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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 16 - Témoignages du 31 mai 2005 - Séance du matin


WINNIPEG, le mardi 31 mai 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 heures pour examiner la santé mentale et la maladie mentale.

Le sénateur Wilbert J. Keon (président suppléant) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président suppléant : Honorables sénateurs, notre premier témoin de la matinée est Carol Hiscock, de l'Alliance pour la maladie mentale et la santé mentale au Manitoba.

Madame Hiscock, nous aimerions que vous nous présentiez votre exposé et que, par la suite, vous répondiez à nos questions.

Mme Carol Hiscock, membre, Alliance pour la maladie mentale et la santé mentale au Manitoba : Merci, sénateur Keon et honorables membres du comité. Je suis la directrice générale de la Division du Manitoba de l'Association canadienne pour la santé mentale. Je fais également partie de l'Alliance pour la maladie mentale et la santé mentale au Manitoba, que je représente aujourd'hui. Malheureusement, je suis ici pour représenter la personne qui était ici pour représenter l'Alliance à la dernière réunion, qui elle-même était ici pour représenter le président, mais qui n'était pas le président. Je suis la deuxième remplaçante, le deuxième violon.

Merci d'avoir donné à l'Alliance la possibilité de commenter le rapport Problèmes et options du comité. Nous sommes heureux que vous nous ayez invités à formuler des observations générales relativement aux travaux de votre comité, d'après le point de vue privilégié de l'Alliance au Manitoba.

L'Alliance pour la maladie mentale et la santé mentale au Manitoba est l'homologue provincial de l'Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale, qui a déjà présenté des observations au comité. L'Alliance au Manitoba est une coalition de 12 groupes professionnels, centres de service de santé mentale et de traitement de la toxicomanie et organismes d'entraide. J'ai inclus une liste de nos membres ainsi que la mission, la vision, les valeurs et les principes de l'Alliance dans le dossier que nous vous avons distribué.

Le plus important, et ce qui nous intéresse le plus, dans le cas de la scène fédérale, c'est que nous voulons qu'on crée et mette en œuvre un plan d'action national. Il n'y a pas de plan provincial relativement à la maladie ou à la santé mentale au Manitoba, et nous nous attendons à ce que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership pour établir un cadre qui aiderait chaque province et chaque territoire à élaborer son propre plan personnalisé afin de répondre aux besoins des Canadiens et des Canadiennes, quel que soit l'endroit où ils vivent. C'est sur ce point que nous voulons insister au cours de la présente réunion. Les Canadiens ont besoin d'un plan d'action national sur la maladie mentale et la santé mentale, et ils en méritent un.

À l'échelle provinciale, des données recueillies récemment par le Centre d'élaboration et d'évaluation de la politique des soins de santé du Manitoba révèlent que, de 1997 à 2002, plus de un Manitobain sur quatre souffrait d'au moins une maladie mentale qui avait été diagnostiquée. Au cours de cette période, cette proportion a compté pour près de la moitié du nombre de journées que la population a passé dans les hôpitaux de notre province. De plus, en ce qui a trait au nombre élevé de jours que les gens chez qui on a diagnostiqué une maladie mentale ont passés à l'hôpital, la plupart des personnes admises à l'hôpital ont été hospitalisées pour des raisons de santé physique, et non pas de santé mentale. Ces données nous font à tous comprendre que, si nous poursuivons nos activités sans nous doter d'un solide plan national pour la maladie mentale et la santé mentale, nous nous exposons à d'énormes coûts financiers et humains.

En ce qui concerne d'autres questions énumérées dans le troisième rapport du comité, l'Alliance appuie l'approche qu'on examine actuellement dans le système de santé général, c'est-à-dire l'amélioration des soins interdisciplinaires. Selon nous, c'est la seule façon de faire. L'initiative s'appuie sur l'idée selon laquelle on doit abattre les cloisons et que les équipes coopératives interdisciplinaires constituent le meilleur modèle de gestion des problèmes relatifs à la santé.

Nous adoptons donc une approche semblable : nous recommandons à votre comité de cautionner avant tout des initiatives qui emploient des équipes interdisciplinaires en santé mentale, ainsi que les équipes interdisciplinaires de soins de santé qui font appel à des spécialistes en santé mentale.

De plus, on doit inclure les bénéficiaires, leur famille et la collectivité dans son ensemble pour s'assurer que les services et les programmes offerts sont vraiment axés sur les bénéficiaires et reçoivent leur aval. Si on permet à des bénéficiaires et à des membres de leur famille de faire office de conseiller ou de faire partie des conseils d'administration, on contribue à élargir le soutien des programmes et des services interdisciplinaires, et on s'assure qu'ils restent sur la bonne voie en exigeant qu'ils garantissent la satisfaction continuelle des bénéficiaires ainsi que l'engagement de la famille et de la collectivité.

En outre, grâce à cette approche, on est certain que tout nouveau projet qui pourrait survenir sera accueilli favorablement et de façon généralisée. À notre avis, on s'assurera ainsi l'approbation de bien des publics différents.

Ainsi, nous recommandons au gouvernement fédéral de réserver son appui à de nouvelles initiatives qui adoptent une approche anti-cloisonnement en faisant appel à des équipes interdisciplinaires surveillées par les bénéficiaires, leur famille et des membres de la collectivité, afin de garantir la responsabilisation.

L'Alliance s'intéresse également beaucoup au dépistage et à l'intervention précoces. Au Manitoba, un certain nombre de programmes et de projets en cours consistent à offrir des programmes de prévention fondés sur des données probantes à un grand nombre de gens. J'ai regardé dans votre site Web et j'ai remarqué que, demain, vous entendrez les témoignages de représentants de certains de ces programmes.

Quant à ce que le gouvernement fédéral devrait faire pour soutenir des programmes d'intervention précoce, l'Alliance recommande d'acheminer l'argent aux gouvernements provinciaux et territoriaux. Je n'ai probablement pas besoin de mentionner l'initiative que le Manitoba espère mettre de l'avant, l'initiative de prévention des maladies chroniques, un lien entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral relativement à la prévention des maladies chroniques, et qui toucherait des problèmes de santé mentale et des maladies mentales.

L'approche habituelle qu'adopte le gouvernement fédéral, c'est-à-dire de consentir des fonds pour un projet pilote ou un projet de démonstration, n'est pas recommandée. Trop souvent, ces bonnes initiatives disparaissent de la carte dès qu'elles ne reçoivent plus de financement du gouvernement fédéral. Dans une collectivité, lorsqu'on arrive enfin à faire accepter une initiative et à obtenir la participation active de la famille et des bénéficiaires, le projet de démonstration de trois ans ou de cinq ans est terminé, et il n'est pas renouvelé; ça donne un bien triste tableau.

Encore une fois, l'Alliance recommande que l'on prouve que les programmes envisagés sont efficaces, interdisciplinaires, bénéficient d'un appui solide de la part des bénéficiaires, de la famille et de la collectivité, et mettent l'accent sur la prévention de la maladie, la promotion de la bonne santé mentale et/ou la guérison.

Il faut également déployer des efforts pour s'assurer que le comité consultatif représente la composition culturelle de la collectivité et compte des membres qui possèdent les compétences requises pour examiner les services destinés aux enfants, aux jeunes, aux adultes et aux personnes âgées.

Nous sommes une vaste province sur le plan de la disparité régionale et de la composition culturelle; lorsqu'on élaborera les programmes, il faudra tenir compte de chacun de ces facteurs.

Troisièmement, le gouvernement fédéral peut contribuer beaucoup à réduire la stigmatisation dont sont victimes les personnes qui cherchent à obtenir de l'aide pour des problèmes de santé mentale. Il pourrait entre autres lancer une campagne de sensibilisation du public dans laquelle on insisterait sur l'importance de prendre soin de sa santé mentale aussi bien que de sa santé physique. Vous avez peut-être vu la campagne de mise en forme physique et mentale que l'ACSM a lancée récemment au début du mois de mai. C'est un exemple de ce qui, selon nous, constitue une bonne campagne de sensibilisation du public et qui aide les gens à faire le lien entre santé mentale et santé physique. Nous recommandons fortement d'intégrer la santé mentale au vocabulaire général d'une campagne parrainée par le gouvernement fédéral.

Notre mission est simple. L'Alliance pour la maladie mentale et la santé mentale au Manitoba a pour mission de faciliter et de promouvoir l'établissement et la mise en œuvre d'un plan d'action manitobain sur la maladie mentale et la santé mentale qui reflète une vision provinciale partagée : répondre aux besoins des personnes aux prises avec une maladie mentale et améliorer la santé mentale de tous les Manitobains. Notre travail sera grandement facilité si le comité élabore et met en œuvre un cadre pour l'établissement d'un plan d'action national.

Merci de ce que vous faites. Nous attendons impatiemment votre rapport final.

Le président suppléant : Merci beaucoup. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la relation entre les homologues provinciaux et les homologues nationaux dans l'organisation de l'Alliance pour la santé mentale, à l'échelle nationale? Je voudrais en savoir plus parce que, comme vous, je crois que tout le monde espère mettre de l'avant une stratégie nationale, un plan d'action national et ainsi de suite. Certaines de ces organisations disposent déjà de l'infrastructure nécessaire à ce genre de discussion, si on peut leur fournir les ressources dont elles ont besoin, et ainsi de suite.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la façon dont fonctionne cette organisation? Par le passé, j'ai occupé divers postes au sein de la Fondation des maladies du cœur, à divers endroits au pays, dans toutes ses divisions provinciales, et dans l'organisation nationale. J'ai siégé au conseil d'administration nationale et ainsi de suite, ainsi qu'au conseil d'administration de l'Ontario, et j'ai donc une bonne idée de la façon dont fonctionnent ces organisations, mais j'aimerais savoir comment la vôtre fonctionne.

Mme Hiscock : Sénateur Keon, j'ai une expérience semblable au sein de la Société canadienne du cancer, et je peux vous dire que l'Alliance est différente de ce que nous avons vécu, vous et moi, en tant que bénévoles. J'aimerais également mentionner que John Borody et Annette Osted sont ici tous les deux, et qu'ils font également partie de l'Alliance au Manitoba. Comme c'est probablement moi qui ai joint le plus tard les rangs de l'Alliance au Manitoba, si je ne relate pas les faits de façon exacte, je suis certaine qu'ils me corrigeront, si ça ne vous dérange pas.

L'Alliance, sur le plan fédéral, dirige toutes nos organisations à l'échelle nationale. Nous sommes représentés à l'Association canadienne pour la santé mentale par l'entremise du bureau national. Penny Marrett est notre directrice générale nationale. Elle représente ACSM dans tous le pays, aux réunions de l'ACMMSM ou à celles de l'Alliance nationale.

Nous ne sommes pas aussi structurés que la Fondation des maladies du cœur, la Société canadienne du cancer ou d'autres grandes organisations bénévoles qui obtiennent l'aide financière d'organismes de partout au pays. Nous ressemblons davantage à une organisation comme la Coalition canadienne des organismes bénévoles en santé, qui est une organisation encore jeune, qui existe peut-être depuis trois ou cinq ans, et qui examine les travaux des organismes bénévoles en santé des quatre coins du pays.

Nous sommes beaucoup moins structurés que certains organismes bénévoles en santé qui existent depuis longtemps.

Est-ce que je peux demander à Mme Osted de formuler un commentaire?

Mme Annette Osted, directrice exécutive du Collège des infirmières et infirmiers psychiatriques autorisés du Manitoba : Je représente l'Association des infirmières et infirmiers psychiatriques autorisés du Canada au sein de l'Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale, l'ACMMSM, l'organisme national. Ici, au Manitoba, je représente notre organisation provinciale.

L'ACMMSM n'a pas de divisions provinciales, si vous voulez. L'Alberta, le Manitoba et, je pense, la Colombie-Britannique, ont maintenant établi des alliances provinciales dans les domaines de la maladie mentale et de la santé mentale afin d'établir des plans d'action provinciaux sur la santé mentale, même si elles ne sont pas affiliées officiellement à l'ACMMSM, excepté que nous partageons les mêmes objectifs, quoique à différents niveaux.

Le président suppléant : Vos organisations, je présume, disposent de suffisamment de souplesse, de sorte que les organisations provinciales n'ont pas à se conformer en tous points au plan d'action de l'organisation nationale?

Mme Osted : Nous ne sommes pas nécessairement obligés, mais nous le faisons. Le seul but de notre existence est de nous aligner sur les objectifs de l'ACMMSM, bien que ce soit à l'échelle provinciale. Cependant, nous avons les mêmes objectifs; nous travaillons à des plans d'action provinciaux en santé mentale.

Le sénateur Pépin : Vous avez dit que vous préféreriez qu'il n'y ait plus d'étude pilote et que l'argent soit versé aux provinces. Avez-vous une orientation ou un programme spécifique auquel vous aimeriez que le gouvernement participe dans la province, dans le domaine de la maladie mentale? Disons que vous avez un projet pilote et que nous disons « non » à ce projet pilote. J'imagine que, après deux, trois ou cinq ans, s'il n'y a plus d'argent, tout part en fumée. Quelles recommandations aimeriez-vous que nous formulions quant à l'usage de cet argent?

Mme Hiscock : Au sein du gouvernement manitobain, au sein de Santé Manitoba et au sein des portefeuilles de la Vie saine, la Direction de la santé mentale s'occupe de santé mentale et de toxicomanie. Je crois que ce portefeuille pourrait mener certaines possibilités au Manitoba. Le Manitoba s'aligne sur ses offices régionaux de la santé dans toute la province, et, par conséquent, ils ont tout le loisir de déterminer leurs priorités dans le système de santé et dans leurs régions. Mais on en arrive à se demander quelle est la priorité provinciale, quelle est la priorité régionale, et en quoi elles sont compatibles. Cependant, je pense vraiment que c'est en obtenant la participation de la famille, du bénéficiaire et de la collectivité, à tous les niveaux de la planification, qu'on commence à régler tous les problèmes, y compris les problèmes de compétence.

Le sénateur Pépin : Nous pensons que la meilleure façon de faire, c'est d'intervenir à un jeune âge. Nous devons également permettre à ces gens de rester dans leur famille, et leur donner un emploi. Après cela, ils seront entourés, et espérons que ce sera accepté.

Après ça, vous avez dit que ça devient une campagne de sensibilisation du public. J'imagine que nous sommes tous d'accord pour dire que notre campagne de sensibilisation à l'alcool au volant a vraiment sensibilisé beaucoup, beaucoup de gens. Ensuite, nous devrions nous attaquer à quelque chose comme ça et — je suis francophone, donc, j'essaie toujours de traduire en anglais — l'éducation du public pour sensibiliser tout le monde à cette difficulté. Lorsque les gens disent être aux prises avec un problème de santé mentale ou connaître quelqu'un qui a un tel problème, ce serait fait au grand jour, et ce serait beaucoup, beaucoup plus facile pour tout le monde de composer avec la maladie mentale.

Mme Hiscock : Je crois que plusieurs campagnes nationales ont porté fruit. Il y a eu la campagne, dans les années 80, qui visait la création d'une génération de non-fumeurs, et elle est toujours en cours. Cependant, l'éducation et la sensibilisation au danger du tabagisme ont eu, grâce à l'éducation du public, un impact énorme.

La campagne Participaction des années 90 a eu, elle aussi, un impact énorme. Nous, le public, nous savons comment utiliser la ceinture de sécurité grâce à certaines publicités davantage provinciales que fédérales; les campagnes d'information publique fonctionnent.

Je suis nouvelle dans le domaine de la santé mentale. Je travaille pour l'ACSM depuis seulement sept mois. Cependant, j'ai travaillé longtemps, surtout dans le nord du Manitoba, à m'occuper des problèmes auxquels la femme est confrontée dans les soins de santé. Je suis profondément attristée par le fait que la santé mentale s'assortit d'une telle stigmatisation, alors que ce n'est pas le cas de bien d'autres maladies et affections. C'est à ça que nous devons travailler. Il faut que, passez-moi l'expression, les gens sortent du placard et que la maladie mentale soit considérée comme quelque chose de parfaitement normal. Ensuite, on pourra dire, dans une campagne d'éducation, où ils peuvent obtenir de l'aide et quel genre d'aide ils peuvent obtenir.

Le sénateur Pépin : Dans votre exposé, vous avez parlé de ressources humaines. Vous avez dit qu'on a mis au point un modèle selon lequel les professionnels sont intégrés dans un grand service, et que cela accroît l'accessibilité des services. Vous avez mentionné également que les gens qui doivent consulter pour un problème de santé mentale devraient obtenir les mêmes services que d'autres personnes qui cherchent, par exemple, un médecin ou un autre spécialiste en médecine. L'accessibilité, c'est important, et on devrait offrir des services de santé mentale dans chaque clinique.

Mme Hiscock : L'accès aux services au Manitoba constitue un défi de taille. Je suis certaine que c'est quelque chose qui suscitera des commentaires de la part des représentants de la Fondation manitobaine de lutte contre l'indépendance. Nous ne sommes pas comme n'importe quelle autre province. Nous avons un centre principal, et c'est Winnipeg. Ensuite, nous avons une ville presque aussi grande, Brandon, à 120 milles de là, mais dans le sud du Manitoba. Le reste de la province est pratiquement démuni au chapitre de l'accès à de bons services professionnels. Soit le taux de roulement du personnel est trop élevé, soit les collectivités sont si petites qu'elles sont incapables d'attirer des professionnels. L'accès aux services pour les Manitobains constitue un énorme dossier. Il faut trouver une bien meilleure façon de modeler les professions dans les collectivités à l'extérieur de la ville.

Le sénateur Pépin : Ont-ils les mêmes problèmes pour ce qui est de l'accès aux médicaments pour les personnes qui souffrent d'une maladie mentale? Est-ce que tout est couvert par le régime d'assurance-maladie?

Mme Hiscock : Oui, les médicaments sont couverts par le régime d'assurance-maladie, ou par le système fédéral pour n'importe laquelle des autres populations de la collectivité.

Mme Osted : Mais il y a encore un problème. Il y a des gens qui prennent des médicaments pour un problème de santé mentale. S'ils bénéficient de services sociaux, leurs médicaments sont couverts. Cependant, s'ils travaillent, les médicaments ne sont pas couverts. Ils ont un choix à faire : ne pas travailler, et les médicaments sont couverts, ou travailler, et payer leurs médicaments, qui coûtent cher. C'est un vrai dilemme. Dans un cas comme dans l'autre, la personne touchée est perdante.

Le président suppléant : À moins que le sénateur Johnson et le sénateur Gill ne soient pressés de poser leurs questions, je demanderais à Mme Osted de nous présenter son exposé. Nous allons écouter un exposé à la fois, nous réserver du temps pour quelques courtes questions tout de suite après l'exposé, et ensuite, nous allons obtenir une discussion ouverte, à la fin, pour effectuer un remue-méninges. Est-ce que ça vous convient, sénateur Gill et sénateur Pépin?

Le sénateur Pépin : C'est parfait.

Le sénateur Johnson : J'imagine que nous pourrions leur demander de les réserver toutes pour la fin?

Le président suppléant : Pas nécessairement, mais j'aimerais qu'on amorce une discussion générale à la fin de tous les exposés, si c'est possible.

Mme Dawn Bollman, présidente, Collège des infirmières et infirmiers psychiatriques autorisés du Manitoba : Bonjour, je m'appelle Dawn Bollman, et je suis la présidente du Collège des infirmières et infirmiers psychiatriques autorisés du Manitoba, le CIIPAM. Je suis accompagnée d'Annette Osted, directrice exécutive du Collège.

Merci de m'avoir invitée à venir examiner avec vous, ce matin, la santé mentale et la maladie mentale. Nous sommes ravies que le comité examine cette question de la plus haute importance, et nous sommes également heureuses que vous rencontiez des gens aux quatre coins du pays.

Notre mémoire fait une dizaine de pages, et nous ne le lirons pas en entier, mais nous allons en souligner les points forts.

Le Collège des infirmières et infirmiers psychiatriques autorisés du Manitoba a pour mission d'assurer l'exercice sûr et efficace de la profession d'infirmière ou d'infirmier psychiatrique pour le public.

Par conséquent, nous avons des préoccupations légitimes quant à la discrimination faite contre les personnes qui sont aux prises avec une maladie mentale ou des problèmes affectifs; aux disparités entre l'affectation des ressources pour les problèmes de santé mentale et l'affectation des ressources pour les problèmes de santé physique; à l'absence d'équité sur le plan des services de santé mentale entre les régions; à l'absence de services complets pour les Autochtones; et à l'absence de programmes de prévention et de promotion de la santé mentale.

Les infirmières et infirmiers psychiatriques se préoccupent de la santé holistique des personnes, des groupes, des familles et des collectivités. Notre expertise concerne la santé mentale et la santé du développement, ainsi que les troubles relatifs à la santé de la population.

Les infirmières et infirmiers psychiatriques ont commencé à être formés comme une profession distincte au Canada en 1920. Ils constituent le plus important groupe de professionnels en santé mentale au Manitoba et dans l'Ouest canadien.

La planification de quelque service de santé que ce soit doit comprendre la planification de ressources humaines appropriées pour la prestation du service. Dans tout le système de santé, nous voyons que les ressources humaines, que ce soit des infirmières et infirmiers autorisés, des médecins, des pharmaciens ou des techniciens, posent problème.

Ce problème est exacerbé en santé mentale, parfois simplement parce que les questions relatives à la santé mentale restent invisibles. On oublie souvent les ressources humaines en santé mentale.

Le Collège travaille en partenariat avec d'autres organisations au Manitoba, par l'entremise de l'Alliance pour la maladie mentale et la santé mentale au Manitoba, afin de promouvoir l'élaboration d'un plan d'action provincial pour la santé mentale. Nous sommes de tout cœur avec l'Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale lorsqu'elle demande qu'on mette en œuvre un plan d'action national pour la santé mentale.

Nous avons envoyé notre mémoire, et c'est pourquoi nous allons axer nos commentaires sur ce qu'on pourrait inclure, selon nous, dans un plan d'action national pour la santé mentale.

Mme Osted : Nous croyons que les plans d'action provincial et national devraient comprendre un solide plan de promotion de la santé mentale fondé sur les déterminants de la santé mentale. Il est évident que la maladie mentale et les problèmes de santé mentale ont d'importantes répercussions sociales aussi bien que physiques. Pour assurer la viabilité de notre système de santé pour les générations futures, on doit mettre davantage l'accent sur la santé, y compris sur la santé mentale de notre population.

Nous pensons que le leadership fédéral et la collaboration du gouvernement canadien avec les provinces et les territoires sont nécessaires à l'élaboration d'un plan d'action national sur la santé mentale. La prestation des services de santé est une compétence provinciale, mais il a été prouvé, par le passé, que le leadership fédéral peut avoir un impact considérable. Si les administrations fédérale, provinciales et territoriales unissent leurs efforts, leur efficacité peut-être au moins triplée.

Nous estimons qu'il faut inclure plus de matière sur la promotion de la santé mentale dans les programmes d'études de tous les professionnels en santé mentale. Jusqu'ici, leur programme d'études met l'accent sur la maladie. C'est compréhensible, et on ne doit pas perdre cette orientation. Cependant, il faut ajouter de la matière afin d'insister sur la promotion. Certains programmes d'études peuvent offrir des options de spécialisation en promotion de la santé mentale. Les professionnels en santé mentale actuels doivent avoir la possibilité d'en apprendre davantage sur ce que chacun peut faire dans le domaine de la promotion. Cette approche soutient la prestation de services coopérative dont a parlé Mme Hiscock.

Nous croyons que les personnes qui sont aux prises avec une maladie mentale ou un problème de santé mentale ont droit à des soins et à des services d'aussi bonne qualité que ceux qui sont offerts aux personnes qui souffrent d'une maladie ou d'un problème physique. En tant que société, nous n'accepterions jamais qu'une procédure ou un service complexe soit offert à une personne qui souffre d'une maladie physique à moins que le fournisseur ait les compétences requises pour le faire.

Le counselling offert à une personne qui souffre d'une maladie mentale, ou à une personne suicidaire, n'est pas toujours perçu comme un processus complexe. C'est un processus complexe, et ça exige une préparation approfondie. Il devrait y avoir partout dans le pays des programmes d'études qui permettraient de bien préparer les fournisseurs de services de santé mentale.

Nous pensons que les provinces doivent collaborer au chapitre de la préparation des étudiants à la maîtrise et au doctorat en soins infirmiers psychiatriques. On a besoin d'infirmières et d'infirmiers psychiatriques exerçant à un niveau avancé, et il y a une pénurie de programmes de formation dans ce domaine au Canada. On n'effectue pas suffisamment de recherches sur la prestation de services de santé mentale de première ligne au Canada. La pratique doit se fonder sur des données probantes. Il faut planifier la relève des ressources humaines en santé mentale, et on a besoin de programmes de formation d'enseignants et de chercheurs pour assurer l'avenir de la profession.

Nous parlions plus tôt de la pénurie de professionnels dans les régions rurales et éloignées. Ce qui se passe, et nous en parlons un peu plus dans notre mémoire, c'est que les infirmières et infirmiers psychiatriques constituent les ressources en santé mentale dans des régions rurales et éloignées. Ils consultent souvent des psychiatres par téléphone, ou peut-être une fois par mois lorsque le psychiatre prend l'avion pour aller faire une visite. Nous devons aider ces personnes à offrir ces services avec compétence et confiance.

Nous pensons que le groupe de fournisseurs de services le plus important, ce sont les familles, et que les groupes d'entraide constituent un soutien important pour les personnes qui souffrent d'une maladie mentale. Au Manitoba, l'efficacité des groupes d'entraide est éprouvée. Ce sont des alliés des professionnels en santé mentale pour les malades et leur famille. Les groupes d'entraide doivent continuer de faire partie du système et de consacrer du temps à aider leurs membres, plutôt que d'investir temps et ressources pour la collecte de fonds. On devrait leur confier la responsabilité de dispenser les services. On doit protéger leurs approches individuelles.

Nous croyons qu'il doit y avoir des ressources en santé mentale appropriées dans les écoles élémentaires et secondaires. Les écoles constituent le milieu idéal où l'on peut commencer à promouvoir la santé mentale et cerner les problèmes potentiels le plus tôt possible. Il a été prouvé que l'intervention précoce peut prévenir l'apparition de problèmes plus graves plus tard. Vous en apprendrez beaucoup plus à ce sujet lorsque Margaret Synyshyn vous parlera demain matin de la santé mentale des enfants et des adolescents.

Nous estimons qu'il faut offrir de meilleurs services aux résidents de foyers de soins personnels. Je vieillis, et donc, c'est très important pour moi. On doit s'adapter aux changements de populations dans les foyers de soins personnels en modifiant les services offerts et la façon dont on les dispense. Il y a 30 ans, les résidents des foyers de soins personnels étaient des personnes frêles et des personnes âgées. Aujourd'hui, de 75 à 85 p. 100 de la population des foyers de soins personnels sont des personnes qui souffrent de troubles cognitifs ou de troubles de santé mentale. Cependant, les modèles de dotation des foyers de soins personnels n'ont pas changé depuis les 30 dernières années, du moins au Manitoba. Je ne veux pas être traitée de cette façon. On craint que les foyers de soins personnels ne deviennent le nouvel entrepôt des personnes âgées qui souffrent d'un problème cognitif ou de santé mentale.

Nous pensons que les Autochtones doivent avoir accès à des programmes de promotion de la santé mentale et à des traitements de la maladie mentale appropriés et opportuns. Les Autochtones constituent la population qui croît le plus rapidement en Saskatchewan et au Manitoba. Cependant, des obstacles entre les compétences fédérales et provinciales empêchent toujours l'accès à des services de santé mentale. Les questions relatives à la santé de la population sont cruciales au moment d'assurer la santé, y compris la santé mentale, des Autochtones. Le logement, l'éducation, les loisirs et l'emploi sont tous des facteurs déterminants de la santé.

Mme Bollman : La santé mentale et la maladie mentale doivent être considérées comme des éléments cruciaux d'un système de santé global. La prévention des problèmes de santé mentale et des maladies mentales peut avoir un impact considérable sur le coût de la prestation des services de santé. L'effet des programmes de prévention et des programmes de promotion de la santé mentale ne se fait pas sentir du jour au lendemain. Ils exigent un engagement à long terme, et, par conséquent, ils transcendent le programme politique. Un plan d'action national pour la santé mentale qui répond aux besoins à court terme tout en mettant en œuvre des programmes qui visent à répondre aux objectifs à long terme exige qu'on soit déterminé à assurer le mieux-être des Canadiens et des Canadiennes.

Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de discuter de ce sujet avec vous.

Le président suppléant : Les sénateurs aimeraient-ils poser des questions précises au sujet de cet exposé?

Le sénateur Pépin a déjà été infirmière et a participé activement à tous les aspects imaginables de la profession d'infirmière tout au long de sa carrière.

Le sénateur Pépin : Je suis vieille, moi aussi, et donc, lorsque vous avez parlé de la qualité égale des soins et de l'âge actuel des résidents des foyers de soins, je ne vous ai pas suivi. Vous dites qu'un pourcentage élevé de gens résident dans des foyers de soins, ou quelque chose comme ça. Pouvez-vous répéter ce que vous avez dit?

Mme Osted : Oui. Le Centre d'élaboration et d'évaluation de la politique des soins de santé du Manitoba a effectué une grande étude sur la maladie mentale et les problèmes de santé mentale, et il a publié son rapport en septembre dernier. Dans ce rapport, il a indiqué que, aujourd'hui, jusqu'à 85 p. 100 des résidents des foyers de soins personnels, que nous appelons au Manitoba « maisons de soins infirmiers », où l'on dispense des soins de longue durée, souffrent d'un problème cognitif, d'une maladie mentale, ou ont une maladie mentale qui a été diagnostiquée.

Le sénateur Pépin : Quatre-vingt-cinq pour cent?

Mme Osted : Jusqu'à 85 p. 100; ce pourcentage n'est pas relevé dans tous les foyers de soins personnels.

Le sénateur Pépin : Présentement, vous pensez qu'on ne s'occupe pas bien de ces personnes?

Mme Osted : Nous savons qu'elles bénéficient de bons soins de garde, mais on ne s'occupe pas d'améliorer leur qualité de vie.

Le sénateur Pépin : Est-ce que c'est parce que les gens pensent qu'ils sont âgés, et que c'est de cette façon-là qu'on doit s'occuper des personnes âgées, ou parce qu'ils ne pensent pas qu'ils ont un problème de santé mentale?

Mme Osted : Pendant longtemps, les personnes âgées ont été victimes de discrimination, tout comme les personnes qui souffrent d'une maladie mentale. Si on met ces deux groupes ensemble, le problème se complique.

Je veux souligner que je généralise. Dans certains foyers de soins personnels, on fait des efforts pour régler ce problème. À Brandon, deux foyers de soins personnels disposent d'un infirmier ou d'une infirmière psychiatrique, qui aide le personnel à composer ou à apprendre à composer avec les personnes qui souffrent de la maladie d'Alzheimer, de démence ou de maladies mentales. C'est un bon départ, mais ce n'est qu'un départ. Si vous n'avez qu'un seul infirmier autorisé ou qu'un seul infirmier psychiatrique autorisé pour un bloc de 40 patients qui souffrent de la maladie d'Alzheimer ou d'une maladie mentale, on doit recourir à la contention, et souvent, c'est la contention chimique.

Le sénateur Pépin : Il y a beaucoup d'éducation à faire à cet égard.

Vous avez dit que les infirmiers psychiatriques font ce travail en région, et que le psychiatre s'y rend une fois par mois, ou quelque chose comme ça?

Mme Osted : Dans certaines régions rurales, c'est ce qui arrive. Au Manitoba, nous avons un poste qui s'appelle « travailleur des services communautaires de santé mentale », et, dans les régions rurales, c'est surtout des infirmiers psychiatriques autorisés qui occupent ces postes. Ils se retrouvent à être la personne-ressource des médecins de famille en ce qui concerne les médicaments psychotropes, et ils travaillent avec les écoles, les églises et les clubs philanthropiques pour aider les personnes à réintégrer la collectivité.

Ils constituent le moyen de première intervention, si vous voulez. De plus, ils offrent aux gens un accès direct au système de prestation de services en santé mentale. Les personnes qui souffrent d'un problème de santé mentale sont aiguillées vers ces personnes par la police, les écoles, leurs amis et leur famille. Elles n'ont pas à passer par leur médecin de famille pour voir un infirmier psychiatrique autorisé.

Le sénateur Johnson : De combien de foyers de soins, d'entrepôts parlez-vous? Quel est le pourcentage de la population d'un foyer donné, ici, au Manitoba, qui souffre d'un trouble cognitif, de la maladie d'Alzheimer, ou de quelque maladie que ce soit?

Mme Osted : Pendant longtemps, les personnes âgées qui souffraient d'une maladie mentale, de la maladie d'Alzheimer ou de la démence étaient admises dans les unités psycho-gériatriques de centres de santé mentale ou d'hôpitaux psychiatriques. Cependant, ces grands centres ont fermé, et ces personnes reçoivent maintenant des soins chez elles, dans des foyers de soins personnels, si vous voulez, et donc, il est difficile de dire quel est le pourcentage. Toutefois, nous savons qu'un nombre plus élevé de personnes âgées en perte d'autonomie restent chez elles et ont plus de soutien à cet endroit, et que les gens des foyers de soins personnels, par conséquent, s'occupent davantage de problèmes de comportement, si vous voulez.

Nous savons que un Manitobain sur quatre accède à des services de santé mentale. Je m'appuie sur les données fournies par le Centre d'élaboration et d'évaluation de la politique des soins de santé du Manitoba. J'ai remarqué qu'il vous présentera un exposé demain, et il aura probablement des chiffres plus exacts que ceux que je peux vous donner, mais il a dit que c'est jusqu'à 85 p. 100 dans certains foyers de soins personnels.

Le président suppléant : Lorsque nous entamerons la discussion générale, l'une des choses dont j'aimerais parler, c'est la structure idéale de la prestation des services de santé mentale. Autrement dit, quel est le type idéal d'équipe communautaire et d'installation communautaire, et comment s'intègre-elle aux spécialistes, aux psychiatres, aux infirmiers psychiatriques et aux plus grands établissement qui existent, et ainsi de suite? Cependant, nous allons nous réserver cela pour la fin, et j'aimerais maintenant céder la parole à M. Borody, si vous le permettez.

M. John Borody, chef de la direction, Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances : Merci, Sénateur, et merci de nous avoir invités. Le président de notre conseil d'administration va vous présenter le premier exposé, et je vais répondre aux questions.

M. Jim Robertson, président du conseil d'administration, Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances : Bonjour. Nous sommes ici aujourd'hui pour représenter l'une des organisations de notre province, qui a pour seul mandat de travailler avec les personnes qui sont touchées directement ou indirectement par l'abus d'alcool et d'autres drogues, ainsi qu'avec les personnes qui ont des problèmes de jeu. Aux fins de cet exposé, je vais me concentrer sur le volet de nos activités qui porte sur l'alcool et les drogues.

Lorsque j'utiliserai le terme « drogue » dans mon exposé, j'entendrai par cela l'abus d'alcool et la consommation générale de drogues illicites, car l'usage de n'importe quelle de ces substances est considéré comme un abus.

Au cours des quatre dernières années où j'ai occupé le poste de président du conseil d'administration de la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances, la FMLD, j'en suis venu à comprendre la complexité et la nature diversifiée des dépendances.

Dans votre rapport, vous signalez à quel point il est important de sortir des cloisons perçues et d'examiner les dépendances pour s'assurer que la prestation des services tient compte des besoins des clients. Essentiellement, vous aimeriez que le système soit exploité de façon efficiente, donne des résultats efficaces et soit axé sur le client.

Nous estimons que l'expérience que nous partagerons avec vous ce matin vous fera comprendre que c'est une tâche complexe de dispenser des services à nos clients, étant donné la rareté des ressources. Nous reconnaissons que les besoins des clients qui souffrent de problèmes de santé mentale et de toxicomanie peuvent se chevaucher. En réaction à ce problème, notre organisation a établi des partenariats avec des offices régionaux de la santé au Manitoba, qui sont responsables de la prestation des services de santé mentale. Nous avons travaillé de concert avec eux dans le cadre de la Co-occurring Mental Health and Substance Use Disorders Initiative, la CODI, dans le but d'atteindre deux objectifs principaux.

Premièrement, on évalue tous les clients pour déterminer s'ils souffrent d'un trouble concomitant. Si c'est le cas, on élabore pour eux un plan de soins qui répond à leurs besoins spécifiques. Deuxièmement, le client ne sait pas précisément qui répond à ses besoins.

Ne perdons pas de vue que nos clients qui présentent des symptômes de trouble concomitant ne constituent d'aucune façon la majorité des clients avec qui nous travaillons dans le domaine de la toxicomanie. Un peu plus tard, je vais vous parler de l'initiative CODI. Cependant, avant cela, j'aimerais vous donner une idée de qui nous sommes.

En 1956, un instrument juridique du Manitoba a fait de la FMLD une société d'État. La Fondation a fondé ses premiers programmes sur la philosophie du programme en 12 étapes des Alcooliques Anonymes. Depuis, nous sommes devenus un organisme qui explique la toxicomanie beaucoup mieux par un modèle biopsychosocial.

Je ne vais pas vous faire perdre votre temps en parcourant tous les programmes que nous offrons. Récemment, nous avons examiné nos dépenses, et nous avons constaté que nous dépensons 57 p. 100 de notre budget à la réadaptation, 33 p. 100 à la prévention et à l'éducation, et le reste à d'autres services.

Pour vous donner une idée plus précise de la FMLD, j'ai apporté notre plan d'activités, qui vous donne la liste complète et détaillée de nos services. Nous sommes nouvellement agréés par le Conseil canadien d'agrément des services de santé.

En résumé, notre mission définit notre mandat provincial comme ceci : contribuer à la santé et au mieux-être des Manitobains en luttant contre les méfaits associés aux dépendances par l'éducation, la prévention, la réadaptation et la recherche.

Nous sommes uniques dans le domaine des soins de santé, car nous ne posons pas de diagnostic, nous ne dispensons pas de traitement, et nous ne renvoyons pas les patients chez eux avec un plan de soins.

Je ne parle pas juste de sémantique. Notre méthode consiste principalement à enseigner aux gens à vivre avec leur problème. Nous évaluons où les clients en sont dans leur dépendance envers la drogue, ainsi que l'étape du changement où ils se trouvent. Nous offrons des services de réadaptation et des programmes d'éducation. Nous élaborons des plans de réadaptation en fonction des objectifs spécifiques du client, et nous lui offrons un soutien continu en l'aiguillant vers des services communautaires et des groupes d'entraide. Nous comptons un peu plus de 300 employés qui dispensent des services dans toute la province, dans 26 bureaux.

Comment abordons-nous les dépendances? Les opinions semblent partagées quant aux personnes qui sont touchées par une dépendance. Un grand nombre de participants aux consultations pancanadiennes sur le cadre national d'intervention en matière de consommation de stupéfiants et de dépendance, menées par Santé Canada l'an dernier, ont mentionné que des stigmates sont associés aux dépendances, ce qui fait qu'on ne parle pas beaucoup de ce problème dans les milieux politiques et dans la société en général.

À l'instar des personnes qui souffrent d'un problème de santé mentale, les personnes qui souffrent d'une dépendance projettent une image souvent négative. L'idée que se fait la société des personnes qui souffrent d'un problème de toxicomanie est souvent modelée par sa perception d'organisations comme les Alcooliques Anonymes et les Narcotiques Anonymes, ou des toxicomanes de la rue, qui constituent un groupe marginalisé et visible. Cependant, ces groupes ne représentent qu'une fraction de la population des personnes qui souffrent d'une dépendance, et c'est là tout le défi de la chose.

Dans mon exposé, vous trouverez dans la section suivante quelques statistiques que vous pourrez lire à votre guise. J'aimerais sauter cette section afin de vous parler clairement des problèmes qui se posent.

On pense souvent à la dépendance comme à une obsession morbide face à des substances comme l'alcool ou des drogues illicites. La dépendance est un trouble caractérisé par une perte de contrôle, une consommation obsessive de substances invalidantes, un comportement obsessif, et la consommation ou l'implication continuelles, malgré des conséquences négatives.

La dépendance n'est pas causée par un manque de force morale ni de maîtrise de soi ou de volonté. C'est la honte et les conséquences négatives associées à la dépendance qui ont entraîné une stigmatisation importante de la consommation abusive.

J'ai parlé de la différence entre dépendance et consommation abusive, et j'ai pensé que ça vaudrait la peine de vous dire ce que nous pensons du continuum de la dépendance. Nous pensons qu'on ne comprend pas ce phénomène, et que cela ajoute à la confusion quant à l'approche de cloisonnement perçue que, de toute évidence, notre organisation n'appuie pas.

On voit couramment divers degrés ou divers stades de consommation. Il y a d'abord le stade de l'expérimentation, le stade de la consommation sociale et d'agrément, et ensuite la consommation situationnelle, la consommation intensive, qui est en quelque sorte la consommation excessive, et enfin, l'étape de la dépendance.

Ce ne sont pas tous les consommateurs qui passent par les cinq étapes. Par exemple, certaines personnes essaient des substances et n'en consomment plus jamais par la suite. Cependant, une fois qu'elle a atteint les stades de la consommation intensive et de la dépendance, la personne subit souvent des conséquences négatives. Même si la décision d'essayer des drogues est volontaire, une fois qu'on a atteint l'étape de la dépendance, la consommation de drogues n'est plus vraiment volontaire et peut être considérée comme une situation de rechute chronique. On retrouve entremêlés dans ce continuum les clients qui affichent un comportement concomitant; autrement dit, ceux qui peuvent s'être automédicamentés en raison de problèmes de santé mentale.

Je vais faire un survol de l'initiative sur les troubles concomitants. Au début de 2001, la FMLD et l'Office régional de la santé de Winnipeg, en partenariat avec Santé Manitoba, ont mis sur pied un comité de planification multipartite chargé d'examiner des façons d'améliorer les services offerts aux personnes qui souffrent de troubles concomitants de santé mentale et de consommation. On a établi ce comité dans le cadre d'une structure redditionnelle conjointe face aux organismes partenaires. Il avait pour objectif d'élaborer un système-cadre visant à répondre aux besoins des personnes souffrant de troubles concomitants, et un plan destiné à améliorer l'efficacité et l'efficience des services par la collaboration de ressources provinciales existantes, la planification conjointe de nouvelles initiatives, et la formulation de recommandations concernant des mesures à court terme et à long terme en vue de corriger des problèmes liés à l'accès, à la formation polyvalente du personnel et aux lacunes dans les services.

Au terme d'un examen des pratiques exemplaires actuelles dans ce domaine, le comité a rédigé un rapport préliminaire dans lequel il a recommandé d'amorcer une initiative pluriannuelle visant à mettre en œuvre un modèle de services intégrés dans tout le système. Pour la première année du plan, on recommandait la prestation d'une formation polyvalente intensive dans tout le système, sous la direction d'un expert-conseil.

Lorsque les partenaires promoteurs ont embauché l'expert-conseil en modification de systèmes de services de santé mentale de renommée internationale, M. Ken Minkoff, et son associée, Mme Christie Cline, une équipe directrice composée de représentants des trois organismes partenaires a coordonné la mise en œuvre de cette initiative. L'équipe directrice a à son tour mobilisé un groupe d'intervenants composé de quelque 70 représentants habilités d'organisations intervenantes clés ou de fournisseurs de programmes en santé mentale et en traitement de la dépendance.

À la suite de la première phase contractuelle de la consultation et de la formation, l'équipe directrice et le groupe d'intervenants ont supervisé et soutenu l'élaboration de phases subséquentes du plan pluriannuel de mise au point du système.

Les experts-conseils forment un troisième groupe, composé d'environ 30 cliniciens et formateurs d'organisations ou de programmes participants triés sur le volet afin qu'ils jouent les rôles continuels de la formation et de la consultation nécessaires au soutien des objectifs à long terme de changement du système.

Le but ultime était non pas de créer une structure administrative unique pour composer avec ce groupe aux besoins spéciaux, mais d'établir un processus qui permettrait aux clients d'obtenir les services dont ils ont désespérément besoin. Cette approche a porté fruit et est reconnue dans tout le pays pour avoir réuni dépendances et santé mentale pour le bien commun des clients.

Parmi les résultats clés que l'initiative a permis d'obtenir jusqu'ici, mentionnons un consensus local relativement aux principes qui orientent la mise au point d'un vaste système de soins intégrés et continus pour les personnes qui souffrent de troubles concomitants; un plan stratégique viable concernant la modification de l'ensemble du système et visant à améliorer l'accès et la continuité de l'accès à des services intégrés; une équipe de formateurs et d'experts-conseils locaux qui fait valoir le processus continu de renforcement des capacités dans l'ensemble du système pour ce qui est des services intégrés; et un plan de mise en œuvre de la formation et des consultations qui fait en sorte que l'amélioration des compétences cliniques et organisationnelles touche tous les programmes qui offrent des services aux personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale et de troubles de consommation concomitants.

Nous considérons qu'il s'agit d'une réussite purement manitobaine, et je pense que nous le faisons parce que ça nous ramène à ce à quoi nous accordons de la valeur, nous, les Canadiens. Les valeurs sont des croyances bien ancrées au sujet du comportement personnel et social. Elles jouent un rôle important car elles influencent les attitudes à l'égard de diverses questions, notamment la consommation et la dépendance.

Même si l'histoire, la géographie et la culture du Canada ressemblent à celles d'autres pays, les valeurs canadiennes sont considérées comme étant assez différentes de celles d'autres pays, et ce, à plusieurs égards. Lorsqu'on applique les valeurs canadiennes au domaine de la toxicomanie, on obtient un tableau, une méthode de traitement qui met l'accent sur l'éducation, les soins de santé et les programmes sociaux pour les volets prévention, protection et traitement de la toxicomanie. Cependant, les valeurs canadiennes dénotent une volonté de tenir compte de l'approche de la loi et de l'ordre face à l'offre de drogues destinées aux toxicomanes, et ainsi d'assurer la sécurité continue, un taux de criminalité faible et un environnement public propre.

En résumé, ce matin, j'ai essayé de faire un tour d'horizon des dépendances et de leur relation avec la santé mentale, du moins, selon notre expérience. De toute évidence, la consommation de drogues touche beaucoup de membres de notre collectivité et peut être influencée par de nombreux intervenants.

Au Manitoba, la FMLD travaille en partenariat avec des établissements de soins actifs, de soins de longue durée, de santé publique, de santé mentale, d'exécution de la loi, le gouvernement provincial et des districts scolaires. Cela vous donne une idée de l'ampleur de l'expérience que peut mettre à profit le secteur du traitement des dépendances. Nous avons examiné la prestation de services aux clients ayant des troubles concomitants, soit l'un des groupes de clients qui ont des besoins très spéciaux, parmi d'autres groupes qui présentent des problèmes tout aussi difficiles à régler.

Merci de m'avoir donné l'occasion de venir vous parler ce matin au sujet de ce monde fascinant de la santé de la population que nous appelons le secteur des dépendances.

Le président suppléant : Cela nous amène à un point intéressant qui a été souligné dans les exposés de ce matin. Monsieur Robertson, à la fin de votre exposé, vous avez dit que vos initiatives sont intégrées à un vaste éventail de services médicaux, communautaires et sociaux. Au fil de notre discussion, je voudrais que les autres témoins nous disent comment ça se passe au Manitoba, et ce qu'on a mis en place dans l'éventail d'installations intégrées aux soins de santé primaires, aux soins primaires dans un contexte qui dépasse celui de la santé, et les services communautaires. Puis, à mesure que nous poursuivrons, je voudrais savoir quels services spécialisés sont offerts dans le domaine du traitement des dépendances et des problèmes de santé mentale, ce qui comprend les services infirmiers de spécialité, en particulier les services psychiatriques, et, bien sûr, les services en établissement, pour les soins ultimes de ces patients. Qui veut prendre les devants et m'en dire un peu à ce sujet?

Madame Osted, vous pourriez peut-être commencer, parce que je voudrais savoir comment il se fait que les services infirmiers actuels, surtout les services plus spécialisés de soins infirmiers psychiatriques, s'intègrent à la psychologie et à d'autres services professionnels, alors qu'il semble y avoir des difficultés dans le système de rémunération de la plupart des provinces, et ce genre de choses.

Mme Osted : J'ignore s'il y a des médecins dans la salle, à part vous-même. Je pense que si tout le monde était salarié, ce serait beaucoup plus facile.

Le président suppléant : Ça ne me dérange pas. J'ai travaillé toute ma vie pour un salaire.

Mme Osted : La structure des honoraires continue de poser problème.

Le président suppléant : J'ai toujours pensé que ce devait être un cauchemar. Je ne peux pas m'imaginer exercer la médecine suivant la formule de rémunération à l'acte. Je ne l'ai jamais fait; je n'ai jamais eu à le faire.

Mme Osted : Nous avons des médecins de famille maintenant, et les données démographiques sur les médecins de famille changent du tout au tout. Il y a beaucoup plus de femmes, ainsi que des hommes et des femmes qui ont décidé de ne pas passer leur vie dans un bureau ou dans un hôpital, qu'ils veulent une vie privée. Par conséquent, les gens qui exercent d'après la formule de rémunération à l'acte doivent augmenter leur volume. Une collègue m'a dit que, dans le cabinet de son médecin de famille, il y a un panneau sur lequel il est écrit que chaque visite ne dure que cinq minutes et que, pendant ces cinq minutes, le médecin n'examinera qu'une seule plainte.

Il a été prouvé que les personnes qui souffrent d'une maladie mentale ont davantage besoin de services de santé physique et de services de santé mentale que les autres. Grâce au ciel, je suis relativement en bonne santé, mais habituellement, j'ai plusieurs questions à poser à mon médecin lorsque je vais le consulter.

Le président suppléant : Est-ce je peux poursuivre dans cette voie? Je crois que vous avez mis le doigt sur quelque chose d'énormément important. Toutefois, je pense qu'il y a quelque chose d'encore plus dangereux que le fait qu'ils aient à voir beaucoup de patients pour faire suffisamment d'argent. Ce qui est encore pire, c'est qu'ils doivent voir des patients dont le diagnostic correspond à un numéro de facturation.

Mme Osted : Oui.

Le président suppléant : Autrement dit, pour joindre les deux bouts, ils peuvent voir seulement les patients qui souffrent d'une maladie qui correspond à un numéro dans la liste des diagnostics pour lesquels le gouvernement paie la consultation. Je crois que c'est l'un des domaines que nous devons examiner dans tout le spectre de la médecine, sans parler de la psychiatrie. Pardonnez-moi de vous avoir interrompue. Je voulais savoir ce que vous pensiez de cette question également.

Mme Osted : Lorsqu'on parle de la structure idéale, je crois qu'on doit examiner certains principes. L'un d'entre eux est l'accès au bon service au bon moment. Je crois qu'on pourrait utiliser plus efficacement une très grande diversité de services. Ces services comprennent les services des psychologues et des infirmiers psychiatriques autorisés, le recours, d'une façon différente, aux médecins de famille et aux psychiatres, l'utilisation maximale des groupes d'entraide, et l'utilisation des patients, des clients et des familles à proprement parler — il faudrait les soutenir davantage pour qu'ils puissent en faire plus pour eux-mêmes.

Je crois que nous pourrions tirer des leçons de divers modèles qui sont mis à l'essai dans divers pays. Cependant, si nous examinons les soins de santé primaires, dont vous avez parlé, et les services communautaires, on se bute à la discrimination faite contre les personnes qui souffrent d'une maladie mentale, même de la part des professionnels de la santé. Cette discrimination est telle que j'ai entendu de la bouche d'employés de soins de santé primaires qu'ils ne veulent pas que des gens qui souffrent d'une maladie mentale se présentent dans les cliniques de soins de santé primaires, parce que, alors, les autres gens ne viendront pas. Parfois, j'ai l'impression que nous livrons un combat perdu d'avance, et que nous devons prendre le dessus.

Le concept des soins de santé primaires est prometteur pour les personnes qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale, ainsi que pour celles qui souffrent de problèmes de santé physique. Les fournisseurs de services de santé sont plus accessibles et plus diversifiés. Toutefois, les services de santé mentale, les véritables services de santé mentale destinés aux personnes qui ont de vrais problèmes de santé mentale, ne sont toujours pas intégrés au système de soins de santé primaires. Je suis certaine que ce n'est pas le cas seulement au Manitoba.

Nous avons des exemples de réussites. Au Manitoba, nous sommes chanceux d'une certaine façon. Nous avons de bons services qui ne vont pas de soi dans d'autres régions, comme les unités de stabilisation mobiles en cas d'urgence, où les gens qui n'ont pas besoin d'être hospitalisés, mais qui ont besoin d'un refuge, peuvent aller. Ces services ont été très fructueux et continuent de l'être.

Nous avons un genre de programme de traitement communautaire qui, en fait, est un modèle de soins coopératifs, dans lequel les bénéficiaires de services de santé mentale, les professionnels et les fournisseurs de services de santé connexes travaillent ensemble à aider les gens à guérir et à participer pleinement à leur collectivité. Le concept de soins de santé primaires est prometteur, mais il n'est pas encore une réalité.

Je ne sais pas se cela répond à certaines de vos questions.

Le président suppléant : Je crois que c'est universel, ce n'est pas juste au Manitoba.

Madame Hiscock, vous avez dit qu'il y a un clivage important entre le niveau de soins offerts dans les petites collectivités et le niveau des soins dispensés dans les métropoles.

Mme Hiscock : C'est une question complexe, et s'il y avait une réponse facile, tout le monde l'aurait trouvée il y a des années. Nous ne saurions oublier qui est au centre de notre système — le bénéficiaire, ou le patient, quelle que soit la terminologie qu'on veut employer —, et nous devons concevoir des programmes qui répondent aux besoins de chaque personne, mais d'une façon collective, plutôt que d'essayer de trouver une façon d'harmoniser les services que nous pouvons déjà décrire.

Je crois que les services sont adéquats sur le plan de la qualité. Mais il faut aussi savoir dans quelle mesure ce service est accessible. Avons-nous suffisamment de lits? Avons-nous suffisamment de systèmes de soutien en services communautaires? L'accès est-il approprié dans toute la province? Ensuite, harmonisons-nous les services de la meilleure façon possible, et d'une façon qui permet de rendre des comptes aux bénéficiaires et à leur famille, afin qu'ils aient une bien meilleure idée de ce qui se passe?

Je trouve que votre question suscite la réflexion quant à ce que devrait être le cadre idoine. Je pense que le cadre, à proprement parler, est extrêmement complexe, parce qu'il devrait être axé sur chaque personne.

M. Borody : J'aimerais formuler quelques commentaires, et je vais devoir puiser dans mon expérience professionnelle. Comme j'ai déjà été chef de la direction d'un office régional de la santé, j'ai déjà assumé les responsabilités de directeur d'un service de santé mentale, et je me suis occupé des services de soins actifs.

Vous soulevez un problème chronique, même dans le cadre de l'initiative CODI. Nous savons tous que nos ressources sont limitées. Lorsqu'on regarde les bénéficiaires qui souffrent d'une dépendance ou d'un problème de santé mentale, on constate qu'on s'occupe actuellement de ceux qui ont très peu de besoins. C'est parce que c'est le plus que nous pouvons faire avec les ressources dont nous disposons. Nous savons qu'ils nous demandent beaucoup de notre temps. Nous savons que les bénéficiaires qui ont de grands besoins peuvent consommer beaucoup plus de ressources, et donc, le défi que nous devons tous relever en tant que société, en tant que système, et en tant que gouvernement, c'est de déterminer comment nous pouvons élaborer des systèmes auxquels tous ont également accès. Actuellement, nous n'en sommes pas là.

Dans le cadre de l'initiative CODI, les bénéficiaires dont nous nous occupons actuellement n'ont pas de grands besoins. Grâce à ces bénéficiaires, nous savons que nous pouvons maximiser le nombre de personnes que nous pouvons traiter avec l'argent dont nous disposons.

Dans notre cas, nous sommes chanceux, mais nous ne sommes pas différents de vous, en ce sens que la plupart de nos médecins sont salariés. Donc, ils ne sont pas obligés de passer tout un lot de personnes pour faire de l'argent. Nous leur enlevons ce fardeau. Ce que nous essayons de faire, et ce que nous faisons, comme Mme Hiscock l'a mentionné, c'est de mettre l'accent sur les besoins du bénéficiaire, afin que le médecin qui passe du temps avec lui ne se sente pas obligé de passer dix personnes dans la journée pour faire de l'argent. Les médecins essaient de satisfaire aux besoins des bénéficiaires, et, espérons-le, de passer beaucoup plus de temps avec eux.

Ce sera toujours ça, le problème, avec ce système; on doit reconnaître qu'il n'y a pas assez d'argent pour faire tout ce que nous voulons faire. Nous devons concentrer nos efforts et mieux définir le système de santé. La santé mentale et les dépendances n'échappent pas à ce problème.

Le sénateur Gill : J'aimerais vous faire part de certaines observations concernant les Autochtones. Je viens d'une réserve indienne au Québec. J'ai vécu à Winnipeg pendant les années 60, j'ai vécu ici pendant les années 70, et je vis ici aujourd'hui, et ma femme est avec moi. J'ai vu des gens aux prises avec des problèmes d'alcool et de drogues, et des choses comme ça. Toutefois, c'est quelque chose que je n'ai pas vu à Winnipeg. Hier soir, j'hésitais même à sortir tout seul, parce que les gens demandent toutes sortes de choses. Comme nous connaissons un peu la situation des Autochtones, nous sommes toujours enclins à leur donner quelque chose, et nous savons ce qui se passe. Je sais aussi que 2 p. 100 de la population totale du pays sont des Autochtones. Ici, au Manitoba, peut-être que je me trompe, mais environ 4 ou 5 p. 100 sont autochtones, mais environ 70 p. 100 de la population carcérale sont des Autochtones.

Vous parliez de l'alcool, des drogues, et de choses comme ça, et cela constitue un véritable problème. J'espère que des représentants des Autochtones vont venir nous voir pour échanger avec nous. J'aime bien votre façon de voir les choses, parce qu'il me semble que la situation s'aggrave tout le temps. Je suis si près des Autochtones, et j'en suis un moi-même. C'est ma perception des choses. Je sais que beaucoup de gens y travaillent et essaient de faire de leur mieux, mais qu'est-ce qu'on peut y faire?

Le président suppléant : Avant que vous ne poursuiviez, sénateur Gill, j'aimerais signaler aux témoins que, cet après-midi, nous allons avoir des représentants de l'Assembly of Manitoba Chiefs, de Norway House, et d'autres personnes. Si vous voulez rester et participer de quelque façon que ce soit, vous pouvez le faire, vous serez les bienvenus, mais veuillez répondre au sénateur Gill maintenant.

Le sénateur Gill : J'aimerais connaître le point de vue d'un non-Autochtone. Vous avez dit que, cet après-midi, il y aura un témoin autochtone.

M. Borody : Je représente une organisation qui travaille beaucoup auprès des Autochtones. Notre programme est conçu pour accueillir les Autochtones, mais on reconnaît aussi qu'un autre groupe de la Ville de Winnipeg leur offre directement des services. Nous offrons des programmes qui tiennent compte de la culture, mais nous n'offrons pas de programmes culturels. Nous ne fournissons pas de sueries ni de séances de purification.

Nous avons découvert, cependant, qu'un segment de la population autochtone s'intéresse à notre groupe et pas à l'autre, et c'est parfait ainsi.

Pour vous donner une idée, je vous dirai qu'environ 60 p. 100 de nos clients du Nord sont des Autochtones qui viennent directement des réserves. Environ 75 p. 100 des gens qui participent à nos programmes jeunesse sont des Autochtones, et environ 30 p. 100 de nos clients à Winnipeg sont des Autochtones. Cela varie quelque peu d'un bureau à l'autre.

Dans l'ensemble, ce groupe est bien représenté, ce qui n'est pas une bonne chose, car beaucoup de nos clients viennent de cette région. Cependant, ce n'est pas étonnant. Qui sont nos clients? Habituellement, ce sont des gens à faible revenu et peu scolarisés qui ont un problème de jeu, d'alcool ou de drogues. Donc, il n'est pas étonnant que nous les considérions comme un groupe.

Ce qui est vraiment triste, c'est que, si vous allez marcher au centre-ville, même à cette heure du jour, que vous verrez une surreprésentation d'Autochtones qui semblent être sous l'influence de l'alcool ou d'une drogue, et je ne dis pas qu'ils le sont ou qu'ils ne le sont pas. C'est un groupe que nous ne voyons pas. Nous avons très peu de contacts avec ce groupe. Cela est en partie attribuable au milieu politique qui entoure les Autochtones. Nous travaillons avec des Autochtones; nous ne travaillons pas nécessairement à concevoir des programmes parce que cet élément politique entre en jeu. Les collectivités des Premières nations considèrent le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et se considèrent elles-mêmes comme un gouvernement. Par conséquent, il est très difficile pour nous de leur parler dans le cadre d'un quelconque service de soins de santé. Je vous dis tout ça en me fondant sur mon expérience en santé mentale dans les soins actifs et les soins de longue durée; il n'y a aucune différence entre les deux. Mais lorsqu'on commence à parler de services, de responsabilité, de financement et de responsabilisation, on trace une véritable ligne dans le sable. Ça a rendu la situation vraiment bizarre.

Nous avons essayé de dispenser des services du mieux que nous pouvons, même avec cet obstacle. Nous sommes là, mais tout un groupe de personnes qui se promènent dans la collectivité obtiennent des services minimaux.

Le sénateur Gill : Vous parlez de la compétence; vous savez que c'est une question de compétence fédérale. Au Québec, le gouvernement provincial dispense des services aux personnes qui en ont besoin, y compris les Autochtones. Je ne dis pas qu'il ne reçoit pas d'argent du gouvernement fédéral.

Mme Osted : C'est également le cas ici, surtout à l'extérieur des réserves.

Le sénateur Gill : Je parle aussi des réserves. Les personnes qui vivent dans les réserves reçoivent des services de l'hôpital, du monde médical, de médecins et de choses comme ça, et je sais que c'est le gouvernement fédéral qui paie la note. Ce n'est pas le cas ici.

Mme Bollman : Il y a un système dans lequel on facture le gouvernement fédéral pour les services offerts aux personnes inscrites. Oui, le gouvernement fédéral paie, et donc, il y a un processus de facturation. Cependant, il est difficile de faire appel à des personnes comme des infirmiers psychiatriques autorisés pour offrir des soins, parce qu'il s'agit d'un système fédéral.

Le président suppléant : Nous ne sommes pas reconnus au gouvernement fédéral. Donc, comment pouvons-nous être embauchés pour dispenser des services? Il y a toutes ces querelles de compétence.

Le sénateur Gill : Le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial n'ont-ils pas conclu d'entente concernant les services aux Autochtones?

Mme Bollman : Oui.

Le sénateur Gill : Ils ont conclu un accord?

Mme Bollman : À ma connaissance, oui.

Mme Hiscock : Si je peux ajouter quelque chose, à ma connaissance, ils n'ont pas conclu d'entente officielle quant à la prestation de services financés par le gouvernement fédéral dans les réserves. Une initiative dans le Nord du Manitoba, le Northern and Aboriginal Population Health and Wellness Institute, le NAPHWI, est financée par le gouvernement fédéral en tant que projet pilote pour deux à trois ans, ou pour le nombre d'années qu'il reste. J'espère que ses responsables ont rédigé un exposé. Je ne les vois pas dans la liste des conférenciers. Cette initiative est née de la frustration que tous les fournisseurs de services, et que les bailleurs de fonds ressentaient à l'égard des questions de compétence.

Un certain nombre de personnes se suicident dans une petite réserve éloignée et isolée. Les experts dans la région sont incapables de s'y rendre. Ce projet, le NAPHWI, a été conçu pour proposer des modèles fructueux que l'on peut appliquer ailleurs pour dispenser des services dans les collectivités éloignées. Au Manitoba, c'est un énorme problème.

Aussi, je voulais réagir à certains commentaires de M. Borody au sujet des causes de l'itinérance, de la détresse ou de la pauvreté, et de ce à quoi ça peut mener. C'est là où, selon nous, il devient très important d'éduquer le public, de lancer un programme de promotion de la santé relativement à la santé mentale; c'est dès leur plus jeune âge que les gens doivent commencer à comprendre l'importance de l'emploi, de l'éducation, des soutiens familiaux et de la collectivité dans leur vie afin qu'ils aient une meilleure santé mentale.

Le sénateur Johnson : Je pense que vous faites tous de l'excellent travail. J'ai travaillé dans le domaine de la santé des femmes pendant plus de 25 ans. Dans les années 60, mon père a été ministre de la Santé et a lui aussi œuvré dans ce domaine. Nous pourrions vivre dans un monde parfait au chapitre de la santé mentale, mais nous sommes toujours pris avec la stigmatisation. C'est ce que j'ai vu dans mon travail, surtout chez les femmes qui sont en dépression, situation qui est de plus en plus répandue dans notre société. Mais nous n'allons pas nous attarder à ce problème.

J'ignore si vous avez des solutions à ces problèmes. Je sais que le comité s'y intéresse, mais comme je vous le dis, même dans un monde parfait, après tout le travail que j'ai vu et que j'ai accompli et qui a été effectué en général au chapitre de la communication, on ne s'occupe toujours pas de la maladie mentale, par exemple, comme on s'occupe du diabète, étant donné que c'est une maladie que l'on peut traiter. C'est encore caché. Peu importe qui je connais, tout le monde reste avec son problème et se terre.

Ne serait-ce que pour appréhender le problème, qu'il touche les Autochtones, les femmes ou le grand public, il faudrait parfois commencer à traiter des enfants. Les études les plus récentes révèlent que la dépression est un problème génétique, et physique. Dans tout ce que vous faites, l'avez-vous vu? Je suis certaine que oui, mais avez-vous proposé une autre solution? Je sais que le comité y réfléchira. Je n'y ai pas réfléchi tout le temps, mais j'ai travaillé dans ce domaine pendant longtemps.

Mme Hiscock : Une spécialiste, Madeline Boscoe, de la Women's Health Clinic, ici, à Winnipeg, va venir nous parler demain après-midi, je crois. Ses travaux sur les différences entre les hommes et les femmes et la santé mentale, je crois, seront peut-être très instructifs.

Le sénateur Johnson : Ce n'est pas une question de différence entre les hommes et les femmes; je parle de l'attitude générale face à la santé mentale.

Mme Hiscock : La stigmatisation, oui.

Le sénateur Johnson : C'est le plus gros problème auquel nous sommes confrontés.

Mme Osted : C'est vrai. Les écoles constituent un bon point de départ. Nous apprenons beaucoup de nos valeurs à l'école. À l'échelle provinciale et nationale, par l'entremise de l'ACMMSM et l'AMMSM, ici, nous avons essayé de faire inclure la santé mentale au programme général de santé publique. Une fois que c'est perçu de cette façon par les décideurs — les politiciens — ainsi que les bureaucrates et les professionnels de la santé, on peut commencer à transmettre certaines de ces valeurs au grand public.

De plus, par exemple, la Dre Carolyn Bennett, ministre d'État, Santé publique, était au Manitoba et, de concert avec la ministre Teresa Oswald, ministre de la Vie saine au Manitoba, elle a annoncé l'instauration d'un programme de santé physique pour les enfants. Pourquoi n'y a-t-on pas inclus la santé mentale? Nous commençons par prêcher par l'exemple, et si nous le faisons assez longtemps, les gens vont commencer à comprendre. Il ne suffit pas de parler; il faut agir.

Mme Hiscock : Lorsqu'on parle de cloisonnement au sein du système de santé, on parle de cloisonnement à l'externe. Souvent, il est difficile d'inclure les questions relatives à la santé mentale aux systèmes scolaires, par les temps qui courent, parce que leur programme d'études est déjà établi. De plus, nous devons examiner le cloisonnement dans d'autres administrations.

Le sénateur Pépin : Je crois que vous avez dit, et je veux être certaine d'avoir bien compris, qu'il y a un lien probable entre santé mentale et consommation. Voyez-vous un lien entre les deux?

M. Borody : Nous évaluons constamment nos clients qui participent à nos programmes résidentiels. Environ 35 p. 100 souffrent d'un problème de santé mentale actif; on leur a déjà diagnostiqué des problèmes de dépression, de schizophrénie ou autre chose, donc, oui, il y a un lien certain pour environ 30 p. 100 de nos clients en résidence. Mais ce n'est pas le cas dans d'autres programmes. C'est pourquoi ce programme a été mis en place.

Le sénateur Pépin : Madame Osted, avez-vous des infirmiers autochtones, des infirmiers psychiatriques, ou non?

Mme Osted : Oui, nous en avons, mais nous ne pouvons pas vous donner de chiffres, parce qu'ils sont libres de déclarer qu'ils sont autochtones, et nous ne le leur demandons pas. Au moins deux d'entre eux travaillent activement dans les domaines de la santé et de la santé mentale des Autochtones. Cependant, nos membres ne reflètent toujours pas la réalité culturelle de la province.

Le président suppléant : Merci beaucoup d'avoir consacré une partie de votre précieux temps à nous aider à examiner ce rapport. Dans cinq minutes, nous devrions entendre un exposé intéressant de Partnership for Consumer Empowerment. Encore une fois, je vous invite à rester pendant tout le temps que vous avez aujourd'hui et à nous aider comme vous le pouvez. Dans d'autres séances, nous avons été très intéressés d'apprendre que les bénéficiaires peuvent jouer un rôle extrêmement important en s'entraidant et que, dans l'environnement communautaire approprié, les personnes qui souffrent d'une déficience mentale, qui se sentent mises au ban de la société, trouvent un foyer, une identité, et ce genre de chose.

Honorables sénateurs, notre prochain témoin est Jason Turcotte, de Partnership for Consumer Empowerment.

M. Jason Turcotte, Bureau de l'Association canadienne de la santé mentale à Portage-la-Prairie, Partnership for Consumer Empowerment : Honorables sénateurs, je suis ici aujourd'hui en remplacement de Horst Peters, qui est en route vers Montréal pour présenter un atelier sur la guérison à la conférence nationale de la Société canadienne de schizophrénie.

Je suis un bénéficiaire de services de santé mentale récemment embauché par l'Association canadienne pour la santé mentale à Portage la Prairie, collectivité située à environ 70 kilomètres à l'ouest de Winnipeg. De plus, je suis récemment devenu bénévole pour le Partnership for Consumer Empowerment, le programme PCE.

Je vous demanderais d'être patients et compréhensifs étant donné que ce type d'exposé constitue pour moi une expérience nouvelle et angoissante. C'est pourquoi je vais lire mes notes.

Je ne vais pas lire tout l'exposé de M. Peters, que vous avez déjà devant vous. M. Peters m'a plutôt demandé de vous donner un aperçu du programme Partnership for Consumer Empowerment de l'Association canadienne pour la santé mentale, Division du Manitoba, et de vous faire part de ses réactions aux questions et enjeux soulevés par le comité sénatorial dans le rapport de novembre 2004 intitulé Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Problèmes et options pour le Canada.

Le PCE est une initiative provinciale lancée par des bénéficiaires. Il a pour mandat d'éduquer les gens au sujet du rétablissement d'une maladie mentale, d'élaborer des documents de formation sur le renforcement des capacités des bénéficiaires afin d'enseigner aux bénéficiaires à acquérir les compétences nécessaires pour participer à la conception, à la prestation et à l'évaluation des services et systèmes de santé mentale; et de fournir une expertise relative au rétablissement, à l'autodétermination et à la participation des bénéficiaires aux organisations et aux particuliers du Manitoba.

Vous trouverez dans le dossier que vous avez devant vous une description détaillée du programme et de ses activités.

Avant d'examiner les enjeux en question, je voudrais attirer votre attention sur un autre article dans le dossier. Vous trouverez une brochure sur le film intitulé Inside Out, pièce de théâtre écrite et interprétée par Nigel Bart, artiste de Winnipeg. Ce film porte sur le PCE. C'est un outil pédagogique dynamique et percutant qui met en vedette M. Bart, qui parle de son expérience en tant que schizophrène. On y traite également de la stigmatisation et du rétablissement. Plusieurs exemplaires du film ont été remis au comité. J'encourage les membres du comité à le visionner et à lire la brochure.

Je vais maintenant lire les réactions que M. Peters a préparées à l'égard des enjeux et des questions. Elles se fondent sur son expérience et les opinions qu'il s'est forgées tout au long de sa participation au PCE, au cours des sept dernières années et demie. Ces réactions commencent à la page 6 du document que je vous ai fourni. Je vais vous les lire sous forme d'énumération.

Dans le chapitre 1 du rapport du Sénat, « Prestation des services et des moyens de soutien », la première question a trait aux services axés sur le patient et le client.

Un système axé sur le client ou le patient exige l'établissement de normes et de politiques claires et définies, qui doivent bien faire comprendre aux gens que rien de moins qu'un système de services et de moyens de soutien axés sur la personne n'est acceptable. Ces normes et politiques doivent être enchâssées à tous les niveaux systémiques, depuis l'échelon fédéral, provincial, régional, et ainsi de suite. Ces politiques et normes doivent inclure des descriptions claires et mesurables du système axé sur le client et des résultats du service.

De plus, les systèmes, services et moyens de soutien doivent mettre l'accent sur le client, et rendre des comptes à ce sujet. Il est essentiel que les bénéficiaires de services de santé mentale participent à toutes les étapes de l'élaboration, de la mise en œuvre et de l'évaluation de ces normes et politiques.

La deuxième question est la coordination et l'intégration du système privilégiant une prestation communautaire. L'une des questions que le comité a posées est la suivante : Comment faire pour répartir équitablement le fardeau de la coordination et de l'intégration des services et moyens de soutien entre le système, d'une part, et les patients et leurs familles, d'autre part? À mon avis, ce n'est pas la bonne question. Je crois que la question plus importante que l'on devrait poser est : Comment le système peut-il éliminer les obstacles auxquels se butent les personnes et les familles lorsqu'elles essaient de composer avec les options, la coordination et l'intégration des services? À mon avis, lorsqu'on insiste pour répartir le fardeau de la coordination et de l'intégration des services, on s'expose à des méthodes de contrôle et de gestion plus systémiques et professionnelles, et on risque de laisser moins de choix et moins de capacités d'autodétermination au client.

Laissez-moi vous dire qu'une meilleure solution, une solution compatible avec l'approche axée sur le client, consiste à éliminer les obstacles au service et à l'accès aux ressources de soutien et à enseigner aux bénéficiaires et à leur famille à évaluer, à coordonner et à intégrer les services.

Quels incitatifs permettraient de surmonter les obstacles qui empêchent les organismes en place de travailler de concert? Éliminer les problèmes de financement actuels qui amènent souvent les organismes à se faire concurrence pour obtenir quelques malheureux dollars offerts. Établir des incitatifs au financement pour les partenariats et les collaborations en matière des services; toutefois, éviter d'instituer des politiques de financement punitives visant les organismes et les services indépendants.

Autre question : comment peut-on éliminer le dédoublement des services offerts par des organismes non gouvernementaux? Ne pas créer de monopoles et ne pas enlever les choix et les options qui s'offrent aux bénéficiaires. Ce que semble faire le dédoublement des services, c'est que les gens peuvent choisir des services dont les diverses subtilités leur permettent de choisir les services et les fournisseurs de services qui correspondent le mieux à leurs désirs, objectifs, besoins et personnalité. Cette approche soutient les principes d'une approche axée sur le client et de l'autodétermination.

Dans le chapitre 3, « Milieu de travail », l'une des questions abordées a trait aux programmes fédéraux de la sécurité du revenu. On pose la question suivante : Le gouvernement fédéral devrait-il réviser le Programme de prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada, RPC-I, pour prévoir des prestations partielles ou tronquées afin de permettre à ceux qui ont des troubles mentaux de toucher une partie de leurs prestations tout en travaillant à temps partiel? On doit cesser de faire « tout ou rien ». Si on verse des prestations à une personne uniquement lorsqu'elle est totalement invalide, on fait preuve de discrimination, on la paralyse, on ne l'encourage pas à guérir. Les personnes qui souffrent d'une déficience psychique, comme de toute autre déficience, d'ailleurs, doivent avoir la possibilité d'acquérir ou de recouvrer des compétences, une confiance en soi ainsi que leur force et leur énergie physiques et affectives, et de bien asseoir leur situation économique personnelle. Si on instaure une politique selon laquelle les personnes qui souffrent de troubles mentaux peuvent toucher des prestations partielles ou tronquées tout en continuant à travailler à temps partiel, cela favorisera leur rétablissement.

La question suivante était : le personnel du RPC-I devrait-il recevoir une formation pour être mieux renseigné sur la maladie mentale et la toxicomanie? Oui, on devrait lui donner une formation, et on devrait, dans le cadre de cette formation, l'amener à mieux comprendre ce qui aide les gens à se rétablir, ainsi que les obstacles qui les en empêchent. Les bénéficiaires de services de santé mentale doivent participer à la prestation de la formation.

Au chapitre 4, « Problèmes particuliers », l'une des questions abordées est la stigmatisation. On a posé la question suivante : Le mot stigmatisation serait-il devenu une façon polie de parler de discrimination? Oui, c'est plus subtil que les préjugés, la discrimination, l'ostracisme social et la citoyenneté de seconde classe, qui caractérisent ce que nous appelons poliment la stigmatisation.

Une autre question : les médias ont-ils aussi un rôle à jouer pour amener les Canadiens à changer d'attitude à l'endroit des personnes ayant une maladie mentale ou une toxicomanie? Les médias doivent changer leurs attitudes, leurs principes et leurs valeurs — si tant est qu'ils en ont — et leurs politiques avant de changer les attitudes des Canadiens. Les médias ont joué un rôle important dans l'établissement et le maintien du contexte actuel où les personnes ayant une maladie mentale ou une toxicomanie font l'objet de préjugés, de discrimination, d'ostracisme social et sont des citoyens de seconde classe.

L'une des autres questions était : y a-t-il des stratégies de sensibilisation qui ont eu particulièrement de succès au Canada pour diminuer la stigmatisation et la discrimination et dont on pourrait tirer des leçons? La stratégie la plus fructueuse consiste à permettre à des bénéficiaires de raconter leur histoire, leur expérience de la maladie et leur processus de guérison.

Le Canada devrait-il établir une brigade d'ambassadeurs composée de personnes souffrant d'une maladie mentale ou de toxicomanie qui ont appris à rencontrer la presse et les employeurs pour parler de leur vécu? Oui, et on devrait élargir l'auditoire afin de s'adresser à toute la société canadienne. De plus, ces personnes — les porte-parole — devraient être bien rémunérées pour la contribution qu'ils apportent à l'éducation des Canadiens.

Le gouvernement fédéral devrait-il, en collaboration avec les médias, se doter d'une stratégie nationale pour la santé mentale dans les écoles de journalisme afin de montrer aux étudiants comment faire leurs reportages sans stigmatiser les personnes? Oui, et il faudrait que les professeurs soient des personnes qui ont des troubles mentaux et une toxicomanie, et on devrait bien les payer pour leur expertise.

La dernière question était la suivante : que peuvent faire les gouvernements pour faire prendre conscience à tout le monde que la santé mentale est aussi importante que la santé physique pour le bien-être des Canadiens et que, en corollaire, la prestation des services et des moyens de soutien en santé mentale et en toxicomanie est aussi capitale que la prestation des services de santé pour les affections physiques?

De un, il faut élaborer un plan d'action national. De deux, il faut publier le coût des troubles mentaux et de la toxicomanie et ses impacts sur notre économie, nos employeurs, nos familles et notre système de santé. De trois, il faut accorder la priorité à la santé mentale et aux soins de santé en recourant à des normes et des politiques efficaces. De quatre, il faut soutenir l'épanouissement et la croissance d'organisations et de réseaux ou de coalitions de bénéficiaires. On doit s'assurer qu'ils disposent de suffisamment de fonds pour participer à l'éducation et à la sensibilisation du public ainsi qu'à la formation des personnes ayant des troubles mentaux et de toxicomanie, afin qu'ils participent à ces travaux.

Au chapitre 5, « Ressources humaines », on traite du soutien des aidants naturels. À moins que je ne me trompe, dans le rapport, on ne reconnaît pas que les familles et les autres aidants naturels doivent suivre leur propre processus de rétablissement parallèle. On doit fournir aux familles des moyens de soutien et des ressources d'éducation pour les aider à se remettre de leurs pertes, de leurs rêves brisés et de leur douleur.

Au chapitre 6, « Banque d'information nationale, recherche et technologie », on parle de la recherche. Le financement qu'on verse actuellement pour la recherche semble être axé principalement sur la recherche clinique, biologique et génétique. Ce qu'il faut, c'est accroître le financement accordé à la recherche sur les aspects environnemental, social, psychologique et spirituel de la guérison des personnes ayant des troubles mentaux et de toxicomanie. Les Ressources de connaissances disponibles détaillées dans le document intitulé Un cadre pour le soutien, publié par l'Association canadienne pour la santé mentale, fournissent d'excellentes raisons pour mener ce type de recherche.

Les personnes ayant des troubles mentaux et de toxicomanie doivent occuper une place prédominante et influente dans l'élaboration d'un programme de recherche national.

Au chapitre 7, « Le rôle du gouvernement fédéral », on indique que nous avons besoin d'un plan d'action national pour la santé mentale et la toxicomanie au Canada. Le gouvernement fédéral doit définir les valeurs, les principes et les normes d'un système de services et de moyens de soutien en santé mentale et en toxicomanie axé sur la personne/le client et privilégiant la guérison. Le gouvernement doit mettre en œuvre un processus de responsabilisation qui définit et mesure les systèmes et les services et qui les tient responsables de la qualité et de l'efficacité des services. On doit se demander : un, les personnes souffrant de troubles mentaux et de toxicomanie guérissent-elles? Deux, y a-t-il des personnes ayant des troubles mentaux et de toxicomanie qui participent à la société canadienne en tant que citoyen à part entière? Trois, les personnes qui souffrent de troubles mentaux jouent-elles un rôle prédominant et exercent-elles une influence à toutes les étapes de la conception, de la prestation et de l'évaluation des systèmes de service et de soutien?

Le dernier point est : je conclus par la devise du mouvement des ex-patients-bénéficiaires-survivants en psychiatrie, depuis plus de 30 ans : Rien sur nous ne se fera sans nous!

Merci, c'était Horst Peters.

Le président suppléant : Merci beaucoup, monsieur Turcotte. Nous allons maintenant écouter M. Marshall, et ensuite, nous allons vous poser des questions à vous deux avant de passer à l'autre côté de la table.

M. Roman Marshall, à titre personnel : Je défends les droits des bénéficiaires depuis 14 ans. Je souffre moi-même d'une maladie mentale, je sais comment fonctionne le système de santé mentale, j'ai déjà travaillé pour l'Office régional de la santé de Winnipeg, et je fais depuis longtemps partie de nombreux groupes d'entraide dans la collectivité.

Je remercie le comité de m'avoir donné le privilège de venir vous parler aujourd'hui, et de travailler sans relâche à améliorer nos systèmes de services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie.

Je vais vous présenter mes commentaires selon une énumération. En premier lieu, je vais vous proposer d'instaurer une thérapie pour les personnes qui sont aux prises avec une maladie mentale en délaissant la tendance actuelle, selon laquelle on mise sur les médicaments, pour adopter un système fondé sur les services de psychologues formés à l'exercice de diverses thérapies appropriées, notamment la thérapie comportementale.

Dans ce modèle, on continuerait de recourir aux services de psychiatres pour déterminer le traitement psychologique requis, et pour assurer l'efficacité des médicaments. Ces deux approches, la psychologie et la psychiatrie, doivent travailler de concert et en partenariat avec les bénéficiaires.

Présentement, la plupart des gens qui sont aux prises avec une maladie mentale ne reçoivent que des services pharmaceutiques ou psychiatriques.

En deuxième lieu, je vais vous parler de la sécurité des patients hospitalisés dans les unités psychiatriques. Même si la loi et le règlement exigent la protection de qui que ce soit contre les agressions, ces mesures de protection ne réussissent pas à empêcher les agressions dans les unités psychiatriques. Il s'agit là d'un problème énorme et permanent que je vous demande instamment de régler.

Au Manitoba, nous avons pris des mesures pour contrer ce problème. Lorsque je faisais partie de l'Association canadienne pour la santé mentale, nous avons essayé d'encourager les autres divisions de l'Association de se joindre à nous et d'apporter ces changements. Ici, à Winnipeg, les choses ont beaucoup changé. C'est une question importante, et nous ne devrions pas être stigmatisés à ce niveau de soins, et laisser libre cours à ce genre d'agression sexuelle et physique.

Le troisième élément concerne la nécessité de mettre fin à la stigmatisation à l'échelle nationale en apportant des changements dans l'industrie cinématographique. Cette intervention est logique, extrêmement rentable à long terme, et devrait contribuer grandement aux efforts que nous déployons pour déprogrammer la société concernant les mythes qui entourent la maladie mentale. Grâce à cette méthode, on éliminera la source de mésinformation qui nuit à la guérison des bénéficiaires.

L'industrie cinématographique s'est servie de la maladie mentale pour dramatiser ses productions. Elle a laissé entendre que le personnage peut souffrir ou souffre d'une maladie, que son comportement soit attribuable ou non à d'autres causes, affectives ou physiques. On doit lui faire prendre conscience des dommages que peuvent causer ces actions sur les personnes qui souffrent d'une maladie mentale et du mal qu'elle fait en stigmatisant ces personnes.

Il faut établir un vaste programme national visant à fournir des renseignements exacts sur la maladie mentale. Je recommande aussi que ce programme encourage les groupes d'entraide à travailler à l'échelle locale, provinciale et nationale pour inciter l'industrie cinématographique à changer sa façon de faire, et qu'il les subventionne à cette fin.

Rendu là, je vais m'interrompre pour vous dire que j'ai trouvé des façons d'y arriver.

Le quatrième élément, qui constitue ma recommandation finale, concerne l'utilisation, par les professionnels en santé mentale, d'un système de dossiers électroniques de santé pour approuver les options de traitement et recueillir des données sur des études de cas fructueuses, et élaborer un guide de référence. Ce guide de référence ferait état des méthodes qu'on utilise pour permettre la guérison à long terme, et présenterait suffisamment d'histoires et d'informations sur le mode de vie pour aider le médecin à dégager un lien et déterminer des méthodes semblables. Ce guide ferait bien sûr partie des procédures de traitement fructueuses.

J'espère que votre rapport final reflétera les opinions de bénéficiaires comme moi et d'autres bénéficiaires du Canada. Nous sommes ici aujourd'hui non seulement pour parler du sort du système de santé mentale, mais aussi pour examiner l'avenir de ceux qui accèdent à ses services. Merci.

Le président suppléant : Merci beaucoup à vous deux. Dans ce qu'on a présenté au comité jusqu'ici, on nous a demandé encore et encore d'assurer la participation des patients; autrement dit, un système axé sur le patient, établi dans la collectivité, qui permet l'accès aux ressources de service social de la collectivité sous forme de soutien au logement et de soutien financier, de façon provisoire, ou à long terme, si c'est nécessaire. Parmi les autres ressources envisagées, il y aurait l'aide à la recherche d'emploi, ce genre de choses, ainsi que des services de santé mentale dispensés dans un cadre de soins primaires, ainsi qu'une équipe multidisciplinaire qui dispense ces soins primaires. Ces demandes proviennent de patients comme vous, et vous avez tous les deux insisté sur leur nécessité, encore une fois, ce matin, et nous nous demandons bien comment nous allons décrire cette réalité dans notre rapport final.

Le sénateur Kirby et moi essayons actuellement de trouver une façon de concevoir un système de soins primaires qui pourrait établir une infrastructure pour tout cela. Nous rédigeons à ce sujet un document distinct que nous espérons publier au cours de l'été. Par conséquent, ce que vous avez dit est extrêmement important pour nous.

L'autre élément sur lequel on a insisté et au sujet duquel je veux que vous formuliez des commentaires, avant que d'autres sénateurs ne vous demandent votre avis, c'est le fait que nous avons entendu dire encore et encore que le groupe de pairs offre un soutien considérable. Autrement dit, les pairs qui fréquentent un établissement communautaire en viennent à se connaître, ils deviennent une famille, ils se motivent les uns les autres, et ils conduisent leurs semblables qui souffrent d'une autre maladie chez le médecin ou à l'hôpital. Ils se conduisent les uns les autres au bureau d'emploi ou au bureau d'aide sociale afin qu'ils obtiennent des ressources financières, s'ils en ont besoin, ou quoi que ce soit.

Avec tout le vécu que vous avez, est-ce que vous pourriez essayer de nous dire tous les deux comment vous avez passé à travers, ce qui manque, et ce que vous aimeriez avoir, dans un monde idéal?

M. Turcotte : Comme je vous l'ai dit, je viens d'être embauché par l'ACSM, et je lui fournis un logement d'appoint; c'est ça, l'entraide. Je souffre d'un trouble de l'anxiété, et je ne peux pas aider tout le monde, mais, à l'ACSM, je conduis des gens à leurs rendez-vous chez le médecin, je passe les prendre, et je les aide directement. Nous avons un petit club où ils peuvent venir prendre un café et des choses comme ça, et je crois que c'est comme ça que nous avançons, mais ce n'est pas suffisant. Nous avons besoin de plus grands locaux. Nous avons besoin de plus de gens.

Je ne sais pas vraiment si c'est exactement la réponse que vous cherchiez, mais certaines choses sont déjà en place, et il y en a d'autres à venir. On a besoin de programmes comme le PCE.

Le président suppléant : C'est très, très bien.

M. Marshall : Je sais que l'Office régional de la santé de Winnipeg ne serait pas d'accord avec moi, mais j'ai travaillé pour lui pendant un certain temps, et, je dois le dire, j'ai eu beaucoup de succès. J'entretenais de bons rapports avec ma clientèle. Même des gens qui avaient souvent des rechutes ont pu vivre plusieurs années dans la collectivité, sous mes soins, et je les ai aidés à devenir indépendants.

Selon moi, ce qui serait idéal, c'est que, qu'on soit dans le domaine de la santé mentale ou non, les bénéficiaires soient appréciés pour leurs capacités et ne soient pas condamnés à travailler à temps partiel. J'ai mon certificat en counseling appliqué, et j'ai obtenu des notes très élevées, et j'ai acquis beaucoup d'expérience, au cours des 14 dernières années, à offrir des services de counseling dans la collectivité, et de l'aide. Cependant, on ne veut pas que les bénéficiaires consultent des travailleurs sociaux ni d'autres professionnels de ce genre, parce qu'on les stigmatise, et on dit : « On l'a fait une fois, et la personne est tombée malade et a abandonné. » Nous avons tous des capacités de résilience à différents degrés.

Une chose semblable concerne les gouvernements et différentes organisations qui embauchent des gens. Ils imposent des limites aux personnes qui souffrent d'une maladie mentale pour les protéger. Plus tôt, quelqu'un a parlé de l'attitude paternaliste ou protectrice, de surprotection, et du fait qu'on ne permet pas à une personne de dépasser ses limites. Je crois que nous connaissons nos propres limites, et nous pouvons dire : « Attendez une minute, c'est un peu trop pour moi. Je dois prendre un peu de recul, ou je dois travailler moins d'heures », selon le cas.

Cela m'amène à vous dire que j'ai lu le passage dans le rapport du comité où on parle de l'homme d'affaires qui a dit qu'il ne voulait pas d'une personne souffrant d'une maladie mentale dans son organisation, à cause des journées de maladie et des journées de santé mentale que la personne devrait prendre. Si l'environnement de travail est médiocre, si l'environnement de travail n'est pas sain, c'est sûr que n'importe qui peut le faire; n'importe qui dans cette salle, ou n'importe où ailleurs. Je crois qu'il y a encore de la stigmatisation.

La stigmatisation est l'un de nos pires ennemis. Même les bénéficiaires se stigmatisent entre eux. Dans les groupes d'entraide, une grande proportion des bénéficiaires ne peuvent participer aux activités parce que certains bénéficiaires du groupe estiment avoir atteint un certain niveau de guérison, et que, si une personne se joint à eux et a des problèmes de comportement, c'est comme l'huile et l'eau, l'essence et l'eau, enfin, vous voyez ce que je veux dire.

Le sénateur Gill : Monsieur Turcotte, j'aimerais répéter l'expression que vous avez employée — je l'ai lue dans la traduction, et je vais essayer de la prononcer en anglais — nothing on us without having us involved, c'est-à-dire rien sur nous ne se fera sans nous. Je crois que vous devriez la répéter souvent à tout le monde. J'ai moi-même eu des problèmes, étant autochtone. Les gens essaient d'organiser la vie d'autres personnes qui, selon eux, ne sont pas organisées, et c'est pourquoi vous devriez la répéter souvent. Dites-leur : « Ne faites rien sans nous consulter ». C'est très important. Ça ne veut pas dire que les gens sont de mauvaise foi; les gens ont de bonnes intentions, et ils essaient de faire de leur mieux. Cependant, vous devez participer aux décisions si vous voulez qu'on fasse les bonnes choses, et vous devez faire les choses vous-même.

Le sénateur Johnson : Merci de vos exposés. Vous avez tous les deux parlé du pouvoir des médias, qui peuvent influer sur les attitudes des gens, et du travail peu brillant qu'ils accomplissent, selon vous. J'organise un petit festival de cinéma, mais je fais aussi partie du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui mène actuellement une étude sur les médias dans tout le pays. Pouvez-vous tous les deux mentionner ou me donner un exemple, en ce qui concerne les médias, d'une mesure positive que l'on pourrait prendre actuellement?

M. Marshall : Oui. Comme je vous l'ai suggéré, vous devriez financer les groupes d'entraide. Nous l'avons déjà essayé, ici, au Manitoba, mais la tentative a échoué d'emblée, parce que j'ai communiqué avec Chris Summerville, de la Manitoba Schizophrenia Society, et je lui ai dit que c'était ça le problème. Par exemple, vous n'avez probablement pas le temps de regarder la télévision, mais la semaine dernière, j'ai regardé Crossing Jordan, Medium et Outer Limits, et, dans ces émissions, on joue sur le drame, comme en utilisant un soupçon de santé mentale, pour rendre l'intrigue plus intéressante. Elles utilisent toutes une vision de la maladie mentale d'il y a 50 ans; les gens errent et se rentrent dedans dans une grande pièce. M. Summerville a communiqué avec tous ses contacts au pays, et il leur a dit : « Pourriez-vous vous joindre à nous, et pouvons-nous envoyer cette lettre à ces différentes entreprises? » Tout le monde a dit qu'on leur avait versé de l'argent pour lutter contre la stigmatisation, qu'on faisait ci, qu'on faisait ça, qu'on faisait n'importe quoi, mais qu'on ne pouvait faire ça. Nous n'avons pas obtenu les ressources financières nécessaires à la réalisation d'un projet ponctuel comme celui-ci, pour essayer de changer la façon dont la société perçoit la maladie mentale. Cela toucherait tout le spectre de la société.

Le sénateur Johnson : Vous parlez de la façon dont on présente les choses? Vous parlez de la façon dont les émissions présentent...

M. Marshall : Oui, donnez-leur de l'information sur la façon dont cela influe sur les gens, et remettez-leur une lettre signée par tous les groupes d'entraide, les ministres de la Santé de chaque province, et le ministre fédéral. Donnez le financement nécessaire pour compiler cette information, puis envoyez-la. Nous parlons de la nécessité de faire de l'éducation dans les écoles, et de tout le reste. Ce serait une façon de le faire. Quiconque regarde la télévision, et tout le monde le fait, peut-être qu'on ne la regarde pas l'été....

Le sénateur Johnson : Une étude sur les médias révèle que 70 p. 100 des Canadiens s'informent en majeure partie grâce à la télévision. Même avec l'avènement d'Internet, aujourd'hui, 70 p. 100 de l'information provient de la télévision. C'est pourquoi je suis curieuse. Les films sont de plus en plus nombreux et de plus en plus percutants, surtout les films indépendants. Les films indépendants pourraient constituer une façon de raconter certaines de ces histoires. Je crois qu'on peut les appeler des histoires, et c'est ce que les gens regardent et ce qui les fait réagir. Selon moi, c'est ce qu'on pourrait mentionner dans notre rapport relativement au pouvoir incroyable des médias. En racontant des histoires, on pourra faire passer le message.

M. Marshall : Je crois qu'il est important que les groupes d'entraide, et tous les autres intervenants que je viens de mentionner, se joignent à nous et communiquent avec l'industrie cinématographique, parce que cela aura un bien plus gros impact. Vous n'autorisez pas le racisme, ou différentes choses comme cela. Lorsqu'un film sort en salle, et qu'il est manifestement axé sur le racisme et l'humiliation des Autochtones, et qu'il présente tout le monde de cette façon, il y a une levée de boucliers. Prenez par exemple Moi, moi-même et Irene. Lorsque ce film de Jim Carey a pris l'affiche, beaucoup de gens étaient très vexés par la façon dont on avait dépeint la schizophrénie. Je n'ai pas trouvé ça drôle, mais je n'ai pas trouvé cela ça offensant — je ne suis pas toujours aussi sérieux.

Cependant, on a besoin de financement pour essayer de changer les choses; pour au moins leur laisser le choix d'essayer de changer les choses. Nous devons déprogrammer la société.

M. Turcotte : Je souffre d'anxiété depuis que j'ai huit ans. J'avais peur, après avoir regardé la télévision toute ma vie, de dire quelque chose à quelqu'un. Si je me sens comme ça, et ce n'est qu'à 30 ans que j'ai décidé de chercher de l'aide, pouvez-vous imaginer ce que ça fait? C'est vraiment tout ce que j'avais à dire. C'est le pouvoir. Si nous pouvions éduquer complètement les médias, ce serait un grand pas en avant pour nous.

Le sénateur Johnson : C'est un bon commentaire. Vous êtes perspicace. Et je crois que vous avez raison.

Le sénateur Pépin : Dans votre exposé, vous avez parlé de l'emploi, et vous avez dit que le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral doivent s'assurer qu'il y a des possibilités. Vous avez dit que les gouvernements provincial et fédéral doivent travailler ensemble afin que les personnes ayant une déficience intellectuelle puissent travailler, comme ce qu'on a fait dans la loi antérieure pour les Autochtones.

M. Marshall : Oui.

Le sénateur Pépin : Vous avez dit qu'il est important que vous ayez la possibilité de travailler, et vous souhaitez que le gouvernement adopte une loi à ce sujet.

M. Marshall : Oui.

Le sénateur Pépin : De plus, vous avez dit qu'on devrait adopter une loi pour protéger le patient qui reçoit des soins contre les agressions physiques et sexuelles. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

M. Marshall : J'en ai parlé un peu plus tôt. Il y a plusieurs années, lorsque je siégeais au conseil d'administration de l'ACSM, on a réussi à la faire modifier. J'ai travaillé avec une personne qui avait été violée plusieurs fois dans un établissement psychiatrique. Nous avons essayé de convaincre les autres divisions de l'Association canadienne pour la santé mentale de se joindre à nous, afin de parler au gouvernement fédéral et à ses propres gouvernements provinciaux de la sécurité dans les unités. Cette protection est déjà prévue dans une loi, mais elle n'est pas assurée dans les unités psychiatriques, pour quelque raison que ce soit.

Le sénateur Pépin : Elle n'est pas appliquée?

M. Marshall : Elle l'est au Manitoba, mais pas dans d'autres provinces. Est-ce que ça répond à votre question?

Le sénateur Pépin : Oui.

Le président suppléant : Eh bien, nous devons poursuivre, mais si vous voulez bien rester où vous êtes, nous pourrons peut-être revenir à vous à la fin des témoignages. Merci à vous deux de nous avoir présenté des témoignages aussi sincères et d'avoir partagé votre vécu avec nous. Je peux vous dire que ça a été utile.

Honorables sénateurs, nous allons maintenant écouter la représentante d'une organisation du nom de Well Connected.

Mme Heather Dowling, Well-Connected : J'aimerais remercier le comité du merveilleux travail qu'il effectue et aussi de m'avoir généreusement invitée à venir vous parler ce matin.

Je m'appelle Heather Dowling. J'ai trois enfants. Comme mon fils vient tout juste d'avoir 18 ans, ils sont tous maintenant de jeunes adultes.

J'ai connu le système de santé mentale sur différents aspects, mais de façon plus intime, en tant que mère d'une fille qui souffre d'un grave trouble de l'alimentation depuis un certain nombre d'années, et qui continue à travailler pour avoir une vie saine.

En tant qu'infirmière en santé publique, je sais comment le système de santé mentale fonctionne dans mon petit coin de pays. Comme je fais partie du comité directeur de Well-Connected, groupe de soutien local pour les personnes souffrant de troubles de l'alimentation, des personnes, des parents ou des conseillers de l'école me demandent souvent de les aider. Si votre enfant se casse un bras ou une jambe, vous savez où aller. Vous savez que, si vous y allez, quelqu'un vous aidera. Vous allez à l'urgence, et l'infirmière vous reçoit, le médecin vient vous voir, on vous fait passer des radiographies, et on met votre membre dans le plâtre, ou, dans le pire des cas, vous devez vous faire opérer, mais d'une façon ou de l'autre, vous obtenez de l'aide. Ça fait mal, et tous vos rêves de jouer dans la LNH partent en fumée, mais avec des soins, vous allez mieux, et vous reprenez votre vie normale.

Si vous souffrez d'un trouble de l'alimentation, ça ne se passe pas comme ça. Vous ne savez pas où aller. Vos parents ignorent où demander de l'aide. Beaucoup de médecins et d'infirmières ne savent pas quoi faire pour vous. Bon nombre d'entre eux vous accusent d'être responsables de votre maladie. Cependant, vous êtes malade, vraiment malade. Lorsqu'on essaie de trouver de l'aide, on s'embarque dans une aventure frustrante, et on est seul.

La plupart des gens effectuent beaucoup, beaucoup d'appels dans le but d'obtenir de l'aide. Lorsqu'on finit par trouver quelque chose qui donne espoir, on se retrouve sur une liste d'attente de dix mois. Pour reprendre l'analogie de la fracture, c'est comme si on se présentait à l'urgence avec une fracture et qu'on se faisait dire : « Oui, c'est vraiment fracturé, donc faites ce que vous pouvez pour vivre avec, et nous vous verrons dans dix mois ».

Vous allez probablement survivre. Ce qui est certain, c'est que votre membre ne sera jamais comme avant, et pour corriger la situation, il faudrait probablement refaire la fracture. Cependant, même si on le faisait, ça ne guérirait jamais comme ça aurait guéri si on s'en était occupé à la première fracture.

Tout ça semble ridicule. Personne ne ferait jamais ça, et personne ne devrait le faire. Toutefois, c'est ce qui se passe tout le temps en santé mentale, et c'est acceptable.

Lorsque ma fille avait 11 ans, on nous aurait traitées très différemment, ma fille et notre famille, si elle avait eu le cancer plutôt qu'un trouble de l'alimentation. En plus de traitements médicaux à la fine pointe de la science, nous aurions eu droit à des travailleurs sociaux et à des conseillers pour nous aider à passer à travers cette situation très difficile. Lorsque son enfant souffre d'une maladie mentale, on vit la peur, le doute, on cherche des réponses. On essaie de s'adapter, on vit du stress et on subit des traumatismes affectifs comme si son enfant était gravement malade physiquement, mais on ne reçoit aucun soutien qu'on accorde habituellement à une personne qui est gravement malade physiquement. On se sent très seul, et abandonné.

Les parents font de leur mieux pour aider et soigner leurs enfants. Bon nombre d'entre eux doivent engager d'énormes dépenses pour le faire. Au Manitoba, si on vit dans la Ville de Winnipeg, il est très difficile de trouver de l'aide appropriée et efficace pour ce qui est des troubles de l'alimentation. Si, comme beaucoup de gens, vous vivez dans une région rurale du Manitoba, les difficultés sont presque insurmontables.

Dans notre cas, que serait-il arrivé si les personnes souffrant de troubles de l'alimentation avaient reçu la même qualité de soins de santé que les gens qui sont aux prises avec une maladie potentiellement mortelle?

Tout d'abord, des médecins seraient formés pour dépister les troubles de l'alimentation et traiter les gens qui en sont atteints. Dans les cliniques et les hôpitaux, il y aurait des infirmières formées pour reconnaître et traiter les gens qui souffrent de troubles de l'alimentation. Un conseiller aurait été affilié à la clinique médicale et aurait pu commencer à voir notre fille dès les premiers symptômes et aurait travaillé avec nous, la famille, pour l'aider à s'engager dans la voie de la guérison. On pourrait espérer que, un jour, elle aille mieux. Nous nous sommes battus pendant près de deux ans avant que quelqu'un daigne me dire qu'elle pourrait prendre du mieux.

Il y aurait un réseau professionnel de médecins, d'infirmières et de conseillers qui essaieraient de la traiter, et ils auraient ainsi la possibilité de mettre des idées en commun, de se soutenir les uns les autres et de tirer des leçons de leurs pairs.

Il y aurait des groupes de soutien pour elle, sa fratrie, et nous, ses parents, et ils ne seraient pas à cinq heures aller-retour de chez nous.

On pourrait accéder continuellement à un conseiller ou à un centre de traitement en cas de rechute.

Au cours de sa maladie, pour sauver sa peau, ma fille a dû séjourner longtemps à l'hôpital de notre région. Grâce à la créativité, aux efforts, à la compassion et au soutien du personnel qui s'occupait d'elle, cet épisode s'est plutôt bien passé. J'imagine qu'il y a beaucoup d'histoires de ce genre dans tout le pays. Le problème, c'est que très peu de gens en sont conscients, et que nous ne faisons que réinventer la roue sans cesse.

Dans les dossiers qu'on vous a remis, il y a deux articles, l'un du BC Medical Journal de janvier 2005, et l'autre, de l'Université de Glasgow en Écosse. Dans ces deux articles, on présente de nouvelles idées sur la façon de traiter les troubles de l'alimentation. Il y a également deux fiches d'information sur deux centres de traitement que je connais, et qui constituent d'excellents modèles de programmes résidentiels.

J'espère vraiment que, dans 20 ans, nous traiterons les troubles de l'alimentation tout à fait différemment de la façon dont nous les traitons aujourd'hui. Les traitements seront différents parce que nous avons tant appris, nous sommes allés si loin et nous sommes devenus tellement plus efficaces. Merci.

Mme Ruth Miner, présidente, Well-Connected : Je suis travailleuse sociale dans un centre de soins actifs en santé mentale et présidente de Well-Connected, organisme sans but lucratif qui œuvre auprès des gens qui sont aux prises avec des troubles de l'alimentation. Je suis également la mère d'une jeune femme qui souffre d'un trouble de l'alimentation depuis cinq ans. Au cours des sept dernières années, en tant que bénévole professionnelle et parent, j'ai été en contact avec près de 100 personnes qui se sont battues contre un trouble de l'alimentation.

Les membres de Well-Connected veulent vous remercier, au nom de toute notre organisation — particuliers, parents, conjoints et professionnels —, de nous donner la possibilité de participer à cette audience.

Nous souhaitons également vous remercier de ce que vous faites. Vous prenez la peine d'écouter les gens les plus touchés par la maladie mentale, et cela nous donne l'espoir qu'un jour il y aura des changements positifs. En lisant vos rapports, on voit que vous avez compris. Vous avez cerné bon nombre des problèmes et des défis les plus criants, notamment l'absence de leadership national, la mosaïque complexe de compétences politiques et de fournisseurs privés de services de santé mentale, la fragmentation des services, l'accès inégal et le manque de ressources. Nous estimons aussi que vous avez déterminé correctement bon nombre des besoins qui correspondent à ces défis.

Oui, nous avons besoin d'un plan d'action national, de coordination, de responsabilisation, de communication entre les intervenants, d'un accès amélioré et de plus de ressources. Nous avons besoin d'une base de données nationale, et il faut mener des recherches continues qui ne sont pas subventionnées entièrement par l'industrie pharmaceutique. Les principes de la santé mentale, que vous avez cautionnés, sont essentiels à l'amélioration de la prestation des services.

La prévention, comme vous l'avez signalé, doit passer par l'amélioration des conditions sociales et par la mise en valeur du bien-être mental. L'enseignement de l'adaptation et de la résilience dans les écoles en est un bon exemple. Le dépistage et l'intervention précoces sont cruciaux. L'accès accru et rapide à des services appropriés est vital. Dans votre rapport, vous avez mis l'accent sur les soins axés sur le bénéficiaire, et, dans l'exposé de Phil Upshall et dans les autres exposés que nous avons écoutés avant, on a souligné que le bénéficiaire doit avoir voix au chapitre. Dans votre rapport, vous vous penchez sur les lacunes que l'on trouve dans les soins de santé primaires, en tant que modèle médical. Les équipes multidisciplinaires sont essentielles à l'efficacité des traitements.

En qualifiant les services de santé mentale pour les enfants et les adolescents de « parent pauvre du parent pauvre », dans votre rapport, vous avez mis en relief nos principales préoccupations. La plupart des troubles mentaux apparaissent pendant l'enfance ou à l'adolescence, mais, comme vous le signalez, les enfants et les adolescents sont les membres de la population les moins susceptibles d'accéder aux services, et c'est à eux qu'on en offre le moins.

C'est ici que nous avons de l'information à vous communiquer. Vos chiffres sur la prévalence des troubles de l'alimentation sont les plus bas que nous ayons jamais vus. Nous estimons que le taux réel se rapproche davantage de 10 p. 100 de la population générale que 0,1 p. 100, et nous estimons également qu'il augmente à tous les âges et aussi bien chez les hommes que chez les femmes. De nombreuses études appuient nos observations. Je pourrais vous citer mes sources, mais je vous épargnerai cela.

Si on tient compte du nombre d'adolescents qui présentent des symptômes considérables de troubles de l'alimentation, mais qui ne satisfont pas à tous les critères justifiant un diagnostic clinique, la proportion monte à près du tiers des adolescentes. Cette étude a été citée dans le Journal de l'Association médicale canadienne en 2001. L'auteure s'appelle Jennifer Jones.

Les troubles de l'alimentation affichent le taux de mortalité le plus élevé de toutes les maladies mentales. Ils présentent l'un des taux les plus élevés de troubles comorbides. En fait, je ne me rappelle pas avoir déjà vu un client qui souffrait seulement d'un trouble de l'alimentation. Habituellement, c'est un tout où l'on trouve l'une ou plusieurs des affections suivantes : dépression, anxiété, trouble obsessivo-compulsif, toxicomanie, et troubles du sommeil. Les troubles de la personnalité et le syndrome de stress post-traumatique constituent d'autres troubles concomitants.

En moyenne, les gens qui ont eu raison d'un trouble de l'alimentation ont dû se battre pendant cinq à huit ans pour s'en sortir. Nous connaissons beaucoup de personnes qui ont lutté contre cette maladie pendant au moins 20 ans. Nous en connaissons aussi plusieurs qui sont décédées.

Voilà maintenant près de quatre ans que nous essayons de conscientiser les gens dans notre coin de pays. Nous entendons plus souvent parler de jeunes hommes qui souffrent de troubles de l'alimentation et de femmes d'âge moyen qui sont aux prises pour la première fois de leur vie avec un trouble de l'alimentation. Les facteurs qui poussent les gens à tomber dans la dépression, l'anxiété ou la toxicomanie sont aussi liés aux troubles de l'alimentation. L'obsession de l'image corporelle et la quête de la minceur irréaliste, dans notre société, constituent un terrain fertile.

Certaines personnes semblent être prédisposées aux troubles de l'alimentation. On mène actuellement une étude internationale sur le rôle de la génétique dans l'anorexie, un peu comme la recherche qu'on a déjà effectuée sur la composante génétique de la boulimie. On trouve beaucoup de jeunes femmes très intelligentes, qui s'expriment bien, qui sont sensibles et perfectionnistes parmi les personnes que nous voyons. Elles vivent avec le fardeau de la honte, du secret et du silence. Nous voulons qu'elles et leurs proches sachent que ce n'est pas de leur faute. Elles ne sont pas seules; il y a de l'aide et de l'espoir.

J'ai annexé certaines recommandations que nous avons formulées, et nous les avons groupées dans cinq catégories. La liste aurait pu être beaucoup plus longue, mais nous avons essayé d'être succinctes.

La première catégorie est la prévention. À l'instar de la prévention relative à d'autres types de maladie mentale, la prévention des troubles de l'alimentation met l'accent sur la promotion de la santé. Il est primordial de renforcer l'estime de soi, les capacités d'adaptation et la résilience, et ce, dès l'enfance. Mais ce qui est propre aux troubles de l'alimentation, c'est qu'il faudrait se concentrer sur une image corporelle saine.

La deuxième catégorie est le dépistage et l'intervention précoces. Pour ce faire, il serait essentiel de former les professionnels de la santé et de l'éducation. Il faudrait mettre en œuvre des systèmes de dépistage de routine des troubles de l'alimentation dans les milieux où on dispense des soins de santé primaires. Une équipe multidisciplinaire devrait offrir des traitements dans la collectivité. On pourrait se faciliter la tâche en utilisant des systèmes de télésanté et Internet.

La troisième catégorie est le traitement axé sur le client. Les clients et les membres de leur famille méritent d'être traités avec respect et empathie. Les membres de l'équipe de traitement doivent garder espoir et être patients. L'habilitation du client et le traitement personnalisé sont nécessaires à la guérison.

La quatrième catégorie est le soutien des familles. La maladie mentale accable terriblement les membres de la famille. Ceux-ci ont besoin d'information, d'éducation et de soutien. Ce n'est que lorsque c'est absolument nécessaire pour le bien du client qu'on devrait exclure les membres de la famille du processus de traitement. Tenir les familles à l'écart n'est presque jamais utile. En fait, c'est le contraire. Longtemps après que l'équipe de traitement a dispensé ses services, la plupart du temps, la famille est toujours dans la vie du client.

La cinquième catégorie est la recherche, la collecte de données et la diffusion d'information à l'échelle nationale. Il y a beaucoup à faire dans le domaine des troubles de l'alimentation. On n'en sait pas assez sur les facteurs qui déclenchent un trouble de l'alimentation, sur leur prévalence ni sur le traitement le plus efficace. Les pratiques exemplaires changeront à mesure qu'on recueillera de nouvelles informations, et il serait utile de mettre l'information en commun d'une façon structurée.

Le président suppléant : Madame Minaker, avant de répondre aux questions des autres sénateurs, pourriez-vous nous citer vos sources afin que nous corrigions les données dans notre rapport?

Mme Minaker : L'ACSM indique que la prévalence des troubles de l'alimentation, selon nos meilleures estimations, et c'est à peu près tout ce que nous avons, outre quelques études, est que 1 p. 100 des femmes sont anorexiques au cours de leur vie; et 3 p. 100 sont boulimiques. Je crois que ces statistiques ont également été présentées dans le Rapport sur les maladies mentales au Canada, une publication gouvernementale. Vous devriez pouvoir y accéder facilement.

On y cite l'étude Jones sur le Triangle d'or, qui a été effectuée auprès de plusieurs milliers de fillettes d'âge scolaire au sujet des habitudes alimentaires, des comportements alimentaires, etc. On l'a reproduite dans le Journal de l'Association médicale canadienne en 2001, et donc, vous devriez pouvoir facilement y accéder.

Un certain nombre d'autres études ont également été menées, et l'une des personnes les mieux placées pour répondre à ces questions est Hilary Grammar, analyste des politiques à la Direction générale de la santé mentale et de la toxicomanie de la province du Manitoba. Je travaille avec Hilary et Yvonne Block au réseau provincial pour les troubles de l'alimentation. Hilary travaille à une publication qui devrait être prête sous peu, et elle a fait de l'excellent travail en assemblant des statistiques et des méthodes de traitement courantes, et en les évaluant, et ainsi de suite.

Le sénateur Johnson : Merci, mesdames Dowling et Minaker. Je suis très désolée pour vos filles, et j'espère qu'elles se porteront bien. J'ai eu une sœur qui a eu ce problème, mais on l'a dépistée rapidement, et elle s'est parfaitement rétablie. C'était à la fin des années 70, et donc, vous pouvez vous imaginer qu'il n'y avait aucun service à ce moment-là.

Cela dit, la majorité des personnes sont aux prises avec des troubles de l'alimentation, présentement — le pourcentage n'est-il pas plus élevé pour les femmes que pour les hommes, surtout les jeunes femmes?

Mme Minaker : Nous croyons, d'après ce que nous avons lu et ce que nous avons vécu, que, oui, la plupart des gens commencent à souffrir d'un trouble de l'alimentation à l'adolescence. Même si nous commençons à voir des changements, comme je l'ai souligné dans mon exposé, on voit apparaître ces troubles chez quelques femmes au milieu de leur vie. Je pense que c'est révélateur de nos valeurs de société, des industries de la mode et des régimes alimentaires, et du battage médiatique qui entoure cet idéal de minceur irréaliste et inatteignable.

Nous savons aussi que les troubles de l'alimentation gagnent de plus en plus les jeunes hommes. Ces troubles ont tendance à porter davantage sur l'idéal des abdominaux bien découpés et sur le physique que sur la minceur. Souvent, ça va de pair avec la consommation ou la consommation abusive de stéroïdes, mais nous voyons de jeunes garçons, cette année, nous en avons eu deux, âgés de 11 et de 13 ans, qui présentent les symptômes classiques de l'anorexie. Ça semble être une nouvelle tendance troublante. Nous remarquons aussi que les troubles de l'alimentation sont plus fréquents chez les homosexuels.

Le sénateur Johnson : Je suis parfaitement d'accord avec vous au sujet des jeunes hommes, et je crois qu'il y a aussi des pressions sociales. Je crois que l'un des plus gros problèmes d'une ville comme celle-ci, bien sûr, et pour tout le monde, c'est que ça prend de l'expansion. Les adolescentes fument plus pour rester minces. Elles ne sont pas en bonne santé. Elles ne sont pas en forme. Dans notre société, comme nous le savons, on ne met pas suffisamment l'accent sur le sport, les loisirs et ce genre d'activités physiques. On effectue actuellement des études sur l'obésité, mais il y a autant de jeunes, des garçons qui ont problème de poids, et tout le bataclan.

On se retrouve avec ce même problème à mesure que ces fillettes grandissent. Elles sont prédisposées à faire de l'ostéoporose dans la trentaine, et elles sont incapables de se reproduire et donc, tout leur corps et tout leur être physique est touché, et cela influe sur leur rôle dans notre société.

Il faut reconnaître l'anorexie et la boulimie au même titre que nous reconnaissons l'obésité et les autres problèmes physiques dans notre monde d'aujourd'hui. Ces maladies ont trait à la santé mentale, comme c'est l'objet de cette étude, parce que les personnes qui en sont touchées ne pensent pas de la bonne façon. Dès qu'elles commencent à présenter des troubles de l'alimentation, elles sont prises dans un cercle vicieux. Est-ce que c'est la dépression qui enclenche ce processus, ou si c'est parce que les gens sont vulnérables face à d'autres influences quant à l'alimentation, à ce qu'on voit aujourd'hui à la télévision, que 70 p. 100 des enfants regardent en grandissant, et à ce qu'on trouve sur Internet? Tout ce qu'on voit, ce sont des fillettes silhouettées comme si elles pesaient une once et photographiées de façon à avoir l'air encore plus mince.

J'ignore ce que vous pensez du plan national, de la relation entre santé mentale et santé physique, mais comme les Grecs disaient, un esprit sain dans un corps sain. Si on en faisait la promotion et qu'on établissait des liens, ça pourrait peut-être faire partie de cette étude. Je crois que c'est énorme, et c'est un problème énorme chez nos jeunes.

Mme Minaker : Oui, ça l'est. L'une des choses qui nous semblent très préoccupantes, c'est qu'une grande partie du système de santé publique s'est jointe aux médias dans leur campagne visant l'épidémie d'obésité. On a effectué un certain nombre d'études, subventionnées par des sociétés pharmaceutiques, pour documenter l'épidémie d'obésité. L'industrie de la mode et les médias y ont participé. Cela a vraiment eu un effet sur les soins que les gens reçoivent lorsqu'ils vont voir leur médecin de famille. Souvent, le médecin commence par parler du poids de la personne, surtout si cette personne se trouve être une jeune fille ou une femme. Je ne pourrais pas vous dire combien j'ai vu de gens être dévastés après avoir consulté leur médecin parce qu'on leur a dit qu'ils étaient obèses. Aujourd'hui, c'est presque comme une insulte raciale. C'est porteur des mêmes stigmates.

Je veux que Heather vous parle de la réaction qu'elle a eue lorsqu'elle a appris qu'un pédiatre avait dit à une mère que son bébé était obèse.

Mme Dowling : C'était un bébé de huit mois. La mère ne faisait qu'allaiter son bébé, elle ne lui donnait rien d'autre — il ne pouvait pas avoir huit mois, parce qu'on commence à donner des aliments solides vers six mois, donc, c'était peut-être un bébé de cinq ou de six mois. C'est un beau bébé, qui prend du poids, et tout va bien. Cependant, le médecin a dit à la mère que son bébé était trop gros. Tout ce qu'elle faisait, c'était l'allaiter. J'ai été totalement horrifiée de voir le message que ça véhicule aux yeux des gens. La mère est venue me voir et m'a dit : « Qu'est-ce que je devrais faire? » Je lui ai dit rien, continuez, c'est parfait. Il va commencer à marcher, et tout ira bien.

L'obésité est un problème, et nos médecins doivent y faire face. C'est un problème dans notre culture. Nous devons faire attention à ce que nous faisons. Lorsqu'on regarde les statistiques, on apprend que 80 ou 90 p. 100 des troubles de l'alimentation commencent par un régime alimentaire. On doit peser nos mots et faire attention à ce qu'on dit aux enfants. L'obésité tient davantage à l'inactivité qu'à ce qu'on mange.

Mme Minaker : Nous savons que, dans 90 p. 100 des cas, les régimes ne donnent rien. Les gens peuvent perdre du poids au début, et ensuite, ils le reprennent. Puis, la fois suivante, c'est plus dur de le perdre. Ils se tournent vers des méthodes plus extrêmes. Bon nombre de nos jeunes femmes, comme vous l'avez mentionné, ont recouru à des méthodes extrêmes pour perdre du poids et contrôler leur alimentation, notamment à des méthamphétamines en cristaux, qui sont de plus en plus populaires. Nous ne récolterons que des problèmes de tous les comportements qu'adoptent les femmes et les hommes pour maîtriser leur alimentation.

Le président suppléant : C'est très intéressant d'être ici et de vous écouter. Dans ma carrière antérieure, je me suis rendu coupable d'avoir mis de l'avant des programmes de prévention visant la normalisation de la masse corporelle; autrement dit, les ratios normaux taille/poids chez les jeunes. J'ai consacré ma vie au traitement des maladies cardiovasculaires, et j'étais préoccupé par l'apparition prématurée de l'arthériosclérose, et ainsi de suite. Je dois dire que je n'étais peut-être pas conscient des dommages que pouvait causer mon approche plutôt brutale du sujet. Je n'avais pas l'intention d'être brutal, mais je l'ai probablement été.

Mme Dowling : Le contraire peut aussi être vrai. Comme on ne sait pas où aller pour obtenir de l'aide — vous savez que vous avez besoin d'aide, ou vous savez, en tant que parent, que quelque chose ne va pas — le premier endroit où vous allez, c'est chez votre médecin, parce que qu'y a-t-il d'autre? Vous ne savez pas comment vous y prendre.

Je connais un certain nombre de fillettes qui sont allées voir leur médecin. Les parents sont inquiets parce que leur enfant mange mal, et ils pensent qu'il y a un problème. Ils se présentent au cabinet du médecin, et les médecins sont comme les infirmières : ils sont programmés, et ils pèsent et mesurent les choses; c'est ce qu'ils font, et ça fonctionne pour eux. Cependant, ensuite, ils disent : « Vous paraissez très bien, vous êtes mince, et vous êtes belle. » Pour une fille qui est sur le point de tomber dans un trouble de l'alimentation, oui, c'est le cas, mais ce n'est pas du tout utile. Ça fonctionne dans les deux sens.

Le sénateur Pépin : Je dois reconnaître la même chose, dans mon cas. Je savais qu'il y avait des troubles de l'alimentation, mais jamais selon le pourcentage que vous avez mentionné. Vous avez dit que, selon vous, ça s'élevait à 10 p. 100; le tiers des adolescentes. Vous avez parlé des systèmes de télésanté et d'Internet. Je crois que ce sera fantastique et qu'il faut le faire, et je suis d'accord avec ça. Cependant, ce qui m'inquiète, ce sont les gens qui, peut-être, n'ont pas de revenu ou n'ont pas un revenu élevé, et qui ne peuvent accéder à Internet. Il faudra peut-être penser à ce groupe. Je crois que c'est très important et que ça doit exister, mais les gens à faible revenu n'auront peut-être pas cette possibilité.

De plus, madame, vous avez dit qu'il faut mettre les idées en commun; un réseau professionnel de médecins, d'infirmières et de conseillers dont les membres pourraient mettre leurs idées en commun. Partout où nous allons, lorsqu'on parle de troubles mentaux, tout le monde dit qu'on doit trouver une façon pour que tout le monde mette l'information en commun, travaille ensemble et essaie de coordonner tout, parce que personne ne sait ce que l'autre groupe fait. C'est la même chose. Je dois reconnaître que j'en ai beaucoup appris aujourd'hui au sujet des troubles de l'alimentation. Je ne le savais pas.

Mme Dowling : Je crois également que c'est important pour les gens qui traitent les personnes souffrant de troubles de l'alimentation, parce que c'est vraiment difficile. C'est difficile, en partie, parce que nous ne sommes pas particulièrement bons dans ce domaine. Je ne pense pas qu'il y a beaucoup d'études ni d'études vraiment fantastiques. Je pense que nous ne faisons qu'effleurer la question du traitement d'un trouble de l'alimentation. C'est ce que je veux dire lorsque je dis que j'espère que ce sera très différent dans 20 ans. Pour l'instant, les gens qui traitent les personnes atteintes de troubles de l'alimentation doivent pouvoir communiquer entre eux, parce que eux aussi peuvent se sentir seuls, et penser que c'est une entreprise frustrante, difficile et longue.

Le sénateur Pépin : Je suis d'accord avec vous.

Mme Dowling : Et ça l'est.

Le sénateur Gill : Vous dites qu'il faut attendre dix mois pour obtenir un rendez-vous?

Mme Dowling : Ce qu'il y a eu de bon dans tout cela, c'est que ma fille était très, très malade, et qu'elle a probablement fracassé des records que personne ne voudrait même égaler. L'un des premiers médecins que nous avons consultés nous a dit que 97 p. 100 des filles ne tombent jamais aussi malades qu'elle l'était. C'est une chose vraiment terrible; c'est quelque chose qu'on ne veut pas entendre. Mais la bonne nouvelle, c'est que, si elle a pu prendre du mieux, c'est que tout le monde le peut. On ne reste pas nécessairement sous l'emprise de cette maladie toute sa vie; on peut aller mieux. Comme je l'ai dit, ça faisait presque trois ans qu'on vivait ça lorsque quelqu'un a daigné m'en parler.

Le sénateur Gill : Est-ce que c'est un nouveau phénomène?

Mme Dowling : Je ne pense pas qu'il soit nouveau.

Le président suppléant : Ça existe depuis très longtemps.

Mme Dowling : Oui, je crois que ça existe depuis longtemps. L'automne dernier, le Manitoba Theatre for Young People a présenté une pièce intitulée Dying To Be Thin. C'était le monologue d'une femme. On a présenté la pièce dans les écoles secondaires de la province, et 17 000 étudiants l'ont vue. Vous en avez probablement entendu parler. J'ai parlé à l'actrice qui jouait dans la pièce, et elle était sensationnelle. En un sens, ça a été une pièce effrayante pour moi, parce que si vous êtes au bord du précipice et que vous vous dites que vous pourriez faire cela, il y a assez d'information dans cette pièce pour vous permettre de bien faire les choses. Lorsque j'ai parlé à la fille qui était l'actrice, elle a dit : « Oui, ce que je dis fait vraiment peur, mais des filles viennent me voir, et ce qu'elles me disent se faire à elle-même est bien pire. » Ce qui est vraiment déprimant, c'est que cette pièce a été écrite il y a 17 ans, et qu'elle est plus pertinente aujourd'hui qu'elle l'était alors, et c'est effrayant.

Mme Minaker : Il existe des cas documentés de troubles de l'alimentation qui sont survenus il y a des siècles de cela. Certains mystiques chrétiens avaient probablement des troubles de l'alimentation. Nous pourrions faire une étude là-dessus. Au XIXe siècle, des femmes se faisaient enlever les côtes inférieures afin d'avoir une taille de guêpe. Donc, les problèmes relatifs à l'image corporelle et les troubles de l'alimentation remontent à des centaines d'années, probablement au tout début de l'humanité.

Ce que nous voyons actuellement, selon nous, c'est une explosion de troubles de l'alimentation. Actuellement, les troubles de l'alimentation sont la norme chez les jeunes dans les écoles secondaires, au premier et au deuxième cycles.

Nous savons, pour l'avoir entendu de la bouche d'étudiants, que des groupes de filles vont aux toilettes pour se faire vomir ensemble. C'est loin de l'idée que je me fais de la solidarité, et ce n'est pas quelque chose que nous voulons promouvoir. Nous savons que 40 p. 100 des filles âgées de neuf ans disent suivre un régime. Les jeunes filles de neuf ans ne devraient pas penser à faire des régimes. Ce n'est pas sain. C'est devenu la normalité. Elles grandissent avec une mère qui dit : « Mon derrière est trop gros, et je n'entrerai jamais dans ce costume ». Elles apprennent ça comme elles apprennent l'alphabet. Nous devons changer cela.

Le sénateur Johnson : La première étude sur l'anorexie n'a-t-elle pas été effectuée auprès d'un garçon âgé de 10 ans?

Mme Minaker : Ça se pourrait bien. Je ne l'ai pas vue.

Le sénateur Johnson : Ce que vous dites est tellement vrai. J'ai beaucoup de nièces et de neveux, et je sais à quel point on leur met de la pression. Chez nous, on insiste sur la saine alimentation et l'activité physique. Bien sûr, dans les écoles, on n'a pas la chance d'avoir un programme d'éducation physique, et quelle est la responsabilité des parents? Y a-t-il des programmes à Winnipeg ou au Manitoba?

Mme Dowling : Pour les adolescents du Manitoba, le Centre des sciences de la santé offre un centre de jour pour les adolescents. Pour satisfaire aux critères, il faut être vraiment malade et vraiment vouloir s'en sortir, et c'est là une combinaison difficile. Il faut être là de 8 h le matin jusqu'à 6 h le soir. Après ça, il n'y a nulle part où aller, mais c'est déjà assez difficile comme ça pour quelqu'un qui vit en ville.

Si vous vivez dans une région rurale du Manitoba, comment vous y prenez-vous? Je connais des familles où un parent a pris congé du travail, est déménagé en ville, s'est pris un appartement, est resté là et a vécu là-bas pendant trois à six mois. Il y a un centre de traitement en résidence en banlieue de Brandon — sa brochure se trouve dans votre dossier —, et il est entièrement financé par le secteur privé. Il a augmenté le nombre de places et a doublé de taille. Il n'est pas financé par le secteur public, et ses clients sont en majeure partie des Américains, parce que ce qu'ils doivent payer en dollars canadiens, c'est très peu pour eux.

Ensuite, il y a un centre à Bridgepoint, à Milden, en Saskatchewan. En Saskatchewan, comme au Manitoba, beaucoup de gens vivent en région rurale. Ce programme résidentiel fonctionne par modules. Vous allez là pendant trois semaines, vous travaillez sur beaucoup de choses, et vous reprenez votre vie normale. Vous pouvez y aller autant de fois que vous en avez besoin. Ce centre reçoit du financement du ministère de la Santé de la Saskatchewan. C'est un programme, qui, selon moi, fonctionne très bien. Si on établit tous les programmes dans les grandes villes, ça n'aide pas un grand nombre d'entre nous, qui ne vivons pas en ville.

Si nous pouvons aller à l'endroit où on pourra intervenir plus tôt — ma fille avait 11 ans, si elle avait pu parler à un conseiller et savoir ce qui se passait — peut-être nous ne nous serions jamais rendus là où nous sommes allés, et c'était des endroits terribles. Peut-être qu'il y aura toujours des gens qui finiront par être aussi malades et qui devront aller à l'hôpital. Lorsqu'elle a été hospitalisée à l'hôpital de notre région, aucun d'entre nous n'a cru que cela l'aidait. Nous savions tous que nous essayions seulement de la maintenir en vie.

Mme Minaker : Nous travaillons avec le réseau provincial de lutte contre les troubles de l'alimentation, ici, au Manitoba, à élaborer une proposition de traitement résidentiel. En plus, nous voulons mettre sur pied une troupe itinérante, une équipe de base, qui pourra aller dans tous les offices régionaux de la santé du Manitoba et former des soignants locaux sur la façon de dispenser des soins et des traitements appropriés tôt dans la vie d'une personne qui est aux prises avec des troubles de l'alimentation. De cette façon, les gens ne se rendront pas malades au point où ils doivent aller dans les hôpitaux de soins tertiaires.

Actuellement, au Manitoba, les adolescents n'ont pas accès à des traitements en résidence. Je crois que le Centre des sciences de la santé n'offre que trois places dans son programme de traitement des troubles de l'alimentation des adultes. Si on regarde les statistiques démographiques, il y aurait au Manitoba des milliers de femmes, sans compter les hommes, qui ont besoin de traitement.

Le président suppléant : Malheureusement, nous n'avons plus de temps. Merci beaucoup à vous tous, Jason, Roman, Heather et Ruth, d'être ici.

La séance est levée.


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