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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 15 - Témoignages du 10 mai 2005 - Séance de l'après-midi


HALIFAX, le mardi 10 mai 2005

[Traduction]

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 13 h 25 pour examiner des questions concernant la santé mentale et la maladie mentale.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Sénateurs, avant de commencer cet après-midi, Mme Menna MacIssac représentera à la fois la Société Alzheimer et l'Association des aidants familiaux de la Nouvelle-Écosse étant donné que Sharon Reashore, qui est directrice générale de l'Association des aidants familiaux de la Nouvelle-Écosse, vient juste d'être hospitalisée d'urgence pour une chirurgie liée à un décollement de la rétine. Les deux témoins ont eu une discussion ensemble et Mme MacIssac s'occupera des deux organismes. Ensuite, nous aurons des questions à vous poser.

Mme Menna MacIssac, directrice, Programmes et opérations, Société Alzheimer, Nouvelle-Écosse : Merci beaucoup de m'accueillir aujourd'hui. Je vous ai tous remis une copie de mon exposé avec notre rapport annuel.

J'ai tout de suite décrit notre mission, qui est de soulager les conséquences personnelles et sociales de la maladie d'Alzheimer et des autres démences et de favoriser la recherche pour trouver les causes et les traitements. Nous existons depuis 20 ans et la recherche effectuée au cours de cette période sur la maladie d'Alzheimer et sa contribution au soulagement des conséquences de cette maladie en ont fait une période très excitante.

La maladie d'Alzheimer est une maladie progressive, dégénérative et la forme de démence la plus répandue, touchant la mémoire, le jugement, le raisonnement, le comportement, l'humeur et le fonctionnement physique. Il ne s'agit pas de la perte de mémoire normale qui accompagne le vieillissement. C'est, par exemple, s'asseoir dans la voiture et avoir oublié comment la conduire; ce n'est pas oublier d'aller chercher les enfants au retour du travail; c'est oublier que vous avez des enfants. Cette maladie mine votre capacité d'exécuter des tâches simples, de reconnaître les membres de votre famille et a des effets sur la dignité en ce qui a trait à vos capacités cognitives.

Aujourd'hui, 420 000 Canadiens âgés de plus de 65 ans vivent avec la maladie d'Alzheimer et, avec le vieillissement de notre population, on s'attend à ce que d'ici 2031, ce nombre augmente à 750 000. Cela signifie que 25 p. 100 des Canadiens auront un membre de leur famille qui est atteint de cette maladie.

Le président : Menna, vous n'avez pas nécessairement besoin de lire toutes les pages. Si vous voulez simplement donner les points saillants et ensuite, nous pourrons vous en parler.

Mme MacIssac : Certainement.

Les coûts liés aux soins, à la fois les coûts humains et les coûts pour le système de santé, sont faramineux. À l'heure actuelle, la facture en soins de santé s'élève à 5,5 milliards de dollars. Toutefois, le coût réel que nous voyons sur une base quotidienne à la Société Alzheimer, c'est le coût que doit assumer l'aidant. Quatre-vingt-treize pour cent des personnes âgées vivent à la maison. Un grand nombre d'entre elles sont traitées par leur conjoint et il s'agit d'un travail 24 heures par jour, 7 jours par semaine et un grand nombre d'entre elles vivent dans des collectivités rurales isolées. L'expérience que j'ai moi-même vécue avec mon père et mon beau-père, c'est qu'une personne atteinte de démence, au fur et à mesure que la maladie progresse, ne veut même pas que l'aidant quitte la pièce, encore moins qu'il aille faire le marché. C'est une dépendance qui ressemble presque à celle d'un enfant. L'aidant est emprisonné et très isolé.

Les effets sont tels que chez les aidants d'une personne atteinte de démence, la probabilité d'avoir une dépression est deux fois plus élevée que dans la population générale, et souvent, la dépression coexiste avec la démence. Le besoin en matière de santé mentale n'est pas bien connu parce que les gens vivent dans la communauté avec la maladie, sous les soins d'aidants qui sont eux-mêmes à risque de faire une dépression.

Je me présente aujourd'hui devant vous avec certaines suggestions qui, je crois, constituent des modifications importantes à la politique liées au système de santé et qui pourraient être incorporées dans vos recommandations.

Le premier élément, c'est que les aidants eux-mêmes et les personnes atteintes de la maladie disent que la chose la plus importante, c'est d'avoir un répit. Il s'agit, à leurs yeux, de la toute première priorité. De nombreux documents et enquêtes auxquels a participé le gouvernement fédéral l'indiquent.Par « répit », je ne parle pas uniquement du répit pour l'aidant. Il y a des approches créatives au répit qui prennent également en compte la personne atteinte de la maladie, et il est des plus important de briser les barrières qui empêchent de sortir la personne de la maison et, en fait, amener le répit à la maison, en permettant aux aidants de se rendre à leurs propres rendez-vous et de participer à des groupes de soutien et à d'autres activités qui leur sont accessibles.

Le président : Que signifie l'acronyme ADRD?

Mme MacIssac : Cela signifie Alzheimer disease and related dementias.

Le deuxième point, c'est l'effet important que peuvent avoir les initiatives liées à la capacité de la communauté. Les sociétés Alzheimer partout au Canada s'orientent vers la création de réseaux de la démence au niveau de la collectivité. Les réseaux de la démence réunissent ensemble des groupes provenant d'au moins trois organismes de spécialistes de la santé au niveau local — et cette structure peut être reproduite partout au Canada si on le désire — pour faire un inventaire des services de santé qui existent au niveau régional ou de la collectivité et de ceux qui n'existent pas. Ensuite, en utilisant les fournisseurs de services de santé locaux réunis autour de la table, ils examinent les moyens dont dispose leur collectivité pour combler ces déficits et pour mieux intégrer les services liés à la démence au sein de leur collectivité. De plus, ces fournisseurs ont une participation dans une variété de sous-comités traitant de questions comme les services, l'éducation, la promotion de la recherche et l'intégration des services. Cela serait une de nos recommandations.

L'autre recommandation, c'est que pour qu'il y ait intégration véritable, nous aimerions qu'il y ait en place un système d'orientation appelé InfoLine First Link, qui débuterait au moment du diagnostic et qui suivrait la personne jusqu'à ce qu'elle soit adressée à la société Alzheimer, puis aux réseaux nouvellement créés. Il s'agit du deuxième point concernant la capacité de la collectivité.

Le troisième point touche la nécessité d'avoir une formation plus poussée en santé mentale dans les écoles de médecine et dans les établissements formant les autres spécialistes de la santé.

La quatrième recommandation serait d'accélérer l'autorisation des médicaments et leur accès.

La cinquième est l'élaboration et le financement d'une stratégie nationale de la maladie d'Alzheimer.

Il y a certaines choses que je voudrais dire au sujet de l'initiative liée à la capacité de la collectivité, qui comporte les deux éléments que sont les réseaux et l'orientation par le médecin vers une tierce partie. Cette approche a été essayée en Ontario. Le modèle ontarien peut être un peu coûteux pour certaines des autres provinces, mais il a été évalué et est fondé sur la meilleure pratique et les meilleures données. Les conclusions, c'est que grâce à ces réseaux informels d'aidants, 93 p. 100 des familles et des personnes atteintes de démence étaient en mesure de faire face à une situation de crise plus facilement. Souvent, en tant que société, nous n'entendons parler des gens que lorsqu'ils sont dans une situation de crise, parce qu'ils ne peuvent plus faire face à l'isolement; ils ne peuvent plus accepter de regarder la personne qu'elles aiment perdre ses capacités cognitives.

Avec ce lien entre le médecin qui pose le diagnostic et le réseau, les gens se voient offrir un appui proactif plutôt que d'attendre qu'ils soient dans une situation de crise. Il s'agit d'un système d'orientation.

De plus, une fois que les réseaux ont été créés et que les fournisseurs de service de santé se sont réunis pour combler les lacunes, 63 p. 100 des personnes atteintes de la maladie et de leur famille ont indiqué qu'elles sont restées beaucoup plus longtemps à la maison ou ont été en mesure de garder l'être aimé plus longtemps à la maison, plutôt que de les placer plus rapidement dans des établissements de soins de longue durée, parce que les réseaux fournissaient des services plus étendus.

Étant donné le vieillissement de la population, nous ne pouvons pas régler le problème de la demande faite sur le système de soins de santé en ajoutant plus de lits de soins aigus et de soins prolongés. Nous devons établir un partenariat avec la collectivité. Si Sharon Reashore était ici, elle vous dirait qu'il y a une partie si importante des soins qui se donne dans la communauté et qu'on pourrait en faire plus avec le soutien approprié, y compris les réseaux et un meilleur système d'orientation.

D'autres provinces s'orientent dans cette direction également. Demain, j'ai une conférence téléphonique avec d'autres sociétés de différentes régions du Canada. Elles vont toutes dans cette direction. Le gouvernement de l'Ontario consacre 100 millions de dollars à cette initiative par le biais de sa Fondation Trillium qui, je crois, est financée à partir des recettes des casinos ou quelque chose du genre. La société Alzheimer de l'Alberta reçoit également des fonds du gouvernement. Cependant, toutes les autres, nous devons nous battre pour faire ce que nous pensons qui doit être fait pour offrir de meilleurs soins aux gens dans les services liés à la démence par le biais de campagnes de financement.

Le président : Veuillez me décrire en plus grands détails ce qui constitue exactement un réseau local. Vous dites que vous devez avoir trois spécialistes de la santé.

Mme MacIssac : Oui, trois organismes et non pas seulement trois spécialistes. Ils sont là pour représenter leur organisme.

Le président : Quels genres d'organismes?

Mme MacIssac : Cela pourrait être les Infirmières de l'Ordre de Victoria. Cela pourrait être les soins à domicile des autorités de santé régionales. Cela pourrait être des fournisseurs de services de santé mentale, des omnipraticiens. Nous cherchons à faire participer les gens qui travaillent au niveau des soins médicaux primaires.

Le premier projet pilote est en cours à l'heure actuelle auCap-Breton. Dix organismes de fournisseurs de services de santé font partie de ce projet. Depuis la création du réseau il y a un an et demi, ils ont fait un inventaire des services existants, mais ils ont également essayé d'élaborer certaines choses par eux-mêmes. Au cours de la dernière année, ils ont mis au point des modules d'information que les fournisseurs peuvent offrir dans la communauté à l'intention des personnes qui sont atteintes de démence et de leurs aidants. Ils doivent tenir six forums d'information. Ils ont élaboré une trousse de soins à domicile pour les gens qui travaillent dans ce domaine et j'aimerais qu'ils la présentent au ministère de la Santé pour voir si nous pouvons la distribuer à tous les travailleurs dans le domaine des soins à domicile de la province. Cette trousse permet de reconnaître et d'appuyer les personnes atteintes de démence dans les situations de soins à domicile.

Ils ont créé deux groupes de soutien pour les aidants. Une fois que les réseaux sont en place, ils évaluent les lacunes et commencent à chercher des façons, au niveau local, pour combler ces lacunes, et ils travaillent avec la société Alzheimer. Par exemple, nous avons des bénévoles sur le terrain auCap-Breton qui sont présentement liés au réseau et qui s'occupent d'éducation publique. Tout notre matériel est maintenant mis à la disposition du réseau qui l'utilise dans son travail. Nous aimerions créer une ligne d'information là-bas, mais nous n'avons pas à l'heure actuelle d'argent pour l'orientation vers une tierce partie.

Nous voulons travailler avec le personnel médical enNouvelle-Écosse pour créer ce qu'on appelle un cahier d'orientation, quelque chose qu'on utilise en Ontario. Dans cette province, lorsqu'on diagnostique une démence chez une personne, cette dernière est orientée vers la société Alzheimer. La société met à leur disposition du matériel d'information varié et des groupes de soutien et ensuite, la société les oriente vers les réseaux locaux. C'est le modèle que nous aimerions voir appliquer.

Le président : Je suis étonné de la facture de 100 millions de dollars; cela me semble extrêmement élevé. Où va l'argent? Une bonne partie des choses dont vous parlez est faite par des bénévoles, n'est-ce pas? Alors, à quoi dépense- t-on l'argent?

Mme MacIssac : Eh bien, en Ontario, on compte 33 chapitres et on engage du personnel pour préparer le programme de formation qui est donné dans la collectivité. Nous n'embaucherions pas de personnel; nous ferions appel aux services des fournisseurs dans le réseau. Nous avons présenté une proposition au gouvernement provincial qui est fondée sur ce modèle, mais qui fait appel à plus de volontaires et de membres du réseau; nous ne sommes pas encore en mesure de dire si notre proposition a été approuvée dans le cadre du processus budgétaire.

Le président : Si cela ne vous gêne pas que je pose la question, quel est le coût, grossièrement?

Mme MacIssac : Nous avons inscrit 120 000 $ au cours de la première année pour embaucher trois coordonnateurs en Nouvelle-Écosse qui travailleraient avec les collectivités pour déterminer qui seraient les membres des réseaux. L'aide pour le travail de bureau et la direction des réseaux une fois qu'ils seront en place, les frais d'administration, les frais de voyage et les frais de personnel des trois coordonnateurs sont inclus dans cette somme de 120 000 $. Au cours de la première année, nous avons dit que nous élaborerions un cadre d'évaluation et que la troisième année, nous ferions une évaluation complète. En Ontario, on espère que ces réseaux deviendront autonomes financièrement. Nous avons affirmé que nous estimons qu'ils peuvent être autonomes financièrement après une période de trois ans parce que les autorités de santé régionales seraient une des parties à la table du réseau. Les seuls frais réels sont les frais d'administration et le salaire du coordonnateur.

Le président : Essentiellement, vous avez demandé 120 000 $ par année pendant trois ans.

Mme MacIssac : Il s'agit de 120 000 $ chaque année.

Le président : Le groupe qui était ici avant la pause du midi avait un budget de cet ordre de grandeur, n'est-ce pas? Cela doit épargner des sommes incroyables au système de santé. Cela semble si évidemment rentable que je demande si quelque chose ne m'échappe pas ici? Ou peut-être que rien ne m'échappe? Est-ce vraiment aussi rentable que cela?

Mme MacIssac : Eh bien, juste à partir de ce que nous avons réussi à accomplir avec le réseau de la démence au Cap- Breton, je pense que la seule chose qui nous échappe, c'est une occasion. Nous avons un coordonnateur à temps partiel là-bas et ce qu'ils ont réussi à faire en si peu de temps depuis la création du réseau est étonnant.

Le président : Maintenant, vous ne traitez que de la démence et de la maladie d'Alzheimer, est-ce exact?

Mme MacIssac : Oui.

Le président : Cependant, la logique me dit — et dites-moi si j'ai tort — que le même processus devrait fonctionner en ce qui a trait aux soins à domicile pour des personnes souffrant d'autres types de maladies mentales. En d'autres mots, y a-t-il quelque chose d'unique dans votre structure qui fait qu'elle fonctionne uniquement pour la démence?

Mme MacIssac : Non. En fait, je dirais que l'idée d'avoir un réseau global pour la maladie mentale serait certainement un pas dans la bonne direction. Je pense que ce que l'on pourrait apporter à cela est étonnant, surtout la participation des consommateurs dans un réseau de la santé mentale. Le travail du Capital District Health Authority, et je ne sais pas si Steve Ayr est venu ici...

Le président : Oui, il est venu.

Mme MacIssac : Oui. Ce travail est phénoménal. Un grand réseau de la santé mentale pourrait fonctionner.

Le président : Ce serait un peu plus coûteux parce qu'il y aurait un peu plus de monde, mais nous ne parlons pas d'une dépense énorme, à moins que quelque chose m'échappe. Y a-t-il des chances que vous essayez cela dans le district sanitaire duCap-Breton?

Mme MacIssac : Un réseau de santé mentale? Si des réseaux de santé mentale s'implantent partout dans la province, nous voudrions certainement en faire partie. La population des personnes âgées en profiterait certainement.

Certains des besoins des adolescents, des jeunes et même des jeunes adultes en matière de santé mentale sont différents de ceux qui sont liés à la démence. J'ai travaillé dans le domaine de la santé mentale pendant cinq ans et au ministère de la Santé pendant 20 ans.

Les jeunes qui reçoivent des soins ne voient pas souvent leurs aidants comme des gens avec qui ils veulent passer du temps ou dont ils veulent dépendre pour obtenir des soins. Le contraire est vrai dans le cas des personnes qui reçoivent des soins à domicile par leur conjoint et qui ont peur de quitter leur maison, ce qui n'est pas le cas des jeunes adultes et des adolescents qui reçoivent des services de santé mentale. Je dirais que les besoins pour la formation des aidants et le soutien spécial à domicile sont également très différents. L'aspect répit est différent également.

Le président : À cet égard, les services pour les personnes âgées, les jeunes adultes et les enfants sont assez différents. Dans le cas des personnes âgées, est-ce que cela ne dépend pas du fait qu'il s'agit de la maladie d'Alzheimer? Est-ce plus une fonction de l'âge du patient?

Mme MacIssac : Oui. Lorsque j'ai quitté le ministère de la Santé, j'ai dit que la plus grande lacune — et j'ai travaillé en soins aigus en matière de santé mentale et dans des services d'élaboration des politiques et de planification touchant la dépendance à l'égard des drogues —, c'était la santé mentale des adolescents, en particulier, des programmes de soins de jour pour les adolescents où ils peuvent faire leur convalescence ensemble. Il y a un programme ici dans la capitale mis sur pied par Nancy Beck et je ne sais pas si vous en avez entendu parler ou non, mais il s'agit d'un modèle où les jeunes eux-mêmes disent qu'une bonne partie de leur rétablissement et de leur guérison est le résultat de ce programme, parce qu'il leur permet d'obtenir des connaissances élémentaires, des services de counselling et une grande variété de services qui sont axés sur les adolescents.

Le président : Qui dirige ce programme? Je sais que c'est Nancy, mais sous quelle autorité?

Mme MacIssac : Cela relève du Capital District Health Authority. Nancy est à la tête du programme. Il s'agit d'un programme d'action communautaire de jour.

Le président : Elle était ici, n'est-ce pas? Oui.

Mme MacIssac : Les jeunes en font eux-mêmes l'éloge.

Pour revenir à votre question, sénateur Kirby, à savoir si nous ferions partie d'un plus vaste réseau de santé mentale, ma réponse est oui. Aurions-nous encore besoin d'une meilleure intégration des services liés à la démence? Oui. La gériatrie n'est pas un domaine attrayant, de même que la santé mentale, dans l'ensemble. Ce n'est pas très chic dans le système de soins de santé.

Le sénateur Pépin : Ce n'est pas attrayant d'être entouré de personnes âgées.

Mme MacIssac : Oui. Je crois que les gens s'occupent de soins actifs dès qu'ils entrent à l'école de médecine, que ce soit en chirurgie, en orthopédie, en oncologie, et cetera. Les soins aux personnes âgées ou aux personnes atteintes de maladies mentales n'ont pas la priorité dans le système de soins de santé au Canada.

Le président : Parlez-moi de ce qu'il faut faire pour le soignant. Vous avez dit qu'un répit, ce n'était pas simplement avoir du temps pour aller magasiner, et cetera, mais avoir du temps pour fréquenter des groupes de soutien et prendre une pause. Y a-t-il d'autres soutiens dont les soignants ont besoin? Ils doivent porter un énorme fardeau.

Mme MacIssac : Je sais. Dans bien des cas, faire partie d'un groupe de soutien fait toute la différence. Nous avons 33 groupes de soutien dans la province, dont l'apport est énorme sur le terrain.

Le président : Les membres de groupe de soutien sont-ils tous dans la même situation?

Mme MacIssac : Oui, ils partagent leurs expériences. Les groupes de soutien ne s'adressent pas vraiment aux gens qui ont la maladie, mais plutôt aux soignants. Ces derniers parlent du fardeau qu'ils supportent et disent à quel point ils ne veulent pas rendre le malade mal à l'aise.

Le président : Est-ce que des professionnels participent à ces groupes de soutien?

Mme MacIssac : Nos groupes sont dirigés par des bénévoles, mais certains d'entre eux sont des gens qui ont travaillé dans le domaine des soins de santé ou qui ont perdu un être cher à cause de la maladie.

Le sénateur Cordy : Comment faites-vous pour vous assurer que les gens utilisent vraiment ces services? La nature humaine étant ce qu'elle est, particulièrement chez la femme — et je ne veux pas tomber dans le stéréotype, mais c'est la vérité —, les gens ont tendance à dire « Je peux le faire, je peux le faire ». Toutefois, une personne de 75 ans ne peut pas soigner jour après jour une autre personne du même âge. Vous avez parlé d'un système d'aiguillage; dirigerait-on les gens vers l'organisme VON? Qui peut savoir qu'une famille a besoin d'un service d'aiguillage?

Mme MacIssac : Le service d'aiguillage est destiné à quiconque reçoit un diagnostic de démence. Il fait maintenant partie du système de soins de santé officiel, comme ce service est automatiquement offert si vous devez recevoir un traitement pour toxicomanie. Ce service est offert à la personne malade et au soignant au moment du diagnostic.

Le sénateur Cordy : Faut-il souvent persuader le soignant de quitter la maison? Vous avez absolument raison; la personne qui a besoin de soins s'agrippe de plus en plus et ne veut pas que le soignant parte, et la personne qui part a tendance à se sentir coupable.

Mme MacIssac : Oui. Je crois que certaines provinces de l'Ouest sont en avance sur la Nouvelle-Écosse en ce qui a trait aux soins à domicile. À l'heure actuelle, je dirais que les personnes atteintes de démence passent entre les mailles du filet, parce que lorsque vous répondez aux critères pour les soins chroniques à domicile, il y a 78 lits réservés aux soins de relève dans toute la province, dont l'accès se fait par une seule porte d'entrée. Il n'y a donc pas d'outil d'évaluation. Janice Keefe a effectué des recherches dans ce sens à Mount Saint Vincent afin d'évaluer les besoins du soignant en même temps que les besoins de la personne atteinte de démence. Les soins et les traitements seraient bien différents si on ne regardait pas seulement la personne malade, mais la famille dans son ensemble, et l'aiguillage serait alors automatique.

Le plus grand problème actuellement, c'est qu'il est très difficile de sortir les gens atteints de démence de leur maison afin d'obtenir ce répit, et très souvent, les soignants ne le font pas. Un milieu inconnu aggrave souvent les symptômes de démence. En faisant appel à un professionnel de la santé, et non à un bénévole, pour ce volet, et en augmentant les soins à domicile, les soins de santé publique et les services d'intervenant en soins infirmiers ou en santé mentale pour assurer cette relève à la maison, vous pouvez fournir un service à une personne atteinte de démence. Ces intervenants sont formés et savent quoi faire et, pendant ce temps, les soignants peuvent s'occuper d'eux-mêmes et sortir de la maison pour un peu de répit.

Le président : Lorsque les gens parlent de la maladie d'Alzheimer dans leurs conversations de tous les jours, vous ne sentez pas les mêmes préjugés qui sont liés à la maladie mentale. Pourquoi? Si vous dites à quelqu'un que vous avez un parent atteint d'une maladie mentale plutôt que de la maladie d'Alzheimer ou de démence, la réaction est bien différente.

Mme MacIssac : Je crois en fait qu'il y a beaucoup de préjugés, parce que lorsque votre conjoint est atteint de démence, vous hésitez souvent à sortir en sa compagnie parce qu'il pourrait faire des choses gênantes. Vous restez à part et vous vous effacez, en grande partie à cause des préjugés.

Le président : C'est plus que ce que j'aurais pensé.

Mme MacIssac : Oui.

Le sénateur Pépin : Si vous dites que votre conjoint souffre de la maladie d'Alzheimer, les gens diront « Oh, mon Dieu » et vont davantage vous offrir leur soutien. Je crois que les gens diront« Eh bien, c'est une maladie mentale. Oui, c'est une maladie terrible », des choses comme ça.

Mme MacIssac : Oui. Le fait qu'il y ait plus de symptômes physiques rattachés à la démence qu'à d'autres maladies mentales a aussi une influence, en comparaison avec les préjugés entourant la maladie mentale chez les jeunes, qui est moins physique. La démence s'accompagne de symptômes physiques, puisque les cellules du cerveau se détériorent.

Le sénateur Cordy : Est-ce plus facile de s'effacer lorsque vous êtes plus vieux?

Mme MacIssac : Oui.

Le sénateur Cordy : C'est plus facile de dire « Je suis fatigué » ou « Nous sommes trop fatigués » que si vous êtes dans la vingtaine ou la trentaine.

Mme MacIssac : Oui. Le cinquième point sur notre liste porte sur les médicaments. Si j'ai le cancer, je vais suivre une chimiothérapie parce que le système de soins de santé ne veut pas que la maladie empire. Si je suis atteinte de démence, les médicaments vont m'aider en empêchant la maladie de progresser. Lorsqu'un médicament n'est pas inscrit sur la liste — par exemple, un médicament de phase intermédiaire est actuellement étudié par le Comité d'examen des médicaments —, vous ne retrouvez pas le temps perdu lorsque votre état s'aggrave. Si vous prenez le médicament, vous ne revenez pas en arrière et vous n'allez pas mieux; vos symptômes ne vont pas s'atténuer. Vous ne rattrapez pas le temps perdu. Si je suis atteinte de schizophrénie, de trouble bipolaire ou pareille maladie et que je prends des médicaments, il importe peu que je commence à les prendre aujourd'hui ou dans six mois, le médicament aura fort probablement un effet. Par contre, si dans un intervalle de six mois, la démence dont je suis atteinte passe de la phase initiale à la phase intermédiaire, je ne peux pas revenir en arrière et l'effet du médicament sera moindre. Un diagnostic, une intervention et un soutien précoces sont importants pour éviter que les soignants ne se perdent dans le système. Pour cela, nous avons vraiment besoin d'un système d'aiguillage par un tiers qui permet de jeter un pont avec la communauté dès qu'un diagnostic est posé. Dès ce moment-là, votre communauté s'occupe des questions d'éducation et de recherche et de la coordination des services.

Le président : Les médicaments sont-ils couverts?

Mme MacIssac : Seulement quelques-uns. Dans certaines provinces, vous devez subir des tests pour montrer à quelle phase vous en êtes pour pouvoir y avoir accès.

Le président : Et en Nouvelle-Écosse?

Mme MacIssac : Certains médicaments sont couverts, mais d'autres sont encore à l'étude.

Le sénateur Cook : On revient à la liste. C'était la même chose pour le médicament de choix pour le traitement de la schizophrénie. Dans ma province, on a réclamé à grands cris le médicament de choix pour la maladie d'Alzheimer.

Personnellement, je ne vois pas de préjugés à l'égard de la maladie d'Alzheimer, parce que ça fait partie du processus de vieillissement dont nous allons tous faire l'expérience si nous vivons assez longtemps; c'est un phénomène de fin de vie. Combien de fois on dira d'une personne âgée « Oh, elle a tel âge, mais elle a encore toute sa tête »? On porte un jugement ici. Je crois que « Alzheimer » est un beau mot pour dire que vous perdez la mémoire, et nous en savons beaucoup plus aujourd'hui qu'autrefois. Mon grand-père était atteint de la maladie d'Alzheimer, mais nous ne le savions pas. Nous pensions simplement qu'il était difficile et nous prenions soin de lui.

Le président : On utilisait aussi des mots comme « sénile ».

Le sénateur Cook : Oui. À Terre-Neuve, on aurait dit « faible d'esprit ».

Chez le grand-père Cook, nous avions remarqué que sa personnalité changeait et qu'il jurait comme un charretier. Il n'avait jamais juré de toute sa vie. Ça nous étonnait. Il était charmant. Pendant longtemps, il a dissimulé son état. C'était un agriculteur de la vieille école. Nous avons soupçonné quelque chose le jour où il a demandé qui était le petit garçon qui portait des salopettes; c'était ma sœur aînée. Toutefois, ça fait partie du processus de vieillissement et je ne vois pas les mêmes préjugés à l'égard de la maladie d'Alzheimer qu'à l'égard des maladies mentales.

Mme MacIssac : Je suis d'accord avec vous dans une certaine mesure pour dire que les préjugés concernent davantage les problèmes de santé mentale chez les adolescents et les jeunes adultes. Toutefois, quand vous dites qu'il s'agit d'un processus normal du vieillissement, nous disons dans toute notre documentation qu'il s'agit d'un mythe très répandu dans la société. La maladie Alzheimer n'est pas un processus normal du vieillissement. C'est une maladie. Tout comme le diabète, vous avez la maladie ou vous ne l'avez pas. La plupart ne souffrent pas de cette maladie à mesure qu'ils vieillissent, mais 25 p. 100 des familles verront un de leurs membres atteint de démence. Nous travaillons sans relâche sur la cause et le remède, et de nombreux progrès sont réalisés. Les médicaments produits maintenant réussissent à ralentir la progression de la maladie. Une nouvelle recherche sur les cellules pourrait même conduire à un traitement curatif.

Par ailleurs, est-ce parce que nous sommes davantage sensibilisés, mais nous constatons que la maladie touche de plus en plus de personnes plus jeunes; elle se manifeste plus tôt. Il faut savoir que ce n'est pas seulement les personnes âgées qui doivent composer avec ce problème dans la vie de tous les jours, mais que la maladie touche bon nombre de personnes plus jeunes.

Le sénateur Pépin : Lorsque vous dites « plus jeune », c'est à quel âge?

Mme MacIssac : Les premiers signes peuvent paraîtreà 30, 40 ou 50 ans.

Le président : Certains membres du comité se souviendront peut-être qu'un témoin nous avait parlé, quelque part en Ontario, je crois, d'une personne de 30 ans qui se trouvait dans un établissement psychiatrique et qui était atteinte de la maladie d'Alzheimer, mais il faut admettre que c'est rare.

Il est clair que le soutien que vous offrez est bien meilleur pour les patients et c'est plus économique que de les placer dans un établissement quelconque, ce qui est l'autre option réaliste. A-t-on effectué une étude sur l'efficacité par rapport aux coûts? Je pose la question parce que les gens se demandent toujours comment le système de soins de santé pourrait être plus efficace.

Mme MacIssac : Viable.

Le président : Est-ce que des données ont été recueillies ou une étude, effectuée? Est-ce que quelqu'un sait si des études ont été menées à ce sujet?

Mme MacIssac : Je ne sais pas, mis à part une analyse des coûts du traitement des personnes atteintes de démence dans des établissements de soins actifs et de soins de longue durée, et ces coûts s'élevaient à 5,5 milliards de dollars. L'Association médicale canadienne a effectué cette étude et l'a publiée dans une de ses revues.

Le président : Toutefois, ce sont les coûts pour la société. J'essayais de voir quels sont les coûts si la Société Alzheimer et le soignant s'occupent du malade, par rapport aux coûts dans un établissement. Nous devrions trouver ces chiffres. Quelqu'una dû faire cette étude quelque part. Quand je pense qu'il vous faut 120 000 $ par année et qu'un lit d'hôpital coûte 1 500 $ par jour, j'en déduis que ce doit être immensément efficace par rapport aux coûts.

Mme MacIssac : Eh bien, 63 p. 100 des gens disent que cela leur permet de garder l'être cher à la maison, et c'est ce qu'ils préfèrent. Je peux comprendre que la recherche en soins palliatifs montrerait que certaines personnes ne veulent pas avoir la responsabilité de prodiguer des soins palliatifs à la maison. Nous disons par ailleurs qu'il n'y a pas non plus assez d'options à cet effet. La fin de vie est une période très difficile pour la famille. Toutefois, si 63 p. 100 des gens interrogés disent qu'ils peuvent ainsi garder la personne plus longtemps à la maison, la logique semble s'imposer.

Le président : Comme nous savons que tout le système de santé est maintenant fonction d'argent, ce serait bien si nous pouvions démontrer non seulement que c'est la bonne chose à faire pour le patient, mais que le gouvernement n'a en fait aucune excuse de ne pas faire ces choses, puisque il pourrait ainsi économiser. C'est pour cette raison que j'aimerais voir si nous pouvons trouver des preuves solides. Nous allons vérifier auprès de votre association nationale. Je ne peux pas croire que personne n'a...

Mme MacIssac : ... effectué une analyse coût-avantage. Oui.

Le président : Exactement. Quant au médicament, comme vous le dites, tout dépend s'il se trouve ou non sur la liste provinciale. C'est là le problème, n'est-ce pas?

Mme MacIssac : Oui.

Le président : On tarde à l'inscrire sur la liste provinciale parce que le gouvernement ne veut pas en assumer le coût. Est-ce bien cela?

Mme MacIssac : Oui. Pour vous donner un exemple, un des membres de notre conseil d'administration atteint de démence, Fred West, fait des campagnes de promotion avec la société nationale. Avant qu'il ne prenne le médicament de phase initiale, il était incapable de lire et de conduire et il oubliait tout. C'est un peu inhabituel, parce qu'il est rare qu'on récupère ainsi, mais il est aujourd'hui un membre actif du conseil d'administration. Il peut lire et conduire. Toute sa qualité de vie et, par conséquent, celle de son épouse ont été transformées par ce médicament.

Le président : Qui paie ses médicaments?

Mme MacIssac : Il doit avoir un régime d'assurance médicale, si le médicament se trouve sur la liste. Sinon, il doit le payerlui-même.

Le président : Lorsque vous dites un « régime d'assurance médicale », cela signifie que le gouvernement ne paie pas les médicaments?

Le sénateur Cook : Si le médicament est sur la liste, le gouvernement paie.

Mme MacIssac : Oui.

Le sénateur Pépin : C'est votre compagnie d'assurance qui paie si vous avez un régime privé.

Mme MacIsssac : Tout à fait.

Le président : Le gouvernement paie même si vous ne prenez pas le médicament à l'hôpital, mais bien à la maison?

Mme MacIssac : Oui.

Le sénateur Cochrane : J'aimerais savoir combien de travaux de recherche sont effectués relativement aux médicaments liés à la maladie d'Alzheimer. En avez-vous une idée?

Mme MacIssac : Je ne suis probablement pas la personne la plus qualifiée pour répondre à cette question, mais il y a un important groupe de recherche ici, en Nouvelle-Écosse, qui s'intéresse aux nouveaux médicaments dans ce domaine. Le milieu de la recherche est assez dynamique.

Le sénateur Cochrane : Beaucoup de personnes m'ont dit que des malades étaient placés dans un établissement où les infirmières et le personnel leur donnaient un médicament simplement pour qu'ils restent tranquilles.

Mme MacIssac : Un sédatif.

Le sénateur Cochrane : Oui, pour éviter qu'ils se promènent ou qu'ils crient. Vous en avez entendu parler.

Mme MacIssac : Oui.

Le sénateur Cochrane : Je me demande, est-ce la bonne chose à faire? Je ne le sais pas.

Mme MacIssac : Je pense qu'il y a d'importantes considérations à prendre en compte dans la création d'un environnement pour les personnes atteintes de démence. Une de vos collègues a mentionné qu'elle avait récemment visité un établissement, à Montréal, où a été aménagé un jardin clôturé, mais ouvert sur l'extérieur, où les pensionnaires peuvent flâner.

Il existe des pratiques exemplaires pour la construction d'installations destinées à offrir des soins de longue durée à des personnes atteintes de démence évolutive. Notre province est en train d'en examiner plusieurs sérieusement et les considère d'ailleurs comme des modèles. Toutefois, il nous reste un long chemin à parcourir. Il faut dire qu'on parque encore beaucoup les gens et qu'il y a de la surconsommation de médicaments dans les centres de soins de longue durée. Je crois qu'on peut changer l'environnement physique et pharmacologique dans lequel les personnes atteintes de démence vivent actuellement.

Le sénateur Cook : À Terre-Neuve, au Glenbrook Lodge, il y a un jardin réservé à l'unité des soins pour personnes ayant la maladie d'Alzheimer.

Le président : Est-il clôturé, fermé?

Le sénateur Cook : Oui. Il se trouve dans l'enceinte de l'établissement. Toutefois, les patients de l'unité peuvent s'y promener librement quand la porte est ouverte. C'est un architecte qui l'a imaginé il y a environ sept ans. Dans ce jardin, il y a une allée spécialement conçue pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer car il faut savoir que ces personnes ont tendance à marcher en cercle. C'est un endroit incroyable; et l'effet calmant sur...

Mme MacIssac : Ce serait vraiment utile que les gouvernements provinciaux se dotent d'une politique destinée à créer des environnements adaptés aux personnes atteintes de démence pour les nouveaux établissements de soins de longue durée.

Le sénateur Cook : Le nôtre coûte 45 000 $, et nous le finançons nous-mêmes. La prochaine fois que vous viendrez, remontez le chemin Torbay, regardez en direction de l'aile nord du Glenbrook Lodge et vous y apercevrez un magnifique jardin.

Le président : J'en ai vu un semblable à Calgary, un jour que je rendais visite à la mère d'un ami. C'était un établissement de soins de longue durée, et la personne que j'étais allé voir se trouvait dans la maison de repos, pas dans la section réservée aux patients atteints de démence. Mais je suis passé par cette section et, vous avez raison, c'est très étonnant l'effet que produit ce jardin; les patients peuvent sortir y prendre l'air. Il y a aussi un banc sur lequel on peut s'asseoir.

Le sénateur Cochrane : Je me demandais un peu plus tôt si cela avait été financé grâce à des fonds privés. J'ai l'impression que oui.

Mme MacIssac : Tout le monde devrait avoir le droit d'obtenir une place dans ce genre d'établissement.

Le sénateur Cochrane : Absolument.

Y a-t-il beaucoup de cas où le mari et la femme se retrouvent ensemble? Il y en a chez nous. Les conjoints vivent dans la même institution; l'un est atteint d'Alzheimer et l'autre pas, mais ils viennent en couple.

Mme MacIssac : Oui. Je pense qu'il faudrait aussi examiner ce genre de possibilité.

Actuellement, il existe des établissements, dont un ici dans la capitale qui s'appelle Northwood, qui offrent toute une gamme de services et différents modes d'hébergement. Comme les besoins changent avec le temps — et je ne parle pas nécessairement des patients atteints de démence, mais aussi des personnes qui nécessitent des soins —, les gens peuvent se prévaloir des différentes options qui s'offrent à eux. C'est donc une possibilité qu'il faudrait aussi examiner.

Le sénateur Cochrane : Oui, c'est merveilleux.

Le président : Chose certaine, habituellement, les établissements construits par le secteur privé offrent des services adaptés.

Mme MacIssac : Oui.

Le président : Vous rentrez dans ce que j'appellerais une maison de retraite classique, et ensuite, tout dépend de la quantité de soins dont vous avez besoin. De cette façon, vous ne changez pas d'environnement; vous restez dans un milieu qui vous est familier.

Mme MacIssac : Nous voudrions que tous les gouvernements provinciaux adoptent des politiques favorables à la création d'environnements propices aux personnes atteintes de démence.

Le président : Mais cela n'existe pas encore à ce stade-ci,n'est-ce pas?

Mme MacIssac : Non. Je ne crois pas.

Le président : Avez-vous d'autres conseils à nous donner?

Mme MacIssac : Le cinquième point, qui concerne la stratégie en matière de démence qui a été mise de l'avant, est aussi important. Il présente un cadre articulé autour d'éléments fondamentaux — nous n'en avons pas apporté d'exemplaires, mais nous pourrons vous en envoyer —, en vertu desquels on recommande aux gouvernements fédéral et provinciaux de travailler avec des organisations communautaires à l'élaboration d'une stratégie grâce à laquelle les deux ordres de gouvernement pourront répondre aux différents besoins des personnes atteintes de démence. Actuellement, c'est sous la forme d'une motion d'initiative parlementaire. Celle-ci contient beaucoup de détails sur la promotion d'une stratégie nationale.

Le président : Oui. Nous avons probablement ce document, mais si ce n'est pas le cas, nous vous demanderons de nous en envoyer des copies.

Mme MacIssac : C'est sur le site Web du Conseil consultatif national sur le troisième âge.

Le président : Est-ce votre association nationale?

Mme MacIssac : Oui.

Le sénateur Cook : Au point numéro trois de votre document, vous parlez de renforcer la formation en santé mentale et sur la démence. Comment envisagez-vous la mise en œuvre d'une telle initiative dans les régions rurales?

Mme MacIssac : Je crois que vous avez fait une observation, un peu plus tôt, au sujet des infirmières et infirmiers praticiens, et c'est important. Il y a eu une époque où la santé mentale occupait une plus grande place dans le système de santé publique. Il y avait des infirmières et infirmiers spécialisés en santé mentale, mais tout cela a disparu. On les a perdus. Le fait d'avoir des professionnels spécialisés en santé mentale disponibles dans la communauté, que ce soit auprès des écoles afin de s'occuper de jeunes ou pour rendre visite à des personnes âgées à domicile, fait partie de cette stratégie. Recruter dans les écoles de médecine spécialisées en gérontologie aussi. Il faut également sensibiliser davantage les professionnels de la santé mentale, les psychiatres et les psychologues aux problèmes de démence.

Le sénateur Cook : Le professionnel en santé qui travaille dans une zone rurale pourrait profiter de la télésanté. Ce pourrait être un autre moyen de l'aider à se former, n'est-ce pas?

Mme MacIssac : Oui.

Le sénateur Cook : À Terre-Neuve, on y a recours pour la formation continue dans, je crois, quatre disciplines actuellement. L'autre initiative que vous mettez de l'avant consiste à créer et à financer une stratégie nationale pour les personnes atteintes d'Alzheimer. Nous envisageons de développer une stratégie en santé mentale. Voyez-vous la vôtre comme une initiative distincte ou comme faisant partie de la stratégie nationale?

Mme MacIssac : Votre rapport contient un chapitre concernant les personnes âgées, et je crois que beaucoup de ce que nous vous soumettons aujourd'hui, parmi les cinq points proposés, peut être intégré dans vos recommandations. Votre stratégie porte sur la santé mentale, mais elle engloberait la démence.

Le président : Quelle que soit notre stratégie à l'égard des personnes âgées — il y aura d'ailleurs une séance d'une journée consacrée aux aînés —, la démence en fera évidemment partie.

Le sénateur Cook : Je voulais juste savoir si vous voulez qu'elle soit séparée ou intégrée?

Mme MacIssac : Je pense que c'est un volet important de la santé mentale. Qu'il s'agisse des soignants et des familles, des aînés ou de la santé mentale, nous explorerons toutes les avenues possibles pour sensibiliser les gens à des approches très simples susceptibles d'améliorer la qualité de vie des personnes touchées.

Le sénateur Cook : J'essaye d'imaginer à quoi cela pourrait ressembler, et il ne fait aucun doute que l'autisme, par exemple, en ferait aussi partie.

Le président : Juste une parenthèse pour vous dire — et c'est intéressant — que nous avons reçu, tout au moins moi, plusieurs plaintes au sujet du fait que nous parlons de l'autisme comme d'une maladie mentale.

Mme MacIssac : C'est courant.

Le président : Je l'ignorais. J'ai été très surpris. On m'a dit qu'environ la moitié des parents d'enfants autistes n'aiment pas qu'on désigne ce trouble comme une maladie mentale; j'imagine que c'est à cause des stigmates qui y sont rattachés.

Mme MacIssac : Je pense que cela tient aussi aux différences chimiques et biologiques.

Le président : Oui.

Mme MacIssac : Par exemple, beaucoup de gens disent que la démence, particulièrement la maladie d'Alzheimer, est aussi une maladie physique plutôt qu'un trouble mental.

Le président : On pourrait dire la même chose de la plupart des dépressions attribuables à un faible taux de sérotonine dans le cerveau. À ce moment-là, on finirait par éliminer systématiquement toutes les maladies mentales, si vous me suivez.

Mme MacIssac : Encore une fois, c'est probablement une question d'étiquette.

Le président : Exact.

Mme MacIssac : La maladie d'Alzheimer affecte les cellules cérébrales et est donc considérée comme une pathologie physique.

Le président : Toutefois, nous partons du principe que les troubles neurologiques sont des maladies mentales.

Mme MacIssac : Ils ont pour effet de limiter la capacité cognitive.

Le président : C'est cela.

Mme MacIssac : Autant pour l'autisme que pour la démence, les gens ne veulent pas qu'on considère la dégradation des capacités cognitives comme une maladie mentale.

Le président : À cause de tous les préjugés associés à la maladie mentale.

Merci d'être venue.

Mme MacIssac : Merci à vous de m'avoir invitée.

Le président : Dites, s'il vous plaît, à Sharon que vous l'avez bien représentée et que nous lui souhaitons un prompt rétablissement.

Sénateur, avant de partir pour Fredericton où, d'après ce que j'ai compris, il y a eu des inondations la nuit dernière, puisque la rivière a débordé, nous allons entendre un groupe de témoins venant de l'Université Dalhousie et du IWK Health Centre, un centre de soins pour enfants.

M. Patrick J. McGrath, Chaire de recherche du Canada sur la douleur chez l'enfant, Université Dalhousie : Sénateurs, je suis professeur en psychologie, pédiatrie et psychiatrie à l'Université Dalhousie, mais je travaille surtout au IWK Health Centre, particulièrement auprès des enfants ayant des problèmes de santé mentale.

Comme vous le savez, la prévalence des problèmes de santé mentale chez les enfants est d'environ 18 p. 100. Il existe de nombreuses bonnes études à ce sujet, dont l'étude sur la santé des enfants de l'Ontario et l'étude sur la santé mentale réalisée au Québec. Il ne fait aucun doute que c'est un problème majeur.

Mais nous ne devons jamais perdre de vue le fait que les traitements fonctionnent. Nous savons qu'il existe des traitements. Ils peuvent ne pas donner les résultats attendus à chaque fois, mais il y a des dizaines et des dizaines d'essais randomisés bien conçus ainsi que des millions d'expériences qui montrent que les traitements fonctionnent. Il s'agit de traitements psychologiques et pharmacologiques qui améliorent la santé des enfants. Il est clair qu'il vaut mieux intervenir dès les premiers symptômes plutôt que d'attendre que les troubles prennent de l'ampleur.

L'accès aux soins est un problème majeur. Encore une fois, d'après l'étude sur la santé des enfants de l'Ontario, il s'avère que seulement 16 p. 100 des enfants atteints de troubles que l'on peut diagnostiquer — pas de petits soucis, mais de vraies pathologies — ont vu un professionnel de la santé mentale au cours des six derniers mois. Les enfants atteints de troubles légers à modérés restent longtemps sur les listes d'attente, et ceci est vrai partout au pays.

Ces listes d'attente sont d'ailleurs faussées dans la mesure où lorsqu'elles commencent à être trop longues, on cesse d'y inscrire de nouveaux noms. Et puis il y a aussi les familles qui disent :« Eh bien non, nous ne sommes pas intéressés à attendre six mois pour notre enfant de quatre ans qui fait de grosses crises de colère ».

Il existe de nombreux autres obstacles au traitement. Les stigmates en sont un important. Même si la situation s'est beaucoup améliorée depuis 20 ans, cela pose toujours un sérieux problème.

Au Canada, nous sommes dotés d'un système de santé publique qui est censé donner les traitements gratuitement. Néanmoins, bien souvent, ce n'est pas le cas. Si, par exemple, vous êtes la mère d'un enfant de six ans atteint de troubles d'anxiété sévères qui perturbe la vie des gens de l'entourage, et que vous avez besoin de voir un psychologue, si vous travaillez, vous devrez prendre 10 demi-journées de congé. Vous devrez trouver quelqu'un pour s'occuper de vos autres enfants, le cas échéant. Il vous faudra aussi trouver un moyen de transport. Vous devrez également payer vos repas. Si vous vivez dans une région éloignée du Canada, cela peut représenter plusieurs jours de séjour loin de chez vous pour seulement quelques heures de traitement.

On peut se demander pourquoi certains parents consultent quand on sait les sacrifices qu'ils doivent faire pour soigner leur enfant.

Dans vos rapports, vous avez ciblé les thèmes de recherche et cela m'intéresse également beaucoup. Les IRSC, les Instituts de recherche en santé du Canada, font d'ailleurs un excellent travail à ce chapitre. Rémi Quirion, directeur scientifique de l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies, est une sommité en la matière, tout comme Michael Kramer, de l'Institut de développement et de la santé des enfants et des adolescents. Tous deux s'intéressent à la santé mentale des enfants.

Le problème, c'est qu'il n'y a pas de fonds spéciaux réservés à cet effet. J'aimerais donc que l'on prévoie des fonds pour le traitement de graves problèmes nationaux comme ceux liés à la santé mentale des enfants.

Les IRSC ont entrepris un certain nombre d'initiatives visant à réunir différents cliniciens, représentants des communautés et chercheurs universitaires. L'une d'elles est le Programme des alliances communautaires pour la recherche en santé, et j'aimerais prendre quelques minutes, à la fin du temps qui m'est alloué, pour vous en parler.

Nous avons mis au point des programmes de traitement à distance regroupés sous le nom de Family Help. Je peux vous laisser quelques-uns des manuels que nous utilisons, mais je ne sais pas combien vous en voulez. Nous ciblons les problèmes à prévalence élevée et nous les traitons à distance. Nous nous servons de manuels comme ceux-ci, de vidéocassettes et de bandes sonores, puis nous faisons appel à des accompagnateurs, qui ne sont pas des professionnels de la santé, et qui communiquent avec les familles par téléphone.

Actuellement, nous réalisons des essais randomisés financés par les IRSC pour déterminer si ces programmes sont efficaces, tant dans les zones rurales qu'urbaines. Ces essais sont effectués en collaboration avec nos collègues des services de santé mentale. Cathy Thurston, par exemple, directrice des services de santé mentale de Cumberland, à Amherst, a activement participé au projet. Il existe des comités conseils et autres qui nous orientent dans la façon de mener des essais adaptés aux besoins du système de soins en santé mentale. Nos collègues proposent maintenant que ces traitements fassent partie des services de soins en santé mentale. Nous espérons que leurs recommandations se concrétiseront.

Toutefois, il faut savoir qu'il y a eu récemment une très grande augmentation du budget consacré à la santé dans cette province : 212 millions, 220 millions, mais moins de 1 p. 100 de cette somme est consacrée à la santé mentale. C'est tout simplement inacceptable compte tenu de la prévalence. Merci.

Mme Susan Mercer, vice-présidente intérimaire, Programme en santé mentale pour les enfants et les adolescents, IWK Health Centre : Sénateurs, merci de m'avoir invitée aujourd'hui. Je m'appelle Susan Mercer et je suis vice-présidente intérimaire des Services de santé mentale pour enfants et adolescents de l'IWK Health Centre. Je suis ici depuis sept ans, mais je viens d'Ottawa où j'ai travaillé pendant 11 ans. Au cours de ces 11 années passées à Ottawa, je n'ai cessé de penser qu'il n'y avait pas suffisamment de ressources pour s'occuper des personnes souffrant de maladie mentale. J'ai commencé à travailler avec les jeunes de la rue. Puis j'ai déménagé à Halifax et...

Le président : Vous êtes vous rendu compte de tout ce que vous aviez à Ottawa?

Mme Mercer : Honnêtement, oui. Lorsque je suis arrivée ici, il n'y avait aucun refuge pour les jeunes de la rue et j'ai passé la première année comme bénévole à essayer, avec d'autres, de faire des pressions pour qu'on ouvre un centre d'hébergement. Je ne pouvais pas croire qu'il n'y avait même pas un endroit quelque part pour accueillir ces jeunes pendant la nuit.

L'IWK offre beaucoup de services en santé mentale. Nous avons 13 équipes différentes réparties sur l'ensemble de la province. Nous sommes investis d'un mandat à l'échelle des Maritimes. Nous appuyons l'organisme Friends Exist. Nous avons également une équipe de cliniciens qui travaillent dans des établissements correctionnels pour jeunes. Nous faisons aussi de la réhabilitation légale. Nous travaillons beaucoup auprès d'enfants souffrant de sérieux troubles mentaux avec un budget relativement petit; celui-ci tourne autour de 12 à 13 millions de dollars.

Toutefois, comme partout ailleurs au pays, nous avons un problème de liste d'attente. Je crois que nous ne répondons pas aux besoins de tous les enfants et adolescents qui sont sur nos listes. Certains doivent attendre parce qu'ils ont des problèmes mentaux légers ou modérés — anxiété, refus d'aller à l'école ou séparation des parents qu'ils ont du mal à assumer. Je ne veux pas dire que ce n'est pas important, mais nous essayons de voir en premier les enfants qui ont tenté de se suicider ou qui souffrent d'hallucinations, par exemple.

Nous avons fait beaucoup au cours de la dernière année pour tenter de trouver des façons différentes de travailler avec les moyens du bord, mais nous avons également réalisé qu'il nous faut plus pour réussir à réduire cette liste d'attente. Celle-ci comporte 380 noms, et ce, seulement dans la capitale, parce que les services de consultation externes ne visent que la région d'Halifax-Dartmouth. C'est énorme, et les enfants attendent parfois plus d'un an avant d'être traités. Je reçois des appels de parents me demandant que leur enfant soit examiné. Nous donnons des rendez-vous dans des cabinets médicaux, mais ce n'est pas de cela dont les enfants ont besoin. Souvent, les gens attendent, ils viennent une fois et on ne les revoit plus.

Nous essayons donc, pour commencer, de repenser notre système. Ainsi, nous envisageons un nouveau modèle de triage, nous prévoyons nous inspirer de certains des travaux de Chuck Cunningham de l'Ontario, nous allons nous spécialiser au sein de nos services de consultation externe pour savoir exactement où aiguiller les gens qui nous sont envoyés; nous faisons une demande de financement auprès du gouvernement pour des programmes comme ceux de M. McGrath.

Le ministère provincial de la Santé n'a pas ménagé ses efforts ces quelques dernières années dans le but d'établir des normes applicables aux services de santé mentale; c'est la seule province au Canada à l'avoir fait. Nous y avons fortement participé, comme le reste des intervenants de la province. Ces normes définissent les services qui devraient exister et chaque année, nous devons dire de combien de fonds nous avons besoin pour les respecter.

Ces normes prévoient une gamme complète de services, dont les consultations externes, le traitement de problèmes légers ou modérés de santé mentale, la prévention, l'éducation — tout ce qui n'a pas été fait jusqu'à présent. Par conséquent, nous pouvons nous appuyer sur ces normes pour justifier nos demandes de financement, ce qui est une bonne chose.

Le problème, c'est que le système est très fragmenté. Des enfants peuvent souvent attendre des mois dans notre unité de malades hospitalisés ou nos programmes à domicile, car ils ne peuvent aller nulle part ailleurs. C'est très frustrant pour les enfants, pour les familles et pour tous les ministères. Je pense que nous devons tous essayer de trouver des façons de travailler ensemble, pas seulement les gouvernements, mais nous tous, car même si ce n'est pas mon enfant ni le vôtre, il s'agit toujours un enfant qui doit suivre le processus établi. Je sais que vous en avez discuté dans votre rapport et que vous avez fait ces mêmes recommandations.

Nous avons beaucoup à faire. À mon avis, nous netouchons pas la population multiculturelle, les jeunes sans-abri, les Néo-Écossais d'origine africaine. Nous ne desservons pas certains segments de la population, pour beaucoup de raisons, et si nous avions plus de ressources, nous pourrions essayer de comprendre pourquoi.

Cela ne revient pas, selon moi, à financer un système pour rien, mais plutôt à savoir comment obtenir le meilleur rendement de l'investissement.

Cette année, notre priorité consiste à examiner notre liste d'attente et à essayer de voir comment faire les choses autrement, car nous n'attendons pas beaucoup plus.

Je vais en rester là.

Le Dr Herbert Orlik, directeur clinique, chef de psychiatrie, IWK Health Centre : Honorables sénateurs, je suis chef de psychiatrie du programme de santé mentale de l'enfant et de l'adolescent à IWK. Je suis également chef de la division de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'Université Dalhousie si bien que mes responsabilités sont d'ordre administratif, clinique et universitaire.

J'ai lu les trois rapports volumineux du comité et je suis impressionné par le travail et la recherche que vous avez faits, les gens que vous avez invités et qui vous ont donné leurs avis; il en ressort un consensus qui n'est pas ahurissant au sujet des questions de santé mentale en général et dans une moindre mesure, au sujet de la santé mentale des enfants. Permettez-moi d'adresser une critique mineure, à savoir que le rapport, jusqu'à présent, est assez peu éloquent au sujet des enfants; j'aimerais aujourd'hui combler cette lacune, ce sera ma contribution.

Le rapport parle également des enfants appartenant à des groupes particuliers de la population, et j'ai des sentiments partagés à ce sujet. D'une part, le fait d'être particulier signifie que vous pouvez obtenir une attention particulière. D'autre part, cela vous place dans une catégorie différente de celle d'autrui. Je me souviens que les gens considéraient l'adolescence de cette façon-là; l'adolescence n'existait pas vraiment, car il s'agissait uniquement d'un passage entre l'enfance et l'âge adulte. Je crains que le fait d'être particulier de cette façon-là ne présente des inconvénients.

À mon avis, les enfants sont aussi particuliers que les adultes jeunes et d'âge moyen, que les personnes plus âgées et que les adolescents. Dans le groupe d'âge des enfants et des adolescents, on retrouve certains groupes particuliers qui exigent de l'attention, mais il reste toutefois que les enfants ont besoin d'autant d'attention que les adultes, doivent être traités sur un pied d'égalité, bénéficier d'un financement égal, faire l'objet de mêmes recherches et avoir accès à des thérapies comme n'importe qui d'autre. Dans ce sens-là, je ne voudrais pas qu'ils soient particuliers, mais qu'ils soient considérés de la même façon que les autres groupes d'âge.

Des comparaisons avec les adultes ont parfois été utiles et ont parfois été un obstacle au chapitre de la santé mentale de l'enfant et de l'adolescent. Nous avons perdu du temps à discuter sans fin pour savoir si les enfants pouvaient souffrir d'un trouble car, selon la théorie psychanalytique, il est impossible d'avoir une dépression avant d'avoir atteint un âge particulier, il est impossible d'avoir des troubles ou des problèmes, ou encore, souffrir en tant qu'enfant, si on ne répond pas aux critères de troubles pour adulte. L'étude et le traitement des enfants sont restés dans l'ombre des troubles des adultes, ce qui était parfait pour assurer la protection des enfants et aussi parce qu'il s'agissait de professionnels qui voyaient les choses de la même façon, mais qui ne l'était pas, parfois, car il fallait toujours se justifier par rapport aux normes établies pour les adultes. Je pense que le temps est venu de s'occuper des enfants en tant que tels.

Je vais reprendre ce qui a été dit au sujet de la recherche, nous n'en faisons pas assez et elle devrait être mieux financée. Nous en sommes toujours aux balbutiements de la recherche dans le domaine de la santé mentale de l'enfant et de l'adolescent par rapport aux adultes et par rapport à d'autres secteurs de la médecine et des sciences sociales. C'est ce qu'il ne faut comprendre lorsque les chercheurs s'aventurent sur ce terrain. À cause des critères de financement, nous avons encore beaucoup à apprendre et nous devons rattraper le temps perdu ou mettre au point de nouvelles méthodes d'analyse pour les jeunes.

Mes collègues et moi-même nous inquiétons du recours à des thérapies pour les enfants qui ne servent pas à grand- chose, des thérapies qui ont été jugées inefficaces ou qui sont non éprouvées — aucune recherche adéquate n'ayant été faite à leur sujet — des thérapies qui ont gaspillé des ressources, des thérapies qui ont donné de faux espoirs aux enfants, aux adolescents et à leurs parents, des thérapies qui, à certains moments, peuvent être dangereuses.

Il faut s'en tenir aux données probantes et aux connaissances spécialisées d'aujourd'hui et, par conséquent, adopter les meilleures pratiques; il faut également faire la recherche voulue pour arriver à des données probantes qui n'existent pas encore.

Nous prescrivons encore à de grands nombres de jeunes des thérapies qui sont complètement inefficaces et qui ne résistent pas à l'analyse. Nous devons revoir les théories des causes à l'origine de la maladie. Il y a des années, on en rejetait la responsabilité sur les mères qui étaient mises en cause pour quasiment tout. Nous avons commis des erreurs en ce qui concerne des troubles comme l'autisme en disant : « Les enfants autistes le sont à cause de leurs parents. » Absolument pas. Il s'agit de troubles neurobiologiques, de troubles neurodéveloppementaux. Nous avons déjà eu des théories psychosexuelles complètement fantaisistes au sujet du trouble obsessionnel compulsif et, là encore, avons dénigré les gens qui en étaient atteints et prescrit des thérapies qui ne donnaient rien.

En tant que médecin résident, j'ai dû prescrire des thérapies de ce genre. On me disait qu'elles ne marcheraient probablement pas, mais qu'il fallait les prescrire. C'était le genre de baptême du feu auquel il fallait se soumettre, mais il s'agissait de mauvaises pratiques cliniques.

Nous disposons de meilleures thérapies aujourd'hui. Nous savons que la thérapie cognitovo-comportementale fonctionne dans plusieurs cas, notamment dans les troubles de l'anxiété. Nous savons que la thérapie multi-systémique, même si elle est chère, fonctionne pour les enfants souffrant de graves troubles cognitifs. Nous savons que certaines interventions sont appuyées par des données probantes; nous pouvons les perfectionner encore plus et nous savons également quels domaines doivent faire l'objet de recherche.

Je crois qu'il faut avoir le courage de s'écarter des thérapies inefficaces, d'être ouverts face au public et à nos collègues et de dire : « Vous perdez votre temps et vous devez trouver quelque chose de nouveau. Vous devez changer. » Je suis également d'accord avec ce qui a été dit plus tôt au sujet des méthodes d'intervention précoce.

Nous devons savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Certains des traitements ont un intérêt émotionnel extraordinaire, d'autres un intérêt cognitif tout aussi énorme. Ce qui semble juste et bon est attrayant, mais c'est en raison de cette perception qu'aucune étude ne se fait à cet égard. À l'heure actuelle, on peut décrire les thérapies communautaires de cette manière, elles présentent un intérêt, mais il faut encore en prouver l'efficacité et les comparer avec d'autres genres d'interventions.

Pour terminer, j'ai vu que le rapport traitait de modèles, observant les modèles de soins mis au point par les provinces ou d'autres pays et qu'il faudrait adopter. Lequel devrions-nous adopter pour les populations du Canada? J'aimerais que l'on soit ouvert à cet égard et que l'on essaie différents modèles selon les situations. Les modèles de soins primaires, les modèles de centres de santé des enfants, les modèles communautaires peuvent tous être valables dans la mesure où nous les étudions comme il le faut.

Il ne faudrait pas adopter une approche globalisante et dire par exemple : « Nous allons adopter ce modèle au rabais pour les enfants et il va fonctionner pour tous. » Nous avons déjà opté pour pareille solution dans le passé, ce qui n'a rien donné. Nous avons connu le mouvement de l'hygiène mentale pour les enfants et le mouvement d'orientation des enfants, ce qui n'a pas réglé tous les problèmes. Les enfants sont complexes et ont besoin d'une gamme de services complets.

Le Dr Wade Junek, IWK Health Centre : Sénateurs, j'aimerais dire pour commencer que je vais traiter d'un sujet complètement différent. Comme je suis quelqu'un de très visuel, je vous ai remis un document et je pense qu'il sera plus facile d'en parcourir quelques pages avec vous — quelques pages seulement.

Je suis psychiatre de l'enfant et de l'adolescent et pendant12 ans, j'ai été directeur des services de santé mentale pour la province de Nouvelle-Écosse, si bien que j'ai des antécédents en matière de gouvernement.

Le travail que je vous présente découle des travaux d'un comité fédéral-provincial-territorial — que j'ai coprésidé — sur le concept du système autonome de prestation de services. C'est un concept qui s'applique à la plupart des exposés que vous entendez aujourd'hui et, notamment, à certaines des questions que vous soulevez dans votre propre rapport, au sujet de la coordination et de la coopération. Il permet également de vous présenter des hypothèses expliquant pourquoi la recherche dont parlent le Dr Orlik et le Dr McGrath n'est pas utilisée, car cela rejoint également certains concepts. Il s'agit d'un modèle de santé de la population.

Vous posez vous-mêmes des questions dont j'ai pris note en bas de la page 2, mais le contexte de ces questions remonte à des décennies, voire même aux années 1800. À la page 3, on retrouve des questions plus pertinentes que vous auriez pu poser, mais je ne vais pas m'y attarder.

Je veux vous dire aujourd'hui pourquoi la série de services pour la santé mentale que vous avez découverts n'est rien d'autre qu'une série et non un système; aussi vous donner le moyen de répondre à certaines des questions que vous soulevez et vous donner quelques options ce qui, je l'espère, permettra de faire évoluer les choses.

À la page 5, je commence par dire ce qui se passe. Tous les enfants et les jeunes deviennent des adultes, et tout ce que nous faisons au gouvernement à l'égard des enfants et des jeunes vise à intervenir d'une façon ou d'une autre en espérant qu'ils puissent devenir des adultes sains et équilibrés. Toutefois, nous sommes confrontés à trois défis de taille.

À la page 6, par exemple, je parle des intervenants — que vous connaissez bien. Interventions, décisions et mesures sont prises par un grand nombre d'intervenants dont les liens réciproques sont complexes, et qui englobent sans s'y limiter, les entités inscrites sur cette page, les gouvernements, les compétences, et cetera.

Page 7, défi numéro deux. Tous ces intervenants influent contextuellement sur les décisions et les mesures qu'ils prennent, y compris, sans s'y limiter, les autres intervenants, les ressources dont ils disposent, les lois auxquelles ils sont assujettis, les pressions politiques, les médias, et cetera. Au total, toutes ces influences sur les décisionnaires peuvent être positives, négatives et, parfois, perverses pour le genre de décisions qu'ils vont prendre. Beaucoup de leurs décisions peuvent ne pas avoir trait à l'équilibre optimal de nos enfants au moment où ils atteignent l'âge adulte.

Comme ils le savent fort bien, ils passent au défi numéro 3, les stratégies utilisées pour obtenir un meilleur résultat. Je les ai classées dans trois grands domaines. Vous en trouvez une bonne liste à la page 25, mais je ne vous demande pas de la consulter pour l'instant.

Il s'agit essentiellement de la stratégie visant à augmenter les ressources. Nous savons tous que c'est limité.

On parle aussi d'efficience améliorée, qui est la force du modèle de marché libre dans le monde des affaires, la force de réaliser encore plus de profits, ce qui stimule les stratégies de création et de coopération, ce qui permet d'améliorer constamment les produits. Quels sont les mesures incitatives visant à améliorer encore davantage la santé mentale de nos enfants et de nos jeunes?

On note une amélioration au chapitre de la coopération, que vous avez d'ailleurs soulignée. On retrouve cette coopération à tous les niveaux, les patients, les programmes, les politiques, les organisations et les gouvernements. Les gouvernements tentent de la légiférer, la demandent de façon pressante, mais c'est toujours un problème, que vous avez déjà cerné.

À la page 8, on revient à cet objectif fondamental. Comment savoir si nos intervenants, nos influences contextuelles ou nos stratégies vont nous permettre d'y arriver? La seule façon de savoir si la santé mentale de nos enfants et de nos jeunes continue de s'améliorer consiste à en faire l'évaluation. Si vous passez à la page 10, vous voyez qu'il faut extraire des informations de ce processus, relatif aux adultes, pour les incorporer dans ces stratégies de gestion, ces influences contextuelles et ces interventions afin d'influer sur les décisions et les mesures qui vont être prises et permettre des mesures correctives en vue d'obtenir des améliorations. Nous ne le faisons pas.

À la page 11, le défi consiste à savoir comment atteindre l'objectif no 2. Si l'objectif fondamental consiste à améliorer la santé mentale de nos jeunes et de nos enfants, ou à la maintenir en l'état, il faut tout d'abord en faire l'évaluation pour déterminer si les mesures prises ont un effet. Il faut avoir des résultats et des évaluations. Deuxièmement, il faut englober cette information relative à ces évaluations dans nos décisions afin de permettre des mesures correctives, si bien qu'il faut évaluer les évaluationselles-mêmes et donner de la rétroaction à cet égard. Troisièmement, il faut apporter des améliorations de référence en regard de ces évaluations, ce qui constitue l'influence contextuelle la plus importante sur les décisions et les mesures qui sont prises.

Lorsqu'on examine la somme des mesures incitatives, des mesures de dissuasion, des mesures incitatives et des récompenses perverses, il faut en souligner la puissance et les relier le plus positivement possible aux résultats.

La page 12 indique que nous n'avons pas de système. Fréquemment, nous n'avons pas une vision de l'orientation prise pour nos enfants et nos jeunes, le résultat à l'âge adulte. Nous n'évaluons pas les résultats. Nous ne faisons pas de rétroaction en ce qui concerne les mesures correctives. Nous ne rattachons pas les puissantes mesures incitatives aux récompenses et nous ne tirons pas parti de ce que nous avons pour l'incorporer dans les résultats.

Une fois tout cela mis en place, si vous passez à la page13, vous vous apercevez tout à coup que les décisions et les mesures sont limitées par tout le reste, formant un système.

Passons à la page 14 — et ce n'est pas ce que je ferais, mais cela permet d'illustrer ce que je veux dire — pratiquement, si vous voulez diminuer le nombre de jeunes contrevenants, il faut les repérer dès les premières années d'école et faire intervenir l'aide sociale à l'enfance et les professionnels de la santé mentale, de même que des toxicomanes, puisque bon nombre d'entre eux risquent de consommer des drogues. Il est impossible de le faire sans programmes coopératifs, mais on ne peut pas non plus imposer ce genre de coopération.

Si la réduction du pourcentage de base est l'objectif visé, mettons de côté 1 p. 100 des dépenses totales de la province affectées aux enfants et aux jeunes afin de constituer un fonds pour les mesures incitatives ou les récompenses. Les administrateurs aiment avoir des fonds pour leurs services et une réduction du pourcentage de base susceptible de leur rapporter un million de dollars de plus pour les dépenses de fonctionnement de leur région est une importante mesure incitative. Ce n'est pas ce que je ferais, mais je voulais illustrer ce point précis, qui permet de souligner la nécessité de coopération lorsqu'elle n'existe pas.

On peut procéder exactement de la même façon pour les programmes de prévention, comme je l'ai déjà dit à propos du programme communautaire relatif à la toxicomanie. On peut utiliser la même méthode.

On pourrait en faire beaucoup plus à cet égard. Cependant, en conclusion, je dirais qu'il y a d'autres modèles à ajouter à notre répertoire de méthodes de prestation de services. Le système autonome de prestation de services est une option que nous espérons pouvoir ajouter à la réflexion sur les services de soins de santé, les services de santé mentale et les services aux enfants et aux jeunes. C'est une façon d'intégrer toute une gamme de services au système de soins de santé.

Je ne vous parlerai pas de la page 16, parce que je manque de temps. Merci.

Le président : En réponse à votre observation sur les mesures incitatives et les récompenses, je dois dire que notre dernier rapport sur la santé se fondait entièrement sur l'idée qu'on ne peut changer un comportement dans un système aussi complexe qu'en offrant des mesures incitatives. Si je me rappelle bien, nous avons dit qu'il fallait mettre en place des incitatifs pour que les personnes rationnelles qui agissent dans leur propre intérêt affichent le comportement qu'on attend d'elles. Ce même principe sous-entendra certainement celui-là, donc je vous remercie.

Susan, où pouvons-nous obtenir un exemplaire desnormes provinciales pour les services de santé mentale? À qui pouvons-nous téléphoner?

Mme Mercer : Je vous en ai apporté un exemplaire, mais vous les trouverez aussi sur le site Web du gouvernement provincial.

Le président : Je partage votre frustration sur la quantité de recherches effectuées en santé mentale, sur la pratique et les problèmes de santé mentale en particulier, par rapport aux recherches sur ce que j'appellerais la science fondamentale de la neurologie. L'institut de recherche dirigé par Rémi Quirion se divise en deux parties. Il y a une partie sur la santé mentale et une partie sur la neurologie. Nous avons essayé de calculer à peu près les ressources allouées, et des deux tiers aux trois quarts des ressources vont à l'aspect neurologique, alors que moins du tiers vont aux recherches sur la santé mentale. Vous avez tous fait observer qu'il fallait vraiment faire quelque chose pour corriger ce déséquilibre. J'ai une question pour vous, mais je voudrais qu'on évite la réponse facile qu'il faut que le gouvernement fédéral investisse plus d'argent dans la recherche. Supposons que l'enveloppe totale des IRSC ne change pas. La solution facile serait d'augmenter cette enveloppe, donc laissons-la de côté. Du strict point de vue du rendement économique des fonds investis, il serait infiniment plus utile d'investir davantage dans la recherche sur la santé mentale que de faire bon nombre des choses qu'on fait déjà, et je n'entends pas par là qu'il faut laisser tomber tout le reste. Comment pouvons-nous y arriver?

Le Dr McGrath : Il y a 13 instituts. Le budget des instituts ne représente qu'environ 30 p. 100 du budget total, ce qui est assez peu. La plupart des fonds sont octroyés par voie de subventions à des chercheurs en particulier; cela constitue la plus grande partie du budget. Je peux offrir une subvention pour n'importe quel sujet de recherche, puis il y aura un examen par les pairs et je n'aurai qu'à désigner l'institut qui s'en occupera. Cependant, ces instituts n'ont aucun contrôle sur l'argent. La plupart des fonds se trouvent dans la fiducie centrale des IC, si l'on peut le dire ainsi, et dans les subventions octroyées à des chercheurs en particulier. Ce n'est pas seulement l'institut de la santé mentale qui finance la recherche sur la santé mentale. J'ai reçu une subvention de l'Institut de la santé des femmes et des hommes sur la dépression du post-partum. Il y a de l'argent qui vient de...

Le président : C'était de l'Institut...

Le Dr McGrath : ...de la santé des femmes et des hommes. Sur la dépression du post-partum. J'ai récemment reçu une subvention des IRSC sur la santé en milieu rural, et vous pouvez constater qu'une partie de mon travail porte sur la santé en milieu rural. Cela ne venait pas d'un institut en particulier. L'institut que je connais le mieux est l'Institut du développement et de la santé des enfants et des adolescents, et je viens de l'aider à préparer un grand appel de demandes — je siège au comité consultatif de cet institut — sur les trajectoires de développement des enfants, dont la santé mentale est un aspect très important.

Il est très difficile de déterminer exactement combien d'argent est investi en recherche sur la santé mentale, et cela vient en partie des pressions exercées par les IRSC pour permettre aux divers instituts d'avoir accès à des fonds, mais c'est aussi attribuable en partie au fait que bien des gens du milieu scientifique créent des subventions et demandent de l'argent. C'est une question complexe qui a beaucoup de ramifications. Il est vrai que l'essentiel du budget des IRSC va à la science fondamentale. C'est ainsi partout. Cela a toujours été, parce que les IRSC sont issus du CNRC. Cela ne fait que trois ou quatre ans depuis que les IRSC ont repris le flambeau du CNRC, qu'ils ont élargi leur champ de recherche pour inclure les sciences biomédicales fondamentales et la recherche en laboratoire, qu'ils ont commencé à faire du travail clinique et qu'ils s'intéressent aux services de santé et à la recherche épidémiologique psychosociale. Ce n'est pas aussi simple que d'examiner le budget de l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies. À la simple lecture des états financiers, il est difficile de savoir combien d'argent va aux recherches sur les neurosciences. Je suis certain que les IRSC pourraient se pencher sur la question, et je serais bien curieux d'examiner la chose avec vous.

Si vous voulez faire plus de recherches, vous devez y investir plus d'argent. Il faut donner de l'argent aux chercheurs en santé mentale. C'est ce qu'il faut, et cela va leur permettre d'avancer dans la direction que vous voulez. Si vous réservez de l'argent à la santé mentale, les chercheurs vont venir. On peut le voir très clairement dans la recherche sur le VIH/SIDA et sur le cancer du sein. L'argent a attiré les chercheurs vers ce travail. Au début, il était difficile de trouver assez de bons chercheurs pour prendre cet argent. Cependant, depuis 10 ans, nous constatons un afflux de bonnes recherches sur le VIH et sur le cancer du sein.

Le président : Je veux seulement bien comprendre ce que vous entendez par plus d'argent. Vous me dites que nous devrions dire aux IRSC : « Vous devez réserver X p. 100 de votre budget, peu importe, aux questions directement liées à la santé mentale. »

Le Dr McGrath : Je pense qu'il faudrait aider les IRSC à se trouver des partenaires, par exemple, pour augmenter l'enveloppe budgétaire. Il n'y a pas assez d'argent pour la recherche en santé au Canada. Même si la situation s'est beaucoup améliorée, nous sommes toujours parmi les trois pays du G8 les moins généreux à ce titre. Ce n'est pas que les IRSC ont beaucoup d'argent et qu'ils n'auraient qu'à cibler ce champ de recherche. Bien entendu, il serait bon que les IRSC réservent des fonds, mais je pense qu'il serait encore plus utile de collaborer avec les IRSC et de faire augmenter l'enveloppe budgétaire.

Le président : Je suis désolé, je ne suis pas en désaccord avec cela, mais la solution que je vois serait d'assortir les fonds de critères, même si cela signifiait qu'il faut diminuer la somme consacrée à d'autres choses.

Le Dr McGrath : Je pense que ce serait une stratégie.

Le président : Je ne voulais pas monopoliser la conversation. Y a-t-il quelqu'un d'autre qui veut s'exprimer? Je pense que c'est une question critique.

Mme Mercer : Très brièvement, sur la recherche, nous avons plusieurs cliniciens qui travaillent tous les jours avec des enfants et qui aimeraient faire avancer la recherche, mais encore une fois, nos listes d'attente sont si longues que nous ne pouvons pas les libérer une journée par semaine pour faire de la recherche. Par conséquent, même si l'on prévoit des subventions de recherche, on n'a pas les ressources nécessaires pour effectuer ces recherches.

Le Dr Junek : Si l'on veut que les adultes s'occupent de leur santé et de leur santé mentale, il faut commencer par les enfants, il faut commencer par s'occuper de leur santé mentale. Ce devrait être la priorité no 1. On ne pourra pas y arriver si l'on ne s'occupe pas de leur santé physique. Cependant, beaucoup de gens s'arrêteront à la santé physique et oublieront la santé mentale.

Si l'on faisait de la santé mentale des enfants la priorité no 1, on aurait plus de chance de produire des adultes qui se soucient et qui s'occupent de leur propre santé. À mon avis, c'est un argument pour investir des fonds de recherche dans les enfants et leur santé mentale. De plus, les enfants représentent environ 25 p. 100 de la population, mais je peux vous assurer que nous ne recevonspas 25 p. 100 de l'argent alloué à la prestation de services ou à la recherche.

Le président : Je comprends pourquoi vous ne voulez peut-être pas nommer de pratiques précises que vous décrivez comme des thérapies n'ayant pas fait leurs preuves et posant des problèmes, parce qu'il peut y avoir des personnes qui reçoivent ce type de traitement. Cependant, comment pouvons-nous nous attaquer à vos pratiques exemplaires?

Le Dr Orlik : En matière de recherche, les IRSC invitent de temps à autre les gens à présenter des propositions dans des domaines auxquels les IRSC s'intéressent ou dans lesquels on a dit aux IRSC qu'ils devraient investir. Dans une certaine mesure, ce type d'information est communiqué aux IRSC avec le consensus de tous. Si les grands organismes nationaux pouvaient exercer une influence en ce sens, nous pourrions avoir des conférences consensuelles sur ce qu'il faudrait adopter comme stratégie de recherche sur la santé mentale des enfants et des adolescents, communiquer l'information aux IRSC et faire augmenter le nombre de propositions en conséquence.

Je dois aussi dire que le Dr McGrath a beaucoup de succès à bien des égards dans ses recherches en raison de ses résultats, des subventions et de sa compétence. Il n'y a pas assez deDr McGrath. Il y a beaucoup de jeunes chercheurs qui ont de la difficulté à prendre leur envol et qui ont besoin de l'encadrement d'un Dr McGrath, d'un environnement de recherche, et qui essaient d'être à la hauteur des attentes dont parlait Sue Mercer au sujet des services. Comment pouvons-nous concevoir une structure pour que les jeunes chercheurs soient encadrés, appuyés et qu'ils ne se découragent pas devant les obstacles qui s'avèrent parfois très grands pour obtenir une subvention des IRSC.

Les IRSC sont la grande organisation nationale. Je pensequ'il faut réfléchir à d'autres mécanismes de financement. La Nouvelle-Écosse a fait un petit pas en ce sens avec la Nova Scotia Health Research Foundation. Il y a aussi la Fondation canadienne de la recherche en psychiatrie. Il y a d'autres organismes de financement et peut-être y a-t-il d'autres organismes de recherche qui pourraient, au moyen d'investissements, rendre la tâche plus facile aux gens qui veulent s'initier à la recherche sur les enfants et les adolescents et acquérir les compétences de base qui leur permettront d'accéder aux grandes subventions des IRSC.

Pour ce qui est des types de thérapie qui semblent inefficaces, la plupart des enfants que nous voyons souffrent de problèmes appartenant aux troubles de comportement perturbateur. Ces enfants souffrent de troubles oppositionnels avec provocation, de troubles de comportement, de déficit d'attention. Il est largement attesté que des organisations, des organismes gouvernementaux, des services de protection de l'enfance, des praticiens privés et des familles dépensent de l'argent — tiré de sources privées et même d'assurances — pour offrir une psychothérapie individuelle à ces enfants. Il est absolument prouvé que la psychothérapie individuelle ne fonctionne pas pour ces enfants. Les modèles analytiques et psychodynamiques ne s'appliquent pas à ces enfants. On dépense beaucoup d'argent pour ce type de thérapie, alors qu'on pourrait depuis longtemps l'investir dans d'autres domaines.

Le président : Vous pensez par exemple à une personne qui décide d'amener un enfant de 8 ou 10 ans dans une clinique de psychologie pour consultation?

Le Dr Orlik : Si cet enfant de 8 ou 10 ans enfreint des règles sociales, qu'il est violent avec sa mère, qu'il a la mainmise sur ses frères et sœurs plus jeunes et qu'il dérange les élèves de sa classe, alors il sera une perte de temps de lui offrir des consultations individuelles.

Le Dr McGrath : C'est pire qu'une perte de temps. Le Dr Orlik a raison, c'est même dommageable.

Le sénateur Cook : Alors pourquoi appliquons-nous ces« pratiques exemplaires »?

Le Dr Orlik : Parce que dans notre culture, nous nous disons que les thérapies psychodynamiques sont la réponse aux maux de l'humanité. Nous avons eu des leaders charismatiques dans leur discipline, dont les réalisations étaient impressionnantes et qui embrassaient des thérapies d'apparence logique ou tellement complexe qu'on était porté à croire qu'elles devaient être bonnes. Ces pratiques prévalent depuis longtemps, et comme dans d'autres cultures, il est difficile de changer les choses. Cette culture résiste, malgré des mesures médico-politiques, si l'on veut, des interventions de recherche pour évaluer ses résultats. Ses tenants disent qu'on ne peut pas étudier leurs résultats, que les essais à double insu et les essais de contrôle ne s'appliquent pas à ce qu'ils font. Ils disent que les résultats ne s'observent qu'à très long terme, qu'on ne peut pas étudier en huit ou douze semaines ou encore en trois mois le résultat de ces thérapies, qu'il faudrait suivre ce type de thérapie pendant trois ans, cinq ans, et ainsi de suite. Cette culture comporte un aspect anti-évaluation et elle est perpétuée par un grand nombre de personnes pour qui elle représente un immense investissement, dont le moindre n'est pas l'aspect financier, parce qu'on peut faire beaucoup d'argent en pratique privée si l'on s'affiche comme spécialiste de ce type de thérapie.

Le président : Que pouvons-nous faire?

Le Dr Junek : Je vais souvent vous répondre du point de vue du système autonome de prestation de services. Je dirais qu'il n'y a rien pour inciter les administrations régionales responsables de la prestation de services aux enfants dans une région à utiliser un mode de prestation de services efficace. L'incitatif vient plutôt du fait que l'enfant reçoive ou non un service et que le volume de services corresponde à peu près au nombre d'enfants dans le besoin, puis que les listes d'attente ne soient pas trop longues. Il n'y a pas de mesure pour les pousser à déterminer si les enfants de leur région fonctionnent mieux cette année qu'il y a cinq ans ou s'ils fonctionnent mieux dans la région A ou dans la région C. Il n'y a rien qui incite ces administrations à intégrer les dernières recherches à leurs services. C'est comme si nous disions à Ford :« Nous voulons être bien certains que vous fabriquez des voitures, mais nous ne nous soucions pas du fait que vous fabriquiez des voitures fonctionnelles que les gens veulent acheter. Notre travail consiste à établir des usines pour produire. »

Le sénateur Cook : Je suis assise ici et j'entends qu'un enfant est dans le besoin. Un service est offert, mais il ne répond pas aux besoins de l'enfant. Cette profession de soins de santé a pourtant pour mot d'ordre de ne pas faire de mal, donc comment se fait-il que nous en soyons rendus à donner des services inappropriés, dont les résultats ne sont pas mesurables? Je suis confuse.

Le Dr Orlik : J'ai dit que ce type de thérapie pouvait être dommageable. Les tenants de cette thérapie, les parents, les organismes qui acquièrent ce service au nom de leurs clients ne se posent pas du tout la question. Ils s'arrêtent à ce dont parle leDr Junek, c'est-à-dire qu'ils obtiennent un service, qu'il est accessible et que bien entendu, comme ils le paient cher, ils doivent obtenir un bon service. La notion de dommage ou d'inefficacité n'entre même pas en ligne de compte. Il est très difficile de débattre de la question avec les praticiens dans ce contexte.

Le sénateur Pépin : Je suis confuse. On nous a dit combien il était important que l'enfant voit un médecin, qu'il n'y ait pas de longues listes d'attente et ainsi de suite. Vous nous dites maintenant que cet enfant ne devrait pas être vu seul à seul, si je vous comprends bien. Quel serait alors le meilleur traitement pour ces enfants?

Le Dr Orlik : Je peux vous donner l'exemple des enfants dont je viens de parler, des enfants qui souffrent de troubles de comportement perturbateur. Les parents de ces enfants doivent acquérir les compétences nécessaires pour gérer le comportement de leurs enfants. Ils doivent apprendre qu'ils peuvent par inadvertance empirer ce comportement. Ils doivent éviter certaines façons de faire et certaines interventions avec ces enfants, et ils doivent l'apprendre de diverses façons.

Le Dr McGrath a parlé d'un modèle de soins qu'il a conçu et qui porte fruit. Les parents doivent acquérir les compétences nécessaires pour gérer le comportement perturbateur, provocateur et agressif sur la base d'un modèle behavioriste plutôt que d'un modèle psychodynamique, psychoanalytique. Ils doivent l'appliquer à leurs enfants et le faire adéquatement.Le Dr McGrath a un système basé sur un manuel, c'est-à-dire qu'il y a une marche à suivre. Il y a beaucoup de recherches qui montrent que si l'on suit des instructions, si l'on suit un manuel, les résultats sont bien meilleurs. On peut faire beaucoup plus d'études comparatives ensuite que lorsqu'on suit seulement sa propre intuition ou sa démarche charismatique. Il y a divers moyens très efficaces.

Les jeunes les plus perturbés peuvent être placés dans un milieu multisystémique, où l'on peut s'attaquer aux divers éléments du système qui contribuent aux difficultés. Par exemple, les enfants présentant des troubles de comportement perturbateurs sont exclus partout. Ils sont exclus de l'école. Ensuite l'enfant se retrouve avec son comportement perturbateur et un parent inefficace. La réponse de l'école est la tolérance zéro. L'enfant est renvoyé à la maison avec un parent qui ne sait pas comment l'encadrer, l'enfant ne reçoit pas d'éducation et lorsqu'il revient à l'école, il est déconnecté des autres enfants. On ne fait que perpétuer le problème.

La philosophie multisystémique permet d'examiner les divers aspects du système. On s'interroge sur l'école, les services communautaires, l'infrastructure communautaire, les compétences des parents, la gestion du tempérament d'apprentissage de l'enfant, le contrôle de la colère et d'autres éléments du genre. Mis ensemble, tous ces éléments constituent une solution complète. Ces thérapies sont efficaces.

Le Dr McGrath : Oui, on apprendrait par exemple aux parents à porter d'abord attention à l'enfant de quatre ans qui a un comportement perturbateur — pas à l'enfant de douze ans qui met le feu à des maisons ou qui vole des voitures. Presque tous ces enfants ont d'abord été des enfants de quatre ans au comportement perturbateur, comme le Dr Orlik l'a dit. Il faut d'abord leur apprendre à prêter attention au bon comportement. C'est un concept très simple, mais très difficile à enseigner. Comment peut-on y prêter attention dans un environnement difficile et complexe? Ensuite on peut envisager d'enseigner un comportement positif sociable en s'inspirant de tableaux de comportement et de conséquences. On peut leur apprendre à utiliser différentes formes de punitions négatives, pas très sévères, mais qui ont les conséquences immédiates. Ensuite, on leur apprend à résoudre des problèmes. On leur apprend à composer avec le milieu scolaire. C'est ce qu'il faut faire pour aider les parents d'enfants ayant des comportements perturbateurs.

Il est difficile de travailler avec eux parce que bon nombre d'entre eux ont le même type de problèmes que les enfants. Le Bon Dieu n'assigne pas les enfants aléatoirement aux parents. Elle donne les enfants les plus difficiles aux parents qui ont le moins d'aptitudes. Il nous faut imaginer de multiples moyens, pas seulement que le programme que j'ai créé. Il y a tout un tas de types différents d'interventions fondées sur l'expérience clinique qui se ressemblent toutes les unes et les autres.

Maintenant, on embarque un enfant anxieux dans la thérapie, et le traitement psychologique fondamental pour l'anxiété, c'est l'exposition. C'est exactement comme votre mère vous l'a dit,« Si tu tombes du vélo, tu remontes en selle ». Cependant, il faut enseigner certaines aptitudes pour qu'ils puissent se rendre jusque là. On applique diverses thérapies à différents problèmes, et si on regarde les conclusions des recherches, c'est très clair. L'approche psychodynamique individuelle, où on reçoit en privé dans son cabinet l'enfant qui a un comportement perturbateur, est désastreuse.

Lorsque les enfants déchirent nos manuels ou les cachent de leurs parents, c'est le plus grand impact qu'ils peuvent avoir pour ce qui est de composer avec notre traitement. Nous ne leur parlons pas du tout, parce que cela ne donne rien. Maintenant, si d'autres recherches à venir démontrent qu'une approche différente fonctionne, c'est elle que nous devrions adopter.

Cependant, il faut faire des recherches. Nous devons continuer la recherche, non pas seulement dans les universités, mais des recherches intégrées dans le système de santé, qui y sont étroitement liées, où les responsables des décisions s'engagent dès le début pour qu'on puisse vraiment avoir un effet sur les services. Lorsque le Dr Orlik parle de pratiques qui ne sont pas fondées sur les preuves, ce n'est pas tellement dans le système de santé provincial. Il y a des programmes de santé, dans certaines provinces, qui n'ont pas de pratiques fondées sur l'expérience clinique, mais ils sont très intéressés à cela en Nouvelle-Écosse et en Ontario. Je ne sais pas ce qui en est des autres provinces, mais c'est la même chose pour la Colombie-Britannique. Cependant, il y a toute une histoire de « Nous ne pouvons pas évaluer ceci. Nous ne pouvons pas y appliquer de données scientifiques. Faites seulement ce que je vous dis ».

Mme Mercer : Nous avons des petites équipes qui travaillent avec les enfants de cette façon. Nous avons un programme de traitement de jour qui fonctionne en étroite collaboration avec les écoles et les familles. Nous avons un programme de traitement communautaire intensif, où quatre personnes travaillent avec les familles. Ces travailleurs et cliniciens n'ont que très peu de cas, parce qu'ils ne font pas que voir un seul enfant. Ils rencontrent les proches, l'enseignant, l'école et les voisins. Vous connaissez le proverbe qui dit qu'il faut un village pour élever un enfant? Eh bien, c'est la même chose en ce qui concerne les troubles mentaux.

Si on regarde les coûts par rapport aux nombres d'enfants servis, c'est un programme très coûteux. Toutefois, j'ai dit que les enfants qui sont sur notre liste d'attente sont ceux qui ont des troubles de comportement et de conduite, et ce dont nous disposons pour répondre à leurs besoins est très mince.

Il faut un virage dans le mode de pensée et la participation des familles dès le tout début. Lorsque je parle de « familles », ce peut être des familles d'accueil, ce peut être un voisin qui s'occupe de l'enfant tous les jours parce que, surtout avec les enfants et les adolescents, ils ne peuvent pas rester dans un bureau pendant une heure et emporter avec eux ce qu'ils ont appris. Cependant, ce sont des approches plus coûteuses que le traitement traditionnel en cabinet.

Le sénateur Cordy : En ma qualité d'ancien enseignant du niveau primaire, c'est musique à mes oreilles que de vous entendre parler ainsi, parce que je me rappelle la frustration que j'ai ressentie avec un cas particulier. La mère adoptive et moi avions eu un merveilleux dialogue au sujet du fait que l'enfant n'avait pas les aptitudes nécessaires pour composer avec un groupe de plus de 30 enfants dans une salle de classe. Le médecin disait toujours« L'enfant agit très bien quand il est seul avec moi ». Ce n'est que quand il a fallu arracher l'enfant du plafond du cabinet du médecin que celui-ci à dit « Il me semblait vous avoir dit de lui donner son médicament avant de l'amener me voir ». La mère adoptive a répondu « Je lui ai donné une dose double juste avant de quitter la maison. » Le médecin a répondu « Alors, j'ai l'impression qu'il vaudrait mieux qu'on commence à parler de ce qui se passe vraiment ». C'est une bouffée d'air frais que de vous entendre aujourd'hui.

Ce qui arrive tellement souvent, c'est que ces enfants qui ont désespérément besoin d'habiletés de socialisation sont gardés en marge non seulement du milieu scolaire, mais, comme vous l'avez dit, des sports, des Brownies, des louveteaux, et cetera. Personne ne veut avoir affaire avec eux parce qu'ils n'ont pas d'habiletés sociales. Alors, souvent, ces enfants apprennent rapidement que l'attention négative, c'est bien mieux que pas d'attention du tout.

Est-ce que j'ai bien compris, d'après ce que vous avez dit, qu'il y a une plus grande coopération entre le système d'éducation et le système de santé? Ou est-ce aller un peu loin?

Le Dr Orlik : Il doit y avoir une meilleure coopération. Elle a été perturbée par les cycles de financement. Bien que nous nous plaignions dans le système de santé de manquer de financement, c'est encore pire dans le domaine de l'éducation, et plus récemment, dans cette province, c'est aussi pire dans les services communautaires. Nous avons joui, dans le passé, de rapports plus harmonieux avec le milieu de l'éducation, avec les commissions scolaires. Nous avions des enseignants de la commission scolaire qui étaient placés dans le contexte de la santé mentale. Nous avions des gens de la santé mentale qui allaient dans le contexte scolaire. Chaque domaine s'est un peu éloigné de cette formule dans une certaine mesure, et nous devons rétablir ce genre de relations.

Encore une fois, s'il y avait quelque mesure incitative et une approche de collaboration, plutôt que cette espèce de cloisonnement, je pense que nous pourrions faire quelque progrès. Si les écoles étaient financées pour garder les enfants même difficiles et si le système de santé mentale était financé pour offrir un soutien spécialisé aux écoles, pour travailler là-dessus, plutôt que, disons, mettre des enfants dans des institutions,peut-être y aurait-il un changement. Cependant, il nous faut presque réinventer la relation avec le système scolaire.

Le Dr Junek : Je pourrais parler encore de ces mêmes questions, mais je ne voudrais m'éterniser sur le sujet. Il se trouve que je suis le psychiatre-conseil des services de traitement de jour de l'IWK, et je travaille beaucoup avec des enfants qui ont des troubles de comportement perturbateur. Vous en avez assez entendu sur le sujet, alors je ne vous parlerai pas de ce que je fais.

Ce que je voudrais souligner, c'est que le ministère de l'Éducation a supprimé le fonds de 20 000 $ qu'il réservait pour permettre à des enfants de venir à notre service de traitementde jour, bien que nous les sortions de leurs écoles quatre jours par semaine pour offrir un certain soutien. Ils ont pensé queces 20 000 $ pour transporter les enfants de toute la région métropolitaine, c'était trop. En conséquence, ce ne sont que les parents qui peuvent le faire maintenant.

J'ai fait des recherches sur la province et les services offerts au Canada dans le domaine, et il n'y a qu'un service de traitement de jour au Canada où j'ai pu constater que ce sont les parents qui doivent assumer ces frais. Tous les autres, au moins 50 p. 100 de ces frais sont payés par le ministère de l'Éducation, sinon l'intégralité.

Dans la plupart des autres services de traitement de jour du Canada, c'est aussi au ministère de l'Éducation qui fournit les enseignants. Dans les services de traitement de jour où je travaille, ce sont encore une fois les gens du système de santé.

Le sénateur Cordy : Je pense toujours que je ne m'étonnerai pas des commentaires, mais savez-vous quoi, je suis complètement ébahie quand j'entends des choses comme ça.

Docteur Junek, je m'intéresse beaucoup à votre observation sur l'autoréglementation du système de santé et sur votre vision. Vous avez dit que sans vision, on ne peut pas déterminer où le système s'en va. Je pense que c'est Yogi Berra qui disait « Si on ne sait pas où on va, on pourrait aboutir ailleurs ».

Avec un plan, on peut espérer une vision, des mesures, une rétroaction et une récompense. Nous l'avons appris à l'université. Est-ce que c'est le modèle que vous proposez?

Le Dr Junek : Dans mon rôle de directeur des Services de santé mentale pour enfants pour la province, j'ai assisté à plusieurs réunions fédérales-provinciales-territoriales en tant que représentant de la Nouvelle-Écosse pour la santé mentale des enfants dans tout le Canada. Lors de l'une de ces réunions, j'ai présenté les rudiments de ce système aux gens qui occupaient des postes équivalents, qui luttaient avec les mêmes problèmes, encore et encore. Dans des entretiens que j'ai eus avec des collègues, il est devenu apparent que nous étions le seul groupe à comprendre le problème qui se posait à nous.

Un jour, j'ai fait une présentation pour établir un lien entre tous ces concepts dont nous parlions, auxquels nous réfléchissions, et cetera. Après une présentation en particulier, on m'a demandé d'exposer mes idées dans un document plus étoffé, et en conséquence, Gus Thompson et moi-même sommes devenus coprésidents du Sous-comité fédéral- provincial- territorial sur les services d'autoréglementation. C'est devenu le document que vous voyez, à la page 30 de mon mémoire. C'est une publication de Santé Canada, qu'on peut trouver dans le site Web du ministère.

Ce document a été envoyé à chaque ministre de la Santé, à chaque département des Services communautaires, au ministère de la Justice, à chaque ministère de l'Éducation et à plusieurs chercheurs. Dans ma lettre d'accompagnement, j'invitais les questions et les commentaires

Le sénateur Cordy : Quelle taille a ce document?

Le Dr Junek : Il est énorme.

Comme j'ai travaillé au gouvernement, je suis porté au pardon pour diverses raisons. L'un d'elles, c'est que les gens et les comités reçoivent des documents comme celui-ci tout le temps. Ce document-ci, comme bien d'autres, est assez aride, et j'ai appris que le meilleur moyen de le faire passer, c'est avec des présentations PowerPoint très colorées. Cela lui donne vie, et une présentation me prend normalement 20 à 30 minutes, après quoi nous avons une discussion d'une demi-heure et les gens commencent à saisir un peu la complexité de tout cela, et la manière dont tout est interrelié. Il y a dix-sept avantages potentiels à ce genre de système, énoncés au point 12 de la liste. C'est un peu l'historique de la démarche, et cela explique en partie mon rôle.

Le sénateur Cordy : Quelle est votre définition de la rétroaction?

Le Dr Junek : L'essentiel à faire, c'est qu'il faut décider si on apporte des changements à la base, et il faut prendre ces données et les transmettre aux responsables des décisions. Il faut aussi leur donner une raison pour démontrer que l'intérêt pour cette information et ces changements est susceptible d'avoir une énorme influence sur toutes les décisions qu'on prend sur l'organisation, en comparaison de cette autre liste des influences environnementales sur la décision. Ce sont tous là des éléments qui touchent les organisations.

Lorsque je suis entré au gouvernement, savez-vous ce qui avait le plus d'influence, l'influence la plus probante qui existait sur les décisions relativement aux budgets des hôpitaux? Si on se fait des dettes, le gouvernement les essuie, alors au diable l'avarice! Maintenant, je n'étais pas au gouvernement, et naïvement, je pensais qu'ils comprenaient certaines choses bien simples sur la vie, vous savez, que si on récompense un mauvais comportement, le comportement ne changera pas. Cette influence-là est plus forte.

Le sénateur Cordy : Madame Mercer, ce matin, quelqu'un nous a dit qu'il y avait un patient à l'IWK depuis octobre rien que parce qu'il n'avait nulle part ailleurs où aller. Quand je pense à la collaboration et à la coopération entre ministères, cet exemple me porte à penser qu'elles n'existent pas, parce que ce qu'il en coûte de garder un enfant à l'IWK pendant un mois suffirait largement à le mettre en appartement avec une personne de soutien et payer sa nourriture.

Mme Mercer : Les fonds proviennent de différents budgets.

Le sénateur Cordy : Peu importe.

Mme Mercer : Non, c'est ce qui le justifie.

Le sénateur Cordy : La nourriture, un appartement et une personne de soutien pendant un an coûteraient cher.

Mme Mercer : Je suis profondément convaincue que n'importe qui devrait pouvoir vivre seul avec les mesures appropriées de soutien, quel que soit ce qu'il vit. Ce jeune homme n'est pas bien différent de bien d'autres, soit que pour le placer dans une famille d'accueil ou l'installer seul avec des mesures de soutien, ou dans un logement avec services réels de soutien, il faut l'intervention de cadres supérieurs de partout. C'est mal fait. Je suis tout à fait d'accord.

Nous avons soulevé la question, nous avons rencontré des fonctionnaires, et nous essayons vraiment de nous concerter pour créer un système homogène, parce que ce n'est pas leur enfant, ce n'est pas notre enfant. C'est quelqu'un, et je ne parle pas seulement de celui-là, mais il y en a plusieurs autres, qui a besoin de traitement ou non, mais qui aboutit dans une unité de malades hospitalisés et n'a nulle part à où aller.

Vous avez tout à fait raison : cela revient à différents budgets et différents critères. Ce dont ont besoin certains de ces jeunes gens n'existe pas pour eux.

Le sénateur Cordy : Y a-t-il quelqu'un qui peut prendre cette décision? Est-ce que ce serait le premier ministre? Est-ce à lui que vous devriez vous adresser?

Mme Mercer : Je suis sûr que ça s'est probablement rendu au premier ministre. Ce qu'il faut, c'est la capacité de créer ce dont ont besoin certains de ces jeunes, parce qu'il y a des cas qui sont tellement uniques qu'on ne pourra pas les intégrer aux foyers d'accueil existants. Les enfants de 16 à 19 ans sont trop vieux pour le système de protection de l'enfance et ils ne peuvent pas être intégrés au système d'aide aux adultes avant d'avoir 19 ans.

Je pense qu'il faut quelque chose, et je pense que ce doit être notre mandat à tous, y compris l'IWK. Les trois organismes doivent s'unir pour résoudre cela sans avoir besoin de s'adresser à un vice-président, un directeur, un cadre supérieur ou à aucun autre de ces organes. C'est ce que j'entends partout au Canada, alors je sais que ce problème ne nous est pas unique. Même dans les provinces où tout est sous un même ministère, je sais que le même problème existe. Vous avez raison, il paraîtrait logique que cela vienne jusqu'ici.

Le sénateur Cordy : Merci.

Le président : Même avec ma formation de mathématicien, qui est logique, et avec tous les enjeux publics que j'ai examinés depuis 30 ans, c'est sans doute la question la plus complexe, la plus remplie de composantes tout à fait illogiques que j'ai jamais vue.

Mme Mercer : Oui.

Le sénateur Cochrane : Est-ce que vous parlez de l'hyperactivité avec déficit de l'attention, de l'EFA, du trouble de l'intimidation, de l'autisme? Est-ce de tout cela que vous parlez, ou y a-t-il autre chose?

Le Dr Orlik : Non. Je pense que nous parlons d'un échantillon d'une vaste sous-population d'enfants qui souffrent de ce qu'on appelle des troubles de comportement perturbateurs qui pourraient être attribués au syndrome d'alcoolisme fœtal, au trouble d'attention, avec ou sans hyperactivité; d'enfants avec des troubles de conduite, et cetera. Les enfants qui souffrent d'autisme et de troubles connexes ont besoin d'une approche différente.

Pour les enfants qui ont des troubles d'anxiété, comme le disait le Dr McGrath, il y a des interventions fondées sur l'expérience clinique de ce qui fonctionne pour eux. Dans la catégorie des troubles d'anxiété, il y a bien des troubles, dont les phobies, les phobies sociales, le syndrome de stress post-traumatique et le trouble obsessivo-compulsif. Il y a toute une gamme d'états qui ont certains points en commun et qui, pourtant, ont d'autres genres de différences qui exigent un mode de gestion quelque peu différent.

Il y a une gamme de troubles de l'humeur et, là encore, en général, ils exigent des méthodes différentes, bien qu'il y ait des points communs. Certains médicaments peuvent fonctionner pour les troubles de l'humeur chez certains jeunes gens et aussi pour la dépression chez les jeunes gens. Certaines formes de thérapie, une thérapie correctement adaptée, appelée la « thérapie cognitive du comportement » est efficace pour traiter les troubles de l'anxiété et de l'humeur, bien que pour le trouble de l'humeur, il existe aussi certains types de psychothérapies. Une grande partie de notre financement devrait être concentrée sur ces larges catégories de troubles à leurs divers stades.

La suggestion du Dr McGrath, qu'on les circonscrive tôt et qu'on apprenne aux parents à les gérer, dans un contexte de collaboration entre le milieu préscolaire et le milieu scolaire subséquent, est bonne. Si, d'autre part, les troubles de ces enfants s'accentuent, il faut invoquer d'autres modèles de thérapie, ou combinaisons de thérapies, ou d'expertise pour favoriser leur rétablissement.

Alors, pour vous donner un exemple, quand je vous ai fait cette présentation, j'ai parlé de cette catégorie de troubles, qu'on appelle les troubles de comportement perturbateur parce qu'ils se trouvent à être assez vastes, et probablement ce groupe a-t-il fait l'objet plus que tout autre de thérapies sans effet.

Le sénateur Cochrane : Susan, avez-vous connu des groupes de parents ou des parents seuls venus vous voir pour composer avec certains de ces troubles chez leurs enfants?

Mme Mercer : Comme thérapie?

Le sénateur Cochrane : Oui.

Mme Mercer : Nous aurons certainement tenté de l'offrir au groupe, et c'est une discussion que nous avons eue. Il nous faut travailler avec les familles, les collectivités et le public, parce que parfois, les gens pensent que la thérapie au téléphone, par Internet ou en groupe n'est pas un traitement et ils préfèrent s'inscrire sur une liste d'attente.

D'ailleurs, j'ai rencontré pas plus tard qu'hier un groupe d'employés pour parler de la nécessité de sortir plus, de travailler directement avec les parents et d'expliquer que la méthode traditionnelle de traitement n'est pas accessible. Selon les données recueillies, certaines de ces thérapies pour groupes de troubles sont la meilleure thérapie qui soit.

Le Dr Junek : En ce qui concerne nos services de traitement de jour, nous accueillons 10 enfants à la fois. Nous avons la partie obligatoire, selon laquelle tous les parents doivent assister à un cours en huit séances de formation à la gestion, deux heures par séance. Alors, nous travaillons vraiment avec les parents en groupe. Nous leur enseignons les habilités de gestion des enfants en groupe, et vous pouvez demander à n'importe quel parent, il vous dira, et je leur ai moi-même enseigné pendant des années, qu'ils tirent beaucoup de ce type de séance, particulièrement quand c'est en groupe où on peut partager ses propres expériences avec d'autres parents. C'est une expérience d'apprentissage très intense.

Nous commençons exactement là où le disait le Dr McGrath, en leur enseignant à observer et récompenser les comportements appropriés. C'est un moyen très pratique de le faire, et nous le faisons dans le cadre du programme.

Le sénateur Cochrane : Après trois ou cinq ans, est-ce qu'ils retournent dans un cadre normal, où ils peuvent fonctionner de façon autonome?

Le Dr Junek : Je pense que la réponse que je pourrais vous donner, c'est que oui, cela peut arriver, particulièrement quand on a des enfants dont le principal problème vient de la formation des parents en gestion de l'enfant, un problème qu'on peut corriger. Ce groupe peut tirer particulièrement avantage de la formation en groupe à la gestion des enfants. Dans notre contexte, nous avons souvent affaire à des enfants qui ont commencé par avoir des troubles d'attention préexistants avec hyperactivité, qui se sont transformés en troubles oppositionnels pour devenir, dans certains cas, un trouble de conduite dans la collectivité. Cela dépend du degré de gravité et de complexité du trouble, de l'enfant, de la famille et de la collectivité où il vit. Dans certains cas, bien des années plus tard, nous recevrons une rétroaction positive qui nous apprend qu'ils vont très bien, mais nous savons aussi que d'autres vont encore s'enfoncer plus loin dans les difficultés. Peut-être les chercheurs qui connaissent mieux la question sont des gens comme le Dr Forehand et le Dr Patterson, qui sont des psychologues et ont de bonnes études de suivi à long terme, qui démontrent l'utilité de ces techniques.

Le Dr Orlik : J'ai apporté avec moi des ouvrages qui viennent d'autres pays qui offrent des ressources pour ce type de recherche.

Une série éminente de monographies, intitulée Child and Adolescent Psychiatry Clinics of North America, se consacre à la pratique fondée sur l'expérience clinique en santé mentale des enfants et des adolescents, alors il existe de la documentation sur des choses qui fonctionnent.

Nous ne pouvons pas relâcher l'attention, et il nous faut faire ces travaux au Canada. Nous avons effectivement des environnements différents, une démographie différente, des ressources différentes, et nous avons des obligations politiques et des modèles de financement différents. Il nous faut, à nous aussi, faire ce genre de travaux.

Le Dr McGrath : Vous devez comprendre que nous n'avons pas offert de soutien financier pour des recherches approfondies au Canada. Les IRSC ont été une grande amélioration, c'est pourquoi je suis peut-être un peu sur la défensive quand il s'agit d'eux, mais vous connaissez des gens comme Michel Tremblay, au Québec, qui est un chef de file mondial. Chuck Cunningham, à Hamilton, a fait des travaux phénoménaux sur la formation des parents en gros groupes, où il peut y avoir 50 ou 60 parents à la fois. Je pense que si vous regardez partout au Canada, il y a un petit nombre de chercheurs qui font ce genre de travaux.

Il est souvent difficile d'avoir assez de financement, et aussi de le conserver. Savez-vous que l'un des chercheurs les plus éminents dans le domaine est maintenant à Philadelphie? Il a commencé à Kingston. Je l'ai très bien connu il y a de nombreuses années. Nous venons de perdre un Dan Waschbusch, qui dirigeait un programme très créatif en milieu scolaire de région rurale, en Nouvelle-Écosse. Je veux dire que le problème vient en partie du fait que ce n'est que tout récemment que nous avons investi dans une recherche quelconque. Il n'y a pas de vaste effectif de chercheurs en santé mentale des enfants. Il nous faut plus de ressources pour les attirer.

Je suis toujours à la recherche d'un peu de financement, alors si votre comité veut financer de type de recherche, je l'accepterais avec plaisir. Je pense que le problème, c'est que nous venons seulement, récemment, d'investir dans la recherche en santé de type scientifique non fondamental, et trois ou quatre ans ne suffisent pas pour faire une énorme différence.

Il y a aussi d'excellents travaux qui ont été fait ici, pour établir des liens et cette question, je pense, est très importante. L'établissement de liens entre les gens qui fournissent des services, comme Sue et Herb, et leur rapprochement des chercheurs est essentiel au succès de ces programmes. Au lieu de cela, mon travail est de publier des articles, non pas de modifier les comportements dans l'environnement, non pas de rendre plus sains les enfants et les jeunes de la Nouvelle-Écosse. Parfois, nous travaillons à contre-courant de nos objectifs, mais au moins, nous avons affiché quelque excellent progrès.

Le président : Il faudrait nettement que vous changiez vos incitatifs, comprenez-vous?

M. MacGrath : Oui, c'est ce que nous devons changer. J'ai fait ce travail parce que les IRSC nous ont dit qu'ils nous donneraient de l'argent et nous ne sommes pas très différents de quiconque sur ce plan.

Il y a beaucoup de bonnes gens qui travaillent dans ce domaine, comme vous le savez. Vous avez dit vous-même que la santé mentale des enfants est l'orphelin de l'orphelin. J'ai pensé que c'était une excellente phrase, dans votre rapport, et je vous encourage vivement à pousser en ce sens, parce que le diagnostic précoce est possible pour la plupart des problèmes graves. Certains problèmes se manifestent à la fin de l'adolescence, mais même là, une intervention précoce contre la psychose est incroyablement efficace.

Le sénateur Pépin : Docteur McGrath, vous nous avez parlé des essais cliniques que vous faites avec des enregistrements vidéo, des livres et par téléphone. Est-ce que vous pourriez expliquer un peu cette démarche et les objectifs visés?

Le Dr McGrath : Nous avons cinq modules. Certains sont plus faciles, parce que j'avais besoin de quelques victoires faciles. Donc, nous nous occupons de l'énurésie, et les gens disent que ce n'est pas un trouble mental, mais quand un gamin de 10 ans mouille son lit, c'est un problème mental, je peux vous le garantir. Nous avons aussi les comportements perturbateurs, soit le déficit d'attention et le trouble oppositionnel, et les troubles anxieux.

Toute l'approche, c'est que dans notre essai, nous prenons des patients qui nous sont envoyés par leur médecin de famille, alors nous communiquons avec les médecins de famille et leur parlons du programme. Ils envoient une page descriptive avec des cases à cocher, pour que ce soit facile pour eux de nous référer leurs patients.

Ensuite, nous faisons une évaluation, et c'est une évaluation plus approfondie que celle que nous ferions si nous ne faisions que fournir un service, parce que c'est un essai. Ensuite nous utiliserions le système d'évaluation dont parlait Sue, l'approche de Chuck Cunningham, si nous ne faisions que fournir un service.

Ensuite, nous communiquons avec la famille et nous avons un entretien avec elle au téléphone. Nous envoyons des manuels, des enregistrements vidéo, et nous leur fournissons un service chez eux à un moment qui leur convient. Mon personnel travaille les fins de semaine et les soirs. Je suis sur appel pour ce service. Le service leur est fourni de façon à ce que ce soit facile pour eux, particulièrement avec les troubles perturbateurs, mais aussi avec les troubles anxieux; il y a des familles mal organisées qui sont difficiles à joindre, même quand on prend un rendez-vous. C'est à 19 heures jeudi. On arrive et ils sont sortis, ou quelqu'un vient d'arriver, ou quelque chose est arrivé. Nous devons être persévérants.

Cette approche n'en est qu'une parmi d'autres; ce n'est pas une panacée. Ce n'est pas pour tout le monde. Parfois, les interventions en gros groupes, avec des traitements fondés sur l'expérience clinique, qui se sont révélés efficaces, et que nous avons appliqués, sont la meilleure solution. Alors je ne dis pas que cette approche soit la meilleure. C'en est une parmi d'autres.

Le sénateur Pépin : Avez-vous eu beaucoup de familles qui ont participé à ce processus?

M. MacGrath : Nous en avons eu, je crois, 280. Certains de nos essais sont terminés maintenant, et d'autres sont en voie de l'être. Alors nous devrions avoir fini avec les essais dans 18 mois.

Le sénateur Pépin : Combien de temps doivent-ils rester avec le programme?

M. MacGrath : Les traitements durent environ 12 semaines, puis il y a un suivi avec les familles. Nous donnons des séances d'appoint pour un suivi par la suite.

Nous aimerions élargir cela pour nous attaquer à d'autres problèmes. L'élément en milieu scolaire n'est pas aussi solide que nous le voudrions, mais comme le disait le Dr Orlik, nous voulons faire un suivi, nous voulons regarder les données d'abord. Je peux convaincre des gens d'embarquer, mais il nous faut étudier les données pour voir qu'est-ce qui fonctionne. Comme le disait leDr Junek, s'il y avait des incitatifs pour nous pousser à faire ces travaux, et s'ils couvraient vraiment l'ensemble du système, ce serait vraiment beaucoup plus efficace.

Mme Mercer : J'ai un dernier commentaire, très rapidement, au sujet du programme de Pat.

Récemment, en Nouvelle-Écosse, la liste d'attente, pour la santé mentale des enfants et des adolescents, a fait couler de l'encre dans les médias. Le Dr Orlik a fait la tournée des stations de radio et, à cause de cela, quand le gouvernement provincial a annoncé le financement de services de santé mentale, accru cette année, 2 millions pour la province, il a ajouté le critère de réduction de la liste d'attente. Nous avons pu demander le financement de ce programme cette année grâce à cette augmentation.

Nous sommes vraiment convaincus de faire un bon travail avec les personnes qui ont de graves troubles mentaux, mais ces enfants qui sont sur notre liste d'attente, dont on attend qu'ils deviennent gravement malades, profiteront de ce dernier développement. Nous espérons qu'avec l'attention des médias et un peu plus d'argent, nous pourrons intégrer ce groupe à notre système pour pouvoir commencer à cibler cette population.

Le président : C'est tout le temps dont nous disposons. Je vous remercie tous d'être venus cet après-midi. Je sais que nous avons pris plus de temps que nous l'avions prévu, mais c'est toujours ce qui arrive. Vous nous avez été très utile.

La séance est levée.


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