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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 16 - Témoignages du 1er juin 2005 - Séance de l'après-midi


WINNIPEG, le mercredi 1er juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 13 h 5 pour examiner la santé mentale et la maladie mentale.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, nous avons avec nous des représentants de l'Association canadienne de sécurité agricole. Lorsque j'ai vu le nom de votre association, je suis resté perplexe. Ensuite, j'ai regardé votre document sur le stress, et j'ai compris exactement pourquoi vous êtes ici. En fait, les histoires de stress que nous avons entendu raconter par des agriculteurs sont légion.

Nous avons également avec nous un groupe des programmes de soins en santé mentale de l'Office régional de la santé de Brandon. Nous avons entendu certains de vos collègues de la division de Winnipeg. Nous sommes ravis que vous soyez ici.

M. Albert Hajes, coordonnateur régional, Programmes de santé mentale, Programmes de soins en santé mentale de l'Office régional de la santé de Brandon : Bon après-midi, monsieur le président et honorables sénateurs. Nous représentons les programmes de soins en santé mentale de l'Office régional de la santé de Brandon, et nous voulons vous dire à quel point nous apprécions que le comité nous ait invités à parler de certaines de nos expériences.

Brandon est située dans l'ouest du Manitoba. Selon la structure des offices régionaux de la santé, notre office dispense des services à la Ville de Brandon et dans les régions immédiates. C'est également un centre d'orientation régional vers de nombreux programmes dans le sud-ouest du Manitoba, qui comprend cinq autres offices régionaux de la santé.

En ce qui concerne les services de santé mentale, la structure organisationnelle actuelle a remplacé les services qui étaient auparavant offerts par le Centre de santé mentale de Brandon, qui est exploité par le ministère de la Santé provincial.

Nous vous avons demandé de nous inviter à venir vous parler aujourd'hui parce que nous croyons avoir vécu des expériences en santé mentale qui vous intéresseront et qui pourront contribuer aux conclusions et résultats globaux de vos rapports finaux.

Nous aimerions aborder un certain nombre de thèmes. Pour chaque grand thème, nous avons inclus un certain nombre d'enjeux clés. Nous allons inclure les recommandations relativement à plusieurs secteurs prioritaires qui, selon nous, exigent une intervention immédiate, afin qu'on améliore les services et la situation des personnes aux prises avec des troubles mentaux et affectifs.

Nous avons vécu la réforme de la santé mentale, et nous avons vu ce que c'était de fermer un grand établissement de santé mentale. Le Centre de santé mentale de Brandon, dans l'ouest du Manitoba, était le principal fournisseur de services en santé mentale externes et internes, et il a servi la région de l'ouest du Manitoba pendant plus d'un siècle; aujourd'hui, il est fermé. On prévoyait transférer les services dans un modèle communautaire et commencer à les offrir au cours de la période de 1994-1999.

Cependant, on a commencé à préparer ces réformes au début des années 90, dans le cadre d'initiatives comme la réinstallation des patients âgés qui résidaient dans les établissements de soins de longue durée dans des foyers de soins personnels. De plus, pour éviter que les admissions en soins actifs ne deviennent des séjours de longue durée et n'entraînent une dépendance envers l'établissement, on renvoyait rapidement les bénéficiaires dans la collectivité, et on les aiguillait vers des travailleurs et des médecins en santé mentale dans la collectivité, afin qu'ils obtiennent un soutien continu.

Nous croyons que la fermeture s'est bien déroulée et que la transition des services du modèle institutionnel s'est bien déroulée pour la plupart de nos clients dans l'ouest du Manitoba.

On a commencé à préparer la fermeture plusieurs années avant le processus de mise en œuvre. On a appliqué des procédures cliniques pour empêcher la dépendance envers les établissements et les séjours de longue durée. À mesure que nous approchions de la réforme en santé mentale, et en prévision de son application, nous avons commencé à modifier certaines de nos procédures cliniques pour nous assurer de ne pas perpétuer le cycle de la dépendance envers les établissements.

Un point très important, c'est que, à cause de la fermeture du Centre de santé mentale de Brandon, nous avons dû amener les patients et le personnel à laisser de côté leurs croyances pour accepter le principe selon lequel les gens peuvent vivre avec une maladie mentale dans la collectivité et avoir une bonne qualité de vie, notamment en y participant davantage à titre de citoyens à part entière. Il a fallu rajuster le tir en abandonnant le modèle institutionnel traditionnel non seulement auprès du personnel et des patients, mais aussi de la collectivité en général.

Nous devions nous assurer que des services adéquats en soins actifs, en évaluation psychogériatrique et en intervention d'urgence, anciennement dispensés par l'entremise du Centre de santé mentale de Brandon, étaient maintenus et structurés au sein de la collectivité générale.

Les gens croient à tort que la fermeture d'un hôpital entraîne l'interruption des services. En fait, tous les services sont maintenus, mais ils sont réorientés dans la collectivité.

Parmi les principes clés qui allaient de pair avec la fermeture du Centre de santé mentale de Brandon, mentionnons l'accès à des logements normaux de bonne qualité et des activités professionnelles, sociales et récréatives, suivant un modèle d'intégration communautaire. Nous avons entrepris d'offrir des services professionnels et paraprofessionnels pour soutenir et maintenir un niveau de vie acceptable dans la collectivité. Nous avons travaillé à maintenir le soutien financier des programmes et des services afin d'assurer la viabilité du modèle communautaire. Nous espérons parler de ces principes aujourd'hui, même si nous sommes plus intéressés à parler de ce que nous faisons actuellement.

Cela nous amène au deuxième thème, qui est, en fait, la mise au point de services résidentiels et de soutien communautaire, services sans lesquels il aurait été impossible de rétablir les clients dans la collectivité.

Une transition de cette envergure n'aurait jamais été possible sans l'élaboration de solides services communautaires, au sein de la collectivité générale, et permettant de soutenir les clients. Avant d'appliquer la réforme en santé mentale et la transition des services, on a beaucoup travaillé pour renforcer la capacité de la structure de services et de la collectivité de soutenir les clients.

Les principes clés incluaient le recrutement et la formation de personnel paraprofessionnel de supervision afin d'avoir des rapports personnalisés et fréquents avec les clients et de les aider à vivre de façon indépendante. Nous avons travaillé à renforcer les compétences et les capacités des clients pour qu'ils puissent acquérir les habiletés nécessaires pour fonctionner avec une relative autonomie. Nous avons aidé nos clients à accéder aux ressources et à participer davantage à la collectivité. Nous avons établi l'éventail complet de services dont on a besoin pour aider les clients dans un milieu communautaire normal. Ces services incluent des programmes comme le Centre for Adult Psychiatry, le Centre for Geriatric Psychiatry, le Child and Adolescent Treatment Centre, et le Westman Crisis Service. Parmi les autres services, mentionnons le programme de santé mentale pour les adultes, le programme de réadaptation psychosociale, le programme de services de soutien en résidence et dans la collectivité, et le programme de services de santé mentale à l'intention des aînés. Tous ces programmes sont le prolongement de services qui étaient auparavant assurés par le Centre de santé mentale de Brandon.

De plus, il fallait établir de solides partenariats avec d'autres organismes de services sociaux et de services de santé, des services hospitaliers, des médecins ainsi que des corps policiers, des districts scolaires, des propriétaires fonciers, des autorités du logement, et d'autres personnes. Nous savions qu'il fallait assurer un accès au logement normal, car nous voulions éviter la formation de ghettos de santé mentale. Nous avons travaillé d'arrache-pied pour y arriver, et M. While parlera de ce que nous avons fait pour intégrer les modèles de logement et les services de soutien. Nous avons pu créer une situation de logements normaux et éviter le regroupement des bénéficiaires des services de santé mentale dans un endroit et la création d'un ghetto de santé mentale.

À mesure que nous avons avancé dans nos projets de réforme et la mise au point de services communautaires, nous nous sommes bien sûr butés a des problèmes imprévus, et nous avons dû nous adapter et faire preuve de créativité pour élaborer des modèles uniques de logements subventionnés et ainsi optimiser la vie des bénéficiaires.

Le troisième thème dont nous voulons parler aux honorables sénateurs a trait à notre expérience dans l'établissement d'un partenariat pour les services de santé mentale. Nous n'aurions jamais pu effectuer la transition si nous n'avions pas établi ces partenariats et si nous n'avions pas obtenu le soutien d'autres organismes de services de santé et de services sociaux, qui ont changé leur façon de penser et leurs croyances pour accepter le fait que les personnes qui souffrent d'une maladie mentale peuvent vivre à l'extérieur d'un établissement, dans un milieu communautaire normal.

L'adoption d'un modèle de guérison assorti de valeurs, de principes et de pratiques spécifiques pour la santé mentale, et l'éducation et la sensibilisation des services partenaires et du grand public à l'égard des principes de la guérison ont joué un rôle important dans notre réussite.

Nous avons travaillé pour accroître l'accès au logement, à l'éducation et à l'emploi normalisés. Nous avons travaillé avec les collectivités pour veiller à ce que nos clients participent à des activités sociales et de loisirs. Nous avons contribué à la création de services et d'activités axés sur le client et sur le soutien des pairs ainsi qu'à la mise en œuvre d'un modèle de services selon lequel on peut dispenser de solides services de soutien en santé mentale à d'autres fournisseurs de services advenant des difficultés.

Comme nous demandions à des partenaires communautaires de partager la responsabilité des services de santé mentale, nous devions également leur fournir des services de soutien. Certains organismes ont vécu une expérience unique lorsqu'ils ont dû traiter directement avec des clients en santé mentale qui étaient auparavant des clients du Centre de santé mentale de Brandon. Nous avons dû leur offrir de solides services de soutien et travailler en étroite collaboration avec eux lorsque les clients avaient des problèmes.

L'une des autres choses que nous avons dû faire, c'est nous assurer que, à mesure que nous passions d'un système de soins à un autre, qu'il était impossible que les patients puissent retourner facilement à l'ancien système de soins, de sorte qu'ils ne soient pas admis de nouveau pour un séjour de longue durée. Nous avons dû réduire considérablement les possibilités de retour aux soins en établissement de longue durée.

Le quatrième thème dont nous aimerions parler porte sur le dépistage et l'intervention précoces. À mesure que les services évoluent et sont maintenus dans un contexte de participation active de la collectivité, nous essayons d'accroître la capacité d'offrir des services de prévention, de dépistage et d'intervention précoces, ainsi que de réagir rapidement afin d'éviter que les bénéficiaires ne recommencent à dépendre d'un modèle de service en établissement et de voir ressurgir des déficiences graves et chroniques.

À cette fin, les principes clés constituent la création de postes de gestionnaires de cas qui travaillent de façon intensive à offrir des services personnalisés, fréquents et holistiques et à assurer un service d'intervention souple et accessible en répondant au téléphone et en se rendant sur place, en tout temps. Nous avons veillé à mettre davantage l'accent sur les services destinés aux enfants et aux adolescents afin de dépister plus tôt les troubles de santé mentale et affective et d'offrir des services plus rapidement pour empêcher les clients de s'engager dans une voie qui entraverait leur développement normal.

À la lumière des expériences que nous avons vécues en prestation de services de santé mentale à tous les secteurs de la collectivité et au chapitre de la transition et des méthodes grâce auxquelles on dispense des services, nous en sommes venus à comprendre que l'évolution des services n'est jamais terminée et que nous n'arriverons jamais à un point où nous pourrons permettre le plafonnement du développement.

Nous savons très bien, compte tenu des données de recherches courantes, que l'effet invalidant des troubles de santé mentale et affective est considérable et que le coût pour la société, sur le plan tant fonctionnel que financier, est énorme. Cependant, contrairement aux maladies cardiovasculaires, au cancer et au diabète, les troubles de santé mentale et de santé affective ne sont pas reconnus au même titre que les troubles médicaux physiques.

Il est impératif qu'une autorité nationale reconnaisse que les troubles de santé mentale et affective constituent de graves problèmes de santé exigeant une intervention immédiate. Cette autorité doit reconnaître que ces affections constituent, tout comme les affections médicales fondées sur une maladie, une source importante de déficiences fonctionnelles.

Nous recommandons l'adoption d'une stratégie nationale pour répondre aux besoins criants des personnes qui souffrent de troubles de santé mentale et affective. L'Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale, que le comité a déjà entendue, a proposé l'élaboration d'une telle stratégie, et a recommandé de sensibiliser le public, d'établir un cadre stratégique national, d'améliorer les recherches et d'élaborer un programme national de surveillance de la santé publique et de rapports à ce sujet.

Il est impératif de réserver une part importante du financement et du soutien aux ressources aux services destinés aux enfants et aux adolescents. Cette population est synonyme de prévention et de dépistage et d'intervention précoces. La jeunesse représente l'espoir et la possibilité que l'on réduise au minimum les invalidités de longue durée à l'âge adulte, et cela passe par notre engagement à dispenser des soins, dès maintenant.

Notre quatrième recommandation est la suivante : pour les gens qui sont aux prises avec des troubles de santé mentale et affective, on devrait s'employer à créer des services et des ressources de soutien pour renforcer les capacités de la collectivité d'accéder aux possibilités de logement, d'éducation et d'emploi et aux activités sociales et de loisirs, afin que les bénéficiaires puissent participer activement à la société et être des citoyens à part entière.

M. Marcel Hacault, directeur exécutif, Association canadienne de sécurité agricole : Je vais faire mon introduction en français, parce que je n'ai pas beaucoup l'occasion de m'exprimer dans cette langue.

[Français]

Je vous remercie pour la chance que vous m'accordez de vous faire une présentation, aujourd'hui. Malgré le manque de soleil, je veux juste vous dire que c'est une belle journée pour moi, parce que ma fille aînée va recevoir son diplôme universitaire, aujourd'hui. Alors, quand j'aurai fini de faire ma présentation, j'ai la chance de voir ma fille achever une étape de sa vie, puis j'ai aussi la chance de faire une présentation aux sénateurs, aujourd'hui.

Le sénateur Pépin : C'est une belle journée!

M. Hacault : Tel que déjà mentionné, je suis le directeur général de l'Association canadienne de sécurité agricole.

Notre mission, c'est d'oeuvrer à l'élimination des blessures et des maladies en milieu agricole. On regroupe des agences qui font ce travail.

On essaie de changer l'attitude des fermiers et des groupes qui font l'ingénierie, pour réduire les maladies. On travaille aussi avec les personnes impliquées dans le système de santé et de la santé mentale.

[Traduction]

Bon nombre de mes commentaires se fondent sur une enquête nationale que nous avons effectuée en janvier.

Mme Janet Smith, gestionnaire, Manitoba Farm and Rural Stress Line, Association canadienne de sécurité agricole : Bonjour, monsieur le président et membres du comité.

La Farm and Rural Stress Line a vu le jour en décembre 2000. Donc, nous sommes une organisation relativement nouvelle. L'Association canadienne pour la santé mentale et des bénévoles ont été les précurseurs de notre organisation, mais comme beaucoup de bonnes organisations, ils ont disparu parce qu'ils manquaient de financement. Un certain nombre d'organisations agricoles, rurales et vouées à la santé ont exercé des pressions politiques sur le gouvernement, et il a fini par rétablir la Farm and Rural Stress Line, ainsi que son plein financement, en décembre 2000.

Nous recevons du financement du ministère de la Santé du Manitoba, par l'entremise du service de santé mentale, la Direction générale de la santé mentale, et nous avons pour mandat d'offrir gratuitement des renseignements confidentiels, du counselling de soutien et des recommandations aux familles agricoles et rurales de l'ensemble du Manitoba.

Notre service de base est une ligne de soutien téléphonique. Des conseillers professionnels rémunérés, qui s'y connaissent en agriculture, répondent aux appels. Ma collègue, Kim Moffat, est conseillère et elle-même agricultrice. Plus tard, elle aura des histoires intéressantes à vous raconter.

Nous estimons que notre service est très important parce que les agriculteurs ont des besoins et des difficultés uniques auxquels des professionnels en santé mentale qui connaissent l'agriculture sont le plus en mesure de répondre. Nous faisons également partie d'un groupe de services en santé mentale dont notre collectivité a besoin. Nous offrons également une ligne d'aide par courrier électronique. Nous essayons de rejoindre les gens qui essaient de communiquer avec nous par divers moyens.

Nous aiguillons nos clients vers des travailleurs communautaires en santé mentale un peu partout dans la province. Albert Hajes a dit que des travailleurs communautaires en santé mentale participent au programme au même titre que les autres offices régionaux de la santé de la province. Notre action sociale est considérable. Actuellement, on nous a demandé de présenter des exposés sur un certain nombre de questions liées à la gestion du stress. L'un d'entre eux s'intitule : « Je ne suis pas fou; je ne peux juste pas payer mes factures. » Je crois que ça en dit long sur les besoins uniques des familles agricoles et rurales parce que le problème de l'insécurité économique et les différents ennuis que cela donne aux familles agricoles contribuent beaucoup au stress.

Mme Kim Moffat, conseillère, Manitoba Farm and Rural Stress Line, Association canadienne de sécurité agricole : Je suis conseillère pour le Manitoba Farm and Rural Stress Line. J'ai déjà travaillé en soins infirmiers psychiatriques, et j'ai fait mes premières armes au Centre de santé mentale de Brandon, dont M. Hajes a parlé plus tôt. Mon partenaire et moi exploitons une petite ferme agricole dans le sud-ouest de la province. Comme nous élevons des bovins, nous avons vraiment été touchés par la crise de l'ESB qui sévit actuellement. Je crois que j'ai vécu des expériences et que j'ai une connaissance de la vie d'agriculteur, et que c'est ça qui m'aide à établir un rapport avec bon nombre des personnes qui nous téléphonent.

Par le passé, j'ai travaillé avec des familles d'agriculteurs qui ont été touchées par la crise de l'ESB, et je les ai aidées à passer au travers des nombreuses difficultés qu'elles ont éprouvées.

Notre service est relativement nouveau. Depuis quatre ans, le nombre d'appels a augmenté, tant sur le plan du nombre que sur le plan du contenu, et ça ne fait aucun doute. Comme vous pouvez l'imaginer, le stress financier est le sujet numéro un. Cependant, l'effet domino de ce problème comprend des difficultés conjugales, des problèmes de relations interpersonnelles avec les enfants, et le recours à diverses échappatoires pour survivre à ces temps durs. Il est évident que beaucoup de gens qui nous téléphonent sont la proie de l'angoisse et de la dépression.

Comme la crise de l'ESB se poursuit, les appels se font de plus en plus nombreux. Les agriculteurs sont à court de solutions et n'ont plus personne vers qui se tourner pour qu'on les aide à régler certains des nombreux problèmes auxquels ils sont confrontés.

Nous avons parlé à des agriculteurs qui ont l'impression que le suicide est la seule solution à leurs problèmes. Les ennuis sont tous plus différents les uns que les autres.

Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour vous faire part des difficultés et des combats que les agriculteurs et les gens qui vivent en milieu rural continuent de vivre.

M. Hacault : J'ai présenté un exposé, mais je ne suis pas certain de la façon de procéder. La plupart de mes observations s'inspirent d'une enquête que nous avons commandée. C'est Western Opinion Research Inc. qui l'a effectuée.

J'ai présenté mes observations en faisant directement allusion aux problèmes et options et aux parties qui s'y trouvent. Par conséquent, lorsqu'il est question de la prestation des services et des moyens de soutien, nous avons vu que, selon les résultats de notre enquête, 65 p. 100 des agriculteurs préféreraient rencontrer quelqu'un en personne pour lui parler du stress. S'ils sont moyennement ou très stressés, ils privilégient beaucoup plus que les personnes qui sont peu stressées la communication par téléphone. Ces données s'apparentent à celles du Manitoba, de la Saskatchewan et de la Nouvelle-Écosse, qui ont des lignes d'aide pour les agriculteurs et les personnes qui vivent en milieu rural et souffrent du stress.

Dans la note de bas de page 4, nous faisons remarquer que les agriculteurs préfèrent accéder au service le soir. On ne parle pas de 9 h à 17 h; nous parlons surtout du soir.

L'une des principales raisons de notre existence, c'est que neuf agriculteurs sur dix estiment qu'il est important que le professionnel en santé mentale connaisse l'agriculture.

Nous indiquons que c'est ainsi parce que les travailleurs en santé mentale qui ne connaissent pas l'agriculture pourraient avoir de la difficulté à comprendre les problèmes que vivent les agriculteurs.

En ce qui concerne les groupes démographiques spécifiques, qui sont un autre enjeu de vos problèmes et options, nous avons l'impression qu'on met les agriculteurs dans le même bain que le reste des Canadiens. Donc, pour ce qui est des niveaux de stress actuels, à peu près un sur cinq est très stressé, et environ la moitié sont assez stressés. Dans la note de bas de page 7, j'ai fourni des données de Statistique Canada. Et selon la façon dont vous faites les définitions, nous tombons à peu près dans la même catégorie.

J'aimerais vous faire comprendre que nous avons des caractéristiques uniques. Nous avons des caractéristiques uniques, et des besoins qui sont différents de ceux du grand public lorsqu'il est question de santé mentale. Les principaux facteurs de stress sont probablement différents de ceux de la population en général. Les principales causes de stress dans la population en général sont : manque de temps, absence de sécurité d'emploi et mauvaises relations interpersonnelles. Ces données proviennent d'un rapport de Statistique Canada.

Lorsqu'on a interrogé les agriculteurs à ce sujet, et ça se trouve dans la note de bas de page 9, ils nous ont répondu que les facteurs de stress élevés et extrêmes étaient liés à la production et aux prix. Fait assez intéressant, ils ont mentionné les politiques gouvernementales et la pression qu'ils se mettent eux-mêmes sur les épaules pour maintenir la ferme familiale en vie, ce qui, selon moi, est quelque chose d'unique aux agriculteurs. Lorsque j'ai lu cela, j'ai été un peu étonnée, mais après avoir parlé avec des amis et des collègues qui ont repris la ferme familiale, j'ai compris qu'ils ont beaucoup de pression sur les épaules, et qu'ils veulent réussir à tout prix parce qu'ils ont reçu un héritage.

La Commission des accidents du travail collabore avec certaines associations agricoles provinciales et, je pense, l'UPA, au Québec, plus particulièrement, mais ce qui est malheureux, dans ce cas, et prenons l'exemple de l'UPA, c'est que les agriculteurs s'adressent à l'UPA pour obtenir de l'aide.

Le président : Pourriez-vous nous dire ce que l'acronyme UPA signifie?

M. Hacault : L'UPA, c'est l'Union des producteurs agricoles. Les agriculteurs s'adressent à l'UPA, lui disent qu'ils ont besoin d'outils pour gérer leur stress à la maison, et l'UPA a établi un partenariat avec la CSST, la Commission de la santé et de la sécurité du travail. La CSST veut bien aider l'UPA à financer des programmes de réduction des accidents de travail, mais elle refuse de reconnaître que le stress est un problème, et elle ne veut pas que son partenariat avec l'UPA permette de financer des programmes qui pourraient contribuer à réduire le stress.

Comme la Commission des accidents du travail ne veut pas reconnaître le lien entre le stress et les accidents du travail, elle ne finance pas d'activités liées à la réduction du stress.

Pour ce qui est de combattre la stigmatisation et la discrimination, sujet auquel je fais allusion dans la note de bas de page 10, les agriculteurs connaissent les ressources. On leur a demandé vers qui ils se tourneraient pour obtenir de l'aide s'ils étaient stressés. La première personne à qui on fait appel lorsqu'on est stressé semble être le médecin de famille, et ensuite, un professionnel en santé mentale, et, ensuite, un prêtre ou un personnage religieux.

Les agriculteurs sont fiers et indépendants. C'est cette raison qu'ont donnée 41 p. 100 des répondants pour expliquer pourquoi ils ne cherchent pas de l'aide pour régler leurs problèmes de stress et de santé mentale. La stigmatisation et l'embarras ont été moins souvent mentionnés que la fierté. Cette information figure dans la note de bas de page 12. Il est très important pour les agriculteurs de rester anonymes.

En ce qui concerne les ressources humaines, nous avons commandé un autre rapport pour donner suite à l'enquête. Nous avons tenté de déterminer quel type de services sont offerts aux agriculteurs. Tous les organismes canadiens de santé mentale semblaient savoir qu'il existait une ligne d'aide pour les agriculteurs et les personnes qui vivent en milieu rural qui souffrent de stress s'il y en avait une dans leur province, mais ils ont reconnu ne pas avoir les ressources nécessaires pour cibler les agriculteurs ou répondre à leurs besoins spécifiques.

Même si les associations comme la Société de schizophrénie et la Mood Disorders Association possèdent une mine de ressources, en général, elles ne sont pas accessibles aux agriculteurs. De plus, il est difficile pour un agriculteur qui fait partie de l'un de ces groupes de rester anonyme.

Les lignes d'aide destinées aux agriculteurs qui vivent du stress de la Saskatchewan et du Manitoba constituent les deux projets les plus établis. Ils reçoivent du financement de la province. Les fonds que leur verse la province leur permettent de se concentrer sur leur travail, qui est d'aider les agriculteurs, plutôt que de chercher du financement pour assurer la survie des lignes d'aide. On a vu toute la portée de ces lignes d'aide pendant la crise de l'ESB et l'épidémie de grippe aviaire qui ont sévi en Colombie-Britannique, car les responsables des lignes d'aide aux agriculteurs du Manitoba et de la Saskatchewan ont reçu des appels de producteurs et d'organisations des quatre coins du pays, qui avaient besoin de conseils ou qui voulaient obtenir de l'information sur la façon de mettre sur pied des lignes d'aide aux agriculteurs dans leur région.

Un autre sujet qui nous préoccupe, et là, je généralise, c'est qu'il semble y avoir plus de gens qui offrent des services de counselling en matière de stress, mais qu'il semble y avoir peu d'uniformité, et qu'à peu près n'importe qui peut accrocher une enseigne et annoncer qu'il peut offrir des services de gestion du stress. La qualité du service nous préoccupe.

Sur le plan de la recherche et de la technologie, en bref, nous travaillons avec deux centres à l'Association canadienne de sécurité agricole. L'un d'entre eux est le centre rural du Canada atlantique, et l'autre, le Centre canadien de Santé et sécurité en milieu agricole, dont le siège social se trouve en Saskatchewan. Ces deux centres sont financés par les Instituts de recherche en santé du Canada. Ils s'occupent principalement d'effectuer des recherches en milieu rural avec les IRSC.

Selon nous, ces deux centres constitueraient deux bonnes façons d'effectuer davantage de recherche sur le stress, la santé mentale et la sécurité au travail.

Je me suis renseigné sur la télésanté mentale parce que je ne savais pas ce que voulait dire cette expression. Au fil de mes recherches, je suis tombé sur un rapport de l'Alberta Heritage Foundation for Medical Research, intitulé State of the Science Reviews. On y présente les avantages socioéconomiques de la télésanté mentale.

Pendant que je lisais le rapport, j'ai remarqué que nulle part on ne semblait mentionner ce que j'appelle la « basse technologie », c'est-à-dire les lignes d'aide pour les agriculteurs et les personnes vivant en milieu rural, et qu'on ne semblait pas non plus vouloir parler de l'agriculture, des agriculteurs en tant que clients de ces services. J'imagine que cette omission m'a beaucoup plus sauté aux yeux que ce qui se trouve dans le rapport.

En ce qui concerne le rôle du gouvernement fédéral — ça ne figure pas dans vos notes de bas de page, mais au fil de mes travaux, je suis tombé sur un rapport de 1993 du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. J'en ai apporté des exemplaires, et vous y trouverez un certain nombre de recommandations qui pourraient vous être utiles.

Le président : C'est bien, parce que je ne savais même pas qu'il existait.

M. Hacault : Nous sommes favorables à l'élaboration d'un service provincial offert 24 heures sur 24, que j'appellerai « télésanté mentale », parce que, actuellement, nous mettons l'accent sur les lignes d'aide téléphonique, mais je pense que nous pourrions aller de l'avant en établissant des services de télésanté mentale conçus pour répondre aux besoins spécifiques et uniques des agriculteurs.

Comme je l'ai mentionné, il est frustrant de voir que, dans bon nombre des documents et des évaluations, l'agriculture brille par son absence.

Les lignes d'aide constituent souvent le premier point de contact vers l'accès aux services de santé mentale du Manitoba, et elles constituent un premier pas non menaçant vers le système de santé mentale. À ceux qui pourraient penser qu'il s'agit d'un dédoublement des services, je réponds que les lignes d'aide pour les agriculteurs et les personnes vivant en milieu rural qui sont aux prises avec le stress contribuent à éliminer les obstacles à l'accès à des services professionnels, que ces services soient offerts par les offices de la santé ou par des organismes communautaires.

Comme on le souligne dans l'enquête, le médecin de famille constitue souvent la première personne que consultent les agriculteurs lorsqu'ils vivent du stress. Nous devons mettre au point des outils pédagogiques à l'intention des médecins de famille afin de les aider à mieux comprendre les besoins des agriculteurs et des grands éleveurs et à y répondre. Ce lien doit s'établir. Si les agriculteurs vont consulter leur médecin pour des problèmes cardiaques et que leur médecin constate que leurs problèmes sont liés au stress, il doit savoir où trouver un expert en stress.

Je propose que nous faisions appel à des travailleurs en santé mentale qui connaissent l'agriculture et le milieu rural. Nous recommandons que les provinces offrant des lignes d'aide en matière de stress mettent leurs idées en commun afin que nous puissions miser sur l'information qu'elles ont recueillie.

Certains organismes canadiens de santé mentale ne semblent pas disposer de ressources en santé mentale formées tout spécialement pour répondre aux besoins des agriculteurs et des grands éleveurs. Je vous encourage à consulter la population, et, plus précisément, des agriculteurs et des groupes de producteurs. Je ne sais pas vraiment combien ont présenté des exposés à votre comité.

Les centres des IRSC pourraient mener en priorité des recherches visant à déterminer le lien entre le stress et la sécurité agricole. Ils ne pourraient déterminer le coût sur les plans humain et économique.

Étant donné que l'Agence de santé publique a élargi son mandat, nous recommandons que sa classification obligatoire par codes inclue des codes de cause externe de la morbidité et de la mortalité, des codes de lieu d'occurrence, ainsi que des codes de type d'activité. Cette information nous permettrait de déterminer la cause de l'accident et le lieu où il s'est produit. En contrepartie, elle aiderait les chercheurs à établir des liens entre la sécurité agricole et la santé mentale. Nous aimerions qu'on applique la CIM-10-CA pour toute personne qui entre à l'hôpital. La classification obligatoire pourrait nous amener à mieux comprendre les liens entre le stress et la santé au travail.

Bref, voilà notre exposé. Merci beaucoup d'être restés éveillés.

Le président : Quel est le point d'entrée dans votre système? Autrement dit, nous avons été intrigués par la construction d'un point d'entrée unique dans ce système à Winnipeg.

Avez-vous la même chose, ou avez-vous plusieurs points d'entrée, et, le cas échéant, quels sont-ils?

M. Hajes : Nous avons un système d'admission centralisé à notre service de Brandon, mais nous avons aussi plusieurs points d'entrée, selon l'identité du client et le service auquel il essaie d'accéder.

Notre service n'est pas simplement un local, de sorte que le client doit venir à nous, à nos employés qui s'occupent des admissions. Cependant, notre équipe qui dispense des services de santé mentale aux personnes âgées est une équipe itinérante. Elle part du bureau, va dans la collectivité et va voir les gens chez eux. De plus, elle dispense des services dans les régions rurales de l'ouest du Manitoba. Donc, elle se déplace dans d'autres collectivités et va voir les gens chez eux ou dans des foyers de soins personnels.

Le président : Mais au départ, comment fait-on pour faire mettre son nom sur cette liste?

M. Hajes : La personne doit obtenir une recommandation ou se recommander elle-même pour accéder à l'un de nos programmes.

Le président : Si elle se recommande elle-même, elle doit composer ce numéro centralisé, n'est-ce pas?

M. Hajes : Oui.

Le président : Si quelqu'un va consulter un médecin de famille et que le médecin lui dit : « Je crois que vous avez besoin d'aide », d'une aide quelconque, est-ce que le médecin doit ensuite téléphoner au numéro centralisé? Quelle est la marche à suivre? Comment est-ce que ça fonctionne?

M. Hajes : Ça peut se faire de n'importe quelle de ces façons. Si un médecin fait une recommandation, nous préférons qu'il nous envoie quelque chose par écrit en indiquant les affections médicales qu'il a pu cerner. Nous encourageons les gens à consulter un médecin lorsqu'ils font appel à notre service pour obtenir des soins en santé mentale et affective parce que, bien sûr, il peut y avoir des affections médicales concomitantes qui ressemblent beaucoup à des symptômes de santé mentale.

On peut accéder à nos services par n'importe quel de ces moyens. Le client peut simplement prendre le téléphone et composer le numéro centralisé, son appel sera acheminé à un conseiller à l'accueil désigné, qui est disponible en tout temps, et le processus commence par là; ou encore, le médecin peut téléphoner, le médecin peut écrire, un membre de la famille peut téléphoner, de n'importe quelle façon.

Le sénateur Pépin : Quel est le délai d'attente? Nous entendons dire que des patients attendent des semaines, et parfois des mois, pour obtenir un rendez-vous.

M. Hajes : En fait, nous sommes très chanceux. Il n'y a aucune attente. Nous intervenons presque immédiatement. Si vous voulez parler à un conseiller à l'accueil, vous pouvez vous présenter en personne, et vous pourriez devoir attendre quelques heures s'il est avec quelqu'un d'autre, mais les patients recommandés par un médecin qui travaille dans une clinique externe peuvent être servis le jour même.

De même, les programmes en milieu hospitalier ne s'appuient pas sur des listes d'attente. Parfois, il y en a, lorsqu'il n'y a plus de lit, mais nous avons pu nous arranger avec l'hôpital général de Brandon pour qu'il assure un lit de médecine à un client pendant une journée ou deux, jusqu'à ce qu'une place se libère dans l'unité psychiatrique.

Le président : Comment réussissez-vous à offrir ce genre de services? Sérieusement, le sénateur Pépin a raison, parce qu'on entend toujours dire que des gens souffrant de maladies liées au stress doivent attendre jusqu'à trois mois pour recevoir des traitements.

M. Hajes : Non, non, nous n'avons pas ce problème dans l'ouest du Manitoba. Je crois que tout ça est vraiment attribuable à la planification de la réforme de la santé mentale.

J'ai longtemps dit que nous sommes très chanceux de pouvoir toujours compter sur l'immense appui de notre exécutif et de notre conseil d'administration. Nous avons reçu une part considérable du budget global affecté à la santé mentale, et cette allocation est meilleure que celle de tous les autres ORS du Manitoba. De plus, il ne fait aucun doute que nous avons bénéficié de notre expérience dans la fermeture du Centre de santé mentale de Brandon, ce qui nous a donné une bonne idée des besoins de la collectivité et nous a permis de structurer des programmes visant des groupes spécifiques, comme le Centre for Geriatric Psychiatry. Habituellement, nous admettons le jour même une personne âgée qui souffre de démence, selon les arrangements nécessaires.

Le sénateur Pépin : Avez-vous suffisamment de médecins?

M. Hajes : Non, je ne dirais pas que nous avons suffisamment de médecins. Nous avons suffisamment de lits et suffisamment d'installations, et suffisamment de programmes pour répondre aux besoins qui se présentent.

Le président : Vous avez suffisamment d'employés, mais il ne s'agit pas nécessairement de médecins.

M. Hajes : Nous avons un vaste effectif générique de travailleurs en santé mentale communautaire qui ont des titres de compétence en soins infirmiers psychiatriques, en psychologie et en travail social. Le Centre de santé mentale de Brandon employait un effectif semblable qui ne comprenait pas beaucoup de psychiatres et de médecins.

En fait, pour vous dire la vérité, nous avons eu des années de vaches maigres. À un moment donné, un psychiatre de Winnipeg venait passer deux ou trois jours par semaine pour signer les documents, et nous avions quelques médecins qui avaient une certaine expérience en santé mentale. Cela a amené les employés qui ne sont pas des professionnels de la santé à apprendre à répondre aux besoins. Les compétences de notre effectif sont bien meilleures, je crois, que ce que vous verriez dans la plupart des autres régions de santé mentale.

Je vous le répète : je crois fermement que nous avons toujours bénéficié d'un très bon appui de notre exécutif et de nos conseils d'administration. Ils ont reconnu, sur le plan financier et fonctionnel, l'importance de la santé mentale dans le spectre des problèmes de santé. Grâce à leur soutien, nous avons pu très bien planifier nos services, et, jusqu'ici, ça a plutôt bien fonctionné.

Nous nous sommes butés à quelques difficultés imprévues associées à la fermeture du CSMB. Nous ne nous en sommes pas encore sortis. Je ne veux pas que vous croyiez que nous n'avons pas besoin de plus de financement.

Le sénateur Pépin : Non, non, je le sais.

M. Hajes : Nous ne voulons pas ajouter de lits, mais ce qui est certain, c'est que nous avons besoin d'autres services pour nous assurer un meilleur roulement.

Le sénateur Pépin : Je viens de Montréal; il y a de nombreuses années, nous avons fermé le centre de santé mentale de Saint-Jean-de-Dieu. J'ai comme l'impression que bon nombre des gens qui devraient se trouver dans cet établissement vivent maintenant dans la rue, sont en prison, ou ailleurs. La fermeture de cet établissement a eu un impact négatif sur les gens de Montréal.

Je soupçonne que, avant la fermeture de Saint-Jean-de-Dieu, on n'élaborait pas beaucoup de plans comme ceux que vous avez établis pour la fermeture à Brandon.

M. Hajes : J'aimerais que M. White parle de la planification des services communautaires.

Comme je l'ai dit dans mon introduction, nous avons vraiment eu la possibilité de planifier et de prévoir le point où commencerait la réforme de la santé mentale. C'était non pas une initiative axée sur la gouvernance, mais bien un changement de la pratique clinique dans l'industrie.

Dans le cadre de notre pratique clinique normalisée, nous avons commencé à reconnaître que les gens ne devraient pas rester longtemps dans un établissement, et, par conséquent, nos méthodes cliniques ont commencé à charger au cours des années 80, et nous avons commencé à renvoyer plus tôt les gens chez eux. Au milieu des années 70, quelqu'un d'extrêmement prévoyant a établi un programme de santé communautaire selon lequel les infirmières et infirmiers en soins psychiatriques du Centre de santé mentale de Brandon ont été déplacés dans les collectivités rurales, où ils vivaient, et ils sont devenus partie intégrante de la collectivité. Mme Smith a signalé à quel point il est important de comprendre la vie d'une famille d'agriculteurs. Eh bien, vous savez, ce programme de santé mentale communautaire existe dans le sud-ouest du Manitoba depuis le milieu des années 70. Ce n'est pas difficile pour nous de faire admettre quelqu'un en soins actifs, de le stabiliser et de le traiter et ensuite de le renvoyer chez lui et de faire assurer un suivi par un médecin et un travailleur en santé mentale communautaire. Ce programme est en place.

En ce qui a trait à la fermeture d'établissements et à l'itinérance, comme, dans bien des cas, des établissements psychiatriques ont fermé leurs portes au cours des dix ou quinze dernières années, une bonne partie de la population sont des personnes âgées. Nous avons pu conjuguer nos efforts pour renvoyer les personnes âgées dans leur collectivité d'origine, dans des milieux normalisés. Bon nombre d'entre elles sont retournées dans des foyers de soins personnels. Au début, les responsables des foyers de soins personnels avaient énormément peur et étaient très réticents.

Le président : Des maisons de soins infirmiers?

M. Hajes : Oui, on a beaucoup entendu parler de chaos et de comportements agressifs, et de réactions fondées sur des mythes et des idées fausses sur la santé mentale. Nous avons beaucoup travaillé avec les foyers de soins personnels et leurs employés, et, petit à petit, nous avons commencé à retirer les personnes âgées qui séjournaient depuis longtemps au CSMB pour les renvoyer dans leur collectivité d'origine, où elles n'étaient peut-être pas allées depuis 20 ou 30 ans, mais où elles avaient encore de la famille.

Nous avons pu créer des incitatifs pour bon nombre de foyers de soins personnels, sous réserve qu'ils prennent x nombre de bénéficiaires. Nous leur avons également promis du personnel du CSMB, parce qu'il fermait ses portes, et certains employés ont pu garder leur poste et aller dans une autre collectivité. Les collectivités ont également bénéficié de la réinstallation de personnel expérimenté dans les foyers de soins personnels. Le programme d'incitatifs a plutôt bien fonctionné pour les deux parties.

Notre planification nous a permis de prévoir le problème de l'itinérance. L'itinérance est un problème à Brandon et dans la collectivité, mais ce n'est rien à côté de ce qu'on voit dans les grandes villes. Je pense que cela est sûrement attribuable en partie à la taille de Brandon et de la région avoisinante, ce qui fait que les activités du programme de santé mentale sont plutôt bonnes. Brandon et la région qui l'entoure ont tous les avantages d'une ville et sont suffisamment petites pour qu'on puisse reconnaître à quel moment la population ne va pas bien. Nous pouvons reconnaître les gens qui ont besoin d'aide, et nous avons les établissements nécessaires pour les aider à prendre du mieux.

Les personnes qui ont tendance à nous poser problème au chapitre de l'itinérance et de choses comme le comportement criminel sont des gens que nous avons beaucoup de mal à faire participer à notre service. Il y a bien sûr ceux qui ne veulent rien savoir de nous, et qui, malgré nos meilleurs efforts, refusent toujours nos services. Ces personnes finiront par être des sans-abri ou, d'une façon ou d'une autre, par avoir des ennuis dans la collectivité.

M. Brent White, gestionnaire de programme, Services résidentiels et de soutien, programmes de soins en santé mentale de l'Office régional de la santé de Brandon : Les liens avec les gens ne se nouent pas sans difficulté. L'une des choses qui sont ressorties de notre fermeture et du déménagement des services, plus précisément pour ce qui est des gens qui souffrent de problèmes de santé mentale graves et persistants, a trait au logement. Nous croyons que la recette du succès, pour obtenir de meilleurs résultats, c'est de relier la prestation de services et de mécanismes de soutien communautaires à un logement abordable et adéquat. Et je suis certain que, dans les autres exposés qui vous ont été présentés un peu partout au Canada, vous avez entendu des histoires semblables.

Nous avons lancé un programme d'intervention communautaire, encore une fois en relation avec nos problèmes de logement et l'établissement de partenariats avec d'autres organisations et organismes. Nous avons élaboré un modèle de logement intégré, qui regroupe des partenaires comme le ministère du Logement du Manitoba et des partenaires non traditionnels, comme des bailleurs de fonds privés et publics. Nous travaillons directement avec les propriétaires fonciers dans le cadre de très bonnes initiatives de partenariat fédéral-provincial, et nous travaillons à établir des projets de logement abordable. Cette relation contribue à la reconstruction de logements abordables et adéquats. Nous avons pu faire valoir le fait que les personnes aux prises avec une maladie grave et persistante doivent accéder à ces nouvelles résidences.

Le problème, avec le logement, c'est qu'il ne s'agit pas seulement de construction; il faut aussi offrir aux gens des services de soutien pour qu'ils puissent participer concrètement à la collectivité. Pour aménager des logements appropriés, ça prend des professionnels et des paraprofessionnels.

À Brandon, nous avons élaboré quelque chose que nous appelons un « service de surveillance », qui ressemble aux services des soins à domicile, si vous voulez, pour les bénéficiaires en santé mentale. Des gens offrent des services de soutien aux personnes pour qu'elles réalisent leurs objectifs à long terme. Le bénéficiaire est habilité, car il travaille à atteindre ses buts, qui peuvent avoir trait à sa vie, aux études, à une profession ou à sa vie en société.

De plus, nous avons accordé beaucoup d'attention à l'exécution de programmes sociaux de soutien à l'intention des gens. L'un de nos fidèles partenaires, par exemple, est une église du centre-ville. L'église a ouvert ses portes aux gens afin qu'ils participent pleinement, quel que soit ce qu'ils ont à offrir. Ce type de partenariat est très utile. Ce n'est pas une pratique de bureau au chapitre de la santé mentale communautaire; ce n'est pas un travail de 9 h à 5 h. Ça permet de suivre les gens qui ont besoin d'aide et de nouer des liens avec eux. Nous sommes certains que, grâce à la prestation de mesures de soutien et au logement adéquat, nous obtiendrons de meilleurs résultats à long terme.

Le président : Lorsque vous parlez de votre collectivité, parlez-vous exclusivement de Brandon? Vous servez une région très vaste. Est-ce que j'ai raison si je dis que, surtout lorsque vous parlez des autres services, le programme de logement supervisé est en réalité offert à Brandon? Si une personne vivant dans une collectivité rurale a un problème, est-ce qu'elle doit venir à Brandon pour avoir de l'aide?

M. White : C'est en partie exact. L'une des réalités de la vie rurale est le dépeuplement, et, pendant longtemps, beaucoup de gens ont dû déménager dans les grands centres pour accéder aux services. Dans la région servie par l'Office régional de la santé d'Assiniboine, on peut de la même façon accéder à des services de surveillance en santé mentale à plus petite échelle. Cependant, la réalité du logement supervisé, c'est que c'est aujourd'hui en quelque sorte un modèle dans la région de Brandon. Nous avons également collaboré avec l'Office régional de la santé d'Assiniboine dans le cadre de ce modèle, mais la réalité, c'est que bien des gens finissent par déménager à Brandon pour accéder à des services de soutien.

Le sénateur Pépin : Nous parlons des personnes âgées, mais qu'en est-il des services offerts aux jeunes dans cette région? Offrez-vous le même genre de services, et, le cas échéant, est-ce que l'accessibilité est la même?

Mme Elaine Morris, travailleuse spécialisée en santé mentale, Projet de suivi sur la médication des enfants, Programme de santé mentale de Brandon et de la division scolaire de Brandon, Programmes de soins en santé mentale de l'Office régional de la santé de Brandon : Le Child and Adolescent Treatment Centre, soit le centre de traitement des enfants et des adolescents, est un établissement de Brandon pour les jeunes enfants. On y trouve un service de consultation externe et un service de consultation interne, ainsi qu'un centre de traitement de jour, où les enfants et les adolescents peuvent suivre des thérapies individuelles et de groupe. Nous avons également un programme scolaire. À l'instar des autres services, nous avons deux préposés à l'accueil. Il s'agit d'une unité d'hospitalisation pouvant accueillir dix patients. Les gens peuvent venir nous voir ou nous téléphoner, ou un médecin, un parent ou l'école peut nous les recommander. Ils peuvent venir voir un préposé à l'accueil, qui détermine s'ils devraient subir une évaluation psychiatrique, consulter un psychologue, ou l'un des travailleurs en santé mentale communautaire.

Certains employés des services de consultation externes vont directement dans les écoles pour rencontrer les enfants parce qu'il y a encore des stigmates associés aux problèmes de santé mentale et que certains enfants n'aiment pas venir au centre. Ils sont perçus comme de mauvais enfants et non comme des enfants qui ont juste quelques problèmes.

L'unité d'hospitalisation est une unité de dix lits. Je n'ai pas pris connaissance des listes d'attente, mais je sais qu'elles ne sont pas longues. Comme pour les adultes, si les enfants peuvent être hospitalisés en pédiatrie à l'hôpital régional de Brandon, on les garde pendant une journée ou plus, au besoin, jusqu'à ce qu'on puisse s'arranger autrement.

Ça ne fait aucun doute : les bénéficiaires sont de plus en plus jeunes. Lorsque j'ai commencé à travailler en santé mentale des enfants, nous n'aurions jamais admis un enfant de moins de 13 ans, et, aujourd'hui, on admet des jeunes de 7 ou de 8 ans pour de graves problèmes affectifs.

Le sénateur Pépin : Je crois que c'est très rassurant de savoir qu'ils peuvent aller dans un tel établissement.

M. Hajes : Je voudrais juste ajouter quelque chose, si vous le permettez. L'une des initiatives clés concerne le passage de l'adolescence à l'âge adulte. C'est une période qui nous donne du fil à retordre, parce que, après 18 ans, ces enfants semblent disparaître. Nous avons mis au point une pratique selon laquelle, à l'âge de 16 ans, nous commençons à regrouper les services pour adultes et les services pour enfants afin de prévoir le point de transition et de planifier les services dont ils vont avoir besoin lorsqu'ils auront 18 ans. Pendant cette transition, il faut offrir des programmes de santé mentale, et souvent des services à l'enfance et à la famille, lorsque certains de ces enfants vivent dans des foyers de groupe. Nous essayons de déterminer leurs besoins et de les amener à se préparer à recevoir des services pour adultes. Nous avons une équipe de développement qui essaie de faire en sorte que la transition se fasse plus en douceur.

Le sénateur Keon : Laissez-moi vous dire à quel point je suis heureux de vous l'entendre dire. Il y a longtemps que je veux entendre parler de cet établissement. Vous faites l'objet d'une grande publicité à l'externe — non, je veux dire dans le public — et vous le méritez, mais tout le monde le sait : c'est un établissement très, très unique.

Je vais en profiter pour dire quelque chose que je n'ai jamais dit au sujet du passage de l'enfance à l'âge adulte, parce que ça revient toujours et que c'est un terrible problème. Comme notre président l'a signalé, il y a des enfants en Ontario qu'on perd pendant deux ans parce qu'il y a un écart de deux ans entre le moment où ils sont des enfants et celui où ils deviennent des adultes.

Honnêtement, dans ma vie antérieure, j'ai composé avec ça, et ce n'était pas du tout un problème. Lorsque l'enfant avait 18 ans, les dossiers de l'Hôpital pour enfants d'Ottawa étaient transmis à l'Institut de cardiologie, à la clinique des maladies congénitales des adultes, et c'était aussi simple que ça, le prochain rendez-vous était fixé automatiquement. Je ne sais pas pourquoi les autres systèmes ne fonctionnent pas de cette façon. Pour ce que ça donne, ça n'a jamais semblé compliqué dans notre vie ni dans ma vie antérieure.

Permettez-moi de revenir maintenant au programme de Brandon, tout d'abord. M. Hajes a parlé de l'équilibre délicat qui découle du fait d'offrir un soutien communautaire, dans la mesure où les gens peuvent former leur propre petit club afin de s'entraider et de se fortifier les uns les autres. Il a mentionné que le soutien communautaire permet à ces gens de recevoir la compréhension qu'ils ne peuvent obtenir du reste de la société.

Par contre, il ne faut pas qu'ils soient trop bien installés ni qu'ils forment des « ghettos », comme vous l'avez précisé. Pour vous dire bien franchement, je crois que vous êtes les seules personnes au pays avec ce problème, car personne d'autre n'a su assez bien s'organiser pour apporter à ces gens un milieu douillet.

Vous avez mentionné certaines choses au sujet de l'importance d'avoir la bonne répartition de logements et de s'assurer, entre autres, qu'ils ne servent pas tous les mêmes besoins. Peut-être pourriez-vous élaborer un peu, car je crois que nous devrions appliquer votre modèle à l'échelle du pays.

M. White : Je trouve intéressant que vous fassiez ce commentaire. Dans le cadre des activités de planification de la réforme de la santé mentale, nous avons discuté de la question de savoir si nous devons intégrer ou séparer les débouchés communautaires. Je crois que, comme tout bon Canadien, nous sommes arrivés à la conclusion qu'il faudrait faire les deux. Nous avons donc élaboré une gamme de services offrant des expériences complètement intégrées, de même que des débouchés s'adressant aux personnes rattachées à un club.

Sur le plan historique, je crois que Brandon est le premier endroit organisé d'après le modèle des clubs. Nous avons la coopérative Brandon Community Welcome, fondée sur le modèle de la Fountain House, établie à New York, qui a déterminé entre autres que les consommateurs eux-mêmes doivent prendre la situation en main pour acquérir de l'autonomie et répondre à leurs besoins en logements, en rapports sociaux et sans aucun doute en emploi. Même avant la fermeture du Centre de santé mentale de Brandon, il y avait un club tout à fait fonctionnel dans cette ville.

En plus de tout ça, nous avons essayé de travailler en collaboration avec nos partenaires communautaires afin d'offrir une vaste gamme de services. Nos partenaires communautaires sont l'Association canadienne pour la santé mentale et des groupes confessionnels. Nous rencontrons des gens intéressés par différentes choses, comme la pêche, la menuiserie et la musique. La musique est un excellent exemple. Nous avons un groupe de musique des gens de la rue, si nous pouvons l'appeler comme ça.

Ce qui est important ici, c'est que ce sont les mêmes choses que nous envisageons dans notre propre vie comme mesures de qualité de vie. Nous devons faire attention aux autres mesures comme celles fondées sur le fait qu'une personne travaille ou non, car nous risquons sinon de manquer de très bonnes occasions d'amener les gens à entreprendre un processus qui devrait les aider à obtenir de meilleurs résultats à long terme.

Mme Smith : Je tiens seulement à vous faire part d'un exemple, qui me vient d'une vie antérieure. J'ai été surveillante dans le cadre du programme de M. White. Nous habitons à Brandon. Selon la vision du système de santé mentale de Brandon et son système de croyances, les gens atteints d'une maladie mentale sont avant tout des gens.

J'ai été surveillante, mais je n'ai pas d'expérience dans le domaine des soins de santé mentale. Je ne suis pas une travailleuse en santé mentale. Toutefois, j'ai des liens avec la collectivité. En ma qualité de surveillante, j'ai travaillé auprès de trois hommes qui souffraient de schizophrénie, et, grâce à mes liens avec la collectivité, j'ai peu les aiguiller vers d'autres services communautaires.

Ce n'est pas sorcier : il s'agit de nouer des liens. Ça peut être aussi simple que de prendre le temps d'aller magasiner ou voir un film avec ces gens; autrement, ils peuvent rester très isolés. Nous devons établir des liens avec eux en dehors de leur programme de jour. J'en ai invité à se joindre à ma famille pour le souper, et je participe avec eux à un projet de jardin communautaire.

Donc, ce n'est pas sorcier. À mon avis, il s'agit simplement de nouer des liens. Je ne sais pas si c'est propre à Brandon ou non, mais je sais que ça marche.

Le sénateur Keon : C'est très intéressant, en effet, que votre collectivité soit en mesure d'aider ces gens, qui ne peuvent s'aider eux-mêmes. Comme on dit, il faut tout un village pour élever un enfant.

Combien de centres de santé communautaire avez-vous à Brandon?

M. White : Je tiens à revenir sur la question des logements. Je ne veux pas partir d'ici aujourd'hui sans avoir vraiment souligné l'importance des logements abordables. Nous avons l'air d'avoir de bons services, et je crois bien que c'est le cas, mais nous avons par ailleurs beaucoup de problèmes sur le plan des logements. L'incapacité de payer les prix des loyers sur le marché est un important problème. Les suppléments au loyer peuvent faire une grosse différence lorsque les gens essaient de subvenir eux-mêmes à leurs besoins dans la collectivité.

Enchâssés dans notre principe de développement communautaire, les bureaux de l'Office régional de la santé sont situés au cœur du centre-ville. Naguère, les établissements de santé mentale étaient situés en dehors de l'enceinte de la ville.

Le président : J'ai grandi à Montréal, et on l'appelait « l'asile des fous », mais on veillait à ce que ce ne soit pas près des gens. Comme on dit, ce qu'on ne sait pas ne fait pas mal.

M. Hajes : Oui, et le tout était installé sur le haut d'une colline surplombant carrément la ville.

M. White : Lorsqu'on a entrepris les activités de planification de la réforme de la santé mentale, parmi les plus importantes améliorations apportées, il y avait le nouvel emplacement des services de santé mentale, des services communautaires et des bureaux de l'administration régionale. Tous ces établissements sont situés dans un centre commercial du centre-ville, à Brandon. C'est non seulement un principe de développement économique communautaire, mais aussi un principe entourant les services d'accessibilité pour les gens.

Le Centre de psychiatrie pour adultes est près des autres services de santé. Il est situé sur la propriété du Centre de santé régional, avec tous les autres services. C'est déjà quelque chose qui, en soi, permet de contrer la « stigmatisation ».

Les services de crise sont situés dans le secteur du centre-ville, non pas dans un édifice en soi, mais dans une vieille maison victorienne, et, là encore, dans un milieu communautaire. Des services résidentiels sont également offerts un peu partout dans la collectivité. Nous nous sommes vraiment efforcés de ne pas utiliser exclusivement un édifice de logements sociaux. Nous avons essayé d'intégrer le tout dans l'ensemble des secteurs. À mesure que de nouveaux projets de développement des logements prennent forme, au lieu de consacrer un étage ou un édifice à des logements en santé mentale, on intègre le tout. On peut très bien se retrouver avec deux unités à un endroit, et trois, à un autre endroit. L'idée, c'est de répartir les services un peu partout dans la collectivité.

Le Centre de traitement des adolescents est situé juste à côté d'une école secondaire locale, non pas dans un endroit éloigné. La proximité de ce centre aide à éliminer la stigmatisation associée aux maladies mentales.

Le sénateur Keon : Vous avez brossé un tableau très clair de la situation. Je crois que c'est important de le savoir.

M. Hajes : Le service sans interruption est un mythe dont beaucoup de gens ont parlé, mais nous avons établi un modèle selon lequel tous les programmes de santé mentale sont administrés centralement, tandis que d'autres compétences ont connu la fragmentation de leurs services de santé mentale.

Tous les gestionnaires de programme relèvent de moi, qui suis coordonnateur des programmes, et nous travaillons tous ensemble, à l'intérieur d'une équipe de gestion. Le gestionnaire de programme de l'unité d'hospitalisation du Centre de psychiatrie pour adultes siège à la même table que le directeur des programmes communautaires de santé mentale. Tous nos programmes se complètent, ce qui nous permet d'avoir un système sans interruption, car les gens se parlent et ont les mêmes moyens de garantir la reddition de comptes.

Dans d'autres compétences, les services destinés aux aînés sont situés à un endroit et relèvent d'une branche particulière, tandis que les services offerts aux adultes se trouvent ailleurs, où leurs chemins ne se croiseront jamais.

Le sénateur Keon : Je tiens à féliciter l'Association canadienne de sécurité agricole de l'excellente idée qu'elle a eue d'offrir des consultations par téléphone. Je crois que c'est une idée formidable. Je crois que c'est un remède extraordinaire pour ces gens que de parler au téléphone. Par ailleurs, j'ai une seule fille, et elle est partie faire ses études en Angleterre, où elle s'est mariée et habite encore, avec son mari et ses trois enfants, et sa thérapie consiste à parler à sa mère pendant deux heures chaque jour, à mes frais.

Mme Smith : Nous vous laisserons notre carte d'affaires.

Le président : J'ai très hâte qu'on puisse communiquer de vive voix par Internet.

Le sénateur Keon : L'autre chose qui me faisait sourire, c'était de me rappeler que, dans la collectivité rurale de l'ouest du Québec où j'ai grandi, quand je n'étais encore qu'un petit garçon, il y avait probablement environ 30 personnes qui utilisaient la même ligne téléphonique. Par conséquent, l'une des choses les plus intéressantes que nous pouvions faire le soir, c'était d'écouter toutes ces conversations. Comme ça doit être intéressant d'écouter maintenant la thérapie de Mme Smith sur la ligne rurale.

Je tiens à présenter des commentaires au sujet de la télésanté. Au cours d'une vie antérieure, j'ai beaucoup fait l'expérience de la télésanté, et je l'ai utilisée largement. Parmi les problèmes auxquels on fait face dans ce domaine, mentionnons le fait que les technocrates rendront ce marché trop cher pour vous si vous ne faites pas attention. Vous savez, ils veulent la plus large bande possible pour que vous puissiez, entre autres choses, envoyer n'importe quoi sur l'écran, alors que vous n'avez pas vraiment besoin de tous ces services.

Dans le cadre du programme de soins à domicile que nous dirigions de notre établissement avant que je prenne ma retraite, les gens utilisaient tout simplement leur téléviseur comme récepteur, ce que n'importe qui peut faire pour très peu. Vous pouvez avoir une consultation face à face moyennant relativement peu de frais, au lieu d'y aller pour des installations de pointe, et je vous recommande de bien vous informer pour ne pas vous retrouver avec une grosse facture.

Je crois qu'il est extrêmement important que les habitants des régions rurales aient accès à ce service. Ils ont été laissés en dehors du système, ça ne fait pas de doute, dans tous les secteurs de la santé, mais notamment celui de la santé mentale.

Je vous encourage à poursuivre dans cette voie et à vous assurer que le sénateur Stollery et moi-même soulignerons cela dans notre rapport, de sorte qu'on ne passe pas par-dessus.

Mme Smith : Je crois que nous reconnaissons les limites aussi bien que les avantages du counselling par téléphone. Celui-ci offre sans aucun doute un accès immédiat aux habitants des régions rurales et éloignées. Il y a un numéro sans frais, et c'est confidentiel. Toutefois, nous ne sommes pas ouverts 24 heures sur 24, car nous n'avons pas le financement requis pour offrir ce service. M. Hacault a précisé que la plupart des agriculteurs veulent un service de soir et de nuit, de sorte que cela pose problème. Notre service est offert de 10 h à 21 h, du lundi au vendredi, et de midi à 17 h le samedi. Nous reconnaissons les avantages et les limites de ce que nous pouvons offrir.

Lorsque nous déterminons qu'un client souffre de troubles mentaux graves et persistants, nous tirons parti de nos liens avec les travailleurs communautaires en santé mentale. Nous avons des listes de tous ces travailleurs pour l'ensemble de la province. Nous sommes pour ainsi dire un service de première ligne, où les gens se rendent en premier, compte tenu de la fierté, de la stigmatisation et du manque de compréhension des services de santé mentale. Les clients ne vont pas nécessairement voir tout de suite un travailleur en santé mentale, car leur stress peut être associé à leur incapacité de payer leurs factures. Par conséquent, se disent-ils, pourquoi irions-nous voir un travailleur en santé mentale pour nous plaindre que nous ne pouvons pas payer nos factures?

Nous sommes pleinement conscients du fait que le stress financier peut entraîner comme on le sait, des problèmes comme une dépression, de l'anxiété, des idées suicidaires et des problèmes conjugaux, bref tous ces problèmes que les professionnels œuvrant dans les collectivités peuvent aider les clients à surmonter. Par conséquent, nous faisons partie de services qui peuvent et devraient être offerts aux populations spéciales.

Le sénateur Johnson : Je viens de m'arrêter quelques minutes pour parler à mes collègues du travail extraordinaire que vous avez fait à Brandon, et je crois que c'est un modèle pour le pays à beaucoup d'égards.

Pourriez-vous me dire : quelle est la différence de coût entre le Centre de santé mentale de Brandon et le mécanisme que vous utilisez maintenant? Est-ce un moyen plus coûteux de fonctionner à l'échelle communautaire?

J'aimerais beaucoup qu'on applique cela dans la région d'Interlake, et je voudrais savoir combien ça pourrait coûter.

M. Hajes : Je ne sais pas vraiment.

Le sénateur Johnson : Certes, on ne peut pas tout évaluer monétairement, mais je suis curieuse de savoir si ce serait quelque chose de très coûteux à promouvoir.

M. Hajes : Je ne crois pas que ce soit beaucoup plus coûteux que l'autre système. Je ne pense pas non plus que ce soit moins coûteux, car il faut quand même pas mal de fonds pour offrir des services communautaires. Si les gens veulent fermer les centres de santé mentale et poursuivre la désinstitutionalisation afin de réaliser d'importantes économies, je crois qu'ils ne le font pas pour la bonne raison.

Je crois que le financement a été peu à peu transféré des institutions aux programmes communautaires. Nous n'avons pas remarqué d'impact important sur notre financement. Nous avons simplement utilisé les fonds dont nous disposions : nous avons présenté des demandes de financement à Santé Manitoba, comme nous l'avions fait pour de nouveaux projets, et certaines d'entre elles ont été acceptées, tout en venant s'ajouter à notre financement de base.

Le sénateur Johnson : Pourrions-nous appliquer cela dans le reste de la province, à votre avis? Pourrions-nous faire la même chose ailleurs au Manitoba?

M. Hajes : Oui, et c'est ce qu'on fait déjà en partie.

Le sénateur Johnson : Pourriez-vous me dire où on le fait?

M. Hajes : Toutes les régions ont présenté des projets à Santé Manitoba afin d'obtenir du financement notamment dans des secteurs comme la santé des populations, dans le but d'effectuer des interventions plus rapides, un dépistage précoce.

Je fais partie du réseau provincial de santé mentale, mécanisme permettant à tous les gestionnaires des divers programmes offerts dans la province de se rencontrer régulièrement pour discuter de sujets de ce genre. Je sais qu'on est très intéressés par les services d'intervention précoce dans la région de Interlake.

Le sénateur Johnson : J'habite à Gimli pendant une partie de l'année, et je sais que c'est pratiquement impossible de bénéficier d'une intervention. Lorsque je suis là-bas, je parle avec les gens de la collectivité et je les aide à accéder à des services grâce au fait que je connais bien le système, mais c'est très difficile pour les régions rurales d'obtenir ce genre de services.

M. Hajes : C'est vrai, et plus on va vers le nord, et plus la région devient rurale, plus on a de difficulté à accéder à ces services. C'est malheureux pour ces gens, qui sont pénalisés en raison de l'endroit où ils vivent.

Nous sommes très privilégiés à Brandon, en partie en raison de notre emplacement géographique et de la combinaison de nos milieux urbains et ruraux. Du reste, le véritable problème réside dans le fait qu'on soit incapable d'accroître les programmes et d'élaborer les programmes de santé mentale comme il le faut, afin de répondre aux besoins de la collectivité.

Au moment de la réforme de la santé mentale, et encore une fois au moment de la régionalisation, on a gelé les programmes et le financement s'y rattachant. À vrai dire, on n'a pas approuvé beaucoup de projets pour lesquels on avait demandé un financement. Certains secteurs ont tout de même été ciblés. C'est le cas, entre autres, des logements supervisés, auxquels on a affecté des fonds à cette fin. Toutefois, d'autres projets de services que nous soumettons année après année, sont rarement approuvés par le Conseil du Trésor.

Le sénateur Johnson : Eh bien, je sais qu'il y a énormément de stress dans les régions rurales comme Gimli. Je vois ce qui se passe pour bon nombre de ces gens, mais c'est difficile de savoir quoi faire pour les aider, à part essayer de les placer sur la voie que vous et moi connaissons. Comme c'est très difficile de se sortir des méandres du système, je suis heureuse de voir que le processus fonctionne si bien à Brandon. J'espère que l'Office accélérera ce processus dans d'autres régions.

Monsieur White, effectue-t-on des activités de ce genre dans le secteur agricole?

M. White : Je ne suis pas très actif dans le secteur agricole, mais, il y a quelques années, j'ai travaillé exclusivement à Brandon et je me rendais également à Assiniboine. À l'époque, je devais trouver, pour mon travail, des personnes en mesure de travailler comme surveillants et d'offrir des services de soutien dans la région rurale. Ce n'est pas facile de recruter des gens pour les régions rurales. On peut en trouver facilement pour les villes, mais, souvent, les gens y reçoivent déjà des soins à domicile.

M. Hajes : Sénateur Johnson, il y a probablement un travailleur communautaire en santé mentale dans la région où vous habitez.

Le sénateur Johnson : Oui, il y en a un.

M. Hajes : Dans ce cas, il reste à savoir dans quelle mesure cette personne est accessible à la population.

Le sénateur Johnson : Il y a le nouveau centre de santé communautaire, mais on n'y offre pas encore vraiment ce genre de services.

M. Hajes : Je tiens à souligner que, même si le service téléphonique d'aide en cas de stress destiné aux habitants des régions agricoles et rurales est situé ou établi à Brandon, il sert l'ensemble de la province. Pour ma part, en ma qualité de coordonnateur des programmes de santé mentale, je tiens à souligner l'importance et la valeur de ce service et à féliciter les intervenants de leur excellent travail.

Mme Smith : Entre autres choses, nous nous efforçons principalement de cerner les grands problèmes dont veut parler notre interlocuteur. Si nous estimons qu'il devrait obtenir l'aide d'un travailleur communautaire en santé mentale, nous lui en recommandons un. Nous aiguillerons la personne en fonction de la région dans laquelle elle habite. Je ne sais pas s'il est arrivé que des personnes se plaignent de ne pas avoir réussi à rejoindre le travailleur.

Le sénateur Johnson : L'important, c'est surtout de savoir comment y accéder.

Mme Smith : C'est certain, et c'est ce que les gens nous disent. Ils veulent savoir ce que fait un travailleur communautaire en santé mentale et demandent pourquoi ils devraient aller en voir un. Ils prétendent ne pas avoir besoin de voir ce travailleur, puisqu'ils ne sont pas fous.

Nous offrons aux personnes qui nous appellent des renseignements sur nos services. Celles-ci sont peu susceptibles de se présenter en personne pour demander à voir un travailleur en santé mentale, mais, en les aiguillant vers un tel travailleur, nous pouvons souvent, avec leur permission, parler à un travailleur en santé mentale pour les mettre en communication avec lui. Nous les aidons un peu à ouvrir la porte.

Entre autres limites, le service téléphonique ne nous permet pas de faire beaucoup de suivi; quoi qu'il en soit, notre priorité est d'offrir ce service afin de renforcer les liens avec le client jusqu'à ce qu'il entre en communication avec un professionnel de la santé mentale sur place.

Mme Moffat : J'ai constaté que l'un des obstacles est de nature économique. Il n'y a pas tellement longtemps, j'ai reçu un appel d'une personne qui ne pouvait pas accéder aux services de santé mentale parce qu'elle n'avait pas assez d'argent pour mettre du carburant dans son auto afin de se rendre chez nous. Il y a de toute évidence des limites financières qui peuvent empêcher une personne de se rendre à l'endroit où les services sont offerts.

Le sénateur Johnson : Eh bien, je dois dire que ça nous a pris des années pour avoir notre centre de crise pour les femmes âgées à Gimli. Nous n'avons toujours pas de refuge attitré, de sorte que nous devons nous rabattre sur le sous-sol de la vieille école. Nous avons déjà eu un refuge, mais, comme il est devenu moins sûr, nous avons dû déménager. Nous n'arrivons même pas à obtenir le financement requis.

J'ai aidé les responsables à obtenir certains fonds du gouvernement provincial, de sorte qu'ils peuvent au moins aider les femmes en détresse, mais nous n'avons toujours pas d'endroit où elles pourraient aller. C'est une situation terriblement frustrante. Je sais que les femmes qui habitent dans les régions rurales ne souffrent pas moins que les hommes qui doivent faire face à d'autres problèmes graves.

[Français]

Le sénateur Pépin : Je connais assez bien, en fait, le domaine de l'agriculture, parce que mes grands-parents étaient agriculteurs. Le problème de stress, quand on regarde tout ce qui s'est produit durant les deux dernières années, est tout à fait normal. Mais, je ne pensais pas, en fait, que les agriculteurs pouvaient souffrir à un point tel. C'est bien normal.

[Traduction]

Vous dites que vous avez une ligne téléphonique ouverte, et que les gens peuvent communiquer avec vous par courriel.

Pourquoi est-ce que vous n'effectuez aucun suivi auprès des personnes qui vous appellent? Est-ce que c'est parce que vous recevez trop d'appels?

M. Hacault : Avant que Mme Smith réponde à cette question, je tiens à souligner que le Manitoba et la Saskatchewan sont les seules provinces à recevoir un financement complet pour ces services. Nous parlons presque d'anomalies dans tout le reste du Canada.

Le sénateur Pépin : C'est excellent.

M. Hacault : Je crois que le sénateur Keon a mentionné que, même si la technologie est peu évoluée, c'est suffisant pour répondre aux besoins.

Mme Smith : Je crois que notre budget est de 165 000 $ pour l'année. C'est un programme à très très faible coût.

En ce qui a trait à votre question, touchant le suivi, je vous remercie de soulever ce point. C'est quelque chose qui nous est également propre. Beaucoup de lignes de crise ne peuvent, en raison de l'important volume d'appels, fournir ce service très important. Notre programme est en fait rattaché au Centre de santé communautaire Klinic, qui est situé à Winnipeg. Nous offrons l'un des six programmes de counselling. Nous sommes situés en retrait, à Brandon, et nous aidons les populations agricoles et rurales. Le Centre de santé communautaire Klinic offre un service de crise de 24 heures sur 24, et on répond à un appel sur sept, en raison de la tonalité d'occupation.

Mme Moffat effectue des recherches relatives à nos services provinciaux de lignes de crise afin de cerner les lacunes au chapitre du service et de voir comment nous pourrions travailler en plus étroite collaboration dans le but d'aider les gens à obtenir l'accès dont ils ont besoin.

Dans le secteur agricole, et probablement dans d'autres secteurs, nous devons être en mesure de prendre l'appel, car la personne n'appellera peut-être qu'une seule fois. En fait, les gens dans ce secteur appellent généralement lorsqu'ils sont au bout de leur rouleau, après avoir essayé eux-mêmes de s'en sortir.

Nous croyons qu'il est très important d'offrir des services de suivi. Je dirais que nous apprécions l'offre, et nous recevrons souvent de six à 12 appels de la même personne avant qu'elle accède à d'autres services si cela est nécessaire.

Le président : Donc, c'est vous qui effectuez le suivi, en un sens?

Mme Smith : C'est nous qui l'effectuons.

Le président : Recevez-vous des appels de la part d'autres membres de la famille, ou juste des hommes?

Mme Moffat : Au cours des deux premières années, nous avons reçu plus d'appels de la part des femmes.

Le président : Ce n'est pas très surprenant. Ils n'aiment pas demander de l'aide, tout comme ils n'aiment pas demander leur chemin.

Mme Smith : Exactement. Les femmes appelaient souvent au sujet de leur mari.

Le président : Recevez-vous parfois des appels d'adolescents?

Mme Smith : Très peu. Justement, une conseillère chez nous vient d'entreprendre un projet de sensibilisation des jeunes, établissant un lien avec les groupes 4-H dans les écoles, et parlant avec les jeunes au sujet de questions agricoles et rurales liées au stress. Donc, c'est assez récent, mais je crois que ça se révélera probablement très utile. Comme nous le savons, les jeunes font sans aucun doute partie du tableau lorsque la mère et le père éprouvent des difficultés; cela touche toutes les relations familiales.

Le président : Qu'est-ce que le projet de suivi sur la médication des enfants?

Mme White : C'est un partenariat entre la Brandon Regional Health Authority et la Division des écoles de Brandon, dans le cadre duquel j'effectue une surveillance de la médication prescrite aux élèves diagnostiqués avec un trouble déficitaire de l'attention.

Le président : Qu'entendez-vous par « surveillance de la médication »? Voulez-vous dire que vous vous assurez qu'ils prennent leurs pilules?

Mme White : Non, je travaille auprès des services étudiants à la division scolaire, et avec le psychologue à l'école. Nous dressons un certain nombre de listes de contrôle tout au long de l'année afin de déceler les symptômes évidents du trouble déficitaire de l'attention, comme l'inattention, l'hyperactivité et la tendance à réagir de façon impulsive. Nous essayons de déterminer si la médication est efficace, ou s'il y a des problèmes comme des effets secondaires. Nous transmettons ces renseignements aux parents, pour qu'ils puissent en discuter avec leur médecin.

Le président : Aidez-vous à poser le diagnostic de trouble déficitaire de l'attention ou de trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité chez les élèves?

Mme White : Non, lorsque l'élève vient me voir, il a déjà reçu un diagnostic, et les parents ont choisi le traitement. Il est possible que le jeune ait vu le psychologue de l'école, un psychologue privé ou un intervenant du centre de traitement pour enfants et adolescents. Lorsque je rencontre le jeune, il prend déjà des médicaments. J'offre des ressources d'éducation aux parents et aux enseignants.

Le président : Nous entendons toutes sortes d'histoires qui nous donnent l'impression que de plus en plus d'enfants, tant à l'école primaire qu'à l'école secondaire, reçoivent du Ritalin ou quelque chose du genre pour le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité. Comme c'est uniquement une impression, j'aimerais savoir si je peux connaître les faits à ce chapitre afin de décider s'il convient de croire ou non à cette hypothèse.

Nous croyons savoir que, en raison du fait que les classes sont de plus en plus nombreuses, les enseignants recommandent que les enfants qui dérangent une classe prennent des médicaments pour qu'ils cessent de perturber leurs camarades de classe. On décide tout de suite de donner des médicaments à l'enfant à problème, que ce soit la bonne stratégie ou non pour lui.

Avez-vous des données chronologiques qui permettent de croire que l'on prescrit de plus en plus de médicaments aux élèves atteints du trouble déficitaire de l'attention ou du trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité?

Mme White : Eh bien, je crois que cette tendance a augmenté au fil des ans. De mon temps, je n'ai jamais entendu parler de camarades de classe qui auraient souffert de ce trouble ou qui auraient pris des médicaments pour quoi que ce soit, de sorte que, il n'y a pas à dire, le public est plus sensibilité à cet égard.

Le président : De mon temps, il y avait des énervés qui sautaient partout, et on se disait tout simplement qu'ils avaient trop d'énergie. Je vous jure que si j'étais encore enfant aujourd'hui, on m'aurait donné du Ritalin.

J'ai posé la question sérieusement, car j'ai l'impression que nous utilisons les médicaments pour résoudre un problème de comportement, au lieu d'essayer de traiter l'élève. C'est ce qui me préoccupe.

M. Hajes : Vous avez Randy Fransoo, du Centre d'élaboration de la politique des soins de santé du Manitoba, qui doit passer plus tard cet après-midi, et il a justement publié une étude très intéressante sur les données de santé au Manitoba.

Le président : Pourriez-vous nous envoyer cette étude?

M. Hajes : Randy Fransoo doit passer plus tard cet après-midi, et il aura ces données avec lui.

Autre question connexe que vous pourrez voir : l'écart entre les garçons et les filles sur le plan du diagnostic. On avance entre autres l'hypothèse selon laquelle les garçons ont évidemment beaucoup plus de difficultés que les filles à rester tranquillement assis dans une salle de classe pendant de longues périodes, surtout à un certain âge, de sorte qu'ils risquent davantage de donner l'impression qu'ils souffrent du trouble déficitaire de l'attention et d'être diagnostiqués en ce sens.

Le président : C'est intéressant.

M. Hajes : Nous avons une forte prévalence de diagnostics du trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité à Brandon, et nous devons trouver une solution à ce problème. Nous devons déterminer s'il s'agit bel et bien de ce trouble, et, si ce n'est pas le cas, nous devons alors faire en sorte de réduire ces statistiques.

Mme White : Nous avons besoin d'une politique d'évaluation approfondie. Il ne faut pas se fier à ce que dit un enseignant lorsqu'il laisse entendre à un parent que son enfant pourrait souffrir du trouble déficitaire de l'attention. Il y a des problèmes connexes qui peuvent ressembler à ce trouble.

Le président : J'ai l'impression qu'il y a trop de traitements et pas assez d'évaluations. Ce n'est qu'une forte impression, mais nous allons en parler avec les décideurs.

Mme White : On n'a pas diagnostiqué que ma fille souffrait du trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité avant la deuxième année. Nous savions tous qu'elle avait des problèmes, mais en tant que parents, nous n'étions pas chauds à l'idée qu'elle prenne des médicaments. Nous avons assurément essayé toutes sortes d'autres remèdes avant d'accepter qu'elle soit médicamentée.

Dans notre cas, la médication a donné de très bons résultats. Le travailleur en santé mentale a été très minutieux, de sorte que nous avons pu nous assurer qu'elle ne souffrait pas d'un autre trouble connexe.

Je crois que certains parents décident peut-être trop rapidement de médicamenter leur enfant. Après avoir bien pesé le pour et le contre, nous avons fini par nous rendre compte que notre fille avait vraiment besoin de médicaments pour aller mieux, et nous avons en effet constaté qu'elle arrivait beaucoup mieux à se concentrer après cela.

Le président : Merci à tous d'être venus. Je sais que nous vous avons gardés plus longtemps que prévu, mais je suis sûr que vous ne m'en tiendrez pas rigueur, et nous avons été heureux de nous avoir avec nous.

Le sénateur Wilbert J. Keon (vice-président) occupe le fauteuil.

Le vice-président : Notre prochain témoin est Randy Fransoo.

M. Randy Fransoo, recherchiste, Centre d'élaboration de la politique des soins de santé du Manitoba : Je suis ici pour vous donner un bref aperçu d'un rapport publié par le Centre d'élaboration de la politique des soins de santé du Manitoba en septembre 2004. Il s'agit d'une étude de la prévalence des maladies mentales chez les populations du Manitoba et sur les tendances d'utilisation du système de soins de santé parmi les personnes chez qui on a diagnostiqué des troubles mentaux. Comme je crois que vous en avez un exemplaire, je le passerai en revue brièvement. Vous pouvez obtenir de plus amples renseignements, si vous en avez besoin.

Parmi les points saillants du rapport, mentionnons qu'on a relevé une très forte prévalence de traitements en santé mentale au Manitoba, plus forte que ce à quoi bon nombre d'entre nous nous attendions. En plus du fort taux de traitement, on a enregistré une très forte utilisation du système de soins de santé par ces personnes, ce que je pourrais préciser un peu plus en détail dans les diapositives suivantes.

Le rapport traite quelque peu de l'accès aux psychiatres. Or, nous devons faire attention, car nous ne voulons pas laisser entendre que les psychiatres sont les seuls à pouvoir aider les personnes souffrant de troubles mentaux, mais ils représentent une part essentielle du processus, et ils serait bon que tout le monde ait accès à leurs services. D'après ce que nous avons pu voir, l'accès n'est pas le même à l'échelle de la province. Les personnes qui habitent dans des régions à faible revenu ou dans des régions rurales de même que les aînés semblent consulter beaucoup moins les psychiatres que d'autres groupes.

Sur un autre plan, nous avons constaté que les suicides et les tentatives de suicide étaient particulièrement prévalents parmi les personnes chez qui on avait diagnostiqué une maladie mentale l'année d'avant. Donc, en un sens, cela indiquerait que les gens qui font des tentatives de suicide ou qui arrivent à se suicider ne l'ont pas nécessairement fait sans qu'on sache trop pourquoi : ce sont des gens qui sont connus au sein du système et qui ont vu un fournisseur de soins de santé pour des troubles mentaux. À notre avis, cela pourra peut-être aider les intervenants du système de soins de santé à mieux traiter ces gens.

Le rapport couvre une période de cinq ans, ce qui nous a permis de brosser un tableau de la santé mentale, qui tient compte du fait que les données à ce chapitre peuvent varier au fil du temps. On peut souffrir d'une dépression pendant un certain temps, puis aller bien pour une période; par conséquent, nous voulions voir si nous pouvions évaluer l'incidence de façon plus globale.

Pour ce faire, nous avons commencé par examiner tous les cas de maladie mentale que nous pouvions cerner de façon raisonnable et précise à l'intérieur de nos données. Or, il s'agit non pas de données d'enquête ou d'entrevue, mais uniquement d'une analyse des dossiers relatifs aux services de santé. Par conséquent, lorsque nous avons établi qu'une personne souffrait de dépression, par exemple, cela signifiait qu'elle avait vu un médecin, avait été à l'hôpital ou avait reçu un diagnostic en ce sens. Bon nombre de gens souffrant de dépression ne vont pas chez le médecin ni à l'hôpital. Dans l'ensemble, les dossiers sont assez solides.

Nous avons constaté que nous étions en mesure de cerner les cas de troubles de l'anxiété, de toxicomanie, de troubles de la personnalité et de schizophrénie. Parmi les premières conclusions qui nous ont surpris, mentionnons la forte comorbidité entre ces affections. Même si nous examinions uniquement ces troubles, bon nombre des gens qui souffraient de l'un d'eux souffraient également d'un autre de ces troubles, ainsi que d'autres maladies mentales.

L'analyse nous a donné un peu de fil à retordre, de sorte que nous avons dû nous rabattre sur la catégorie « groupe cumulatif ». Cela comprenait quiconque souffrait d'au moins un de ces cinq troubles, compte tenu du fait que la comorbidité était si forte. Lorsque nous avons examiné ce groupe dans l'ensemble, nous avons constaté qu'il représentait 24 p. 100 de la population, sans compter une autre proportion de 13 p. 100, qui souffrent d'autres maladies mentales. Mis à part ces cinq maladies, 63 p. 100 des répondants ne montraient aucun signe d'utilisation des services de santé, ni de maladies mentales.

Par ailleurs, ces données variaient évidemment de façon assez importante selon le sexe de la personne. La prévalence des données pour les deux autres catégories cumulatives est beaucoup plus forte chez les femmes que chez les hommes. Comme on pouvait s'y attendre dans ce cas, ça n'a rien de surprenant.

Passons maintenant à l'utilisation des services de santé, domaine qui a donné des résultats vraiment intéressants. Nous avons pris les données obtenues auprès des personnes souffrant de troubles cumulatifs et celles obtenues auprès de personnes ne souffrant d'aucun trouble pour comparer leur taux d'utilisation des médecins, des hôpitaux, des foyers de soins personnels, des maisons de soins infirmiers, des soins à domicile et des médicaments. Nous avons relevé une tendance continue : les personnes souffrant de troubles cumulatifs utilisaient de deux à cinq fois plus de services de soins de santé que les gens ne souffrant d'aucun trouble. Et cette utilisation accrue n'est pas uniquement ni directement liée à leur maladie mentale.

Ce serait une bonne idée de jeter un coup d'œil au graphique présenté au haut de la page 4, où nous examinons la proportion des visites chez le médecin selon le sexe de la personne, qui sont ensuite réparties selon la cause du trouble, en quelque sorte. Par conséquent, les deux barres à gauche représentent les femmes, et celles à droite, les hommes, puis, à l'intérieur de chaque groupe, nous avons celui des personnes souffrant de troubles cumulatifs et celui des personnes ne souffrant d'aucun trouble.

Donc, dans l'ensemble, vous remarquerez avant tout que la proportion des visites chez le médecin est un peu plus forte parmi les femmes que parmi les hommes. C'est quelque chose à laquelle on s'attendait et qui est bien documentée.

Deuxième chose : dans le cas des personnes souffrant de troubles cumulatifs, le taux de visites est tout juste supérieur au double des résultats obtenus auprès des personnes ne souffrant d'aucun trouble, mais ce n'est pas uniquement pour les maladies mentales. Dans presque toutes les autres catégories, c'est-à-dire la santé respiratoire, la santé circulatoire et la santé musculo-squelettique, les personnes souffrant de troubles cumulatifs consultent leur médecin deux fois plus souvent pour chacun de ces troubles également. Il y aurait deux explications probables à cela. La première et la plus évidente, c'est qu'il y a une plus forte comorbidité physique associée aux maladies mentales. Les personnes souffrant de troubles cumulatifs d'ordre mental souffrent également d'un assez fort taux de maladies physiques. C'est peut-être en partie parce que leur maladie mentale n'a pas été bien diagnostiquée à priori. Si un patient va voir un médecin pour des douleurs lombaires ou des problèmes d'insomnie, on classe cela dans la catégorie des maladies physiques. Plus tard, le diagnostic peut changer pour s'inscrire dans l'ordre des maladies mentales, car tout cela est relié. Nous ne pouvons pas tenir compte de tous ces effets dans les données, mais, comme vous pouvez le voir, ils sont très nombreux.

La même situation se produit dans le cas des services hospitaliers. Le taux d'hospitalisation des personnes souffrant de troubles cumulatifs est deux fois plus élevé, tant pour les hommes que pour les femmes, que chez les personnes ne souffrant d'aucun trouble. Dans le cas des foyers de soins personnels et des maisons de soins infirmiers, on obtient un tableau très semblable : une très forte utilisation, soit une utilisation bien plus forte que chez les personnes ne souffrant d'aucune maladie mentale.

La dernière section porte sur le suicide et les tentatives de suicide, cas où on peut voir une nette différence selon le sexe de la personne. Le taux de suicide est beaucoup plus élevé chez les hommes que chez les femmes, mais les tentatives de suicide sont bien plus élevées chez les femmes. L'explication la plus probable, c'est la différence des méthodes utilisées : les femmes choisissent plus souvent des méthodes moins radicales, tandis que les hommes optent pour la pendaison ou la mort par balle. Donc, les hommes choisissent des méthodes plus radicales et réussissent davantage leur tentative de suicide que les femmes.

L'un des derniers graphiques montre que, dans les cinq ans précédant leur suicide ou leur tentative de suicide, les gens chez qui on a diagnostiqué une maladie mentale étaient plus, je veux dire, bien plus susceptibles de faire une tentative de suicide ou d'en commettre un.

Le tableau principal de gauche montre que le risque qu'une personne fasse une tentative de suicide dans une année donnée est très faible, même chez les jeunes filles où le taux de tentatives de suicide est le plus élevé. Dans les régions à faible revenu, il n'y a encore que 2 ou 3 p. 100 de risque qu'une jeune femme tente de se suicider. Si nous examinons le groupe des jeunes femmes chez qui on a diagnostiqué une maladie mentale dans l'année précédente, nous voyons que le taux monte jusqu'à environ 33 p. 100. Par conséquent, le tiers des jeunes filles habitant dans des régions pauvres dans le nord du Manitoba risquent d'essayer de se suicider dans l'année.

Ce n'est pas que cela est relié à la plupart des tentatives de suicide, mais c'est un facteur qui détermine fortement qui risque de faire une tentative de suicide. Nous pensons, et nous l'espérons, que les personnes en question vont chercher à obtenir de l'aide avant cela, et qu'elles ont communiqué avec des intervenants du système médical, qui ont diagnostiqué des troubles mentaux. Je crois que, par conséquent, nous pourrions peut-être aider à freiner le suicide ou les tentatives de suicide à l'avenir.

Le vice-président : Merci beaucoup. Ce sont des données intéressantes, et nous vous reviendrons là-dessus dans quelques minutes, mais peut-être que nous pourrions tout d'abord céder la parole à Mme Palmer.

Mme Deborah Palmer, directrice clinique, Centre Laurel : Bon après-midi. Le Centre Laurel est un organisme sans but lucratif qui s'occupe des femmes victimes de violence sexuelle. Ces femmes viennent au centre pour suivre un traitement en raison de la violence subie pendant leur enfance et leur adolescence.

On prend du recul et on examine la cause des problèmes de santé mentale. On examine les répercussions de la violence sexuelle subie pendant l'enfance sur une personne. On aborde la question d'un point de vue social et politique. La violence à l'égard des enfants, ce n'est pas nouveau; elle est présente depuis des siècles. Toutefois, ce n'est que pendant cette deuxième vague du mouvement des femmes que la violence sexuelle infligée pendant l'enfance est devenue un enjeu.

On offre un plus large contexte en ce qui concerne la vie de ces femmes. On travaille sur la prise en charge de soi, et notre modèle de traumatisme est circulaire, car ces femmes ne peuvent pas guérir dans le cadre d'un processus linéaire.

Les clientes qui se présentent à notre établissement souffrent d'anxiété et de dépression et ont des idées suicidaires et une prédisposition à l'automutilation. Elles présentent souvent des symptômes d'un traumatisme non guéri ressemblant à la dépression bipolaire. Il y a une réaction biphasique au traumatisme, et le corps se place dans une phase de vigilance et de stress extrêmes ou dans une phase de non-éveil. La phase du non-éveil fait en sorte que la personne victime de violence paralyse et se fige. Notre réaction normale au danger consiste à nous défendre ou à fuir, mais pour les personnes qui ont subi un traumatisme, il est impossible de se défendre, alors elles paralysent et se figent. Au fil des ans, le corps conditionne sa réaction de cette façon. Quand les femmes viennent nous voir pour obtenir de l'aide, c'est souvent sur l'avis d'un médecin qui a posé le diagnostic de dépression, d'anxiété, de comportement suicidaire et de prédisposition à l'automutilation.

Nos statistiques révèlent qu'une jeune femme sur trois a été victime de violence sexuelle pendant son enfance, tout comme un garçon sur sept, mais je crois qu'on n'a pas l'ensemble des statistiques sur les garçons.

J'ai entendu toutes les statistiques sur les maladies mentales, mais nous aimerions prendre du recul et avoir une vue d'ensemble pour constater ce qui se produit. Compte tenu du fait que les statistiques sont les plus élevées à l'égard des traumatismes, il est compréhensible que ces derniers soient considérés comme des problèmes de santé mentale.

Les statistiques révèlent que 70 p. 100 de l'échantillon de la population des salles d'urgence psychiatrique ont été victimes de violence sexuelle pendant leur enfance; 44 malades mentaux non hospitalisés ont des antécédents de violence sexuelle infligée pendant leur enfance; et 40 p. 100 des malades mentaux hospitalisés ont confirmé avoir été victimes de violence sexuelle pendant leur enfance.

Je crois qu'on doit poser davantage de questions lorsque des jeunes femmes ou des jeunes hommes se présentent au cabinet de leur médecin ou dans une salle d'urgence.

Voici le résultat de notre travail : 59 p. 100 de nos clientes ont diminué leur consommation d'alcool ou de drogues, ou ont carrément arrêté de consommer, pour traiter le traumatisme. On vérifie les comportements compulsifs d'adaptation, c'est-à-dire la dépendance, et on les examine d'un point de vue plus vaste, ce qui comprend les jeux d'argent, les soins apportés, l'assistance, les drogues, l'alcool et tout ce qu'elles utilisent pour varier leurs émotions. Alors, notre modèle de traumatisme examine ces deux enjeux.

Nos indicateurs de résultats permettent de vérifier la mesure dans laquelle le programme a été une réussite pour elles. Cinquante-neuf pour cent des femmes ont cessé de consommer des substances ou d'afficher un comportement compulsif d'adaptation, et 25 p. 100 d'entre elles ont diminué leur consommation. Dans la plupart des cas, les femmes n'ont pas besoin de travailler davantage avec leur psychiatre ou de continuer à prendre des médicaments.

Ce qu'on constate avec les médicaments, même s'ils sont nécessaires, c'est qu'ils empêchent vraiment les personnes de ressentir leurs émotions. Dans le cadre de notre méthode, nous croyons que vous devez établir un lien entre votre corps et vos émotions; les médicaments inhibent souvent cette fonction ou la font cesser.

Alors, dans le cadre de notre travail, on prend du recul et on a une vue d'ensemble pour tenter de comprendre pourquoi les personnes ont des problèmes de santé mentale et pour examiner l'ensemble des répercussions du traumatisme.

Au cours d'une année, on offre des services à plus de 300 femmes. Notre programme met l'accent sur le counselling individuel, le counselling de couple et le travail en groupe. Tout au long de l'année, on dirige des groupes qui s'intéressent à toutes sortes de sujets particuliers.

Quand on examine les problèmes de santé mentale, on examine également les répercussions, le traumatisme et la dépendance.

Mme Madeline Boscoe, Institut de la santé des hommes et des femmes : Bonjour à tous, c'est bien de voir des visages que l'on connaît. Je vous remercie de m'avoir invitée aujourd'hui, et Miriam Stewart, la directrice scientifique de l'Institut de la santé des hommes et des femmes, vous dit bonjour et s'excuse de ne pas être présente. Je suis ici au nom de l'Institut et j'ai quelques commentaires à faire de mon cru, alors, il y a un peu de tout.

Dans le cadre de mon autre emploi à temps partiel, je m'occupe d'un programme de counselling et de promotion de la santé des femmes. Je ne peux m'empêcher de parler de ces expériences et de mes réflexions à cet égard aujourd'hui.

Je veux remercier l'Institut pour la santé des hommes et des femmes et les Centres d'excellence pour la santé des femmes de leur travail, ce qui m'a aidé à préparer mes commentaires.

Pour la plupart d'entre nous qui travaillons dans ce domaine, nous sommes heureux que votre comité accomplisse ce travail important. Il est extrêmement important qu'un organisme national, comme votre comité, mette l'accent sur la question de la santé mentale et de la maladie mentale au pays. Le désordre règne dans le système, et ça ne s'améliore pas, ça s'aggrave. Je ne sais pas si ce sont les tensions présentes dans notre société qui contribuent davantage au problème, mais je vais formuler quelques recommandations aujourd'hui.

Je parle au nom de la plupart des personnes qui travaillent dans le domaine : votre rapport est une merveilleuse compilation de renseignements et de données, on vous félicite et on est très, très reconnaissant. Vous avez réalisé un énorme travail, je m'en rends compte.

Nous sommes particulièrement d'accord avec vos recommandations concernant le fait de tenir compte des déterminants sociaux de la santé, de la nécessité d'avoir un modèle axé sur la santé de la population, de la question entourant les politiques, pas seulement le traitement, et du rôle qui consiste à faire participer les clientes au débat sur les soins, la structure des soins est idéale. Je prône cela depuis 20 ans dans le cadre du mouvement des femmes, mais je crois que c'est vrai, et ça fait vraiment plaisir de le voir sur papier.

Maintenant, le mandat de l'Institut de la santé des hommes et des femmes, au sein des IRSC, consiste à soutenir et à connaître les intersections du sexe biologique et du sexe social sur le plan de la santé, à tenir compte de l'idée selon laquelle cela ajoute de la valeur à nos politiques et programmes de recherche et à faire la lumière à ce sujet. Dès notre tout premier processus d'évaluation des besoins, le fait de connaître ce qui survient en ce qui concerne la santé mentale et la maladie mentale représentait la priorité numéro un, comme nous l'ont mentionné notre milieu de recherche et notre communauté d'intérêts.

Nous n'avions pas de données provenant d'une analyse comparative entre les sexes pour élaborer quelques-uns des programmes et des services, mais le centre de Mme Palmer a innové et a tenté de mettre de l'avant et d'élaborer des services, car les gens là-bas comprenaient qu'aucun de ces éléments ne s'applique de façon égale aux hommes et aux femmes, que ce soit en raison d'un facteur contributif ou d'un facteur relatif aux soins.

On entreprend actuellement 92 projets qui analysent les enjeux relatifs aux rapports sociaux entre les sexes. Je ne suis pas en mesure de vous faire part de données aujourd'hui, mais je peux vous dire que les équipes travaillent sur les enjeux relatifs à la pauvreté et à ses effets sur la dépression et sur les répercussions de la violence qui s'exerce en fonction du sexe.

Je vais souligner quelques renseignements que nous avons recueillis et je vais les laisser à votre chercheur afin que vous puissiez les consulter plus tard.

Le Canada possède une grande collectivité de chercheurs et de fournisseurs qui sont grandement intéressés aux soins en santé mentale par rapport aux hommes et aux femmes, sur le plan de la prévention et de la promotion. Nous sommes heureux de vous fournir ces noms et ces données de façon continue.

Nous croyons fermement que, même si nous procédons à une analyse comparative entre les sexes, nous faisons des erreurs en ce qui concerne les soins, les services et la prévention. Nous tentons d'ajouter une valeur et de créer un savoir applicable à tous ces éléments.

Nous vous remercions d'avoir fait mention des rapports sociaux entre les hommes et les femmes dans votre rapport et nous serions heureux de pouvoir faire la lumière à ce sujet, si cela vous intéresse.

Les femmes sont plus susceptibles de faire une dépression et d'éprouver de l'anxiété, mais nous avons besoin d'analyser les domaines de socialisation et de poser des questions concernant les liens entre la dépression, l'anxiété et la pauvreté. Nous devons faire beaucoup plus de travaux dans ce domaine.

On est plus susceptible de définir la maladie mentale des hommes comme une dépendance ou un trouble du comportement, comme une certaine agression physique ou un certain comportement antisocial. Nous devons comprendre cette situation, remettre en question notre étiquetage et penser de façon différente en ce qui concerne les soins de santé offerts aux hommes.

La pauvreté, la violence et l'exclusion sociale représentent tous des facteurs contributifs et des séquelles des problèmes de santé mentale; c'est une relation de cause à effet. Je suis sûre que les autres fournisseurs de partout au pays en ont parlé, mais il y a un nombre de plus en plus important de recherches, menées au Canada et à l'étranger, qui lient ces domaines d'exclusion sociale, de la pauvreté et de la violence de toutes sortes aux effets qu'ils ont sur la santé mentale et le bien-être.

Maintenant, cela représente surtout un enjeu pour les femmes puisque la pauvreté et la violence continuent d'être plus importantes pour les femmes du Canada et du monde entier. Il s'agit d'un enjeu pour toutes les femmes, y compris les femmes âgées, les femmes autochtones et les nouvelles immigrantes.

C'est un énorme enjeu international. Ici, au Canada, on voit des gens venir dans notre pays pour s'éloigner de la violence et du chaos, et, étant donné que l'on se considère comme de bons citoyens du monde, on a le devoir de faire avancer les choses et de parler de ces facteurs déterminants.

En Amérique du Nord, par exemple, il y a des différences entre les sexes en ce qui concerne l'accès aux soins. Comme on l'a déjà mentionné, les femmes sont beaucoup plus susceptibles de fréquenter les services de consultation externe des établissements psychiatriques et de chercher à participer à l'un ou l'autre des services de counselling offerts, tandis que les hommes ayant des troubles psychiatriques sont beaucoup moins susceptibles de chercher du soutien pour leur bien-être ou pour soigner une invalidité de longue durée. Malheureusement, l'État ou la société considère les problèmes de santé mentale des hommes comme un problème de comportement plutôt que comme un problème de santé mentale.

Toutefois, si vous observez les différences entre les sexes chez les adolescents, les jeunes garçons ont tendance à se faire soigner plus rapidement que les jeunes filles puisqu'ils passent à l'acte et attirent, par conséquent, l'attention. Les jeunes filles font des dépressions et s'automutilent davantage.

Je suis sûre que vous avez grandement entendu parler des différences entre les sexes sur le plan de la violence, mais cet enjeu important nécessite un modèle de prévention en santé publique, de même que des soins et un traitement. Les femmes sont beaucoup plus susceptibles, bien sûr, de connaître davantage la violence sexuelle, l'absence d'un partenaire sexuel et l'agression sexuelle. Les hommes sont beaucoup plus susceptibles, malheureusement, d'être violents envers d'autres hommes, des femmes, des enfants et eux-mêmes. Cette violence concerne l'hypermasculinité, les stéréotypes sexuels et les comportements connexes. Cela encourage les jeunes hommes à prendre, dès leur plus jeune âge, des risques que la société considère comme normaux. Enfin, les jeunes hommes qui tentent de résister à certains de ces stéréotypes sexuels redeviennent souvent des victimes, et on établit des liens avec les attitudes et les enjeux homophobes dans notre société. Alors, encore une fois, ce sont des situations ponctuelles plutôt que des processus de fond.

Dans votre rapport, j'ai pris très au sérieux vos questions qui concernaient différentes propositions et j'aime toujours donner ces réponses. Tout d'abord, la demande d'une stratégie nationale est très importante. Je crois qu'il s'agit de la meilleure façon d'élaborer des plans d'action visant à créer une synthèse et un consensus et à aller de l'avant. Je crois sincèrement que les provinces ont de la difficulté. Je crois que l'idée d'un fonds affecté à des fins particulières qui comporte des indicateurs sur les réalisations attendues sur lesquels se sont entendus le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux est importante. Les indicateurs de santé mentale de l'ICIS sont très limités. La situation est difficile pour les provinces puisqu'elles ont eu de la difficulté à cibler leurs investissements, dans le meilleur des cas, et qu'elles ont tenté de le faire dans le cadre de la description actuelle du régime d'assurance-maladie, ce qui signifie le recours aux psychiatres et aux médicaments.

Je crois que le rapport pourrait profiter d'une meilleure compréhension d'une analyse comparative entre les sexes en ce qui concerne les problèmes de santé. Je vous ai donné quelques exemples, mais on doit mieux connaître, surtout à l'échelle communautaire, l'anxiété, la dépression et les troubles de l'alimentation. Il y a beaucoup trop de problèmes dans ces domaines.

Même si les troubles alimentaires représentent plus souvent un problème chez les jeunes femmes, les enseignants nous demandent de parler aux jeunes garçons affectés par ce trouble. Nous avons parlé à de jeunes filles de sixième année et nous les avons suivies jusqu'à la puberté, mais même les garçons ont besoin de counselling dans ce domaine. Les garçons, même avant la puberté, consomment des boissons hyperprotéinées et, dans certains cas, prennent de la testostérone pour devenir très musclés. C'est une manifestation très inquiétante des troubles de l'alimentation.

Je propose d'élargir le modèle axé sur la santé de la population pour y intégrer la prévention et pour réfléchir au genre d'engagement que nous voulons prendre par rapport à nos jeunes.

Nous pouvons être fiers des nombreuses publications sur la santé mentale. Quand je pense à la promotion de la santé mentale, je pense à créer des milieux de travail sains et des villes saines. Je pense à rendre les villes sûres pour les gens afin qu'ils s'y installent et établissent des réseaux, de même qu'à créer des réseaux de soutien social. Je pense à aider les gens, à leur faire connaître la façon non physique de régler des conflits, ce qui semble être la façon dont nos médias apprennent à cette nouvelle génération comment s'adapter.

Je crois qu'il est également important qu'on parle de la diminution des écarts sur le plan de la santé puisque la relation entre le revenu et la santé mentale semble souvent étroite.

Je crois que la plupart d'entre nous avons l'impression que les personnes auxiliaires, comme les travailleurs sociaux, les éducateurs sanitaires et les travailleurs communautaires, ont un rôle à jouer. J'ai aussi l'impression qu'on ne doit pas uniquement intervenir lorsqu'une personne consomme de la drogue ou qu'elle tente de régler son problème de consommation.

Bon nombre d'entre nous se préoccupent du fait que le rapport Romanow parle peu des soins primaires et de la santé mentale. Ce rapport met l'accent sur la pharmacovigilance et l'arrêt de la consommation de drogues illégales, mais laisse de côté l'activité physique, la nutrition, le fait d'arrêter de fumer, le soutien social et le logement protégé.

Je ne suis pas une conseillère et je crois que l'histoire de Humpty Dumpty est vraie. Je crois que vous pouvez tomber du mur et qu'on peut vous remettre sur pied, mais ce n'est pas toujours fait de façon que vous n'ayez plus besoin d'aide de façon régulière. On a abandonné ces personnes dans la rue, et je suis sûre que vous êtes au courant.

Nous sommes vraiment reconnaissants de votre recommandation concernant la recherche. C'est difficile d'aider des personnes à élaborer des politiques et à affecter des ressources restreintes en l'absence d'une bonne recherche.

À l'Institut de la santé des hommes et des femmes, on a cerné, entre autres, une lacune dans le domaine du financement et du soutien de l'innovation. Le genre d'activités dont on parle, en ayant recours à d'autres genres de fournisseurs de soins, des projets comme des programmes de rue pour les sans-abri, des logements protégés, des logements avec services de soutien, le Laurel Centre, la plupart de ces activités surviennent le plus souvent à l'extérieur du milieu de la recherche et, par conséquent, elles ne sont pas très bien évaluées et reçoivent peu de soutien.

Au Canada, on ne dispose pas d'un fonds d'aide à l'innovation qui permet la recherche et les essais. Nous sommes très bons en ce qui concerne les essais cliniques; si vous fabriquez un médicament ou que vous voulez procéder à une chirurgie, nous pouvons alors financer l'innovation. Toutefois, nous n'avons pas de fonds qui permettent d'élargir les programmes de soutien social. Nous croyons que les études sur la santé de la population, les essais cliniques et les études sur les avantages et les inconvénients des différents genres de psychiatres sont essentiels pour mener de bonnes recherches sur la santé mentale. Nous voulons aller un peu plus loin et aider à mener certaines recherches qui vont nous aider en matière d'innovation. Nous avons eu un problème : nous avions un chercheur, mais pas de personnel pour apporter l'innovation, alors, nous nous trouvons dans une impasse.

J'aimerais faire mention du prochain rapport sur la santé mentale, prévu à l'automne. L'Institut de la santé des hommes et des femmes et les IRSC ont participé à la rédaction de deux chapitres du rapport, un sur l'analyse comparative entre les sexes, et l'autre sur la santé mentale des Autochtones. Je crois que vous trouverez ce rapport très utile à mesure que vous délibérerez.

Le vice-président : Il y a des différences très importantes entre les habitudes des hommes et celles des femmes. Je suppose qu'on va devoir cibler les jeunes de façon légèrement différente pour s'adapter à ces différences.

Vos données correspondent-elles à celles du reste du pays ou votre situation est-elle unique?

M. Fransoo : C'est difficile à dire, mais puisque l'étude comprenait un million de personnes, il est très peu probable que les données des autres provinces soient radicalement différentes. Il y aura bien sûr des écarts régionaux, peut-être en ce qui concerne la prévalence des taux, mais j'ai l'impression que les tendances relatives aux associations entre le sexe et le revenu gagné seront pratiquement les mêmes partout au pays.

Le vice-président : J'ai cette impression parce que vos chiffres sont beaucoup plus élevés que la plupart des chiffres révélés par les études statistiques.

Avez-vous parlé des approches différentes à adopter à l'égard de la maladie mentale chez les filles et les garçons?

M. Fransoo : Bien, on n'a porté rien de tel à ma connaissance. Il n'y a qu'une seule exception, c'est Mme Marni Brownell, qui a mené des travaux d'envergure sur l'HADA et sur le THADA et sur l'utilisation de psychostimulants. C'est une autre maladie qui présente une énorme différence entre les sexes et que l'on diagnostique plus couramment chez les jeunes garçons. Parmi les personnes qui ont reçu ce diagnostic, les jeunes garçons sont beaucoup plus susceptibles de prendre des psychostimulants. On constate que le taux d'incidence de l'HADA et THADA augmente légèrement au fil des ans. Ça signifie que la prévalence continuera d'augmenter à mesure que le temps passe puisque c'est une maladie qui peut sévir jusqu'à ce que les enfants aient 20 ou 25 ans, dans certains cas. Dans d'autres cas, la maladie est toujours présente.

L'une des questions concernant la différence entre les femmes et les hommes concerne le fait que ces derniers hésitent avant de se faire soigner. Vous savez, l'une des façons dont, d'après nous, c'est apparu dans les statistiques que nous possédons, même si ce n'est pas une chose dont nos données traitent directement, c'est la différence entre les gens qui n'ont aucun trouble et ceux qui ont des troubles multiples. La différence résidait dans le fait qu'il y avait beaucoup plus de cas qui concernaient les hommes que les femmes. Les personnes qui participaient à notre groupe de travail ont dit que c'était peut-être parce que les hommes hésitaient davantage à consulter des fournisseurs de soins de santé et à discuter des problèmes de santé mentale avec leur médecin ou leur fournisseur de soins de santé, ce qui retarde leur diagnostic. Ce retard peut vouloir dire que la maladie est plus grave et que ces ramifications sont plus intenses en ce qui concerne leur besoin d'obtenir de l'aide d'un médecin et des soins hospitaliers.

Même si la prévalence est manifestement plus élevée chez les femmes, on devra peut-être trouver des moyens particuliers pour tenir compte des hommes, débattre de ces enjeux et les régler rapidement, avant qu'ils ne soient en phase terminale ou dans des situations plus graves.

Le vice-président : Madame Palmer, êtes-vous au courant de cet écart? Cet écart entre les hommes et les femmes a-t-il influencé votre façon de penser?

Mme Palmer : Nous travaillons avec des femmes.

Le vice-président : Seulement des femmes?

Mme Palmer : Oui, seulement des femmes.

Le vice-président : Alors, vous en êtes déjà là, vous ne faites pas d'analyse comparative?

Mme Palmer : Non, mais au cours de séances de counselling de couple, nous avons constaté que, puisque les femmes demandent de l'aide plus rapidement que les hommes, le counselling de couple peut être difficile. La femme se trouve à une étape plus avancée et est capable de déterminer ses besoins, ses sentiments, et les problèmes qu'elle vit dans sa relation. Par contre, l'homme se trouve aux premières étapes, et le fait qu'il ne puisse pas déterminer ses problèmes et en discuter rend le counselling difficile.

Le vice-président : Les mesures générales pour évaluer les jeunes, les traiter et les soutenir sont-elles différentes dans votre centre, par rapport à l'établissement moyen qui traite des hommes et des femmes?

Mme Palmer : Au sein de notre organisme, notre mandat consiste à nous occuper de femmes victimes de violence sexuelle qui sont également dépendantes et qui éprouvent des problèmes d'adaptation compulsive. Ce sont nos critères de sélection. Si elles répondent à ces critères, elles peuvent obtenir de l'aide.

Le vice-président : Madame Boscoe, de quelle façon ces constatations affectent-elles votre travail?

Mme Boscoe : Je vais revenir à votre première question. D'après moi, les constatations seraient les mêmes partout au pays.

C'est également la façon de cerner des enjeux. Je vais revenir sur le cas des jeunes hommes qui ont tenté de résister aux stéréotypes sexuels, comme le fait de conduire avec les facultés affaiblies ou de prendre certains risques que prennent les jeunes hommes. Il y a des inconvénients à résister à ces stéréotypes, mais, en même temps, ça les place devant un autre genre de risque.

Nous devons offrir de meilleurs soins primaires et promouvoir davantage la santé mentale pour interrompre ce processus et nous assurer que nos interventions ne sont pas que ponctuelles.

Je crois qu'on est en train de constater que le lien entre votre cerveau, votre cœur et votre pression artérielle est extrêmement étroit. On constate que les hommes ont une réaction physiologique et qu'il y a une relation entre la dépression et les maladies du cœur. On réitère ce qu'on a toujours su : on ne peut établir une différence entre ces processus. Malheureusement, on a créé un système médical qui croit qu'il existe une différence entre les deux. Il y a des fournisseurs qui sont à l'aise avec le processus relatif à la pression artérielle, mais qui ne sont pas à l'aise par rapport aux sentiments. Les femmes ont tendance à s'engager plus facilement, et c'est ce qu'on exige puisque, dans notre société, on s'y attend. Mais je crois qu'il est beaucoup plus complexe pour les hommes et les jeunes hommes d'entreprendre ce processus.

J'ai remarqué que des enfants de 6e année s'inquiétaient de l'image corporelle, qu'on fait de l'exercice en regardant les revues d'un œil critique, et ils établissent des liens et des choses comme ça. Il est difficile pour les jeunes filles de comprendre cette influence et de la rejeter. Mais je crois que c'est encore plus risqué pour ces jeunes garçons. On a beaucoup parlé de la façon dont les filles réagissent aux pressions de leurs pairs, mais la pression des pairs pour les hommes est beaucoup plus subtile, mais tout aussi intense.

Le sénateur Pépin : Vous avez mentionné que les femmes utilisent les services deux fois plus souvent que les hommes. J'ai l'impression que les femmes sont beaucoup plus ouvertes et que si nous éprouvons un problème, nous allons chercher de l'aide. Vous avez également mentionné que la femme demande de l'aide à son mari. Le voyez-vous de cette façon ou est-ce différent?

M. Fransoo : Non, c'est différent. J'espère que je n'ai pas dit des choses erronées, mais j'ai l'impression que c'est ce que j'ai fait. On ne considère pas que les femmes utilisent les services deux fois plus souvent que les hommes, pas du tout. Les chiffres sont un tout petit peu plus élevés que ça. Les personnes qui ont une maladie mentale rendent deux fois plus souvent visite à leur médecin que les personnes qui n'ont pas de maladie mentale, et c'est vrai pour les deux sexes.

La différence entre les hommes et les femmes est très faible, comparativement à la différence entre les personnes qui n'ont pas de maladie mentale et celles qui en ont une, mais l'écart entre les sexes est assez faible.

Je m'excuse si je n'ai pas été assez clair.

Le sénateur Pépin : Vous avez également mentionné qu'une jeune fille sur trois avait tenté de se suicider.

M. Fransoo : Ce n'est pas dans la population en général.

Le sénateur Pépin : Vous avez dit que c'était dans une partie du Manitoba.

M. Fransoo : Dans le Nord, oui. C'est parmi les personnes qui vivent dans les régions où le revenu est le plus faible et qui ont déjà reçu un diagnostic de maladie mentale. Ça montre vraiment les éléments qui influent sur les probabilités de tentative de suicide. Dans le nord du Manitoba, où il y a une grande population à faible revenu, les jeunes femmes sont beaucoup plus susceptibles de se suicider. Toutefois, le facteur qui influence le plus ces jeunes femmes, c'est le fait qu'elles souffrent ou non d'une maladie mentale. Ce facteur représente une très forte variable lorsque vivent le temps de distinguer les personnes qui vont tenter de se suicider et celles qui ne le feront pas.

D'une certaine façon, si vous réunissez tous ces facteurs, vous tenterez de vous suicider dans 30 à 32 p. 100 des cas. Mais ça ne concerne pas toutes les femmes du Manitoba.

Le sénateur Pépin : Veuillez me dire l'âge moyen de ces filles.

M. Fransoo : Ces filles sont âgées de 10 à 19 ans. On a dû regrouper une très vaste plage d'âge, car, heureusement, le nombre de cas qui surviennent là-bas est assez peu élevé. Dans le cas d'événements qui surviennent très rarement, on suit des règles de suppression, c'est-à-dire qu'on n'en fait pas mention.

Le sénateur Pépin : Madame Palmer, vous avez mentionné que votre centre prend en charge des femmes qui ont été victimes de violence sexuelle, qui, je crois, ont peut-être même tenté de se suicider parce qu'elles n'étaient pas capables de demander de l'aide.

Mme Palmer : Oui, c'est ça.

Le sénateur Pépin : Vous avez parlé d'une jeune femme sur trois, mais qu'en est-il du ratio des garçons?

Mme Palmer : Un garçon sur sept.

Le sénateur Johnson : Un garçon sur sept. C'est nouveau, je veux dire, pour les garçons, vous savez, on est surpris comme ça parce qu'on parle toujours des filles. Je veux dire, on parle rarement des jeunes garçons. Je crois que votre centre est merveilleux, car c'est rare de voir un centre qui s'occupe de femmes qui ont été victimes de violence sexuelle.

Quand j'étais député, j'ai réalisé une étude sur la violence faite aux enfants. Elle soulignait le nombre d'agressions sexuelles. Je croyais qu'en raison de l'éducation les choses se seraient améliorées, mais j'ai l'impression qu'elles s'aggravent.

Mme Palmer : Ça fait assez peur parfois. Moi aussi, j'aimerais croire que les choses s'améliorent, mais mon travail auprès des jeunes femmes révèle que ce n'est pas le cas.

La violence faite aux femmes et aux enfants représente un énorme enjeu social et politique.

Le sénateur Pépin : Oui, et ça n'arrive pas seulement dans les régions rurales, étant donné que votre centre se trouve dans la ville.

Mme Palmer : C'est exact, sénateur.

Le sénateur Pépin : Madeline, vous avez parlé de l'importance de la prévention, et nous avons parlé de la sensibilisation de la collectivité.

Mme Boscoe : Il y a une compétence liée à la santé mentale. On a parlé de la reconnaissance et du diagnostic précoces et des processus de sélection. Quand on se rend dans les écoles, on parle de la sécurité dans la rue, du fait de se sentir bien dans son corps, de se sentir en sécurité à la maison, de perfectionner des compétences et de régler des conflits de façon saine. On a souligné que la réponse aux problèmes, ce ne sont pas toujours les coups de poing. On soutient fortement les programmes communautaires de lutte contre l'intimidation et les programmes qui aident à créer un soutien social.

C'est un peu bizarre, mais les programmes, comme des cuisines communautaires, des jardins communautaires, Habitat for Humanity, qui font sortir les gens de leur maison et leur permettent d'établir des relations et d'apporter un soutien mutuel, ce sont tous des programmes de prévention parce qu'ils sont axés sur les gens.

Je crois en une politique économique saine. Quand vous examinez certaines dépressions et certains autres enjeux, il est difficile de savoir ce qui est arrivé en premier, l'œuf ou la poule. Si vous avez une maladie mentale et que vous êtes en congé d'invalidité de longue durée, vous êtes certainement très pauvre, à moins que vous n'ayez une famille qui subvienne à vos besoins. Vous êtes tellement pauvre que vous n'avez même pas de logement. On parle ici du fait que ça prend beaucoup de temps, ce qui est très difficile pour ces personnes.

Le débat entourant le salaire minimum et les efforts déployés pour faire en sorte que le salaire minimum, au moins au Manitoba, soit près du seuil de pauvreté représente un processus de prévention, car le fait de vivre dans la pauvreté crée un genre d'exclusion sociale et de dépression qui affectent par la suite votre santé mentale.

J'aimerais simplement mentionner que le Dr Stewart et moi travaillons sur un projet de recherche concernant les femmes à faible revenu et le tabagisme. Nous parlions d'enjeux importants dans leur vie. Dans un ratio de deux pour un, dans l'un de nos groupes échantillons, ces femmes ont déménagé trois fois avec leurs enfants au cours de la dernière année parce qu'elles n'arrivaient pas à trouver de logement sûr. Je dois vous dire, je ferais bien plus que fumer si je vivais pareille situation.

Quand je pense à la prévention, je pense à Jake Epp, je pense également à M. Lalonde, et je suis assez vieille pour me souvenir d'eux. On pense à la prévention en tenant compte de la vraie nature noble de notre société et de notre démocratie. Un bon logement sûr contribue à une bonne santé mentale, et le fait d'augmenter le salaire minimum à un niveau décent diminue le stress. Ces conditions sont interreliées, et des investissements en soins et en prévention nous mèneraient loin. Je ne parle pas de médicaments et de psychiatres. Un cadre proposant une vision noble m'intéresse, et j'accepterais volontiers de faire partie du comité de rédaction.

Le vice-président : Quand on procède à un examen approfondi, on oublie que le principal déterminant de la santé est la richesse, et on l'oublie sans cesse.

M. Fransoo : J'aimerais ajouter que le rapport met l'accent sur les enjeux politiques et systémiques. L'une des choses dont nous sommes fiers sur le plan de l'épidémiologie et de la recherche en santé au Canada, c'est que nous sommes en avance sur nos voisins du Sud, c'est-à-dire que nous observons de façon beaucoup plus individualiste les comportements, les régimes alimentaires, l'exercice et toutes ces choses. Elles peuvent également avoir une influence importante sur la santé, mais nous croyons que les enjeux sociétaux et systémiques ont des effets beaucoup plus importants sur le niveau de santé de la population.

Au Canada, nous sommes heureux d'être mieux placés pour éviter d'avoir à jouer le jeu qui consiste à faire porter le blâme à la victime, mais il est important que nous reconnaissions que nous sommes bons dans ce domaine afin que nous ne l'oubliions jamais.

L'une des façons d'être en santé consiste à ne pas fumer, si vous le pouvez, à ne pas boire, vous savez, à avoir un bon régime alimentaire et à faire beaucoup d'exercice. Il existe une approche davantage axée sur les politiques ou les groupes, c'est de ne pas être pauvre, et, si vous êtes pauvre, ne le soyez pas pendant un long moment, ne vivez pas dans un logement insalubre et n'occupez pas un emploi à faible revenu ou au salaire minimum et ce genre de choses. Ça nous porte à réfléchir sur les différents éléments que nous tenons pour acquis parce que, au Canada, on parle plus souvent de ces enjeux systémiques. Ce n'est pas une notion universelle, et c'est important qu'on en prenne connaissance afin qu'on ne l'oublie pas.

Le sénateur Johnson : Monsieur Fransoo, au chapitre 4, vous parlez du fardeau du système de soins de santé du Manitoba, mais je ne sais pas si le mot « fardeau », c'est le mot exact. C'est la nature de la maladie, et elle devient un fardeau si le traitement est inadéquat. Nous savons que cette maladie comporte bon nombre de problèmes physiques.

M. Fransoo : C'est un terme couramment utilisé dans le milieu de l'épidémiologie. On a été surpris de constater qu'il y a en moyenne 5 millions de visites chez le médecin chaque année au Manitoba, où résident un million de personnes. De ce nombre, une visite sur dix concerne des problèmes de maladie mentale.

Le sénateur Johnson : Pourquoi êtes-vous surpris?

M. Fransoo : C'est le nombre élevé de 500 000 visites qui me surprend.

Le sénateur Johnson : C'est ce qui se produit dans le monde.

M. Fransoo : On se préoccupe également, surtout dans les régions rurales, du fait que le médecin ne nomme pas la maladie mentale.

Le sénateur Johnson : Je reviens à cette question de stigmates après chaque débat.

M. Fransoo : On pensait que le nombre serait plus petit, car même les médecins cachent ces éléments sous le tapis.

Le sénateur Johnson : Je ne veux pas être négatif à votre égard. Je crois simplement que même les expressions que nous utilisons dans ce genre de situation représentent une partie du problème.

Le fait de dévoiler le stigmate constitue le dernier obstacle, et cette étude aplanira, je l'espère, cet obstacle. Les gens doivent recevoir un traitement adéquat, et c'est difficile s'ils vivent à Fisher Branch et qu'ils font une dépression. S'ils vont voir leur médecin et qu'ils souffrent d'une migraine ou du syndrome du côlon irritable, ou d'autre chose, le médecin pourrait relier ces maladies à une maladie mentale. C'est ce que vous appelez des troubles multiples, ou une dépression, ou peu importe.

Mme Boscoe : Il est également difficile de toujours se fier aux données sur l'utilisation des services de santé dans ce domaine puisque bon nombre de cliniciens ne facturent pas un patient de façon volontaire ou ne parlent pas de ces choses en raison des droits de la protection des renseignements personnels. À la haute direction, on n'a certainement pas eu l'occasion de parler du dossier de facturation électronique. Je n'arrive pas à croire qu'on devrait l'imaginer comme un dossier électronique robuste. On ne trouvera pas ce genre de renseignements, car les fournisseurs et le public ne veulent pas que la maladie mentale soit consignée dans le dossier médical.

Le vice-président : Madame Boscoe, je crois que c'est possible, si le dossier appartient au patient, car celui-ci peut installer des pare-feu sur sa carte. Le patient devrait porter le dossier médical, qui devrait lui appartenir et être utilisé comme la carte bancaire. Il devrait donner les renseignements qu'il choisit de donner.

Ça me poursuit depuis 30 ans, et le problème, c'est que les établissements, les médecins, et ainsi de suite, veulent détenir le dossier du patient alors qu'ils n'en ont pas le droit; il appartient à ce dernier.

Mme Boscoe : J'ai abandonné cette bataille, mais je suis heureuse de voir que vous luttez toujours.

Le vice-président : Je vais devoir vous remercier et poursuivre le débat.

Mme Boscoe : Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de vous parler.

Mme Barbara Chatelain, témoignage à titre personnel : J'ai eu recours aux services en santé mentale; merci de me permettre de parler au nom de personnes qui vivent avec une maladie mentale. Je vais simplement vous lire rapidement ce que j'ai écrit, c'est très bref.

Le vice-président : Ne vous pressez pas. On va vous donner le temps dont vous avez besoin.

Mme Chatelain : Je suis ici pour vous proposer deux sujets qui, je crois, aideraient des personnes qui ont une maladie mentale à guérir et à rester en santé. J'ai moi-même une maladie mentale et je récupère bien. Étant donné que j'ai gagné cette bataille, qui était parfois extrême, j'ai l'impression que je peux parler de notre bien-être, au nom de ce groupe de personnes. Je n'ai reçu aucun soutien émotionnel de ma famille, j'ai survécu à une tentative de suicide, j'ai réglé mon problème d'alcoolisme et j'ai perdu ma mère, qui s'est suicidée quand j'avais 11 ans, mais je m'en suis sortie. À l'extérieur, on voit la société d'un œil craintif, peu importe où on regarde. Tous les efforts déployés pour réintégrer la personne qui a une maladie mentale à cette société sont bénéfiques, voire cruciaux pour sa qualité de vie.

Récemment, je suis devenue réceptionniste bénévole dans un studio d'art pour des artistes ayant une maladie mentale. C'est le Art Beat Studio. Il n'est pas du tout financé par le gouvernement. C'est le premier emploi que j'occupe en six ans, et je ne peux pas obtenir une carte d'autobus pour me rendre à cet endroit, où je pourrais peut-être obtenir un emploi rémunéré.

Je propose tout d'abord que toute personne ayant ce genre d'invalidité obtienne une carte d'autobus pour l'aider à réintégrer la société. Parfois, le seul fait d'être assis dans l'autobus avec d'autres personnes aide à éloigner la solitude.

La deuxième proposition que je fais concerne la création d'une maison pour régler des situations de crise, comme on en trouve en Angleterre. C'est-à-dire qu'une famille normale accueille une personne ayant une maladie mentale. Toute la famille reçoit une courte formation pour soutenir le participant et pour échanger simplement avec lui. La majorité des personnes ayant une maladie mentale n'ont pas de famille qui les soutienne ou, en raison d'une maladie qui se transmet de génération en génération, elles n'ont pas l'occasion de se trouver dans notre société ou elles ne savent pas comment se comporter en société.

Grâce à Dieu, à moi-même, aux cours, aux livres, aux médecins, aux bénévoles et au traitement continu, j'ai surmonté beaucoup de choses, mais la maison pour régler des situations de crise et la carte d'autobus auraient grandement accéléré ce processus.

Les personnes ayant une maladie mentale, une fois qu'elles sont guéries, c'est ce que j'appelle « avoir combattu ses démons », peuvent apporter la plus grande contribution puisqu'elles apprécient le fait d'être capables de travailler, d'être en société et de contribuer à notre société. Merci.

Le vice-président : Merci beaucoup de votre présence. Vous êtes très courageuse. Merci.

Mme Chatelain : Merci de m'avoir écoutée.

Sœur Johanna Jonker, à titre personnel : Je suis la coordonnatrice de la justice sociale pour l'archevêché de Winnipeg. L'année dernière, on m'a promis plus d'argent si j'arrivais à trouver un projet qui méritait du soutien. Après avoir fait beaucoup de recherches, j'en suis venue à la conclusion que, et j'ai interviewé beaucoup de différents PDG responsables d'organismes, la principale préoccupation concernait le manque de soutien à l'égard des personnes ayant une maladie mentale. C'est une évaluation de la situation faite par une amateur; je suis enseignante de métier et j'ai passé 40 ans dans une salle de cours.

Les personnes ayant une maladie mentale sont les principaux clients de nos soupes populaires. Ce sont surtout elles qui viennent aux centres d'accueil. Dans notre système carcéral, on évalue que ces personnes comptent pour 40 à 75 p. 100 de la population, et quelques arrestations sont simplement dues au fait qu'elle troublaient la paix, et on ne peut les aider autrement qu'en les emprisonnant. La moitié de nos sans-abri, c'est-à-dire environ 1 500 personnes, ont une maladie mentale.

Il y a peu de ressources disponibles pour les personnes ayant une maladie mentale. J'ai reçu un nombre assez élevé d'appels depuis que j'ai fait savoir que le diocèse était intéressé à aider, d'une façon ou d'une autre, les personnes ayant une maladie mentale. Il y a des personnes qui souffrent et des familles qui sont épuisées parce qu'elles ne savent pas comment avoir accès aux services, comment obtenir de l'aide. Je veux dire, c'est une situation tout simplement terrible pour les parents. Ils doivent avoir une recommandation pour voir un psychiatre. Comme vous le savez, les médecins de famille sont rares au Manitoba, ce qui fait que les personnes ayant une maladie mentale ont encore plus de difficultés à consulter un psychiatre.

Il y a d'autres types d'aide accessible aux personnes ayant une maladie mentale, mais la Manitoba Health Commission ne les couvre pas. Par conséquent, les psychologues et les conseillers sont hors de portée des gens souffrant d'une maladie mentale.

Il n'y a pas d'autre choix, sauf en ce qui concerne le modèle médical, mais le modèle médical est onéreux. Dans le cadre de ce modèle, on prescrit souvent des médicaments parce que cela semble la façon la plus simple de traiter la maladie. J'ai rencontré des jeunes hommes qui m'ont dit qu'ils n'iraient pas voir le médecin parce qu'il ne fait que prescrire des médicaments qui ne règlent pas le problème.

Les programmes existants qui fonctionnent sont sous-financés. Nous avons le programme PACT, le Program for Assertive Community Treatment (Programme de réadaptation communautaire dynamique), et nous avons un service d'intervention et de prévention précoces des troubles psychotiques. Aucun de ces programmes ne peut accepter de nouveaux patients, puisqu'il n'y a plus de place, et aucun ne peut recevoir davantage de financement pour accroître ses services.

Quelques personnes dans le milieu croient qu'il y a beaucoup de ressources communautaires accessibles. Les patients ou les personnes ayant une maladie mentale ou leur famille ne sont pas d'accord avec ça, autrement, je ne recevrais pas tous ces appels.

Il y a tout le problème de la Loi sur la protection des renseignements personnels, c'est-à-dire que les parents n'ont souvent pas le droit d'entendre les discussions concernant la maladie mentale parce que le jeune homme ou la jeune femme a plus de 18 ans et a le droit de refuser d'en parler à ses parents. Toutefois, ces personnes ne sont pas en mesure de faire des choix appropriés. On doit examiner ce problème.

Il y a des personnes qui tentent de réintégrer la société à la suite d'une maladie mentale. Mais il y a de véritables lacunes concernant la formation et les emplois, les emplois à temps partiel, tout emploi qu'elles sont capables d'occuper.

Il y a de véritables stigmates, qui sont causés en partie par un manque de sensibilisation, les gens ne savent pas ce que signifie la maladie mentale ou ne connaissent pas ses répercussions; par conséquent, ils ont peur de dire : « Regardez, je suis schizophrène. Si je dis des choses étranges, c'est à cause de la voix que j'entends dans ma tête. » Alors, vous les observez d'un drôle d'œil, et on rit d'eux, et ainsi de suite.

De plus, en raison de leur crainte concernant la divulgation de renseignements personnels, cela prend vraiment du temps avant qu'elles puissent recevoir un traitement approprié et opportun. On n'émet pas de diagnostic sur leur cas. On remarque l'absence d'un système intégré d'informations. L'ACSM a rédigé un guide des services offerts par le système de soins de santé mentale. Saviez-vous que ce guide contient plus de 200 numéros de téléphone? De plus, si vous étiez une personnes atteinte d'une maladie mentale ou une personne stressée, comment vous sentiriez-vous si vous deviez trouver un numéro parmi ces 200 numéros énumérés ou qu'un système automatisé vous répondait et que vous deviez appuyer sur le 1, sur le 2, sur le 3, et que vous en arriviez à vous dire que vous n'êtes pas si malade que ça.

L'autre enjeu consiste à adopter une approche d'équipe ou à avoir un membre de la famille ou un intervenant qui participe au programme de traitement. Vous savez, ces personnes ont besoin que quelqu'un parle en leur nom. Je vais vous parler d'une situation que j'ai vécue avec un jeune homme qui voulait se suicider. Je l'ai emmené à l'hôpital et je me suis présentée, et le médecin ne voulait pas vraiment que je participe à l'entrevue. Au bout du compte, le médecin a jugé qu'il n'était pas assez malade, qu'il n'allait pas se blesser ou blesser d'autres personnes. Ce n'était pas un psychiatre. Il a dit au jeune homme d'aller chez lui. J'y suis allée avec lui et j'ai fait en sorte qu'il rencontre un psychiatre le lendemain, et il est à l'hôpital depuis maintenant deux mois.

L'une des choses auxquelles j'ai pensé et qui est vraiment intéressante, c'est que les femmes ont accès aux ressources beaucoup plus facilement que les hommes. J'ai vécu la situation inverse. C'est probablement parce je ne suis pas une professionnelle. Les gens m'appellent et me disent toutes sortes de choses, mais ils coupent souvent court à la discussion lorsque je leur demande s'ils reçoivent de l'aide. Il y a quelque chose dans le fait de consulter un psychiatre, un psychologue ou un conseiller qui semble affecter les gens.

On dit qu'on peut être jugé d'après la façon dont on prend soin des plus faibles dans notre société. Je trouve ça très préoccupant et je suis heureuse du fait que l'Église aide maintenant ces personnes, car je crois qu'on doit absolument les intégrer à notre société et à nos églises puisqu'elles ont le droit, en tant qu'êtres humains, d'en faire partie.

Merci. Je suis désolée de vous faire rester si tard, mais je voulais vraiment profiter de l'occasion pour dire ce que j'avais à dire.

Le vice-président : C'est très bien, ma sœur. On va y arriver. Ne vous en faites pas. Merci beaucoup.

Le sénateur Pépin : C'est très important parce que vous êtes près de ces personnes; vous travaillez auprès d'elles. Je crois que c'est très important.

Merci d'être venue.

La séance est levée.


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