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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 16 - Témoignages du 1er juin 2005 - Séance du matin


WINNIPEG, le mercredi 1er juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 h 5 pour examiner les enjeux liés à la santé mentale et à la maladie mentale.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, nos deux premiers témoins ce matin sont Donna Huffam, analyste des politiques dans le domaine de la santé mentale, et Margaret Synyshyn, directrice des programmes des Services de santé mentale pour les enfants, la jeunesse et la famille. Merci d'être venues.

Mme Margaret Synyshyn, directrice de programme, Services de santé mentale pour les enfants, la jeunesse et la famille : Bonjour, et soyez les bienvenus à Winnipeg. Je tiens à remercier le Comité sénatorial de me donner l'occasion de présenter un bref exposé sur la santé mentale chez les enfants et les adolescents. J'ai eu le plaisir de rencontrer certains d'entre vous il y a deux ans, quand nous avions discuté des soins primaires de santé mentale dans le domaine des soins infirmiers psychiatriques. Je suis heureuse de vous rencontrer de nouveau pour parler d'un autre sujet qui me tient vraiment à cœur.

Je m'adresse à vous aujourd'hui à titre de professionnelle de la santé mentale qui prend part à la prestation de services en matière de santé mentale aux enfants et aux adolescents depuis 20 ans, à titre tant de clinicienne que d'administratrice. Depuis cinq ans, je suis directrice du Programme de santé mentale pour enfants et adolescents de l'Office régional de la santé de Winnipeg. Mon poste s'assortit de responsabilités relatives à la prestation de services hospitaliers et communautaires en matière de santé mentale pour les enfants et les adolescents de la région de Winnipeg, ainsi que pour leur famille.

Histoire de me préparer pour mon exposé, j'ai examiné les questions relatives à la santé mentale des enfants et des adolescents posées dans le Rapport 3 du rapport intérimaire qui avait été diffusé antérieurement. Un certain nombre de questions s'attachaient à la complexité du rapport avec les enfants, les adolescents et leur famille en ce qui concerne la santé mentale. Les enfants, les adolescents et leur famille évoluent au sein d'une foule de systèmes qui influent sur ces personnes et interagissent — systèmes d'éducation, systèmes de services sociaux, appareil judiciaire, et fournisseurs de services de soins de santé — et, quand vient le temps de travailler avec les enfants, les adolescents et leur famille, nous arrivons tous avec notre bagage particulier de concepts, de cadres et de termes.

Tous ces domaines que je viens de mentionner doivent être analysés et interprétés, et cette interprétation est vraiment importante, car des problèmes linguistiques se rattachent à ces enjeux, et nous devons tous les comprendre afin que tous les intervenants s'entendent sur une vision commune des enjeux. Nous devons accomplir cela tout en veillant à ce que le partenariat le plus important — l'enfant, l'adolescent et la famille — reste au cœur de la planification et des interventions.

Selon mon expérience, les tentatives d'intégrer les systèmes que je viens de mentionner, qui influent sur les enfants et leur famille, se sont révélées très difficiles, et ne s'assortissent d'aucune garantie de cohésion et d'efficience. Là où notre programme, le Programme de santé mentale pour enfants et adolescents de l'Office régional de la santé de Winnipeg, a connu le plus de succès, c'est dans la création de partenariats avec d'autres systèmes et fournisseurs de services à l'égard, généralement, d'un enjeu, d'un groupe ou d'une population en particulier. Ce sont les circonstances qui déterminent qui dirige l'initiative, et la direction peut être assurée conjointement, à la lumière des buts négociés et fixés par les partenaires, y compris les enfants, les adolescents et leur famille. Les interventions les plus réussies, c'est-à-dire celles dont l'incidence positive peut être mesurée dans le temps, ce sont les interventions qui misent sur une approche axée sur le client, qui intègrent les déterminants de la santé, et qui peuvent être exécutées au moyen d'un cadre pour l'amélioration de la santé de la population.

Pour jouir d'une bonne santé mentale, un enfant doit être attaché aux personnes qui en prennent soin, se sentir en sécurité, avoir accès aux nécessités de la vie, et jouir des mêmes occasions que tout le monde d'apprendre, de grandir et de connaître des expériences positives. Ce n'est ni un nouveau concept ni une idée dont le Comité n'a jamais entendu parler. Le National Research Council et l'Institute of Medicine, dans leur publication intitulée « From Neurons to Neighbourhoods : The Science Of Early Childhood Development », avancent que ce qui arrive pendant les premiers mois et les premières années de la vie est très important, non pas parce que cette période de développement procure un plan indélébile pour le bien-être à l'âge adulte, mais bien parce qu'elle jette des bases solides ou fragiles pour ce qui viendra après.

Nous savons que chaque enfant a son propre patrimoine biologique et génétique, et que ce bagage peut le protéger ou le rendre vulnérable aux autres déterminants de la santé. Il est tout à fait sensé, d'un certain nombre de points de vue, de soutenir ceux qui ont les forces ou la résistance nécessaire pour grandir et maximiser leur potentiel, mais il est encore plus sensé de veiller à ce que ceux qui sont vulnérables et moins résistants bénéficient d'un soutien particulier afin qu'ils réalisent leur plein potentiel.

L'Enquête longitudinale nationale de 1998-1999 révèle que, même si la plus grande proportion d'enfants vulnérables est issue de familles à faible revenu, le plus grand nombre d'enfants vulnérables est issu d'une famille à revenu moyen ou élevé. Par conséquent, les programmes doivent viser tous les groupes socio-économiques, au lieu de s'attacher uniquement au groupe touchant le revenu le plus modeste.

Notre société manque de nombreuses occasions d'investir dans la jeunesse, car ce groupe n'est pas nécessairement considéré comme une priorité, malgré la recherche. Même si nous savons que c'est pendant les premières années que le cerveau est le plus malléable, une part minime de nos dépenses en matière de santé, d'éducation et de bien-être s'attachent à cette période où, pourtant, l'impact serait le plus important, et nous nous attachons aux adultes et aux aînés, selon les données fournies par Bruce Perry, auteur de « How Nature Becomes Nurture ».

Même si les services de soins de santé, y compris les soins de santé mentale pour enfants et adolescents, sont régionalisés, la province a créé Enfants en santé Manitoba, comité ministériel au sein duquel sont représentés, entre autres, les ministères suivants : Santé, Vie saine, Services à la famille et Logement, Justice, Tourisme, Affaires autochtones et du Nord, et Situation de la femme. Enfants en santé Manitoba a soutenu un certain nombre d'initiatives à l'échelle de la province qui peuvent mener à une amélioration de la santé mentale des enfants dans la province. Enfants en santé Manitoba a joué un rôle crucial dans le cadre d'initiatives lancées à l'échelle de la province, dont l'Approche axée sur les parents et les enfants, la Stratégie de prévention du SAF, Bébés en santé, Les familles d'abord, Triple P — c'est-à-dire le Programme d'entraînement parental positif —, Écoles en santé, et la Stratégie de développement en santé des adolescents.

Enfants en santé Manitoba a établi des partenariats avec les offices régionaux de la santé, les écoles, les garderies et d'autres fournisseurs de services en vue de dispenser au sein de la population des programmes qui aideront l'ensemble des enfants et des familles. Enfants en santé Manitoba favorise l'adoption d'un système complet de développement de la petite enfance qui bénéficie d'un financement public, et qui est axé sur les résultats, multiniveaux, universel, ciblé et clinique. Un tel système réduirait les facteurs de risque liés au développement de la petite enfance, ferait la promotion des facteurs de protection au chapitre du développement de la petite enfance, et mesurerait et contrôlerait les activités, les déterminants et les résultats.

J'ai fourni au Comité de l'information, tirée d'un mémoire préparé par Enfants en santé Manitoba à l'intention du groupe de planification de la santé des enfants de l'Office régional de la santé de Winnipeg, qui illustre le rendement potentiel de l'investissement dans les programmes de développement de la petite enfance. Sous l'égide de l'Office régional de la santé de Winnipeg, le Programme de santé mentale pour enfants et adolescents a entrepris un certain nombre d'initiatives qui aident les enfants, les adolescents et leur famille à accéder à des services de santé mentale à Winnipeg. Dans la région, nous sommes chanceux, car les services de santé mentale pour enfants et adolescents sont dispensés en marge du système de soins de santé mentale pour les adultes. Même si nous continuons de lutter contre l'iniquité au chapitre du financement, du niveau de priorité accordée, et de la planification d'ensemble, le simple fait que la santé mentale des enfants et des adolescents fasse l'objet d'un programme distinct témoigne de l'engagement de la région et de sa haute direction à l'égard de la santé mentale des enfants et des adolescents.

Depuis sa création en janvier 2000, le Programme de santé mentale pour enfants et adolescents de l'ORSW s'attache à enrichir les services de santé mentale communautaires par la réaffectation des fonds destinés à certains services dispensés en milieu hospitalier, à évaluer des programmes existants, et à intégrer les fournisseurs de services de santé mentale pour enfants et adolescents de la région. Le programme a réussi à mettre sur pied des services spécialisés, comme les services de neurologie du développement et un service lié aux troubles anxieux, et à accroître le nombre et la portée des partenariats établis avec les ministères des Services à la famille et du Logement, de l'Éducation et de la Justice, ainsi qu'avec des organismes sans but lucratif et des groupes de défense des droits. Le programme a participé à la mise en œuvre de l'initiative relative aux troubles concomitants, modèle qui intègre les services de santé mentale et les services liés à la toxicomanie, et prendra part au programme d'entraînement parental positif Triple P d'Enfants en santé Manitoba. J'ai fourni au Comité de l'information concernant le programme d'entraînement parental positif Triple P, programme d'entraînement parental axé sur la population et les résultats qui a donné des résultats longitudinaux positifs dans de nombreux pays, partout dans le monde.

La plus grande réalisation du Programme de santé mentale pour enfants et adolescents de l'Office régional de la santé de Winnipeg est la création d'un service d'accueil centralisé pour la région de Winnipeg. Depuis 2002, les clients ainsi que leur famille, leurs médecins et d'autres fournisseurs de services de Winnipeg peuvent téléphoner au même numéro de téléphone et accéder à des services de santé mentale. Les personnes qui répondent aux appels sont des cliniciens oeuvrant dans le domaine de la santé mentale, un groupe de professionnels multidisciplinaire, d'infirmières psychiatriques autorisées, d'infirmières autorisées et de travailleurs sociaux qui peuvent dispenser un service direct au point de contact, effectuer un renvoi vers d'autres services de la région, en milieu tant hospitalier que communautaire, ou réorienter l'appel vers d'autres fournisseurs de services.

Le service d'accueil centralisé contrôle l'accès au système, et fait en sorte qu'on n'accède plus au système par l'entremise des salles d'urgence et des médecins. Je n'ai pas mentionné cela dans mon mémoire, mais c'est également digne de mention, je crois, le fait que les médecins n'aient plus à exercer cette fonction de contrôle de l'accès. Les parents et autres sources de renvoi n'ont plus à communiquer avec divers fournisseurs de services pour déterminer comment et où accéder à des services de santé mentale, ni à inscrire leur enfant ou leur client sur un certain nombre de listes d'attente, dans l'espoir d'avoir choisi la bonne.

L'accueil centralisé procure une fonction de contrôle au chapitre de la gestion des listes d'attente, et peut faciliter l'accès aux services dans l'ensemble du système de services de santé mentale pour enfants et adolescents. L'accueil centralisé permet également de maintenir une base de données régionale qui s'est révélée très utile pour repérer des clients et des services, maintenir l'uniformité du service dispensé, et extraire des données statistiques. Notre initiative d'accueil centralisé participe au Projet des listes d'attente de l'Ouest canadien depuis deux ans, à titre de projet-témoin pour la mise à l'essai d'un outil de gestion des listes d'attente.

J'ai fourni au Comité sénatorial des renseignements supplémentaires concernant le Programme de santé mentale pour enfants et adolescents de l'ORSW, sa structure organisationnelle et ses services. Je tiens à remercier Enfants en santé Manitoba de m'avoir laissé intégrer une partie de leur documentation à mon exposé.

Je tiens à remercier le Comité sénatorial de m'avoir invité à témoigner et à parler de cette question avec ses membres. Je l'ai fait avec plaisir.

Le président : Merci beaucoup. Nous aurons de nombreuses questions à vous poser, plus tard.

Madame Huffam, c'est à vous.

Mme Donna Huffam, analyste des politiques, à titre personnel : Monsieur le président, j'aimerais tout d'abord déclarer que je suis ici à titre non pas de membre de la Direction générale de la condition féminine du Manitoba, mais bien de membre d'une famille, à titre de bénéficiaire des services. Je travaille au sein de la Direction générale et m'y plais grandement, certes, mais mon expérience à l'égard de cette question est tout à fait personnelle.

Merci beaucoup de me laisser prendre la parole aujourd'hui. Je représente une famille qui lutte pour trouver l'aide dont notre enfant a besoin pour mener quelque chose qui s'approcherait d'une vie normale. Notre fils, Alexander, est né en 1993. Il était notre premier enfant, alors nous n'avons vraiment remarqué des différences, des différences perceptibles, que lorsque nous avons rencontré d'autres familles avec des enfants du même âge. Après une première année difficile, la crise des deux ans est arrivée, et ne s'est jamais terminée. Les accès de colère pouvaient durer de trois à quatre heures, bien souvent parce que le verre dans lequel je lui ai donné son jus n'était pas de la bonne couleur, ou parce qu'il y avait dans la chambre une odeur qu'il ne pouvait tolérer. Chaque fois que je l'ai amené chez les médecin, on m'a dit, d'un ton condescendant, que j'étais tout simplement une mère nerveuse, et qu'il fallait que je cesse de m'inquiéter. Peut-être que si j'en avais su davantage sur les retards de développement, j'aurais insisté sur un dépistage précoce. De plus, si nous avions été en mesure d'accéder à ce genre de dépistage précoce, une prise en charge rapide aurait peut-être amélioré considérablement son état à l'époque.

Rendu à l'âge de trois, quatre, cinq ans, Alex nous attaquait physiquement; il s'attaquait à d'autres enfants; il fallait le surveiller constamment. On ne pouvait pas le laisser seul, même assis à côté d'une autre personne, car il était susceptible de les attaquer pour aucune raison.

À l'époque, nous vivions dans le Nord, dans les Territoires du Nord-Ouest, dans une très petite collectivité, où l'accès aux services était limité. Nous avons déménagé plus au sud, en vue de trouver un traitement pour notre fils. Nous nous sommes installés à Fort St. John, et nous avons été très chanceux de trouver un centre de développement de l'enfance qui bénéficiait du soutien du gouvernement de la Colombie-Britannique, à l'époque, il s'agissait du ministère de la Santé et des Services sociaux. J'ignore quelle forme prend le service à l'heure actuelle. Le centre de développement de l'enfance dispensait des services aux familles qui avaient des enfants aux prises avec divers handicaps. Il avait un groupe d'enfants d'âge préscolaire, dont la moitié avaient des besoins spéciaux et l'autre moitié n'en avaient pas. Le centre a immédiatement intégré Alex au programme. Nous jouissions d'un accès immédiat au service de relève, ce qui était fantastique. Mon mari et moi-même n'étions pas sortis ensemble depuis la naissance de notre fils. Par conséquent, notre fils étant âgé de quatre ou cinq ans, c'était tout un plaisir que de pouvoir sortir en couple.

Le centre offrait également l'accès à un pédopsychologue, à un service de dépistage. Il offrait tout simplement une foule de services de soutien à la famille. Je crois que c'est la sympathie et l'empathie que nous avons le plus appréciées. Ils ont vu ce à quoi nous étions confrontés, ils ont reconnu nos problèmes, et ils étaient en mesure de nous aider à composer avec notre situation. Nous avons réussi à obtenir davantage d'aide en six mois auprès du centre qu'au cours des quatre années qui avaient précédé.

Quand nous avons obtenu notre permanence, nous sommes retournés aux Territoires du Nord-Ouest, à Yellowknife. Nous espérions que le fait d'être dans une capitale nous permettrait d'accéder à des services plus étendus. Malheureusement, on n'y offrait aucun service pour les enfants aux prises avec un retard du développement. Les écoles sont mal préparées pour accueillir ces enfants, malgré le fait qu'il y a dans les Territoires du Nord-Ouest un certain nombre d'enfants aux prises avec divers retards, et je crois que, statistiquement, il y en a davantage ici qu'ailleurs.

À l'école, Alex s'est vu refuser une foule de services de soutien. Ils croyaient en une politique générale d'éducation inclusive, de sorte que notre enfant n'a bénéficié d'aucune aide supplémentaire. Il était dans une classe avec 30 autres enfants. Il attaquait physiquement d'autres enfants, il jurait, avait de nombreux accès de colère, se cachait sous les pupitres, parce qu'il n'arrivait tout simplement pas à composer avec 30 autres enfants dans une classe.

Malheureusement, l'école a décidé que cela tenait probablement au fait que nous étions des parents médiocres, ou que notre enfant était victime de violence ou de négligence. Nous avons le privilège d'avoir un certain nombre de lettres des services sociaux du GTNO selon lesquelles nous ne sommes pas des parents violents. Des travailleurs sociaux nous rendaient visite plutôt fréquemment, et l'une des choses qu'ils nous ont dites, c'est que, puisque nous ne pouvions obtenir des services à domicile si notre enfant restait avec nous, la seule autre option consistait à placer Alex en foyer d'accueil, en vertu d'une entente de soutien volontaire. C'était l'idée la plus horrible que j'aie jamais entendue, et, pris entre l'arbre et l'écorce, nous avons évidemment dit non.

Nous nous sommes démenés pendant deux autres années, et nous avons enfin eu accès à un pédopsychiatre itinérant; il a prescrit pour notre fils un médicament antipsychotique très puissant, qu'on appelle la rispéridone, et, du coup, a probablement sauvé notre famille. Le médicament n'a pas tout réglé, mais il a certainement amoindri les attaques, amoindri les accès de colère et nous avons été capables de continuer. Malheureusement, l'école continuait de le renvoyer fréquemment à la maison, de le suspendre, et continuait de refuser d'offrir du soutien.

Enfin, l'an dernier, il est devenu extrêmement malade, physiquement malade, mais, en raison de ses nombreux autres problèmes, nous n'arrivions à convaincre personne que son mal était bel et bien physique. On attribuait sa souffrance à la maladie psychiatrique ou aux médicaments que nous lui donnions. Nous avons donc dû prendre la décision crève-cœur de quitter Yellowknife.

Nous étions chez nous à Yellowknife. Nous avons quitté notre famille, nous avons quitté nos amis, nous avons quitté la maison que nous venions tout juste de rénover. Mon mari et moi-même avions une très bonne carrière là-bas. Mon mari a accepté d'être rétrogradé par son employeur afin que nous puissions aller dans une ville dotée d'un hôpital pour enfants. C'est ainsi que nous avons fini ici, à Winnipeg. À notre arrivée, le médecin familial que nous avons trouvé a immédiatement remarqué qu'Alex souffrait d'une insuffisance rénale chronique. Ses reins faisaient défaut, et c'est pourquoi il a eu tant de problèmes d'ordre physique au cours de cette année-là. Le contraste dans la façon dont nous avons été traités à l'égard de sa maladie physique et la façon dont nous avons été traités, au cours des dernières années, à l'égard de sa maladie psychiatrique, était saisissant. Avec une insuffisance rénale, nous jouissions d'un accès immédiat. Le lendemain, nous avions accès au pédiatre. Le jour suivant, nous étions à l'unité pédonéphrologique de l'hôpital pour enfants. Nous avions un pédo-urologue, nous avions un travailleur social, une diététicienne s'occupant de problèmes rénaux, nous avions des infirmières qui nous montraient comment lui injecter les médicaments dont il avait besoin, et comment procéder à l'installation des cathéters, dont il aura besoin jusqu'à la fin de ses jours. Nous étions même arrivés au point de dire : « D'accord, ça suffit. Nous ne voulons plus voir de médecins. » En comparaison avec la lutte que nous avions dû livrer pour obtenir des soins adéquats, des soins médicaux pour son trouble psychiatrique, c'était toute une révélation.

Nous sommes arrivés ici, et, certes, il y a davantage de services ici que ce que nous avons vu ailleurs. Nous avons réussi à obtenir de l'aide en vue d'inscrire Alex dans un programme d'éducation spécialisée, dans une école ordinaire. Malheureusement, les programmes d'éducation spécialisée ont tendance à regrouper tous les enfants aux prises avec une diversité de problèmes, de sorte que le programme d'éducation spécialisée ressemble davantage à un programme d'isolement qu'à un programme de traitement en bonne et due forme, car ils ne pourraient d'aucune façon traiter tous les troubles auxquels ils sont confrontés dans cette classe. Toutefois, c'est de loin supérieur à ce que nous avions connu auparavant.

Malheureusement, l'accès aux soins est une lutte quotidienne. Tous les services qu'on obtient pour notre enfant, en ce qui concerne un trouble psychiatrique, est le résultat d'une lutte chèrement disputée, chèrement gagnée. Le simple fait d'inscrire Alex au programme de services de relève offerts par le gouvernement du Manitoba s'est révélé difficile, car le programme s'assortit de critères très étroits pour déterminer qui a un handicap et qui n'en a pas. Par exemple, quand nous sommes arrivés ici, nous avons présenté une demande fondée sur un premier diagnostic, de trouble bipolaire, obtenu auprès d'un pédopsychiatre. On nous a immédiatement répondu que des choses comme les troubles bipolaires, le syndrome de Tourette, la schizophrénie, les choses comme ça, ne sont pas admissibles aux fins du programme de services de relève. Ainsi, les familles ayant un enfant aux prises avec ce genre de maladie n'a droit à aucun soutien, pour ce qui est des services de relève. Par contre, nous avons appris, plus tard, que les services étaient offerts dans le cas de trouble de développement profond, qui s'inscrit dans le spectre de l'autisme. Nous avions l'ancien diagnostic d'un pédopsychiatre que nous avions consulté à Victoria, qui, après avoir examiné mon fils pendant peut-être dix minutes, avait établi un diagnostic de TDP. Nous avions encore ce morceau de papier, alors nous avons présenté au programme une nouvelle demande, fondée sur ce diagnostic de trouble de développement profond, et notre demande a été acceptée sur-le-champ. Même enfant, même symptômes, même programme, mais une étiquette différente, et, tout à coup, nous avons accès aux services. Mais ça nous a pris presque un an.

Finalement, juste pour résumer, ce n'est pas le handicap qui est tragique; ce n'est pas le handicap. Ce qui est tragique, c'est la façon dont la société traite l'enfant et la famille qui sont confrontés au handicap.

Nous pouvons nous occuper d'Alex. Jusqu'à maintenant, nous avons été en mesure de le faire avec le soutien limité que nous avons réussi à obtenir, et nous sommes très reconnaissants de ce soutien limité. Ce que nous ne pouvons pas faire, c'est nous battre constamment pour accéder à tous les services. Juste à titre d'exemple, j'essayais d'inscrire mon fils à un programme estival cette année. Il s'agit d'un simple programme de deux semaines, d'un cours de programmation informatique, chose que mon fils adore, et il a fallu trois semaines, et des appels au bureau de l'Ombudsman, à la Commission des droits de la personne du Manitoba, et à l'Equities Department de l'Université du Manitoba, car ils ont dit que nous devions payer pour l'aide-enseignant qui devait être avec lui pendant le cours. Cela s'ajoutait aux coûts d'inscription au cours. Nous avons finalement réussi à leur lire le Code des droits de la personne du Manitoba au téléphone. Ils ont compris leur erreur, et changé le programme. Ils ont également communiqué avec toutes les personnes auxquelles ils avaient déjà donné cette information, et ils ont changé le programme. Toutefois, j'ai dû consacrer trois semaines de ma vie, juste pour les forcer à reconnaître nos droits. C'est ce qui occupe la majorité de mon temps : défendre les droits de ma famille, et obtenir les services dont nous avons besoin.

Entre avoir un emploi à temps plein — que j'adore —, avoir un mari qui travaille par quarts et qui fait beaucoup d'heures supplémentaires, et prendre soin d'une fille de neuf ans qui aimerait tellement avoir plus d'attention de ma part, je préférerais consacrer mon temps à ma famille au lieu de défendre nos droits et de sensibiliser les gens à nos droits. C'est avec ma famille que je devrais être. Nous voulons élever notre enfant à la maison. Nous avons seulement besoin d'un peu plus de soutien, de beaucoup plus de gens qui viennent nous voir pour nous demander si nous avons besoin de quelque chose, au lieu de nous dire à quel programme nous sommes peut-être admissibles.

Merci beaucoup de m'avoir écoutée. Je vous en suis très reconnaissante.

Le président : Merci de nous avoir raconté votre histoire. Votre démonstration du contraste entre les soins de santé physique et les soins de santé mentale est extraordinaire. En passant, je suppose que vous savez que cela n'est d'aucune façon propre au Manitoba. C'est une situation répandue, mais la vôtre illustre beaucoup mieux le contraste, car vous étiez aux prises à la fois avec une maladie physique et une maladie mentale. J'y reviendrai plus tard, et je vous poserai des questions à cet égard.

Je devrais peut-être vous interroger d'abord, Margaret, au sujet des diagrammes à barres qui figurent dans votre mémoire, car j'aimerais seulement m'assurer de bien les comprendre. Tout le monde a vos diagrammes à barres, sauf vous, n'est-ce pas?

Mme Synyshyn : C'est toujours comme ça, c'est l'histoire de ma vie.

Le président : Je veux seulement m'assurer de bien les comprendre. Le premier diagramme s'intitule « Occasion perdue ». Je signale à mes collègues qu'il s'agit de la première chose qui vient après le mémoire. La section en jaune correspond à « cerveau », et ce que vous nous montrez, finalement, c'est la quantité d'argent que nous dépensons par rapport à...

Mme Synyshyn : C'est ça, oui.

Le président : S'agit-il de données canadiennes?

Mme Synyshyn : Elles proviennent du Baylor College of Medicine, à Houston, au Texas, alors il s'agit de données américaines, mais je ne crois pas que la situation soit si différente au Canada.

Le président : Ce serait à peu près comparable, alors. Maintenant, si on regarde la diapositive suivante, et qu'on ajoute les chiffres fournis pour les deux barres du centre, les barres mauves — c'est à la lumière de ces chiffres que vous avez déclaré que, même si le pourcentage est supérieur chez les gens à faible revenu, le nombre est plus élevé chez...

Mme Synyshyn : C'est ça, la proportion est plus élevée. Je ne veux pas laisser entendre qu'il y a un problème avec le ciblage, il faut certainement soutenir les gens issus d'un milieu socio-économique plus modeste, mais, certainement, bien souvent, ce qui arrive, c'est que, parce que des familles font partie de la classe moyenne ou ont certains moyens, on suppose que, de fait, ces enfants sont dans une situation beaucoup plus avantageuse. À certains égards, ils le sont; ils jouissent d'avantages accrus à l'égard de certaines choses. Toutefois, il y a d'autres problèmes qui surviennent, et je parle de troubles de développement, qui révèlent qu'ils ne sont pas vraiment dans une situation plus avantageuse. Bien souvent, les programmes ne sont pas offerts à cette population, car on suppose que ces gens arriveront à déterminer comment en arriver là par leurs propres moyens, ou que les parents sont suffisamment capables de s'exprimer, et qu'ils sont en mesure de faire cela.

Le président : Êtes-vous en train de dire qu'il y a une hypothèse selon laquelle la capacité du parent de composer avec la situation d'un enfant est proportionnelle au revenu?

Mme Synyshyn : C'est ce qu'on suppose. Nombre de ces enfants sont aux prises avec des problèmes extrêmement complexes, des troubles comportementaux et autres, et je ne comprends pas comment on pourrait formuler de telles hypothèses. Il est déjà assez difficile d'élever des enfants qui n'apportent pas de difficultés supplémentaires à la situation. Toutefois, lorsqu'un enfant présente, au-delà de ses besoins normaux, des problèmes de développement, des difficultés supplémentaires, qu'il s'agisse de questions de santé mentale ou autres, je ne comprends pas du tout comment on peut supposer que, d'une certaine façon, certains parents jouissant de certains moyens sont plus en mesure de composer avec cette situation que d'autres.

Le président : L'autre aspect intéressant tient au fait que nous avons entendu, au fil des séances, des témoignages de personnes qui dispensent des services à des enfants atteints de maladies mentales nous dire que, lorsqu'ils parlent à des parents, ils constatent que s'ils s'adressent à un parent à revenu moyen ou, en particulier, à revenu élevé, ils leur disent : « votre enfant a une maladie mentale », les parents répondent spontanément : « ce n'est pas possible. C'est mon enfant ». Cela revient, en quelque sorte, à dire que « mes enfants n'ont pas le droit de souffrir d'une telle maladie ». Voyez-vous ce que je veux dire? Ils ne disent pas que leurs enfants n'ont « pas le droit », mais ils le pensent, en raison des préjugés, ils se disent que c'est...

Mme Synyshyn : Ne dites pas « maladie mentale », ne dites pas ça, car c'est exactement ce qui arrive aux gens.

Le président : Exactement. J'aimerais maintenant passer deux pages et aller au prochain diagramme à barres, où vous indiquez la durée des effets du programme. Pourriez-vous m'expliquer ce diagramme? Je n'arrive pas tout à fait à déterminer à quoi correspondent ces barres.

Mme Synyshyn : Cela concerne vraiment les programmes comme « Bon départ » et ce genre de chose, l'impact qu'ils ont. Il s'agit d'une sorte d'effet longitudinal, si on fournit un soutien dès la petite enfance à l'égard de certaines questions, comme la cognition, le côté socio-émotionnel, et les aspects parentaux, si vous mettez certaines de ces choses en place, le diagramme montre l'effet à long terme de ces choses. C'est ce qu'on essaie de mesurer dans le diagramme, selon moi. On se penche sur les effets de certaines de ces interventions.

Le président : Il me semble qu'un certain nombre de ces aspects — le côté socio-émotionnel, par exemple, les deux tiers de cette barre, ou 64 p. 100, couvrent une bonne partie des études secondaires.

Mme Synyshyn : C'est exact. En ce qui a trait à l'intervention, et en ce qui a trait à l'activité parentale et au fait d'aider les parents à résoudre certains problèmes, et cela concerne même les enfants qui n'ont pas de gros problèmes, certes, les effets se font ressentir beaucoup plus loin, car, au bout du compte, on prépare la prochaine génération à la condition parentale et à ce genre de chose.

Le président : D'accord. Le prochain diagramme est celui qui, selon moi, devrait susciter l'intérêt des gouvernements, n'est-ce pas?

Mme Synyshyn : Celui qui porte sur le rendement des investissements?

Le président : Oui. Ce que vous dites, c'est qu'on obtient un rendement de 32 p. 100 sur l'argent investi dans les programmes de développement de la petite enfance, alors qu'on fait tout un plat du taux de rendement de 6 p. 100 sur le marché américain des valeurs mobilières.

Quels sont les quatre indicateurs? J'ignore ce que sont l'Elmira PEIP, le Carolina Abecedarian, etc. Qu'est-ce que ces quatre indicateurs?

Mme Synyshyn : Il faudrait que je vous trouve davantage d'information à cet égard. La Perry preschool existe depuis de nombreuses années, et elle a suivi des personnes jusqu'à la quarantaine, et il y a beaucoup de documentation à cet égard. Pour les autres, il faudrait que j'effectue des recherches pour vous.

Le président : Nous vous serions reconnaissants de trouver cette information pour nous, car nous savons très bien, après avoir parlé à divers ministres et sous-ministres du gouvernement, que — et cela me répugne de le dire — les décisions relatives à ce genre de chose se limitent, dans une grande part, à déterminer s'il s'agit d'un bon investissement. Tout le monde conviendra que c'est la bonne chose à faire, mais ensuite ils s'attachent à déterminer s'il s'agit d'un bon investissement ou non. Si vous pouvez nous donner des références à l'égard de ce chiffre de 32 p. 100, cela nous serait très utile.

Mme Synyshyn : Oui.

Le président : Il y a d'autres questions auxquelles j'aimerais revenir, mais je cède maintenant la parole au sénateur Keon et au sénateur Johnson.

Le sénateur Keon : C'est énormément intéressant d'entendre ces deux exposés ensemble.

Mme Synyshyn : De plus, chacune ignorait que l'autre venait. Nous nous connaissons, mais puisque nous sommes à Winnipeg, ce n'est pas étonnant.

Le sénateur Keon : L'autre chose intéressante à laquelle je reviendrai — avec vous, madame Huffam —, mais je tiens à la soulever dans le contexte actuel, et j'ai nommé la psychopharmacologie du cerveau, car les psychopharmacologues avancent, de fait, que l'un des grands problèmes auxquels sont confrontés des gens comme vous, Madame Huffam, c'est la non-reconnaissance du fait que cet état est, de fait, une anomalie d'origine chimique. Même si nous ne pensions même pas à traiter un enfant souffrant d'hypertension avec des bloqueurs des récepteurs de l'angiotensine ou d'autres traitements nécessaires, quel que soit le produit chimique qui manque dans leur organisme, il y a une énorme réticence — en fait, il y a une campagne, dans certains milieux, pour ne pas traiter avec des produits chimiques les enfants ayant des carences chimiques.

Laissez-moi commencer avec vous, madame Synyshyn. Nous avons les renseignements de base — et Fraser Mustard prêche cela depuis 20 ans, alors ce n'est pas très nouveau — mais comment en sommes-nous arrivés à diagnostiquer cet enfant sur quatre, du moins après la naissance, quand un grand nombre des problèmes naissent dans l'utérus, bien sûr, mais au moins après la naissance — comment notre société peut-elle s'attaquer au problème de diagnostiquer cet enfant sur quatre qui a besoin d'une attention parentale particulière, d'une infrastructure sociale particulière, et, dans le cas de Mme Huffam, d'un enfant qui a probablement besoin d'un supplément chimique dès sa naissance? Comment pouvons-nous en arriver à cela?

Mme Synyshyn : Ce qui doit se produire, probablement, c'est une amélioration du dépistage de première ligne, qu'il s'agisse des pédiatres ou de cliniques de développement de l'enfant ou de ce genre de chose. Ce qui arrive probablement dans un grand nombre de cas, je crois, c'est que, quand surviennent des questions de santé mentale — premièrement, je pense que les gens ne croient pas que les enfants peuvent vraiment être aux prises avec des problèmes de santé mentale. Ils ne croient pas vraiment que cela peut arriver. Encore, surtout maintenant, où on fait tellement de travail dans le domaine de la biologie, et on a une meilleure compréhension du fait que certaines personnes, de fait, éprouveront des difficultés dès leur naissance, je crois que c'est un pourcentage important de la population qui croit vraiment que cela n'est pas possible. Je pense qu'ils croient que tellement de choses sont attribuables à la nature ou à la culture, et une grande part de cela semble également tenir au fait qu'ils n'arrivent pas vraiment à croire que ce petit garçon puisse éprouver tant de difficultés. Par conséquent, dans un grand nombre de cas, il y a une réticence à traiter, en particulier avec des médicaments, parce qu'on a effectué très peu de recherches dans ce domaine, voire aucune.

Nous avons une clinique de neurologie du développement au MATC, et nous avons affaire à de nombreux enfants qui sont aux prises avec des troubles s'inscrivant dans le spectre du syndrome d'Asperger. Ils sont assez jeunes, généralement âgés de moins de 12 ans, et nombre d'entre eux ont besoin de médicaments pour les aider à contrôler un peu certains comportements. Les médicaments ne sont pas utilisés à titre de « camisole de force », on parle du principe selon lequel parfois, juste un peu de ce médicament-ci ou de ce médicament-là pourrait être utile. La majeure partie du travail que nous effectuons doit être fait très soigneusement, car il y a tellement d'éléments qui échappent aux étiquettes reconnues. Comme je l'ai dit, on a mené bien peu de recherches dans ce domaine, même s'il y en a davantage maintenant, et je sais que, de fait, le simple fait de travailler dans ce domaine n'est pas nécessairement attrayant pour un grand nombre de spécialistes.

Toutefois, nous découvrons qu'un nombre grandissant de médecins résidents et de médecins s'intéressent à ce domaine. De fait, des professionnels et d'autres personnes commencent à repérer les enfants plus jeunes, et à envisager un traitement à plus jeune âge, mais on le fait généralement de façon très prudente et très soigneuse, car l'idée de recourir à des médicaments pour traiter les enfants n'est pas encore très solide, en particulier dans ce domaine.

Le sénateur Keon : Quel genre de programme de dépistage aimeriez-vous voir, par exemple, ici au Manitoba? Vous avez une belle petite collectivité, avec une population d'environ un million de personnes, des Autochtones et une belle combinaison de populations rurales et métropolitaines. Quel genre de programme de dépistage envisageriez-vous?

Mme Synyshyn : Nous avons une clinique de développement de l'enfant qui exerce ses activités à l'hôpital pour enfants, et j'aimerais la voir prendre de l'expansion. J'envisagerais un partenariat plus étendu entre les pédiatres, en particulier, et peut-être les cliniciens en santé mentale ayant l'expérience du domaine du développement de la petite enfance, afin que nous puissions cerner et prendre en charge ces enfants plus rapidement.

En ce qui concerne les soins primaires et l'établissement d'un partenariat entre les soins primaires et les fournisseurs de services de santé mentale, encore une fois, il serait probablement utile d'avoir accès à une spécialisation ou à une expertise particulière dans ce domaine. Cela permettrait à tout le moins d'aider les parents qui ont recours aux soins de santé primaires, car, en général, le premier contact est avec votre fournisseur de soins de santé primaires, qu'il s'agisse de l'omnipraticien, du médecin de famille ou du pédiatre; c'est, en général, la première personne que les parents voient. Je crois que si nous avions la capacité de créer des partenariats avec des experts, nous pourrions arriver à repérer certains cas plus rapidement, et nous pourrions éviter de voir des parents se sentir blâmés de ne pas être de bons parents. Cela ne veut pas dire que les parents n'ont pas besoin d'aide en ce qui concerne leur rôle parental auprès de certains de ces enfants, et ce genre de chose, mais il s'agirait d'un contexte non pas de blâme, mais bien d'aide.

Le sénateur Keon : Je suppose que cela exigerait qu'on lance une sorte de campagne de sensibilisation du public et des professionnels?

Mme Synyshyn : Je crois que oui.

Le sénateur Keon : Comparable à certains des programmes de dépistage pour les maladies physiques.

Mme Synyshyn : C'est une drôle de chose, l'éducation des enfants. Je crois que les gens pensent que les adultes ont cette capacité innée d'être parent. C'est comme supposer que toutes les mères sont des mères fantastiques, et ce genre de chose. Je crois que c'est une chose acquise, à de nombreux égards. Selon la façon dont on vous a élevé et ce que vous en savez, cela tient à ce que vous avez à contribuer à la tâche, et c'est une chose très difficile à faire.

Le sénateur Keon : Madame Huffam, est-ce que des experts vous ont dit qu'une intervention précoce avec des médicaments aurait changé beaucoup de choses?

Mme Huffam : Non, on ne m'a jamais dit ça; c'est ma propre perception. Certes, quand Alex a commencé à prendre son médicament, il a été capable d'apprendre, alors qu'auparavant, il ne vivait qu'à l'instant présent, et il était incapable de voir les conséquences. Ainsi, s'il faisait quelque chose de mal, il ne comprenait pas, d'une part, qu'il avait fait quelque chose de mal, et, d'autre part, que cela donnait lieu à une punition. Parce qu'il suivait tout simplement ses pulsions, il n'avait aucun contrôle sur son comportement.

Les médicaments ont permis de le calmer, jusqu'à un certain point, de le ralentir au point où il était en mesure de vraiment réfléchir à ce qu'il faisait. Cela a aidé. Je veux dire, ce n'est certainement pas une solution miracle, mais cela nous a été d'une utilité incalculable.

Mme Synyshyn : C'est une question de maîtrise de soi.

Mme Huffam : Oui. C'est le genre de programme de soutien aux parents qui serait utile, certainement. Il faut pouvoir apprendre à son enfant à se maîtriser, malgré la maladie. Il ne faut pas perdre de vue que l'enfant va grandir, qu'il va vivre au sein de la collectivité, et qu'on ne sera pas toujours là pour le soutenir. Ainsi, le processus que nous entreprenons au cours des prochaines années consiste à essayer de lui montrer comment se maîtriser. C'est le genre de chose que la plupart des enfants apprennent à faire à deux, à trois ou à quatre ans. Alex a maintenant presque 12 ans, et nous travaillons encore là-dessus.

Le sénateur Keon : Vous voyez, nous avons entendu le paradoxe du traitement chimique de la maladie mentale. Certains groupes qui ont témoigné devant nous ont parlé du recours abusif aux médicaments et aux produits chimiques au chapitre de la gestion des troubles psychiatriques. Un de mes amis très proches est psychopharmacologue, et il est très bon, et je tenais à lui parler de cette question. Il m'a dit que, selon lui, c'est l'un des grands problèmes actuels en ce qui concerne la maladie mentale, le fait qu'elle est perçue comme une sorte d'aura qu'on ne peut mesurer, alors que, de fait, il s'agit surtout d'un phénomène chimique, pour la plupart des maladies mentales. Bien sûr, il préconise la tenue de recherches dans ce domaine, car la recherche nous permettra peut-être de cerner des éléments tangibles.

Ce à quoi je veux en venir, c'est qu'il y a de la résistance, et on accuse les enseignants, par exemple, d'exiger que l'enfant qui dérange la classe soit tout simplement calmé avec une pilule, alors qu'on pourrait prendre le temps d'analyser la situation de l'enfant et de recourir à la psychothérapie, ou quelque chose du genre. Je crois que vous nous avez montré de façon très éloquente qu'il y a des moments où une gestion chimique s'impose.

Le sénateur Johnson : C'est un domaine si vaste qu'il est difficile de déterminer où commencer. Votre exposé était bon. J'aimerais savoir : vous avez dit que la plus grande proportion d'enfants vulnérables est issue de familles à faible revenu, mais que le plus grand nombre, dans l'ensemble, vient de familles à revenu moyen ou élevé. Pourquoi donc? Un enfant sur quatre est vulnérable, un sur six a des problèmes de comportement, et un sur huit a des problèmes d'apprentissage. Est-ce que le problème tient en partie à la stigmatisation, et a-t-on remarqué que les familles à revenu moyen ou élevé sont plus réticentes à demander de l'aide? Oui, je sais, c'est une deuxième question.

Mme Synyshyn : Vous avez probablement raison. Je crois qu'une autre partie du problème tient à la nécessité de reconnaître qu'il y a un problème, mais le fait d'effectuer les premiers pas, ou de ne pas savoir où aller, de ne pas savoir qui pourrait nous aider, de ne pas savoir par où commencer, en fonction, peut-être, de la porte que vous choisissez d'ouvrir, ou du fait d'obtenir de l'aide ou de ne pas en obtenir. Cela dépend également de votre point de départ, ou de la façon dont le problème est conceptualisé par la personne à laquelle vous vous adressez.

Comme je l'ai mentionné au début de mon exposé, si, en tant que parent, vous choisissez de passer par le système d'éducation, la situation peut être conceptualisée d'une certaine façon; si vous choisissez de passer par le système de soins de santé, elle peut être conceptualisée différemment. Ainsi, la conceptualisation est un autre problème. Selon la porte que vous franchirez, on vous fournira une interprétation un peu différente de celle qu'on vous aurait donnée ailleurs.

Le sénateur Johnson : Le témoignage de Mme Huffam concernait le point d'entrée pour obtenir de l'aide. Nous avons entendu un autre témoignage, hier, celui d'une femme qui avait amené son enfant pour obtenir de l'aide : si vous avez la jambe fracturée, on vous aidera dans cinq minutes; si vous avez un trouble de l'alimentation, on vous répondra dans dix mois. C'est toujours la même histoire.

Ce que vous avez dit au sujet du rôle de parent est tout à fait vrai. Ce n'est que tout récemment que les gens ont compris — ou que cette idée s'est répandue — que les premières années de la vie sont les plus importantes, et que, finalement, après l'âge de six ans, c'est terminé. Vers qui les parents doivent-ils se tourner?

Je collabore énormément avec les Jeux Olympiques spéciaux depuis 25 ans. J'aimerais savoir, juste en passant, si vous n'y voyez pas d'inconvénients, monsieur le président, les services destinés aux handicapés mentaux — qui n'existaient pas il y a 25 ans — ne sont-ils pas meilleurs aujourd'hui qu'auparavant, les services destinés aux personnes souffrant de maladies mentales, ou la population vulnérable? Nos programmes spécialisés accueillent une grande diversité de personnes, mais je suis curieuse, car nous avons d'excellents foyers d'accueil, nous avons d'excellents programmes de Jeux Olympiques spéciaux, nous avons d'excellents ateliers, et ces personnes participent à des événements. Voyez-vous ce que je veux dire? Ils semblent avoir accès à de meilleurs services, ou nous offrons de meilleurs services à cette population. N'est-ce pas?

Mme Synyshyn : Je crois que, au Manitoba, si on examine la situation actuelle, je crois que les groupes de parents et d'autres organismes ont fait de l'excellent travail pour ce qui est de défendre les droits d'enfants aux prises avec des retards du développement bien distincts, et ce genre de chose. Si j'étais mère d'un enfant aux prises avec un tel trouble, il est probable que je ne serais pas nécessairement ravie, mais je dirais que, si on compare la situation actuelle à celle d'il y a 25 ans, c'est beaucoup mieux maintenant.

Ensuite, il y a les enfants avec un QI inférieur à 70, qui sont visés par de nombreux services et ce genre de chose. Ainsi, si votre enfant a un QI inférieur à 70, vous avez probablement accès à de nombreux services — du moins au Manitoba —, comme les Services spéciaux pour enfants et un certain nombre d'autres choses, en ce qui concerne l'éducation. Du point de vue de l'éducation spécialisée, il y a beaucoup de services.

C'est quand votre enfant fait partie de ce groupe de personnes qui ne satisfont pas aux critères d'admissibilité à Community Living et à toutes ces autres choses qu'on rencontre de nombreuses difficultés, parce qu'ils tombent entre les mailles du filet, en quelque sorte. Ils ne sont pas admissibles à un grand nombre de services, mais ils sont peut-être plus autonomes, alors ils ont besoin d'un type de service différent. De plus, l'aide ou le soutien doit être fourni dans le cadre des services de santé mentale, des services d'éducation et des services à la famille. C'est en quelque sorte réparti dans ces trois domaines.

Toutefois, la réponse à votre question est oui, je crois, probablement, si vous avez un enfant avec quelque chose de très distinct...

Le sénateur Johnson : Très bien.

Le président : Madame Huffam, aimeriez-vous formuler un commentaire à l'égard de cette question, ou y répondre?

Mme Huffam : Tout ce que je sais, pour ma part — et cela peut sembler horrible — mais je me suis souvent dis que j'aurais préféré que mon fils soit né aveugle, car, au moins, les gens auraient reconnu ce fait. Ils regarderaient mon fils, et diraient : « d'accord, nous savons ce que c'est, nous savons quel est le problème, nous savons de quels services il a besoin. » Et ce serait la fin de l'histoire, et je n'aurais pas à passer tout ce temps à défendre ses droits et à supplier les gens pour obtenir de l'aide.

Le président : Les Jeux Olympiques spéciaux, cela me fait penser... ai-je raison de croire que nous avons fait beaucoup de chemin, au cours des 25 dernières années environ, en ce qui concerne les services que nous sommes disposés à offrir aux personnes souffrant d'un handicap physique? Je pense seulement à des choses évidentes, comme des rampes d'accès aux bâtiments, et ce genre de chose. L'impression que j'ai, c'est que les préjugés qui existaient à l'égard d'une personne en fauteuil roulant n'existent pas aujourd'hui, mais les préjugés qui existaient il y a 25 ans, pour ce qui est d'une personne qui souffre de maladies mentales, ces préjugés existent encore aujourd'hui.

Le sénateur Johnson : Oui. Et vous poussez la distinction plus loin, en disant que s'il s'agit d'un problème distinct — disons, la trisomie 21, ou la cécité, ou quelque chose du genre. Pour les handicapés mentaux, comme les trisomiques ou d'autres personnes dont l'affection est évidente, il y a encore moins de préjugés aujourd'hui, même si, il y a 25 ans, on les cachait. Il y a moins de stigmatisation à leur égard que pour ceux qui sont aux prises avec des troubles psychiques.

Mme Synyshyn : Encore une fois, c'est parce que des groupes de parents ont fait beaucoup de revendications. Ils ont fait un travail merveilleux, et personne ne va leur dire qu'ils ne peuvent avoir ce dont ils ont besoin. C'est le droit de leur enfant. S'ils ont besoin de quelque chose, ils vont se battre pour l'obtenir. Il s'agit d'un groupe de personnes qui savent comment obtenir des choses. Bien souvent, par contre, quand il est question de santé mentale, il y a le problème de la stigmatisation, et ce n'est pas très visible.

Encore, la dépression, par exemple, est quelque chose qui arrive à tout le monde, à des degrés variables, au cours d'une vie, et je ne suis pas certaine que les gens veuillent que ce soit considéré comme un handicap. Je crois que tout est dans la façon de conceptualiser la chose. C'est l'une de ces choses cachées qui peuvent poser problème à certaines personnes, ou les gens ne veulent pas nécessairement divulguer cette information. Je crois que c'est probablement une très bonne chose que les gens parlent davantage et parlent de façon plus ouverte, car les problèmes sont mis à l'avant-plan. Nous avons maintenant des gens très connus qui parlent de choses comme les troubles bipolaires ou la psychose, et ce genre de chose est d'une grande utilité pour tout le monde, car cela permet de montrer à quel point certaines de ces choses sont courantes. J'espère que ce sera utile.

Le sénateur Johnson : Hier, un jeune homme qui a témoigné devant notre comité nous a dit qu'il était aux prises avec un trouble anxieux depuis l'âge de huit ans. Il nous a dit hier qu'il était très anxieux, mais il s'est très bien tiré d'affaire, puisqu'il s'agissait de son tout premier témoignage à vie. Il a dû composer avec cela pendant toute sa vie, et il en est enfin arrivé à se sentir assez à l'aise avec ce fait qu'il peut en parler et demander — et recevoir — de l'aide. C'est tout un fardeau mental à porter pour quiconque, bien sûr, mais plus ces choses sont révélées, plus les gens ont le sentiment de pouvoir en parler, et c'est à ce moment-là que la collectivité a un rôle à jouer et qu'elle peut offrir des systèmes de soutien et tout le reste.

Madame Huffam, je suis vraiment curieuse, j'aimerais savoir si votre fils a fini par être diagnostiqué convenablement? N'est-il pas autiste?

Mme Huffam : Je l'ignore. Nous avons deux diagnostics différents. Il y a eu un diagnostic de trouble bipolaire, lequel est de nature cyclique, mais nous n'avons pas cerné ces cycles. Je veux dire, nous les voyons, mais quotidiennement. Il est joyeux, il est déprimé, il est joyeux, il est déprimé. Alors, il y a des choses qui ne cadrent tout simplement pas. Nous avons également eu le diagnostic de trouble de développement profond, sans aucune autre précision, et on nous dit que cela s'inscrit dans le spectre de l'autisme, et qu'il pourrait s'agir de cela, également.

À vrai dire, je ne décris pas sa maladie comme une maladie mentale. Je parle plutôt d'un trouble cérébral. J'ignore si c'est la bonne chose à faire, mais, pour tout dire, j'en ai vraiment assez des préjugés rattachés au terme « maladie mentale ».

Le sénateur Johnson : Exactement, car on prouve que la génétique joue certainement un rôle au chapitre de la dépression et d'autres formes de maladie mentale. C'est comme le diabète — et j'ai dit cela hier — plus nous en parlerons publiquement, plus les gens comprendront cela. Les médias ont également fait l'objet de critiques à l'occasion de la séance d'hier, en raison de la façon dont ils présentent les gens, et les gens ont encore peur. Je connais beaucoup de gens qui reçoivent de l'aide — et je parle d'enfants —, et ils n'en parlent pas. C'est probablement l'objectif ultime des travaux de notre Comité et de son président.

Je cède maintenant la parole à mes collègues. Je trouve votre situation tellement frustrante, et j'en sais quelque chose, car j'ai travaillé avec des enfants, en particulier ceux dont le diagnostic est impossible, comme vous dites, c'est un territoire encore inconnu. Comme c'est le cas avec les toxicomanies, comme l'alcoolisme, ou autre chose, ces familles sont tout simplement perturbées, et déchirées. Je ne crois pas que nous ayons toutes les réponses, mais je crois que notre Comité fait de son mieux pour en trouver.

Le sénateur Pépin : Madame Huffam, je vous écoutais, et je me demandais si vous pourriez nous dire quels changements s'imposent. À l'égard, disons, de la prestation de services. Croyez-vous que — comme vous l'avez dit, vous consultez le pédiatre, et il vous dit que c'est non pas la faute de votre fils, mais bien la vôtre, à titre de mère. Voyez-vous une façon qui nous permettrait de mieux organiser les choses? Croyez-vous que, si les médecins étaient plus alertes ou jouissaient d'une formation spéciale pour connaître et repérer ces troubles, ou s'il y avait davantage d'infirmières psychiatriques ou de travailleurs sociaux, les choses seraient différentes? Quels genres de changements, selon vous, permettraient de mieux aider les parents qui viennent chercher de l'aide pour un enfant souffrant d'une maladie mentale?

Mme Huffam : Il y a une ou deux choses qui, selon moi, auraient été utiles — et ça, bien sûr, c'est il y a dix ans : peut-être qu'on s'affaire actuellement à mettre ces choses en place, je l'ignore. À mon retour à la maison, après mon premier accouchement, j'ai reçu la visite d'une infirmière de la santé publique. Elle venait, je crois, aux deux semaines, et pesait Alex. Bien sûr, il était énorme et il mangeait comme un loup, alors il n'y avait aucun problème à cet égard. Je me demande s'il est possible pour les parents d'avoir accès à une infirmière de la santé publique formée pour le dépistage précoce des troubles de développement dans, disons, un service de santé publique? Si les nouveaux parents n'avaient qu'à composer un numéro de téléphone pour recourir à un tel service, ce serait utile. Par exemple, mon fils ne dormait pas le jour. Il avait trois ou quatre mois, et il ne dormait que peut-être cinq à dix minutes à la fois, une ou deux fois par jour, et il était éveillé pendant une bonne partie de la nuit.

Le président : Nous sommes tous des grands-parents. Nous savons à quel point vous avez besoin de repos.

Mme Huffam : Mais il s'agissait de mon premier enfant, et quand je me plaignais à quelqu'un que mon fils ne dormait pas, on me répondait : « Oh, nous comprenons votre situation. » En rétrospective, ma réponse, c'est que non, ils ne comprennent pas. Si j'avais eu l'occasion de parler à une infirmière, et de dire « Est-ce normal? Il se réveille en plein milieu de la nuit, et ne cesse de crier pendant trois ou quatre heures! » Maintenant, je sais qu'il s'agit de terreurs nocturnes, et que c'est un fort indice de retards de développement éventuels. À l'époque, j'ignorais cela. Si j'avais eu la possibilité de téléphoner à un responsable du dépistage précoce d'un service de santé publique, alors on m'aurait peut-être dit : « Ce n'est pas tout à fait normal. Il vaut peut-être mieux d'effectuer un dépistage. Examinons-le pour déterminer s'il va bien, et s'il ne va pas bien, nous veillerons à ce qu'il soit examiné par un médecin. » Peut-être que, de cette façon, le médecin prendrait le parent plus au sérieux, car la famille a déjà fait l'objet d'un dépistage préliminaire auprès d'un professionnel de la santé mentale. C'est une idée.

Le sénateur Pépin : Et plus tard, quand l'enfant commence l'école, croyez-vous que l'école devrait jouer un rôle au chapitre du dépistage? Croyez-vous qu'il devrait y avoir un dépistage au moment de l'entrée de l'enfant à l'école? Je veux dire, pour tout le monde, pas seulement pour ceux qui font du bruit?

Mme Huffam : Je ne suis peut-être pas la meilleure personne pour répondre à cette question, car j'ai connu des expériences terribles avec les écoles. Quand l'enfant arrive à l'école, il a cinq ans, et je crois qu'il est tout simplement trop tard.

Le sénateur Pépin : Je suis d'accord avec vous, mais je me demande seulement si vous croyez qu'il devrait y avoir un dépistage à ce moment-là aussi?

Mme Huffam : Je crois qu'elles pourraient aiguiller les parents et les enfants vers des services, et peut-être charger un professionnel d'effectuer des évaluations à la maternelle. Mais pour ce qui est de charger les écoles de faire cela, je ne crois pas. J'aimerais mieux que ce genre de chose soit confié au système médical qu'au système d'éducation.

Le sénateur Pépin : Le dépistage précoce est si important qu'il vaudrait peut-être mieux le faire à la maternelle.

Mme Huffam : Je crois que les parents voient le problème bien avant que leur enfant ne passe à la maternelle.

Le sénateur Pépin : Croyez-vous, alors, que les parents — comme vous dites, c'est votre premier enfant et, oui, vous croyez tout ce qu'on vous dit, mais les parents ont besoin, comme vous dites, d'avoir quelqu'un à qui parler, avec qui ils peuvent échanger de l'information, une personne à laquelle ils peuvent faire confiance plus tôt, de sorte qu'il doit s'agir de quelque chose d'organisé, à l'échelon non pas de l'hôpital, mais bien de la prestation de services, quand le responsable rend visite à la famille — les infirmières et autres personnes du genre?

Mme Huffam : C'est exact. Juste quelqu'un à consulter, et cela pourrait peut-être réduire le nombre de personnes qui consultent le médecin ou qui se rendent à l'hôpital avec leur enfant, qui posent des questions courantes, qui n'ont pas vraiment besoin d'être là. Cela pourrait contribuer à réduire l'engorgement.

Le sénateur Gill : Vous avez parlé de l'utilisation d'un système téléphonique pour gérer les listes d'attente. Ce que je veux dire, c'est que les gens qui tentent d'obtenir un traitement essaient d'y accéder par l'entremise d'un système téléphonique. Vous semblez satisfaite de ce système.

Mme Huffam : Disons que les choses vont mieux qu'avant.

Le sénateur Gill : Quels sont les résultats? Est-ce que c'est mieux? Je parle du traitement lui-même, de la liste d'attente en vue du traitement. Je suppose que c'est fonction du nombre de personnes qui administrent le traitement, comme les médecins, les psychiatres, etc. Quelle est la situation après cela?

Mme Synyshyn : L'accès est plus facile, parce qu'il n'y a qu'un seul numéro de téléphone, et que tout le monde peut téléphoner à ce numéro-là. Ce qui arrivait autrefois, c'est que les parents, la plupart des parents devaient se faire aiguiller par un professionnel. C'était la première étape. S'il y a un problème à l'égard de l'un de vos enfants, ou quoi que ce soit, vous deviez tout d'abord parler à quelqu'un, et ils vous disaient : « Je vais faire cela », et ils téléphonaient. C'est mieux maintenant, car ce sont les parents eux-mêmes qui ont accès, et ils sont une source d'aiguillage. Au total, 60 p. 100 des appels que nous recevons proviennent de parents. La source d'aiguillage, c'est non pas les professionnels, mais bien les parents. Cela ne veut pas dire qu'ils n'ont vu personne; c'est ce qu'il y a de différent, et, à mes yeux, et d'après les commentaires que j'entends, c'est certainement préférable. Pour ce qui est de la façon dont c'est géré, ils entrent tous par la même porte, pour ainsi dire, et on effectue un triage. On évite ainsi à des gens d'aller à quatre ou cinq places différentes.

De fait, puisque ce sont non pas des secrétaires — avec tout le respect qu'on leur doit — mais bien des professionnels qui répondent au téléphone — mais quand c'est un clinicien qui répond au téléphone, il arrive parfois, souvent, que l'intervention se limite à répondre aux questions des parents. Le clinicien chargé de l'accueil va rencontrer le parent et l'enfant, et effectuera une intervention, et il dira : « Que faites-vous demain après-midi? Réunissons-nous, et tentons de faire le point sur la situation. » Parfois, l'intervention se limite à cela, et il n'y a pas lieu d'aller plus loin. Les parents disent : « D'accord, c'est bien. Je crois savoir ce que j'ai à faire maintenant, et je peux téléphoner de nouveau si j'en ai besoin, non? » Nous sommes toujours ouverts à l'idée qu'ils peuvent rappeler.

Parfois, on a besoin de plus que ça, et le système nous permet d'aider les gens qui sont dans cette situation. Nous pouvons veiller à ce qu'une personne fasse l'objet d'une évaluation psychiatrique dans les 24 heures, ou moins, si cela est nécessaire. Les urgences sont repérées dès le début du processus, et sont prises en charge sur-le-champ. Toutefois, la majorité des appels que nous recevons ne sont pas des urgences. Il s'agit d'appels de personnes qui ont des problèmes avec leurs enfants; les enfants ne veulent pas aller à l'école; il se passe telle ou telle chose — des problèmes de comportement, en quelque sorte. On peut donc donner suite à ces demandes, et, encore une fois, si nous pouvons intervenir de façon plus discrète, c'est l'option que privilégierons. Si, par la suite, le parent a besoin d'une aide supplémentaire, nous pouvons certainement l'aider à naviguer dans le système, et l'aider à obtenir ce dont il a besoin. Encore une fois, je parle seulement du système de santé mentale pour enfants et adolescents, je ne parle pas du système scolaire ou correctionnel, ou des services à la famille. Il s'agit uniquement du système de santé.

Il faut l'améliorer; on peut certainement l'améliorer beaucoup plus, car bien souvent, nous ne pouvons pas nécessairement offrir à la personne qui téléphone ce dont elle a besoin. Il faut passer par ce processus, ce qui peut être assez frustrant pour un parent. Je peux comprendre cela, mais ils doivent suivre un processus. Parfois, c'est ça qui est frustrant. Les parents téléphonent; ils savent ce qu'ils veulent, et ils savent ce dont ils ont besoin, mais nous leur faisons tout de même subir ces étapes, et c'est regrettable.

Le sénateur Gill : Dites-moi, est-ce que les Autochtones utilisent le système aussi souvent que les autres? Savez-vous cela? Les Autochtones, les gens des Premières nations, est-ce qu'ils utilisent le système autant que les autres?

Mme Synyshyn : Probablement pas. Nous ne faisons pas bonne figure, pour ce qui est de fournir aux Premières nations...

Le sénateur Gill : Même ceux qui vivent ici même, à Winnipeg?

Mme Synyshyn : Vous savez quoi? Nos statistiques relatives au traitement et au nombre d'appels reflètent probablement le pourcentage de la population que constituent les Premières nations au Manitoba, alors, je dirais que probablement 10 p. 100 de nos clients sont des Autochtones.

Je ne crois pas particulièrement que nous fassions du bon travail. Nous ne faisons pas du bon travail auprès des collectivités des Premières nations du Nord. Nous avons, pour l'ensemble de la province du Manitoba, 14 lits d'hôpitaux destinés aux soins psychiatriques d'urgence pour enfants. En général, la moitié de ces lits sont occupés par des enfants autochtones du Nord. Ils jouissent de très peu de services dans le Nord. Encore une fois, juste parce qu'ils sont au comble du désespoir, ils ont tendance à recourir à l'évacuation sanitaire pour leurs enfants. Bien souvent, cela se fait à répétition. Il ne s'agit pas d'événements ponctuels; les enfants viennent souvent. Encore une fois, le problème est lié aux facteurs sociaux déterminants sur la réserve. De nombreuses choses dont ils ont besoin leur font défaut.

Les choses s'aggravent, vous savez. Je serais déprimée, moi aussi, si je ne voyais rien de beau dans mon avenir. Les enfants arrivent ici, et retournent chez eux ensuite. Il n'y a pas de ressources, et soudainement, ils sont de retour. C'est regrettable. Nous sommes loin de faire bonne figure pour ce qui est des Premières nations.

Le sénateur Gill : Que voyez-vous? Je sais que ce n'est pas facile, mais je sais que de nombreuses personnes sont emprisonnées au lieu de recevoir les traitements dont ils ont besoin.

Mme Synyshyn : Je crois qu'il serait utile d'établir un partenariat avec les Premières nations, et de nouer des liens, au lieu d'aller là et de leur dire quoi faire; nous devons les soutenir afin qu'ils fassent ce qu'ils ont à faire, nous devons mettre notre expertise à leur disposition, mais laisser les Premières nations faire le travail, et il ne faut pas parachuter les enfants dans un milieu artificiel, car cela n'aide ni les enfants ni leurs collectivités.

Le sénateur Pépin : Vous avez parlé de votre programme téléphonique, mais je crois avoir entendu un témoin, hier, parler du courriel; d'un service d'informatique et de courriel. Aviez-vous pensé à une telle approche?

Mme Synyshyn : C'est intéressant. J'ai récemment assisté à une conférence sur le programme d'entraînement parental positif Triple P, et l'une des interventions qu'on utilise dans le cadre de ce programme consiste à assurer un suivi par téléphone et par courriel, et c'est quelque chose que nous devrions probablement faire plus souvent. En ce qui concerne la prestation de services, les gens sont parfois réticents à faire cela. Même si on fait les premiers pas, les gens sont souvent réticents. Mais cet appel téléphonique, si nous appelons trois fois par semaine pour vérifier comment vont les choses, c'est très utile, car les gens savent qu'on est là pour eux.

Le courriel, c'est un autre aspect. Je sais que certains de nos cliniciens voient des gens, ou plutôt, qu'ils communiquent avec eux par l'entremise de MSN, car ils ne sont pas disposés à venir dans un établissement, ou ils ne veulent pas vraiment vous voir, alors c'est plus facile. Ils vont communiquer avec vous par courriel, et vous pouvez nouer des relations avec eux de cette façon, c'est beaucoup plus facile que si vous deviez le faire en personne. Toutefois, c'est une nouvelle technologie, et nous n'en avons pas encore tenu compte dans le cadre de nos activités.

Le sénateur Pépin : Pour les gens qui vivent dans la région, cela pourrait être...

Mme Synyshyn : C'est ça. C'est un autre aspect, la télésanté. Nous n'avons pas vraiment exploité la télésanté autant que nous l'aurions pu. C'est un autre outil, en ce qui concerne certaines de nos collectivités nordiques et éloignées, auxquelles nous devons recourir au chapitre de la télésanté. De cette façon, on peut communiquer fréquemment avec les gens, au lieu de dépêcher quelqu'un là-bas ou d'aller chercher les patients, ce qui est énormément coûteux.

Le sénateur Pépin : Merci.

Le président : Allez-y.

Le sénateur Johnson : Pouvez-vous me dire combien d'enfants souffrant du syndrome d'alcoolisme foetal participent à votre programme? Est-ce que leur nombre augmente, encore une fois?

Mme Synyshyn : Je dirais que, quant aux enfants qui souffrent de ce syndrome proprement dit, qui souffrent de dysmorphie, et présentent d'autres symptômes de ce genre, je ne sais pas exactement combien il y en a. Toutefois, je peux vous dire que les enfants qui ont subi les effets de l'alcoolisme fœtal, ce qui veut dire que, même s'ils n'en présentent pas les caractéristiques physiques, ils ont de toute évidence des problèmes d'impulsivité, de jugement, et ainsi de suite, et je dirais qu'un bon pourcentage des enfants que nous voyons ont probablement des problèmes liés à cela. Si ce n'est pas cela, c'est qu'ils ont un problème de câblage, je dirais, plutôt qu'autre chose. C'est peut-être parce que leur mère buvait ou Dieu sait quoi, ou peut-être à cause de facteurs environnementaux, mais je crois qu'il y en a probablement plus que nous le pensons.

Le président : J'aimerais pour terminer vous poser quelques questions sur le système centralisé d'admission qui est, en passant, le seul système de ce type dont nous avons entendu parler au Canada, et je crois qu'on aurait tendance à le plagier, parce que c'est un bon exemple.

Mme Synyshyn : N'hésitez pas à le faire.

Le président : Deux choses me frappent : premièrement, comment êtes-vous arrivée à convaincre tous les services nécessaires de coopérer? Ce que nous avons entendu nous laisse penser qu'ils fonctionnent de façon indépendante les uns des autres et qu'ils tiennent beaucoup à leur autonomie. Avez-vous dû employer la force? Je parle sérieusement, je veux dire que vous auriez pu leur dire : « nous ne financerons pas votre service si vous n'êtes pas d'accord pour participer ». Comment avez-vous fait?

Mme Synyshyn : N'oubliez pas qu'on parle seulement du Programme de santé mentale pour enfants et adolescents.

Le président : Je comprends. Il faut bien commencer quelque part.

Mme Synyshyn : Oui, c'est bien vrai. C'est en partie à cause de la façon dont nous sommes organisés. Trois grands organismes participent à notre Programme de santé mentale pour enfants et adolescents. Il y a deux hôpitaux généraux, ou hôpitaux universitaires, le Heath Sciences Centre et l'Hôpital de St. Boniface, et il y a aussi le Manitoba Adolescent Treatment Centre (MATC). Nous avons donc une base dans les hôpitaux et une grande base dans la collectivité. Le MATC fournit probablement la plus grande partie des services en santé mentale de la région.

Le sénateur Pépin : Quel était l'acronyme?

Mme Synyshyn : Le MATC, le Manitoba Adolescent Treatment Centre. Nous faisions déjà une partie de ce travail, parce que nous en avions la plus grande part. Lorsque nous avons mis le programme sur pied, nous avons compris que les responsabilités et celles du directeur médical, Keith Hildahl, prenaient de plus en plus le pas sur les deux autres, et nous avons jugé qu'il était tout à fait indiqué d'organiser une admission centralisée, parce que tout le monde communiquait déjà, si l'on peut dire. Je dois dire que, dans le Programme de santé mentale pour enfants et adolesents, nous communiquons probablement plus que dans le système des adultes, parce que les enfants arrivent avec tout ce bagage. On ne peut pas faire autrement que de parler aux autres. Nous avions déjà créé un petit groupe de triage, et nous savions que nous avions beaucoup d'enfants en commun, et il n'a pas été difficile de vendre l'idée d'un service d'admission centralisé. Nous fonctionnons assez bien ensemble.

Je crois que ce qui s'est passé, c'est qu'il a fallu convaincre des médecins de déléguer une partie de leurs pouvoirs de contrôle sur la fonction de surveillance. J'aimerais ajouter que c'est ici que j'utilise cette expression. Je ne crois pas que j'aurais utilisé ce type d'expression lorsque nous avons commencé tout cela.

Le président : Je suis convaincu que vous ne l'auriez pas utilisée; ce n'est pas très séduisant.

Mme Synyshyn : Ça dépend de mon humeur, ce jour-là. Ça dépend de la mesure dans laquelle ils collaboraient, et ainsi de suite. Je crois que ce qui s'est passé, c'est que les médecins ont fini par constater, dès qu'ils n'ont plus eu à répondre aux appels téléphoniques et à dire « non », ou encore à composer avec des personnes, ils ont constaté qu'ils leur était beaucoup plus facile de faire ce qu'ils devaient faire, c'est-à-dire offrir des traitements et fournir des services.

C'est pourquoi il n'a pas été vraiment difficile de vendre l'idée. Il reste encore beaucoup de choses à régler en ce qui concerne l'échange d'information, notamment, même si nous sommes chargés de toute l'administration des informations du programme. Il y a encore des points de friction, parce que les hôpitaux universitaires semblent considérer qu'ils ont un rôle très spécial à jouer, et nous essayons de respecter ce rôle, mais ça n'a pas toujours été facile, même si ça n'a pas été aussi difficile que je le pensais. Je crois que nous faisions déjà une partie de ce travail, et notre système est assez facile à gérer, de par sa taille, pour nous permettre de le faire. De ce côté-là, nous avons eu de la chance. Il faut rappeler que cela se passe à Winnipeg, non pas à Toronto ou à ailleurs, et c'est pourquoi c'est beaucoup plus facile.

Il existe des systèmes centralisés d'admission en Alberta. Pendant le projet WCWL, nous avons pu nous familiariser avec ces systèmes, même si leur fonctionnement est assez différent du nôtre. Je crois que notre modèle est probablement le meilleur modèle qui soit dans l'ouest du Canada.

Le président : C'est le meilleur modèle dont nous ayons entendu parler.

Comment reliez-vous tout cela au système de soins primaires, avec ce qui se passe au Manitoba? Ça n'est pas vrai en Ontario, mais c'est vrai au Québec, en Alberta, en Colombie-Britannique et ici aussi. Vous avez mis sur pied, ou vous êtes en train de mettre sur pied des cliniques de soins primaires multidisciplinaires. Comme je l'ai déjà dit, ça ne se passe pas comme ça en Ontario, au contraire, mais ça se passe comme ça partout ailleurs. Comment est-ce que tout ça est relié? Si une personne se présente au cabinet du médecin, à une clinique de soins primaires, et que le médecin détecte un problème, ou l'infirmière, ou l'infirmière praticienne, peu importe, est-ce qu'ils vont avoir tendance à traiter cette personne dans leur clinique multidisciplinaire ou vont-ils la référer à un service de surveillance central, qui décidera, ensuite, où le patient doit être référé?

Mme Synyshyn : Je crois que ça dépend s'ils jugent qu'ils ont les compétences nécessaires pour prendre le cas en charge. S'ils savent qu'ils peuvent obtenir du soutien, si, dans leur clinique de santé, il y a un service de soutien en santé mentale, ils pourront décider de prendre le cas en charge, jusqu'à un certain point, parce qu'ils savent que si, à un moment donné, un blocage survient, ils pourront parler à un expert en santé mentale. À mon avis, c'est le facteur déterminant. Nous recevons beaucoup de cas référés directement par des pédiatres qui croient qu'il y a un problème et qui ne savent pas de façon certaine ce qu'ils doivent en faire. Ils n'ont pas vraiment de lien avec des experts en santé mentale.

Nous avons produit ces cartes imprimées pour présenter notre service centralisé d'admission; nous en avons inondé la région de Winnipeg — les pédiatres, les généralistes, les écoles, les conseillers d'orientation — il y en a partout et, à notre avis, du moins, le service d'admission centralisé est assez bien connu. Quoi qu'il en soit, ça dépend s'ils se jugent compétents ou s'ils connaissent quelqu'un qu'ils peuvent appeler ou sur qui ils peuvent compter, et ils peuvent en prendre soin pendant un certain temps, jusqu'à ce qu'ils se sentent dépassés, et alors ils nous appellent.

Le président : Que faites-vous quand le service dont une personne a besoin n'est pas accessible? Vous avez pris la peine de préciser que vous faites affaire seulement avec le système de santé et que vous ne traitiez ni avec les écoles, ni avec les prisons.

Mme Synyshyn : Nous avons des échanges avec les écoles, mais pas de la manière...

Le président : C'est vrai. Mais que faites-vous avec un enfant, vous savez, un enfant de 14 ans qui aurait besoin d'un peu de conseils cliniques pour régler son problème? Est-ce que vous payez les services d'un psychologue, ou est-ce qu'il doit attendre et voir un psychiatre? J'aimerais savoir comment ça se passe, parce que il y a tant de prétendus services en santé mentale qui sont prodigués à l'extérieur des services de santé et ne sont pas financés par les services de santé. Que faites-vous dans ces cas-là?

Mme Synyshyn : Dans notre Programme, les services et les cliniciens ne sont pas rémunérés à l'acte. Dans les hôpitaux universitaires, les médecins sont rémunérés à l'acte, mais dans notre région, nous disposons de cliniciens en santé mentale, et ils fournissent la plus grande partie des services.

Le président : On les appelle « cliniciens en santé mentale », mais ce n'est pas nécessairement le cas, parce que vous les décrivez, quelque part ici, comme peut-être des psychologues ou des travailleurs sociaux. Ils n'ont pas reçu une formation médicale?

Mme Synyshyn : Nos cliniciens en santé mentale sont tous des professionnels. Ils sont soit des travailleurs sociaux qui ont...

Le président : Mais en général on n'appelle pas un travailleur social un « professionnel de la santé », c'est tout ce que je voulais dire.

Mme Synyshyn : En effet, je suppose que c'est vrai.

Le président : Quoi qu'il en soit, vous assumez des coûts, même si les services ne sont pas fournis par un médecin ou une infirmière?

Mme Synyshyn : Oui, bien sûr. Je veux dire qu'il y a eu — je ne sais pas combien nous en avons vu, l'année passée — 8 000 ou 10 000 enfants. La plupart de ces enfants n'ont pas nécessairement besoin de voir un médecin; ils ont vu des cliniciens en santé mentale ou d'autres professionnels qui leur ont fourni un service.

Le président : Qu'arrive-t-il quand l'enfant atteint l'âge de 19 ans?

Mme Synyshyn : La plupart du temps, nous allons continuer de le suivre, mais c'est l'autre gros problème, la transition entre l'enfance et l'adolescence, parce que, souvent, les enfants et les adolescents sont couverts par le système. Par exemple, les enfants sont pris en charge par de nombreux services, pas seulement en santé mentale ou en santé, mais dans d'autres domaines aussi. Lorsqu'ils ont 18 ans, c'est comme s'ils tombaient d'une falaise.

Le président : C'est pour cela que je pose la question.

Mme Synyshyn : C'est vraiment comme cela, oui.

Le sénateur Gill : Madame Huffam, avez-vous déjà fait un graphique pour votre fils? Si je dis cela, c'est que j'ai été très engagé dans les milieux de l'éducation, et comme vous le savez, évidemment, il y a de bons professeurs et de bons éducateurs, mais il y en a aussi de moins bons. De toute façon, ils analysent toujours les enfants et ils placent le graphique dans son dossier. Et l'enfant doit vivre avec ce dossier. Comment envisagez-vous ce boulet? L'enfant doit vivre avec son dossier, et son dossier ne dit pas toujours la vérité? C'est ce que je veux dire. Parfois, et c'est bien malheureux, les enfants créent quelque chose qui n'est pas vrai à cause de leur comportement. C'est pourquoi je vous demande si vous avez déjà décidé de prendre un nouveau départ, vous savez, et de simplement oublier le dossier?

Mme Huffam : Le Manitoba, c'était un nouveau départ. Quand nous étions dans les Territoires du Nord-Ouest, parce que Yellowknife est une si petite ville, nous allions d'une école à une autre, et tout allait bien jusqu'à ce que, tout d'un coup, dans l'une des écoles, un des professeurs a décidé, c'était évident, de téléphoner à l'ancienne école et de parler à quelqu'un qui croyait que nous étions des parents violents, et à partir de ce moment-là, tout a changé. Nous avons demandé notre dossier officiel pour corriger les erreurs de perception, parce que nous pensions que c'était ça, le problème, mais il n'y avait rien dans le dossier. C'était seulement des mots, de toute évidence.

Le président : Excusez-moi si je suis curieux, mais j'aimerais savoir s'ils traitaient mieux votre fils lorsqu'ils pensaient que vous étiez des parents violents qu'auparavant?

Mme Huffam : Non.

Le président : Je pensais tout simplement que, peut-être, ils devaient passer à un autre système.

Madame Symyshyn, voudriez-vous terminer? Lorsqu'ils ont 18 ans, ils tombent d'une falaise, comme vous le dites. Que se passe-t-il ensuite?

Mme Synyshyn : Ça dépend. Certaines populations d'enfants présentent des troubles du spectre autistique, des troubles alimentaires, des psychoses ou des maladies mentales graves, entre autres choses, et vous savez que ce type de problème ne disparaît pas tout simplement à l'âge de 18 ans. Il y a des choses qui provoquent des réactions. Vous proposez des éléments de traitement, vous faites certaines choses, et la personne va bien pendant un certain temps. Mais ça a toujours été un combat. C'est un combat de tous les jours. Nous accompagnons parfois ces enfants jusque dans la vingtaine, parce qu'il n'y a pas d'autres solutions. Il peut arriver, parfois, que l'on prépare un plan, par exemple si on sait que la personne aura besoin de soutien d'autres secteurs du système pendant un bon bout de temps. Si l'enfant fait partie du système, on commence à le faire au milieu de l'adolescence. La transition réussit, parfois, mais dans la plupart des cas, c'est assez difficile parce que le système des adultes est un monde très différent, un tout autre monde.

Le président : C'est déjà effrayant, mais laissez-moi vous dire qu'en Ontario et en Nouvelle-Écosse, nous savons de source sûre que le système de santé mentale s'applique aux enfants de 16 ans et moins, et que le système des adultes s'applique aux gens de 19 ans et plus et que les personnes de 17 ou 18 ans ne sont pas couverts du tout.

Mme Synyshyn : Chez nous, ils sont couverts jusqu'à 18 ans. Nous n'en avons pas cru nos oreilles, nous non plus.

Le président : Ce qui arrive, c'est que les jeunes de 17 ans n'ont pas le droit d'utiliser le système qui s'adresse aux enfants et qu'aucun des programmes offerts aux adultes, même les programmes les plus rudimentaires, ne leur est accessible. On nous a déjà dit, à Halifax, qu'un enfant de 17 ans, croyez-le ou non, avait été placé au Children's Hospital de Halifax, où il a occupé un lit à 1 400 $ par jour, pendant deux ans, parce qu'il n'avait pas droit au logement communautaire, qu'il n'avait nulle part où aller et qu'il n'était pas malade. Il avait une maladie mentale, mais il n'avait pas besoin d'un lit d'hôpital. Je suis tout à simplement curieux, parce que nous avons été sidérés par l'incapacité du système...

Mme Synyshyn : Encore une fois, je sais que certains des services à l'enfance et à la famille ne sont plus offerts après 16 ans.

Le président : Mais dans ce cas-là, tout cesse après 16 ans.

Mme Synyshyn : Non, nous avons eu de la chance.

Le président : C'est tout simplement ...

Mme Synyshyn : Nous avons eu de la chance, parce que nous pouvons nous en occuper jusqu'à ce qu'ils aient 18 ans, et notre système prend aussi en charge les enfants qui ont presque 18 ans, et nous essayons d'assurer leur transition vers le système des adultes, s'ils en ont besoin. Encore une fois, nous avons eu de la chance parce que quelqu'un a été assez prévoyant pour faire en sorte que ça s'applique jusqu'à 18 ans. Vous avez raison, il y a un fossé énorme.

Le sénateur Pépin : Et pour les médicaments, comment ça se passe? On nous a dit, dans les provinces où nous étions, que certains médicaments n'étaient pas assurés. En ce qui concerne l'autisme et d'autres maladies, c'est un problème important pour une famille qui a de la difficulté à payer les services d'un psychiatre et qui doit en plus payer les médicaments.

Mme Synyshyn : Notre système d'assurance-médicaments est assez bien fait, en réalité, pour la plupart des cas, mais il y a de nouveaux médicaments psychiatriques, je pense en particulier à la clozapine et à plusieurs autres, et nous avons conclu une entente avec les sociétés pharmaceutiques. Les patients qui utilisent ces médicaments sont suivis d'assez près, donc, pour certains de ces médicaments, on a droit à un traitement spécial.

Le président : Merci, à toutes les deux, d'être venues ici aujourd'hui. Merci d'avoir bien voulu nous consacrer de votre temps.

Sénateurs, notre prochain témoin est Irene Linklater, qui représente l'Assemblée des chefs du Manitoba. Elle est accompagnée du Dr Javier Mignone, chercheur associé au Centre de recherche sur la santé des Autochtones de l'Université du Manitoba. Merci à tous les deux d'être venus.

Mme Irene Linklater, directrice de recherche, Unité de recherche et d'élaboration des politiques, Assemblée des chefs du Manitoba : J'aimerais vous dire, au nom de l'Assemblée des chefs du Manitoba et en particulier du secteur des recherches et des politiques, que nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui afin de présenter un exposé devant le Comité sénatorial sur la santé mentale, les maladies mentales et les toxicomanies.

J'aimerais souligner tout d'abord que notre exposé porte sur six questions clés que nous tentons de résoudre et qui concernent toutes les services en santé mentale des Premières nations du Manitoba.

J'aimerais parler de certaines données démographiques et de l'approche de la santé de la population. Nous allons parler de trois cadres qui concernent les problèmes stratégiques liés au chevauchement des compétences, les obstacles financiers et politiques et les programmes actuellement en vigueur, et nous allons aussi parler des compétences en matière culturelle et de l'importance de la culture. Pour finir, je parlerai des recommandations en prenant appui sur une approche de concertation et je parlerai plus spécifiquement des cinq questions soulevées dans le rapport provisoire sur les options.

J'aimerais remercier les membres du comité qui nous ont invités à présenter, au nom de l'Assemblée des chefs du Manitoba, un exposé, aujourd'hui, sur les questions de santé mentale qui touchent les Premières nations du Manitoba, et en particulier des mesures urgentes qu'il faut prendre pour lutter contre les taux élevés de suicide, la violence familiale, les maladies psychiatriques, les toxicomanies, et j'en passe. À la lumière du rapport provisoire, qui traite des options spécifiques en matière de santé mentale, de maladie mentale et de toxicomanie, au Canada et qui propose une structure de traitement des maladies mentales et des toxicomanies en s'appuyant sur deux caractéristiques clés, comme vous le voyez, une structure centrée sur le patient et axée sur le rétablissement, et qui propose un système continu de services de soutien accessibles, de qualité supérieure et bien coordonné. C'est donc ce que nous allons tenter de vous présenter en parlant dans un contexte général des politiques en santé mentale et de l'exécution des programmes et des services qui s'adressent aux Premières nations.

J'ai devant moi une page qui a pour titre « Aperçu et mémoire ». L'exposé a pour cadre général les systèmes de santé du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et leurs répercussions particulières sur les Premières nations. Ensuite, pour commencer, je parlerai de l'éventail des problèmes liés à la santé mentale.

Les peuples des Premières nations se trouvent depuis longtemps dans des situations qui affectent leur santé mentale, et je parle de la création du système des réserves, des pensionnats, de l'aide sociale à l'enfance et des institutions — c'est-à-dire la pensée, la philosophie et les théories sur la santé mentale érigées en institution aussi bien que des structures et des édifices institutionnels proprement dits, je parle de tout cela quand je parle des « institutions ». Les membres des Premières nations sont nombreux à souffrir d'anxiété, de diverses phobies, du syndrome du stress post-traumatique et de tous les problèmes d'accoutumance qui ont un lien avec la santé. Je ne veux pas parler des aspects strictement scientifiques de la santé. Je parle plutôt des approches politiques et juridiques, de la défense des droits et de la justice sociale au regard des besoins en santé mentale des peuples des Premières nations du Manitoba.

La plupart des peuples des Premières nations ont besoin d'une aide à long terme pour se dégager du sentiment d'oppression qu'ils ressentent depuis quelques centaines d'années. Nos Aînés appellent cela un « grief non résolu » et disent qu'il a une incidence sur le droit des Premières nations à l'autodétermination, sur l'accoutumance aux médicaments d'ordonnance ou à la drogue vendue dans la rue, à l'alcool ou aux solvants, qui sont des fléaux pour les collectivités des Premières nations depuis plusieurs années. La toxicomanie est aussi une conséquence des politiques d'oppression imposées aux peuples des Premières nations.

De nombreuses collectivités des Premières nations souffrent aussi de la mauvaise qualité de leurs logements, de la pauvreté, du manque d'emplois, des déménagements imposés, de l'expérience des pensionnats, des problèmes qui se répercutent de génération en génération et, évidemment, des politiques sur l'aide sociale à l'enfance. Nous devons lutter tous les jours contre ces problèmes, ce qui est une source de stress et d'usure pour les personnes, leur famille et la collectivité. Par ricochet, les responsabilités des leaders de la collectivité deviennent un fardeau, puisque les collectivités n'ont pas les ressources nécessaires pour y réagir.

De plus, le stress est habituellement un symptôme de la douleur liée à la violence faite aux enfants, à la négligence et à toutes les répercussions physiques, mentales, émotionnelles et spirituelles de tout ce qu'ont vécu les Premières nations. Les personnes qui essaient de vivre sans dépendance à l'alcool ou à la drogue tombent dans le désespoir parce qu'il n'y a pas de systèmes de soutien. D'autres ont de la difficulté à trouver leur identité et retombent dans la dépendance.

Il est clair qu'il faut adopter des approches globales, bien coordonnées et adaptées à la culture si l'on veut lutter contre cette épidémie moderne de maladies émotionnelles et spirituelles et retrouver l'équilibre dans notre vie, grâce à une approche holistique, et permettre aux membres, aux familles et aux collectivités des Premières nations d'entamer le processus de guérison.

J'aimerais citer un rapport de la Fondation pour la guérison des Autochtones :

Tout au long de l'histoire des peuples des Premières nations, la santé était définie en fonction de la totalité de l'être d'une personne, c'est-à-dire les aspects physiques, émotionnels, mentaux et spirituels, qui devaient être équilibrés et en harmonie les uns avec les autres, ainsi qu'avec l'environnement et les autres créatures. Cette définition est entrée en conflit avec le modèle de la médecine occidentale selon lequel, jusqu'à tout récemment, le concept de santé était défini par l'absence de maladie.

Je vais passer par-dessus les données démographiques, maintenant, et je vais simplement mettre en relief quelques-unes des approches utilisées en santé de la population. Ici, au Manitoba, on compte 115 000 membres d'une Première nation, et 56 p. 100 de ceux-ci vivent dans une réserve. Sur le plan géographique, la population de la province est très dispersée; sur les 64 collectivités des Premières nations, 23 sont définies comme des collectivités éloignées ou isolées difficilement accessibles, sauf par la voie des airs. Évidemment, cela suppose aussi un problème d'accès aux médecins et un accès limité au système de santé de la province; cela concerne aussi la migration intérieure et les déplacements constants de l'intérieur à l'extérieur de la réserve et vice versa des collectivités des Premières nations.

L'espérance de vie est inférieure de huit ans à celle des autres Canadiens, malgré que la situation s'est un peu améliorée ces dernières années. Les principales causes de mortalité ou de morbidité sont l'empoisonnement, les maladies du système circulatoire, le cancer et les maladies respiratoires; chez les jeunes et les adultes de 44 ans et moins, les principales causes de décès sont le suicide et l'automutilation.

Chez les Premières nations, le taux de natalité chez les femmes de 10 à 14 ans est neuf fois plus élevé que chez les autres Canadiennes du même âge.

Du côté des répercussions économiques et sociales, maintenant, le ministère des Affaires indiennes a consacré 13 millions de dollars à l'aide sociale pour chaque dollar consacré au développement économique. En conséquence, le tiers ou même la moitié des membres des Premières nations qui vivent sur une réserve et reçoivent des prestations d'aide sociale se trouvent dans une collectivité des Premières nations du Manitoba; la proportion est de 24 à 88 p. 100 selon les collectivités. Ces statistiques ont été recueillies dans le cadre des recherches sur le pouvoir de la conductivité menées en 2001 par l'Assemblée des Premières nations.

J'aimerais revenir sur la Commission d'enquête sur la justice autochtone. Selon les représentants du Manitoba, une Autochtone sur trois avait été violentée par son partenaire, alors qu'à l'échelle nationale, selon les données de 2001, c'était le cas d'une Canadienne sur huit ou sur dix. Selon le rapport de 1989, qui a fait date, 84 p. 100 des participants à l'enquête ont dit que la violence familiale était une réalité dans leur collectivité, et 80 p. 100 ont dit avoir vécu personnellement cette expérience.

Dans notre parc immobilier, les logements sont le plus souvent attaqués par la moisissure ou ouverts aux courants d'air; la construction ou les matériaux sont défectueux; et nous ne pouvons pas déménager ailleurs. Tout cela figurait dans un rapport de la tribu Cowichan, mais la situation est la même partout au Manitoba, et dans d'autres régions aussi.

Il y a aussi l'expérience de l'itinérance, ou ce qu'on appelle l'itinérance invisible, c'est-à-dire que les logements sont tellement surpeuplés qu'on passe constamment de l'un à l'autre, et cela ne se reflète pas dans les statistiques; autrement dit, il n'existe pas de cadre statistique qui reflète cette réalité. L'absence de logements adéquats est aussi associée — et les études le confirment — au manque d'hygiène, à la mauvaise santé et à une longévité réduite.

Je sais qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps; alors, je vais passer rapidement sur les questions dont je voulais parler et je vais passer aux recommandations, qui sont très détaillées, à la fin. J'aimerais que vous lisiez en entier le rapport de 13 ou de 18 pages, parce que nous sommes tous au courant des problèmes liés au chevauchement des compétences entre les ministères provinciaux et fédéraux qui sont liés aux politiques ainsi qu'à l'ambiguïté et à la fragmentation des services et des politiques, dont l'élaboration ne se fait pas de manière intégrée.

Nous espérons que l'annonce que vous avez sûrement tous entendue aujourd'hui — ça ne figure pas dans mon document, mais un accord a été signé au nom des Premières nations par l'Assemblée des Premières nations et le premier ministre — signifie qu'à partir de maintenant et désormais, l'élaboration des politiques se fera de manière concertée. Nous espérons qu'il sera possible de procéder de cette manière dès les premières étapes de l'examen des nouvelles politiques, de l'élaboration des programmes ou de l'exécution des services qui touchent la santé mentale, les maladies mentales et la toxicomanie et qui visent les peuples des Premières nations du Manitoba.

Il faut avoir un financement suffisant pour garantir qu'on ne cherchera pas en premier lieu à réduire un déficit; il faut tenir compte des besoins actuels et futurs en santé des Premières nations, de la croissance de la population et d'un facteur essentiel, le respect des solutions communautaires qui nous permettent de répondre à notre manière à la question du bien-être et, peut-être, à un partenariat fondé sur l'intégration et la collaboration avec les institutions.

J'ai fourni les chiffres du budget de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, la DGSPNI pour la région du Manitoba, à titre informatif, pour que l'on voie que certains aspects de la santé mentale ne sont financés que minimalement par cette Direction générale, et que la manière dont les services sont mis en œuvre par la bureaucratie ou par le Ministère vient compliquer les choses, alors qu'on aurait pu les élaborer ensemble, en fonction des besoins des Premières nations. Nous espérons que l'examen de la politique de Transfert de la santé débouchera sur des recommandations où ces questions seront examinées plus en détail.

Ce qui nous amène à la question du contexte du programme, c'est-à-dire de l'évaluation nationale dont je viens de parler, et dont on traite à la page 7 du document que vous avez en main. Si le Programme national de lutte contre l'abus d'alcool et de drogues chez les Autochtones n'a pas réussi à rester branché sur les besoins de la collectivité, c'est qu'on s'attendait à ce qu'il y ait des interventions visant des problèmes familiaux, par exemple la violence familiale, les tentatives de suicide, les personnes en situation de crise, et que l'on offrirait du soutien et des soins de suivi après un traitement et, aussi, qu'il y aurait un soutien communautaire après une tragédie. C'est une épidémie, à mon avis, et il faut s'y attaquer. C'est ainsi qu'on en a parlé, hier, quand il était question des jeunes et de la direction à prendre pour faire face aux multiples besoins et pour trouver des solutions communautaires, et le problème de la toxicomanie est de plus en plus complexe, on consomme des drogues plus dures, et à tout cela s'ajoute le problème du jeu pathologique, et qui n'a pas sa place dans ce modèle de traitement, ou dans les programmes Grandir ensemble ou Pour des collectivités en bonne santé de la DGSPNI. Je parle spécifiquement de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, qui, en général, fournit des services de santé s'inscrivant dans un continuum, de la promotion à la prévention. Toutefois, ce continuum n'a pas intégré le processus traditionnel de guérison. Et, pour nous, membres des Premières nations, ce processus doit nécessairement faire partie des plans relatifs aux programmes et aux services.

En explorant les diverses options, nous vous renvoyons aussi aux conclusions d'Adrian Gibbons, qui a produit un rapport pour la DGSPNI, vous en voyez le titre à la page 7. Mme Gibbons a étudié les questions qui nous tiennent à cœur, nous aussi, c'est-à-dire la responsabilisation, l'équité, le caractère permanent du financement et, en ce qui concerne l'ensemble des programmes de transfert, le fait qu'une politique de valorisation est nécessaire. À l'heure actuelle, les programmes de transfert en santé ne sont assortis d'aucune politique de valorisation, ce qui veut dire qu'il n'y a pas de possibilité de croissance progressive en vue de l'expansion ou en vue de répondre aux besoins plus complexes liés au Transfert en santé, et que l'on ne tient pas compte de la croissance de la population ou des besoins supplémentaires des collectivités, qui n'avaient pas été cernés au départ quand on a rédigé ces ententes de contribution.

La question de l'intégration est aussi un problème, pour nous, comme le signale Mme Gibbons dans son rapport. Même si l'intention d'intégrer les services pour réaliser des économies d'échelle, entre autres choses, était une très bonne idée et que nous l'avons aussi soutenue, nous devons aussi prendre des précautions parce que, pour certaines de nos collectivités, l'intégration représente un risque. Je parle ici des questions de compétence. Parfois, l'intégration, comme elle le fait remarquer, impose un fardeau plus lourd sur les ressources des petites collectivités qui ne disposent que de moyens limités en ce qui concerne la planification et la gestion des soins de santé.

Ensuite, elle dit la même chose, ici, en parlant des moyens limités associés à un financement limité, et en passant ensuite à la gamme plus étendue des fonctions de gestion et du financement supplémentaire nécessaire pour les partenariats en éducation, en formation et en planification de carrière.

Si l'on parle des nouveaux modèles de prestation des services en santé, il est impératif de répondre aux besoins en ressources humaines de la santé pour qu'il soit possible d'assurer les soins dans toutes les sphères. Cela a été affirmé dans le rapport Romanow et aussi dans le rapport Kirby où l'on a soutenu et reformulé les recommandations du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, en disant qu'il fallait augmenter l'effectif professionnel dans toutes les disciplines de la santé.

Le contexte culturel est lui aussi très important, comme je l'ai dit au début de mon exposé. La plupart des recherches, les Aînés et nos enseignements révèlent qu'une personne qui se sent forte et qui a un fort sentiment de son identité culturelle est mieux en mesure d'affronter la vie et qu'elle réussira plus souvent à adopter et à conserver un mode de vie et des comportements sains.

Dans les cultures des Premières nations — je suis à la page 9 — la famille et la collectivité, traditionnellement, soutiennent la personne. Le recours aux méthodes de guérison traditionnelles est une option centrale pour un membre des Premières nations. La Fondation pour la guérison des Autochtones a indiqué, dans son rapport de 2004, que les membres des Premières nations qui entretiennent des liens étroits avec leur culture ont tendance à apprendre un plus grand nombre de stratégies de réponse, et ces stratégies sont plus efficaces.

J'aimerais passer maintenant au début de la page 10. Au Manitoba, nous avons mis en œuvre l'entente cadre — cela fait maintenant dix ans qu'elle est appliquée, et nous espérons toujours qu'elle restera en vigueur pendant les négociations qui entourent l'autonomie gouvernementale, qui touchent 63 Premières nations. Nous sommes plus que jamais prêts à conclure des ententes de principe en matière d'éducation, d'enfance et de famille, et une entente globale sur d'autres questions. Nous étudions aussi la possibilité de conclure une entente sur l'autonomie gouvernementale en matière de santé, dont on a parlé au tout début des discussions, mais qui n'est pas vraiment sur la table.

Notre objectif était de garantir qu'un processus communautaire reflétant les cultures, les histoires et les buts des peuples des Premières nations, permette la mise sur pied d'un système gouvernemental coordonné, fondé sur plusieurs nations, dans une structure gouvernementale moderne. L'objectif le plus important de l'entente cadre, la FAI, comme nous l'appelons, est de donner aux Premières nations voix au chapitre quand il est question de leurs institutions de gouvernance, et je parle de théorie, de réflexion, de culture et de philosophie, mais aussi le type de structures qu'il faudra mettre en place, et qui comprendront tous les pouvoirs, à partir de consultations fructueuses.

Cela dit, nous pouvons passer à la recommandation que je vais présenter. Je n'ai probablement plus de temps, et il y a cinq recommandations, et des questions, et j'aimerais pouvoir y répondre. Je peux peut-être en parler un peu?

Le président : Allez-y, présentez les cinq.

Mme Linklater : Les cinq? Très bien. La première question concerne les grandes priorités du gouvernement fédéral — c'est dans la suite de la page 10 de l'exposé — c'est-à-dire : quelles devraient être les principales priorités du gouvernement fédéral quand on parle des services en santé mentale et en traitement des toxicomanies qui s'adressent aux Premières nations?

Premièrement, pour nous, membres des Premières nations, il y a la question multigénérationnelle — et je crois que c'est dans la suite de la page 10, pour vous, la première question. On lit « Recommandations » au début.

On doit savoir que les répercussions de la colonisation et de l'assimilation sur l'ensemble des générations font partie de notre histoire pour entamer le processus de guérison. On l'a déterminé dans le document « Rassembler nos forces », l'approche de la Residential School Foundation. On a recommandé d'effectuer des investissements importants dans les programmes de santé mentale et les stratégies en matière de prévention du suicide qui correspondent à un modèle de soins holistique et adapté à la culture.

De plus, il faudrait offrir une compensation équitable aux victimes qui ont vécu dans les pensionnats, de même que des ressources curatives continues par l'entremise de la Fondation pour la guérison des Autochtones. Le versement d'une compensation aux victimes ne met pas un terme au processus de guérison; il continue pour les générations qui ne ressentent pas les répercussions directes, comme le diraient certaines personnes, mais qui sont tout de même touchées. Ceux d'entre nous qui sont allés dans ces écoles, comme moi-même, et ceux d'entre nous qui ont été affectés parce que des membres de notre famille ont été touchés, dans le vaste contexte familial et communautaire, de même que dans le contexte national.

Ensuite, on doit intégrer des soins émotionnels et spirituels en garantissant l'accès aux cérémonies et aux guérisseurs traditionnels à chaque point d'entrée du continuum de santé mentale. On trouve cette proposition dans un document de recherche réalisé par l'entremise du Centre de recherche sur la santé des Autochtones. Le Dr Mignone et M. John O'Neil ont également mené quelques recherches qui soutiennent cette recommandation.

On doit également redéfinir les services de santé mentale et en discuter dans un cadre sur le mieux-être, par opposition à un modèle axé sur les maladies et les déficits qui met l'accent sur la gestion de crises. Un modèle axé sur la promotion de la santé mentale servira de fondement pour accroître les capacités d'adaptation et soutenir l'estime et le respect de soi et le fait de faire confiance aux personnes, aux familles et aux collectivités pour prendre des décisions liées à un mode de vie sain.

Il faut aussi améliorer l'efficacité et la viabilité financière du système de soins de santé au moyen d'une meilleure coordination et intégration des ressources financières et d'un accès accru à ces ressources en vue d'obtenir des résultats équitables.

On doit créer un cadre de mise en œuvre en santé mentale bien coordonné, uniforme, qui offre des points d'entrée multiples, qui promet des modes de vie sains, qui prévient des comportements à risque, la dépendance, l'automutilation et la violence contre les autres et qui fournit un accès aux services de traitement pour les personnes qui ont besoin de tels soins. Il faut concevoir de nouveau, établir et soutenir une infrastructure professionnelle continue qui est nécessaire pour appuyer les programmes existants, de même que les nouveaux programmes, à l'échelle communautaire et régionale.

Question suivante — et la plus appropriée — nous avons besoin de structures et de processus pour veiller à ce que les Premières nations reçoivent une aide adéquate pour créer les services. Les Premières nations doivent ouvrir la voie à ce partenariat avec le gouvernement et le Ministère, de même qu'avec des établissements universitaires et d'autres partenaires avertis, pour examiner la nouvelle conception et définition de la portée du continuum de santé mentale, dans les réserves et hors réserve, en plus des liens requis avec d'autres organismes et programmes de santé. En collaboration avec les ministères, les établissements universitaires et les bureaux de placement, les Premières nations doivent former un nombre suffisant de travailleurs communautaires en santé mentale, de psychologues, de travailleurs sociaux, pour répondre aux besoins émotionnels des membres de la collectivité.

De plus, il faut créer des conseils communautaires holistiques formés de représentants provenant de programmes de santé pertinents. On a ensuite établi une listes d'exemples, comme les soins infirmiers, ou ce qui découle du domaine des soins infirmiers, les thérapeutes en santé mentale, les initiatives Grandir ensemble, le fait de bâtir des collectivités en santé et les intervenants du PLAADA, qui travaillent dans la collectivité.

On peut maintenant examiner la relation entre les services de police et les services de justice, qui comprennent également les pénitenciers. En examinant les services de justice, on examine un vaste contexte de justice, pas seulement le processus judiciaire du système judiciaire, mais également la probation, les pénitenciers — tout ça. On mène actuellement des discussions à ce sujet à notre bureau. En ce moment, on a établi un dialogue à ce sujet dans la région du Manitoba. On cherche à mener — même si le présent rapport n'en fait pas mention — des discussions sur un accord, ou un accord politique, et une entente touchant la prestation de services pour promouvoir cette initiative.

Nous recommandons d'élaborer, en collaboration avec le système judiciaire, des politiques communautaires sur la tolérance zéro pour protéger les enfants, les femmes, les hommes et les aînés de la violence émotionnelle et physique.

Nous recommandons également d'élaborer, en collaboration avec des organismes de santé gouvernementaux, des stratégies axées sur la collectivité et adaptées à la culture pour réagir à l'alcoolisme, au tabagisme et à la toxicomanie.

Question suivante : comment le gouvernement fédéral s'organise-t-il pour offrir ces services de la façon la plus efficiente et efficace possible? Nous demandons au gouvernement fédéral d'ouvrir ses politiques, ses processus et ses portes pour veiller à ce que les Premières nations participent pleinement à l'élaboration de ces initiatives, qui touchent directement les Premières nations en ce qui concerne, disons, les processus actuellement accessibles uniquement aux ministères internes.

En ce qui concerne les processus concernant les mémoires au Cabinet et les présentations au Conseil du Trésor, on a vécu quelques expériences infructueuses dont je ne fais pas mention dans le présent rapport. En raison de nos initiatives sur l'élaboration de politiques sociales dans la région du Manitoba, nous nous sommes fermement engagés, au niveau le plus élevé, à examiner les modifications apportées aux politiques sociales pour se rendre compte que, lorsque nous en sommes à la présentation finale au Cabinet, ces présentations ne correspondent pas aux recommandations formulées par les Premières nations. Il existe donc un problème pour nous puisque, une fois que la présentation atteint l'un des échelons les plus élevés du processus d'examen ministériel, on la dilue ou on la précise de façon que nous ne la reconnaissons plus. J'espère que la signature des nouveaux accords changera la situation, de même que le processus, car la présentation doit correspondre aux priorités et aux besoins de la collectivité. Il doit y avoir une souplesse des programmes et une double reddition de compte entre les Premières nations et les gouvernements. Il s'agit d'un élément central et très important pour nous.

Deuxièmement, il faut mettre en place des modèles intégrés de financement entre les organismes fédéraux pour permettre un financement global des programmes et une viabilité à long terme. Actuellement, on sait qu'il existe un nouveau modèle de contribution entre la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits et Affaires indiennes et du Nord Canada qui touche au financement global et aux ententes pluriannuelles. Ce processus nous encourage. Il existe également de lourdes structures de reddition de comptes, et on a l'impression qu'on peut assumer ces responsabilités de façon adéquate.

Troisièmement, ça prend des modes de financement axés sur les besoins qui procurent un financement prévisible et stable pour faciliter la planification financière. Comme je l'ai déjà dit au numéro 4, il faut des protocoles bilatéraux ou doubles bilatéraux, des ententes administratives politiques pour les programmes sociaux et de santé touchant les Premières nations, mis en œuvre par les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral en ce qui a trait à des ententes de financement pluriannuelles.

Question suivante : le gouvernement fédéral devrait-il offrir des mesures incitatives financières pour encourager les Premières nations à suivre une formation pour devenir des intervenants en santé mentale? Afin d'attirer les citoyens des Premières nations vers des métiers spécialisés en santé mentale et de les encourager à le faire, il faut suivre le continuum des intervenants en santé mentale vers ces domaines spécialisés. Ici, c'est écrit des psychiatres et peut-être d'autres spécialistes. Pour y arriver, on doit créer des programmes d'éducation en matière de santé adaptés à la culture, aux réalités familiales et communautaires et aux responsabilités assumées par les étudiants des Premières nations, créer des partenariats entre le gouvernement des Premières nations et les universités, négocier le nombre de places attribuées aux Premières nations et, afin de régler les problèmes des longues listes d'attente liées à l'admission, créer des bourses et des programmes de parrainage supplémentaires, y compris les critères de parrainage.

De plus, il faut offrir des milieux de travail sûrs et positifs où on peut atteindre un rendement professionnel élevé. On souhaite également qu'il y ait un recrutement concurrentiel et des mesures incitatives pour le maintien de l'effectif.

Ensuite, il y a des milieux de travail sûrs, une formation continue, un apprentissage continu, des problèmes relatifs à l'isolement personnel et professionnel, des problèmes de compétence en ce qui concerne le processus de médiation et l'égalité salariale entre les professionnels de la santé, qui travaillent pour le gouvernement ou un autre organisme. On doit tenir compte de cet enjeu de façon très particulière en ce qui concerne ce que l'on caractérise comme une « expertise » chez les aînés, par exemple, c'est-à-dire les connaissances et les enseignements que nos aînés détiennent. Ils n'ont pas de doctorat, mais la vie leur a fait profiter d'une éducation poussée et d'un vaste savoir comparables à ceux des universitaires et qu'ils peuvent nous transmettre.

La dernière question : qui devrait assumer la responsabilité de l'analyse de la conjoncture pour déterminer les programmes existants et le double emploi entre les ministères, de même que les lacunes importantes dans les programmes, et de quelle façon peut-on maximiser l'utilisation efficace? En tant que peuple des Premières nations, on a toujours été préparé, comme le montrent le processus de l'autonomie gouvernementale et nos relations de travail politiques, à examiner des modèles de collaboration, l'intégration des services, l'échange de renseignements, le partage des ressources, une relation commune pour coexister, tout en ayant un certain respect pour l'autonomie et l'exclusivité concernant certains domaines des services relatifs aux programmes et de compétence. On doit absolument tenir compte de ces enjeux.

Actuellement, au Manitoba, nous avons un comité de la santé. Il s'agit d'un comité intergouvernemental sur la santé des Premières nations. Nous avions l'habitude de l'appeler le Comité du groupe de travail sur le rapport Romanow, car il a été créé immédiatement après la publication du rapport Romanow et également après le rapport Kirby. Nous voulions élargir le mandat pour examiner les recommandations de la CRPA et notre relation conventionnelle avec l'État afin qu'il se fonde sur un ensemble de ces relations entretenues au fil des ans et au cours de l'histoire. Nous avions ce processus, qui a été approuvé par l'Assemblée des chefs du Manitoba, la Northern Chiefs Organization, le Manitoba Keewaytinook Okimakanak et également la Southern Chiefs organization.

Tous ensemble, nous avons entrepris un processus qui se poursuit depuis deux ans. Il se déroule très bien. Toutefois, nous rencontrons actuellement des problèmes. Les gouvernements provinciaux, le gouvernement fédéral, Santé Canada, Affaires autochtones et du Nord, le ministère de la Santé du Manitoba, AINC, tous contribuent à ce processus; nous avons également établi un partenariat concernant l'analyse de la conjoncture avec notre partenaire de l'Université du Manitoba à cet égard. Nous avons mené un groupe de discussion sur la santé à l'égard des soins de santé primaires. Nous avons tenu des réunions pour analyser les ressources humaines en santé chez les Premières nations. Nous avons établi et entretenu des relations dans notre région. Nous avons rédigé des rapports que nous pourrons communiquer au Comité une fois qu'ils seront approuvés.

Nous tiendrons notre prochaine réunion du comité directeur de hauts fonctionnaires de cet organisme le jeudi 9 juin; par la suite, nous serons en mesure de publier ces documents, de vous montrer que nous avions accompli un énorme travail dans la région du Manitoba en ce qui concerne l'examen de la collaboration, de l'intégration et des partenariats de recherche.

Il existe un rapport de recherche qui présente un aperçu des lacunes dans les services et des problèmes associés aux administrations. Actuellement, on effectue une analyse budgétaire du rapport sur les services de santé, qui est une stratégie en deux volets, puisque la recherche est financée par le ministère des Affaires autochtones et du Nord et approuvée par le comité nommé plus haut. Je vais vous faire parvenir des exemplaires de ces documents une fois que ce comité les aura publiés.

Les Premières nations continuent d'exercer des pressions pour poursuivre et soutenir ce processus, mais, comme je l'ai mentionné, on éprouve des problèmes pour savoir qui offrira du financement et si on doit continuer ou non pendant une autre année; ces problèmes nous préoccupent grandement. On espère que l'ensemble des autorités réussiront à s'entendre et verront qu'il s'agit d'une initiative très importante qui doit continuer. La santé mentale et le traitement des maladies et des dépendances font, bien entendu, partie des stratégies de planification en santé que l'Assemblée des chefs du Manitoba a mises de l'avant dans le cadre de sa stratégie de dix ans.

Avant de terminer ma présentation, j'aimerais parler de notre partenariat de recherche. J'aimerais simplement que vous vous reportiez à la dernière page de ce document d'information. Depuis cinq ans, nous avons maintenu un partenariat de recherche avec l'Université du Manitoba et l'Assemblée des chefs du Manitoba au Centre de recherche sur la santé des Autochtones — Premières nations du Manitoba, et le Dr Mignone fera une présentation très bientôt. Nous venons à peine de terminer un rapport d'évaluation sur notre partenariat de cinq ans. Sa vision consiste à analyser les besoins en matière de recherche au moyen d'un modèle fondé sur les résultats cliniques pour vérifier l'élaboration des politiques, le savoir traditionnel et l'importance de la collaboration entre les Premières nations et une université sur le plan d'un modèle scientifique de recherche en vue de créer un modèle plus approprié et plus éclairé pour examiner les politiques et les services relatifs aux programmes. Je vous laisse ça entre les mains. S'il nous est possible de vous remettre ce rapport avant la conclusion de votre recherche, nous vous le présenterons également.

Le président : Ce serait utile.

Mme Linklater : En terminant, nous aimerions également obtenir du financement dans le cadre d'une entente de financement pluriannuelle. Notre financement de cinq ans se termine bientôt.

En conclusion, je veux remercier le comité sénatorial de poursuivre ses recherches et de mettre l'accent sur des enjeux très complexes concernant les trois sujets qui nous intéressent tous, c'est-à-dire la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie. Nous espérons que vous accueillerez nos recommandations favorablement. (Parle dans une langue étrangère) En d'autres mots, l'Assemblée des chefs du Manitoba vous transmet ses meilleurs vœux et vous remercie.

Le président : Merci.

Docteur Mignone, la parole est à vous.

Le Dr Javier Mignone, chercheur associé, Centre de recherche sur la santé des Autochtones, Université du Manitoba : Merci de nous inviter ici. Comme l'a expliqué Mme Linklater, notre centre représente un partenariat. Il est situé à l'université, mais il s'agit d'un partenariat avec l'Assemblée des chefs du Manitoba. Étant donné que la présentation de Mme Linklater était très détaillée et que je suis manifestement d'accord avec ce qu'elle a dit, je vais tenter d'utiliser votre troisième rapport comme tremplin vers certains des enjeux dont j'aimerais parler.

Tout d'abord, vous avez mentionné l'enjeu concernant les données, les données épidémiologiques sur la santé mentale. Il y a, bien entendu, un manque de données pertinentes; on est d'accord avec cela, et c'est un enjeu important dont on doit toujours tenir compte. Un bon exemple, c'est l'enquête longitudinale et régionale sur la santé des Premières nations, effectuée par l'ANSA. Cette enquête permet de recueillir des données de façon plus élargie, et c'est sur quoi j'aimerais mettre l'accent.

Lorsqu'on parle de données de santé mentale, il ne faut pas uniquement examiner les aspects psychiatriques de la santé mentale. Je crois qu'il s'agit d'un fardeau. On pondère fortement la santé mentale en tenant compte de l'interprétation des données, de la façon dont on analyse le système sur le plan psychiatrique, ce qui est un facteur très contraignant. Si vous y pensez, la plupart des cas graves, voire chroniques, mais les cas graves de santé mentale, ne représentent que la pointe de l'iceberg d'un problème plus vaste et important auquel font face les collectivités et les personnes. C'est une chose. À laquelle on ajoute l'interprétation des données. Les données ne nous disent rien; c'est l'interprétation des données qui est importante. Comme le disait Mme Linklater, il existe bon nombre de savoirs différents, mais c'est en échangeant cette interprétation qu'on va acquérir le type de renseignements le plus important pour nous permettre d'apporter certains changements.

Le deuxième aspect, et ça concerne un terme qu'on a utilisé ici, c'est-à-dire les facteurs culturels. Je crois comprendre ce que vous voulez dire par les facteurs culturels qui affectent la santé mentale, etc. Je proposerais l'utilisation de facteurs structurels, propres aux collectivités des Premières nations, aux peuples autochtones. C'est que le terme « culturels », dans le sens que vous utilisez ici, — c'est comme s'il y avait des facteurs culturels parce que la culture nuit à la santé mentale. Je crois en fait qu'il existe des facteurs structurels, encore une fois comme le disait Mme Linklater, des facteurs « en amont » et des facteurs historiques qui ont des répercussions importantes sur le bien-être des peuples autochtones.

J'aimerais en parler brièvement. On tente de pousser plus loin ce domaine de recherche puisqu'on tente de comprendre, d'un point de vue de la recherche, et de mieux saisir les collectivités en tant qu'objet de la politique et de comprendre pourquoi les collectivités ont de telles répercussions sur la santé en général ou sur la santé mentale en particulier. C'est une façon de voir les choses.

On a parlé des déterminants sociaux de la santé, mais, de façon précise, la terminologie courante concerne l'idée qu'il existe une légère distinction entre les déterminants de la santé individuels et ce qu'on pourrait appeler les déterminants de la santé écologiques. Ça veut dire qu'il y a quelque chose, par exemple, dans les caractéristiques communautaires, et même à une échelle plus vaste, qui, au-delà des facteurs individuels, a des répercussions sur la santé et la santé mentale.

L'autre enjeu — et, évidemment, s'il reste du temps, on peut en parler davantage; sinon, il existe quelques documents à ce sujet. L'autre enjeu dont vous avez parlé, c'est la fragmentation des services. On est absolument d'accord avec le fait qu'il s'agit d'un enjeu très important. On a eu l'occasion de procéder à l'examen des services de santé mentale de la DGSPNI au Manitoba. Vous avez reçu un exemplaire de ce rapport, et l'une des constatations concerne cet enjeu. C'est un enjeu assez important, et il est important à plusieurs niveaux. C'est important à l'échelle intraministérielle, comme à l'intérieur d'un ministère où on trouve un phénomène de « cloisonnement » intéressant. J'ai de l'expérience auprès d'organismes de santé mentale. Parfois, ils semblent être les pires. Ça concerne évidemment la notion qui consiste à être en mesure de structurer les établissements, les organismes de façon à tenir compte du continuum en santé mentale, et c'est là que ça ne fonctionne pas.

Je vais immédiatement parler du problème du personnel en soins de santé, du personnel en santé mentale. Tout d'abord, au sein des organismes professionnels, on observe un certain fossé. Je vais parler de cet enjeu puisqu'il s'agit de l'un des enjeux que doit aborder votre comité et que vous avez également posé une question particulière à ce sujet. Les psychiatres sont importants, c'est évident, mais la vérité, c'est qu'ils ont une importance minimale en santé mentale. C'est l'expérience particulière qu'on a vécue en faisant ce travail et en ayant vraiment l'occasion de parler avec de nombreux intervenants communautaires dont Mme Linklater a fait mention, comme les intervenants de l'IAB, les intervenants du programme CBS, les intervenants du PNLAADA, qui sont ceux qui portent, de façon générale, cette charge sur leurs épaules et ceux qui manquent de soutien à plusieurs niveaux. Certaines des choses dont ils manquent pourraient être des choses très simples qui feraient vraiment une grande différence, selon moi. L'une d'entre elles concerne le problème des salaires. Par exemple, il n'existe aucune échelle salariale fondée sur l'expérience, alors un travailleur pourrait avoir dix ans d'expérience; un travailleur très compétent qui a porté sur ses épaules un lourd fardeau dans la collectivité, par exemple en aidant beaucoup de personnes, reçoit le même salaire qu'une personne qui commence à travailler. C'est ce qu'on a déterminé.

De plus, il y a les débouchés accessibles; il faut être en mesure de pouvoir suivre davantage de formation, mais également de recevoir un agrément professionnel véritable et de vivre l'agrément professionnel. On sait que l'éducation formelle n'est pas l'unique façon de reconnaître des personnes. On doit étudier la question de façon sérieuse, car les travailleurs s'en préoccupent. Ça concerne également leur fierté professionnelle.

Ensuite — et je crois qu'il s'agit d'un enjeu qu'on oublie trop souvent — les travailleurs ont besoin de soutien en ce qui concerne la supervision, mais ils ont également besoin de soutien pour faire face aux problèmes qu'ils rencontrent. Chaque jour, ils font face à des situations très traumatisantes. Ils vivent également des traumatismes et ils doivent recevoir du soutien à cet égard. Je n'ai pas le temps maintenant d'expliquer les mécanismes particuliers qu'on pourrait mettre en place, mais il s'agit d'un enjeu qu'ils ont soulevé à maintes reprises. Ça correspond à l'une des idées qu'on a intégrées au rapport — et on devra évidemment en débattre, ce qui pourrait être intéressant — c'est-à-dire la création d'un organisme d'agrément professionnel en santé mentale autochtone, possiblement de deux façons : tout d'abord, l'organisme pourra donner une certaine forme d'agrément professionnel à ses intervenants communautaires, mais il exigera également, par exemple, que les thérapeutes en santé mentale qui ne font pas partie des Premières nations répondent à certains critères. Ce que je veux dire, c'est qu'on envoie des gens dans ces collectivités même s'ils n'ont aucune origine autochtone; ils n'ont aucune connaissance à ce sujet. Simplement d'un point de vue professionnel, et je ne parle même pas des valeurs, ça représente un enjeu important.

Le dernier point dont je veux parler — et je ne sais pas combien de temps il me reste — c'est que vous, le Comité sénatorial, encouragez la délégation, le transfert. Je ne peux pas me rappeler les mots exacts que vous avez utilisés, mais j'aimerais mettre encore une fois l'accent sur le fait que, si on parle de délégation, qu'il s'agisse d'une délégation véritable; et non le genre de délégation où on entend « vous le faites; je décide ». Ça correspond aux mécanismes de reddition de comptes qui sont actuellement en place. Encore une fois, il s'agit d'une question assez intéressante. Bon nombre de collectivités font vraiment beaucoup de reddition de comptes — ce qui, en passant, prend énormément de temps qu'elles ne peuvent consacrer à leur travail; temps qu'elles pourraient prendre pour travailler auprès des gens.

L'enjeu important relatif à la collecte de renseignements se trouve, selon moi, dans un trou noir. Il disparaît; ces renseignements ne sont pas utilisés. Si on n'utilise pas de renseignements, on ne doit pas en recueillir. En tout cas, on met la charrue devant les bœufs. Comme la collecte de renseignements prend du temps et des ressources, il s'agit d'un produit onéreux; ça tire beaucoup d'énergie et, par conséquent, ça doit être important. C'est un sujet qui frustre vraiment les intervenants communautaires et qui accroît les enjeux éthiques connexes. Au moins, dans le cas d'un examen de la DGSPNI, la plupart des renseignements se transmettaient entre la DGSPNI, les collectivités et les thérapeutes en santé mentale, ce qui comprenait les noms et d'autres identificateurs. Il y avait une possibilité réelle de divulguer des renseignements personnels. Les sociétés d'assurances ne demandent pas ce genre de renseignements; la Croix bleue ne demande pas ce genre de renseignements. Pourquoi recueille-t-on ces renseignements s'ils ne servent à rien?

Sénateurs, j'aurais encore des choses à dire, mais je serai brève. Bien entendu, encore une fois, je crois que Mme Linklater a présenté les enjeux dont nous parlions de façon beaucoup plus détaillée que moi.

Le président : Madame Linklater, à la page 12 de votre présentation, vous faites allusion à deux documents particuliers; j'aimerais savoir si vous pouvez nous les faire parvenir. L'un est daté du mois d'avril de cette année et s'intitule « Overview of Gaps in Service and Issues Associated with Jurisdictions ». Pouvez-vous nous l'envoyer?

Mme Linklater : Oui.

Le président : L'autre se trouve au paragraphe suivant et représente essentiellement votre document sur les soins primaires, daté de mars 2005.

Mme Linklater : Très bien.

Le président : Je sais que vous nous enverrez peut-être d'autres documents, mais je présume que vous pouvez nous envoyer ces deux-là puisqu'ils sont déjà rédigés et datés. N'est-ce pas?

Mme Linklater : Oui. Ce sont les documents dont nous parlerons la semaine prochaine dans le cadre du comité directeur des hauts fonctionnaires. Il y a trois de ces rapports. Par contre, celui sur l'analyse budgétaire est prévu pour l'automne 2005, alors je ne suis pas sûre...

Le président : Non, je comprends, mais si vous pouviez nous envoyer les autres, ce serait bien.

Laissez-moi vous poser une question technique et une question d'ordre général. En ce qui concerne les services dans les réserves — je ne parle actuellement que des membres des Premières nations vivant dans des réserves. Ce sont les seuls services que le ministère fédéral de la Santé finance actuellement, n'est-ce pas? Il ne finance pas les services offerts aux membres des Premières nations vivant hors réserve; il finance uniquement les services offerts aux personnes vivant dans les réserves, n'est-ce pas?

Mme Linklater : Il peut offrir les services hors réserve si vous vivez dans une réserve et que vous allez à l'extérieur.

Le président : Pour obtenir le service?

Mme Linklater : Pour obtenir les services.

Le président : Bien.

Mme Linklater : Mais, si je vis au Manitoba, je peux également obtenir des services, comme mon optométriste, par exemple, qu'il paiera pour moi, alors ce genre de services est accessible même si je vis hors réserve.

Le président : Il rembourse certains services offerts hors réserve, un peu comme une société d'assurances, mais pour ce qu'on considère comme des services de santé traditionnels...

Mme Linklater : Oui.

Le président : ... vous avez dit qu'il paie les services dans la réserve?

Mme Linklater : Les services qui ne sont pas couverts. Les Services de santé du Manitoba couvrent également certains services.

Le sénateur Gill : Je suis d'accord avec vous sur ce point, mais puisque les personnes sont toujours liées à la réserve, on considère qu'elles vivent toujours dans la réserve. Parfois, elles vivent hors réserve de façon temporaire, mais on doit considérer qu'elles vivent dans une réserve?

Mme Linklater : C'est ça.

Le président : Qui paie pour ça?

Mme Linklater : Le ministère de la Santé du Manitoba.

Le président : Dans la réserve?

Mme Linklater : Hors réserve.

Le président : Dans la réserve, le gouvernement fédéral rembourse le médecin, n'est-ce pas?

Mme Linklater : Oui.

Le président : Ce qui veut dire que, en réalité, puisqu'il n'y a pas d'hôpitaux dans les réserves, les services offerts dans les réserves sont principalement des soins primaires, n'est-ce pas? Je veux dire ce qu'on considère comme des services de soins primaires?

Le Dr Mignone : Dans la plupart des cas, à l'exception de Norway House, qui possède un hôpital.

Le président : Mais, en tant que déclaration générale, il s'agit des services de soins primaires offerts dans la réserve, n'est-ce pas?

Le Dr Mignone : C'est exact.

Le président : Ces services sont-ils offerts par le gouvernement fédéral, qui passe un marché avec le conseil de bande, les chefs, certaines autorités des Premières nations? Le gouvernement fédéral passe-t-il un marché avec eux afin qu'ils offrent le service, ou est-ce qu'il offre directement le service?

Mme Linklater : Ça dépend du service. Parfois, le gouvernement fédéral envoie de l'argent à la province, alloue un certain montant par membre des Premières nations...

Le président : Bien.

Mme Linklater : ... en fonction de la population des Premières nations dans la région. Par conséquent, le gouvernement fédéral a conclu une entente sur la politique de transfert des responsabilités en matière de santé avec les provinces. Certains des services offerts aux Premières nations proviennent directement des ententes de contribution conclues avec la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits.

Le président : Quelle contribution?

Mme Linklater : Les ententes de contribution relatives aux services et programmes de santé.

Le président : Non, les ententes de contribution du conseil de bande ou...

Mme Linklater : Oui.

Le président : Très bien.

Mme Linklater : Selon le genre et la portée des services, la province conclura parfois une entente avec une Première nation en ce qui concerne des coûts particuliers relatifs à la santé, alors il y a de multiples ensembles de services de santé, ce qui peut porter à confusion.

Le président : Je veux essayer de préciser les choses. À la lumière de la description que vous avez fournie, est-ce que ce serait mieux pour les membres des Premières nations qui vivent dans les réserves si le fédéral confiait tout aux provinces en vertu d'un contrat, lesquelles remettraient ensuite le tout aux bandes en vertu d'un contrat? Essentiellement, le fédéral s'est retiré de cette entreprise en y rattachant, comme l'a souligné Javier, toutes sortes de conditions. Je veux dire, qu'est-ce que le fédéral fait d'utile?

Mme Linklater : Le fédéral ne fait que refiler tout ça, d'après ce que nous pouvons voir, aux provinces, lesquelles ne veulent pas assumer cette responsabilité si cela ne s'assortit pas d'un financement.

Le président : Je comprends ça : elles doivent obtenir du financement.

Mme Linklater : Toutefois, les Premières nations disent : « Si vous refilez le tout à quelqu'un d'autre, c'est à nous que vous devriez le refiler, car nous pouvons le faire, nous sommes responsables et nous avons la capacité de gérer nous-mêmes les services, les programmes et tout ce qui est offert dans nos communautés », et cela comprend la capacité de transférer des membres de nos communautés aux centres urbains.

Le président : Est-ce le cas dans tous les secteurs? Sans aucun doute, les conseils de bande n'ont pas tous la même capacité, en fait, de prendre...

Mme Linklater : Bien sûr, et on en a déjà convenu. Toutefois, il faut aussi envisager les choses de façon globale : nous devons établir des systèmes de soutien pour que nous puissions nous entendre à l'interne, entre nous, et arriver à un système de soutien global pour la prestation des services.

Le Dr Mignone : Les conseils tribaux sont un bon exemple.

Le président : Exactement.

Le Dr Mignone : De fait, il y a des communautés où on a déjà effectué un transfert des services de santé, et, de toute évidence, il y a un meilleur contrôle...

Le président : Lorsque vous dites « transfert des services de santé », vous voulez parlé d'un transfert du fédéral aux...

Le Dr Mignone : Aux communautés où à un conseil tribal, mais ça ne s'est pas encore fait pour les autres, ou bien on en est à mi-chemin; on est arrivé à différentes étapes à ce chapitre, selon le cas. Comme l'a dit Mme Linklater, il y a évidemment un grand nombre de petites communautés qui ne peuvent fournir à elles seules toute la gamme des services, mais elles peuvent se regrouper; d'ailleurs, les conseils tribaux sont un bon exemple de cela : ils peuvent prendre eux-mêmes le contrôle.

Le président : Allez-y.

Le sénateur Gill : Pourriez-vous nous expliquer la différence entre un conseil tribal et un conseil de bande, car je crois que certaines personnes...

Le président : J'utilise ces expressions de façon interchangeable.

Le sénateur Gill : Allez-y.

Mme Linklater : Il y a des nations, et cela comprend tous les membres de cette nation. Ensuite, nous avons des structures appelées conseils tribaux, concept trouvé essentiellement par les premiers bureaux régionaux des Affaires indiennes. Des conseils tribaux se sont parfois formés à partir de là. Nous avons sept conseils tribaux ici dans la région du Manitoba, mais nous avons neuf Premières nations indépendantes, qui ne font pas partie d'un conseil tribal.

Le sénateur Gill : Et vous avez quelque 60 bandes?

Mme Linklater : Soixante-trois bandes.

Le sénateur Gill : Souvent, les gens utilisent le terme « nation » pour une « bande », et vice-versa.

Le président : Le sénateur Gill comprend ça, puisqu'il habite dans une réserve située dans le nord du Québec.

Mme Linklater : Le conseil des Premières nations est l'organisme communautaire du gouvernement.

Le président : Permettez-moi d'utiliser le mot « conseil ». Javier a dit que le gouvernement fédéral avait refilé ou imparti — quelle que soit la façon dont vous voulez appeler cela — certaines choses aux conseils communautaires, et que, dans d'autres cas, il ne l'a pas fait. Qu'est-ce qui a fait une différence? Pourquoi certains conseils ont-ils le droit de dispenser des services, et que ce n'est pas le cas pour d'autres?

Le Dr Mignone : Je ne connais pas les détails. Madame Linklater, peut-être pourriez-vous...

Mme Linklater : Certaines des dispositions varient en fonction des services déjà offerts. Par exemple, la Première nation de Norway House possède un établissement hospitalier, qui abritait anciennement un hôpital indien, où on offre des services de santé régionaux, comme le faisaient par le passé les hôpitaux de zone. Il est encore là, et on aimerait continuer à offrir des services de santé améliorés dans cet hôpital, car on ne veut pas le perdre. On a conclu une entente à ce sujet.

Le président : D'accord.

Mme Linklater : D'autres communautés sont plus petites et se rendent donc, par exemple, à Thompson, ou dans le centre urbain le plus près, pour accéder aux services de santé, selon leurs besoins en la matière. Il y a également des postes de soins infirmiers régionaux ou communautaires, qui sont administrés par l'entremise de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits.

Le Dr Mignone : Il y a ici un processus historique. Nous pouvons fournir — en fait, les gens dans notre centre ont évalué les résultats du transfert des services de santé l'année dernière. Pour une raison ou pour une autre, je ne crois pas qu'ils nous ont permis de publier l'information.

Mme Linklater : Ça n'a pas encore été approuvé.

Le président : Par qui?

Le Dr Mignone : Je crois que c'est la DGSPNI qui doit le faire.

Mme Linklater : Il y a un organisme d'étude, un organisme d'étude national, qui comprend aussi les Premières nations.

Le président : Si vous pouviez me dire le titre de ce document, je pourrais essayer de mettre la main dessus.

Le Dr Mignone : Bien sûr. J'en ai une copie piratée.

Le président : C'est encore mieux. Ça me facilite les choses.

Le Dr Mignone : Il y a des raisons historiques, et des négociations sont en cours. Bref, plusieurs facteurs peuvent expliquer pourquoi certaines communautés ou certains conseils tribaux ont fait l'objet d'un transfert, alors que ça n'a pas été le cas pour d'autres.

Le président : Permettez-moi de vous expliquer ce qui me frustre, et puis je céderai la parole à mes collègues. Ce qui me frustre, c'est que nous avons ici une situation où, quelle que soit la façon dont on cherche à l'évaluer, les services qui sont fournis et qui sont financés directement par le gouvernement fédéral ne sont pas de très grande qualité, et, dans une large mesure, tout porte à croire — bien que ce soit du ouï-dire, je vous le concède — que cela empêche les gens de fournir des services de meilleure qualité. Je n'essaie pas de faire économiser de l'argent au gouvernement fédéral, loin de là : mon but, c'est d'essayer d'éliminer ce qui fait obstacle.

Je suppose que ma question, c'est — et je n'ai pas besoin qu'on me réponde aujourd'hui, mais j'aimerais que vous y réfléchissiez — : quel modèle permettrait d'atteindre les deux objectifs suivants, dont celui de transférer le plus possible tout en conservant une certaine part de responsabilité. Et je ne parle pas de la pratique stupide qui consiste à recueillir des renseignements que personne n'utilise, mais je cherche à savoir comment nous pourrions atteindre le juste équilibre dans ce domaine, même si cela veut dire que le gouvernement fédéral doive pour ainsi dire se départir de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits parce qu'elles ne sera devenue qu'un mécanisme de transfert financier? J'aimerais bien savoir à quoi ce modèle pourrait ressembler. Si vous avez des idées à ce sujet, j'aimerais les connaître.

Le Dr Mignone : Le modèle de transfert des services de santé est, à mon avis, un bon modèle justement parce qu'il permet aussi...

Le président : Pourquoi ne pourrions-nous pas le faire partout?

Le Dr Mignone : Je ne peux répondre à cette question. Comme je l'ai dit, vous pourriez peut-être lire ce rapport, qui pourrait vous éclairer un peu. Il offre une évaluation assez complète. J'ai participé aux visites dans certains cas; j'ai effectué des études de cas, mais je n'ai pas une vision globale de la situation; alors, je ne peux pas vous répondre.

Le président : Très bien.

Le Dr Mignone : C'est parce que le conseil tribal, par exemple, pourrait également impartir certains services aux provinces. C'est un moyen plus souple de procéder. Ce que nous avons vu dans le cadre de l'examen des services de santé mentale nous offre un bon exemple de cela. Les conseils tribaux fournissaient les services de santé mentale.

Le sénateur Keon : Vous avez couvert beaucoup de points, madame Linklater. Quoi qu'il en soit, nous avons un peu dévié de notre sujet en discutant de la santé des Autochtones, au lieu de nous attacher au domaine de la santé mentale des Autochtones et à leurs problèmes de toxicomanie et à leurs troubles mentaux. Essayons de ne pas nous éloigner de la question en jeu, dans les méandres de ce système extrêmement complexe, et discutons donc de la santé mentale des Autochtones, de leurs problèmes de toxicomanie et de leurs troubles mentaux.

Le reste du pays n'a pas à subir le fardeau de trois systèmes. Ils sont pris avec deux systèmes, mais vous devez composer avec trois systèmes. Il semble qu'une petite province comme l'Île-du-Prince-Édouard aurait tout avantage, pour s'en sortir dans cette situation, à recevoir un investissement important dans une combinaison de soins primaires et de soins communautaires, où les services de santé mentale seraient offerts à ce niveau, en plus des services sociaux, des services médicaux et des services de santé mentale adéquats. Bien sûr, on pourrait intégrer tout cela en un seul système, ce qui obligerait les patients qui habitent à l'Île-du-Prince-Édouard à se rendre à Halifax pour bénéficier, entre autres, de certains de ces services de pointe. Il y a ici un parallèle avec la situation à laquelle vous faites face.

Le sénateur Kirby et moi-même avons eu des discussions, ensemble et séparément, avec divers ministres provinciaux de la santé au sujet de ce que nous pourrions faire pour en arriver à un rapport qui nous aiderait à nous orienter plus facilement dans les méandres de ce système.

Il me semble que vous êtes bien en position, grâce à votre culture entre autres, d'établir et d'appliquer les systèmes communautaires dont vous avez besoin, qui formeraient une combinaison de soins primaires, de services sociaux et ainsi de suite, et, à partir de cette plate-forme ou de cette infrastructure, vous pourriez offrir de bons services communautaires de santé mentale, et vous pourriez même aller jusqu'au bout sur le plan stratégique et financier, par exemple pour aider les gens qui manquent d'argent. Dans ce cas, il faudrait que vous passiez à l'étape ou niveau 2 dans le secteur des soins lorsque vous devez transférer des patients qui souffrent de troubles mentaux dans un endroit du système provincial, car les systèmes sont tous provinciaux. De fait, lorsque vous passez au niveau 3, vous revenez essentiellement à un système national, même si ces systèmes sont contrôlés par les provinces, car il n'y a que quelques grands centres de pointe au pays.

La question qui se pose alors est la suivante : quel mécanisme, quel cadre structurel vous permettrait le mieux de concevoir ce système? Le sénateur Kirby vient tout juste de vous proposer une option, que vous avez écartée rapidement, soit celle de transférer les ressources aux provinces et de laisser ces dernières s'arranger avec vous. Essentiellement, vous avez dit : « Non, sur le plan culturel, nous ne pouvons pas fonctionner comme ça. Si l'argent doit être transféré à quelqu'un, que ce soit à nous, et nous établirons le système dont nous avons besoin », ce que je viens tout juste d'essayer de décrire, en m'inspirant de votre exposé, où vous avez dit : « Et nous financerons le tout comme nous l'entendrons, selon nos besoins. » Par conséquent, nous devons essayer de régler la question dans notre rapport.

Mme Linklater : J'ai également dit au début que nous étions ouverts, et l'avons d'ailleurs toujours été, à l'idée d'échanger ensemble et de coexister dans un climat axé sur la collaboration. Je n'ai pas rejeté ouvertement ni complètement l'idée d'établir des partenariats, car nous avons déjà montré que nous pouvons le faire.

Le sénateur Keon : J'ai très bien compris ça. J'essaie de simplifier les choses, mais, de toute évidence, vous ne pouvez pas survivre sans partenariats, ce que vous avez d'ailleurs précisé très clairement. Toutefois, de notre point de vue — permettez-moi d'aborder l'autre question que le Dr Mignone a soulevée ce matin dans le cadre de son exposé, soit celle de l'agrément, que je considère comme étant absolument essentiel. Le sénateur Kirby et moi-même n'avons pas encore discuté de cela, mais je crois bien qu'on en tiendra compte dans notre rapport et que nous en discuterons plus tard. Je crois que vous devez absolument avoir un mécanisme d'agrément à tous les échelons, même pour de petits établissements en périphérie, où il pourrait y avoir uniquement une infirmière, jusqu'aux cliniques communautaires plus grosses, où on aura des spécialistes des soins primaires, des infirmières, des médecins, des travailleurs sociaux, des psychologues, et ainsi de suite de façon que vous ayez une rétroaction continue au sujet de la conception et du fonctionnement de votre système.

Permettez-moi de m'en remettre à vous de nouveau, madame Linklater.

Mme Linklater : Je fonde également beaucoup d'espoir sur la réunion que le premier ministre doit tenir à l'automne.

Le sénateur Keon : Oui. Ça va vous prendre des années et des années —quelques années en tout cas pour mettre tout ce dont vous avez vraiment besoin en place, n'est-ce pas?

Mme Linklater : Oui.

Le sénateur Keon : Si vous pouviez élaborer clairement une vision à cet égard, vous y arriverez. Pourriez-vous maintenant prendre quelques minutes pour nous dire : si vous gouverniez le monde, qu'est-ce que vous envisageriez de faire et qu'est-ce que vous mettriez en place?

Mme Linklater : Dans le but d'établir un cadre structurel qui serait le mieux adapté au système élaboré dans le domaine de la santé mentale, des troubles mentaux et des toxicomanies, si j'étais le chef du Canada, je dirais que nous devons tenir compte tout d'abord de notre bassin de ressources communautaires, c'est-à-dire les gens. Si nous pouvons, essentiellement, essayer avant tout de trouver le moyen de renforcer la communauté d'une personne, alors cela nous aidera à résoudre le problème des gens qui se trouvent en établissement, que ce soit dans un établissement pénitentiaire au sein du système de justice ou dans des établissements de santé mentale. Certes, je sais que les gens doivent faire face à certains troubles physiologiques ou biologiques, que ce soit un problème de naissance ou qui s'est déclaré plus tard, et que certaines complications et certains troubles mentaux exigent des traitements en établissement. Toutefois, je crois que, lorsqu'on parle de santé mentale ou de troubles mentaux et de toxicomanie, nous faisons souvent abstraction — et c'est probablement en raison de la complexité de la question — du fait, entre autres, que les gens cherchent à prendre confiance en eux-mêmes face à leur appartenance culturelle, ce qui les amène à améliorer leur nature humaine ou à devenir des êtres humains qui ont une meilleure estime de soi et reconnaissent leur propre valeur, ainsi qu'à vouloir faire partie d'une communauté, à renforcer leurs liens familiaux, à se montrer responsables et à avoir droit aux mêmes services que reçoivent tous les autres.

Par conséquent, je dirais que c'est important d'examiner tout d'abord les fondements culturels et les relations, avant d'établir cette structure. Il faut que ce soit des services de santé communautaires, dans un contexte plus large, mais, comme vous le dites, lorsque nous abordons — je crois que si nous envisageons les choses globalement, nous aurons déjà accompli beaucoup simplement en tirant parti des forces de chaque membre d'une communauté, et nous verrons ainsi moins de gens ayant besoin de traitements et de services en établissement pour des problèmes de santé mentale et de toxicomanie complexes.

Le président : Sans aucun doute.

Mme Linklater : Et puis, je dirais que nous devons déterminer comment nous y prendre pour renforcer les services, comme vous l'avez mentionné, au deuxième niveau — je crois que c'est l'expression que vous avez employée — de même que les responsabilités au troisième niveau, sans compter que les établissements actuels doivent être améliorés de façon qu'ils tiennent compte des dimensions culturelles et qu'ils répondent aux besoins spéciaux des Premières nations en matière de guérison. Je parle ici de guérison sur le plan médical, psychologique et spirituel, bref d'un point de vue holistique. Je ne dis pas que nous devons établir de nouvelles structures, mais nous devons revoir de temps en temps les programmes et les services et déterminer dans quelle mesure la médecine ou la science s'applique aux services de traitement offerts. Par conséquent, lorsque je regarde, a priori, toute la gamme des services de prévention et d'éducation, je ne peux m'empêcher de me poser la question suivante : quel genre de service y aurait-il alors sur le plan des traitements?

Par exemple, il y a la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances, où mon mari œuvre auprès de toxicomanes et de joueurs compulsifs. Le jeu compulsif est une nouvelle dépendance pour les membres des Premières nations. Par conséquent, le mandat doit être large. Bien sûr, il y a aussi les problèmes de violence conjugale. C'est une maladie touchant les personnes qui maltraitent les Aînés, leur famille et leurs enfants. Je crois que l'aide doit venir de la communauté, et les gens doivent y puiser la force d'améliorer les choses. En outre, les établissements doivent changer à tous égards.

Le sénateur Keon : Mais le plus gros du travail doit se faire au niveau communautaire, n'est-ce pas?

Mme Linklater : Il doit se faire au niveau communautaire, dans la mesure où les gens doivent faire leur part, c'est-à-dire : accroître leurs forces dans ce domaine et renforcer leurs capacités; puis, les communautés doivent être en mesure d'apporter les changements requis lorsque des gens n'arrivent pas à retrouver la santé au premier niveau, soit au niveau communautaire, et qu'ils ont donc besoin de services aux niveaux 2, 3 ou 4, que ce soit en établissement de santé mentale ou en établissement pénitentiaire, ou autre.

Le sénateur Keon : Je trouve que vous avez été très claire. Je comprends ce que vous essayez de dire : vos propos sont très clairs. J'espère que nous pourrons exprimer le tout aussi clairement et que nous pourrons vous appuyer dans vos efforts, et j'espère que vous arriverez au bout de vos peines.

Autre chose intéressante relativement à cette situation : vous n'aspirez pas à gouverner le monde, mais vous aimeriez être le chef du Canada.

Le sénateur Gill : J'ai beaucoup aimé votre exposé, madame Linklater. Je crois que ça confirme beaucoup de choses. J'aurais aussi aimé obtenir vos commentaires au sujet des organismes, notamment. Parfois c'est quelque chose qui aide les gens, et parfois, il semble qu'ils deviennent encore plus malades, ou il y a autre chose. Quoi qu'il en soit, cela confirme vraiment ce que nous avons entendu hier de la part des chefs de l'Assemblée des chefs du Manitoba.

Voyez-vous, je pourrais reprendre, par exemple, votre premier point au bas de la page 10 où vous dites que les Premières nations doivent diriger le tout à chaque étape, en collaboration avec le gouvernement fédéral et ses ministères, de même qu'avec les établissements universitaires et autres. Il me semble que c'est la chose que les gens ont parfois le plus de difficulté à comprendre. Nous parlons de services de santé et d'autres choses du genre, tandis que vous parlez de structures politiques et de culture. C'est généralement très difficile, lorsqu'on fait ça, de se faire comprendre par le grand public, car les gens se demandent parfois pourquoi les Autochtones suivent cette voie. Demandent-ils des traitements spéciaux? Comme vous le savez, les traitements ou les services offerts à la population en général sont là; alors, pourquoi ne pourrions-nous pas offrir les mêmes services aux Autochtones à l'échelle du pays? C'est ce que les gens ont l'habitude de dire en essayant de rationaliser le tout. J'ai beaucoup entendu cela un peu partout, mais surtout à Ottawa. C'est l'endroit où on entend ce genre de choses, que ce soit des commentaires positifs ou négatifs.

Je sais que c'est très difficile de soutenir cet argument, car les gens ont de la difficulté à imaginer que, au début, le gouvernement avait pour objectif l'intégration, c'est-à-dire l'assimilation à l'époque, ce qui a été le cas pendant longtemps. J'ai vécu dans la réserve, alors je sais bien ce que c'est. Dans un contexte d'assimilation, on doit devenir pareil les uns aux autres, de sorte que les Autochtones devraient avoir droit aux mêmes services que les autres. C'est très difficile de faire comprendre cela aux gens. Je crois qu'on doit le répéter, même si nous l'entendons assez souvent un peu partout. C'est toujours difficile d'obtenir quelque chose.

En outre, lorsque vous avez dit que les Premières nations doivent diriger le tout à chaque étape du processus si c'est bel et bien à chaque étape, cela devrait commencer non seulement à l'échelle provinciale, mais aussi à l'échelle nationale. Je m'explique : l'Assemblée des Premières nations doit tôt ou tard traiter avec le ministère des Affaires indiennes, mais j'imagine qu'elle doit tôt ou tard traiter également avec le Parlement, ou directement avec le gouvernement, au lieu de passer par tout l'appareil des Affaires indiennes. Même à l'échelle régionale, au Manitoba ou ici même à Winnipeg, il y a un bureau régional par lequel on doit passer; on doit passer par l'organisme des services de santé. Ces gens traitent avec les fonctionnaires d'Ottawa, qui décident des politiques qui devraient s'appliquer partout au pays.

J'aimerais connaître vos commentaires à ce sujet. J'imagine que, pour être en mesure de contrôler votre propre système, vous aimeriez que le budget finisse par être administré directement par le Parlement, ou peut-être par le ministre responsable, mais pas par les fonctionnaires. Qu'en pensez-vous? Rappelez-vous qu'ils établissent les conditions.

Mme Linklater : Pour commencer, je dirai que nous sommes « administrés » depuis trop longtemps par un ministère fédéral; par conséquent, nous avons demandé qu'on amorce le dialogue afin de commencer à mettre en place un processus visant à établir des relations et afin de commencer à veiller à ce qu'on entretienne des relations directes avec l'État, de sorte que nous puissions commencer à avoir des institutions qui tiennent compte de ces relations, conformément au traité. C'est vraiment essentiel pour nous.

Avant de commencer à établir ce genre de relations, nous devons toutefois tenir compte, permettez-moi de le souligner, d'une lacune — sur le plan des relations du fait que, d'une part, les dispositions constitutionnelles établies par le Canada ont permis de créer un organisme administratif appelé les Affaires indiennes, et que, d'autre part, ses pouvoirs à ce chapitre sont maintenant délégués à un ministère fédéral, soit Santé Canada, ou plus précisément la DGSPNI, structure qui filtre l'argent. Cela s'est fait, notez bien, sans notre concours.

Nous demandons donc qu'on envisage d'établir une entité qui devrait avoir des relations directes, sinon avec le premier ministre, du moins avec le Conseil privé, ainsi qu'avec les principaux organismes de décision qui ont pris des dispositions financières directement avec les Premières nations, bref des relations directes entre les Premières nations et le gouvernement fédéral ou, si vous préférez, des relations de nation à nation. C'est quelque chose qu'on a peut-être déjà désigné comme — jetons un coup d'œil à ce que dit l'Accord de Charlottetown en ce qui a trait à un troisième ordre de gouvernement. Je ne dis pas que nous devrions rouvrir les discussions constitutionnelles, mais nous pourrions nous inspirer du processus dont on parle dans l'Accord de Charlottetown : mettons en place ce qu'on a appelé un troisième ordre de gouvernement, fondé sur des relations directes, de sorte que nous, les Premières nations, ne soyons pas obligés de passer par un processus décisionnel provincial ou fédéral. D'après ce que je peux voir, nous nous approchons de plus en plus de ce genre de dispositions. Si nous devons établir cela comme le veut cet accord — et j'en ai une copie dans mon porte-documents —, qui a été conclu entre le premier ministre et le bureau national en vue de dispositions stratégiques relatives à la prise de décisions, qui sont établies selon cet accord, on appellerait le tout un accord entre les Premières nations et le gouvernement fédéral. J'espère que l'on irait au-delà d'un simple exercice stratégique, mais nous envisagerons d'appliquer des politiques qui reflètent davantage de véritables relations.

Pour cela, il faut donc non seulement tenir compte des enjeux socio-économiques, mais aussi prendre des dispositions financières. Selon moi, ces dispositions financières doivent toucher directement les membres des Premières nations. Ces derniers ont encore à déterminer en quoi consistera l'entité par l'entremise d'un dialogue avec les gouvernements fédéral et provinciaux, ce qui devrait, je l'espère, se faire lorsque nous nous pencherons sur le nouvel accord qui est en place, car on a déjà conclu un accord avec d'autres organisations autochtones nationales, comme on les désigne, et comme elles sont reconnues par le Canada. Il y a le Ralliement national des Métis, l'Association des femmes autochtones du Canada et l'organisation inuite, de même que le Congrès des Peuples autochtones.

Nous avons également nos enjeux politiques en ce qui a trait à la représentation, mais j'espère que nous assisterons à une réduction de cette fameuse lacune qui existe au chapitre des relations constitutionnelles, que l'article 35 sera réellement appliqué, qu'on établira une structure ou des dispositions qui permettent, quelles qu'elles soient, d'appliquer l'article 35, et que cela nous amènera sur la scène à titre d'égaux, de sorte que les Premières nations se trouvent sur le même pied que les organismes fédéraux et provinciaux.

Le sénateur Gill : Le point que vous avez essayé d'expliquer est difficile à soutenir. Toutefois, supposons que nous y arrivions, que le ministère des Affaires indiennes proprement dit n'existe plus, et qu'on traite directement avec le Conseil privé, ou avec un ministre chargé par le gouvernement de traiter avec les membres des Premières nations. Supposons que vous arriviez à traiter avec ces gens. Puis, après cela, lorsque vous avez le contrôle, lorsque vous pouvez établir vos propres priorités et vos propres conditions et politiques, entre autres choses, une fois que vous avez cela, qu'est-ce qui arrivera des services que vous auriez aimé avoir, mais qui ne sont pas offerts dans les réserves et que vous ne pouvez pas fournir par l'entremise de vos propres gens parce que vous n'avez pas, entre autres, l'expertise ni la formation requises? Que feriez-vous alors?

Mme Linklater : Je dirais qu'il faudrait alors examiner les institutions actuelles qui offrent des services par l'entremise des administrations provinciales et fédérales, comme je les appellerai, et puis entreprendre d'offrir des services aux Premières nations par l'entremise de leurs propres administrations. Néanmoins, pourquoi ne pourrait-il pas y avoir des échanges mutuels et une réciprocité des services, des programmes, des modes de prestation et des activités stratégiques, qui pourraient se faire par le truchement d'un processus tripartite, de dispositions tripartites ou bilatérales, que cette action bilatérale se passe entre les provinces et le gouvernement fédéral ou entre les provinces et les Premières nations, ou bien entre le gouvernement fédéral et les membres des Premières nations? Il existe déjà un climat d'incertitude et des disputes juridiques, pour reprendre les mots du premier ministre. Essayons d'établir des dispositions qui favorisent la participation des Premières nations. Je crois que nous pourrions trouver le moyen d'établir des dispositions pour que les services des institutions actuelles soient maximisés de façon qu'ils permettent de soutenir les Premières nations, en plus de la population en général.

Le sénateur Johnson : Je crois que nous avons abordé beaucoup de points dont je voulais discuter avec vous. Je me demande : il y a 115 000 membres des Premières nations au Manitoba, et vous dites que 56 p. 100 sont dans les réserves. Est-ce que cela signifie que 44 p. 100 se trouvent en région urbaine et ne sont pas visés par un traité, ou bien sont-ils des Indiens visés par un traité qui habitent en région urbaine et dans les villes? Avez-vous des statistiques à cet égard?

Mme Linklater : Tout d'abord, l'exactitude des statistiques actuelles à ce chapitre est incertaine. Les sources sont soit le Registre des Indiens, Recensement Canada ou la DGSPNI elle-même, mais lorsqu'on parle d'une proportion de 56 p. 100 des membres des Premières nations qui vivent dans des réserves, on désigne ceux qui sont des Indiens inscrits et répertoriés dans le système du Registre, qui sont admissibles aux services de santé. Ceux qui ne vivent pas dans des réserves sont-ils répertoriés comme des Indiens inscrits en vertu du système fédéral?

Le sénateur Johnson : Voulez-vous dire que les services qu'ils reçoivent dans les réserves sont différents de ceux offerts dans les villes sur le plan de l'accès aux soins?

Mme Linklater : Oui. Tant qu'on ne part pas. Il y a ici un enjeu touchant le lieu de résidence, par exemple quelqu'un qui a dû passer trois mois à l'hôpital perd alors cet avantage et doit accéder aux services provinciaux. On peut faire face à d'autres complications, par exemple : si on doit s'en aller pour étudier ou pour autre chose et qu'on doive ensuite recevoir des soins palliatifs, on ne peut revenir dans sa communauté, car les services médicaux ne comprennent pas l'allocation de fonds pouvant permettre à la personne de retourner chez elle pour mourir avec dignité. On doit assumer ses propres coûts.

Le sénateur Johnson : Oui, c'est l'une des choses qu'on doit corriger, tout à fait. Cela me porte à vous demander : vous parlez d'un modèle de soins holistique, qui tienne compte des différences culturelles. Auriez-vous l'obligeance d'élaborer là-dessus, étant donné que nous pourrions le faire dans les deux milieux qui vous concernent, soit dans les réserves et à l'extérieur des réserves? Je crois que c'est une partie essentielle de l'ensemble du processus de guérison et du mécanisme de prestation des soins, mais je crois aussi qu'il faut vraiment l'organiser en fonction des deux populations.

Mme Linklater : Nous nous voyons comme une seule grande population, et les distances géographiques ne font pas de différence pour nous, mais nous savons que, sur le plan physique et géographique...

Le sénateur Johnson : Je parle de cela sur le plan non pas culturel, mais physique.

Mme Linklater : On peut appliquer de la même façon les programmes et les services en fonction de leur contexte ou de leur contenu, ou bien de leur fondement théorique ou de leur fondement pratique, de sorte que les traitements soient les mêmes qu'on habite dans les réserves ou non. Ça n'a pas d'importance : les mêmes principes, les mêmes objectifs et la même vision touchant la prévention, l'éducation et le traitement, quel que soit l'endroit où on habite.

On peut également appliquer cela aux programmes et services s'adressant à d'autres personnes que les Premières nations, dans la mesure où on accepte d'avoir ce genre de fondement holistique, spirituel, psychologique, corporel et culturel. Ce fondement physiologique, spirituel, émotionnel et mental doit être sensible aux différences culturelles et être pertinent pour vous, peu importe la façon dont vous estimez que la philosophie peut être utile pour vous à titre d'être humain, dans votre mode de vie. Ce serait pareil au cas de tous ces gens qui veulent voir d'autres cultures, comme la culture chinoise, la culture asiatique ou la culture hindoue, et qui trouvent leur voyage utile et bénéfique, bref ce serait vrai ici également.

Le sénateur Johnson : D'accord. Lorsque nous avons mené notre étude sur les jeunes Autochtones en milieu urbain au Sénat il y a deux ans, nous avions obtenu des statistiques révélant le nombre de jeunes appartenant à la culture des Premières nations, dont la moitié étaient âgés de moins de 25 ans. Est-ce encore vrai?

Mme Linklater : Oui, c'est vrai.

Le sénateur Johnson : Que faisons-nous afin de mobiliser de plus en plus ces jeunes? Lorsque nous rencontrons les conseils de jeunes et que nous discutons avec eux, nous constatons que certains jeunes sont très proactifs et qu'ils veulent participer à tout ça et faire plus. Toutefois, bon nombre des jeunes que nous avons rencontrés vivaient dans des centres urbains. Nous sommes allés également à l'extérieur des centres urbains, mais les porte-parole étaient des groupes formés au sein des centres urbains. Qu'en est-il des autres jeunes qui vivent dans les réserves?

Mme Linklater : Il y a un conseil de jeunes à l'échelle nationale, et un autre à l'échelle régionale. Il y en a aussi dans les communautés, qui représentent en quelque sorte les jeunes. Parmi les problèmes auxquels ils font face, mentionnons les difficultés d'accès au financement. Il n'y a pas vraiment de fonds alloués spécifiquement à des activités visant à mobiliser les jeunes à l'échelle communautaire, par exemple dans le cadre de stratégies de la prévention du suicide chez les jeunes.

Ici même, au Manitoba, nous avons des fonds offerts aux jeunes par l'entremise de l'Assemblée des Chefs du Manitoba, mais nous devons nous battre chaque année pour obtenir ce financement. Il arrive parfois que nous le recevions seulement en octobre. Notre propre budget, le budget principal de notre bureau couvre les salaires de notre personnel, de sorte qu'ils ne risquent pas, disons, d'être licenciés. Toutefois, nous devons constamment nous battre pour y arriver.

Le conseil de jeunes de notre région a établi des relations directes avec la communauté de Winnipeg, sans compter qu'il a d'autres liens avec des centres urbains et qu'il œuvre directement auprès des communautés. Il va vers les communautés, établit des relations solides avec les jeunes et offre des camps pour les jeunes — il est maintenant axé davantage sur la prévention du suicide chez les jeunes, car c'est un gros problème chez les jeunes. Ils veulent se mobiliser et faire partie de leur propre groupe de pairs, afin de faire part à d'autres de leurs expériences et de ne pas être — comment dirais-je — ils veulent avoir leur propre programme de groupe de pairs et obtenir un certain respect face à leurs systèmes de counselling et de soutien. Ils ont également des aînés qui travaillent auprès d'eux, ainsi que des enseignements culturels, sans compter que bon nombre d'entre eux ont une formation universitaire, de sorte qu'ils offrent une bonne combinaison d'éducation et d'enseignement.

Le sénateur Johnson : Sont-ils satisfaits de certains des programmes? Nous avons vu un grand nombre de programmes très positifs, par exemple, à Winnipeg, le Aboriginal Centre et la Thunderbird House. Je crois qu'il y a des choses très positives qui arrivent également, de sorte que nous devrions discuter du travail effectué globalement. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet, par exemple : existe-t-il d'autres programmes dont vous pourriez faire part au comité, qui sont vraiment très utiles dans l'ensemble du secteur de la santé mentale?

Mme Linklater : Nous avons également un groupe de femmes des Premières nations très actif dans notre région, ainsi que dans l'ensemble du pays. Les femmes participent également à des tribunes internationales où elles peuvent exprimer leur opinion dans le secteur de la santé, de la santé mentale, de la violence familiale, de la protection des enfants et également de notre citoyenneté. Conformément à la politique des Affaires indiennes, dans certaines communautés, comme les Premières nations de Brokenhead, des études ont révélé que, d'ici la prochaine ou les deux prochaines générations, il n'y aura plus d'Indiens inscrits dans ce groupe, et c'est la fin pour ce qui est de déterminer si ces gens sont reconnus comme des membres des Premières nations. C'est une autre question sur laquelle nous nous penchons.

Le sénateur Johnson : Entre autres choses, vous avez dit que, à l'avenir, vous aimeriez traiter avec le Conseil privé, plutôt qu'avec tout autre représentant du gouvernement. Est-ce que cela signifie que vous aimeriez voir le ministère des Affaires indiennes...

Mme Linklater : Disparaître?

Le sénateur Johnson : Oui.

Mme Linklater : Le processus d'autonomie gouvernementale met l'accent sur l'importance de rationaliser ou de déplacer si je peux appeler ça comme ça, le ministère des Affaires indiennes. Non seulement ce ministère, mais aussi tout autre ministère fédéral qui a des services ou programmes directs et spécifiques à l'intention des Premières nations. À titre de Premières nations, nous ne voulons pas être obligés de prendre ce qu'ils nous donnent surtout si cela est bancal; nous ne voulons pas hériter de quelque chose qui pose déjà problème. L'idée derrière l'autonomie gouvernementale est de s'assurer que le gouvernement a moins besoin d'assumer une responsabilité directe pour nous. C'est ce à quoi nous aspirons. La responsabilité fiduciaire n'est pas nécessairement éliminée, mais dans la mesure où les Premières nations détiennent leurs propres pouvoirs et autorités, alors les droits et obligations qui s'y rattachent...

Le sénateur Johnson : À votre avis, pourquoi l'initiative de Ault a-t-elle échoué?

Mme Linklater : Elle a échoué parce qu'elle n'a pas été lancée avec ou par les membres des Premières nations.

Le sénateur Johnson : N'y avez-vous rien vue de positif?

Mme Linklater : Je dirais que le rapport Nault n'était pas unique, puisque ce n'était pas à proprement parler de nouvelles idées : il s'inspirait de mesures que nous avions déjà entreprises dans le cadre de processus et discussions touchant l'autonomie gouvernementale en collaboration avec le gouvernement par le truchement d'accords constitutionnels comme ceux du lac Meech et de Charlottetown, par exemple. Ces instruments étaient déjà en place. On a dû simplement présenter cela comme une trousse que nous étions censés accepter, mais ce n'était pas acceptable que ça se fasse à Ottawa et qu'on veuille nous l'imposer. Le tout avait été accepté par certains groupes, organismes ou organisations à l'échelle du pays, mais c'est en raison de la façon dont on s'y est pris, on essayait de nous l'imposer.

Le sénateur Johnson : Vous ne dirigiez pas cela?

Mme Linklater : Nous ne dirigions pas cette démarche, et nous ne l'avons pas acceptée.

Le président : Avez-vous d'autres questions ou commentaires à formuler avant de terminer?

Le sénateur Pépin : Pour tout vous avouer, on a déjà répondu à ma question relative au système de soutien pour les jeunes. La seule autre chose, c'est tout ce qui a trait aux femmes et à la violence faite aux femmes, car je m'occupe pas mal de cette question, et je rencontre les représentants des femmes lorsqu'ils viennent à Ottawa. J'espère seulement que notre comité sera en mesure de présenter de bonnes recommandations, qui permettront de travailler en véritable partenariat avec la communauté autochtone.

Le sénateur Keon : Un commentaire bref : Dr Mignone, je n'ai pas eu le temps de vous poser des questions au sujet de votre proposition très importante en matière d'agrément. Je me demande si vous ne pourriez pas coucher vos idées sur papier, en quelques pages, et nous envoyer le tout? Ce serait très utile si vous pouviez faire ça.

Le président : Merci à vous deux de votre participation. Je sais que nous avons pris plus de temps que prévu, mais merci beaucoup. C'était vraiment formidable de vous avoir ici.

La séance est levée.


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