Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 15 - Témoignages du 11 mai 2005 - Séance du matin
FREDERICTION, le mercredi 11 mai 2005
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 9 h 5, pour examiner les questions relatives à la santé mentale et à la maladie mentale.
Le sénateur Michael Corbin (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, notre premier témoin aujourd'hui est l'honorable Elvy Robichaud, ministre de la Santé et du Mieux-être du Nouveau-Brunswick. Il est accompagné de M. Ken Ross, sous-ministre adjoint des Services de santé mentale. Ces deux hommes occupent leurs postes respectifs depuis plus longtemps que quiconque dans le domaine. J'ai souvent commenté le roulement chez les députés et les ministres. J'ai déjeuné avec le ministre et j'ai signaléqu'un mois avant de publier notre premier rapport, en octobre 2002, nous avions parcouru le pays et rencontré les premiers ministres et leurs ministres de la Santé pour les informer de notre étude. Or, parmi les ministres de la Santé que nous avons rencontrés à l'époque, le ministre Robichaud est le seul qui occupe encore le même poste. Qui plus est, nous avions soupé avec lui exactement dans la même salle du même restaurant où nous venons de déjeuner.
Comme beaucoup des membres du comité le savent, Ken et son personnel nous ont été d'un grand secours en exprimant leurs commentaires sur certaines choses que nous avions écrites et sur divers autres sujets. Nous sommes ravis de vous recevoir tous les deux ce matin.
Monsieur le ministre, vous pouvez si vous le souhaitez faire votre déclaration, puis nous vous poserons des questions.
L'honorable Elvy Robichaud, ministre de la Santé et duMieux-être, province du Nouveau-Brunswick : Honorables sénateurs, au sujet de cet entretien que j'ai eu avec le sénateur Kirby ce matin au déjeuner, je pense que vos déplacements dans le Canada ont eu entre autres l'effet positif d'amener des gens comme moi-même à faire un examen de conscience et de nous interroger sur ce que nous faisons relativement à la santé mentale dans nos provinces respectives.
Permettez-moi de vous donner une vue d'ensemble des services de santé mentale au Nouveau-Brunswick. Le budget pour ces services est d'environ 61 millions de dollars et le budget total de mon ministère est d'environ 2,3 milliards de dollars. Comme dans toutes les autres provinces, les soins de santé représentent grosso modo 40 p. 100 du budget total du Nouveau-Brunswick.
[Français]
Nous avons 13 Centres de santé mentale communautaires. En 2002, on a introduit un projet de loi intitulé la Loi sur les Régies régionales de la santé. On essaie de passer d'un système traditionnellement axé sur les soins curatifs pour aller vers les soins préventifs ou basé sur un modèle médical vers un modèle plutôt communautaire. Dans les années 1990, des changements ont été apportés pour axer ou centraliser nos efforts vers les communautés.
Nous offrons divers services ; deux hôpitaux offrent des services du niveau tertiaire au niveau psychiatrique. Nos huit hôpitaux ou Régies régionales de la santé ont des services de soins psychiatriques. Au Nouveau-Brunswick, à cause de la population, on a un hôpital régional par région de santé, alors pour les huit régions de santé il y a huit hôpitaux régionaux qui offrent des services psychiatriques. On a une unité psychiatrique provinciale pour enfants, des bureaux provinciaux pour les défenseurs de la maladie psychiatrique, un programme provincial de traitement pour les jeunes et un programme provincial de prévention du suicide.
Une des choses intéressantes que je veux partager avec vous, c'est qu'on vient de terminer la première partie d'une étude sur le suicide au Nouveau-Brunswick avec la collaboration du docteur Séguin de Montréal, un expert connu à travers le Canada. C'était une étude unique, je dirais, à travers l'Amérique du Nord. De 2003 à 2004, on a fait un suivi de tous les cas de suicide qui se sont produits au Nouveau-Brunswick. En fait, sur 109 cas de personnes qui se sont suicidées, 102 familles ont accepté de participer à l'étude. Les résultats, — j'en parle ce matin parce qu'il y a un facteur qui est intéressant pour la santé mentale — plus de 90 p. 100 des personnes qui se sont suicidées avaient des problèmes psychiatriques. L'étude s'est faite en deux parties, la première partie, sur les décès suite à un suicide, et la deuxième partie, sur les cas de tentatives de suicide. L'an prochain, on devrait avoir la deuxième partie de l'étude sur les tentatives de suicide.
Revenons aux cas des personnes qui se sont suicidées,90 p. 100 et plus avaient des problèmes psychiatriques ou d'hygiène mentale. Au-delà de 60 p. 100 avaient des problèmes reliés à la drogue ou à l'alcool, et donc, dans tous les cas, c'était une combinaison de problèmes. Ce qui est ressorti finalement, c'est que même si on avait une approche qu'on dit déjàavant-gardiste en termes de traitement ou de suivi aux cas de suicide, la province pourrait mieux coordonner la santé mentale et la pharmacodépendance.
On a accepté toutes les recommandations de l'étude. On a déjà mis sur pied un comité pour améliorer nos suivis et nos protocoles. On ne peut jamais garantir qu'on puisse prévenir un suicide, mais on pourrait augmenter les services de prévention en coordonnant beaucoup mieux les deux secteurs. C'est une étude unique. Souvent on ne partage pas l'information avec les autres juridictions canadiennes. En tant que ministres on le fait, on a des réunions régulières, mais à la base on devrait partager l'information et être plus spécifique et plus technique au sujet des réussites dans ce domaine.
L'an passé, pour vous donner un exemple de ce qui se passe au Nouveau-Brunswick, 31 000 individus ou 4 p. 100 de la population a reçu des services d'hygiène. De plus, on consacre à peu près 14,6 $ millions pour des programmes de dépendance aux drogues, à l'alcool et au jeu.
Le Nouveau-Brunswick a entreprit une réforme de la santé. On a effectué certaines restructurations qui amèneront certaines économies et qui nous permettront d'offrir des programmes. Je suis ministre depuis 2001 et par exemple, les programmes de méthadone n'existaient pas au Nouveau-Brunswick à cette époque, or chaque fois que les gens me questionnaient à ce sujet je leur disais que je croyais que c'était un très bon programme, mais malheureusement, je n'avais pas l'argent pour le mettre sur pied ici.
Cette année, depuis décembre, on a créé quatre centres de traitement de méthadone au Nouveau-Brunswick. Ces centres vont aider pour les soins de dépendance aux substances et pour les problèmes de santé mentale reliés au suicide. Il y a déjà des listes d'attente pour les services offerts par ces centres, et on prévoit que dans quelques mois le service serait pleinement opérationnel. J'espère que les gens du Nouveau-Brunswick, qui ont besoin du service, pourront être très bien servis dans nos centres de traitement.
En 1990, une commission a été mise en place pour étudier les soins de santé mentale et voir à une réforme du système.Vers 1996, la réforme était complète. Les résultats de cette réforme sont à la base des services qu'on offre actuellement au Nouveau-Brunswick en termes de santé mentale.
[Traduction]
Permettez-moi d'expliquer la raison d'être du cadre stratégique qui a été instauré en 1996 et qui détermine encore la façon dont les services sont dispensés au Nouveau-Brunswick. L'un des objectifs est de promouvoir l'autonomie et de réduire la dépendance envers les systèmes de soins institutionnalisés. C'est le premier principe qu'on a établi à l'époque.
[Français]
Le deuxième principe avait trait au soutien des servicespour les personnes ayant des troubles mentaux et qui se trouvaient dans la collectivité. Ces services devaient être dispensés dans un centre à proximité de la résidence de ces personnes. Au Nouveau-Brunswick à l'époque on avait des centres, par exemple, à Saint-Jean qui avaient peut-être 300 lits, aujourd'hui il y a 50 lits. On a donc pris les ressources institutionnelles et on les a mis dans les ressources communautaires. Dans la région du nord, on avait un centre qui avait entre 300 et 350 lits, et on est revenus à 150 lits. Ce centre a gardé un service où l'on traite des cas criminels, donc il a gardé une fonction particulière pour l'ensemble de la province.
[Traduction]
On devrait avoir recours aux services de santé mentale communautaires avant de recommander l'admission d'une personne dans un établissement hospitalier pour le traitement de son trouble mental.
[Français]
Un réseau équilibré de services de santé mentale en établissement et dans les collectivités est essentiel pour assurer la prestation opportune des services de santé mentale.
[Traduction]
Les contributions des familles des personnes ayant des troubles mentaux ainsi que des organismes communautaires constituent des éléments précieux et cruciaux des soins de santé mentale.
[Français]
Le principe de traitement le plus adéquat et le moins restrictif doit être appliqué dans la prestation des services de santé mentale.
[Traduction]
Cette politique a amené un certain nombre d'améliorations et des changements concrets au système de services de santé mentale du Nouveau-Brunswick. Voilà, essentiellement, les bases qu'on a jetées en 1990.
Je vais passer rapidement sur une partie de mon texte parce que je veux en arriver à votre rapport. Je vais commenter votre troisième rapport qui porte sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie.
Le document intitulé Problèmes et solutions pour le Canada soulève de nombreuses questions, et je n'aborderai pas ici tous les points dont traite ce document. Les commentaires se concentreront sur plusieurs secteurs qui préoccupent lesNéo-Brunswickois, plus particulièrement l'amélioration continue des services de santé mentale et de traitement des dépendances dans la province.
[Français]
Au fil des années, nous nous sommes efforcés d'améliorer sans cesse la qualité des services de santé mentale et de traitements de dépendances, et cette tendance se poursuit. Nos systèmes actuels sont axés sur les personnes et ils visent à améliorer la fonctionnalité tout en facilitant la promotion de l'établissement. Nous croyons que les Néo- Brunswickois ont le droit de mener une vie enrichissante et satisfaisante dans leur collectivité, malgré les limites que leur impose leur état de santé.
[Traduction]
Il faut que les systèmes soient conçus pour répondre aux besoins des personnes vulnérables et non l'inverse. Pour obtenir un système axé sur les personnes, il faut bien comprendre que ces mêmes personnes, même si elles ont des besoins, ont également des forces et des atouts sur lesquels nous pouvons prendre appui. C'est toujours une tâche difficile, peu importe le système. Les gens qui travaillent dans le système arrivent à un moment donné à échafauder tout ce qu'il faut et les services fonctionnent bien. Il n'est jamais facile d'avoir à changer et à s'adapter, même si ce n'est pas à chaque année. Selon ce principe, essentiellement, le système doit s'adapter aux besoins de chacune des personnes qu'on prend en charge. Voilà le système que je souhaite pour le Nouveau-Brunswick. Ce serait du reste sans doute un excellent système à instaurer partout au Canada.
[Français]
Mon ministère appuie le contenu du document Un cadre pour le soutien publié par l'Association canadienne pour la santé mentale. Dans ce modèle, c'est la personne qui est au centre du traitement. Cette personne reçoit l'appui des groupes d'entraide, de la famille et des amis, des organismes communautaires et des systèmes d'aide. De plus, les déterminants de la santé tels que logement, revenu, travail, niveau d'instruction sont des composantes du réseau de soutien qui doivent être offertes aux gens. Ce modèle découle de notre conviction que la santé mentale est la responsabilité de tous et non seulement celle du système de soins formels. Ce sont des recommandations faites suite à l'étude dont je vous parlais plus tôt sur le suicide.
En ce qui a trait à l'aspect communautaire, il faut trouver des moyens de développer ou de renforcer le support communautaire et familial. La santé mentale est un sujet dont on ne parle pas. Dans nos familles et dans notre communauté on connaît tous des personnes qui ont des problèmes de santé mentale. Lorsque j'étais jeune et lorsque la plupart de vous étiez jeunes, pour nous les personnes souffrant de maladie mentale étaient des fous, des dérangés. C'était un sujet embarrassant. Comment peut-on changer cette façon de penser?
[Traduction]
Ce modèle tient compte de la diversité, combine les connaissances expérimentales et scientifiques et encourage l'inclusion sociale ainsi qu'une image positive de soi. Il favorise également une compréhension pratique de la maladie sans stigmatisation.
[Français]
Au fil des années, le Nouveau-Brunswick a reconnu l'importance de mettre l'accent sur les personnes. Maintenant, nous investissons plus d'un million de dollars directement dans les centres communautaires et les activités gérées par les consommateurs. Il y a beaucoup de petites communautés au Nouveau-Brunswick où on a des groupes de support qui offrent des activités de jour. Ce ne sont pas des activités qui coûtent chères, mais elles sont très pratiques. Les gens qui ont des problèmes reliés à l'hygiène mentale peuvent s'y rendre et ils peuvent discuter avec leurs pairs. Ils y reçoivent le soutien nécessaire. Ce sont des programmes qui ne sont pas offerts en institution. Cela se fait dans des centres récréatifs ou autres centres qui se trouvent dans les collectivités.
[Traduction]
Une étude récente sur le suicide — je vais sauter ce passage parce que j'ai déjà abordé ce sujet et qu'il était tout à fait pertinent lorsque nous en avons discuté ce matin.
La stigmatisation et la discrimination nuisent beaucoup aux personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale ou de dépendance. Elles nuisent à l'amélioration thérapeutique et au rétablissement chez les personnes qui vivent avec ces problèmes, et il faut régler ces problèmes afin d'assurer une bonne santé physique et mentale. Dans bien des cas, parce qu'elles sont ostracisées, ces personnes peuvent ne pas pouvoir reprendre le métier et le travail qu'elles exerçaient, ce qui peut nuire à leur capacité de contribuer à la société, de payer des impôts et d'être citoyen à part entière de leur collectivité.
[Français]
Dans notre province, la Loi sur les droits de la personne interdit la discrimination fondée sur l'incapacité mentale. En vertu de la loi, l'incapacité mentale désigne tout état de retard mental ou d'altération des facultés mentales, toute difficulté d'apprentissage ou difficulté de fonctionnement d'un ou plusieurs mécanismes mentaux intervenant dans la compréhension ou l'utilisation de symboles ou de langue parlée ou de tout trouble mental.
[Traduction]
La stigmatisation est plus difficile à éliminer et n'est pas visée par la Loi sur les droits de la personne, contrairement à la discrimination. À cet égard, le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle de premier plan. Les campagnes de lutte contre la stigmatisation et de marketing social sont coûteuses et les frais s'y rattachant dépassent souvent les ressources financières de notre province. Il serait de loin préférable que toutes les provinces et les territoires participent et lancent des campagnes essentiellement semblables. En règle générale, on peut adapter ces campagnes à chaque province et territoire du Canada. De plus, c'est un domaine dans lequel le gouvernement fédéral a fait preuve de compétence et de leadership — en ce qui a trait au tabac, par exemple — et dans lequel les initiatives fédérales seraient profitables à toutes les provinces et à tous les territoires.
[Français]
La participation du gouvernement fédéral pourrait être profitable dans la prévention du suicide en sensibilisant la population à ce problème. Nous avons récemment publié une étude sur le suicide au Nouveau-Brunswick et il est évident qu'il s'agit d'un problème complexe qui ne relève pas seulement du système de santé et de santé mentale mais de toute la population.
Les occasions de fournir des renseignements publics, de partager des connaissances et des pratiques exemplaires ainsi que d'échanger des initiatives couronnées de succès profiteront à toutes les régions et aux gens auxquels ces derniers fournissent les services.
[Traduction]
Dans la section du rapport du comité qui porte sur desgroupes de population particuliers, nous reconnaissons qu'au Nouveau-Brunswick, ainsi que dans toutes les autres régions canadiennes, il y a des problèmes à régler en ce qui concerne le traitement des besoins des Autochtones. À cet égard, il est essentiel que les rôles et responsabilités du gouvernement soient définis de façon adéquate afin que nous puissions présenter une approche mieux coordonnée des prestations de services aux Autochtones. Ainsi, même si seulement 2 p. 100 de la population du Nouveau-Brunswick est autochtone, nous ne faisons pas exception à la règle par rapport aux autres régions du Canada. L'état de santé de notre population autochtone n'est guère meilleur que dans les autres régions du Canada et, même si cette question ne relève pas de ma compétence, j'aurais l'audace de vous dire qu'à mon avis, le gouvernement fédéral ne remplit pas très bien son rôle dans ces domaines, en ce qui concerne la prestation des services. Il a prouvé qu'il n'est pas très compétent ou capable d'offrir les services. Quoi qu'il en soit, il s'agit à mon avis de domaines de compétences provinciales, et jusqu'à maintenant nous avons démontré notre capacité de fournir de meilleurs services. Néanmoins, en joignant nos efforts à ceux du gouvernement fédéral, nous trouverons peut-être des moyens de mieux desservir la population autochtone.
[Français]
J'aimerais traiter brièvement de l'importance de reconnaître et de respecter les stratégies provinciales en matière de soins de santé. Le traitement des problèmes de santé mental et de dépendance fait partie intégrante du système de soins destinés aux citoyens du Nouveau-Brunswick. Nous devons prendre garde de ne pas compartimenter les divers services de santé afin d'éviter le chevauchement d'un certain nombre de politiques et de stratégies en matière de santé. Nous devons veiller à ce que les soins soient intégrés et coordonnés en plus d'être suivis et évalués, et en outre, il incombe au gouvernement provincial de faire en sorte que les services respectent les normes provinciales.
[Traduction]
Dans ce contexte, je souligne que bon nombre des problèmes et difficultés soulevés dans le document du comité sénatorial sont partagés par l'ensemble des provinces et territoires à l'heure actuelle; la priorité accordée témoigne de l'avancement de chaque province et territoire en ce qui a trait à la satisfaction des besoins. Il est possible que le comité sénatorial désire aborder la Conférence fédérale-provinciale-territoriale des ministres de la Santé pour discuter des questions soulevées dans votre document de travail afin de mieux comprendre où se situent les occasions stratégiques dans les provinces et territoires dans le but d'aller de l'avant en ce qui concerne le traitement des problèmes de santé mentale et des dépendances.
Comme je l'ai dit au sénateur Kirby, si je peux contribuer à l'atteinte de cet objectif, je le ferai. Votre comité aura l'occasion de rencontrer les autres ministres provinciaux et vous pourriez nous dire qui serait ouvert à cette possibilité.
[Français]
Et dans le même ordre d'idée, il peut être utile d'intégrer le réseau de consultation sur la santé mentale qui comprend des représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux dans une structure existante qui relève de la Conférence des sous-ministres de la santé, et donc, des ministres de la santé. Cela permettrait de présenter et de discuter des questions liées au traitement des problèmes de santé mentale, des dépendances par l'entremise d'un processus fédéral, provincial, territorial normal.
[Traduction]
Une dernière observation à propos du rendement et de l'obligation de rendre compte. Au Nouveau-Brunswick, nous avons 17 indicateurs de rendement axés sur les éléments de résultats clés de la promotion de l'autonomie, de la réduction de la dépendance envers le système de soins institutionnalisés et des interventions pertinentes en temps utile dans les milieux les moins restrictifs. Ces indicateurs analysent l'aptitude des personnes souffrant de maladies mentales graves d'habiter dans la collectivité, leur qualité de vie ainsi que leur employabilité et leur état clinique.
[Français]
Même si nous considérons ces éléments comme des mesures importantes pour le Nouveau-Brunswick, d'autres régions peuvent avoir des besoins différents. Il serait essentiel de reconnaître que même si les provinces et les territoires fournissent les fonds et les services visant à traiter des problèmes de santé mentale et de dépendance, il leur incombe d'établir leurs propres normes d'imputabilité et de rendement, c'est pourquoi toute stratégie nationale se doit d'être flexible et de respecter les différentes juridictions.
[Traduction]
Je crois fermement en la responsabilité en matière de services de soins de santé et les dépenses connexes, et j'estime que nous devons rendre des comptes aux citoyens du Nouveau-Brunswick, et non aux autres gouvernements pour ce qui est des services que nous offrons dans ce secteur, et particulièrement dans le domaine de la santé.
[Français]
En terminant, à nouveau, je veux féliciter le Comité sénatorial des affaires sociales. Comme je l'ai dit au tout début de ma présentation, je pense que le fait que vous faites votre tournée nationale va inciter des gens comme moi et d'autres à faire un examen de conscience, regarder ce qu'on fait, ce qu'on fait bien, s'assurer que nos fonctionnaires puissent s'asseoir avec nous pour discuter et regarder essentiellement où on en est rendus.
On vient d'adopter une réforme ou une restructuration au Nouveau-Brunswick et la structure de santé mentale en fait partie actuellement. On est en train de l'intégrer au réseau de Régies régionales de la santé. Ce n'est pas complété. On est en négociation avec les syndicats. C'est la partie sensible actuellement. Dès que ce processus sera terminé, l'intégration sera complète. On a déjà identifié la structure régionale et on est déjà prêt à faire les transferts.
Madame Trenholme Counsell connaît très bien leNouveau-Brunswick. Dans les années 1990, elle faisait partie du gouvernement.
[Traduction]
Si vous avez des questions sur ce que nous avons fait dans le domaine de la santé mentale, vous avez avec vous une personne qui pourrait très bien vous renseigner à ce sujet, le sénateur Trenholme Counsell, en qui j'ai beaucoup confiance. Elle est toujours très souriante mais, quand je l'ai aperçue ce matin, je l'ai trouvée tellement sérieuse que je me suis demandé s'il lui était arrivé quelque chose.
Le président : Merci de cette déclaration, monsieur le ministre. Permettez-moi de dire, comme les gens à Ottawa, qu'il est de loin préférable de gagner par une voie que de perdre par trois. Il y a bien des façons d'envisager la situation. En fait, j'ai dit au ministre ce matin qu'à mon arrivée au gouvernement, j'ai eu comme première tâche de gérer le bureau d'un premier ministre qui dirigeait un gouvernement minoritaire où il nous manquait qu'un député. Je comprends donc très bien ce que vivent les gens qui se trouvent en situation précaire.
J'aurais une question à vous poser, monsieur le ministre, mais je devrais peut-être l'adresser à M. Ken Ross. Pourriez-vous nous faire parvenir vos 17 indicateurs de rendement, même si ce n'est pas tout de suite. Soit dit en passant, je conviens avec vous que le système doit être différent dans chaque province, parce que les problèmes de chaque province sont différents. Toutefois, on pourrait peut-être définir une série d'indicateurs de rendement nationaux qui seraient utiles.
M. Robichaud : Oui, nous nous sommes déjà penchés sur cette question et nous essayons, tout comme les autres provinces et territoires du Canada, de mettre au point des indicateurs communs que nous pourrons communiquer à la population canadienne chaque année.
Le président : Ces indicateurs n'ont cependant pas trait à la santé mentale. Jusqu'à maintenant, on a exclu la santé mentale; nous aimerions savoir s'il serait possible de définir une série d'indicateurs communs dans le domaine de la santé mentale.
[Français]
Le sénateur Trenholme Counsell : Monsieur le président,M. Robichaud et moi étions voisins de bureaux pendant dix ans.
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre présentation très sincère, très valable ce matin.
[Traduction]
Quand vous ne souriez pas, j'imagine que vous avez des ennuis, et aujourd'hui vous ne souriez pas.
[Français]
Je suis très intéressée à vos nouveaux Centres de santé communautaires comme modèles pour l'avenir. Est-ce que vous avez dans ces centres un plan pour les services de soins de santé mentale? Est-ce que les services de santé mentale sont incorporés dans ces nouveaux centres? Et combien de centres avons-nous au Nouveau-Brunswick en ce moment?
M. Robichaud : Actuellement on est en développement,mais je dirais qu'on a huit centres au total. Au Nouveau- Brunswick, on avait à peu près 32 hôpitaux pour une population de 750 000 habitants, donc une population plus petite que la ville d'Ottawa. Je dirais qu'à la fin de la restructuration, on aura probablement 17 ou 18 hôpitaux comme tels pour les soins aigus, puis on aura environ huit Centres de santé communautaires. On a adopté des approches de pratique communautaire, différents modèles de pratique, si on peut dire, médicale. Nos Centres de santé communautaires vont jouer un rôle extrêmement important. On a parlé, par exemple, d'une réduction de lits, mais essentiellement, ce qu'on a fait, c'était d'enlever l'hôtellerie dans les petits hôpitaux, tout en maintenant les services de santé, les services externes et les services médicaux. Dans ces centres, par exemple, 80 p. 100 et plus des cas d'urgence qu'on voyait étaient des urgences qui pouvaient être traités par des Centres de santé communautaires. C'était de catégorie quatre et cinq sur une échelle de un à cinq. Les Centres de santé communautaires vont prodiguer à une population spécifique des soins traditionnels, des soins diagnostic, des soins de traitement, des cliniques par exemple, pour les patients qui ont des problèmes mineurs. En plus, nos Centres de santé communautaires ont un rôle de promotion et d'éducation à la santé en général qui inclut la santé mentale.
Un responsable de nos Centres de santé communautaires m'accompagne ce matin. J'ai l'impression que cela va prendre un certain temps avant que les gens puissent capter vraiment la mission de nos Centres de santé communautaires. Déjà dans le centre urbain de Saint-Jean, dans le sud-est de la province, l'Hôpital Saint-Joseph est devenu un Centre de santé communautaire. À Lamèque, une région très rurale dans le nord-est du Nouveau- Brunswick, un petit hôpital a été transformé en un Centre de santé communautaire. À Doaktown, au centre du Nouveau-Brunswick entre la Miramichi et Fredericton, probablement la région la plus éloignée d'aucun centre d'urgence, avait une clinique médicale qui est devenu un Centre de santé communautaire. Dans cette région en particulier on a ajouté des services qui n'existaient pas. Dans différentes parties du Nouveau-Brunswick, nos Centres de santé communautaires vont jouer des rôles différents, mais définitivement aussi un rôle relié à la santé mentale.
[Traduction]
Ken, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Ken Ross, sous-ministre adjoint, Services de santé mentale, ministère de la Santé et du Mieux-être du Nouveau- Brunswick : C'est un excellent résumé, monsieur le ministre. J'insisteraispeut-être sur le fait que, comme le ministre l'a mentionné, les indicateurs de rendement sont tous différents parce qu'ils reflètent les besoins de chaque collectivité et nous avons essayé de mettre au point un modèle fondé sur la participation communautaire. C'est le centre de santé communautaire. Il y a donc un processus d'évaluation des besoins communautaires dans lequel nous secondons les régies régionales de santé; ainsi, certains centres mettront plus d'accent sur le traitement des toxicomanies et la promotion de la santé mentale, tandis que d'autres s'occuperont des problèmes les plus pressants de la localité qu'ils desservent. Cela dépend vraiment des besoins de chaque collectivité.
Nous constatons encore une fois qu'il est possible de gérer beaucoup de problèmes relatifs à la santé et à la santé mentale dans le milieu communautaire, particulièrement en ce qui concerne la prise en charge des maladies chroniques. Nous mettons tout en œuvre pour permettre aux centres de santé communautaires d'assumer un rôle primordial à cet égard, pour qu'il ne soit plus nécessaire de placer les patients dans des établissements de soins pour traiter ces maladies chroniques. Nous pouvons inclure les maladies mentales dans cet ensemble de maladies chroniques.
Le sénateur Trenholme-Counsell : J'aimerais pour un instant ne pas parler à titre de sénateur ni de titulaire d'autres fonctions que j'exerce depuis un certain temps. J'aimerais exprimer le point de vue d'un médecin de famille, métier que j'ai exercé ici au Nouveau-Brunswick pendant 19 années merveilleuses et dont je m'ennuie.
Mon plus grand problème avec le système de santé mentale se posait lorsque j'avais un patient qui, à mon avis, était très malade et représentait un danger pour lui-même et pour les membres de sa famille, ou encore pour des personnes de la collectivité. J'avais beaucoup de mal à obtenir qu'un spécialiste se rende à l'hôpital régional — dans mon cas c'était celui de Moncton — pour examiner ce patient. Je sais que le gouvernement duNouveau-Brunswick a augmenté la rémunération des médecins, ce qui est une excellente chose, et amélioré les services des médecins de famille dans les cliniques externes. J'ai récemment parlé à l'un de mes anciens collègues qui m'a semblé très satisfait du soutien qu'il recevait en contrepartie de la prestation de services d'urgence 24 heures par jour.
Très franchement, monsieur le ministre, qu'entendez-vous dire au sujet des services? Je sais que tout dépend de la disponibilité des psychiatres, lorsqu'on a une personne gravement malade qui est en crise, parce qu'elle souffre de schizophrénie, du trouble bipolaire ou d'une dépression grave ou parce qu'elle menace de se suicider. Qu'est-ce que les gens vous disent? Que vous disent les professionnels qui travaillent dans les hôpitaux et les médecins au sujet de la disponibilité des services? Si vous dirigé un patient vers à psychiatre, pourra-t-il en voir un dans un délai raisonnable? La situation s'est-elle améliorée depuis longtemps?
M. Robichaud : Depuis 1999, nous avons réussi à recruter177 médecins de plus au Nouveau-Brunswick. Des omnipraticiens et des spécialistes. En 2000, quand mon prédécesseur, Dennis Furlong, qui était également médecin, était ministre de la Santé, nous avons offert des mesures très généreuses pour recruter et garder les médecins. Il y a deux semaines, j'ai discuté avec leDr Séguin d'un rapport sur le suicide; elle m'a dit qu'en gros, par rapport à d'autres provinces qu'elle connaissait bien parce qu'elle avait étudié leurs systèmes, le Nouveau-Brunswick avait un bon système. L'accessibilité est comparable, voire meilleure, que dans d'autres provinces canadiennes. D'après son analyse, c'était surtout sur le plan de la prévention, c'est-à-dire de l'approche communautaire et du soutien, qu'il fallait apporter des améliorations. Disons que nous n'avons pas parlé des domaines où il y a une pénurie de médecins spécialistes. Comme toutes les autres régions du Canada, nous aimerions bien avoir plus d'effectifs et je sais que l'on a recruté des psychiatres dans la région de Moncton pour offrir des services spécialisés aux enfants. Il y avait des listes d'attente, mais si vous éprouvez un problème psychiatrique urgent, que ce soit au Nouveau-Brunswick ou ailleurs, le délai d'attente normal est de 24 heures. Si un patient a besoin de voir un psychiatre, il le verra. S'il s'agit d'une consultation non urgente, mais M. Ross pourra peut-être vous donner plus d'explications...
M. Ross : Je n'ai rien à ajouter à cette excellente réponse.
Le sénateur Trenholme Counsell : Y a-t-il des psychiatres dans chacune des huit régies régionales de la santé?
M. Robichaud : Oui.
[Français]
On a des cliniques d'hygiène mentale dans chaque région, en plus, des comités de support dont comme je parlais un peu plus tôt.
[Traduction]
Le sénateur Trenholme Counsell : Ce matin, au petit-déjeuner, j'ai discuté avec un psychiatre qui m'a dit qu'il utilisait fréquemment la télémédecine.
M. Robichaud : Tout à fait.
Le sénateur Trenholme Counsell : Est-ce le cas des autres psychiatres de la province?
[Français]
M. Robichaud : Je vous ai parlé tantôt de Lamèque qui a un Centre de santé communautaire. Lamèque est une région essentiellement francophone au nord-est du Nouveau-Brunswick dans la Péninsule acadienne à trois heures et demie, quatre heures de route de Moncton. À Lamèque on a installé un système de Télé Médecine qui comprend un service psychiatrique. À ce Centre de santé communautaire on peut recevoir le patient sur place, au lieu de le faire voyager sept ou huit heures aller-retour dans une journée. À partir de caméras interactives, le spécialiste à Moncton peut sur place, à l'aide de sondes installées au centre, connaître la pression artérielle du patient, ainsi de suite. Le médecin peut discuter avec le patient et l'infirmière. C'est interactif et c'est la beauté de ce système qui est accessible dans différents secteurs.
Le même service est offert pour les traitements du cancer. Certains centres sont reliés aux autres centres régionaux, et les médecins peuvent avoir un accès direct, surtout dans une province aussi rurale que le Nouveau-Brunswick, c'est extrêmement intéressant. Ce sont de nouveaux services innovateurs. Je pense que cela ne réglera pas tous les problèmes, mais je suis convaincu que madame le sénateur Trenholme peut en témoigner, il n'y a rien comme le contact direct, personne à personne. Mais dans certains secteurs, par exemple, pour le traitement du cancer ou le suivi psychiatrique le patient auparavant devait se rendre au Centre de cardiologie à Saint-Jean, un trajet de cinq heures pour certains. Vous allez pour une chirurgie. Vous avez un suivi la semaine suivante. Maintenant, c'est fait par Télé Médecine. Le patient reste à Campbellton. Il se rend au Centre Hospitalier ou au Centre de santé communautaire et à partir de moyens interactifs, le médecin fait le suivi. Comment cela se fait-il? Le patient est branché, et le médecin peut voir la pression artérielle du patient. Celui-ci n'a pas à se rendre à Saint-Jean. Ce sont donc des développements extrêmement intéressants pour une province comme la nôtre. Ces nouvelles technologies méritent d'être étudiées dans d'autres régions du Canada.
[Traduction]
Le sénateur Cook : Le sénateur Brenda Robertson a siégé à ce comité jusqu'à ce qu'elle prenne sa retraite. Elle nous abeaucoup parlé de l'hôpital virtuel que vous avez ici, au Nouveau-Brunswick, et je dois dire que personnellement elle m'en a beaucoup appris.
Parlons maintenant des 13 centres de santé mentale communautaires. Font-ils partie de l'hôpital virtuel? Ce qui m'intéresse, c'est la structure plutôt que la prestation de services. De plus, je suppose que vous avez des centres de santé communautaires. Y a-t-il une intégration quelconque, ou bien l'hôpital virtuel constitue-t-il un service distinct offert en plus de 13 centres de santé mentale communautaires.
M. Robichaud : Actuellement, notre objectif, c'est l'intégration des centres de santé communautaires. En effet, ils relèvent des régies régionales de la santé. Pour ce qui est de la santé mentale, nous y arrivons. Comme je l'ai déjà dit, nous en sommes à la dernière étape. Ainsi, nous négocions avec les syndicats, la structure a été établie et la loi adoptée. Les changements nécessaires ont été apportés et nous sommes fin prêts. J'espère que ce sera cet été que les régies régionales de la santé assumeront la responsabilité de la santé mentale et publique. En gros, voilà où nous en sommes.
Ce dont vous a parlé Mme Brenda Robertson, c'est le concept de l'hôpital extra-muros qui permet d'admettre les patients chez eux. Je pense que la Dre Trenholme Counsell a sans doute admis des patients de cette façon-là. Concrètement, ça veut dire qu'une personne au Nouveau-Brunswick peut être atteinte de pneumonie double sans nécessiter d'hospitalisation. Ainsi, les coûts sont réduits de beaucoup. Par exemple, le coût moyen d'un lit d'hôpital au Nouveau-Brunswick est d'environ 750 $ par jour, coût qui risque d'augmenter. À l'Hôpital général de Moncton, il est de plus de 1 000 $ par jour. Le service extra-muros, quant à lui, coûtera aux Néo-Brunswickois environ 130 $ par jour. Le système permet donc de traiter un patient atteint de pneumonie double à la maison. Il y a une infirmière ou un infirmier qui passe voir le patient une fois par jour, voire deux fois si nécessaire. Il est également possible d'assurer des services divers comme la physiothérapie. À la fin du traitement, on donne au patient son congé comme à n'importe quel autre patient hospitalisé. Ça permet d'affecter les ressources là où on en a vraiment besoin.
On a récemment augmenté l'effectif infirmier pour qu'il puisse s'occuper précisément des patients ayant des troubles mentaux. Au départ, le service était plus ou moins réservé aux soins aigus. Il n'était pas disponible dans le domaine des soins palliatifs de la santé mentale ou des soins psychiatriques. Mais maintenant nous ajoutons les services psychiatriques et palliatifs. C'est très intéressant. Il est maintenant possible de traiter le patient chez lui en lui fournissant les services dont il a besoin, comme dans le cas d'un patient hospitalisé.
Le sénateur Cook : Avez-vous dans votre région suffisamment de professionnels de la santé, médecins, personnel infirmier, infirmières/infirmiers praticiens et auxiliaires, c'est-à-dire toute la panoplie, y compris les spécialistes des soins communautaires? Avez-vous un bassin de professionnels suffisant ou y a-t-il pénurie, comme dans le reste du pays?
M. Robichaud : En fait, pour ce qui est des infirmières/infirmiers auxiliaires et autorisées, la situation est meilleure que dans le cas du personnel infirmier général. Il y a une étude sur les ressources humaines au Nouveau-Brunswick qui a été effectuée par Fujitsu Consulting et notre situation est comparable à celle des autres. Il est impératif que nous fassions quelque chose si nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation difficile, par exemple dans le cas du personnel infirmier. Il y a d'ailleurs un représentant de l'Association des infirmières et infirmiers quinous a dit il y a deux ans qu'il risquait d'y avoir une pénurie de 1 000 professionnels dans ce secteur. Nous avons élaboré diverses stratégies, notamment de recrutement, pour changer la situation, et maintenant on parle plutôt d'une pénuriede 300 professionnels. Nous essayons de ramener ce chiffre à zéro, comme les autres provinces.
Mais ce n'est pas la seule chose que nous ayons faite. Par exemple, il n'y a pas si longtemps dans certains hôpitaux, comme l'Hôpital Dr Everett Chalmers, il n'y avait pas de personnel infirmier auxiliaire autorisé. Nous avons maintenant atteint un niveau de 20 p. 100. Nous tentons d'encourager les régies régionales de la santé à confier certaines tâches à d'autres professionnels afin de soulager un groupe de professionnels comme les infirmières et infirmiers, par exemple, en suivant la même logique que ce qui a guidé l'introduction desinfirmières/infirmiers praticiens l'an dernier. Dans les petits centres de santé communautaires, l'augmentation des ressources professionnelles nous permettra de rallonger les heures de consultation pour les patients qui auraient normalement consulté un médecin. On peut en fait parler d'effet domino : certaines tâches peuvent être effectuées par le personnel infirmier, mais d'autres peuvent l'être par des professionnels moins hautement qualifiés. En faisant appel à ces derniers, nous optimalisons nos maigres ressources partout au Canada.
Le sénateur Cook : Les infirmières/infirmiers auxiliaires autorisés sont formés dans vos collèges communautaires?
M. Robichaud : Oui.
Le sénateur Cook : Je me suis permise de poser cette question, monsieur le président, parce qu'au cours des trois ou quatre derniers jours j'ai pu lire dans les journaux qu'on allait diminuer le nombre de candidats admis aux écoles de sciences infirmières à l'échelle du pays; que les provinces n'assurent pas la formation d'un nombre suffisant d'infirmières et infirmiers.
M. Robichaud : Au Nouveau-Brunswick, nous avons annoncé dans le budget de cette année que nous allions accroître le nombre de places dans les écoles de sciences infirmières de 95. Par contre, nous savons que nos universités auront du mal à absorberces 95 places. Et ce n'est pas tout : c'est facile de dire qu'il y aura 95 places en plus, mais concrètement ça veut dire qu'il faudra trouver les professeurs, les personnes qui encadreront les jeunes infirmières et infirmiers à l'hôpital, et cetera, et cetera. L'intention est claire et l'argent a été débloqué dans le budget, mais d'assurer 95 places supplémentaires, c'est une autre paire de manches. Nous n'y sommes pas encore, mais c'est effectivement notre objectif.
[Français]
Le sénateur Pépin : On a répondue à une de mes questions au sujet des infirmières additionnelles, mais par contre, je suis très contente d'apprendre que dans votre province, il y a eu peu de compressions budgétaires. On annonçait hier que dans plusieurs provinces, on avait coupé des budgets en disant qu'on avait besoin d'infirmières, mais on coupait tous les budgets de ce côté là.
M. Robichaud : On est chanceux dans ce sens là, oui.
Le sénateur Pépin : Vous êtes très chanceux, en effet. Votre province est assez avant-gardiste. Vous avez des centres curatifs dans les centres communautaires, vous ouvrez la marche à ce niveau. Avez-vous un processus d'éducation? On dit que les personnes souffrant de maladies mentales sont stigmatisées. Et peut-être que si l'on avait un programme pour l'éducation du public à ce sujet, ceux qui souffrent de maladie mentale seraient davantage acceptés. Pensez-vous que le fait que vous référez de plus en plus de patients dans des centres communautaires où les patients vont être acceptés et être vus, que cela fait partie d'un principe d'éducation de la communauté?
M. Robichaud : Je dois revenir sur votre question au sujet du budget. Brièvement, ce qu'on a fait au Nouveau- Brunswick, c'est qu'on a un plan qui va coûter à peu près 125 millions de dollars sur quatre ans. On a été chercher des économies de l'ordrede 46 millions de dollars, somme qu'on réinvestit. Il n'y a pas d'argent qui va au coffre général de la province, donc on réinvestit 46 millions de dollars pour être certain qu'on offre des services qui n'existaient pas. On n'avait pas de stratégie sur le traitement du cancer, on n'avait de laboratoires de cathétérisme, on devait référer des patients au Québec, en Nouvelle-Écosse ou au Maine. On a ajouté un troisième laboratoire de cathétérisme et on a ajouté une autre clinique de méthadone. On rend le système plus efficace et on réinvestit dans les soins de santé. Cela nous permet de faire des choses avec les argents que l'on avait de disponibles. Toutefois, je crois quand même qu'on pourrait faire plus à l'échelle nationale en termes d'éducation et de promotion d'une saine hygiène mentale. J'ai tendance à dire, et ce n'est paspeut-être une chose à dire, qu'il faut peut-être être fou 15 minutes par jour si on veut avoir un système équilibré. C'est beau d'être sérieux, mais à un moment donné, il faut être en santé mentale, il faut faire des choses, il faut avoir une vie équilibrée. Il y a beaucoup de choses à faire qu'on pourrait conseiller à la plupart des Canadiens.
Comme vous le savez, je suis en faveur de la promotion et de l'éducation de la santé. Dans notre système de réforme, l'an passé, on investissait seulement 500 000 $ au niveau de la prévention et de l'éducation à la santé au Nouveau- Brunswick. Cette année, on va avoir 2 millions de dollars.
Le sénateur Pépin : Pour la prévention en santé mentale aussi?
M. Robichaud : Pour la santé en général.
Le sénateur Pépin : Oui. Il faudrait faire un petit volet pour la santé mentale.
M. Robichaud : Oui, mais la santé mentale fait partie de la santé générale d'un individu.
Le sénateur Pépin : Oui, mais il faudrait que vous le spécifiez.
M. Robichaud : Oui, mais je n'aime pas compartimenter une ou l'autre des maladies. Par exemple, le Nouveau- Brunswick, en ce qui a trait à l'obésité chez les jeunes, est une des provinces les plus marquées au Canada. L'obésité dans les cas de cancer, est un facteur important ainsi que pour les maladies du cœur. J'ai l'impression que c'est aussi un facteur pour la santé mentale. Lorsqu'on aura une campagne de promotion pour développer des stratégies communautaires pour la santé des citoyens, non seulement celle-ci affectera notre système hospitalier en général, mais la condition de vie des gens du Nouveau-Brunswick.
Un système de soins curatifs, c'est beau, mais ce n'est pas cela la santé. Les personnes en bonne santé sont des gens quise sentent en forme et qui sont beaucoup plus productifs et plus imaginatifs. Ce sont beaucoup d'éléments qui n'ont pasrapport avec un système traditionnel qui coûte des gros sous. On aime nos médecins et on veut les garder. Mais si on pouvait améliorer la condition de vie des Canadiens ou des gens du Nouveau-Brunswick par exemple, on pourrait réduire nos coûts de santé de beaucoup. Si on prend l'exemple du diabète, on ne pourrait pas éliminer le type 2, mais on pourrait le réduire d'au moins 50 p. 100 si les gens changeaient leur style de vie. Si on est en meilleure forme physique et qu'on mange mieux et se repose plus, je pense la santé mentale devrait aussi être affectée.
Le sénateur Pépin : Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous venez de dire. Mais si les professeurs dans les écoles expliquaient ce qu'est la maladie mentale aux enfants en bas âge, peut-être que la stigmatisation des personnes souffrant de maladie mentale disparaîtrait. Si vous faites ce genre d'approche et d'éducation, il faudrait avoir un volet spécifique. Il faudrait trouver ce volet, et je suis sûre que les Acadiens sont assez imaginatifs pour trouver quelque chose pour la santé mentale.
M. Robichaud : J'aimerais vous entretenir d'un sujet qui apeut-être moins rapport avec mon ministère mais plutôt avec le ministère de l'Éducation. Au Nouveau-Brunswick, on a un système d'intégration dans le système scolaire des personnes ayant un handicap physique et mental. Ce système est assezavant-gardiste au Canada et en Amérique du Nord. Tous les enfants entrent par la même porte ; on voit dans les salles de classe des enfants ayant des handicaps multiples qui sont intégrés avec les autres élèves, et ce, toujours dans la mesure du possible. On a beaucoup insisté pour ce programme. Chez nous tous les enfants fréquentent l'école publique indépendamment de l'handicap, de la condition physique ou mentale de l'individu. Les attitudes ont changées car traditionnellement ces enfants fréquentaient des écoles séparées. Je pense que notre modèle est extrêmement intéressant dans ce sens. Les jeunes sont donc habitués à côtoyer des jeunes qui ont des difficultés physiques ou mentales. Le sénateur Kirby me disait ce matin qu'il fallait souvent changer les attitudes chez les enfants, peut-être qu'après un certain âge, c'est plus difficile de changer nos préjugés.
Le sénateur Pépin : C'est vrai.
M. Robichaud : D'ailleurs, notre stratégie sur le mieux-être, à cause des ressources limitées, sera axée sur la jeunesse. Les gens en marketing nous disent qu'il faut se concentrer beaucoup plus sur notre stratégie et c'est pourquoi qu'au Nouveau-Brunswick, avec les sommes disponibles pour la promotion et la prévention, on se concentrera sur la jeunesse. On a mis sur pied un comité interministériel comprenant les ministères de l'Éducation et de la Sécurité publique afin de s'assurer qu'on ira au-delà du ministère de la Santé pour s'assurer que notre stratégie soit des plus efficaces.
Le sénateur Pépin : Vous avez dit que 40 p. 100 de votre budget était consacré au domaine de la santé. Si notre comité faisait la recommandation d'allouer un petit pourcentage spécifiquement pour la santé mentale, pensez-vous que l'on irait trop loin? Si on recommandait au gouvernement fédéral de vous donner ces fonds qui devront être alloués à la santé mentale, pensez-vous que cela serait bien accepté?
M. Robichaud : Je pense qu'on devrait mettre de l'argent où les besoins existent et je n'aime pas l'idée de protéger un budget. On vous l'a expliqué tantôt, on veut que les Centres de santé communautaires reflètent les besoins de la communauté et on veut leur donner la flexibilité nécessaire afin d'avoir plus d'un modèle pour le Nouveau-Brunswick. Cette flexibilité est nécessaire dans le nord-est de la province, par exemple, où se trouve une communauté qui est surtout composée de pêcheurs qui ont des problèmes spécifiques reliés à la pêche, de sorte que si on a besoin d'ergothérapeutes additionnelles pour des problèmes d'arthrite ou autres, qu'on puisse le faire. Dans la région industrielle deSaint-Jean, les problèmes respiratoires sont plus fréquents donc si on a plus de flexibilité, un spécialiste dans ce domaine pourrait visiter les compagnies. Et dans une région où le taux de suicide est plus élevé, le Centre de santé communautaire doit pouvoir avoir des ressources additionnelles spécifiquement pour ce secteur.
Notre objectif au niveau de la décentralisation de nos Régies régionales de santé, c'est d'avoir la flexibilité nécessaire pour rencontrer les besoins d'une région. On doit avoir des normes et des standards provinciaux et l'application de ceux-ci doit être locale. Un problème survient lorsqu'on a un système que l'on applique à tout le monde, et ce, de la même manière.
J'ai déjà travaillé dans le système scolaire où dans deux écoles différentes, où l'on divisait les ressources per capita. Cela n'aurait pas du se faire. Les ressources auraient dû être allouées à partir du besoin. J'avais une école où le milieu était socialement, je dirais, bas, et dans ce sens, on donnait les mêmes ressources à une école où la collectivité avait un standing social beaucoup plus élevé, où l'on avait beaucoup moins de problèmes, par exemple, de jeunes filles enceintes, de problèmes psychosocial et autres. Techniquement, on aurait dû mettre plus de ressources dans l'école qui en avait le plus besoin. Donc, dans le système de santé, je pense que c'est la même chose. C'est un principe Canadien qque de mettre les ressources en fonction des objectifs que l'on vise. Par exemple, si on met les mêmes ressources per capital pour notre population autochtone, on va manquer le bateau. Le fossé va s'élargir.
À cause de l'intensité des besoins d'une population parfois il faut mettre plus de ressources. Le problème de l'Atlantique c'est qu'on manque souvent de ressources. Peut-être que je déborde un peu du cadre de mon mandat, mais comme ministre de la Santé, je dois tout de même m'exprimer sur un point. Lorsqu'on parlait de la vente de médicaments sur ordonnance dans l'Atlantique, on a beaucoup moins à offrir que dans le centre du Canada ou dans l'Ouest Canadien. On est plus limité par nos besoins financiers et cela nous demande donc d'être beaucoup plus créatifs en termes d'approche. En ce sens, je pense que cela été bénéfique pour la santé mentale, parce qu'on a dû repenser beaucoup plus tôt notre manière d'offrir les services et être beaucoup plus créatif. Je dirais que c'est de cette façon qu'on a dû, par exemple, restructurer le système des soins de santé mentale pour sortir les patients des institutions. Cela coûtait extrêmement cher. Notre réforme actuelle nous permet de faire des économies en fermant des lits, qu'il serait plaisant de garder, mais je considère qu'on a des priorités plus urgentes. On voulait rencontrer nos objectifs sans affecter la qualité des soins, donc certaines ressources ont été déplacées stratégiquement où elles seraient plus efficaces. Si on pouvait sortir plus de ressources du système hospitalier et les mettre dans les soins préventifs, dans les soins de la santé mentale ou ailleurs, ce serait sûrement bien de le faire.
Le sénateur Pépin : En santé mentale, tout va être très bien, parce ces personnes restent dans leur environnement.
[Traduction]
Le président : Il y a encore deux de mes collègues qui désirent vous poser des questions, mais je constate qu'il est 10 heures passées.
M. Robichaud : Le premier ministre provincial ne sera pas content de me voir arriver en retard à la période des questions.
Le président : C'est vrai que je vous ai promis qu'on vous libérerait à temps. Merci beaucoup de votre témoignage.
M. Robichaud : Merci beaucoup de m'avoir invité. Je voudrais à nouveau vous féliciter de votre initiative. Indirectement, elle aura un impact sur l'ensemble des Canadiens, peu importent les conclusions, parce qu'elle nous permet d'examiner les questions de la santé mentale au Canada collectivement. Je vous félicite donc de cette initiative. Merci également de m'avoir invité à discuter avec vous.
Le président : Merci de vos encouragements, monsieur le ministre. Nous n'allons pas lâcher prise.
Chers sénateurs, nous allons maintenant passer au dernier groupe de témoins ce matin. Bienvenue, mesdames et messieurs. Nous allons procéder comme d'habitude, c'est-à-dire que je demanderai à chacun d'entre vous de prononcer ses remarques liminaires, à tour de rôle, et ensuite nous vous poserons des questions, collectivement. C'est la façon la plus efficace de procéder. Je vais commencer par ma gauche, c'est-à-dire votre droite, en demandant à Mme Boudreau, qui témoigne à titre personnel, de prendre la parole, et ensuite on passera aux autres témoins à tour de rôle.
[Français]
Mme Édouardine Boudreau, À titre personnel : Monsieur le président, je suis Édouardine Boudreau, directrice générale du Centre d'activités l'Échange de Tracadie-Sheila dans la Péninsule acadienne. C'est un centre de jour où les personnes ont été suivies ou qui ont reçu des soins de santé mentale. En venant au centre, elles ne se sentent pas seules et peuvent faire des activités qui les valorisent.
J'ai pu constater que ces personnes ont besoin de meilleurs revenus financiers, ce qui leur apporterait une meilleure qualité de vie, une stabilité émotionnelle, un chez-soi adéquat, une nourriture plus saine, et une meilleure estime de soi. Ce n'est pas le peu de revenus qu'ils reçoivent du ministère du Revenu qui les fait vivre sans inquiétude. Ils n'ont pas assez d'argent pour payer leur loyer et pouvoir manger durant tout le mois. Ils ont des comptes et ils ne peuvent pas les payer à tous les mois, et les dettes s'accumulent. Ils n'ont pas de quoi manger à tous les repas. Ils doivent s'habiller dans les friperies et ils sont conscients que leur vie n'est pas une vie normale.
Ces individus sont des personnes comme vous et moi. Comme moi, parce que j'ai moi-même fait une dépression à l'âge 28 ans et deux épuisements professionnels par la suite. J'ai eu recours aux soins de thérapeutes et de psychologues. Comme vous, parce que personne n'est à l'abri de la maladie mentale. Ce n'est pas une question de classe sociale. Je suis parmi ceux qui s'en sont bien sortis, mais je ne suis pas à l'épreuve des rechutes.
Nous, dans la Péninsule acadienne, nous avons un besoin urgent d'aider ces personnes en leur procurant des résidences adaptées, étant donné que nous sommes la seule région du Nouveau-Brunswick qui n'en a pas. Nous serions heureux de pouvoir mettre sur pied un système pour leur venir en aide.
Nous avons commencé par mettre sur pied un comité permanent et nous travaillons tous ensemble, parents, travailleurs social et les personnes touchées de près par le problème de santé mentale. Nous ne sommes pas épaulés par le gouvernement provincial comme nous le souhaiterions. J'espère que le rassemblement ici présent aujourd'hui pourra nous donner de l'espoir. Nous devons aider ces personnes qui ne peuvent pas s'en sortir sans notre aide.
Le Réseau de services péninsulaires tiendra un radiothonle 12 juin 2005, pour ramasser des fonds. Celles ou ceux ici présents qui veulent faire un don pourront l'envoyer à l'adresse suivante : Réseau de services péninsulaires, 399, rue du Couvent, local 313, case postale 20058, Centre-Ville, Tracadie-Sheila, Nouveau-Brunswick, E1X 1G6.
Ceci est mon exposé concernant les personnes avec qui je travaille. Je les vois tous les jours, et c'est un besoin criant pour ces personnes que d'avoir une meilleure qualité de vie.
Mme Monette Boudreau, À titre personnel : Je me présente, Monette Boudreau, de Shédiac. Je vais vous parler de mon expérience afin d'aider ceux qui passent peut-être par la même chose que moi.
J'ai été diagnostiquée avec un problème de schizophrénie à l'âge de 19 ans. À l'école, je réussissais bien avec des notes toujours dans la moyenne. J'avais de nombreuses activités tels que le patinage artistique, la guitare, le tennis et autres. Je me considérais en bonne forme physique, comme mes confrères et consoeurs à l'école.
À l'âge de 17 ans, lorsque j'étais en douzième année, je me suis absentée de l'école pendant un mois, et à mon retour, je n'arrivais plus à rattraper mon retard et cela m'apportait beaucoup de frustration. J'ai dû aller en Floride avec mes parents. Mes examens approchaient, je travaillais après la classe deux heures dans une pharmacie, environ trois soirs par semaine, alors le stress étant trop fort, une journée, en arrivant à la maison, j'ai éclaté en sanglots et j'ai fait une crise incontrôlable. Mon frère Léonce, qui est psychologue, est venu chez nous et a essayé de comprendre ce qui m'arrivait. Le lendemain, je ne suis pas sortie du lit, je ne suis pas allée à l'école, j'avais peur, j'étais effrayée.
Léonce a tout fait pour m'aider tous les jours, mais rien n'a fonctionné. Je dis que rien n'a fonctionné, mais aujourd'hui ses conseils, je les comprends, et je les pratique. J'avais perdu beaucoup de poids, je m'isolais, j'étais devenue paranoïaque à propos de tout. Ce dernier m'a fait rencontrer un de ses confrères de classe qui m'a aidé car je n'arrivais pas à lâcher prise et à m'en sortir. Pour moi, tout tombait à l'eau. Je me questionnais sur la vie, mon avenir, sur beaucoup de choses. À l'adolescence, quand tu vas vers l'âge adulte, tu te questionnes où tu vas aller, quelle université, où tu vas demeurer et quel domaine tu vas aller, j'avais beaucoup de choix qui m'intéressait, mais je n'étais pas certaine.
Grâce à mes bonnes notes précédentes, j'ai pu recevoir mon diplôme de fin d'année scolaire et je suis entrée à l'université en nutrition, mais je vivais dans la peur. J'ai participé à des journées d'initiation et j'étais tellement effrayée, je n'avais pas fini ma crise et j'ai dû lâcher après seulement un mois. Je suis revenue chez mes parents, et pendant le reste de l'année, j'ai fait mes activités, mes passe-temps tels que le patinage, le ski, l'artisanat, de la lecture et autres en plus d'aider ma mère au ménage de la maison. Tout allait bien, car je n'avais pas de stress.
En septembre, je suis retournée à l'université en éducation, mais comme j'étais perfectionniste, je me suis poussée à bout, et j'ai recommencé à avoir des réactions de paranoïa. Au deuxième semestre, j'ai dû abandonner mes études à nouveau.
Je ne sais pas si vous avez vu le film A Beautiful Mind, mais moi, quand j'ai vu ce film, je fus tellement touchée. J'ai passé par la même expérience. C'était vraiment réel ce que je voyais. Quand j'étais à l'université, je pensais que les gouvernements communistes étaient contre moi, la télévision me parlait, la radio et tout cela.
Je suis allée demeurer chez ma soeur puis chez mon frère psychologue qui continuait toujours de m'aider, mais un soir, j'ai paniqué et je me suis sauvée de la maison. Les voisins m'ont fait conduire d'urgence à l'hôpital, et j'ai été admise en psychiatrie. Le psychiatre qui m'a soigné a affirmé que j'étais à un fil de perdre complètement la raison. J'y ai fait un séjour de quatre mois, et c'est là qu'on a donné le diagnostic de schizophrénie. Pour moi, ce fût un choc. J'avais déjà vu des personnes que l'on contrôlait avec des camisoles de force dans des films à la télé, mais jamais je n'avais pensé qu'une telle maladie m'arriverait à moi. Pour moi, de recevoir des électrochocs voulait dire que j'étais folle, et ceci était très mal vu dans la société. Cependant, pendant mon séjour à l'hôpital, j'ai recommencé à manger, à participer aux activités et à socialiser avec les autres. Cela m'a permis de voir qu'il y avait d'autres personnes avec des problèmes similaires aux miens. C'était très inquiétant au départ car je ne connaissais rien de cette maladie. Jamais on en avait parlé ni à l'école ni ailleurs. C'était un sujet tabou. J'ai reçu de la documentation et des brochures qui m'ont aidé à comprendre mieux la maladie au fil des années.
De retour à la maison, j'ai cessé de prendre mes médicaments, et j'ai dû être hospitalisée de nouveau. En réalité, j'ai fait neuf rechutes de ce genre, à partir de 1979 à 1999. Après un certain temps, mes séjours étaient pour moi un soulagement. Je me sentais en sécurité avec le personnel soignant.
En 1980, je suis allée au Cégep de Rivière-du-Loup en techniques d'administration, mais je n'étais pas motivée et je n'ai pas réussi le cours. Ce n'était pas mon domaine. Je m'intéressais plutôt aux sciences humaines et à l'éducation. Trois ans après, j'ai fait un cours d'un an au Collège communautaire de Campbellton en techniques de garderie. J'ai réussi le cours et j'ai travaillé un an dans une garderie de Moncton.
Côté travail, j'ai eu des emplois d'été au terrain de camping de mon père, deux ou trois fois. J'ai fait une tentative dans un magasin de linge usagé, mais je n'ai rien eu de stable.
L'an dernier, j'ai suivi un cours de sept semaines avec Built Network que j'ai réussi, mais je ne suis pas sur le marché du travail. Je faisais du bénévolat pour un organisme pour jeunes, mais le programme n'existe plus. Par contre, je vais bénévolement, trois matins par semaine, à une garderie tout près de chez-moi. De plus, je fais partie du comité d'administration du Programme de support à l'emploi par l'entremise des aides pairs. C'est un centre où les personnes qui ont des maladies mentales vont apprendre à utiliser l'ordinateur. C'est ouvert de une heure à quatre heures tous les jours et ils font ton curriculum vitae, ils te préparent, te réintègrent sur le marché du travail. Comme vous pouvez le constater, je ne peux pas être sur le marché du travail à cause de ce problème de santé, étant sous médication continuellement depuis plus de 15 ans.
Je souhaite que des efforts soient faits afin de faire connaître la maladie mentale au grand public, qu'on ne soit plus vu comme des personnes dangereuses ou différentes, et surtout, qu'on ait le droit de vivre comme tout le monde, et que l'on comprenne qu'on a des besoins financiers, affectifs et sociaux. J'aimerais que le grand public, adultes et jeunes, soit bien informés et considère la maladie mentale au même degré que la maladie physique et que beaucoup plus d'aide soit offert aux parents de jeunes adolescents atteints et qu'il y ait plus de services d'aide aux écoles pour conscientiser les enseignants et les jeunes que dans leur classe. Il peut y avoir une personne potentiellement atteinte de dépression ou qu'un membre de leur famille ait un problème de maladie mentale. J'aimerais qu'on utilise les émissions de télé pour mieux informer la population, qu'on fasse tomber ces stigmates. Beaucoup trop de personnes pensent qu'on doit caché le fait qu'on est dépressif, qu'on est schizophrène, bipolaire ou autre. On se sent pointé du doigt, regardé de haut. On se sent comme si une maladie mentale est bien pire qu'une maladie physique. Aussi, des rencontres avec les membres de la famille aideraient énormément à fonctionner ensemble.
En conclusion, avec les années, les employeurs mettent tellement de pression sur leur personnel qu'il y aura de plus en plus de gens atteints. Il vous faut immédiatement ajouter plus de services pour les gens déjà atteints ou qui le deviendront prochainement avec le train de vie affreux que vit notre société.
De mon côté, je fais des efforts pour m'intégrer dans cette société. J'ai suivi des ateliers sur l'estime de soi, je fais de la thérapie au Groupe de support pour dépressifs. C'est à CMHA à Moncton, et bien entendu, je vois régulièrement mon psychologue et mon psychiatre.
J'ai maintenant 45 ans, et je dois avouer qu'à quelques reprises, j'ai eu des déceptions amoureuses qui ont contribué à des descentes aux enfers et des temps très difficiles à vivre dans ma condition. J'ai déjà vécu dans l'une de ces résidences alternatives, mais dans mon cas, ce n'est pas une solution à mon épanouissement. Tout est fait pour toi, les repas, le ménage. Je m'y sens comme inutile. C'est vrai et ce n'est pas vrai. Ils ont bâti des appartements à Saint- Anselme, ce sont des appartements avec une chambre. J'aimerais y habiter. Ce serait un plus.
Je demeure présentement avec ma mère qui a 90 ans, mais cette situation devra éventuellement changer. Mon rêve serait d'avoir mon chez-moi avec mon ami Roger, et j'espère pouvoir réaliser ce rêve.
[Traduction]
Mme Karen McFarlane, Options Outreach Employment Inc. : Bonjour, je représente le programme Options Outreach Employment de Saint John au Nouveau-Brunswick. Il s'agit d'un programme de counselling dans le domaine de l'emploipour les personnes handicapées, qui est parrainé par leministère de la Formation et du Développement de l'emploi du Nouveau-Brunswick. Le programme regroupe entre autres le service de traiteurs Simply Good Catering, qu'on appelle aussi Business Venture Group, qui est un groupe de coordination qui, on l'espère, prendra de l'expansion. C'est dans cette optique que nous avons décidé de comparaître aujourd'hui.
Permettez-moi de retracer l'historique de Simply Good. C'est en 1998 que j'ai rencontré Mme Patricia Allan-Clark du Conseil de développement des ressources humaines, qui était à l'époque agente de développement économique communautaire pour la Ville de Saint John. C'est à cette époque que nous avons décidé de créer une entreprise qui permette la participation des personnes souffrant de troubles mentaux. Trente utilisateurs ont participé à la première réunion et étaient très intéressés par le projet. Nous avons tenu des réunions pendant près d'un an. Avant dedécider quelle serait la nature de notre entreprise, nous avons passé 12 mois à étudier les différentes possibilités et à identifier les compétences de chacun, et c'est un service de traiteur que nous avons choisi.
Notre service de traiteur a en fait été lancé en 2000, et à l'époque il comptait 10 employés. Nous avons obtenu du financement de base des Services de santé mentale communautaires qui nous font don de 5 000 $ par année, et par le biais du projet Skate-to-Care de la région de Saint John et de la Fondation MindCare, qui nous fait don des cuisinières et de l'équipement dont nous avons besoin pour faire rouler notre entreprise, composantes essentielles de nos activités. Au départ, on avait une commande par mois, et c'était déjà bien à l'époque. Après environ un an, on en avait plutôt une par semaine, ce qui était très bien parce que ça a permis à nos employés d'acquérir de l'expérience. C'est alors que nous avons pu embaucher M. John Eckhart qui est chef au Collège communautaire de Saint John. Il nous a enseigné les techniques dont on avait besoin pour faire fonctionner les choses, ce qui a permis d'accroître la satisfaction de la clientèle. C'est à partir de ce moment-là qu'on a commencé à être plus occupé. Actuellement, on reçoit environ trois commandes par semaine, ce qui n'est pas mal.
Je viens de vous décrire le côté business de notre entreprise. La vocation de l'entreprise est une dimension plus importante. Tout d'abord, je ne peux vous expliquer à quel point c'est important pour ces personnes de pouvoir dire qu'elles travaillent. Quand j'y pense, ça me touche profondément parce que c'est vraiment très important. Tout à coup, ces personnes qui n'avaient pas d'estime de soi sont bien dans leur peau. Elles sont confiantes. Trente-six personnes ont participé au programme de Simply Good depuis sa création. Il y en a beaucoup qui ont pu trouver du travail par après, ce qui est l'objectif du programme Options Outreach Employment, alors que d'autres sont retournés aux études. Il y en a même qui suivent des programmes de formation actuellement. Certains ont découvert qu'il leur était tout simplementimpossible de travailler, et ça aussi c'est important parce que ça leur permet de gérer le reste de leurs vies. Nous fixons le groupe à 10 personnes parce que nous ne pouvons pas nous permettre d'en embaucher plus. Nous venons tout juste de terminer un autre cycle de formation et tout le monde a très bien réussi. On peut même dire que de façon générale, tout le monde s'en sort très bien.
Le programme est également très important pour la collectivité. D'abord, nos employés offrent un service à la communauté, ce qui veut dire qu'ils en font partie à nouveau après en avoir été exclus pendant un certain nombre d'années, et ça c'est très important. Ce qui est plus important encore, c'est le fait que depuis le lancement de notre entreprise seules deux des personnes ayant été formées chez nous ont été hospitalisées au cours des cinq dernières années. C'est phénoménal. C'est vraiment génial et en plus ça permet au gouvernement d'économiser des milliers de dollars. Voilà pourquoi il est très important que de tels programmes puissent continuer à exister et prendre de l'expansion.
Nous espérons que nous recevrons le financement dont nous avons besoin pour que Simply Good puisse survivre. Nous en sommes arrivés au point où ce financement est absolument nécessaire. De plus, nous voudrions que d'autres entreprises soient créées. En effet, dans la région métropolitaine deSaint John, il y a plus de 3 000 personnes qui souffrentde troubles mentaux. Nous ne pouvons nous occuper quede 10, 20 voire 30 d'elles. Ce n'est que la partie visible de l'iceberg. Il y a tellement de gens qui viennent nous voir, nous avons même des listes d'attente. Moi, il y a des gens qui viennent me voir pour me dire qu'ils voudraient travailler pour le service de traiteur Simply Good ou qu'ils veulent se joindre à notre équipe parce que le public, et plus particulièrement les employeurs, ne comprennent pas les besoins des personnes qui souffrent de troubles mentaux. Ça leur fait peur. Je ne sais pas trop pourquoi, mais ça leur fait peur. Et pourtant, celui qui a des problèmes cardiaques ou qui est diabétique, s'il doit prendre congé pour se rétablir, il peut alors réintégrer son emploi. Mais pour ceux qui doivent prendre des congés de maladie à cause d'un problème de santé mentale, il n'y a plus d'espoir. Il n'y a plus d'avenir, et ça c'est inquiétant. C'est inquiétant parce que ces personnes pourraient recommencer à travailler, elles en sont capables. Elles ont les compétences nécessaires, et même si elles ont des besoins particuliers, elles jouent un rôle important dans notre société.
On oublie souvent que le principal obstacle au travail pour les personnes souffrant de troubles mentaux est la pauvreté. Parce qu'elles sont forcées de vivre dans la pauvreté, comme on l'a indiqué plus tôt, elles ne peuvent se payer des vêtements, elles ne peuvent se nourrir ou se loger convenablement. Parfois, elles souffrent d'insomnie. Posez-vous la question : Si vous n'avez pas dormi de la nuit, pouvez-vous aller travailler le lendemain? Si vous allez travailler après une mauvaise nuit de sommeil, vous le faites sans être dans la meilleure des formes. L'incidence est deux fois plus grande pour les personnes ayant une maladie mentale car elles ont absolument besoin de bien dormir. Comme tous, elles doivent rester en bonne santé. Nous devons donc nous pencher sur cette situation et aider ces personnes, les aider à retrouver leur amour propre. Il est si important pour elles de pouvoir dire qu'elles ont un travail. Elles peuvent travailler et elles le font.
Je peux vous dire que c'est quand je suis à Simply Good que je m'amuse le plus dans l'exercice de mes fonctions, car j'y travaille avec des gens très intéressants et très reconnaissants. Il nous arrive parfois de tenir ce que nous avons pour acquis. Or, ces personnes apprécient tout ce qu'elles ont, et c'est très agréable à voir. Mais, comme toute autre entreprise, nous devons survivre. Nous avons un loyer et des factures de téléphone à payer et nous devons engager un gestionnaire qui assure la supervision. En raison de mon emploi, je ne peux faire tout cela. Je ne peux être aux deux endroits à la fois.
Les employés de Simply Good peuvent très bien faire le travail mais, comme tout le monde, ils ont besoin de salaires. À Simply Good, nous leur offrons le salaire minimum. Nous ne nous contentons pas de leur verser un salaire symbolique comme le font bien des ateliers. Ce n'est pas un atelier protégé. Les personnes que nous employons font du vrai travail et reçoivent un vrai salaire et voilà notamment pourquoi elles apprécient tant leur travail, elles sont si heureuses de pouvoir dire qu'elles ont un emploi auquel elles accordent beaucoup d'importance. C'est une expérience merveilleuse que de travailler avec ces gens. C'est une expérience qui m'a beaucoup appris. J'espère que vous pourrez nous offrir un coup de main.
M. Eugène LeBlanc, éditeur et rédacteur en chef Our Voice/Notre Voix : Merci de m'avoir invité. Je m'appelle Eugène LeBlanc et je suis de la région de Moncton. Je suis l'éditeur et rédacteur en chef du magazine Our Voice/Notre Voix, une publication qui fait la promotion du point de vue despersonnes aux prises avec une maladie mentale. Notre tirage est actuellement de 600 exemplaires qui sont distribués dans tout le Nouveau-Brunswick, au Canada et à l'étranger.
J'ai aussi dirigé un centre d'entraide pendant 18 ans. Quand on m'a demandé de participer à cette réunion-ci, je me suis tout de suite demandé en quoi cela aiderait les gens à la base. Je me suis demandé quelle incidence cela aurait sur la vie de Bernard, de Dale ou de Monique qui viennent à notre centre. Je me suis aussi demandé en quoi cela toucherait le budget de fonctionnement du centre, qui est encore de 35 000 $ par année après 18 ans. Je me suis demandé si cela contribuait à régler les problèmes très pratiques de ceux qui doivent relever d'importants défis liés à la santé mentale. Sauf le respect que je vous dois, je crains de devoir vous dire que je me suis ensuite dit que mon témoignage n'aurait aucune incidence, que cette étude n'était qu'une autre façon d'occuper la classe politique et une tentative d'embellir la macrogestion des services de santé mentale qui ne produira qu'un rapport de plus.
Je vous prie de croire, toutefois, que j'espère sincèrement avoir tort. Je veux croire que votre étude aura une incidence directe sur la vie des gens ordinaires. Il vous incombe maintenant de confondre les sceptiques dont je fais partie.
J'ai pris le temps de lire le troisième rapport et d'autres documents d'information et je sais que, parce que nous disposons de peu de temps, je ne pourrai traiter de tout le contenu du rapport. Je m'en tiendrai aux dix minutes qui m'ont été accordées. Toutefois, j'estime que la question suivante, qui figure à lapage 8 du troisième rapport, à savoir : « Alors, comment faut-il procéder pour recentrer le système des services en santé mentale et en toxicomanie sur le patient/client? », est l'une des plus importantes que vous puissiez soulever car y répondre permettra d'orienter les recommandations qui seront formulées.
À cette question, je répondrai que la culture de la santé mentale est surtout axée sur les biologies psychiatriques. Les gouvernements sont tout à fait disposés à payer pour les soins dont nous avons besoin quand nous sommes malades, mais refusent de nous offrir de l'argent quand nous ne sommes plus malades. Or, nous savons tous qu'il est beaucoup moins coûteux de prévenir que de traiter une maladie, mais l'attitude qui prévaut et l'influence qu'exercent les autorités médicales et dirigeants syndicaux sur les gouvernements font que ce sont ceux avec qui je travaille quotidiennement qui en souffrent.
J'ai des suggestions à vous faire, mais auparavant, j'aimerais ouvrir une parenthèse et attirer votre attention sur les remarques qui figurent au bas de la page 10 selon lesquelles on devrait envisager un dépistage systématique des troubles mentaux chez les élèves du secondaire. Pour ma part, cela m'inquiète, car nous risquerions tous d'être étiquetés malades mentaux et nous savons pertinemment que ce sont toutes les sommes consacrées à l'étiquetage et au traitement qui épuisent les budgets consacrés à la santé mentale.
J'aimerais maintenant citer le directeur de l'Organisation mondiale de la santé qui a officiellement déclaré que le monde est au bord d'une crise en matière de droits de la personne et de santé mentale; il a notamment fait l'observation suivante, qui est très révélatrice :
Il y a violation des droits de la personne non seulement quand on refuse l'accès au traitement; de plus, et souvent, le traitement en soi constitue une violation des droits de la personne...
J'aimerais que vous y réfléchissiez. Tout cela pour dire que nous avons tendance à nous précipiter vers les solutions les plus coûteuses plutôt que d'écouter les intéressés nous dire ce dont ils ont besoin. Cela ne devrait pas être compliqué, mais, pour une raison quelconque, nous compliquons les choses.
Vos documents comportent une grave lacune : ils ne reconnaissent nullement les bienfaits pour le système de santé mentale au Canada des programmes de santé mentale dirigés par les clients. Ce n'est nullement mentionné dans votre rapport. Les divers paliers de gouvernement du pays, ainsi que des gouvernements étrangers, ont adopté des politiques de soutien aux patients souffrant de troubles psychiatriques qui souhaitent mettre sur pied leurs propres programmes de santé mentale. Pour autant que je sache, ce n'est que dans le domaine médical de la psychiatrie que les patients peuvent créer des pratiques et des programmes complémentaires et parallèles financés par l'État. Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi? Le Canada ne fait pas exception à la règle. Le Nouveau-Brunswick, par exemple, appuie actuellement plus de 20 centres d'entraide, appelés des centres d'activités, un réseau provincial pour les clients et notre magazine Our Voice/Notre Voix. La plupart des provinces financent des initiatives semblables et, au niveau national, il y a le Réseau national pour la santé mentale. Toutes ces initiatives ont une chose en commun : elles sont sous-estimées, mal financées et, parce qu'elles ne s'inscrivent pas dans le cadre culturel prévalant des services cliniques et syndiqués, elles ne sont pas prioritaires pour les gouvernements qui les considèrent souvent comme un rajout de dernière minute. À bien des égards, le système de santé mentale est constitué de mesures purement symboliques.
Je vous demanderais donc d'examiner les suggestions suivantes qui sont axées davantage sur le mieux-être que sur le traitement. Je propose d'abord un plan d'action ministériel national en matière de santé mentale, un plan d'action bien clair qui ne serait pas négociable; un plan d'action audacieux et novateur qui s'accompagnerait d'un budget, pas de simples paroles en l'air; un plan d'action qui inspirerait les provinces à emboîter le pas; un plan d'action qui prévoirait la création d'un programme de soins à domicile comme point d'entrée peu coûteux dans le système plutôt que l'inverse, qui prévaut actuellement; un plan d'action qui favoriserait la croissance des programmes dirigés par les clients; un plan d'action qui reconnaîtrait que la meilleure façon de combattre la stigmatisation et la discrimination est de permettre aux intéressés de décrire leur situation plutôt que de s'en remettre à l'interprétation d'une tierce partie. Une fois que les pistes de guérison auront été recensées, des investissements pourront être faits pour que les résultats puissent être maintenus. Il nous faut un plan d'action qui prévoirait la création d'un « Fonds des pratiques exemplaires des utilisateurs de services de santé mentale du Canada », grâce auquel les groupes de la base pourraient mettre leurs ressources en commun et lancer des initiatives communautaires rentables. Il nous faut un plan d'action qui imposerait la collaboration entre les professions.
Les clients des services de santé mentale s'inquiètent ici des véritables effets secondaires de la TEC et de la surconsommation de médicaments prescrits par les psychiatres. Je connais des gens dans la vingtaine qui prennent plus de 15 pilules par jour. Je sais que vous avez étudié le système néo-zélandais, et vous voudrez peut-être confirmer mon affirmation, mais je crois savoir que le gouvernement de ce pays a interdit les électrochocs et étudie en profondeur les effets secondaires de la prescription excessive de médicaments neuroleptiques. Il est d'ailleurs intéressant de noter que c'est grâce aux pressions exercées par les groupes de clients qu'on a commencé à s'intéresser à cette question. Ces deux problèmes méritent notre attention.
Il nous faut aussi un plan d'action visant à redéfinir les soins accordés aux personnes âgées souffrant de démence. Pourquoi le gouvernement privilégie-t-il le placement en institution, qui est coûteux, plutôt que l'indemnisation, à moindres coûts, des familles qui acceptent de prendre soin de ces personnes âgées chez elles?
Ce qui est très important, et qu'on oublie souvent, c'est qu'il nous faut un plan d'action qui reconnaisse et rectifie le problème de revenu, qui est un problème de santé mentale, le problème du logement abordable et convenable, qui est un problème de santé mentale, le problème des perspectives d'emploi pour réduire l'oisiveté, qui est un problème de santé mentale, le problème du régime alimentaire et de la bonne forme physique, qui est aussi un problème de santé mentale. Ces quatre questions doivent relever de la gestion de la santé mentale; sinon, le système restera incohérent, fragmenté et morcelé pour ceux qui souffrent d'une maladie mentale chronique.
Il nous faut aussi un plan d'action qui osera offrir des crédits d'impôt à tous ceux qui veulent améliorer leur bien- être et leur santé émotionnelle en participant à des séminaires et des ateliers, et des crédits d'impôt à ceux qui s'inscrivent à un programme de nutrition ou de conditionnement physique.
En résumé, un système de soins axé sur les clients est bien davantage qu'un régime de soins autogéré conforme aux paramètres des services cliniques. Un véritable régime axé sur les clients crée un climat dans le cadre duquel les utilisateurs de services de santé mentale peuvent créer et définir la voie de la guérison. Certains prétendront que c'est donner carte blanche à ceux qui sont dans le besoin, mais le coût de la prévention de la maladie et du maintien de la santé mentale est de beaucoup inférieur au coût des services cliniques et de l'hospitalisation en établissement psychiatrique.
Le président : Je vous remercie tous de vos remarques. Nous sommes comme vous préoccupés par le fait que notre travail risque de ne mener à rien. Je crois pouvoir dire toutefois que nous sommes déterminés à faire en sorte que cela ne se produise pas, ne serait-ce que parce que la majorité des membres du comité, y compris moi-même, comptons dans notre famille une personne souffrant d'une maladie mentale. Nous avons beaucoup d'expérience comme membre d'une famille faisant affaire avec le système et nous comprenons instinctivement — nous avons pris un engagement émotif, en quelque sorte — qu'il faut que ça change. Il se pourrait donc qu'en dernière analyse, les gouvernements aient beaucoup de mal à nous dire non. Du moins, c'est ce que nous espérons.
Vous avez employé des termes différents et je veuxm'assurer de bien comprendre leur signification. Eugènea parlé d'un programme dirigé par les clients. Monette, elle, a parlé de groupe de soutien des consommateurs et de groupes de soutien par les pairs. S'agit-il de la même chose? Hier, en Nouvelle-Écosse, je crois que quelqu'un a parlé de groupe d'entraide. Tous ces termes désignent-ils essentiellement la même chose, à savoir des personnes souffrant de troubles mentaux qui en aident d'autres souffrant de la même maladie ou qui travaillent dans une entreprise, comme dans le cas de Karen? Ces termes désignent-ils tous la même chose? Autrement dit, sont-ils interchangeables? Peut-être qu'au contraire, dans notre rapport, devrons-nous prendre garde et donner un sens bien précis à soutien par les pairs, un autre à programme dirigé par les clients et un autre encore à groupe d'entraide? Pourriez-vous m'aider à bien comprendre ce que sont tous ces concepts? Je vous demanderais de commencer, Eugène, puis les autres témoins pourront répondre.
M. LeBlanc : Je dirais que cela signifie à peu près la même chose. Il s'agit de programmes ou services offerts par ceux qui souffrent de maladies mentales ou connaissent le système mais qui sont offerts dans tout le pays.
Le président : Donc c'est essentiellement la même chose. Je vois que Karen confirme. Alors, Monette, je vais vous poser une question parce que vous avez dit que vous aviez reçu de l'aide d'un frère qui est psychologue. Vous avez été hospitalisée. Vous avez parlé des groupes de soutien. Vous avez, de toute évidence, reçu de l'aide de beaucoup de secteurs différents et de différentes formes. Quels seraient à votre avis les services les plus efficaces? Savez-vous s'il y en a qui fonctionnent mieux que d'autres?
Une des raisons pour lesquelles je pose cette question, c'est que comme l'ont signalé Eugène et Karen, les groupes d'entraide, les groupes de soutien, ne reçoivent pratiquement pas de financement, contrairement aux autres formes d'assistance. Nous avons affiché un questionnaire à notre site Internet en novembre dernier et nous avons été absolument ahuris par le nombre de réponses que nous avons reçues et par la franchise extraordinaire avec laquelle on nous répondait. Toutefois, la grande majorité des consommateurs ont réellement insisté sur l'importance de l'entraide, de ce genre de système de soutien. J'aimerais avoir votre point de vue parce que vous avez couvert tout un éventail de systèmes. Quels sont ceux qui ont marché ou n'ont pas marché pour vous?
[Français]
Mme Monette Boudreau : Pour moi, ces groupes sont tous importants. Ce sont des ressources. J'ai fait du travail surmoi-même et j'ai eu de l'aide de mes parents et de mes frères et soeurs. Grâce à eux, j'ai beaucoup d'aide, et puis j'ai pu, disons, m'éduquer. J'ai pris des cours, j'ai pu aller dans la société, j'ai pu m'intégrer dans le milieu du travail et dans tous ces programmes et groupes. J'aime y assister parce que ce sont des endroits où l'on peut parler de notre maladie et se faire comprendre.
Le sénateur Pépin : Vous n'êtes pas restée seule? Vous avez toujours été entouré de quelqu'un?
Mme Monette Boudreau : Oui, il faut avoir le courage, la persévérance et la détermination. Ce ne sont pas toutes les personnes souffrant de maladie mentale. Il y en a qu'il faut aller chercher chez elles pour les emmener. Moi, j'ai un petit cousin qui a la même maladie que moi, mais il a été enfermé dans la maison, il n'a pas pu socialiser avec les autres, puis tu sais, on n'a pas tous les mêmes qualités de vie. J'ai été chanceuse d'avoir pu réussir avec la maladie que j'avais.
[Traduction]
Le président : Tout à fait.
Le sénateur Cochrane : Je voudrais interroger Karen sur son entreprise. Avec quel groupe d'âge travaillez-vous, qui sontces 10 à 30 personnes? S'agit-il de jeunes? S'agit-il de gens d'âge moyen? De personnes âgées? Y a-t-il un groupe d'âge spécial?
Mme MacFarlane : Non. Tous nos clients ont 18 ans et plus. La plupart à Simply Good sont dans la trentaine ou la quarantaine : des gens qui sont dans le système depuis longtemps et qui n'ont pas pu travailler de façon régulière ou qui n'ont pas réussi à garder un emploi normal du fait de leur maladie mais qui veulent et ont besoin de travailler. Nous avons une personne dans la vingtaine à l'heure actuelle mais le reste sont tous dans la trentaine ou la quarantaine.
Le sénateur Cochrane : Vous n'avez pas de personnes âgées?
Mme MacFarlane : Non, pas pour le moment, mais nous en avons eu une ou deux.
Le sénateur Cochrane : Recevez-vous des subventions du gouvernement provincial?
Mme MacFarlane : Il y a deux ans, nous avons reçu 20 000 $ de Ken Ross, le sous-ministre adjoint de Santé et Mieux-être, et cela devait nous suffire pour deux ans, ce qui fait 10 000 $ par an. Nous recevons 5 000 $ par an pour les services de santé mentale communautaires de la Corporation des sciences de la santé de l'Atlantique et nous recevons chaque année de l'argent de la Fondation MindCare. Les montants varient chaque année, selon le genre d'équipement dont nous avons besoin l'année en question. Comme je l'ai déjà dit, on nous a fourni nos réfrigérateurs, nos cuisinières, notre vaisselle et ce genre de choses. C'est tout ce que nous recevons. Tout le reste nous vient des services de traiteur que nous offrons. Cela paie les salaires et évidemment les achats d'aliments que nous faisons. Toutefois, cela ne nous laisse rien pour notre loyer, notre électricité, l'Internet, ce genre de choses qui, évidemment, sont tous des éléments essentiels pour l'emploi et un service de traiteur. C'est là que nous en sommes actuellement. Il nous faut à nouveau de l'argent. Ces 20 000 $ que nous avons reçus au début nous ont permis de subsister pendant deux ans, si bien que nous savons être économes.
Le sénateur Cochrane : C'est tout, n'est-ce pas?
Mme MacFarlane : Oui, exactement.
Le sénateur Cochrane : Eugène, je suis tellement content que vous soyez éditeur. Si vous permettez que je vous pose une question, comment pourrait-on mettre ce problème de la santé mentale à la une de l'actualité pour présenter cela dans le contexte positif qui est tellement nécessaire? Comme vous le savez, nous avons beaucoup fait pour les personnes handicapées. Nos entreprises ne construisent plus sans prévoir un accès pour les handicapés, et cetera. C'est acquis. Comment pourrait-on faire la même chose pour la santé mentale? Avez-vous des suggestions?
M. LeBlanc : Une des choses qui différencie la santé mentale des autres formes d'handicaps est sont caractère imperceptible. Il n'y a pas de bras cassé, pas de fauteuil roulant. C'est là une différence. L'autre chose, je crois en avoir parlé, c'est qu'il nous faut un leadership national de niveau ministériel. Il faut un ministre d'État, un secrétaire d'État à la santé mentale, si vous voulez, parce que tout le monde peut avoir des problèmes de santé mentale mais tout le monde n'est pas forcé de se retrouver en fauteuil roulant.
Le sénateur Cordy : Merci beaucoup à vous tous d'être venus ce matin. J'ai dit à tous ceux qui veulent bien nous entendre que s'ils entendaient les histoires que nous avons entendues des consommateurs du système de santé mentale, les stigmates et les discriminations seraient considérablement moindres parce que chacun doit comprendre que les consommateurs de ces services de santé mentale sont des mères et des pères, des frères et des sœurs, des fils et filles. Comme l'a dit tout à l'heure le sénateur Kirby, la majorité d'entre nous ici ont un parent qui recourt au système de soins de santé mentale, si bien que beaucoup des histoires que nous entendons ressemblent aux expériences que nous avons nous-mêmes.
Eugène a mentionné une chose importante, à savoir que l'accès au système, le point d'accès au système devrait être au premier niveau, au niveau où c'est économique. Une des choses qui me préoccupent est l'accès même au système. Nous avons aussi quelqu'un du gouvernement fédéral qui nous a présenté un document indiquant tous les organismes fédéraux, les organismes provinciaux, les organismes municipaux et les organismes bénévoles qui offrent des services à ceux qui en ont besoin, qu'il s'agisse de santé mentale ou de maladie mentale. La difficulté pour moi, en tant que sénateur qui ne souffre pas d'une maladie mentale, devant un tel document, était que je n'avais aucune idée où je pourrais envoyer quelqu'un chercher de l'aide si l'on me demandait conseil. Ma question est donc la suivante : Est-il difficile de savoir où s'adresser? Où commence-t-on?
M. LeBlanc : Si vous êtes à un endroit où il y a beaucoup de coopération — et c'est une des choses que j'ai suggérées, que nous ayons une coopération obligatoire entre les professions et les organismes locaux afin que chacun sache ce que font les autres et qu'ainsi le client ou le patient sache où trouver de l'aide.
Le sénateur Cordy : Les médecins de famille sont-ils au courant de tous les organismes, de la façon dont ils fonctionnent?
M. LeBlanc : Je ne pense pas pouvoir répondre oui à cette question.
Mme MacFarlane : Un des problèmes que posent les médecins de famille, du moins dans la région de Saint John que je connais, est que beaucoup de gens sont sur leur liste d'attente et ne savent donc pas où s'adresser. Il y a également une longue liste d'attente pour accéder aux services de santé mentale locaux, à la clinique, si vous voulez, à Saint John. Il est donc très difficile d'accéder aux services de santé mentale.
Le sénateur Cordy : Une des choses que vous avez tous mentionnée est que l'on ne peut dire : « Il s'agit de santé mentale et cela relève de la responsabilité du ministère de la Santé. » Vous avez tous parlé de logement et d'emploi. Vous n'avez pas parlé du système judiciaire mais il est évident que le système judiciaire entre aussi en jeu, malheureusement trop souvent, pour les gens qui souffrent de maladie mentale. Les ministères collaborent-ils pour faciliter les choses?
Mme McFarlane : À Saint John, nous avons une cour de santé mentale, comme on l'appelle. C'est dirigé par un psychiatre local, le Dr Josey, et le juge Breen et c'est ouvert tous les vendredis. Les gens qui ont des problèmes de santé mentale ont accès à ce système et cela fonctionne très bien. Cela marche très bien et cela empêche des gens qui ont une mauvaise passe d'aller en prison, et cetera, alors qu'ils ont en fait besoin d'une intervention quelconque dirigée sur leur santé mentale. Ils n'ont pas forcément besoin d'être hospitalisés mais s'ils passent à la cour de santé mentale, une des conditions est qu'ils voient assez fréquemment leur psychiatre et suivent un programme. On me les envoie quelques fois, comme conseillère en matière d'emploi, pour voir si nous pouvons les aider à trouver du travail bénévole ou à temps partiel, quelque chose de temporaire, afin de leur permettre de sortir de la situation qui les a menés là où ils en sont.
Le sénateur Cordy : D'où vient votre financement, de quel ministère, pour le Café Simply Good, pour le service de traiteur?
Mme MacFarlane : Le financement nous vient de Ken Ross et du ministère de la Santé et du Mieux-être. Mais Options, l'entreprise où je travaille, est financée par Formation et développement de l'emploi Nouveau-Brunswick, qui est un programme provincial.
Le sénateur Cordy : Monette, vous avez parlé des besoins des familles et pas simplement de ceux qui souffrent de santé mentale, mais des familles qui ont besoin de conseils et d'aide. Est-ce que cela commence à être offert au Nouveau-Brunswick ou est-ce déjà devenu une réalité? J'ai été enseignante et je me souviens que lorsqu'un enfant était en crise, toute la famille était en crise et avait besoin d'aide, aide qui souvent n'existait pas.
[Français]
Mme Monette Boudreau : Je sais que c'est un problème de famille. Quand j'ai appris que j'étais schizophrène, la famille ne s'est pas réunie. Mon frère a essayé de m'aider, mais je pense que si toute la famille s'était rencontrée pour discuter de mon cas, peut-être que cela aurait été mieux accepté oui. C'est aussi un défi pour mes frères et mes sœurs.
Le sénateur Pépin : Madame Édouardine Boudreau, vous dites que vous n'êtes pas épaulés par le gouvernement provincial comme vous le souhaiteriez. De quelle façon le gouvernement pourrait mieux vous aider?
Mme Édouardine Boudreau : On a demandé de l'aide pour pouvoir installer des loyers à prix modique pour ces personnes. C'est toujours une bataille. Les personnes qui reçoivent des soins de santé mentale n'ont pas la force de se défendre eux-mêmes. Il leur faut un groupe de personnes pour les aider. Les parents, à un moment donné, deviennent fatigués. Je connais une famille qui a d'autres enfants, et leur jeune reste avec eux et ils sont rendusà 60 ans, 65 ans. Les jeunes sont encore à la maison et ils sont malades et si ces personnes allaient en appartement seules, avec les revenus qu'ils ont, ils ne pourraient pas arriver.
Le sénateur Pépin : Une des choses qu'on entend régulièrement, c'est que les gens nous disent « donnez-nous un endroit pour se loger » soit un appartement ou une maison?
Mme Édouardine Boudreau : Oui. J'ai des personnes qui reçoivent des revenus du ministère du Revenu, le bien-être social qu'on appelle couramment et s'ils veulent faire un petit travail pour arrondir leur revenu, elles sont coupées. Cela ne les aide pas à se sortir du trou, comme on dit, cela ne les aide pas du tout. Ils sont nerveux, parce qu'ils se disent que s'ils travaillent plus qu'un certain nombre heures le bien-être social les coupera.
Le sénateur Pépin : Ils sont pris entre les deux.
Mme Édouardine Boudreau : Ils sont pris entre deux feux.
Le sénateur Pépin : Il faudrait trouver une solution.
Mme Édouardine Boudreau : Il faudrait trouver une solution, car ces personnes veulent travailler. Il y en a qui veulent travailler mais qui ne peuvent pas, mais au moins elles essaient de retourner sur le marché du travail à temps partiel. Il faudrait les encourager.
Le sénateur Pépin : Oui, Mme MacFarlane nous a dit qu'il est important qu'ils aient un travail.
Mme Édouardine Boudreau : Oui, c'est très important pour eux, cela les valorise, et les empêche, la plupart du temps, de retomber dans une autre dépression ou d'aggraver leur maladie.
Le sénateur Pépin : Alors le logement reste une des priorités très importante. On a entendu cela passablement souvent.
Mme Édouardine Boudreau : Le Réseau de services péninsulaires a commencé dans la Péninsule acadienne, il y a quatre ans. Depuis ce temps on demande de l'aide du gouvernement, mais il y a toujours des bobos, ils n'ont pas d'argent. C'est toujours un problème. Et c'est pour cette raison qu'on fait un radiothon.
L'année passée, on en a fait un, donc ce sera notre deuxième radiothon. La Péninsule acadienne, a aussi un problème parce que les gens n'ont que du travail saisonnier, cela n'aide pas. Il n'y a personne qui roule sur l'or.
Le sénateur Pépin : Merci bien, madame Monette Boudreau. Votre présentation est très intéressante. Une des choses que les gens nous disent également, quand ils nous parlent de rencontrer leur thérapeute, leur psychiatre ou leur psychologue, c'est que bien souvent, ils n'ont pas les moyens de payer parce que ces thérapeutes ne sont pas payés par l'assurance-maladie. Vous terminez d'ailleurs un de vos paragraphes en disant « bien entendu, je vois régulièrement un psychologue et un psychiatre ». Est-ce que vous avez une assurance privée qui fait que vous êtes capable de le voir régulièrement ou aussi souvent que vous en avez besoin, avez -vous cette chance?
Mme Monette Boudreau : C'est à 19 ans que j'ai vu un psychiatre pour la première fois. Je suis sur la pension d'invalidité.
Le sénateur Pépin : Vous êtes couvert?
Mme Monette Boudreau : Je suis couvert, j'ai la carte blanche.
Le sénateur Pépin : À ce moment là, c'est couvert.
Mme Monette Boudreau : Oui, je peux avoir les soins.
Le sénateur Pépin : Avez-vous déjà fait affaire avec ce qu'on appelle une infirmière praticienne? Ce sont des infirmières qui ont étudié et qui bien souvent — et l'on en utilise de plus en plus — quand il n'y a pas suffisamment de médecins, ce sont des infirmières qui s'occupent des patients?
Mme Monette Boudreau : Ils viennent à domicile, tu veux dire?
Le sénateur Pépin : Oui, vous pouvez les consulter. Est-ce que vous avez déjà consulté une de ces infirmières?
Mme Monette Boudreau : J'ai été au centre de jour à Moncton. Je voyais une travailleuse sociale. C'était relié à George Dumont. J'ai changé de psychiatre à un moment donné. J'ai été en voir un francophone et suis retourné voir un anglophone et je suis resté avec le même que j'avais au début, mais je n'ai jamais eu personne qui venait chez moi.
Le sénateur Pépin : Monsieur LeBlanc, à la page 6 de votre présentation, vous nous dites, « je vais lui demander qu'il me donne des explications ».
[Traduction]
« Un plan d'action qui reconnaîtrait que la meilleure façon de combattre la stigmatisation et la discrimination est de permettre aux intéressés de décrire leur situation plutôt que de s'en remettre à l'interprétation d'une tierce partie. »
[Français]
Est-ce que vous pouvez élaborer un petit peu?
M. LeBlanc : Bien, ce que je voulais dire par cela, c'est qu'on peut raconter notre vécu nous-même, dire ce qui nous est arrivé et pourquoi nous sommes ainsi, ou qu'est-ce qui arrive quand on est malade ou quoi que ce soit. On peut laisser les agences, le psychiatre ou autres dire pourquoi on est où l'on est. Si vous regardez la situation fiscale dans le système de santé mentale, ceux qui revendiquent pour nous ont plus de fonds que nous. Ceux qui expliquent pourquoi on est malade ont plus d'argent que nous. Ceux qui sont malades et qui expliquent pourquoi ils sont malades en ont toujours moins. Cela revient à ce que j'ai dit tantôt. S'il y a une recommandation que vous devriez faire dans votre rapport, c'est d'avoir un nouveau climat politique, un leadership national ministériel afin que ces déséquilibres puissent changer.
Le sénateur Pépin : Je vous remercie beaucoup.
Le sénateur Trenholme Counsell : Nous avons ici une représentante du nord-est et du sud-est et même de la région de Saint-Jean. J'aimerais vous demander si de manière générale la situation de la santé mentale s'est améliorée en 2005, et cela en comparaison avec les dix dernières années?
Mme Édouardine Boudreau : Il y a dix ans je n'étais pas dans le système. Je ne travaillais pas. J'étais dans un autre système parce que j'avais un foyer pour personnes âgées. Il y a peut-être eu des améliorations, mais ce n'est pas assez. Ce n'est pas suffisant. Le processus est tellement lent que les personnes ont le temps de se décourager.
Je constate que les patients ont beaucoup trop de médicaments pour la thérapie qu'ils ont. Disons qu'une personne tombe malade et va voir son médecin, le médecin l'envoie voir le psychologue ou le psychiatre, mais s'il y avait plus de thérapie en bas de l'échelle, peut-être qu'ils ne se rendraient pas au psychiatre. Je ne dis pas que cela conviendrait à tous les cas, mais il y en aurait beaucoup qui ne se rendraient pas jusqu'au psychiatre et ils seraient assez médicamentés.
J'ai une personne qui vient au centre et qui prend29 médicaments par jour. Qui peut fonctionner avec29 médicaments? Moi, je ne le pourrais pas. Ça n'a pas de sens. Je crois bien que cette personne est écartée. Elle prend une pilule pour oublier, une pilule pour se réveiller, une pilule pour s'endormir. Cela n'a pas de sens. Qu'est-ce qui arrivera à cette personne? En plus d'être malade mentalement, c'est son système physique qui pogne la claque. C'est ce qui arrive. Ça n'a pas de sens. Moi, je ne peux pas parler à mon travail, mais, les cheveux me viennent raides sur la tête des fois, mais qu'est-ce que vous voulez? Ça n'a pas de sens du tout. Et quand ces personnes sont médicamentées de la sorte, elles ne peuvent pas décider pourelles-mêmes. J'ai toujours pensé que ça prendrait plus de thérapie pour qu'elles ne montent pas jusqu'en haut. Quand c'est rendu au psychiatre, en haut, c'est lui qui donne les médicaments. Je pense qu'il faudrait s'arranger pour que ça ne monte pas.
Le sénateur Trenholme Counsell : Madame, c'est clair qu'avec les maladies les plus sévères, c'est absolument nécessaire d'avoir premièrement le diagnostic, et après les médicaments et après toutes les autres interventions, telles les aides à la maison, dans la communauté et au travail. Par exemple, une personne souffrant de schizophrénie, doit absolument avoir des médicaments. Les médicaments les plus modernes, mais de temps en temps, il y a peut-être trop de différents médicaments.
Mme Édouardine Boudreau : Oui, mais moi je parle de cas vécus, ils doivent prendre des médicaments, je suis d'accord avec vous, mais 29 médicaments? Il y a quelque chose qui ne marche pas. Je ne suis pas spécialiste dans ce domaine.
Le sénateur Trenholme Counsell : Vingt-neuf différents médicaments ou 29 pilules?
Mme Édouardine Boudreau : Vingt-neuf qu'il prend dans la journée. Il doit en avoir, je ne sais pas, qu'il va prendre à différents temps. Je ne lui ai pas demandé, mais il m'a juste dit qu'il prenait 29 pilules par jour.
Mme Monette Boudreau : J'ai la même chose à dire. Si quelqu'un commence à l'adolescence, il passe par la psychothérapie. Je crois beaucoup dans la psychothérapie. Un psychologue qui pourrait te parler et avec qui tu parlerais de tes problèmes, de ce que tu as à améliorer, soit ton estime de soi, toutes tes capacités, ensuite, il y aurait un psychiatre qui donnerait des médicaments selon le degré de maladie mentale. Si la personne est schizophrène, qu'elle a des hallucinations sévères, bien, les médicaments pourraient les contrôler. Mais après un élan, il pourrait les diminuer éventuellement. Moi, dans mon cas, à 19 ans, quand j'ai été en urgence, il m'a donné les nouvelles pilules. C'était les Anafranil. C'est un anti-psychotique, et des stélasines. J'en prenais 11 à 12 par jour. Maintenant, j'ai diminué à quatre par jour. Je prends deux, trois anti-dépresseurs puis je prends un psychotique. C'est bien comme ça, je ne veux pas les arrêter. J'y ai déjà pensé, mais je ne veux pas, parce que c'est comme de l'insuline. Moi, c'est dans le cerveau, chimiquement il y a un déséquilibre, alors j'ai besoin de sératonine, j'ai besoin des anti-dépresseurs pour me sentir bien.
Le sénateur Trenholme Counsell : Mais madame, ma question était : est-ce que c'est mieux que dans la province en 2004 en comparaison avec les années passées? C'est mieux pour les personnes avec des maladies mentales ou non?
Mme Monette Boudreau : Bien moi, j'ai trouvé beaucoup de ressources. Il y a beaucoup de ressources dans la communauté. Tu as juste besoin de regarder dans le bottin, ou il y a des affiches partout, puis il y a des groupes de support. Je vais chez Eugène régulièrement, puis j'assiste à ses activités, par exemple ce soir, il y a un projet qu'il donne. C'est 13 $ par visite. Tu vas voir pour une heure une personne qui a une maladie mentale, comme moi, je peux aller voir une autre personne, et il te donne 13 $. Il faut que tu remplisses un formulaire, puis il te donne 13 $ pour cette visite, ce qui aide financièrement, puis c'est bon. Tu rencontres des gens puis tu fais des choses. C'est bon.
Le sénateur Pépin : Pour les deux personnes?
Mme Monette Boudreau : Oui. Les deux personnes.
Le sénateur Pépin : Puis pour l'autre personne?
Mme Monette Boudreau : Oui.
Le sénateur Pépin : Cela lui fait du bien, mais à la personne qu'elle va voir aussi. C'est un échange de bons services entre les deux.
Mme Monette Boudreau : Oui. Je pense que c'est plutôt pour les jeunes. Moi, je pense que pour les adolescents, la transition c'est la période la plus difficile. Il devrait y avoir plus de prévention, parce que c'est dans cette période que commence la schizophrénie ou la dépression. Pas certainement la dépression, mais surtout pour la schizophrénie, c'est jeune adolescent, jeune adulte.
J'étais dans le groupe Retour aux Sources, qui a commencé à Rimouski, à Québec. C'est maintenant le Village des Sources, et ils ont cinq maisons à Saint-Blandine, à Rimouski. Les Frères Sacré-Coeur ont commencé ce programme, ils font des camps pour les jeunes de 13 à 19 ans sur l'estime de soi. Ils ont un camp assez structuré. On avait commencé ce camp ici à Moncton et c'est bon pour les jeunes. Ils arrivent le vendredi soir et ils s'en retournent le dimanche, ils font un témoignage, et le camp est structuré. C'est fait par Rimouski. Je n'y participe plus parce que nous autres, on avait la religion qu'il fallait qu'on débatte aussi.
[Traduction]
Le sénateur Trenholme Counsell : Madame McFarlane et monsieur LeBlanc, la situation est-elle meilleure dans les grandes villes de Moncton et de Saint John ou ne lepensez-vous pas? Vous êtes sur le terrain; vous voyez les gens. Est-ce que cela s'améliore ou est-ce que ça n'a pas beaucoup changé ou encore empiré?
Mme MacFarlane : Je crois que le problème est plus important à Saint John. Je suis dans le secteur de la santé mentale depuis environ 20 ans et à la fin des années 80, il y avait des tas de bons services et d'améliorations et les choses se passaient assez bien, puis nous avons eu les terribles années 90 de « compressions ». Nous avons dû traverser cela et voir supprimer beaucoup de services. Les listes d'attente se sont rallongées. Les services nécessaires ne sont pas suffisamment financés.
Par exemple, un gros problème, à mon avis, est qu'autrefois la province offrait des services de soutien aux personnes handicapées et que nous pouvions obtenir de l'argent pour les gens qui avaient des problèmes de santé mentale afin qu'ils puissent suivre des cours, aller à l'école. Cela a été complètement éliminé si bien que ces gens-là ne peuvent pas se tenir au niveau de la technologie moderne. Ce qui est nécessaire pour la santé mentale, ce sont les frais de scolarité car, premièrement, étant donné les problèmes qu'ils ont connus, ces gens-là ont épuisé les possibilités deprêts-étudiants ou parce que la crainte de devoir de l'argent les rend tellement malades qu'ils renoncent à suivre des études. C'est un très gros problème et il semble que l'administration ne reconnaisse pas que c'est là un obstacle à l'emploi des consommateurs de soins de santé mentale.
Il faut comprendre que les gouvernements sont bien prêts à payer des services d'interprétation pour les sourds ou la technologie nécessaire pour les aveugles, et cetera. C'est tout à fait acquis. Toutefois, lorsqu'il s'agit de cette intervention particulière qui est nécessaire pour les personnes atteintes de maladies mentales, on la refuse, même si c'est ce qui est crucial. Ces clients méritent certainement de pouvoir réessayer, même s'ils ont échoué par le passé. Nombre d'entre eux à l'époque ne prenaient pas les médicaments voulus ou ne prenaient pas de médicaments parce qu'ils n'avaient pas encore été diagnostiqués. Ensuite, après avoir obtenu certains services et être parvenus à un certain équilibre dans leur vie qui leur permettrait de reprendre des études ou une vie normale, ils n'ont pas les moyens de le faire. C'est pratiquement un cercle vicieux. Ils entrent et sortent du système plutôt que d'en sortir pour de bon.
Je sais que c'est un des gros problèmes de la santé mentale à l'heure actuelle, car nous n'offrons pas cette intervention qui permettrait aux intéressés de bénéficier d'une meilleure qualité de vie. Ils attendent toujours, et je le répète, beaucoup des services qui existaient autrefois n'existent plus. À un moment, il y a eu un grand forum sur les transports et l'on avait discuté du transport des malades mentaux dans la ville de Saint John et, certainement, pratiquement partout au Nouveau-Brunswick puisque la province est essentiellement rurale. Le problème des transports est réel. On ne peut pas aller à pied de l'est à l'ouest de Saint John. Cela fait plus de 10 milles de distance. C'est trop loin pour aller travailler ou pour aller à un rendez-vous ou autre. Et pour quelqu'un qui est assisté social, prendre l'autobus coûte cher. On avait donc même parlé d'offrir ce genre d'assistance mais, avec les coupures, rien n'a été fait à cet égard. Les services qui devraient exister n'existent tout simplement pas.
La liste d'attente, bien sûr, pour la clinique de santé mentale, est beaucoup trop longue. J'ai un client en ce moment qui n'a pas reçu les services depuis cinq mois et, comme il a perdu sa mère, il a besoin d'encore plus de services maintenant. Voilà cinq mois qu'il attend; il n'a trouvé personne pour s'occuper de lui et il est dans le système depuis 15 ans. Il y a donc certainement une pénurie de services. C'est la situation dans notre région.
M. LeBlanc : Je répondrai à votre question en disant trois choses. En 1987, lorsque l'on a commencé à dire dans la province que l'on allait aider les consommateurs de soins de santé mentale où les clients de tels services à mettre au point leurs propres services et programmes d'aide, beaucoup se sont opposés au concept. Je me souviens de ma propre expérience quand j'ai voulu ouvrir un centre d'entraide et, j'ajouterai, le faire en français. J'ai fait face à beaucoup d'opposition parce qu'on a déclaré : « Il n'y aura pas de professionnels autour. Pouvez-vous réellement faire cela seul? » Nous avons fait la sourde oreille, nous nous sommes entêtés, nous n'avons pas écouté les sceptiques et 18 ans plus tard, me voici, c'est un concept qui a été accepté. Donc, à cet égard, la situation s'est améliorée car on a enfin reconnu que les clients de services de santé mentale peuvent faire les choses eux-mêmes, pour eux-mêmes et prendre leurs propres initiatives.
Pour la province, je dirais que ces dernières années, la situation s'est plutôt détériorée. C'est l'incurie. On piétine. Le budget principal de cette année prévoit pour la santé mentale, au Nouveau-Brunswick, une augmentation de 4 millions de dollars. Il sera intéressant de voir comment sont répartis ces 4 millions.
Le sénateur Trenholme Counsell : Quel pourcentage de cette augmentation touche le budget de la santé mentale?
M. LeBlanc : Je ne suis pas sûr. Je dis simplement que l'on va passer de 57 à 61 millions de dollars. Au niveau provincial, on n'a pas augmenté les budgets. On a fait un peu la sourde oreille à ce que nous demandions, et cetera.
Quant à la société dans laquelle nous vivons, et je reviendrai à ce qui est mentionné dans le troisième rapport au sujet du traitement des enfants, nous vivons dans une société aujourd'hui qui tient absolument à étiqueter les gens, à les diagnostiquer, à les envoyer dans des hôpitaux, à leur donner des pilules, à les enfermer dans un coin en les appelant quelque chose qui nous rend plus à l'aise. Je ne pense pas que ce soit une bonne façon de faire. C'est coûteux et cela n'aide pas les gens qui ont des problèmes. Je suis absolument sûr que beaucoup de gens que l'on diagnostique sont tout simplement des gens qui meurent d'ennui; ils vivent dans une pauvreté terrible, ils sont sans logis et nous ne nous en inquiétons pas. Par contre on est prêt à leur donner des pilules, à les diagnostiquer. À mon avis, ce sont des choses auxquelles il faut remédier. Il faut changer cet état d'esprit.
Le président : Merci beaucoup à vous tous d'être venus ce matin. Nous vous savons vraiment gré d'avoir pris le temps de venir témoigner.
La séance est levée.