'accord.
Le sénateur Comeau : C'est faire comme si de rien n'était.
M. Fellegi : Je ne crois pas, mais c'est là, de toute évidence, une question de différences d'opinions honnêtes.
La dernière protection est qu'une personne qui croit savoir que le consentement a été donné en son nom, et qui n'est pas d'accord, peut s'opposer au consentement entre le moment où le recensement a été effectué et 92 ans plus tard. Nous nous engageons en public à changer cette disposition. Si cette disposition est modifiée de la négative à la positive ou de l'espace blanc à la réponse positive, ou dans quelque direction que ce soit, ou de la positive à la négative, elle prendra effet 92 ans après la date du recensement.
Le sénateur Callbeck : J'aimerais poser une brève question concernant la disposition relative au consentement. Il doit y avoir d'autres pays qui l'utilisent. Est-ce que le pourcentage de personnes qui consentent à ce que l'information soit rendue publique est élevé ou faible? Quels sont les chiffres pour les autres pays?
M. Fellegi : Comme l'a précisé la commissaire à la protection de la vie privée, à cet égard, le Canada va au-delà de ce que la plupart des autres pays font actuellement. La majorité d'entre eux n'ont pas de disposition sur le consentement éclairé. Le taux de consentement se situe dans les 60 p. 100. Cependant, c'est sans compter le type de coopération et de publicité que nous entreprenons de faire, en travaillant main dans la main avec l'archiviste national du Canada et son bureau.
Dans le contexte canadien, je crois vraiment que le taux de consentement sera beaucoup plus élevé. Nous avons réussi à amener les Canadiens à consentir à ce que les renseignements sur leur santé, qui sont beaucoup plus délicats, soient transmis non seulement à Statistique Canada en vertu des dispositions sur la confidentialité, mais aux ministères provinciaux de la Santé dans plus de 90 p. 100 des cas où nous avons tenté d'obtenir un tel consentement. Comme je l'ai dit, il s'agit d'un contexte où il y a beaucoup plus de renseignements confidentiels. Nous n'avons pas d'antécédent, mais je crois que le taux sera élevé.
Le sénateur Callbeck : Je constate que le panel d'experts sur l'accès aux dossiers historiques de recensement qui a été établi pour le ministre en 1999 n'a pas recommandé le consentement individuel pour les communications ultérieures de dossiers. Pourquoi?
M. Fellegi : Je ne me souviens pas de ce volet du rapport, honnêtement. Je prends votre parole. Je ne conteste pas cette question. Je ne me souviens tout simplement pas de cet aspect du rapport.
Certes, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis la rédaction de ce rapport, il a provoqué beaucoup de discussions et de nombreuses tentatives pour trouver des compromis. Comme tout compromis — et j'ai fait le même commentaire lorsque j'ai comparu devant le comité au sujet du projet S-13 — il ne peut être défendu sur les principes de base, parce que des intérêts contradictoires doivent être pris en compte. Nous tentons actuellement de satisfaire à divers intérêts dans le cadre du projet de loi à l'étude.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je me pose des questions et j'ai des inquiétudes au sujet des problèmes de protection de la vie privée et de consentement.
Monsieur Fellegi, vous venez de dire que le pourcentage de gens qui acceptent que les renseignements sur leur santé soient rendus publics est passablement élevé. Est-ce que ces consentements sont signés par chacun des adultes?
M. Fellegi : Oui, c'est le cas pour l'information sur la santé.
Le sénateur Trenholme Counsell : C'est de toute évidence très différent. Une personne signe ce formulaire pour tous les membres du ménage. Je ne vois pas pourquoi on n'obligerait pas chacun des adultes à signer le formulaire. Si un ménage compte tant d'adultes, est-il approprié ou juste en vertu de la loi qu'une personne signe pour d'autres adultes? Je n'ai jamais entendu quelque chose de pareil. Je ne suis pas avocate et je suis nouvelle au comité, mais je ne vois pas comment en droit une personne peut signer pour une autre.
Il devrait y avoir une disposition indiquant que les enfants à charge auront la possibilité de signer. La seule chose que je remets en question, c'est la légalité et la pertinence de cette mesure. Vous venez tout juste de parler des dossiers de santé, mais je ne crois pas que ce soit la même chose. Quelqu'un ne peut pas signer pour moi au sujet de mes dossiers de santé tant que je suis capable de le faire moi-même.
M. Fellegi : Je répondais à une question différente.
Le sénateur Trenholme Counsell : C'est le principe. Vous avez utilisé ça comme exemple.
M. Fellegi : J'essayais de prouver autre chose à l'aide d'un exemple. Je parlais des raisons pour lesquelles je crois que le consentement sera donné par un pourcentage élevé de Canadiens. Et ce, parce que, dans un contexte différent et beaucoup plus délicat, nous réussissons à obtenir ce genre de pourcentage élevé pour les données sur la santé.
Le point que vous soulevez est différent. Moi je dis ceci : pourquoi ne pas obtenir le consentement individuel de tout le monde? Sur le plan de la logistique, ce serait extrêmement difficile. Le formulaire du recensement est rempli en général par une personne dans le ménage. Il ne passe pas d'une personne à une autre. Cependant, si un ménage décide qu'il veut qu'il en soit ainsi, c'est son droit. Sur le plan de la logistique, ce serait très dangereux que de demander à tout le monde de signer pour soi. C'est un formulaire relativement simple pour la plupart des gens, en effet. Il ne contient que quelques questions. La plupart des gens doivent répondre au questionnaire abrégé, qui est un formulaire simple. Il serait artificiel que quelqu'un fasse le tour de la famille pour demander l'âge d'une fille ou de sa femme ou si oui ou non la personne signe pour elle-même, à savoir si cette information peut être rendue publique.
En bout de ligne, la personne peut changer d'avis. C'est là une chose sur laquelle il faut insister. Si le consentement est donné par quelqu'un d'autre et que la personne ne l'a pas demandé à la personne intéressée, malgré ce qui est explicitement indiqué dans le questionnaire, si la mauvaise réponse est donnée au nom de la personne, cette personne peut changer d'avis. Nous allons donner effet à cette mesure.
Le sénateur Trenholme Counsell : J'aimerais vous poser des questions au sujet du formulaire détaillé. Il y a longtemps que je n'en ai pas rempli, même si je l'ai déjà fait dans le passé. Donnez-moi un ou deux exemples importants dans le formulaire où il pourrait y avoir controverse, où quelqu'un pourrait s'opposer. Quel genre de questions renferme le formulaire détaillé? Les liens avec la personne, par exemple?
M. Fellegi : Le formulaire détaillé renferme beaucoup de questions, que ce soit les liens de parenté, les niveaux d'études, le revenu, la religion. Beaucoup d'information se trouve dans ce formulaire.
Le sénateur Trenholme Counsell : Ce que je veux dire, c'est que chaque adulte devrait avoir le droit de signer ce formulaire.
Le sénateur Milne : J'aimerais poser une autre question très brève, puisque M. Fellegi a déjà répondu à ma question lorsqu'il s'adressait au sénateur Comeau sur la façon dont Statistique Canada donnera suite aux préoccupations de Mme Stoddart au sujet du recensement qui doit être mené en conformité avec les dispositions du projet de loi S-18 portant sur le consentement.
Je tiens à dire que dans les formulaires de recensement du début, on disait non seulement que le recenseur doit garder tous les renseignements confidentiels, mais également, grâce à des dispositions spécifiques, que toutes les demandes de renseignements dans les annexes doivent être inscrites avec une encre de bonne qualité et que chaque nom, figure, mot ou marque doit être clair et lisible. Dans le formulaire, on indiquait également que s'il est impossible de lire l'annexe ou si les données sont inscrites avec une encre de mauvaise qualité ou un crayon ou si elles sont floues, le travail du recenseur peut être complètement perdu. Le recensement se veut un dossier permanent et ses annexes seront emmagasinées dans les Archives du Canada, dit-on.
À cette époque, tout ce qui était entreposé dans les Archives du Canada devenait éventuellement public. Je crois que c'est là un argument contre-indiqué à celui du sénateur Comeau.
[Français]
Le sénateur Pépin : Si j'ai bien compris, car je suis nouvelle dans ce dossier, est-ce que vous pouvez nous dire si les engagements pris par le gouvernement au niveau de la confidentialité peuvent être changés en cours de route? On dit que, à partir de 2006, les Canadiens vont avoir la possibilité de permettent ou non l'usage public de leur dossier personnel après 92 ans. Comme on ne peut pas prévoir l'avenir, est-ce que ce que le projet de loi S-18, actuellement, nous apporte comme changement est rassurant, pour le futur, au niveau de la confidentialité?
Mme Stoddart : En fait oui, madame le sénateur; je crois que cette loi est assez innovatrice et place le Canada, comme l'a dit M. Felligi, très en avance sur les normes internationales pour la cueillette de données pour les recensements. Elle innove en donnant aux Canadiens, à partir de sa mise en vigueur, un contrôle assez important sur le renseignement personnel à l'avenir, incluant la possibilité de refuser à tout jamais la publication de ces données.
Le sénateur Pépin : C'est parfait, j'avais besoin de savoir cela.
Le sénateur Gill : Est-ce que vous savez à partir de quand on a commencé à faire des recensements auprès des Premières nations?
M. Fellegi : Les Premières nations font partie du recensement et en ont toujours fait partie.
Le sénateur Gill : Vous êtes certaine? Je ne me souviens pas avoir vu de recensement dans ma communauté avant il y a une dizaine d'années. Peut-être que c'était fait auprès du ministère des Affaires indiennes.
M. Fellegi : Nous comptons les Premières nations. Depuis quand, je ne sais pas.
Le sénateur Gill : Cela se fait maintenant, mais cela ne s'est pas toujours fait. Où preniez-vous les renseignements avant que cela se fasse dans les communautés — probablement au ministère des Affaires indiennes.
M. Fellegi : Je pensais que cela avait toujours été le cas, mais si vous me dites que non, je ne peux pas vous répondre.
Le sénateur Gill : On va s'en reparler.
[Traduction]
Le président : C'est là une question intéressante. Monsieur Fellegi, pourriez-vous envoyer une note au sénateur Gill?
M. Fellegi : Je n'y manquerai pas.
Le président : Comme il n'y a plus d'autres questions, je propose que nous passions à l'étude du projet de loi article par article. Quelqu'un veut-il déposer un amendement?
Le sénateur Comeau : Oui, monsieur le président. Je propose que le projet de loi S-18 soit amendé à la page 1, article 1, en remplaçant la ligne 8 par ce qui suit : « les articles 17 et 18 cessent de s'appliquer [...] entre 1910 et 1918 ». Je propose cet amendement pour donner suite aux commentaires de la commissaire à la protection de la vie privée. Le projet de loi renferme de bons éléments, comme le fait que le recensement canadien soit davantage conforme à ce qui se fait dans d'autres pays en ce qui concerne la publication des renseignements tirés du recensement après un certain nombre d'années. Cet amendement permettra de respecter la promesse faite au fil des ans à tous les Canadiens qui ont signé les formulaires entre 1918 et 2004. Cela permettra également à M. Fellegi de respecter sa promesse et celle de ses prédécesseurs. Cela éliminerait une violation potentielle des données qu'on a eues pendant toutes ces années. À partir de maintenant, les formulaires de recensement seront publiés avec, bien sûr, les dispositions sur le consentement, qui ne sont pas exactement ce qu'elles devraient être, compte tenu que le chef de la famille signe au nom de toutes les personnes. Au moins, cela permet de respecter la promesse faite entre 1918 et 2004. C'est mon amendement.
Le président : Merci, sénateur Comeau. Je propose qu'on examine l'amendement lorsqu'on arrivera à l'article 1 de notre étude.
Êtes-vous d'accord pour procéder à l'examen article par article?
Le sénateur Milne : D'accord.
Le président : Le titre est-il réservé?
Des voix : D'accord.
Le président : Cela nous amène à l'article 1 et à la mise aux voix de l'amendement du sénateur Comeau. Sénateur Milne, souhaitez-vous y répondre?
Le sénateur Milne : J'incite fortement le comité à voter contre cet amendement parce qu'en réalité, cela voudrait dire qu'aucune donnée tirée des recensements effectués entre 1918 et 2004 ne pourrait être rendue publique.
Le président : Je mets aux voix l'amendement du sénateur Comeau. Ceux qui sont en faveur, veuillez dire oui.
Le sénateur Comeau : Oui.
Le président : Ceux qui sont contre, veuillez dire non.
Des voix : Non.
Le président : Je déclare l'amendement rejeté.
L'article 1 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Comeau : Avec dissidence.
Le président : L'article 2 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Comeau : Avec dissidence.
Le président : Projet de loi adopté avec dissidence. Merci, sénateurs. Le projet de loi S-18 sera maintenant renvoyé au Sénat sans amendement.
La séance est levée.