Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 13 - Témoignages du 21 avril 2005
OTTAWA, le jeudi 21 avril 2005
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 10 h 45 pour examiner des questions concernant la santé mentale et la maladie mentale.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, nous recevons aujourd'hui deux groupes. Le premier provient de Développement social Canada. Ils vont lire le volume qu'on a mis devant vous, et qui risque de vous donner une hernie si vous essayez de le soulever. Nous sommes très heureux d'avoir avec nous aujourd'hui Cecilia Muir, directrice générale, et Georges Grujic, directeur des programmes, du Bureau de la condition des personnes handicapées de Développement social Canada. Nous allons demander aux témoins de procéder avec leurs déclarations préliminaires, après quoi nous passerons aux questions.
C'est la première fois depuis longtemps que nous avons quelqu'un de votre ministère parmi nous. Nous sommes très heureux que vous soyez là.
Mme Cecilia Muir, directrice générale, Bureau de la condition des personnes handicapées, Développement social Canada : Merci de nous souhaiter chaleureusement la bienvenue. Nous sommes très heureux d'être ici. Nous avons déjà communiqué quelques fois par téléphone et j'ai l'impression de déjà connaître un peu votre comité.
Je ferai référence au jeu de diapositives que je vous ai fait distribuer. C'est un jeu que vous pouvez lire, donc je le suivrai de façon systématique.
Je voudrais souligner que, selon moi, le but de notre présence ici aujourd'hui est de permettre au comité d'acquérir une compréhension plus soutenue du rôle du gouvernement fédéral dans le domaine du soutien et des services en santé mentale. Je suis ici tout particulièrement pour vous parler du rôle de Développement social Canada dans la prestation de services en santé mental.
Dans l'invitation que vous nous avez envoyée, vous demandiez tout particulièrement que nous fournissions de la documentation dans cinq domaines. Le premier concernait des statistiques détaillées, le second la base juridique, le troisième les services que nous fournissons directement, le quatrième la nature de la relation avec les autres paliers de gouvernement et pour le cinquième, il s'agissait de fournir une étude de cas illustrant comment un programme était mis en application.
Je ferai brièvement référence à la documentation que vous avez devant vous. Vous y trouverez des feuillets d'information sur chacun des programmes que nous fournissons aux personnes handicapées. Il y a une page concernant le Programme de partenariats pour le développement social — volet pour les personnes handicapées. Il y a une feuille sur l'Initiative pour l'intégration communautaire, qui fait partie du Programme de partenariats pour le développement social, le Fonds d'intégration et les ententes sur le marché du travail, avec les provinces, visant les personnes handicapées. Il y a une feuille sur le Programme de prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada et une étude de cas sur la façon dont nous finançons l'Association pour la santé mentale. Vous trouverez des statistiques détaillées au volume 7.
Nous vous avons fourni énormément de documentation. Nous serons très heureux de répondre à vos questions à ce sujet, après mes remarques préliminaires.
Le président : Je voudrais éclaircir un point, afin de comprendre votre terminologie.
Est-ce que le terme « handicap », dans le contexte dans lequel vous l'utilisez, comprend le handicap mental ou seulement le handicap physique?
Mme Muir : Nous utilisons ce terme de manière générale et il inclut très certainement le handicap mental.
Le président : Une grande partie de la réglementation couvrant « les personnes handicapées » concerne uniquement les gens handicapés physiquement.
Mme Muir : Dans le contexte dans lequel nous l'utilisons, il couvre les handicaps visibles et invisibles, y compris des choses telles que les problèmes d'apprentissage.
Merci d'avoir posé cette question, parce que je voudrais que les choses soient claires à ce sujet.
Nos statistiques comprennent deux sections. L'une est fondée sur le sondage de participation et de limitation effectué en 2001; le prochain sondage aura lieu en 2006. L'autre est un sondage d'opinion très intéressant qui a été publié l'automne dernier, le premier jamais fait au Canada sur les attitudes du public envers les personnes souffrant de handicaps et ce sondage fait des références spéciales aux handicaps mentaux.
Maintenant que je vous ai donné un bref aperçu de ce que contient votre documentation, je vais passer à mes remarques préliminaires. Je ferai référence à la diapositive intitulée « Approche de Développement social Canada » à la page 3 de votre jeu. S'agissant des personnes handicapées, y compris des handicaps mentaux, l'approche a évolué au Canada à partir des années 50 environ. Au cours de ces années, nous sommes passés d'une approche institutionnalisation à une approche interventions médicales. Au cours des années 80 et des années 90, le mouvement envers l'autonomie a commencé à prendre racine. Et dans les années 2000, nous parlons d'une intégration totale.
Il y a eu une évolution depuis le milieu du siècle dernier du modèle de l'institutionnalisation vers le concept de l'intégration totale. L'évolution de ces approches a commencé en 1981, l'Année internationale des personnes handicapées. Cette initiative visait à sensibiliser les gens à tous les types d'incapacités, y compris les troubles de santé mentale.
Je tiens à préciser ce que j'entends par le terme « intégration ». L'intégration totale de toutes les personnes handicapées, notre objectif à Développement social Canada, veut dire que les personnes handicapées participeront pleinement à tous les aspects de la vie et de la société canadienne et que nous chercherons des occasions, des programmes et des services qui aideront les personnes handicapées, y compris les personnes atteintes de troubles mentaux, à optimiser leur bien-être en ayant accès au soutien dont elles ont besoin et en éliminant les obstacles.
Il y a deux concepts très importants pour l'intégration. Le premier est l'accès et l'autre est la participation. Voilà ce que je veux dire lorsque je parle d'« intégration » ou d'« intégration totale ».
Pour ce qui est de la législation, nous n'avons pas de loi nationale, comme vous le savez. Toutefois, il y a un cadre législatif à trois volets. La Loi canadienne sur les droits de la personne a été adoptée en 1977 et la Charte des droits et libertés, en 1982. À propos, le Canada a été le premier pays au monde à inclure une mention claire aux personnes handicapées dans sa Constitution. Troisièmement, il y a la Loi sur l'équité en matière d'emploi qui a été adoptée en 1986 et modifiée en 1995 et qui s'applique à tous les employeurs assujettis à la réglementation fédérale. Ainsi, même si nous n'avons pas une loi nationale, nous avons bel et bien un cadre législatif.
J'aimerais également préciser la taille de la population. Nos données statistiques sont très bonnes, puisque nous travaillons avec Statistique Canada. Au Canada, il y a environ 3,6 millions de personnes handicapées. Cela représente un peu plus de 12 p. 100 de la population. En outre, il y a 2,8 millions de personnes, souvent des membres de la famille, qui fournissent des soins aux personnes handicapées. Cela fait une forte proportion de notre population qui est incluse dans ce chiffre. Il est parfois difficile de trouver des personnes pour fournir des soins aux personnes atteintes de troubles mentaux, et il est donc important de retenir ces statistiques.
L'an dernier, le gouvernement fédéral a dépensé 7,5 milliards de dollars pour aider les personnes handicapées, ce qui comprend le soutien du revenu, le financement de programmes, et cetera. Les mesures de soutien du revenu sont celles qui coûtent le plus cher. Le Programme de prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada compte pour environ 3 milliards de dollars de ce montant.
Cela vous donne une idée de la taille de la population qui nous intéresse, soit plus de 12 p. 100 de la population totale. Il y a 2,8 millions de fournisseurs de services. Les dépenses du gouvernement fédéral se sont élevées à 7,5 milliards de dollars l'an dernier.
Le ministre de Développement social Canada est le ministre fédéral qui a la principale responsabilité des personnes handicapées. Cela ne veut pas dire qu'il est responsable de tous les services et programmes du gouvernement fédéral, comme vous le savez, mais nous jouons un important rôle de coordination et nous offrons un certain nombre de programmes et de services. Notre objectif en matière de politique sociale est de travailler avec d'autres partenaires — et ils sont nombreux — pour assurer la pleine participation des Canadiens handicapés dans l'apprentissage, le marché du travail et la vie communautaire au moyen de politiques, de programmes et de services axés sur les citoyens.
Nous avons adopté un certain nombre d'approches pour atteindre cet objectif. Nous avons quatre instruments : les initiatives de développement communautaire; les programmes d'emploi et d'apprentissage; les mesures de soutien du revenu — dont le Régime de pensions du Canada est le principal élément contributif—; et les initiatives relatives au développement des connaissances, à l'élaboration des politiques et à la sensibilisation du public. Le développement des connaissances et la sensibilisation du public sont deux éléments importants pour l'intégration totale des personnes handicapées, comme vous le savez. Je crois savoir que Michael Wilson est devenu récemment un porte-parole dans ce dossier. C'est une étape importante pour sensibiliser davantage la population aux handicaps et, en l'occurrence, aux handicaps mentaux, et pour amener le public à comprendre que c'est une responsabilité qui appartient à tout le monde.
Je vais vous expliquer notre approche à l'égard des handicaps et je vais vous indiquer, pour chacun de ces quatre volets d'activités, ce que nous faisons à Développement social Canada en ce qui concerne la santé et la maladie mentales.
Nous nous occupons des handicaps de manière générale et nous n'avons pas de programmes particuliers pour les handicaps mentaux. Je vais vous présenter chacun de nos programmes et je vous indiquerai les mesures que nous avons prises qui s'appliquent directement aux handicaps mentaux.
Les diapositives 4 et 5 vous donnent une idée de nos partenaires et de certaines des structures officielles qui sont en place pour favoriser la collaboration horizontale. Il y a de nombreux intervenants dans le domaine des handicaps mentaux, mais ça, vous le savez probablement déjà en raison du travail que vous faites. Nous avons des partenaires internationaux. Nous travaillons avec les provinces et les territoires puisque cette question relève en grande partie de leur compétence. Nous travaillons étroitement et régulièrement avec les fonctionnaires provinciaux et territoriaux. Nous travaillons également avec d'autres ministères pour essayer d'assurer la cohérence entre les programmes fédéraux.
Nous travaillons également au niveau régional. Certains de nos programmes sont exécutés au niveau régional, puisque c'est l'approche la plus logique. Nous travaillons aussi étroitement avec les organismes de services aux personnes handicapées et particulièrement avec les représentants des organismes nationaux. Nous participons activement à l'élaboration d'une convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées.
C'est un travail qui est en cours à l'heure actuelle. Le ministère des Affaires étrangères est le chef de file dans ce dossier, mais nous sommes des intervenants importants.
À la page 5, vous trouverez la liste des fonctions du gouvernement du Canada. Vous y verrez également les organismes provinciaux et territoriaux, les nouveaux sous-comités du Parlement et les organismes sans but lucratif. Cela vous donne une idée du nombre d'intervenants. Lorsque nous avons préparé ce tableau — je suis assez nouvelle dans ce poste et j'avais besoin de voir qui sont tous les joueurs — j'ai été assez étonnée. Voilà l'image qui se dégage.
Le nombre d'intervenants et la complexité sont vraiment frappants. Je tiens cependant à souligner que malgré le nombre de joueurs, il n'y a pas de confusion. Tout le monde a un rôle légitime à jouer.
Cela montre que le rôle de coordination et de partage de l'information et d'établissement de réseaux entre les intervenants et les différents gouvernements est essentiel. Il en va de même, bien sûr, pour les personnes atteintes d'un handicap mental. Il est extrêmement important que l'information soit diffusée d'une manière intégrée. Les gens vivent leur vie. Ils n'essaient pas d'obtenir accès à un programme en particulier. Ils ont des besoins changeants au fil de leur vie et il est important qu'il y ait une continuité dans les programmes et les services.
Cette complexité et le nombre d'intervenants constituent d'énormes défis pour les personnes handicapées, leur famille et ceux qui leur fournissent des soins. Nous reconnaissons cette difficulté et l'importance de fournir de bons renseignements fiables et d'établir des liens avec ce que d'autres font dans le domaine.
Les provinces et les territoires ont de nombreux leviers. Je sais que vous êtes déjà très bien au courant de cela. C'est comparable à ce qui se passe dans le secteur de la santé.
Le secteur sans but lucratif est très important. Il assure la prestation de beaucoup de services pour nous grâce au financement qu'il reçoit. Je n'en dirai pas plus sur cette diapositive. Voilà l'ensemble des intervenants.
Les cinq prochaines diapositives donnent un aperçu des principaux programmes de partenariats sur lesquels vous trouverez des renseignements plus détaillés dans votre classeur. Les documents qui se trouvent dans le classeur sont faciles à consulter. Essentiellement, le Programme de partenariats pour le développement social — volet pour les personnes handicapées est un programme clé dont le budget se chiffre à 11 millions de dollars par année. Il s'agit d'un programme de subventions et de contributions. Environ 5 millions de dollars par année sont versés sous forme de subventions à 18 organismes nationaux pour leur permettre de développer et de maintenir leur capacité. L'un de ces organismes est le Réseau national pour la santé mentale, le seul organisme offrant des services en santé mentale à recevoir un financement de base qui s'élève à 80 000 $ par année.
De plus, nous contribuons au financement de 45 à 75 projets par année dont certains concernent la santé mentale. Dans votre classeur, vous trouverez quelques très bons exemples de projets qui ont été financés au moyen de cette contribution. Ce sont d'excellents projets. L'un d'eux s'intitule Ton éducation, ton avenir de l'Association canadienne pour la santé mentale. Un autre, un guide pour les étudiants, s'intitule La santé mentale et l'école secondaire. Voilà de bons exemples de projets que nous avons pu financer.
Les initiatives qui suivent, sur la diapositive 7, sont les initiatives pour l'intégration communautaire. Elles relèvent du Fonds de partenariats de développement social et reçoivent trois millions de dollars par année. Elles s'adressent expressément aux personnes ayant une déficience intellectuelle. Leur mise en œuvre est assurée par deux organisations nationales. L'une est l'Association canadienne pour l'intégration communautaire, et l'autre, Des personnes d'abord du Canada.
Vous savez probablement déjà cela. Des personnes d'abord du Canada est une organisation nationale qui défend les intérêts des personnes qui ont été classées comme ayant des troubles d'apprentissage ou une déficience mentale ou psychologique. Vous trouverez dans votre classeur des informations au sujet de ce groupe.
Voici quelques statistiques. On estime que l'Initiative pour l'intégration communautaire est venue en aide directement à 3 500 familles et à 7 400 particuliers dans le cadre des activités qui ont été menées en 2003-2004. C'est une initiative qui a son importance maintenant. Nous pourrons répondre à vos questions à ce sujet lorsque j'aurai terminé.
Les Ententes sur le marché du travail visant les personnes handicapées s'inscrivent dans les transferts aux provinces. Il s'agit de 223 millions de dollars par année. Ces initiatives préparent à la vie active, mais dans le cadre de ces ententes, il est parfaitement loisible aux provinces de diriger également ces fonds vers l'aide aux personnes ayant une déficience mentale.
C'est un autre programme important. Les provinces fournissent en fait des fonds en contrepartie et, dans certains cas, leur part est plus élevée. Elles peuvent assurer des services qui concernent l'emploi ou aider les personnes à devenir employables. Elles peuvent également aider dans ce cadre les personnes ayant une déficience mentale.
À la page 9, il est question du Fonds d'intégration pour les personnes handicapées. Il s'agit d'un programme de contributions de 30 millions de dollars par année qui permet de venir en aide à environ 3 900 personnes par année. C'est un programme d'application générale, mais on y trouve des exemples où l'on a aidé des personnes ayant notamment une déficience mentale. Il en est fait mention sur la diapositive à votre intention.
Au bas de la diapositive, nous mentionnons les organisations vouées à la santé mentale dont nous finançons ce que nous appelons les « projets nationaux », notamment le Réseau national pour la santé mentale et l'Association canadienne pour la santé mentale. Par exemple, le Fonds d'intégration a permis de financer le projet du Réseau national pour la santé mentale appelé Building Up Individuals Through Learning and Teamwork, ou BUILT. Ce projet permet à des personnes ayant une déficience mentale d'acquérir des aptitudes à la vie quotidienne, des habilités d'adaptation et des compétences informatiques, pour qu'elles puissent améliorer leurs chances de réussite sur le marché du travail. Au cours de la dernière année, près du tiers des participants de ce projet ont réussi à trouver du travail.
Mentionnons aussi l'exemple du projet géré par le Comité d'adaptation de la main-d'œuvre pour personnes handicapées, CAMO, du Québec. Une subvention salariale a été versée à un employeur pour qu'il recrute et forme une personne ayant une déficience intellectuelle comme commis d'épicerie dans un grand magasin. Le participant avait pour responsabilité de garnir des rayons et de les maintenir présentables en tout temps. Dans ce cas-ci, le participant a tellement bien réussi qu'aux termes du programme, l'employeur l'a gardé à son service parce qu'il jugeait qu'il était un très bon employé.
À la page 10, il est question des mesures de soutien du revenu qui relèvent essentiellement du Programme de prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada. Il s'agit d'un programme d'assistance financière que vous connaissez tous ou dont vous avez une idée. Ce programme vient en aide à toute personne qui ne peut pas travailler en raison d'une incapacité physique ou mentale grave et prolongée. C'est essentiellement un programme de remplacement du revenu. Nous savons qu'un grand nombre de personnes ayant une déficience mentale reçoivent cette prestation, et il s'agit du programme de soutien du revenu pour personnes handicapées le plus ancien au Canada. Il a vu le jour en 1966.
L'une des statistiques intéressantes que j'ai obtenues — je ne suis pas responsable de ce programme en particulier — concernait un programme relevant de ma bonne collègue. Elle me dit que les clients ayant une déficience mentale constituent le plus gros groupe de bénéficiaires de prestations d'invalidité qui ont pu faire une tentative de retour au travail. C'est un groupe important. Je rappelle qu'il y a dans votre classeur, dans le chapitre qui traite du PPIRPC, de jolis tableaux qui sont tout à fait clairs et qui vous donneront le nombre de clients ayant une déficience mentale.
À la page 11, nous disons ce que nous faisons dans le domaine du développement des compétences à Développement social Canada. Nous publions un certain nombre de produits d'information. Nous faisons cela parce que nous ne pouvons pas mesurer le progrès vers l'intégration si nous ne savons pas d'où nous partons et quelles sont les données. Nous avons publié L'incapacité au Canada : un profil en 2001, qui se retrouve dans votre classeur. Une autre publication traitera évidemment de l'enquête de 2006 sur la participation et les limitations d'activités. Ce sont des informations importantes dont on se sert pour étudier les problèmes de retard de développement, de troubles de la mémoire et de déficience psychologique. C'est une source importante. On s'en sert beaucoup dans le milieu. C'est la source de données la plus considérable et la plus pointue concernant les personnes ayant un handicap au Canada. Il y en a d'autres, mais celle-là est la plus importante.
Nous avons également effectué le sondage d'opinion publique que j'ai mentionné au début, et c'était le premier sondage de ce genre jamais fait au Canada. Je crois savoir qu'on fait ce genre de choses plus régulièrement aux États- Unis. Au Canada, c'était le premier du genre. Mon bureau a fait cela l'an dernier.
Ce rapport révèle, je le rappelle, que les personnes qui ont un problème de santé mentale sont davantage confrontées à l'exclusion et perçues comme étant plus inaptes que les autres personnes handicapées et qu'elles provoquent également un plus grand sentiment de malaise. J'attire votre attention sur certaines conclusions intéressantes que contient ce rapport.
Nous sommes en train de procéder à de nouvelles analyses prospectives et de planifier des projets de conscientisation. Nous recevons des fonds dans le cadre de la campagne de publicité du gouvernement du Canada pour sensibiliser davantage les gens. En collaboration avec Statistique Canada, nous travaillons sur le prochain sondage sur la participation et les limitations d'activités. Ce sondage contiendra des questions sur les personnes ayant une déficience mentale.
Je n'ai pas besoin d'en dire beaucoup plus. Mon service à moi, le Bureau de la condition des personnes handicapées, est le point de ralliement de Développement social Canada où nous gérons un certain nombre de programmes de subventions et de contribution, à savoir le Fonds d'intégration pour les personnes handicapées, le Programme de partenariats pour le développement social — volet pour les personnes handicapées, et les Ententes sur le marché du travail visant les personnes handicapées. Nous travaillons également en très étroite collaboration avec les provinces et les territoires. Nous sommes en train de mettre au point de nouvelles politiques d'avenir traitant du revenu et du soutien aux personnes handicapées. Elles seront soumises au ministre du Développement social en juin. Nous produisons et diffusons un grand nombre d'information et de produits dont nous pourrons parler davantage. Nous assurons la communication horizontale au sein de l'appareil gouvernemental. La conscientisation et l'adhésion du public en matière de handicap et de déficience mentale sont extrêmement importantes. Nous devons aller au-delà des programmes de financement gouvernementaux. Ceux-ci sont importants, mais nous devons assurer également le marketing social, l'éducation et la sensibilisation.
Ce sont là quelques éléments où nous tâchons d'avancer en ce moment. Je vais m'arrêter ici et répondre à vos questions.
Le président : Je vais vous poser quelques questions concrètes. Au sujet de L'incapacité au Canada : un profil en 2001 et de Attitudes des Canadiens à l'égard de la condition des personnes handicapées, vous dites qu'il y aura une autre vague d'études semblables en 2006.
Mme Muir : Oui. Nous avons réuni des statistiques dans le cadre du Sondage sur la participation et les limitations d'activités, l'EPLA. Nous collaborons en ce moment avec Statistique Canada sur ce point. Le prochain sondage se déroulera en 2006.
Le président : Qu'en est-il de l'étude sur les attitudes?
Mme Muir : Nous procédons en ce moment à des recherches qualitatives. Nous avons réuni un certain nombre de groupes témoins en mars qui réunissaient de simples citoyens et des employeurs, et nous avons ainsi exploré plus avant les attitudes des gens à l'égard des personnes handicapées et nous nous servirons de ces données pour mettre au point une initiative de sensibilisation publique au cours de la prochaine année.
Le président : Je comprends que nous ne pourrons pas les citer publiquement, mais j'aimerais prendre connaissance des rapports des groupes témoins parce que cela nous procurerait des renseignements utiles, si une telle chose est possible.
Mme Muir : Je crois que je peux vous les communiquer. Nous avons des résumés de nos entretiens avec les groupes témoins. Je serai heureuse de vous procurer ces informations.
Le président : Puis-je vous poser une deuxième question à propos du Programme de prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada, le PPIRPC. Au cours d'autres audiences que nous avons tenues, on a critiqué très vivement ce programme du fait qu'il est difficile d'en bénéficier et du fait des critères d'admissibilité. Étant donné qu'il s'agit du RPC, on peut présumer que seuls peuvent en profiter ceux qui étaient au départ sur le marché du travail.
Êtes-vous au courant de ce genre de reproches? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui envisage de modifier ce programme? Où en est-on?
Mme Muir : Je suis au courant de ces reproches, et c'est également le cas de mon collègue qui est le directeur général de ce secteur. Notre ministre a témoigné hier soir devant le Sous-comité de la condition des personnes handicapées du Comité permanent de la Chambre des communes sur le développement des ressources humaines, du développement des compétences et du développement social. Le sous-comité s'intéresse aux personnes handicapées, et il a été question du volet invalidé du Régime de pensions du Canada. Ce fut une dure soirée.
Nous sommes au courant des critiques. C'est un programme très strict dont les critères d'admissibilité sont bien précis. Les changer nécessiterait des modifications législatives importantes.
Le président : Cela ne devrait pas nous empêcher de le faire s'il le faut.
Mme Muir : Non, je voulais simplement vous exposer les faits.
On a fait de l'excellent travail. Ce n'est pas comme changer le programme de prestations d'invalidité du RPC, mais de l'excellent travail a été fait récemment grâce auquel nous avons pu inclure un nouvel élément, la remise en vigueur automatique. Cette mesure permet aux personnes souffrant d'une invalidité ou d'une maladie récurrente — dont bon nombre de personnes ayant des troubles mentaux — de tenter de retourner au travail. On sait que cela ne fonctionne pas toujours. Dans le passé, il était particulièrement difficile pour ces personnes de redevenir prestataires. Depuis l'adoption de cette nouvelle mesure en janvier de cette année — depuis l'adoption du décret — il est maintenant possible pour ces personnes de recevoir à nouveau des prestations d'invalidité du RPC sans avoir à reprendre le processus de demande depuis le début.
Je reconnais que ce n'est pas la solution miracle, mais c'est déjà un grand progrès. Une période de cinq ans est maintenant prévue pendant laquelle on n'est pas tenu de présenter une nouvelle demande et de reprendre tout le processus. Cette mesure est considérée comme un grand pas en avant. D'après nos projections, au moins 300 personnes pourraient profiter de cette mesure chaque année.
Depuis le début de janvier, je sais qu'au moins cinq personnes se sont prévalues de cette nouvelle règle. Le gouvernement tente depuis de faire connaître cette nouvelle mesure.
Étant donné que, comme je viens de l'indiquer, ce sont les personnes ayant un handicap mental qui sont les plus susceptibles de tenter de retourner au travail, cette mesure est particulièrement pertinente pour elles. C'est donc un nouvel élément important, mais pas une refonte complète, loin s'en faut. Nous sommes conscients des critiques qui ont été formulées. J'en prends bonne note, car nous devons aussi voir ce que nous avons appris de l'expérience d'hier soir aussi.
Le président : Nous avons fait remarquer dans l'un de nos rapports précédents, et vous venez vous-même de le confirmer, que les exigences d'admissibilité sont très strictes. À titre de fonctionnaire, je sais que quand des représentants du gouvernement décrivent des exigences comme étant très strictes, c'est qu'elles sont incroyablement strictes, les fonctionnaires ayant toujours tendance à insister sur le côté positif. Il semble que s'agissant d'un groupe de gens aussi désavantagés que ceux dont nous traitons, les handicapés mentaux et les personnes handicapées en général, concevoir un programme aux exigences extrêmement strictes, c'est aller à l'encontre de l'objet du programme au départ. Je crois pouvoir dire que nous sommes tous de cet avis, que je ne suis pas le seul à croire cela.
Mme Muir : Ma collègue, Susan Williams, la directrice générale des prestations d'invalidité du RPC, serait pour vous une excellente personne-ressource. Je vous propose respectueusement de passer au moins une séance avec elle. Je serai ravie de l'accompagner pour répondre aux questions, si vous le souhaitez.
Le sénateur Keon : Permettez-moi de vous féliciter de tout le travail que vous accomplissez et de votre succès.
En ce qui concerne plus précisément la santé mentale dont vous vous occupez notamment, nous recommandons que l'on insiste avant tout sur le rétablissement. Pour être admissibles à vos programmes, les personnes handicapées doivent pouvoir se conformer à votre définition du rétablissement, doivent s'être rétablies au point où elles peuvent réintégrer le marché du travail, ne serait-ce qu'à temps partiel.
Je n'ai pas bien compris comment vous évaluez cela. Je présume que vous utilisez différentes procédures pour les différents programmes. J'aimerais que vous nous en disiez plus long sur cette procédure d'évaluation, surtout sur la façon dont vous évaluez le niveau de rétablissement d'un handicapé mental. Comment déterminez-vous qu'un patient souffrant d'un trouble mental s'est rétabli au point de pouvoir retourner sur le marché du travail à temps plein ou partiel?
Mme Muir : Parlez-vous en particulier des prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada, ou bien de façon plus générale?
Le sénateur Keon : Je parle de tout l'éventail des programmes que vous avez décrits, mais plus précisément de la partie de ces programmes qui vise la santé mentale et non pas de toute l'enveloppe de l'invalidité.
Mme Muir : Je ne pense pas que nous ayons fait suffisamment de travail dans ce domaine. Nous n'avons pas examiné cela de façon détaillée, en partie parce que nos programmes sont tellement vastes quand il s'agit de l'invalidité. M. Grujic pourrait peut-être vous répondre.
M. Georges Grujic, directeur, Programmes, Bureau de la condition des personnes handicapées, Développement social Canada : Nos programmes ciblent davantage l'intervention à court terme. Par exemple, dans le cas du fonds d'intégration pour les personnes handicapées, la personne est généralement passée par le processus de rétablissement et est prête à entrer sur le marché du travail. Nous fournissons un soutien à court terme : si la personne a besoin de suivre une formation ou d'aide pour obtenir une subvention salariale. Comme les fonds sont limités, nous nous concentrons sur cet aspect. C'est le seul programme fédéral que nous ayons pour aider à intégrer les gens sur le marché de l'emploi. Le rétablissement concerne davantage les autorités provinciales ou de la santé, et nous prenons le relais pour aider la personne à réintégrer le marché du travail.
La personne se déclare invalide, mais nous ne faisons pas de suivi pour savoir si l'invalidité touche la santé mentale, la surdité ou quoi que ce soit. Dans le fonds d'intégration, il y a deux ou trois organisations qui ont un mandat dans le domaine de la santé mentale et qui ciblent cette clientèle, et qui pourraient vous donner des chiffres. Ces organismes aident quiconque a besoin de ce type de soutien. L'effort consiste à les intégrer à la population active et au marché du travail. Nous ne nous occupons pas du voyage au long cours, pour ainsi dire, en termes de rétablissement.
Le sénateur Keon : Ce qui me préoccupe dans ces programmes, surtout dans le cas des maladies mentales mais aussi pour les maladies physiques, c'est que nous ne rendons pas service à la personne si elle entre dans un programme qui va la soutenir. Comme cette personne a déjà perdu toute estime de soi, et cetera, elle peut simplement s'en aller à la dérive dans un tel programme. Un élément clé doit être un système d'évaluation continue, même s'il s'agit simplement de ramener les gens sur le marché du travail pendant une brève période. La personne peut faire une rechute et avoir de nouveau besoin d'aide pendant un temps, mais au moins, cela lui permet de voir la lumière au bout du tunnel du rétablissement. Pouvez-vous nous dire ce que vous avez actuellement ou ce que vous prévoyez avoir relativement à cette dimension?
Mme Muir : Je prends à cœur ce que vous dites. Comme M. Grujic l'a dit, nos programmes ont actuellement une dimension à plus court terme. Cela dit, nous n'avons pas nécessairement tout l'éventail d'instruments dont on aurait besoin. Notre ministre a pris certains engagements publics envers un plan d'action à long terme. Nous avons élaboré une stratégie dont nous devons discuter avec le ministre. Nous devons revitaliser notre politique et, par conséquent, les instruments que nous avons, en commençant tout de suite et au cours des 10 prochaines années. Nous devons englober de façon beaucoup plus vaste ce que vous nous avez dit aujourd'hui, examiner les lacunes des instruments existants et déterminer ce que nous pouvons faire mieux. Par exemple, le concept de la prévention ne fait pas nécessairement partie de l'ancienne mentalité et des vieilles politiques. Nous devons intégrer cela à notre nouvelle façon d'agir.
Je ne peux pas vous donner la réponse satisfaisante que j'aimerais pouvoir vous donner dès aujourd'hui, parce que la réalité est que nous n'avons pas cet élément de rétablissement. Cependant, nous pouvons l'intégrer à notre réflexion parce que nous allons reconfigurer toute notre politique et nous avons un programme très ambitieux. Le moment est bien choisi pour recevoir des conseils de votre comité.
Le sénateur Cook : Si j'ai bien lu ce document, ces ententes sur le marché du travail visant les personnes handicapées ont un coût de 223 millions de dollars. Quelle est la ventilation de ce chiffre? Si je consulte la page 5 de votre document, je constate que les aides à l'éducation et le programme d'emploi relèvent des gouvernements provinciaux et territoriaux. Vous assurez la supervision, mais on s'en remet aux provinces pour les détails. C'est peut-être là que nous trouverions la réponse à la question que pose le Dr Keon.
Mme Muir : Vous seriez plus proche. En réponse à votre question sur la ventilation, je demanderais à M. Grujic, qui a participé à la négociation sur ces ententes relatives au marché du travail avec chacune des provinces, de vous répondre. Il pourra mieux vous expliquer le processus.
M. Grujic : La formule est par habitant.
Le sénateur Cook : Je n'aime pas entendre cela parce que je suis de Terre-Neuve.
M. Grujic : Vous avez raison. Certaines provinces sont plus ou moins avantagées ou désavantagées. De plus, il y a un montant de base. Chaque province a un montant de base, qui était d'environ 600 000 $, plus le financement par habitant. Il y avait par ailleurs des précédents historiques de sorte que les provinces maritimes pouvaient avoir certains programmes précis encore en cours d'intégration. C'est ainsi que l'affaire a été calculée.
Les provinces et le gouvernement fédéral se sont entendus sur cette formule. La répartition et le financement de cet élément ont été fixés par voie de négociation. L'historique de cet élément remonte à six ans.
Le sénateur Cordy : Vous nous avez donné énormément de documents à lire. Je me reporte à la page 5 et à la maladie mentale. C'est magnifique de constater que tous ces groupes et tous ces niveaux de gouvernement travaillent et partagent la responsabilité dans le dossier de l'invalidité. Cependant, quand je vois les gens qui ont besoin d'aide, certains d'entre eux ne savent pas vers qui se tourner. Ils téléphonent à mon bureau et je me pose moi-même la question : vers qui dois-je me tourner pour les aider? C'est tellement complexe. Comment faites-vous pour vous retrouver dans ce labyrinthe? Si l'invalidité est causée par une maladie mentale, comment quelqu'un peut-il se retrouver dans ce fouillis pour obtenir de l'aide? Ils peuvent se faire dire à maintes reprises : ce n'est pas mon rayon. Cela peut devenir encore plus frustrant que la maladie elle-même. Que dois-je dire à quelqu'un qui a besoin d'aide et qui se demande par quel bout commencer?
Mme Muir : Je suis contente que vous ayez posé cette question parce que c'est l'un des éléments qui me tient le plus à cœur. Comment faire pour renseigner les gens qui en ont le plus grand besoin de la manière la plus conviviale et accessible possible? C'est un grand problème. Oui, beaucoup de gens demandent de l'aide à leurs élus. Pour bien des gens, c'est la première démarche qu'ils font.
Il y a un certain nombre de groupes communautaires auxquels les gens peuvent s'adresser. C'est toujours mieux de commencer dans sa propre collectivité. Je vais vous décrire ce qui est en place au niveau fédéral.
Premièrement, pour le gouvernement fédéral, il y a le numéro de téléphone 1-800-Canada pour toute question sur l'invalidité; pour savoir quels programmes et services sont disponibles et à quels endroits. Ces gens-là sont très bons pour aiguiller les gens au bon endroit. Nous avons donné de la formation au personnel de première ligne au gouvernement fédéral. Mon propre bureau leur a donné de la formation sur la manière de diriger les gens, sur les programmes et services disponibles, pour que les gens y aient accès rapidement et facilement. Toute demande plus compliquée que cela est renvoyée directement à mon bureau. Nous fournissons directement un service de soutien sur tout dossier plus détaillé, dès qu'il s'agit d'aller plus loin que de décrire les services et programmes existants. Nous répondons nous-mêmes à un certain nombre de questions de gens qui veulent savoir comment trouver de plus amples informations.
Vous connaissez tous la nouvelle initiative Service Canada. L'intention est de faire en sorte qu'à terme, 12 ministères vont offrir des services de première ligne. À l'heure actuelle, cela se limite en fait à Développement social Canada et à Ressources humaines et Perfectionnement des compétences Canada, dont les services de première ligne se situent essentiellement dans les domaines du revenu, de l'éducation et du marché du travail. Beaucoup de services dans le secteur des incapacités, y compris la santé mentale, s'adressent à cette initiative. Nous travaillons en étroite collaboration avec les gens de Service Canada pour nous assurer qu'il y ait une approche intégrée. Nous sommes les premiers à avoir fait cela parce que nous savons que beaucoup de nos clients, notamment les personnes handicapées mentales, n'ont pas tous les outils et les moyens efficaces d'obtenir des renseignements aussi rapidement et facilement que d'autres personnes. Nous avons des entretiens avec les responsables pour nous assurer que le renseignement soit accessible, qu'ils aient une bonne attitude quand ils sont au téléphone avec des personnes handicapées, qu'ils aient la patience voulue parce que parfois cela peut prendre plus de temps pour comprendre vraiment ce qu'une personne recherche et pour lui expliquer ce qui est disponible.
Nous avons aussi instauré le principe de la continuité du service afin que les gens n'aient pas à répéter quatre ou cinq fois les éléments de leur dossier. La communauté nous l'a si souvent demandé, et c'est si frustrant d'avoir à répéter son histoire quand on essaye d'obtenir de l'information sur un service. Pour les personnes handicapées, c'est un fardeau encore plus lourd. Nous collaborons avec Service Canada pour devenir un service intégré, pour être très respectueux et pour faire en sorte que les renseignements relatifs aux gens les suivent, de manière qu'ils ne soient pas constamment renvoyés d'un endroit à l'autre. Nous y travaillons.
Nous avons préparé des publications et j'aurais bien voulu vous en présenter aujourd'hui. J'aurais dû en mettre dans votre classeur, mais je me suis dit que vous nous en voudriez beaucoup de l'alourdir encore davantage. Nous avons un document sur les questions qu'on nous pose fréquemment, une sorte de répertoire des services du gouvernement fédéral pour les personnes handicapées, y compris les personnes ayant un handicap mental. Les réactions à son sujet ont été très positives. Il faut faire davantage de choses de ce genre.
Notre ministre participe à des tables rondes partout au Canada. Sénateur Cook, vous étiez en février à celle de St. John's. Nous en avons tenu une à Vancouver, à la mi-mars. Il y avait là un très jeune homme récipiendaire du PPIRPC. Je ne sais pas vraiment quel handicap il avait, ce n'était pas visible. Il avait en main le document sur les questions fréquemment posées, il l'a présenté et a dit au ministre : « Si vous voulez vraiment savoir quoi faire pour changer des choses, en voici un exemple très pratique. » Il a dit que c'était tellement important, même si ce n'était pas très accrocheur, qu'il fallait prendre davantage des mesures semblables. Il a dit : « Je ne sais pas comment j'aurais trouvé les services dont j'avais besoin, ou comment ma femme y serait arrivée, sans ce document ». Il a demandé qu'on ait davantage de publications de ce genre et cela témoigne de l'importance des renseignements sur nos services et programmes.
Et nous ne parlons que du palier fédéral. Voilà où les choses se compliquent. Comment faire ensuite le lien avec les provinces et les territoires? Il y a des sites Web qui établissent des liens entre les services fédéraux et les services provinciaux. Nous avons préparé une trousse d'outils pour les professionnels de la santé qui doivent donner des conseils en matière de services et de programmes. Nous l'avons préparée tout récemment. Les professionnels de la santé doivent en disposer pour renseigner les gens au moment où doivent être faites des interventions clés. Il faut davantage de mesures de ce genre. Cela répond-il à votre question?
Le sénateur Cordy : Comment les gens peuvent-ils mettre la main sur ce document? Le trouve-t-on dans les bureaux des médecins ou dans les centres de jour? Il doit être facile d'accès. Pour un fort pourcentage de ceux qui en ont besoin, ce n'est pas suffisant de dire qu'il y a un site Web.
Mme Muir : On le trouve sur notre site Web. Nous savons toutefois que la diffusion doit se faire à bien plus grande échelle.
Le sénateur Cordy : Qu'en est-il des discussions, même au sein de l'appareil fédéral; y a-t-il des cloisonnements? En outre, lorsqu'on traite avec les secteurs privés sans but lucratif des provinces et des territoires, comment rassembler tout le monde pour éviter les redondances, de même que les graves lacunes?
Mme Muir : Des comités officiels ont été créés. Il y a des rencontres trimestrielles pour une trentaine de ministères. Chacun met les autres au courant de ce qui se fait chez lui. Nous avons aussi quelques groupes de travail. Il y en a un sur les services et les programmes, un sur le développement des connaissances et de l'information et un sur l'accessibilité. Ce dernier vient d'être créé. Nous avons aussi de plus petits groupes de travail qui se réunissent de manière régulière.
J'ai régulièrement des rencontres dans le cadre d'un groupe de travail fédéral-provincial-territorial, soit toutes les deux semaines. Nous avons des appels conférences mais aussi des rencontres en personne. Ce groupe travaille à la préparation de documents pour la rencontre des ministres de juin prochain. Nous présenterons des options sur le revenu, sur le soutien et nous devons nous entendre sur les programmes et services à offrir dans ces domaines. Cela se fait de manière officielle.
Le sénateur Cordy : Ma dernière question porte sur les ententes relatives au marché du travail conclues avec les gouvernements des provinces et des territoires et notamment sur les fonds destinés à améliorer l'emploi des personnes handicapées. Ces fonds sont-ils ciblés et les coûts de telles mesures doivent-ils nécessairement être partagés?
M. Grujic : Les fonds sont ciblés dans les domaines de l'éducation et de la formation. Ils servent également à favoriser la participation à l'emploi. Ils servent à trouver des débouchés pour les personnes handicapées, à les mettre en rapport avec des employeurs et à favoriser l'acquisition de connaissances. Les fonds des programmes qui sont financés par l'entremise des provinces sont destinés aux personnes handicapées. Effectivement, les frais des programmes mis sur pied dans les provinces sont partagés moitié-moitié. Ainsi, les provinces peuvent obtenir 50 p. 100 de plus de fonds pour leurs programmes. À l'heure actuelle, l'entente ne vise que les provinces.
Le sénateur Cordy : Il n'y en a pas avec les territoires?
M. Grujic : Non. Le ministère des Finances ne s'entend pas avec les territoires au sujet des paiements de transfert; les négociations ne sont pas encore terminées.
Le sénateur Keon : Le sénateur Cordy a de nouveau mis en lumière un problème qui se pose de plus en plus souvent. Le meilleur programme du monde ne vaut rien si personne ne peut y avoir accès. À notre avis, ce qui manque en dernière analyse, c'est un lien entre les centres de santé communautaire ou les centres de soins primaires et les services communautaires. Tant que ces liens n'existeront pas, je ne vois pas comment beaucoup de ces programmes pourraient fonctionner.
Qu'en pensez-vous?
Mme Muir : Je crois que vous avez effectivement mis le doigt sur le problème. Il faut que ces liens existent, ils ne sont pas assez forts en ce moment. Nous devons diffuser l'information de façon plus complète. Ce que vous dites me semble tout à fait logique. Par ailleurs, nous avons commencé à envoyer à tous les députés une trousse d'information, sachant que bien des gens s'adressent à leurs députés pour leur demander de les aiguiller vers les services dont ils ont besoin. Nous devons communiquer l'information de façon plus stratégique.
Ce que vous dites me semble parfaitement logique. Nous pouvons le faire et nous pouvons nous améliorer.
M. Grujic : Nous agissons également en finançant les organismes. Nous finançons 18 organisations nationales qui sont nos partenaires. Elles sont présentes dans la collectivité et diffusent l'information sur ces éléments. Le mandat de trois organisations nationales qui aident les personnes handicapées comporte un volet santé mentale; ces organisations peuvent donc obtenir cette information. Par ailleurs, nous les avons aidées à diffuser dans les écoles et les centres des documents, comme vous l'avez signalé. Ce sont nos partenaires et nous travaillons avec elles en ce qui concerne ces éléments.
Par ailleurs, le Fonds d'intégration des personnes handicapées fait l'objet de dépliants qui sont distribués dans la collectivité dans les domaines pertinents, même au niveau provincial. C'est un des moyens que nous prenons pour rejoindre les gens. Comme Mme Muir l'a mentionné, nous devons améliorer notre diffusion de l'information. Cependant, jusqu'à maintenant, nous avons tâché de travailler en partenariat. Le gouvernement fédéral ne fait pas cavalier seul; il travaille avec les communautés dans ce domaine.
Le sénateur Cook : Je vous félicite de votre énoncé de mission. Il est très complet et fort ambitieux. Il y a ici une personne doublement éprouvée, puisqu'elle est handicapée sur le plan mental et physique. D'après ce que je vois et ce que j'entends ici, c'est un cas très fréquent. J'essaie de comprendre comment tous ces merveilleux programmes fédéraux pourraient être mis à la disposition du consommateur de la façon la plus simple possible. Comment les gens sont-ils informés de l'existence de ces programmes? J'ai entendu certaines de vos réponses et, bien qu'elles soient bonnes, nous devons faire plus.
C'est un horizon assez long. Pourrions-nous avoir accès aux formules dont les provinces se servent pour ces ententes qui représentent des sommes énormes? L'entente relative au marché du travail représente 223 millions de dollars et il y a probablement d'autres sommes d'argent en jeu.
J'ai fait du bénévolat pendant 25 ans auprès de cette clientèle et je peux vous dire que j'ignorais l'existence de toutes ces excellentes mesures. Je pensais que je devais m'adresser à l'organisme gouvernemental de ma province. Nous devons absolument nous pencher sur cette question. Votre énoncé de mission est magnifique. Je vois des choses comme sans but lucratif et le reste, mais je me préoccupe de la personne qui a non pas un mais deux handicaps.
À qui doit-on s'adresser? La nature particulière de la santé mentale est-elle bien reconnue ou comprise, à votre avis, par les programmes fédéraux ou les responsables des organismes fédéraux qui les mettent sur pied?
Mme Muir : J'aimerais réagir à votre dernière intervention. Les personnes handicapées, y compris celles qui ont un handicap mental, sont considérées comme très importantes depuis longtemps. Cependant, pour des raisons historiques, on ne les a peut-être pas considérées comme aussi prioritaires que d'autres domaines de la politique sociale.
Le moment est venu d'accorder plus d'importance à ces questions, notamment les handicaps mentaux et autres. Nous sommes plus que jamais auparavant confrontés à cette réalité. C'est, entre autres, par suite de la mise en œuvre de programmes d'apprentissage et de soins de la première enfance, qui sont une priorité. Les gens se reconnaissent dans de telles mesures, ils comprennent la situation. Tout le monde comprend le problème et en assume la responsabilité. Même ceux qui n'ont pas d'enfants connaissent quelqu'un qui en a et comprennent la situation.
Il faudra attendre un peu plus longtemps pour que les gens comprennent les personnes handicapées parce qu'il s'agit toujours des autres. La situation est cependant en train de changer rapidement. Chacun de nous connaît quelqu'un qui a un handicap quelconque. Tous les handicaps ne sont pas physiques ou visibles. La définition de handicap est beaucoup plus large. Nous avons tous un membre de notre famille ou un ami handicapé. Et comme la population vieillit, les cas d'invalidité se multiplient.
Nous assumons tous les handicaps ou nous commençons à les assumer d'une nouvelle façon. Le sentiment de responsabilité sociale s'intensifie. Cette question fait de plus en plus partie de notre conscience nationale. Les gens s'en préoccupent beaucoup plus. Ils sont en train d'évoluer en ce moment. Nous travaillons avec des outils, des instruments et des programmes hérités d'une époque où cette question n'était pas aussi importante pour la société qu'elle l'est aujourd'hui. Sans vouloir vous paraître trop idéaliste, je pense réellement qu'un sentiment de responsabilité sociale se développe et que nous commençons à percevoir les lacunes des outils dont nous disposons. Voilà pourquoi le travail de votre comité est si important. Le moment est venu de réfléchir aux améliorations qu'on peut apporter dans ce domaine et aux programmes ou au financement dont nous avons réellement besoin pour changer les choses.
Pour revenir à ce que vous avez dit, sénateur Cook, il faut bien comprendre que le gouvernement fédéral travaille essentiellement avec des organisations nationales et des organismes sans but lucratif, qu'il appuie les provinces et les territoires dans la prestation de la plupart des services et programmes qui s'adressent aux personnes handicapées. C'est au niveau provincial, territorial ou communautaire, bien sûr, auprès d'organismes sans but lucratif que la personne obtient les services. À cause de cet état de chose, j'ai des moyens très limités pour aider une personne donnée, parce que les services sont mieux dispensés au niveau communautaire. Nous essayons de financer les communautés, les provinces et les territoires pour qu'elles puissent offrir ces services. Pourrions-nous en faire davantage? Nous l'espérons.
Je ne voudrais pas vous donner l'impression que nous nous occupons de toutes les personnes handicapées au niveau fédéral. Ce n'est pas le cas. Nous tâchons de développer les capacités nécessaires dans les communautés.
Est-ce que cela vous est utile?
Le sénateur Cook : Ça m'aide à m'y retrouver. Est-ce que l'un d'entre vous a entendu parler du Independent Living Resource Centre de St. John's, ou s'agit-il d'un organisme provincial?
M. Grujic : Nous soutenons l'Independent Living Resource Centre par le truchement du mécanisme de financement national, qui s'occupe de verser les fonds. Le centre fournit les services.
Le sénateur Cook : C'est une bonne nouvelle.
M. Grujic : Cette catégorie de services a toujours besoin d'une aide financière supplémentaire. J'ajoute que le centre mentionné collabore aussi fréquemment avec les autorités de la province, Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi qu'avec les communautés. Il n'y a donc pas que nous d'engagés là-dedans, mais nous appuyons aussi l'organisme.
Le sénateur Cook : Est-ce qu'une part de votre argent lui est versée directement?
M. Grujic : Notre argent se rend jusqu'à lui. Il transite d'abord par l'organisme national, qui le répartit ensuite entre les divers centres indépendants.
Le sénateur Cook : Y en a-t-il d'autres ailleurs au pays?
M. Grujic : Il y en a 21. Trois autres sont en cours d'établissement. Il en existe donc officiellement 24 au total.
Le sénateur Cook : Ces centres font un travail admirable.
M. Grujic : Ils collaborent très bien avec nous. Notre partenariat remonte à 1989.
Le sénateur Cook : Mes liens à moi aussi.
[Français]
Le sénateur Pépin : Je constate, par l'imposante documentation reçue, que vous faites un travail extraordinaire. Mes collègues et moi-même s'interrogeons maintenant sur l'aspect pratico-pratique et tentons d'obtenir une réponse.
Je reviens à la page 6. Il y a 5 millions de dollars versés en subventions à 18 organismes. Le Réseau national pour la santé mentale reçoit 80 000 $ par année. Est-ce suffisant? Est-ce proportionnel au nombre de personnes souffrant de maladie mentale, soit 3,6 millions de personnes? Êtes-vous satisfaits de ce montant au départ? C'est particulièrement pour la santé mentale. Vous indiquez que c'est le seul organisme qui offre des services en santé mentale.
M. Grujic : La demande est plus grande que le 5 millions, je vous le dis honnêtement. Parmi les 18 organisations, il faut comprendre qu'il y en a peut-être une dizaine qui s'occupe de tous les groupes d'handicapés. Les groupes avec des déficiences mentales sont inclus dans leur mandat et cela fait partie de leur approche. Quand les groupes se sont joints à nous et qu'ils ont décidé comment ils allaient partager ces fonds, nous avons reconnu qu'il y avait un élément de santé mentale, mais aussi qu'il y avait d'autres groupes, comme l'a souligné le sénateur Cook. Les centres indépendants, eux aussi, dans leurs services, s'occupent des personnes qui ont des problèmes de santé mentale.
Oui, ils reçoivent 80 000 $. D'autres groupes indépendants reçoivent un million de dollars, mais avec ce montant, ils s'occupent de tous les groupes de personnes handicapées en même temps. Nous avons pris la décision de donner les fonds à un groupe, mais les autres groupes aussi ont une responsabilité face à la maladie mentale.
Le sénateur Pépin : Est-ce que le Bureau de la condition des personnes handicapées utilise une définition particulière de l'incapacité mentale?
M. Grujic : Non.
Le sénateur Pépin : C'est peut-être parce que cela n'est pas défini d'une façon particulière que les montants ne sont pas appropriés?
M. Grujic : Nous sommes associés à la communauté depuis 1997. Les groupes s'occupent de toutes les personnes qui s'adressent à eux, qu'elles soient handicapées mentalement ou physiquement. Nous travaillons à responsabiliser ces personnes.
Pour ce qui est des cinq millions de dollars, la demande est de trois à quatre fois supérieure. Nous ne pouvons donner des fonds qu'aux groupes nationaux. Je reçois des demandes de deux à 300 groupes par année. La demande est trop grande.
Depuis trois ou quatre ans, nous ne travaillons plus avec des personnes souffrant de déficience mentale, celles-ci ayant trouvé d'autres ressources. Nous travaillons toutefois en partenariat.
Le sénateur Pépin : Je suis très impliquée auprès des familles de militaires, plus particulièrement les épouses de militaires. Dans votre rapport de 2004, vous parlez d'une stratégie pour venir en aide aux anciens combattants qui souffrent du syndrome de stress post-traumatique. Afin d'y voir plus clair, j'aimerais savoir combien de personnes ont bénéficié des traitements, quelle fut la longueur de leur séjour et de leur suivi et de quelle façon les familles ont été impliquées.
Mme Muir : La réponse relève du ministère des Affaires des anciens combattants.
Le sénateur Pépin : En fait, il s'agit plutôt de nos jeunes soldats revenus de mission, qui suivent ce programme offert depuis un an. Puisque vous avez des programmes semblables, savez-vous si ces programmes sont bien acceptés et s'ils fonctionnent bien ou est-ce plutôt un autre département qui s'en occupe?
M. Grujic : Nous offrons de l'information, mais nous ne faisons pas de suivi des programmes parce que c'est la responsabilité du ministère. Cependant, nous nous intéressons à leur impact et suivons leur progrès auprès du ministère responsable. Nous avons commencé il y a à peine deux ans.
Le sénateur Pépin : Je serais quand même étonnée que ce soit les vétérans qui s'occupent de ces programmes parce que ce sont de jeunes hommes encore dans la vingtaine qui suivent ce traitement.
Le sénateur Gill : Avez-vous un volet autochtone?
[Traduction]
Mme Muir : La réponse est non. Nous n'avons pas de volet destiné de manière précise aux Autochtones. Nous allons cependant étudier la question lorsque nous élaborerons notre politique à venir, car les besoins à cet égard sont très aigus. La proportion d'Autochtones souffrant d'incapacités, y compris de déficience mentale, est beaucoup plus élevée chez les Autochtones que dans le reste de la population.
En préparant notre nouvelle politique, nous allons nous pencher sur la stratégie visant les Autochtones. Toutefois, nous ne disposons pas de données précises. J'ai parlé de la taille de la population, mais cela ne se rapporte pas précisément au groupe démographique autochtone. Ce dernier n'a pas fait l'objet d'un suréchantillonage, et nous n'avons donc pas de renseignements plus poussés sur les incidents qui y surviennent. Nous en avons besoin cependant. Statistique Canada s'apprête à lancer une initiative de collecte de données portant sur les Autochtones, et nous allons y participer afin de recueillir des renseignements de meilleure qualité à l'intention de ce groupe.
Vous n'ignorez sans doute pas que l'un des facteurs expliquant le taux très élevé d'incapacités et de déficience mentale chez les Autochtones, est la forte incidence du syndrome de l'alcoolisation fœtale, qui entraîne aussi des cas de diabète. Cela dit, je le répète, la réponse est non.
[Français]
Actuellement, nous n'avons pas un volet pour les Autochtones, mais nous sommes très conscients de cette situation et nous allons sans doute la régler.
Le sénateur Gill : Monsieur le président, je ne pense pas que vous ayez besoin de statistiques pour commencer à bouger. Vous savez d'ores et déjà qu'il y a beaucoup de problèmes. C'est à peu près la même chose que dans le reste de la population. Parfois, c'est pire. Cela n'a aucun sens que les Autochtones ne soient pas considérés dans un tel programme. Je suggère donc que cela fasse partie de nos recommandations. Il faut faire des pressions.
M. Grujic : En fait, les Autochtones sont inclus dans le groupe, mais il n'y a pas de volet spécifique pour eux. Nous les appuyons dans tous nos programmes.
Le sénateur Gill : À travers d'autres organismes?
Mme Muir : Oui.
Le sénateur Gill : Vous n'avez cependant pas un programme spécifique pour les Autochtones.
M. Grujic : Exactement. Des groupes autochtones ont des projets et nous leur fournissons directement les fonds pour qu'ils fassent les recherches nécessaires pour aider leurs communautés. Nous ne ciblons aucun groupe en particulier. Nous reconnaissons qu'il est prioritaire de travailler avec eux. Le département des ressources humaines et du développement Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie dispose d'un budget d'environ 3 millions pour les groupes autochtones. Ce sont des groupes de réserve. Environ 79 organisations travaillent avec des Autochtones handicapés, mais il s'agit d'un autre ministère.
Nous travaillons également avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord ainsi qu'avec une trentaine de départements. Nous essayons de travailler en partenariat, car les fonds sont limités. Nous tentons de développer une organisation autochtone supranationale qui viendrait en aide aux personnes handicapées dans leur communauté, car la demande en ce sens est très forte. Nous travaillons avec un groupe de la Colombie-Britannique afin de créer un organisme qui pourrait répondre aux besoins des Autochtones vivant tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des réserves.
Le sénateur Gill : Le problème de la réinsertion sociale des Autochtones handicapés physiques ou mentaux me préoccupe énormément, parce que le travail de réinsertion se fait d'abord dans la société non autochtone. Au plan de l'emploi, le suivi n'est peut-être pas adéquat. J'espère que les employeurs ne licencient pas les personnes en processus de réinsertion quand la subvention est terminée. C'est une question primordiale. J'espère que nos recommandations iront plus loin.
[Traduction]
Le sénateur Cochrane : J'interviens ici en partie pour appuyer l'idée de mes collègues voulant qu'on crée des centres pour déficients mentaux dans diverses régions du pays. Si je le fais, c'est que nous avons déjà entendu des témoignages en ce sens de la part de déficients, lors des audiences que nous avons tenues en Ontario. Ils nous ont dit que la meilleure chose à faire pour s'entraider était de se rencontrer en groupe. Si les déficients peuvent discuter entre eux de leurs problèmes et des solutions à y apporter, quel meilleur endroit pour le faire qu'un centre communautaire? Cela améliorera considérablement leur condition de santé et leur situation générale. Ils nous l'ont dit. À mon avis, c'est grâce au contact direct avec ces gens et grâce aux renseignements qu'ils nous fourniront que nous réussirons à améliorer les programmes que nous mettrons sur pied. Voilà pour ma première observation.
En second lieu, estimez-vous que les programmes fédéraux destinés aux personnes souffrant de déficiences se fondent sur une connaissance réelle et précise et sur une véritable compréhension de la maladie mentale?
Mme Muir : Les seuls programmes dont je peux parler sont ceux de Développement social Canada, pour le reste, je n'ai pas les connaissances voulues. Concernant les programmes de Développement social Canada destinés aux personnes souffrant d'incapacités, je dirai qu'ils ne ciblent aucune déficience particulière. Ils ne reçoivent pas des crédits très élevés, mais au contraire plutôt modestes. Je dois reconnaître que dans les faits, on n'accorde pas énormément d'importance aux déficiences mentales. Les programmes de financement sont très limités pour les déficiences en général et c'est pour nous une dure réalité.
Le sénateur Cochrane : Pensez-vous que la déficience mentale devrait être placée au premier plan?
Mme Muir : J'aurais des difficultés à privilégier une déficience par rapport à une autre. Comme vous le savez, chaque déficience est particulière. Je sais que vous devez me poser ces questions, mais je vois mal comment je pourrais en privilégier une par rapport à une autre. Toutes les déficiences posent d'énormes problèmes.
Le sénateur Cochrane : Combien de personnes travaillent sur la déficience mentale au Bureau de la condition des personnes handicapées?
Mme Muir : Nous ne répartissons pas le travail selon la déficience. Notre approche est plus globale. Par exemple, dans le groupe de M. Grujic, qui s'occupe des programmes, des agents de programme s'occupent de chacun des programmes, aucun n'étant spécifique à une déficience donnée. Les agents traitent toutes les demandes qui sont soumises. Ils traitent alors avec un organisme ou un autre, selon celui qui s'occupe de ces demandes. Ce n'est pas organisé par déficience.
Le Bureau de la condition des personnes handicapées compte environ 84 employés. Cela comprend différents secteurs : programmes, élaboration de politiques, sensibilisation et coordination, ainsi que gestion interne. Nous avons donc du personnel, mais on ne peut pas dire que notre bureau soit énorme.
Le président : Merci d'être venus. Vu la merveilleuse honnêteté dont vous avez fait preuve, j'aimerais vous poser une question, à laquelle j'ai conscience que vous ne voudrez peut-être pas répondre par écrit. Si vous vouliez vous entretenir avec moi ou avec le personnel du comité, nous vous en serions reconnaissants. Voici la question, qui reprend celle du sénateur Cochrane.
Dès que l'on fond la déficience mentale dans la masse des déficiences, l'acception du mot « déficience » étant ce qu'elle est, l'aspect mental devient secondaire, non pas par malveillance, mais simplement par la force des choses.
J'aimerais beaucoup que vous y réfléchissiez et que vous nous donniez votre opinion. Peut-être la meilleure comparaison est-elle l'action positive. Pourquoi a-t-on eu recours à l'action positive? Pas parce que les programmes ne s'appliquaient pas à tout le monde mais parce qu'on s'est aperçu que pour corriger le déséquilibre, parce que certains groupes étaient laissés pour compte parce qu'ils ne connaissaient pas les programmes, l'action positive était nécessaire. L'action positive est toujours une mesure temporaire, que l'on abandonne une fois l'équilibre rétabli.
Avant de mettre les déficiences mentales dans le même panier que les déficiences physiques, conviendrait-il, pendant une décennie environ, de commencer par des programmes distincts, afin de corriger le déséquilibre manifeste qui existe? J'aimerais aussi avoir l'opinion à ce sujet de votre collègue responsable de l'invalidité du RPC.
Si je suggère que vous vous absteniez de nous fournir une réponse écrite c'est que, ayant été moi-même sous- ministre, je connais le processus nécessaire pour obtenir l'approbation de tout un chacun avant de fournir une réponse écrite. Ce que j'aimerais, c'est avoir votre opinion personnelle, à tous les deux, ainsi que celle de vos collègues, si vous vouliez bien réfléchir à la question et en discuter avec votre personnel. Nous ne citerons pas ce que vous direz.
Vous vous trouvez face à un dilemme. D'une part, vous ne voulez pas isoler spécifiquement la maladie mentale, de l'autre, vous devez corriger le déséquilibre. Or, si vous n'avez pas recours à une action positive quelconque pour commencer, comment rectifierez-vous jamais le déséquilibre? La question est épineuse. Vu l'honnêteté dont vous avez fait preuve, nous serions très heureux d'avoir votre opinion sur ces questions.
Mme Muir : Je serai heureuse d'y réfléchir.
Le président : Peut-être pourriez-vous également vous entretenir avec votre collègue de l'invalidité du RPC.
Mme Muir : Je le ferai avec plaisir. J'ai toutefois une petite mise en garde : vous avez sans doute entendu le témoignage d'organismes et de représentants intéressés par la santé mentale.
Le président : Oui.
Mme Muir : Dans notre domaine, les intervenants foisonnent. Et leur action leur tient beaucoup à cœur, ce qui est une bonne chose. Mais cela vous obligerait à faire preuve de beaucoup de prudence pour éviter les réactions négatives de la part des organismes s'occupant d'autres déficiences, car des réactions, vous en aurez. Je voulais juste vous mettre en garde.
Le président : L'une des beautés de notre travail, bien sûr, est que point n'est besoin de courtiser la popularité pour rester sénateur.
Mme Muir : Effectivement.
Le président : Nous avons pleinement conscience du fait que nos conclusions déplairont à certaines personnes, non que nous ayons une dent contre quiconque. C'est simplement une réalité incontournable. On l'a constaté avec notre dernier rapport, qui a suscité un tollé; cependant, de par le pays, on constate à présent que le rapport Romanow a disparu, alors que la plupart des éléments de notre rapport commencent à se mettre en place.
Mme Muir : Je serai heureuse de réfléchir à votre question et je communiquerai avec vous.
Le président : Merci. Sénateurs, le dernier groupe que nous entendons ce matin est Phil Upshall, directeur exécutif national de l'Alliance pour la maladie mentale et la santé mentale canadienne, qui est accompagné du Dr John Service, président du conseil d'administration. Nous avons également avec nous Bernice Downey, directrice exécutive de l'Organisation nationale de la santé autochtone, ainsi que Larry Gordon, président du Comité national sur la santé des Inuits.
N'oubliez pas que le Sénat siège à 13 h 30 et que nous devons, par conséquent, lever la séance à 13 h 25. Comme nous voudrions pouvoir poser autant de questions que possible, je vous demanderais de garder vos remarques préliminaires aussi brèves que possible. Nous pouvons toujours lire les documents que vous nous avez remis.
M. Larry Gordon, président, Comité national sur la santé des Inuits, Direction de la santé, Inuit Tapiriit Kanatami : En tant que président du Comité national sur la santé des Inuits, je voudrais vous donner une idée du point de vue inuit et suggérer quelques orientations pour vos rapports.
Les Inuits sont un peuple jeune, en pleine croissance. Nous sommes environ 50 000 à vivre d'un bout à l'autre de l'Arctique canadien, dans 53 communautés reculées et isolées. C'est une superficie qui représente à peu près le tiers du Canada. ITK est un organisme national qui travaille avec les régions inuites afin d'améliorer les conditions de vie et de résoudre les problèmes sociaux et économiques.
La question d'aujourd'hui est importante, vu que le bien-être mental et la prévention du suicide constituent la première priorité nationale des Inuits. En tant qu'Inuits, nous ne séparons pas la santé mentale et physique. Nous pensons au bien-être d'ensemble d'une personne. Il existe un besoin criant de mesures en faveur de la santé mentale dans les régions inuites, comme en atteste notre taux de suicide, onze fois supérieur à la moyenne nationale. Les Inuits sont heureux de l'engagement pris par le fédéral envers un renouvellement de la relation. Nous estimons important un engagement plus marqué en faveur d'une stratégie de défense de la santé mentale propre aux Inuits.
Partisans d'une approche holistique, nous estimons que le bien-être d'ensemble ne saurait être amélioré uniquement par des services de santé. Il faut y joindre une amélioration dans toute une série de domaines : des conditions économiques, le logement, l'instruction, l'environnement, la justice, l'infrastructure et les rapports avec de nombreux intéressés. Nous sommes persuadés que des programmes axés sur les besoins culturels uniques des régions et des collectivités inuites peuvent remédier aux facteurs qui affectent notre bien-être mental.
Dans bien des régions inuites, la pénurie de logement fait rage. Il ne faut pas sous-estimer les retombées sur la santé mentale de situations où les familles s'entassent à un point où certaines personnes doivent dormir par terre ou attendre leur tour pour dormir. Les sans-abri, quant à eux, font la tournée de leur parenté pour tâcher de trouver un endroit où passer la nuit. La création d'un programme fédéral de logements dans les régions inuites de l'Arctique remédierait à la pénurie de logements et atténuerait, en outre, certains problèmes sociaux comme la violence familiale et les dépendances.
Pour beaucoup d'Inuits, jeunes et vieux, la sécurité alimentaire est un problème. Le taux de chômage est élevé. Le coût de la vie est faramineux. Même le coût de nos aliments traditionnels a augmenté.
Notre bien-être d'ensemble continue d'être touché par la transition sociale passée et actuelle, y compris l'installation dans de nouveaux lieux et la question des pensionnats. Les études effectuées par la Fondation autochtone de guérison ont montré que la scolarisation dans les pensionnats a des répercussions sur plusieurs générations d'une même famille ainsi que sur les collectivités.
Nous aimerions que le comité tienne compte de l'impact de ces facteurs sur le bien-être mental et qu'il reconnaisse qu'afin d'améliorer la santé mentale, nous devons mettre en œuvre des stratégies tant à l'intérieur du système de santé qu'à l'extérieur. Nous devons travailler avec beaucoup de partenaires dans des relations égales et équitables afin d'améliorer notre santé. Les politiques et programmes qui fonctionnent le mieux pour les Inuits doivent être instaurés, conçus, fournis et administrés par les Inuits. Les connaissances et cultures inuits sont au cœur de notre santé et de notre bien-être. La sagesse et les coutumes inuites doivent être intégrées au système de santé. Il est encourageant de constater que la recommandation 1.2 du rapport no 3 du rapport provisoire du comité intitulé Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Problèmes et options pour le Canada, vise la prestation de services et de moyens de soutien compatibles avec la culture des patients/clients.
Puisque les Inuits habitent une si grande étendue du Canada, nos programmes et politiques doivent être généraux et souples afin de satisfaire toutes les régions du monde inuit. En outre, ils devraient avoir un impact semblable sur les femmes et sur les hommes.
Dans le deuxième rapport du comité intitulé Politiques et programmes de certains pays en matière de santé mentale, nous avons constaté que la stratégie australienne en matière de santé mentale reconnaît les conditions et les contextes historiques différents de tous les secteurs de compétence et la nécessité que les plans en matière de santé mentale reposent sur une analyse des besoins de la population locale. Cette approche cadre avec l'approche ciblée sur les Inuits que nous préconisons.
Nous voulons travailler ensemble et partager des renseignements, des expériences et des expertises en surmontant les obstacles juridictionnels. Actuellement, il est difficile pour les Inuits de surmonter ces obstacles. Le volume 3 de votre rapport explique comment les questions juridictionnelles touchent les peuples autochtones. Certaines de nos stratégies offriront des moyens de s'y attaquer. Il y a notamment le cadre de bien-être mental propre aux Inuits. Cela reflète des recommandations semblables à celles du comité, dont un continuum de services adaptés à la culture et assorti des connaissances et pratiques traditionnelles fondées sur la famille, la collectivité ou la région.
Pour les Inuits, les questions de l'accès et de la coordination sont imbriquées. Les Inuits ont besoin de programmes, d'activités, de ressources et de stratégies culturellement significatifs. Il faut des réseaux de services coordonnés dans les régions et collectivités, offerts par des agences responsables devant les Inuits. Les familles ont besoin d'appui pour apprendre comment discuter des émotions et perfectionner les habiletés d'adaptation.
En tant qu'Inuits, nous nous préoccupons également de la pénurie de la main-d'œuvre et de la mauvaise distribution géographique des professionnels de la santé mentale et de la toxicomanie. Afin de s'attaquer aux problèmes liés à la capacité, nous devons tabler sur nos forces actuelles en faisant participer les aînés et en offrant de la formation et en créant des occasions de répondre aux besoins régionaux et communautaires.
Nous pouvons promouvoir et adapter les connaissances traditionnelles inuites et les connaissances d'autres sources pour former les Inuits ainsi que les non-Inuits aux pratiques de guérison propres à la culture. Les technologies telles que l'éducation à distance et la télésanté peuvent être utiles.
L'important quant à la capacité, c'est d'avoir un financement adéquat, souple et permanent des ressources humaines et de l'infrastructure ainsi que d'avoir du nouveau financement de programmes. Il faut divers mécanismes pour coordonner et intégrer le système. ITK se propose de travailler avec la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits pour créer une direction de la santé inuite au sein de la direction générale. Si on fait ça comme il faut, la direction pourrait coordonner et intégrer les programmes et services fédéraux offerts aux Inuits.
Le rapport 1 du rapport provisoire du comité, intitulé Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Aperçu des politiques et des programmes au Canada, a fait état du manque de données sur la santé mentale autochtone. Pour les Inuits plus précisément, nos données manquent ou sont mélangées avec les données concernant les autres peuples autochtones. Sans les bonnes statistiques sur la santé inuite, la conception et l'évaluation de programmes et services ne reposeront pas sur des données sûres.
Il est impossible de parler de la santé mentale sans parler du suicide. Notre cadre de travail national sur la prévention du suicide chez les jeunes Inuits a été établi par notre conseil national des jeunes Inuits, NIYC, qui représente les jeunes Inuits âgés de moins de 30 ans. La prévention du suicide est l'une des priorités de notre jeunesse inuite. Le cadre de travail reconnaît que les gens qui sont en bonne santé ne se feront pas du mal, et met donc l'accent sur l'importance de favoriser et de protéger le bien-être mental comme mesure de prévention du suicide.
Les jeunes ont suggéré que les Inuits de toutes les régions de l'Arctique circumpolaire forment des réseaux et apprennent les uns des autres. Nous pouvons concevoir nos propres définitions du suicide, de la dépression, de la maladie mentale et du bien-être mental. Nous pouvons mener des recherches pertinentes dans les régions inuites et construire des stratégies de traitement. Pour ce faire, il nous faut des personnes-ressources en matière de santé mentale dans toutes les localités inuites, à l'échelle régionale et nationale.
Les gouvernements, les aînés inuits, les adultes, les jeunes et les organisations doivent s'engager à s'écouter les uns les autres et à faire en sorte que tous les intervenants participent de façon constructive à la prise de décisions. Les écoles peuvent contribuer à l'atteinte du bien-être global en offrant des programmes de perfectionnement scolaire, des activités axées sur la santé physique et de la formation sur la capacité de faire face à l'adversité et de nouer des relations. Les groupes communautaires voués aux jeunes peuvent aider à créer des modèles au chapitre des activités culturelles et leur personnel peut être formé en prévention du suicide.
L'engagement ferme du NIYC en faveur de la lutte contre le suicide chez les Inuits a mené à la création d'un message d'intérêt public percutant et d'une marche de jeunes à partir de Duncan en Colombie-Britannique jusqu'à Ottawa pour la prévention du suicide. Cette marche est en cours actuellement.
Le financement dont bénéficient les jeunes pour ces activités importantes est versé annuellement, sans garantie de reconduction, malgré les succès obtenus grâce au travail de sensibilisation des jeunes Inuits qui constituent la population la plus vulnérable au suicide de tout le Canada.
Notre population croît plus rapidement que celle de tout autre groupe au Canada. Nous devons susciter la fierté de notre culture et nourrir ce sentiment en appuyant la survie des valeurs, de la langue et des traditions inuites. La langue est la clé de notre culture. Nous devons préserver, promouvoir et rehausser l'inuktitut dans toutes les régions inuites. En outre, dans certaines régions, nous devons étoffer les programmes scolaires en inuktitut. Nous devons mettre en valeur la vie et le bien-être. Il faut bâtir des communautés solides, concevoir des stratégies globales de prévention du suicide et offrir des programmes d'emploi et de transition, des programmes axés sur les métiers et sur les équivalences du cours secondaire ainsi que des programmes de logement pour jeunes adultes, notamment. Les programmes actuels et futurs voués à la petite enfance renforcent les aptitudes fondamentales de l'enfant. Des campagnes médiatiques positives destinées aux jeunes Inuits pourraient favoriser le dialogue et atténuer les perceptions négatives. La mise sur pied de lignes d'écoute téléphonique régionales et de centres pour jeunes et aînés dans chaque communauté permettrait aux jeunes de bénéficier d'un soutien social.
En résumé, les Inuits prendront ainsi leurs propres décisions sur l'amélioration et la préservation de leur bien-être global, mais, pour ce faire, nous devons d'abord être entendus par des personnes telles que vous, qui nous écoutent, qui préparent des rapports et qui formulent des recommandations afin de nous aider. Nous espérons vous avoir communiqué aujourd'hui les besoins des Inuits tels que nous les connaissons, et vous avoir montré que nous sommes déterminés à faire progresser la question du bien-être et de la santé mentale. Il nous faut des ressources et des partenariats qui permettent d'améliorer nos systèmes actuels.
Les deux dernières pages des documents que nous vous avons remis contiennent les adresses des sites Internet ainsi que de plus amples renseignements sur les Inuits qui pourront vous être utiles.
Le président : Merci de votre exposé. La prochaine intervenante est Bernice Downey, directrice exécutive de l'Association nationale de la santé autochtone. Votre organisation a déjà comparu devant notre comité alors que nous étudiions les soins actifs. Merci de revenir témoigner devant nous.
Mme Bernice Downey, directrice administrative, Organisation nationale de la santé autochtone : J'aimerais vous remercier de nous donner l'occasion de vous parler de ce volet important des soins de santé mentale. Comme le temps nous est compté, nous allons nous concentrer sur la santé des Premières nations et des Métis. La santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie revêtent une importance fondamentale pour les peuples autochtones. Ces questions sont toujours demeurées prioritaires car, malheureusement, elles continuent de placer nos communautés en état de crise.
L'Organisation nationale de la santé autochtone ou ONSA est une ONG conçue et contrôlée par les Autochtones et dont nos cinq organisations politiques nationales sont membres : l'Assemblée des Premières nations, l'Inuit Tapiriit Kanatami, l'Association des femmes autochtones du Canada, le Congrès des peuples autochtones et le Ralliement national des Métis. Notre organisation comprend trois centres d'excellence, soit le centre des Premières nations, celui des Inuits et celui des Métis, de même que d'autres unités de soutien.
Notre objectif premier est de traduire les connaissances grâce à l'élaboration, à la mise en œuvre et à la diffusion d'information sur la sensibilisation, la promotion de la santé, les professions liées à la santé, la recherche et les connaissances traditionnelles. Nous venons d'achever notre premier mandat de cinq ans et nous entamons notre deuxième mandat. Nous en somme actuellement à peaufiner les détails.
Au moment où nous amorçons notre deuxième mandat, la richesse des informations sur un vaste éventail de sujets émanant de nos trois centres d'excellence est énorme. Nous avons créé des stratégies et des produits. Je vous invite d'ailleurs à consulter notre site Internet pour obtenir de plus amples renseignements. À ce sujet, notre centre des Premières nations élabore une trousse d'outils sur la prévention du suicide. Les communautés nous demandent des solutions concrètes et de l'aide, ainsi que des conseils sur la façon de composer avec la situation actuelle. Elles ont besoin d'aide concrète à court terme. Nous encourageons les communautés à adapter ces trousses à leurs besoins spécifiques. Ces trousses, qui ont pour objet de sensibiliser les personnes concernées et de les encourager à dialoguer, contiennent des informations et des résultats de recherche sur la prévention du suicide.
En outre, l'ONSA a récemment publié la deuxième édition du Journal de santé autochtone, qui publie des analyses approfondies d'enjeux liés à la santé autochtone. Le plus récent numéro du journal contient des articles où il est question de santé mentale.
Le Centre inuit a rédigé un rapport de recherche sur les problèmes associés à l'alcool dans les communautés inuites, et vient de lancer une base de données en ligne sur les carrières dans le domaine de la santé. L'ONSA espère entreprendre un nouveau projet cette année qui consiste en un atelier d'été, c'est-à-dire une formation dans le domaine de la santé, qui portera sur un vaste éventail de sujets propices à la réalisation des progrès nécessaires en matière de renforcement des capacités. Ainsi, nos activités sont variées, et nous sommes bien placés pour faire circuler les informations sur les travaux effectués par d'autres intervenants.
Tous ces centres ont contribué à la préparation du mémoire que nous vous avons remis, et ont fourni des observations qui ont servi à l'analyse des questions et à la rédaction des opinions que le comité nous a demandées. Nous avons examiné les forces et les faiblesses des options qui ont été mises de l'avant pour ce qui est des Premières nations, des Métis et des Inuits. Ainsi, nous vous avons fait part de nos observations et de nos recommandations.
Le facteur déterminant de notre exposé, comme vous le constaterez à la lecture de notre mémoire, repose sur le fait que, si la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie touchent tous les peuples, l'hétérogénéité des peuples autochtones exige des solutions distinctes et propres à ces peuples. La santé mentale est une priorité dans les régions inuites, mais comme l'a souligné M. Gordon, il y a plusieurs domaines qui sont prioritaires. Je ne vais pas entrer dans les détails car l'exposé de M. Gordon était fort éloquent.
Les Premières nations sont confrontées à des problèmes spécifiques d'accessibilité, et reçoivent des services de moindre qualité à cause des barrières culturelles et géographiques. Or, selon nous, les options suivantes ont pour objet de remédier à ces difficultés. La plupart des programmes d'enseignement professionnel au Canada comportent peu d'initiatives de soutien aux Premières nations. Cela contribue sans aucun doute à la pénurie persistante de médecins, d'infirmières et d'autres professionnels de la santé issus des Premières nations. En outre, certains de ces programmes ne réservent qu'une ou deux places à des candidats des Premières nations, ce qui ne permet pas de constituer un groupe d'étudiants issus des Premières nations qui soit suffisant pour favoriser un apprentissage efficace. En outre, comme l'éducation est un domaine de compétence provinciale, il n'existe aucun système national, ni aucune uniformité au chapitre de l'accès à ces programmes.
La Commission royale sur les peuples autochtones a conclu que les Autochtones doivent disposer d'un soutien financier, scolaire, personnel et familial pour réussir leurs études professionnelles. Or, il leur faut également l'appui d'un noyau d'étudiants autochtones. Le lien qui existe entre l'application des connaissances et la nécessité d'une prestation culturellement adaptée de services et de soutien est reconnu par de nombreuses communautés. Nous savons que les modes de prestation des soins de santé que l'on retrouve dans la société en général répondent à certains besoins mais pas à tous les besoins des peuples autochtones.
Nous savons que les initiatives des 25 ou 30 dernières années destinées aux communautés autochtones n'ont pas produit les résultats escomptés. Nous savons en outre que certaines des données sur la santé des Autochtones sont plus navrantes que jamais auparavant. Je suis certaine que votre comité en a beaucoup entendu parler pendant ces audiences.
Il est nécessaire de mener directement auprès des communautés des recherches sur l'application des connaissances afin de mesurer l'incidence de la qualité des services de soins de santé ainsi que les effets de la disponibilité et de l'utilisation de techniques de recherche de pointe pour la programmation communautaire.
La formation permanente et initiale des travailleurs communautaires est une question liée à l'augmentation du nombre de professionnels de la santé issus des Premières nations, mais constitue néanmoins un enjeu distinct. On entend par là le mentorat et la formation axée sur les jeunes, de même que le renforcement des moyens d'action des Premières nations sur le plan de la capacité à concevoir, dispenser et gérer des services communautaires de santé mentale.
Comme je l'ai mentionné précédemment, bien qu'il existe un excellent réseau d'infirmières et d'auxiliaires dans nos communautés, nous sommes confrontés à une pénurie générale de personnel comme c'est le cas ailleurs au Canada, et le manque d'effectif est beaucoup plus grave dans nos communautés. En outre, nous avons un bon réseau de travailleurs en santé communautaire et de professionnels de la santé mentale. Or, s'il s'accompagne des ressources nécessaires pour rehausser les services, l'éducation et la formation, alors il est évident que ce réseau pourra apporter une contribution majeure à la santé de nos communautés.
De plus, comme l'éducation est un domaine de compétence provinciale, nous devons nous doter d'un système national. Selon la Commission royale sur les peuples autochtones, la réussite des Autochtones dépend d'un soutien multidimensionnel constant, entre autres facteurs.
Pour ajouter au point de vue des Premières nations, à l'heure actuelle, le Canada ne recueille pas de données de façon continue sur la prévalence des maladies mentales et des toxicomanies parmi les peuples autochtones. En outre, le Canada n'a pas adopté de stratégie nationale de prévention du suicide. Les options suivantes ont pour objet de remédier à ces problèmes. Il faut recueillir des informations sur les besoins des professionnels et des travailleurs auxiliaires qui oeuvrent dans la communauté, tels que les professionnels de la santé et les travailleurs sociaux. Ces données doivent être recueillies dans les communautés mêmes. Le Canada doit se doter d'une approche globale, et non d'une solution précise. Par exemple, les programmes de formation, les programmes scolaires et d'autres outils et services pédagogiques ou qui peuvent servir de ressources doivent être accessibles aux intervenants de première ligne.
Il est essentiel d'établir des partenariats avec les communautés concernées pour élaborer des programmes et des protocoles de recherche, lesquels favorisent les initiatives de recherche émanant des Premières nations elles-mêmes. Comme l'indique le point de vue des Premières nations sur la Stratégie pancanadienne de vie saine, les recherches émanant des Premières nations sont un ingrédient essentiel de l'élaboration d'initiatives adéquates de santé autochtones et de l'adoption de pratiques efficaces permettant d'améliorer la santé. Le droit qu'ont les communautés des Premières nations de posséder et de contrôler les informations qui les concernent, et d'y avoir accès, est intimement lié à l'autonomie ainsi qu'à la préservation et au développement de leur culture. Les communautés des Premières nations qui sont perpétuellement confrontées à des situations de crise sont trop nombreuses. J'aimerais souligner que nous avons sollicité la participation de groupes témoins à l'élaboration de notre trousse d'outils sur la prévention du suicide. Bien que cette trousse ait été bien accueillie, les gens réclament à grands cris des initiatives concrètes ainsi que le soutien nécessaire pour que les travailleurs de la santé qui oeuvrent dans les communautés puissent répondre aux besoins des personnes qu'ils desservent. Il y a longtemps que ces professionnels attendent qu'on leur fournisse des outils dont ils pourraient se servir dans leurs tâches quotidiennes car ils n'ont pas accès à des services professionnels de psychiatrie régulièrement. Souvent, c'est la gestion de crise qui absorbe la plus grande part des ressources de la communauté alors qu'elles se font rares. En outre, la planification stratégique tout comme les activités de prévention sont perçues comme étant un luxe. Il est nécessaire de se pencher sur ces initiatives qui interviennent en amont et sur la prévention.
Bien que les Métis constituent environ 30 p. 100 de la population autochtone du Canada, selon le recensement de 2001, les Métis ne bénéficient toujours que d'un accès limité aux programmes de santé qui sont destinés aux Autochtones et qui sont dispensés par les gouvernements ou par des ministères fédéraux ou provinciaux. À titre d'exemple, les Métis n'ont pas droit aux services de santé non assurés offerts par la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada. Le gouvernement doit accroître le financement et les ressources destinés aux recherches et aux activités d'application des connaissances qui sont propres aux Métis et qui sont menées par des Métis ou par des partenariats qui comprennent des gouvernements, des organisations ou des communautés métis. Une stratégie globale de recherche doit également être adoptée afin de déterminer l'état de la situation au chapitre des maladies mentales et de la toxicomanie de même que les taux de prévalence de ces troubles chez les Métis, par exemple. De façon générale, alors que nous recueillons des données et que nous constituons une base de données fondée sur l'expérience des Premières nations et des Inuits, nous accusons un retard pour ce qui est de la collecte de données essentielles de base sur les Métis.
En outre, le rapport souligne que le système est très morcelé. C'est une situation que les groupes métis connaissent trop bien. Ce morcellement tient en partie au fait que la santé des Métis relève de la compétence des provinces, ce qui, comme l'indique le rapport, signifie que les Métis et les autres résidents de la province sont sur un pied d'égalité au chapitre de l'accès aux programmes et aux services. Si l'on établit un lien avec les arguments convaincants présentés dans l'exposé précédent en faveur d'une approche adaptée à la culture de chaque peuple, on se rend compte que cette approche n'existe pas pour les Métis, ni d'ailleurs pour les Premières nations ou les Inuits.
Parallèlement, les Métis ont un accès limité aux activités fédérales de promotion de la santé, comme les initiatives de lutte contre le VIH/sida et le diabète. Cette situation ne vaut pas pour d'autres groupes, ce qui signifie que les droits collectifs inhérents des Métis ne sont pas considérés comme faisant partie des droits fondamentaux des trois peuples autochtones du Canada reconnus dans la Constitution.
Pour élaborer un plan exhaustif traitant de la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie chez les Canadiens autochtones, y compris les Métis, le gouvernement doit reconnaître et respecter non seulement les droits constitutionnels des Métis, mais également les concepts de santé et de bien-être qui sont particuliers aux Métis. Cela comprend notamment la prestation de services en langue autochtone et l'inclusion des connaissances et pratiques de guérison traditionnelles.
Passons maintenant à une question qui intéresse la société en général : nous recevons actuellement beaucoup de questions au sujet du rôle que jouent les connaissances traditionnelles dans l'élaboration de nouvelles approches. Quand nous retournons en arrière il y a plusieurs centaines d'années, quand la santé mentale ne posait pas le même problème qu'aujourd'hui pour les communautés autochtones, nous constatons que le lien se situe au niveau des modes de vie et des connaissances traditionnelles de même que dans les démarches de guérison qui prévalaient alors. Parce que nous discutons avec nos aînés et avec nos guérisseurs traditionnels, lorsque nous participons à des cérémonies et que nous intégrons les modes de vie traditionnels aux façons de faire actuelles de la société en général, qui nous sont également utiles, alors nous constatons qu'il y a là un lien avec l'amélioration de la santé mentale.
Nous ne comprenons pas encore tout à fait ce lien. Il n'y a pas beaucoup d'appui sur le plan des connaissances traditionnelles. Il y a beaucoup de questions liées aux connaissances traditionnelles, comme ce qui touche aux droits de propriété intellectuelle et à leur protection par exemple. L'ONSA a déployé des efforts considérables au cours des dernières années au chapitre des connaissances traditionnelles des Inuits, des Premières nations et des Métis, afin de recueillir de nos aînés et de nos guérisseurs traditionnels les connaissances qui étaient utiles et pertinentes auparavant, en vue de les intégrer à nos pratiques actuelles.
Je vais vous parler du point de vue des Inuits. Le Centre métis de l'ONSA a entrepris des initiatives dans de nombreux domaines importants de la santé et de la santé mentale, et travaille avec l'Inuit Tapiriit Kanatami et participe à d'autres projets de recherche en collaboration avec d'autres centres et avec l'ONSA.
En conclusion, j'aimerais dire que nous avons commencé par souligner le fait que la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie préoccupent tous les peuples, mais, en réalité, l'hétérogénéité est le facteur sur lequel nous devons nous concentrer. Nous savons que l'approche qui s'applique à la société en général ne produit pas les résultats escomptés ou n'est pas totalement efficace chez les peuples autochtones. En outre, nous savons qu'une démarche unique destinée à ces trois groupes reconnus par la Constitution n'est pas non plus la bonne solution. Toute démarche doit être propre à chaque nation.
Comme organisation, nous avons tout fait pour respecter cette diversité. Les mémoires que vous avez reçus font état de préoccupations communes ou de thèmes communs qui se dégagent des analyses. Pour que les services de soins de santé mentale soient efficaces, il faut qu'ils soient pertinents sur le plan culturel. Comme vous le constaterez dans les rapports qui vous ont été soumis, nos collègues de la Nouvelle-Zélande estiment que c'est une question de sécurité. Il ne s'agit pas simplement d'un élément qu'il serait bon d'inclure dans nos programmes. Dans une certaine mesure, les peuples autochtones souffrent de l'absence d'une approche adaptée à leur culture en matière de soins de santé.
À titre d'exemple, je vais vous parler de ce que nous a raconté une aînée inuite qui participe régulièrement à nos réunions comme membre du conseil. Elle m'a fait part de cet exemple pendant qu'elle parlait du suicide d'un jeune dans sa communauté. Ce jeune a réellement voulu aller à l'école. C'était un jeune garçon. Il est allé à l'école. Il n'a pas pu s'identifier à ce qu'on lui enseignait. Pour résumer, j'imagine que je dirais que ce sentiment a eu des répercussions sur l'estime qu'il avait de lui-même. Il n'arrivait pas à comprendre ce qu'on lui enseignait. Le contexte scolaire ne répondait pas à ses besoins d'apprentissage. Il en a conclu que c'était lui qui était la source du problème. Il suffit de songer aux répercussions d'une telle situation sur le bien-être de cet enfant et sur sa capacité à imaginer qu'il pouvait réussir quoi que ce soit dans la vie pour se rendre compte que le dénouement de cette situation a été tragique.
Établissons-nous un lien entre le contexte d'apprentissage et l'effet qu'il a eu sur la santé mentale de cet enfant? Comprenons-nous qu'il faut effectuer des recherches pour mieux connaître ces phénomènes? C'est un récit très touchant qui illustre très bien les problèmes que vivent les habitants du Nord.
De nombreux changements doivent être apportés et de nombreuses initiatives doivent être entreprises afin que le dossier de la santé mentale des peuples autochtones progresse de façon significative. Les politiques, programmes et procédures adoptés par le gouvernement doivent respecter et inclure tous les concepts des Premières nations, des Métis et des Inuits au sujet de la santé et de la guérison. Ce sont les Premières nations, les Métis et les Inuits qui doivent initier et, si possible, effectuer les recherches qui les concernent, comme collectivités ou comme particuliers. Les recherches doivent être menées conformément aux principes d'appropriation, de contrôle, d'accès et de possession.
La formation et le perfectionnement de professionnels, d'auxiliaires et de chercheurs issus des Premières nations ainsi que des communautés métisses et inuites oeuvrant dans le domaine de la santé mentale doivent être un objectif prioritaire.
Le président : Nous cédons maintenant la parole à John Service, président du conseil d'administration de l'Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale, ainsi qu'à Phil Upshall qui est le directeur exécutif national de cette organisation.
M. Phil Upshall, directeur exécutif national, Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale : Nous entretenons d'excellentes relations avec votre comité et je suis ravi de vous annoncer que nous serons toujours à votre disposition. Je tiens à vous indiquer, monsieur le président et membres du comité, que nous rédigeons actuellement notre rapport sur les maladies mentales pour l'année 2005. Ce rapport s'appuie sur celui de 2002. Je vous en parle maintenant, avant de prononcer mon exposé, car nous avons enrichi notre rapport sur les maladies mentales. En effet, il comprendra un chapitre sur la santé mentale des Premières nations et des Inuits. La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada nous a demandé de faire ce travail et a consenti à en financer une partie. En outre, le Dr Jeff Reading, qui est membre de l'Institut de la santé des Autochtones, soit l'un des instituts de recherche en santé du Canada, a également contribué au financement de ce projet. Je me suis dit que vous et vos collègues aimeriez le savoir.
Je vais limiter mes observations parce que ce que j'ai à dire est contenu dans le rapport que j'ai sous la main et parce que j'ai déjà eu l'occasion de comparaître devant vous. En outre, le Dr John Service a témoigné hier soir. Il a d'ailleurs fait un excellent témoignage, d'après ce que je comprends. Je veux souligner pour les fins du compte rendu que l'Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale est le regroupement le plus important et le plus exhaustif qui s'occupe de questions nationales de santé mentale et de maladie mentale. J'ai d'ailleurs ajouté une annexe qui contient le nom de nos nouveaux membres. Parmi eux figure l'Association canadienne des soins de santé. En outre, les chefs de police se sont joints à notre organisation par l'entremise de leur comité sur la santé mentale. Nous sommes très heureux de bénéficier de cette représentation élargie pour mener nos activités.
Pour ce qui est des forces et des faiblesses de votre rapport, il ne serait pas tout à fait exact de dire qu'il ne contient pas de faiblesses. Il s'agit d'un rapport vraiment très solide : les membres de notre organisation l'ont analysé en profondeur et nous croyons qu'il contient des observations tout à fait pertinentes et utiles sur presque tous les aspects clés dont vous avez traité. Ainsi, nous n'allons pas parler des points forts de votre rapport.
Concernant les résultats de notre analyse sur lesquels nous devons nous prononcer, le rapport est axé sur les besoins de la population en matière de santé mentale et de maladie mentale, et nous croyons que c'est la démarche qu'il faut privilégier au lieu de se concentrer sur les besoins des institutions et fournisseurs de soins de santé. Le patient doit être au cœur de nos préoccupations et vous l'avez reconnu. Il doit exister un partenariat dont on précise les modalités dans une certaine mesure entre les services et les professionnels. Il faut reconnaître que le consommateur peut légitimement contribuer au dialogue et à la mise en œuvre d'un plan d'action aussi. Il est essentiel de réclamer une accessibilité accrue aux services. Évidemment, vous constatez qu'il y a un problème chronique de sous-financement. Vous faites également état des graves pénuries dans le domaine de la santé, pour ce qui est des ressources humaines, et cetera. Vous avez tout à fait raison.
Notre seule préoccupation, si on peut la qualifier de préoccupation, tient au fait que votre rapport est si bon et détaillé que les gouvernements au pouvoir, qu'ils soient provinciaux ou autres, ont la possibilité de ne retenir que certaines des options que vous proposez. L'Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale préconise l'adoption d'un plan d'action global à l'échelle nationale. Tous les éléments de votre rapport devraient être compris dans ce plan. Ce que nous craignons, et cela s'est produit dans d'autres provinces et territoires, c'est que les intervenants les plus importants et les plus puissants choisissent un programme précis, excellent, et le financent. Dans ce cas, la grande majorité, ou, à tout le moins, une importante minorité de la population, se dira qu'on a tenu compte de ses intérêts et donc qu'il n'est pas nécessaire de se préoccuper des intérêts d'autres groupes. Notre préoccupation tient au fait que nous souhaitons que vous continuiez de reconnaître la nécessité d'un plan d'action global à l'échelle nationale.
L'option que nous privilégions consiste en un plan d'action national qui serait élaboré par un groupe d'intervenants éminents et reconnus comprenant des consommateurs, des patients et leurs familles. Ce groupe fournirait des conseils aux responsables de l'élaboration des politiques au sein des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Nous croyons qu'il s'agit d'un des éléments essentiels d'une stratégie nationale. Les rédacteurs de ce plan devraient bénéficier de l'appui d'un bureau de santé mentale faisant partie du gouvernement fédéral et relevant d'un ministre d'État responsable de la santé mentale, lequel présenterait un rapport au Parlement par l'entremise du ministre de la Santé.
C'est une suggestion. Si nous pouvions obtenir un ministre responsable du mieux-être, comme c'est le cas au Manitoba, en persuadant le gouvernement fédéral qu'il doit se doter d'un organisme plus important et très puissant pour rassembler les questions concernant la santé, les enjeux sociaux, les incapacités, les services correctionnels et les questions autochtones, alors ce serait la solution que nous préconiserions.
Nous croyons que cette stratégie nationale doit être le résultat d'un processus de négociation entre les intervenants fédéraux, provinciaux et territoriaux. Le groupe de spécialistes distingués qui participeraient à la conception du plan devrait être permanent afin de fournir des conseils sur sa mise en œuvre. En outre, je le répète, ce groupe devrait représenter tous les intérêts.
Le plan d'action national et toute autre mesure sont voués à l'échec si le gouvernement fédéral n'établit pas de modèle de comportement. Le gouvernement fédéral doit prendre les devants et établir des normes strictes auxquelles les gouvernements provinciaux et territoriaux devront obéir en ce qui a trait aux initiatives qui ont pour objet de répondre aux besoins de nos communautés.
Si le gouvernement fédéral oblige les autres paliers de gouvernement à prendre des mesures sans résoudre les problèmes qui existent dans les communautés autochtones et dans d'autres domaines qui relèvent de la compétence fédérale, alors nous croyons que le plan d'action national sera un échec. Nous croyons qu'un modèle axé sur le patient est la voie à suivre au chapitre de la prestation de services et de soutien. Je vais maintenant céder la parole au Dr Service, qui vous parlera brièvement de modes de prestation de ces services et de programmes de soutien.
Je tiens à ajouter que nous nous employons actuellement à réunir des groupes témoins de concert avec l'Initiative canadienne de collaboration en santé mentale. Je viens de recevoir des informations intéressantes en provenance de Whitehorse, ce matin, et je serai ravi de communiquer ces renseignements au comité ultérieurement.
Le président : Quand croyez-vous obtenir les résultats des groupes témoins?
M. Upshall : Probablement dès la première semaine de mai. Une fois que nous aurons mené ce projet à terme, vous voudrez peut-être rencontrer le groupe qui s'est occupé des groupes témoins.
Le président : C'est là où je voulais en venir. Puis-je vous demander de communiquer avec notre personnel?
M. Upshall : Absolument.
M. John Service, président, Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale : Je serai bref. Je me contenterai de vous dire que nous avons réagi à toutes les sections du rapport no 3. Aujourd'hui, nous sommes prêts à vous parler de financement, de santé, de ressources humaines dans le domaine de la santé mentale, de détection précoce et de prévention ainsi que du modèle de rétablissement par opposition au modèle de la santé de la population. Nous sommes prêts à répondre à toutes les questions que vous souhaitez nous poser aujourd'hui.
[Français]
Le sénateur Gill : La définition de la maladie mentale est probablement la même partout autant chez les Premières nations que chez les non autochtones.
À cause du contexte général dans lequel la plupart des populations vivent, et du mode de vie qui a été transformé, je me demande si, pour les Premières nations, les Inuits, on peut parler de maladie mentale de la même façon que pour les non autochtones?
Les résultats constatés dans les communautés autochtones, y compris dans la mienne — je demeure au nord du Québec, sur la Côte-Nord du Saint-Laurent et au Labrador. Mon groupe, les Innus, vient de ce territoire et nous avons beaucoup de suicides dans notre communauté. Cela varie d'une communauté à l'autre, mais assez souvent, c'est trois, quatre et même cinq fois plus élevé que la moyenne non autochtone. Je ne pense pas que cela soit dû, si on veut le considérer comme tel, à une maladie mentale. Je dirais plutôt que c'est une maladie moderne qui est arrivé il y a quelques années chez les Autochtones. Je me pose la question à savoir si cela n'est pas dû à une politique d'intégration, voire d'assimilation, voulant que les Autochtones, les Premières nations, deviennent éduquées, instruites. On a vu une mobilisation considérable de tous les jeunes qui partent du Nord vers les écoles du sud et ensuite, qui retournent dans leur milieu respectif sans adaptation dans le milieu non autochtone. Ces jeunes vivent de grands malaises. L'intégration a échoué et on a désintégré des jeunes dans leur milieu. Le mode de vie, l'habitation, le développement économique, tout a été chambardé. Il faut comprendre pourquoi il existe un taux de suicide si élevé dans le milieu autochtone. Je ne crois pas que la maladie mentale soit plus élevée — elle l'est peut-être maintenant, dû à certaines choses que l'on vient de mentionner — qu'ailleurs. Par contre, les suicides dans nos communautés représentent un fléau considérable. Quand cela commence, il y a une escalade du suicide chez les jeunes et particulièrement chez les jeunes hommes.
Afin de pourvoir apporter des remèdes à ces maux, il faut connaître le raison de ces maux. Je vous demande votre évaluation à ce sujet. Est-ce la même chose dans les communautés du nord, que ce soit au Nunavik, au Nunavut, dans les communautés métis ou les communautés de l'ouest? Ne s'agit-il pas du même phénomène; une désintégration, une tentative d'intégration, des échecs considérables? Les jeunes se retrouvent assis entre deux chaises, ne savent plus quoi faire et sont complètement dévalorisés. Il n'y a plus de chasse, plus pêche, plus de trappe : les modes traditionnels, c'est fini. Que fait-on avec cela?
[Traduction]
Mme Downey : Sénateur, je vous répondrai que par nos déplacements dans le cadre des travaux de l'ONSA, nous avons des discussions de différentes natures avec les professionnels de la santé et les responsables des politiques publiques. Si je commençais chaque conversation en posant des questions comme les vôtres, nous serions beaucoup plus avancés. Vous avez judicieusement cité certaines des raisons clés qui expliquent la situation actuelle. Vos propos ne sont pas exagérés. Il s'agit d'un fléau. C'est une crise.
Si ces taux de suicide existaient dans certaines de nos zones urbaines des communautés non autochtones, les journaux en parleraient chaque jour en manchettes. Bien que la société soit sensibilisée de façon générale, ce sont des commentaires comme les vôtres qu'il nous faut pour sensibiliser encore davantage les responsables des politiques, les chercheurs, nos collègues et les organisations qui sont nos partenaires dans ce domaine. Je vous félicite d'avoir cerné si justement certains des facteurs connexes.
On m'a interviewée pour un journal récemment. Ce genre de situation se produit assez souvent; c'est ce que j'appelle « Facteurs culturels 101 concernant les peuples autochtones ». Si l'on comprend vaguement les répercussions qu'ont eues les politiques assimilatrices sur les Autochtones pendant les quelque 300 dernières années, nous devons comprendre que beaucoup de professionnels de la santé ne comprennent pas et ne saisissent pas la relation entre ce qu'ont subi les peuples autochtones à cause des efforts de relocalisation, les systèmes de pensionnat, menant essentiellement à la perte de leurs traditions, de leurs langues et de leur mode de vie et ce que tout cela a à voir avec notre monde moderne. On dit parfois qu'il s'agit d'un effet de retombée et il faut en tenir compte.
Au vu de ce qui doit se produire au sein du système, nos professionnels de la santé doivent suivre une formation différente, ce qui signifie que les têtes dirigeantes des universités et autres institutions doivent en être conscientes. Il nous faut des champions dans leurs rangs. Les organismes de réglementation professionnelle qui régissent nos professionnels doivent en être conscients pour pouvoir agir en conséquence. Nous devons avoir la possibilité de travailler de concert avec ces groupes lors de leur formation et de leur période de résidence. Voilà un des changements systémiques qui doit s'effectuer.
Le journaliste m'a dit : « Tout cela s'est produit il y a longtemps, n'est-ce pas? Pourquoi en parlons-nous encore? Quelles en sont les raisons actuelles? » L'intention était bonne : Essayer d'en saisir les raisons essentielles parce que tout cela est arrivé dans le passé, mais nous en subissons toujours les contrecoups. Lorsqu'on parle de santé mentale, on se tourne du côté des familles en bonne santé. Ces familles trouvent le moyen de subvenir à leurs besoins, elles ont un but dans la vie, elles ont un emploi qui leur permet de contribuer à la société. Elles peuvent vivre leur vie sans être empêchées de le faire à cause des restrictions sur la chasse, par exemple, et elles peuvent enseigner leurs traditions à leurs enfants et leurs enfants peuvent alors poursuivre sur la même lancée. C'est ça, la santé mentale pour une communauté.
L'ONSA propose, entre autres choses, un programme de modèle d'identification à l'intention de la jeunesse. Nous entamons le deuxième cycle de ce programme cette année et 12 jeunes d'un peu partout au Canada — Premières nations, Inuits et Métis — ont été choisis par leurs pairs pour participer à divers événements communautaires pour expliquer comment ils ont réussi en devenant soit infirmières, soit athlètes, soit enseignants afin que ce message soit transmis à la jeunesse. Ça coûte cher, faire tout cela. Les ressources qu'on peut y consacrer, si elles ont augmenté, ne suffisent toujours pas. En entreprenant notre évaluation, nous espérons pouvoir améliorer les choses.
Afin que le soutien offert soit souple, il faut savoir qu'on obtiendra des résultats différents selon les méthodes employées. Je suis infirmière de profession. Récemment, mon programme d'études m'a amenée à participer à un stage dans un centre urbain de santé. Je devais travailler dans ce centre de santé et j'ai proposé de participer à un cercle de tambours de femmes des Premières nations afin de comprendre quelles pouvaient en être les répercussions sur la santé mentale des participantes.
J'ai œuvre en santé mentale ordinaire pendant plus de 20 ans. À ce niveau, il y a des approches, des médicaments et des relations thérapeutiques qui donnent de bons résultats. Je cherchais cependant à comprendre ce qui peut faire une différence dans la vie de ces femmes. Pendant les quatre premières séances, personne n'a parlé de ses problèmes. Aucune ne voulait vraiment parler de ce qui se passait dans sa vie. Pendant les 12 semaines, ces femmes ont appris à comprendre les traditions du tambour et du chant et leur signification culturelle pour elles. Je me suis retrouvée, vers la fin, avec un groupe de femmes qui pleuraient, qui réussissaient enfin à se laisser aller, à se soulager et à parler de ce qui les déprimait depuis tant d'années et pourquoi elles avaient participé à des cycles psychiatriques du système ordinaire où personne ne semblait comprendre pourquoi leur état ne s'améliorait pas.
Après 12 semaines avec ce cercle de tambour, les femmes avaient formé des liens affectifs entre elles, elles souriaient et elles abordaient la vie de façon plus saine. Je ne sais pas quelles en ont été les répercussions au quotidien parce que je ne suis pas allée jusque-là. Je sais qu'après 15 ans de travail dans un milieu psychiatrique qui donne d'assez bons résultats, j'ai constaté qu'il y avait une différence. C'est parce que ce centre urbain de soins de santé pour Autochtones nous a aidés. Nous avions une salle et de l'argent pour acheter des tambours pour les femmes. On pouvait leur offrir un goûter, un service de garderie et des billets d'autobus pour leurs déplacements. Ce centre urbain de soins de santé a les ressources pour le faire. C'est ce genre d'initiatives, d'innovations et de ressources qu'il nous faut. Je suis sûre que si nous mettons sur pied une stratégie de développement pour les Premières nations et les Inuits, nous pourrons partager ces autres cas de réussite parce qu'il en existe. Travailler de concert avec les autres groupes du partenariat pour intégrer ces deux approches nous aidera à améliorer les choses.
M. Gordon : J'aimerais ajouter à ce qu'a dit Mme Downey. Il a été question de la définition de la maladie mentale. Je sais que dans la culture inuite, on ne parle pas de maladie. Nous voulons être en bonne santé mentale. Les mots font une différence.
Vous avez parlé d'envoyer les étudiants du Nord vers le Sud afin de parfaire leurs études pour qu'ils puissent ensuite retourner chez eux. Bien souvent, lorsque les gens partent du Nord pour revenir ensuite, ils n'y trouvent pas de travail. Ils ont suivi des cours, ils ont un diplôme, mais il n'y a pas de travail pour eux. Ils deviennent ingénieurs. Le seul travail qu'ils peuvent trouver, c'est dans le Sud, à cause de leur formation et de leurs antécédents. Nous perdons beaucoup de nos gens ainsi parce qu'il n'existe ni infrastructure ni emploi dans leur domaine d'expertise.
Pour que les Inuits puissent travailler et devenir des membres productifs de la société, ils doivent souvent s'exiler. C'est le dilemme auquel font face maintenant nos jeunes étudiants.
[Français]
Le sénateur Gill : Je pense qu'il est très important de connaître la maladie avant d'y apporter des remèdes. Il faut faire un bon diagnostic. Je pense que c'est un problème majeur pour l'évaluation de la situation dans le milieu des Premières nations.
Le sénateur Pépin : Dans le document que vous nous avez présenté, on parle d'une stratégie nationale de prévention du suicide. On dit qu'on devrait élaborer cette stratégie conjointement avec les gens des Premières nations, les professionnels de la santé et des affaires sociales, les aînés, les jeunes ainsi que les autres parties intéressées. On dit que cela devrait refléter particulièrement les besoins des Premières nations avec le respect des connaissances existant au sein de chaque communauté.
Est-ce que cela veut dire qu'actuellement, ce qui est proposé ne reflète pas ce que vous demandez dans votre mémoire? Les stratégies et les développements seraient faits par d'autres professionnels qui ne seraient pas des communautés aborigènes ou innues? C'est à la page 9 de votre présentation, en haut de la page.
[Traduction]
Mme Downey : Si j'ai bien compris votre question, il s'agit de la déclaration qu'on a entendue ici et selon laquelle cela doit se faire de concert avec les chefs des Premières nations. Vous demandez un éclaircissement. Est-ce que cela veut dire que cela ne se fait pas maintenant?
Le sénateur Pépin : Oui.
Mme Downey : Il y a plus d'un facteur. Souvent, au niveau des initiatives fédérales, des initiatives fédérales- provinciales-territoriales, qui sont plutôt complexes, lourdes et coûteuses à certains égards, les besoins des Premières nations, des Inuits et des Métis sont peut-être perçus et rajoutés après coup.
Il est important de partager ces renseignements ensemble et de nous comprendre, un peu comme ce que nous faisons ici aujourd'hui. Cependant, l'information enrichie que vous avez reçue, qu'il s'agisse de Premières nations, d'Inuits ou de Métis, est très différente. Nous devons continuer de nous parler, mais il est de la plus haute importance que vous compreniez le mieux possible les besoins précis de ces trois groupes reconnus dans la Constitution.
[Français]
Le sénateur Pépin : Messieurs les médecins, à la page 7 de votre mémoire, il est dit :
[Traduction]
À l'heure actuelle, les services sont rares et trop sollicités et ne semblent pas attrayants pour les Canadiens à qui ils sont destinés. On tend donc à trop souvent les éviter. Cela doit changer dans toutes nos communautés à travers le Canada.
[Français]
Quels sont les services qui devraient être changés ou améliorés? Un peu plus bas dans votre mémoire, on parle des ressources humaines. Il y est mentionné que vous avez beaucoup de difficultés à attirer les étudiants dans le domaine de la psychiatrie. Vous donnez quelques raisons et vous dites :
[Traduction]
Le résultat, c'est que les Canadiens moins bien nantis n'ont pas le même accès que leurs voisins plus riches.
[Français]
Quelles sont les difficultés vécues par les étudiants qui veulent se diriger en psychiatrie ou en psychologie par rapport aux autres qui veulent aller dans d'autres disciplines de la médecine?
[Traduction]
M. Service : Votre première question est extrêmement importante. Si nous ne prenons qu'un seul groupe, c'est-à-dire les jeunes adultes, et que nous demandons à ces derniers pourquoi ils n'ont pas recours aux services de santé mentale, ils répondront très souvent que c'est parce que ces services se trouvent dans les grands hôpitaux, c'est-à-dire dans des endroits où ils ne se sentent pas à l'aise. On ne s'y sent pas aussi à l'aise que dans un centre de services du centre-ville comme Operation Go Home ou quelque chose du genre qui est conçu pour l'adolescent un peu plus âgé ou le jeune adulte de telle façon que ces derniers se sentent plus à l'aise dans ce genre d'endroit. L'endroit où nous offrons nos services signifie que parfois on ne s'en servira pas de façon très efficace. C'est une question sérieuse. Vous aviez une question.
Le sénateur Pépin : Je suis d'accord et j'aimerais vous entendre donner plus de détails sur la façon dont vous organisez les services.
M. Service : Après 15 ans de pratique comme psychologue auprès d'enfants, d'adolescents et de familles en Nouvelle-Écosse, je peux vous dire que nous avions des problèmes à faire en sorte que les enfants et leurs familles se sentent à l'aise en milieu hospitalier. Nous avons négocié un accord avec la commission scolaire du comté pour offrir nos services de santé mentale dans les écoles. C'était beaucoup plus efficace. Les gens se sentaient beaucoup plus à l'aise et nous avions aussi accès aux professeurs. On n'attendait que la signature de l'accord mais le gouvernement a changé et vous savez ce qui se passe lorsque le gouvernement change.
Vous m'avez posé une question à propos des ressources humaines. Je suis psychologue et ça se trouve à l'extérieur de mon domaine. En médecine, il nous faut plus de généralistes et de psychiatres. Vous devriez en parler au Collège des médecins de famille du Canada et à l'Association des psychiatres du Canada, parce que je ne suis pas psychiatre. On constate que c'est très difficile de trouver assez de gens, ce qui est remarquable, puisqu'en général les soins primaires sont l'affaire des médecins de famille.
Deuxièmement, en psychologie, il y aura de 100 à 150 excellents candidats pour chaque poste. Le problème, c'est qu'il n'y a pas assez de postes pour répondre à la demande.
Troisièmement, au niveau de la psychologie, les politiques du gouvernement et les conditions de travail sont telles que de plus en plus de psychologues choisissent la pratique privée. Cela rend les choses très difficiles quand il n'y a pas assez de services publics offerts aux Canadiens à revenu moyen ou relativement faible à cause de la barrière financière.
M. Upshall : J'ajoute ceci : qu'il s'agisse de la santé mentale des communautés autochtones ou autres, à notre avis, le mieux, c'est d'avoir un groupe communautaire de soutien par les pairs qui soit suffisamment bien financé et qui offre des services adéquats. Les gens se sentent beaucoup plus à l'aise lorsqu'ils partagent avec leurs pairs, qu'il s'agisse de ce cercle de tambour dont il a été question ou d'autres choses.
La réalité, comme vous le dira le groupe précédent, le Bureau de la condition des personnes handicapées, c'est que le financement à la fois au niveau national et provincial pour les ONG qui fournissent ces services a été comprimé de façon radicale. C'est une question dont vous avez déjà traité et dont il vous faudra traiter encore, mais c'est cela, la réalité : c'est ainsi que nous guérissons, que nous retrouvons notre estime de soi et que nous faisons des progrès. Le milieu médical ne semble pas vraiment comprendre cela, c'est-à-dire qu'il ne semble offrir aucun appui non seulement au niveau des problèmes institutionnels, où nous offrons un appui, non seulement au niveau des problèmes de médication, où nous offrons aussi notre appui, et que les questions communautaires qu'il faut absolument régler dans le contexte d'une guérison complète ne reçoivent pas le genre d'appui qu'elles méritent.
Le sénateur Cook : Ce sera bref. Dans le mémoire de l'Alliance pour la maladie mentale et la santé mentale canadienne, il est dit que l'initiative pour réserver des fonds pour la santé mentale est sérieusement déficiente. J'aimerais savoir ce qui pourrait faire le bonheur de l'Alliance.
Ensuite, madame Downey. Toute cette idée des connaissances traditionnelles, est-elle orale? Y a-t-il quelqu'un qui couche tout cela sur papier ou le garde en mémoire pour les générations à venir? Ce sera critique pour l'avenir.
À titre de membre de l'Église unie du Canada qui a eu une certaine connaissance des répercussions qu'on doit aux pensionnats, je me demande combien de générations il faudra pour rétablir la situation surtout au niveau des compétences parentales des familles de l'époque qui ont perdu ces compétences parentales parce que leurs enfants ne vivaient plus avec eux.
J'aimerais entendre vos commentaires sur les partenariats égaux. À la page 5 de votre mémoire, vous dites que c'est ce qu'il faut. Avec ces explications, il me sera possible de comprendre comment vous devez cibler la création de capacité.
M. Upshall : Du point de vue de la collectivité, et de celui qui a été à la fois consommateur et participant, surtout dans la province de l'Ontario, ayant constaté ce que l'on fait des fonds destinés à la province et à la santé mentale, j'ai l'impression que si on ne dit pas qu'il faut les consacrer au volet santé mentale dans la collectivité et s'en servir pour développer les services dont on a besoin, on se retrouvera dans la même situation — les poids lourds, les hôpitaux et les autres vont mettre la main dessus. C'est mon opinion personnelle. Ça vient de la base. C'est un sentiment très profond. Je sais qu'il y en a qui ne sont pas du même avis, et je respecte leur position. C'est une question sur laquelle se penchera l'Alliance lorsque nous déposerons notre mémoire en juin.
M. Service : Vous aviez raison de dire, hier, monsieur le président, que vous vous trouvez dans une situation impossible avec ce genre de fonds. D'un côté, on peut faire une sélection minutieuse, quand les temps sont durs. Nous savons que cela s'est fait au pays. Je suis dans ce métier depuis 30 ans, et je sais que cela s'est produit à plusieurs reprises. Les fonds désignés sont très vulnérables. Ils sont isolés, ce qui ne fait qu'accroître la séparation. Ces fonds ciblés et désignés peuvent enclencher une transformation. Ils peuvent servir à se procurer cette transformation. Si on tient compte des changements structurels dont on aura besoin pour le long terme, et si on procède de façon correcte, cela pourrait être utile.
Vous avez dit plus tôt que cela pourrait servir à procurer une action positive, et vous avez raison. C'est ce qui arrivera si on réussit à s'intégrer à la structure du pouvoir actuelle. À ce moment-là, il s'agira d'un service utile qui n'aura pas à concurrencer le côté physique, qui est plus gros et plus malin, pour obtenir ces mêmes fonds. Les fonds désignés sont très utiles pour le court terme, mais je les trouve inquiétants pour le long terme. Trop souvent je les ai vus retirés, réduits ou éliminés.
M. Upshall : À deux reprises, nous avons tenté d'appliquer la notion de financement ciblé. Au moment des coupures, nous avons perdu de l'argent, et nous avons demandé aux hôpitaux de nous expliquer où étaient passés les services de soutien, les psychologues qui devaient recevoir un financement. On nous a répondu qu'ils avaient perdu leurs sources de fonds et qu'ils avaient congédié le groupe et avaient mis fin au programme. Cela faisait partie du financement général, la somme énorme qu'avait reçue l'hôpital, et les autres programmes ont survécu, y compris les programmes d'appui pour les patients souffrant de cancer : tous les programmes qui sont traditionnels. Cependant, nos programmes, qui avaient reçu un financement ciblé, furent éliminés, et cela a causé beaucoup de torts à notre collectivité.
Mme Downey : Pour ce qui est des connaissances traditionnelles, vous avez identifié quelque chose de très important. Vous avez dit que votre tradition orale vous a permis de savoir ce qui s'est passé au fil des ans. C'est ce qui se passe depuis des milliers d'années. Vous avez identifié le besoin de protéger, d'intégrer et de communiquer les connaissances et les méthodes de guérison traditionnelles. Il faut créer des occasions propices pour que cela puisse se faire.
Afin de créer ces occasions, il nous faut les appuis et les mécanismes nécessaires. Il faut créer une confiance parmi les experts, les guérisseurs traditionnels et les aînés. Ils n'ont pas tendance à partager leur information par écrit. L'esprit de confiance a été brisé dans le passé, et nous avons maintenant des compagnies pharmaceutiques qui disposent d'une information qui remonte à plusieurs centaines d'années. La protection représente un enjeu très important à ce niveau- là.
Sur un ton plus optimiste, un de mes collègues, James Lamouche, qui est avec nous aujourd'hui, communique depuis quatre ans avec ces personnes pour noter tous les enjeux et tout ce qui se produit. L'ONSA a l'intention de publier quelques documents très importants dans un avenir rapproché.
Un examen du curriculum vous montrera comment nous essayons d'apporter un changement pour que les professionnels de la santé et les représentants de la collectivité puissent choisir aux deux endroits. Le Canada a, aujourd'hui, des exemples de réussite. Quelqu'un qui souffre du diabète peut se rendre dans une clinique dans sa communauté, franchir la porte à gauche pour voir un guérisseur traditionnel, ou franchir la porte à droite pour demander une prise de sang qui servira à analyser son taux de glycémie.
Il est important de trouver des approches innovatrices. Nous avons fait preuve d'innovation dans nos propres projets. Nous avons signé un protocole d'entente avec un groupe de guérisseurs traditionnels d'Amazonie, le groupe Yaja, qui a fait beaucoup de travail dans ce domaine. Nous espérons créer une initiative de formation afin de pouvoir communiquer ces éléments de connaissances traditionnelles, tout en les protégeant. Cela correspond à ce que nous devons mettre en place.
J'espère que cela répond à certaines de vos questions.
Le sénateur Cook : Oui, effectivement. C'est là où je voulais en venir. Il sera essentiel de bien se connaître si nous voulons collaborer à l'élaboration de programmes.
Mme Downey : Tout à fait. Nous espérons entreprendre d'autres projets avec l'ONSA. Nous avons passé trois ans à traverser le pays pour rencontrer les guérisseurs traditionnels. Maintenant, nous allons réunir toute cette information de base et chercher les ressources qu'il nous faudra pour poursuivre le travail et pour examiner les changements de curriculum, et nous devons aussi dialoguer avec les autres partenaires afin de pouvoir inclure ces connaissances dans nos discussions.
Vous avez aussi parlé des pensionnats et des compétences des parents. Nous ne pourrons pas changer cela du jour au lendemain. Comme l'a dit M. Gordon dans sa présentation, il s'agit d'une approche globale. Avant de pouvoir comprendre comment mettre au point ces aptitudes et établir ces liens, les parents dans ces communautés doivent pouvoir guérir, sur le plan mental, physique, émotif et spirituel. Pour faire cela, il faut examiner la question de la pauvreté. Il est difficile de maîtriser sa colère, pour le bien de ses enfants, lorsqu'on ne sait pas comment on va arriver à les nourrir ou à les instruire afin de leur donner une vie meilleure, ou bien lorsque votre sous-sol est plein de moisissure depuis dix ans et que vous venez de vous rendre compte, grâce aux médias, que c'est une menace pour la santé. Il faut régler ces déterminants de la santé avant de passer à l'étape suivante. On a tellement insisté sur la nature urgente de cette situation.
Vous avez compris. Comment pouvons-nous concrétiser les initiatives de prévention en créant des familles saines? La question est très complexe.
Le sénateur Cochrane : Monsieur Upshall, croyez-vous que la nature précise de la santé mentale devrait en faire une entité distincte, plutôt que d'être liée aux personnes qui ont d'autres incapacités?
M. Upshall : Encore une fois, du point de vue du consommateur qui a fait l'objet de discrimination et d'isolement pendant des centaines, sinon des milliers d'années, le moment est venu pour une action positive, et il faut s'attarder à ces questions particulières. Cela fait partie de l'être humain, fait partie d'un nombre de maladies physiques dont l'être humain peut devenir victime. Selon moi, il faut que la santé mentale devienne une question importante pour toutes les raisons que vous avez entendues aujourd'hui, et, après quelques années, ce sera accepté par la collectivité et nous pourrons ensuite régler ces questions au fur et à mesure qu'elles se présenteront.
Cependant, je suis certain que le Bureau de la condition des personnes handicapées vous dira que leur programme a clairement indiqué qu'alors que les Canadiens accepteront les personnes ayant une déficience physique, ils n'accepteront pas les personnes ayant une déficience mentale. Le taux est de 66 p. 100 contre 33 p. 100. C'est une réalité avec laquelle nous composons en tant que société et dans les programmes gouvernementaux. Le niveau de discrimination est élevé.
M. Service : Je suis d'accord avec M. Upshall. À long terme, l'une des choses que vous pourriez faire avec votre rapport, ce serait d'examiner les problèmes liés aux maladies psychologiques dans la santé physique. Selon la rédaction actuelle du rapport, la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie sont abordées de façon tout à fait cloisonnée. Dans les domaines de la psychologie, de la psychiatrie et des patients, il y a beaucoup de problèmes liés à la santé mentale lorsqu'on soigne quelqu'un pour le cancer, les maladies respiratoires, les maladies du cœur et autres. Cela normalise la santé mentale, la maladie mentale et les toxicomanies. Cela devient beaucoup plus une partie de nos activités quotidiennes normales.
Nous avons un merveilleux programme national qu'on appelle le Guide alimentaire canadien. Ce serait merveilleux d'avoir un Guide canadien de la santé mentale, qui dirait aux gens comment faire face au stress, aux inquiétudes, aux dépressions et aux sentiments normaux qu'ils éprouvent tous les jours. Santé Canada pourrait faire cela. Cela sensibiliserait le grand public à ce genre de questions.
Le sénateur Cochrane : Pour revenir à l'expérience de Mme Downey relativement au cercle de tambour, j'ai noté quelques petites choses que cet exercice comporterait, et qu'on pourrait souvent faire au sein de la collectivité autochtone. Voici quelques facteurs qui amélioreraient la santé.
Ce sont le défoulement et le partage des problèmes. C'est la possibilité de se parler. On fait partie d'un grand groupe plutôt que d'être isolé. On partage les solutions. On a l'appui des pairs. Ce sont là quelques-unes des choses qu'on peut faire n'importe quand dans un groupe comme le vôtre. C'est merveilleux, mais vous devriez passer le mot.
Mme Downey : Je vous en remercie. Une partie très importante de cette séance, c'est de parler du fond du cœur. Ce qu'on voit dans les journaux tous les jours nous désensibilise aux statistiques épeurantes. Nous sommes habitués aux histoires d'horreur. Afin de changer les choses, il faut parler aux gens des communautés et prendre connaissance des efforts de promotion du bien-être qu'ils font ainsi que de certaines de leurs expériences réussies.
L'Organisation nationale de la santé autochtone n'en est qu'à ses débuts. Nous travaillons avec nos partenaires, tant autochtones que non autochtones, mais il faut un financement fiable pour pouvoir faire progresser ce travail. Nous pouvons l'identifier. Nous pouvons préciser ce qu'il faut faire, mais nos organismes ont besoin d'appui pour faire cela, pour faire passer le message et pour travailler avec les communautés. Cela nécessite un investissement et un engagement de la part du gouvernement pour y arriver.
Le président : Je vous remercie tous d'être venus.
La séance est levée.