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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 21 - Témoignages du 9 juin 2005 - Séance du matin


EDMONTON, le jeudi 9 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 h 5 pour examiner la santé mentale et la maladie mentale.

[Traduction]

Le sénateur Cook : Bonjour à tous. Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie est heureuse de se trouver aujourd'hui à Edmonton. Je m'appelle Joan Cook et je suis membre du comité.

Notre président, le sénateur Michael Kirby, est absent pour des raisons indépendantes de sa volonté, alors nous allons commencer par élire un président pour ce matin.

Le sénateur Callbeck : Je propose que le sénateur Cook soit nommée président suppléant pour aujourd'hui.

Des voix : D'accord.

Le sénateur Joan Cook (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant : Notre premier témoin ce matin est Carmela Hutchison.

Mme Carmela Hutchison, présidente, Alberta Mental Health Self Help Network et le Réseau national pour la santé mentale : Bonjour, tout le monde. C'est un honneur pour moi d'être ici.

Je suis présidente du Réseau national pour la santé mentale. Je suis également présidente de l'Alberta Mental Health Self Help Network. Je vais vous dire quelques mots au sujet des deux organisations, après quoi je vous entretiendrai de ce dont le sénateur Kirby m'a demandé de traiter, soit les mécanismes de financement pour les organisations de soutien par des pairs ou organisations de consommateurs. Je vais parcourir très rapidement ce que font le Réseau national et l'Alberta Network car cela figure dans ma déclaration et j'aimerais favoriser le dialogue. J'espère que nous aurons l'occasion de beaucoup dialoguer entre nous. Je vais donc passer très rapidement à travers mon exposé.

Le Réseau national pour la santé mentale a pour objet de défendre, d'éduquer et de fournir compétences et ressources en vue de l'amélioration de la santé et du bien-être de la communauté canadienne de survivants/ consommateurs de services de santé mentale. Le Réseau national crée et met à l'épreuve desmodèles de développement et de soutien économique aux survivants/consommateurs de services de santé mentale qui intègrent ou réintègrent le marché du travail.

Je suis très heureuse d'annoncer que nous avons un site Calgary BUILT Network qui est un site d'emploi assisté qui a tout juste ouvert le 1er mai de cette année, devenant notre cinquième site à l'échelle du pays. Il offre un programme de formation de six semaines et comporte un volet centre d'appels, un volet service à la clientèle et un volet formation en informatique. Ces sites affichent un très fort taux de réussite. Au site de North Bay, en l'espace d'une année seulement, ils ont reçu un million de dollars en avantages sociaux auxquels est venue s'ajouter l'assiette fiscale correspondant aux salaires gagnés par les clients.

Il s'agit d'un merveilleux programme. Le gestionnaire du programme, David Gallson, est un amputé des deux membres. Pour obtenir des fonds pour le premier site BUILT Network, il a en fait emmené les gens de North Bay laver des voitures, ce pour ramasser suffisamment d'argent pour acheter les premiers ordinateurs. C'est une histoire formidable et nous comptons maintenant six sites à travers le pays et bénéficions d'un financement de Développement social Canada. C'est une formidable histoire de réussite et je suis très heureuse de vous en faire l'annonce ici.

Nous créons et fournissons des possibilités de formation en renforcement des capacités, de développement de capacités, et d'éducation en matière d'outils de création de capacités dans le domaine de la santé mentale. Ces outils aident les gens à défendre leurs intérêts et ceux d'autres et les préparent à participer à différents groupes de travail et comités, par exemple en comparaissant devant vous, comme je le fais aujourd'hui, et à participer à des événements semblables qui nous permettent de nous engager dans le processus gouvernemental.

Nous œuvrons aux côtés des pouvoirs publics pour apporter des changements aux lois existantes en vue de l'amélioration du secteur bénévole. Nous nous efforçons par ailleurs de servir les besoins des survivants/ consommateurs des services de santé mentale en jouant le rôle de distributeurs d'information au niveau national et en créant des occasions d'engager à l'échelle nationale les fournisseurs de services publics généraux, les gouvernements et les survivants/consommateurs de services de santé mentale. Nous travaillons également aux côtés d'autres organisations non gouvernementales en vue du développement des capacités du secteur bénévole et de la communauté de la santé mentale, des maladies mentales et des déficiences.

Nous avons tout récemment lancé la Coalition for Alternatives in Mental Health. Trente organisations ont participé à ce processus et continuent de se rencontrer afin que le Réseau national soit leur voix en ce qui concerne leurs politiques.

Nous travaillons également avec d'autres organisations. Nous sommes un des membres fondateurs de la Canadian Alliance on Mental Health and Mental Illness et membre du conseil d'administration du Conseil des Canadiens avec déficiences.

Comme je viens de le dire, nous avons fondé la Canadian Coalition of Alternative Mental Health Resources. Je vous ai également parlé du BUILT Network. Nous avons des partenariats avec divers établissements en vue de recherche sur des politiques et des processus, mais non pas sur des produits. Un de ces partenariats que je suis très heureuse d'annoncer est que l'Université de Calgary nous a demandé de participer avec elle à un projet de recherche sur l'emploi assisté. Bien sûr, maintenant que nous avons un site là-bas, ce sera formidable car nous pourrons jouer un rôle très actif dans le cadre de ce projet.

Je vais maintenant passer à l'Alberta Mental Health Self-Help Network. Notre énoncé de mission dit que nous sommes une organisation provinciale qui se consacre à améliorer la qualité de vie des consommateurs de services en santé mentale en Alberta en favorisant l'auto-assistance et l'entraide et en faisant la promotion du respect de soi grâce à des réalisations concrètes. En effet, l'une des meilleures façons d'atténuer le stigmate est de le combattre à l'intérieur de nous-mêmes, et cela est très important.

Nous comptons 2 200 membres, ce qui fait de nous l'une des plus grosses organisations de consommateurs de services en santé mentale au pays, après le Nouveau-Brunswick. Nous avons été accrédités au niveau national pour livrer de la formation en leadership et en développement de capacités pour les consommateurs. Nous avons un bulletin de nouvelles qui a un tirage de 3 000.

Nous avons obtenu une reconnaissance internationale par le biais du projet canado-russe sur la réforme en matière de déficiences et de santé mentale. Je siège au comité en tant que conseillère, et dans le cadre de l'élargissement de ce processus on m'a invitée à prononcer un discours à la conférence tri-nationale sur la réadaptation. En juillet 2005, nous allons commencer à travailler avec la Faculty of Community Rehabilitation and Disability Studies de l'Université de Calgary.

Nous offrons des stages pratiques à des étudiants de divers établissements accrédités. C'est ainsi que des étudiants en soins infirmiers de niveau post-élémentaire de Mount Royal, des étudiants en soins infirmiers de l'Université de l'Alberta et des étudiants en ergothérapie de l'Université de l'Alberta viennent passer du temps avec nous. L'une des choses qu'ils trouvent les plus fascinantes est la différence entre ce qu'ils voient à l'hôpital et ce qu'ils constatent chez les consommateurs de services en santé mentale vivant dans la communauté car, bien sûr, nous nous présentons différemment dans ce contexte.

Nous siégeons également à l'Alberta Alliance of Mental Illness and Mental Health. Nous sommes également membres de l'Alberta Disabilities Forum. Nombre de nos membres ont occupé des postes d'administrateur et de cadre au Réseau national pour la santé mentale.

En 1998, nous avons effectué une évaluation des besoins appelée Listening to the Folks et nous nous sommes rendusdans chaque région de la province. Nous avons sept administrateurs élus et nous sommes allés dans chacune des régions. Les principales régions ayant besoin de services ont été identifiées — et cela n'a pas changé. Même si l'année 1998 semble loin derrière nous, ces besoins n'ont pas changé.

C'est pourquoi nous sommes tous ici, bien sûr, car il nous faut faire du très sérieux travail en vue de remanier notre système de santé mentale. Cependant, ce qu'il nous faut définitivement c'est du financement, et je vous entretiendrai plus tard de mécanismes de livraison de ce financement.

Pour ce qui est de leadership et de développement de capacités, il nous faut les compétences d'un directeur administratif ainsi qu'un programme de fonds de développement, ce qui est essentiel. Il faut un appui constant pour les consommateurs de services de santé mentale qui tentent d'établir une participation dans nos régions, car ils ont besoin d'aide. C'est ainsi que nous avons des gens en place à Grande Prairie, à Fort McMurray, bien que le poste soit pour le moment vacant, à Calgary, à Edmonton, à Medicine Hat et à Lethbridge. Les équipes sont composées d'une seule personne avec un remplaçant, et elles ne disposent d'aucune ressource. Tout ce qu'elles font dans leur région est le fruit de leurs propres efforts. Il serait bien qu'elles aient des ressources qu'elles puissent utiliser et des outils tels qu'elles puissent travailler avec les gens dans leurs propres communautés.

Nous faisons de l'éducation par le biais de stages de recherche, de présentations, d'ateliers et de bulletins de nouvelles, et il y a une demande constante de services.

En ce qui concerne l'aide dans le cadre du continuum de soins, l'extension hospitalière et l'offre de trousses d'aide aux patients nouvellement diagnostiqués ou aux malades sortants seraient des choses que nous aimerions énormément faire. Nous ne faisons pas encore cela, mais nous aimerions beaucoup pouvoir offrir cela en milieu hospitalier, tout comme lorsque vous faites de la rééducation cardiaque on vous remet un petit coussin cousu en forme de cœur et une liste de groupes de soutien. Nous aimerions pouvoir offrir quelque chose comme cela aux patients des unités psychiatriques. Nous aimerions également leur offrir de l'aide lorsqu'ils doivent remplir des formulaires pour un remplacement du revenu, une résidence ou un quelconque autre besoin. Nous aimerions également pouvoir être présents lors des appels en matière d'AISH — c'est-à-dire le programme Assistance Income for the Severely Handicapped.

Si vous pensez planche à neige, je serais sans doute du côté extrême du sport. La chose la plus extrême que j'aie sans doute jamais faite dans mon travail d'intervention concerne une affaire qui nous occupe au sein de notre communauté. Il s'agit d'un pharmacien qui est handicapé et dont l'avocat l'a renvoyé au beau milieu d'une action avec sa société d'assurance. Leur expert a déterminé qu'il était handicapé avec trouble bipolaire mais qu'il n'avait pas un trouble de la personnalité sous-jacent. Cependant, cela est venu après huit années et demie de poursuites. Après cela, sans être avocate, j'ai dû le retirer de deux examens médicaux.

Nous défendons son cas devant la Cour du Banc de la Reine. Cela a été l'une des expériences les plus terrifiantes de toute ma vie. J'espérais tout le temps que le juge me crie, « Trouvez un avocat pour cet homme », mais je n'ai pas réussi à en trouver un pour Noël. L'avocat dont nous voulions retenir les services nous a dit en gros qu'au point où nous en étions dans l'affaire, il serait préférable que l'on se débrouille sans avocat.

C'est sans doute là le cas le plus extrême de mon travail d'intervention. J'espère ne jamais avoir à refaire cela. Cependant, pour cet homme, c'est la différence entre avoir un revenu de plusieurs milliers de dollars par mois et vivre dans la rue. Il est très important que quelqu'un le défende dans cette affaire. À mon avis, le travail d'intervention montre vraiment qu'il a du cœur lorsqu'une personne est prête à se tenir à côté d'une autre et de dire « J'appuie cette personne dans ce processus », et cela accorde une certaine crédibilité à sa démarche.

Il nous faut une participation et une collaboration continues en vue de bâtir une province solide. Je suis très excitée par le fait que le gouvernement fédéral et le Sénat montent dans le train afin que nous puissions faire ce qu'il faut à l'échelle du pays. L'inclusion communautaire est importante afin que tous nos citoyens contribuent leur maximum.

La santé mentale est un gros dossier. Les gens veulent savoir à quel point il est gros. Ils veulent savoir combien de personnes sont touchées. C'est une pandémie. C'est une pandémie dans notre monde, et elle se répand très rapidement. Le Canada n'est pas immunisé.

L'Organisation mondiale de la Santé dit de la maladie mentale qu'elle est la deuxième cause d'incapacité et de mort prématurée dans les pays industrialisés. D'ici l'an 2020, la dépression sera devenue la première cause d'incapacité, dépassant même la cardiopathie ischémique.

Au Canada, 6 501 575 personnes, soit 20 p. 100 detous les citoyens, souffriront d'une maladie mentale.Encore 20 p. 100 souffriront d'un problème d'abus de substances. La moitié des personnes atteintes de maladie mentale grave et persistante auront à un moment donné dans leur vie un problème d'abus de substances.

Environ la moitié de toutes les visites médicales débouchant sur un diagnostic de problème de santé mentale intéressent des médecins qui ne sont pas psychiatres. Si vous avez un quelconque autre problème de santé, vous êtes en règle générale vu ou évalué au moins une fois par un spécialiste dans le domaine concerné.

En ce qui concerne les médicaments utilisés en psychiatrie, nous nous rendons compte que les gens ne savent pas toujours comment ils fonctionnent. Nous intervenons dans le cerveau des gens, mais nous ne savons pas forcément avec quoi. Pour moi, il est très important que les personnes qui prennent des médicaments aient à un moment donné un entretien avec un psychiatre qui passe en revue avec eux leur programme de soins.

En Alberta, 581 176 personnes, soit, encore une fois,20 p. 100 de la population, vivent avec une maladie mentale. Pendant l'exercice financier 2003-2004, 500 000 Albertains,soit 17 p. 100 de la population, ont été traités par unmédecin pour un problème de santé mentale. Trente-neuf pour cent de toutes les facturations par des médecins concernaientdes problèmes de santé mentale. Dans notre province, environ472 millions de fonds publics sont consacrés à la prestation de services.

Nous avons une crise commune et un certain nombre de défis communs. En 2002, 27 000 personnes ont bénéficié de l'AISH,et environ 6 600 personnes, soit 27 p. 100, ont reçu del'AISH pour des raisons de maladie mentale. En 2003, quelque30 000 personnes ont reçu de l'AISH, 9 030, soit 31 p. 100 d'entre elles, bénéficiant de cette aide pour des raisons de maladie mentale.

En 2004, 32 000 personnes ont reçu de l'AISH, 10 240 d'entre elles pour des raisons de maladie mentale. Chaque année,450 personnes meurent de suicide en Alberta, et ce taux est stable depuis quelques années. La seule autre province qui affiche un taux de suicide supérieur est le Québec.

Le sénateur Cordy : Qu'est-ce que l'AISH?

Mme Hutchison : Le sigle AISH correspond à Assured Income for the Severely Handicapped. C'est semblable au DBII, en Colombie-Britannique, et au POSPH, ou Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées.

Malgré la détresse qu'amène souvent la maladie mentale, seules 32 p. 100 des personnes ayant des sentiments ou des symptômes correspondant aux troubles mentaux ou aux accoutumances répertoriés dans le sondage avaient consulté un professionnel des soins de santé pendant les 12 mois antérieurs au sondage. Comptaient parmi ces professionnels psychiatres, médecins de famille, médecins spécialistes, psychologues ou infirmières. Ce chiffre provient du Quotidien de Statistique Canada.

Cinquante pour cent de toutes les personnes atteintes de maladie mentale vivront à un moment ou à un autre dans leur vie un problème de toxicomanie. Cinq pour cent despersonnes interrogées dans le cadre de l'étude de Statistique Canada avaient pris contact avec un groupe d'auto-assistance. Encore 2 p. 100 avaient recouru à un groupe de soutien sur Internet.

Cela montre que les gens se tournent définitivement vers la communauté de consommateurs pour trouver des solutions de rechange viables — pas pour remplacer de bons soins de santé, mais pour les aider à composer avec leurs problèmes et à comprendre comment vivre avec leur maladie. Leur rendez-vous hebdomadaire dure une heure, mais il leur reste encore dans la semaine encore 167 heures à faire en se demandant comment ils vont vivre en attendant la visite suivante.

Si l'on compare les taux de décès — et lorsque j'ai fait ce travail, avant de me pencher sur les statistiques, je m'étais attendue à ce que la situation soit assez semblable pour le sida et la maladie mentale. Je me suis rendue sur le site Web de Calgary AIDS, et il me faut vous dire que j'ai été choquée.De 1980 à aujourd'hui, soit au cours d'une période d'environ25 ans, 14 300 Canadiens sont morts pour une raison liée au sida. À raison de 4 000 décès par suicide par an au Canada, sur 25 ans cela donne 100 000 citoyens qui nous ont été enlevés par le suicide.

En Alberta, 445 Albertains sont morts de causes associées au VIH entre 1980 et aujourd'hui. Depuis 1980, 11 250 Albertains sont morts de suicide. Nous savons que le taux annuel d'environ 450 personnes mourant en Alberta du sida ou de maladies associées au VIH est demeuré relativement stable au cours de la période.

Le message clé que nous pouvons tirer de ces statistiques est que lorsque le gouvernement tout entier et ses citoyens s'engagent en vue de l'élimination d'un problème de santé dans la population, le nombre de décès peut être réduit. Nous le savons. Je citerai à titre de preuve supplémentaire l'élimination de la variole et de la polio. Lorsque tout le monde travaille ensemble, lorsque tout le monde est uni, nous pouvons changer les choses.

Une crise, bien sûr, c'est un mélange de danger et d'opportunité. En chinois, il y a ce petit caractère qui est là pour nous rappeler à tous qu'il est possible d'améliorer la santé des citoyens. Nous avons une grande synergie positive.

Les temps que nous vivons sont très excitants côté maladie mentale. Il y a eu, tout d'abord, l'adoption de la résolution à la Chambre des communes le 8 juin, visant la santé mentale et la maladie mentale, la maladie du cœur et le cancer et demandant qu'il y ait une collaboration fédérale-provinciale-territoriale-municipale. Le ministre, M. Ujal Dosanjh, a récemment prononcé un discours très marquant sur la santé mentale en Colombie-Britannique. Bien sûr, il y a le Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie qui, comme me l'ont dit beaucoup de gens lorsqu'ils ont appris que je venais comparaître ici devant lui, ne reviendra pas par ici pendant cette génération. Nous vous encourageons à poursuivre ce travail et espérons que votre rapport deviendra véritablement un document vivant, comme l'a promis le sénateur Kirby, et non pas encore une autre étude qui ramasse la poussière sur une étagère. J'espère que l'adoption de la résolution à la Chambre des communes veillera à ce que cela arrive et à ce que tous les partis interviennent. Ce serait formidable.

Nous avons également le Collaborative Mental Health Initiative Workshop. Ce forum aura lieu le lundi 13 juin,de 8 h 30 à 16 h, au Delta Edmonton Centre. L'an dernier, on a eu le Provincial Mental Health Plan de l'Alberta Mental Health Board. La Calgary Regional Health Authority a élaboré son plan et je le porte à l'attention de tout le monde car voici ce qu'ils ont fait : au lieu de cibler des groupes particuliers, tels les enfants, les personnes âgées ou les Autochtones, ils ont pris tout le continuum de soins et ont dit, « Si nous examinons tout le monde du point de vue prévention, traitement, diagnostic, soins tertiaires et retour dans la communauté, alors nous couvrirons tout le monde ». Voilà quelle a été leur approche. Il s'agit de l'une des premières régions à élaborer un plan très exhaustif et à consentir de très importants engagements financiers, avant même de savoir quel serait le financement provincial.

En ce qui concerne l'examen des personnes à faible revenu et le processus d'examen de l'AISH, il nous faut viser la propriété de son lieu de résidence et l'assurance que nous aurons tous accès à tous les déterminants de la santé. Selon Santé Canada, comptent parmi ces déterminants de la santé le logement, l'alimentation, les réseaux de soutien social, l'accès aux soins, la capacité de participer à des activités sociales dans la communauté et d'autres choses encore.

Il y a également certains risques au fil de ce processus. Je suis très inquiète, bien sûr, quant à l'absence de volonté ou de collaboration de la part du gouvernement. J'espère vraiment que nous pourrons poursuivre ce processus jusqu'à la fin de ces audiences et jusqu'à l'adoption d'une loi. Je dirais en fait à tout le monde que si l'on pouvait placer notre santé au-dessus de la politique, alors ce serait une très belle chose. Cela ne fonctionne pas d'omettre du plan certains aspects importants en pensant que cela viendra plus tard; cela ne fonctionnera pas. Nous avons vécu cela fois après fois avec diverses initiatives pour les consommateurs. Cette initiative n'a pas abouti dans le plan stratégique de l'Alberta Alliance on Mental Illness and Mental Health; elle n'a pas abouti dans le m Mental Health Plan. Je suis très heureuse de voir que le sénateur Kirby l'inclut dans son plan. Il appelle bien sûr cela le « soutien par les pairs ». Nous, nous appelons cela organisations de consommateurs. Dans un cas comme dans l'autre, si nous pouvions obtenir les ressources dont nous avons besoin pour poursuivre notre travail, alors ce serait vraiment formidable, et ce serait merveilleux de voir cela d'un bout à l'autre du pays.

L'une des plus grosses difficultés côté collaboration réside dans le fait qu'au Réseau national nous sommes financés par Développement social Canada, tandis qu'ici en Alberta, nous sommes financés par l'Alberta Health. Il n'y a pas moyen d'assurer une fluidité entre organisations. Lorsque vous m'entendez parler, vous vous imaginez peut-être que le flux de l'Alberta coule dans le flux au niveau national et qu'il en est de même pour toutes les provinces. Il n'y a en fait que trois provinces qui ont une organisation provinciale : le Nouveau-Brunswick, nous-mêmes et la Colombie- Britannique, je pense, qui se lance tout juste. Or, il y a en Ontario 60 initiatives de développement de pairs, et elles relèvent de l'OPDI, c'est-à-dire l'Ontario Peer Development Initiative, mais elles ne s'inscrivent pas véritablement dans une association provinciale.

Il nous faut veiller à ce que ces éléments qui sont vraiment importants soient inscrits dans ces plans dès le départ, car si nous les laissons de côté, alors l'occasion de les y inclure ne se représente pas. Bien sûr, j'ai encore une fois battu le tambour au sujet d'élections, alors je vais laisser cela de côté.

Parlant maintenant de l'absence de ressources et de financement adéquats pour appuyer des changements de fond et de l'échec qui a été enregistré s'agissant de veiller à ce que les besoins de toutes les personnes présentant des troubles complexes soient satisfaits, je suis pour ma part une personne qui aujourd'hui ne voit pas pleinement respectés dans ce pays ses droits de la personne. Je n'ai aucun accès à un traitement qui soit subventionné par l'État. Je souffre de trouble de personnalité multiple, aujourd'hui appelé trouble dissociatif de l'identité, mais je suis têtue et j'utilise l'ancien terme. Parce que je suis également une survivante d'abus, je n'ai pas accès à des traitements financés par les deniers publics et il me faut payer 100 $ de l'heure chaque fois que je consulte un thérapeute. Et si je ne paye que cemontant-là, c'est que j'ai commencé en 1995 et que c'était alors le tarif de l'APA. Mon thérapeute n'augmente pas son tarif. Lorsque vous commencez, votre tarif reste le même pour aussi longtemps que vous le consultez. Cependant, le tarif actuel que paierait quelqu'un d'autre avec le même diagnostic que moi serait d'entre 125 $ et 150 $ de l'heure.

Les tarifs, la question des tarifs pour les traitements dans notre catégorie de diagnostic, sont autant un problème que si nous vivions aux États-Unis. C'est très grave car il nous faut vraiment conserver notre Loi canadienne sur la santé et avoir droit à des soins de santé universels. Il est important que nous ayons cela. Or, nous sommes en train de le perdre, petit à petit. Il nous faut nous battre pour conserver cela.

Pour ce qui est de ma propre situation, du fait que je présente 16 états pathologiques, je n'ai pas pu obtenir de thérapie de rééducation financée par les deniers publics. Le Foothills Hospital a refusé de me voir, ce en dépit du fait que je n'aie jamais présenté de comportement à risque qui aurait justifié mon renvoi d'une clinique : je ne me suis jamais blessée, je n'ai jamais été agressive; je n'ai jamais eu de problème d'abus de substances. Pourtant, je ne parviens pas à ne faire soigner. J'ai même, pour mon évaluation en vue d'obtenir ma marchette, dû payer de ma poche un ergothérapeute privé qui demande 64 $ de l'heure.

Les organisations adaptées aux consommateurs de services de santé mentale ont joué un rôle très important dans mon propre rétablissement. Je n'aurais pas trouvé mon actuel thérapeute sans aide. Dans le cas du psychiatre et du psychologue que je voyais avant de consulter mon actuel thérapeute, je leur ai donné à chacun une carte disant : « Écoutez, si vous ne savez pas de quoi je souffre, voici une liste des spécialistes aux États-Unis et au Canada. Appelez-les ». Au bout d'un an, ils n'avaient toujours pas téléphoné. Ils m'ont dit, « Nous ne savons pas quoi faire de vous ». J'ai alors entrepris de téléphoner partout en Amérique du Nord et j'ai reçu de l'aide par le biais, en gros, de mon groupe de soutien de consommateurs, Adults Anonymous, pour personnes ayant été agressées sexuellement pendant leur enfance. C'était un programme à 12 étapes au cours duquel quelqu'un a dit, « Je connais quelqu'un qui acceptera sans doute de te voir », et j'ai eu de la chance et c'est ce qui s'est passé.

En ce qui concerne les organisations de consommateurs, il est très important de faire cette distinction. Il existe de nombreuses organisations de santé mentale qui font de l'excellent travail, mais les organisations de consommateurs sont à proprement parler des groupes dont tout le personnel, toute la gouvernance et tous les membres sont des consommateurs de services de santé mentale. Il s'agit là d'une distinction qu'il est extrêmement important de faire.

Il nous faut un peu plus que de nous faire offrir — certains d'entre nous — une sortie de pizza ou une boisson gazeuse et des grignotines et un film au cinéma. Il nous faut pouvoir faire des choses, comme ce que je fais ici aujourd'hui en comparaissant devant vous, et dans certains contextes nous n'y serions pas autorisés.

Pour ce qui est d'initiatives de consommateurs, nous pouvons accompagner le consommateur tout au long du continuum de soins. J'ai volé le plan de la Calgary Regional Health Authority. Vous verrez du côté gauche de la page les titres au sujet de prévention et de promotion. À ce niveau-là, nous pouvons faire de l'éducation publique, de l'information et du renvoi.Nous pouvons indiquer aux gens les ressources dont ils auront peut-être besoin. Pour ce qui est de l'intervention précoce, nous pouvons faire des renvois. Nous pouvons accompagner les gens à leurs rendez-vous. Nous pouvons les aider à élaborer un plan de prévention de rechute. Nous pouvons leur demander, « Quel est ton plan de sécurité? »

En ce qui concerne l'intervention en situation de crise, nous pouvons activer l'EMS au besoin. Nous pouvons aider les gens à trouver l'agence qui pourra leur venir en aide. Nous pouvons les aider à tenter de régler leurs besoins immédiats. Parfois lorsqu'une personne a une maladie mentale, le traitement est presque accessoire et ce qui est urgent ce sont le logement, l'alimentation, le transport, les services de garde d'enfant s'il y a des enfants, l'habillement et la protection du revenu. Ces aspects deviennent nos plus grosses urgences.

D'autre part, au niveau soins actifs pour personnes hospitalisées, nous pouvons faire des visites à l'hôpital. Nous pouvons assurer le lien à la communauté. Nous pouvons aider les gens avec leurs directives personnelles et, encore une fois, les doter de ce très important programme de prévention de rechute. C'est pendant que la personne est à l'hôpital qu'il lui faut se demander quelles sont les choses qui lui indiquent à elle et à son médecin qu'elle redevient malade et qu'il est temps qu'il y ait une certaine forme d'intervention, ou peut-être des rendez-vous plus rapprochés. En d'autres termes, quel est le plan de la personne pour rester à l'extérieur de l'hôpital et comment pouvons-nous travailler avec nos médecins en ce sens?

Encore une fois, nous pouvons aider les gens en les accompagnant à leurs rendez-vous, à la pharmacie, en les aidant à organiser leurs dosettes, les aider avec leur routine quotidienne. Information, éducation et soutien du revenu. Nous pouvons aider les gens à remplir tous ces formulaires et accompagner le consommateur tout au long du continuum de soins. Nous pouvons être là pour lui avant, pendant et après son traitement d'une façon que ne peut pas le système de traitement traditionnel car nous nous inscrivons dans une relation aidante, qui a un début, un milieu et une fin.

Côté maintien et soutien, nous pouvons participer à toutes sortes de groupes de soutien. Nous avons des programmes de soutien, d'emploi et d'entrepreneurship, ainsi que de formation en développement de capacités. S'il y avait eu un financement, nous aurions pu offrir une formation en développement de capacités à toutes les personnes sortant d'établissements de soins régis par la Calgary Regional Health Authority. Le seul problème est qu'il y a 3 800 patients sortants par an et que l'on ne nous donne aucun budget. Nous disposons d'environ 73 000 $ pour toute l'année et pour toute la province.

Le mouvement des consommateurs de services de santé mentale jouit cependant de certains avantages. Nous avons une certaine valeur. Une étude menée par le Dr Chue et leDr Austin Mardon a fait ressortir que les groupesd'auto- assistance gérés par des consommateurs de services de santé mentale réduisent le nombre d'hospitalisations et réduisent la durée de séjour d'un patient hospitalisé pour rechute. Je vous ai déjà parlé du réseau BUILT Network.

Je vais maintenant vous parler des barrières à la participation de consommateurs de services de santé mentale aux conseils et comités. Je m'appuie ici sur un document intitulé « Canada's Mental Health », publié en juin 1989. Le malheur est que ce que renferme ce document est toujours opportun aujourd'hui.

L'un des plus gros problèmes, lorsque nous réussissons à obtenir une représentation au sein de conseils et de comités, est qu'il y a une incongruité entre les valeurs établies et la pratique déclarée. Tout le monde veut inclure les consommateurs, mais parfois les choses se perdent, parfois le message perd quelque chose à la traduction, et parfois ce sont les professionnels et les citoyens qui s'y perdent dans la traduction. Il nous faut tous travailler très fort en ce sens et veiller à être inclusifs.

Croyez-le ou non, cela est même arrivé à l'Université de Calgary. À un moment donné, un psychiatre russe filmait une séance afin de pouvoir montrer cela chez lui. Il s'est éloigné de la caméra et a dit, « Je suis en train de regarder à travers une lentille différente. Je suis un participant mais je suis également un observateur ». Il a déclaré, « Ce que je remarque c'est que même pendant que nous parlons » — parce que le sujet était l'inclusion communautaire — « même pendant que nous parlons de l'inclusion communautaire des consommateurs, nous les traitons sans trop leur faire attention, nous leur coupons la parole lorsqu'ils parlent. L'on peut voir dans leur langage corporel qu'ils se retranchent de plus en plus à l'intérieur d'eux-mêmes ». Oui, c'était très intéressant qu'il fasse cette observation, car il a vraiment mis le doigt sur le bobo.

Les gens ne le font pas délibérément, mais cela arrive, et il nous faut être sur nos gardes contre cela. D'autre part, lorsqu'une personne a été de nombreuses fois malmenée par le système, il y a souvent un mur de colère que les gens doivent essayer de contourner. Encore une fois, il y a des barrières. La politique de coopération symbolique, par exemple, qui renvoie au nombre de personnes et au niveau de responsabilité attribué. L'on invite de plus en plus de consommateurs à donner des conseils, mais il n'y a pas beaucoup d'endroits où nous ayons un vote à la table. Je demanderai donc au comité sénatorial, dans le cadre de ses délibérations, d'envisager la possibilité d'inviter des consommateurs à leur table à différents stades du processus lors de la rédaction du rapport final.

Il faudra peut-être une approche d'action positive. Il avait été recommandé en 1989 que l'on utilise une formule de représentation des consommateurs de 30 à 50 p. 100, même si l'on commençait à encourager également la création de conseils gérés entièrement par des consommateurs. Il est intéressant que la stratégie nationale pour le sida ait recommandé ce chiffre de 30 à 50 p. 100 pour ses organisations de consommateurs.

La politique de pure forme surgit en général lorsque les organisations craignent de remettre le moindre pouvoir discrétionnaire aux mains des consommateurs. Nous espérons qu'étant donné notre dossier nous aurons aujourd'hui réussi à dissiper certaines de ces craintes.

Il y a des obstacles à la participation de consommateurs de services de santé mentale aux conseils et aux comités, et l'un d'entre eux est le manque de représentation. La communauté de la santé mentale est diverse. Et ce n'est pas parce que vous avez contacté un consommateur que vous connaissez l'opinion du mouvement tout entier. Il faut l'intervention de tous les secteurs de la communauté de santé mentale, les différents groupes ethniques, la communauté des gais, lesbiennes, bisexuels et transgenderistes, le secteur autochtone et d'autres groupes marginalisés.

Il existe de nombreuses catégories diagnostiquées. Il y a mon propre exemple, et il y a également le cas des personnes atteintes de trouble obsessivo-compulsif, qui recherchent des ressources mais qui n'en trouvent pas.

Il y a des barrières : encore une fois, la tension de rôle. Ce sont des fonctions et des rôles appris à l'extérieur de la communauté et qui ont une incidence sur le rendement de son rôle approprié au sein de la communauté. Il est très difficile pour les professionnels de s'extraire de leur rôle thérapeutique. L'une des expériences les plus drôles que j'aie vécues dans ce genre de situation concerne une très proche amie à moi qui est quadriplégique et qui conduit une camionnette spécialement équipée. Lorsque nous sommes allés à la conférence trinationale, qui réunissait principalement des ergothérapeutes, tous ces gens étaient angoissés et culpabilisaient à l'idée de devoir accepter d'être reconduits par cette femme, puisqu'elle était chauffeur bénévole. Voilà donc un exemple du genre de situation qu'il est parfois intéressant de regarder, car cela paraît si difficile pour les gens de sortir de leur rôle.

Même en tant que leader consommateur, c'est parfois très difficile lorsque les bénévoles et le personnel avec lesquels nous travaillons vivent des difficultés avec leur santé mentale. C'est alors qu'en plus de mon rôle de gestionnaire, il me faut m'occuper d'essayer d'obtenir des services pour eux. Cela fractionne encore davantage ce que nous nous efforçons de faire avec nos ressources limitées. Cela a également été frustrant au sein de conseils auxquels j'ai siégé avec des travailleurs sociaux, lorsque tout d'un coup quelqu'un du comité a un problème et les travailleurs sociaux y sont pris jusqu'au cou, ce qui ralentit le travail du comité.

Ce que nous nous efforçons de faire dans nos organisations de consommateurs pour contrer cette situation est d'encourager ceux chez qui il se développe des problèmes à se joindre à une autre organisation qui saura satisfaire leurs besoins. Ainsi, lorsque ces personnes viennent faire du bénévolat, elles sont là en tant que bénévoles. Il nous faut dresser des limites, et cela pose parfois problème.

Pour ce qui est des barrières, encore une fois, l'un des problèmes est celui de la communication. La variété d'antécédents et de niveaux d'instruction ainsi que les différents schémas de mal-être et de bien-être créeront des barrières de communication. Le niveau d'alphabétisation est un problème. J'ai une personne qui souffre d'une dyslexie profonde, et lorsque vous lui tendez 100 pages de documents, c'est comme de la torture pour lui. Il faut également savoir que certains médicaments peuvent modifier la vue de certaines personnes.

Une nouvelle question qui émerge est l'accès à diverses nouvelles technologies et la capacité de les utiliser. Cela est en train de devenir un obstacle très réel pour certaines des voix que nous prisons le plus. Nous avons au sein de notre réseau des voix qui sont là depuis 20 ans. Ces personnes ont des choses très valables à dire. Mais parce qu'elles ne sont pas branchées et par ce qu'il vous faut communiquer avec elles par télécopieur, cela demande du temps, et c'est ainsi qu'il arrive souvent que ces personnes soient mises à l'écart de la boucle. C'est là une travestie.

Je sais qu'en ce qui me concerne je suis arrivée dans ce mouvement sans savoir comment utiliser un ordinateur, et l'été dernier, en plus d'écrire des affidavits, j'ai appris à utiliser PowerPoint et à mettre les petites lignes sur les côtés. C'est tout un défi de se tenir à jour. Je me suis un jour trouvée dans une salle de réunion et j'avais à l'époque un vieil ordinateur, et une autre consommatrice avait un très bon ordinateur, mais parce qu'elle était absente, j'ai fait le procès- verbal sur mon ancien ordinateur. Et tout au long du processus, il y avait une personne qui ne cessait de répéter « Ça se voit que ce n'est pas l'ordinateur de Marilyn ». C'était gênant. Ça vous donne envie de dire, « Écoutez les gars, nous sommes pauvres ici ». C'est en fait très parlant : les gens veulent la technologie, mais comment faire pour la fournir?Cela coûte cher. Comment une personne qui se débrouille avec 950 $ par mois en AISH peut-elle tout d'un coup se permettre un abonnement à l'Internet haute vitesse? Ce sont de sérieuses questions. Il doit y avoir moyen de rendre cela abordable pour que nos gens puissent participer.

Ceci m'amène aux facteurs économiques. Il y a au sein de nos organisations de bienfaisance des délais et de la bureaucratie. Par exemple, je suis en route pour Winnipeg parce qu'on m'y a tout d'un coup convoquée. Il y avait deux assemblées générales annuelles auxquelles nous devions assister dans le cadre de nos fonctions à l'égard du Réseau national. J'utilise les per diem que je suis censée utiliser pour me rendre à ma réunion de conseil à Calgary, mais je vais prendre l'avion aujourd'hui avec 50 $ pour me rendre à Winnipeg pour la fin de semaine. Si quelqu'un fait tomber ma poussette, cela me coûtera 150 $ en réparations.Je prie qu'ils ne laissent pas tomber ma poussette, car je n'ai pas les 150 $ pour la réparer. Voilà les genres de problèmes auxquels nous sommes sans cesse confrontés.

Du côté positif, si quelque chose de vraiment horrible devait se passer là-bas, j'ai des amis qui travaillent dans l'industrie des soins. L'on s'occuperait de moi et je n'aurais pas à payer pour la navette de l'aéroport. Cependant, ce n'est pas tout le monde qui a ces ressources. D'autre part, lorsque vous souffrez déjà d'une maladie mentale, cela amène des niveaux de stress incroyables.

Une partie de ce qui me motive, bien sûr, c'est que j'ai de l'argent pour mon traitement. Je veux dire, c'est ma vie. C'est sérieux. Les gens me disent souvent que je devrais me détendre ou ralentir ou autre, mais j'ai été diagnostiquée en 1991 et je ne vais jamais me remettre de ma maladie parce que je n'ai pas les moyens d'acheter les heures de traitement dont j'ai besoin et ce ne sont pas des médicaments qui vont guérir mon mal. C'est une très sérieuse question.

Les conseils de consommateurs sont souvent marginalisés parce que leurs membres ne peuvent pas engager des fonds ou verser des dons comme peuvent le faire d'autres membres de conseils d'administration, et comme ils le font. C'est pourquoi il est très important que s'agissant de structures de financement vous veilliez à ce que le financement de base soit en place. La directrice administrative de notre Réseau national m'a soigneusement fait la leçon en la matière et je vous répète fidèlement ce qu'elle m'a dit. Elle ne cesse de répéter, « Briques et mortier, briques et mortier, briques et mortier ».

Il est facile d'obtenir de l'argent pour les projets. Il y a toujours des demandes de propositions. Cependant, il nous faut avoir les briques et le mortier pour faire tourner le bureau, le service téléphonique et le reste. Le poste budgétaire du Réseau national pour les télécommunications se chiffre à 1 800 $, et nous avons tout un pays à desservir, des conseils d'administration, et tout cela se fait par téléconférence et, bien sûr, ces 30 organisations veulent que nous soyons leur voix. Nous aurons bien du mal à relever le défi.

Nous avons, bien sûr, notre cheminement d'action politique, et la toute première chose qu'il nous faut ce sont nos alliés. Nos alliés, ce sont des gens comme vous; des gens qui défendent activement les droits et services de groupes sociaux autres que le leur, surtout lorsque ces groupes ne sont pas présents ou ne sont pas en mesure de se représenter eux-mêmes. Les alliés œuvrent pour mettre fin à l'oppression dans leur propre vie personnelle et professionnelle par le biais de soutien et de défenseurs et deporte-parole des groupes opprimés. Nous avons besoin de vous. Nous avons besoin de nos concitoyens de l'Alberta. Merci à vous tous d'être venus aujourd'hui. Nous avons besoin de vous car il nous faudra chaque citoyen dans ce pays pour contrer cette pandémie.

Il y a un cadre stratégique en matière d'initiatives de consommateurs de services de santé mentale, et je me sens vraiment très mal, mais je vais vous remettre une grosse version de cela. En gros, lorsqu'il nous a fallu surmonter ces barrières, ce qu'il nous a fallu faire en premier c'est inclure les consommateurs de soins de santé mentale et les organisations de consommateurs de services de santé mentale en tant que partenaires égaux dans tout le système de soins de santé mentale. Les entités provinciales et régionales doivent élargir le rôle des consommateurs de services de santé mentale dans tous les aspects du continuum de politiques et de soins. Il nous faut faire en sorte que la pratique de l'inclusion des consommateurs soit compatible avec les valeurs énoncées. Il nous faut veiller à ce que soit en place la plus vaste représentation possible des consommateurs, ce afin de refléter fidèlement les différentes composantes de la communauté des soins de santé mentale. Il nous faut former les membres professionnels et les membres consommateurs afin qu'ils puissent fonctionner ensemble en équipe. Il nous faut veiller à ce que tous les intervenants aient un accès égal à la formation ainsi qu'aux dossiers historiques et de base et à la technologie de l'information dont ils ont besoin pour pouvoir fonctionner dans le cadre d'une équipe égalitaire.

J'ai deux séries de recommandations en matière de financement. Le Réseau national pour la santé mentale a voté en faveur d'une politique qui verrait 5 p. 100 du budgetprovincial d'ensemble pour le système de santé mentale consacrés à des initiatives de consommateurs de services de santé mentale. Lorsque l'Alberta Network a comparu devant le Comité permanent des politiques, il a recommandé une formule de 2 p. 100 des dépenses provinciales actuelles en matière de santé mentale, soit 4,72 millions, avec 2,35 millions de dollars pour l'Alberta Mental Health Self-Help Network, le restant devant être versé aux autres organisations œuvrant dans le domaine de la santé mentale.

Merci de votre patience ce matin. Nos adresses et coordonnées figurent dans notre mémoire. J'espère que nous pourrons maintenant nous engager pleinement dans un dialogue libre.

Le sénateur Callbeck : Merci, Carmela, de cet exposé fort impressionnant et instructif. Vous y avez certainement couvert de nombreuses questions. Vous avez mentionné deux ou trois programmes très positifs et j'ai capté votre enthousiasme lorsque vous avez parlé du BUILT Network. Vous avez un petit peu parlé de celui à Calgary.

Je vois que vous avez cinq sites. J'aimerais en savoir plus.

Mme Hutchison : Les sites sont Moncton, au Nouveau-Brunswick; St. Catharines, en Ontario; North Bay, en Ontario; Calgary, en Alberta, et Winnipeg. À Winnipeg, la Banque royale du Canada va prendre tous les diplômés.

Le sénateur Callbeck : Parlez-moi du programme.

Mme Hutchison : Le programme offre en gros de la formation pour centre d'appels ou service téléphonique, et c'est la composante service au client. Il y a, en gros, quatre types de personnes qui cherchent à acheter des choses, et il s'agit de leur apprendre à identifier ces quatre types de personnes. Il me faut reconnaître que je ne le sais pas moi-même. À partir de là, il s'agit d'adapter son style de service au client, aux besoins du client à l'autre bout du fil. Il y a également un programme de formation en informatique au cours duquel on apprend aux gens à utiliser Microsoft Word et Excel et on leur apprend les aptitudes de base en informatique dont une personne aurait besoin pour travailler dans un bureau ou dans un service à la clientèle.

L'on propose également des visites guidées des différents milieux de travail. Cela suscite en général un certain intérêt de la part des employeurs. Les employeurs sont souvent intéressés à recruter certains des diplômés.

L'autre aspect est le soutien, et pour l'employé et pour l'employeur. Ce que disent les gens du programme c'est ceci :« Si vous avez envie de démissionner, appelez-moi. Ne démissionnez pas; téléphonez-moi ». Et à l'employeur, ils disent, « Si vous rencontrez des difficultés, appelez-nous. » Ils peuvent ainsi se rendre sur place et essayer de travailler avec l'employeur et avec l'étudiant pour que le placement soit maintenu. C'est en tout cas ce qu'ils essaient de faire.

Le sénateur Callbeck : Comment ce programme est-il financé?

Mme Hutchison : Il est financé par Développement social Canada, le bureau de M. Dryden.

Le sénateur Callbeck : Depuis combien de temps existe-t-il?

Mme Hutchison : Il existe depuis sans doute environ deux ou trois ans maintenant.

Le sénateur Callbeck : Il réussit manifestement très bien.

Mme Hutchison : Oui, très bien. Ce qu'il y a de bien en ce qui concerne l'atmosphère dans le cadre de ces programmes — je me suis rendue dans tous les endroits sauf North Bay. Les gens qui y participent sont si excités et enthousiastes. D'autre part, étant donné qu'il s'agit d'un milieu de travail sûr et qui offre un soutien, les gens ne parlent pas du tout de leur maladie. Ils parlent de leurs objectifs, de leur avenir. En fait, vous ne sauriez pas faire la différence entre ces milieux de travail et n'importe quel autre, sauf le jour de la remise des diplômes où tout le monde pleure. C'est un environnement très aidant et aussi très excitant car il y règne un optimisme que je n'avais pas vu depuis très longtemps au sein de notre communauté.

Le sénateur Callbeck : Le financement pour ce programme,est-il à long terme, ou bien vous faut-il faire une demande chaque année, ou comment cela...?

Mme Hutchison : Il leur faut en effet demander le financement chaque année, et chaque année cela s'étend à un nouvel endroit. Cette année, on nous a demandé d'élargir notre programme pour englober un nouveau site avec moins d'argent, et cela était très inquiétant.

D'autre part, ces sites sont censés devenir autonomes au bout de trois ans. C'est tout simplement ainsi que fonctionne le financement consenti par Développement social. J'ose espérer que nous pourrons amener des changements afin que les programmes du Réseau national puissent demeurer nationaux.

Il y avait également des programmes d'entrepreneurship. Start Me Up Niagara, Westman LEAD à Winnipeg et Opportunity Works à Calgary. Opportunity Works est toujours viable, comme c'est le cas des deux autres programmes, mais ils ont dû subir d'énormes difficultés car il leur fallait au bout de la période devenir autonomes. Il leur a été réellement très difficile de résister et d'obtenir leur financement.

Opportunity Works et Start Me Up Niagara, en particulier, ont fait un travail formidable pour obtenir d'autres sources de financement. Cependant, ces programmes ne font plus partie du Réseau national. Vous savez ce que je veux dire. En d'autres termes, l'on ne cesse de nous arracher de notre talent et de nos gens. Il serait bon de pouvoir consolider cet effort. C'est là encore quelque chose que j'aimerais voir intégré dans une recommandation en matière de financement, car tout ce que nous entreprenons finit en définitive par nous être retranché.

Le sénateur Callbeck : Vous avez parlé de possibilités de placement d'étudiants. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous expliquer cela plus avant?

Mme Hutchison : Absolument. Le Réseau national s'en occupe un petit peu. Il a un programme co-op. J'ignore si celui-ci ne vise que les professionnels de l'administration, mais je sais que plusieurs membres de notre personnel à l'administration centrale ont démarré dans ce programme co-op. Ici en Alberta, notre personnel est allé dans les facultés y faire du recrutement et a travaillé pour obtenir des placements afin que les étudiants puissent venir participer à un projet à nos côtés.Une des infirmières a lancé un projet qui était un atelier pour 40 personnes. Les consommateurs sont venus. Il y a eu plusieurs présentations dans le courant de la journée au sujet de différentes connaissances élémentaires dont auraient besoin les patients psychiatriques sortants. Ont compté parmi les questions abordées : pendant combien de temps pouvez-vous garder en toute sécurité du bacon dans votre réfrigérateur? En d'autres termes, il était question de préparation de repas de base et de questions de salubrité alimentaire. Comment vos besoins seront- ils satisfaits? Le fait de devoir demander certaines choses.

En fin de journée, j'ai donné une présentation sur les directives personnelles, et les gens ne cessaient de vouloir en savoir davantage. Nous sommes restés beaucoup plus longtemps que prévu. Ils voulaient discuter de dossiers particuliers. Les directives personnelles sont la même chose que les directives préalables dans d'autres provinces. En Alberta, le champ est un petit peu plus vaste car l'on parle de beaucoup plus de choses, non seulement de vos désirs en matière de soins critiques mais également de là où vous vivez, de tout ce qui est d'ordre non financer. L'on parle en gros de votre plan de soins de santé. Nous nous efforçons de promouvoir ce genre de plan de gestion de la santé mentale afin que votre médecin puisse y adhérer, comme cela a été le cas du mien. Oui, j'ai une maladie mentale, mais j'ai compris ce que je signais lorsque j'ai donné mes directives et j'ai pu comprendre les conséquences de mes décisions dans le cadre de ce testament de fin de vie. Cela m'assure une certaine protection, car il n'y a dans la province aucun hôpital qui puisse me traiter. Cela assure à tout le moins un accès à ma chambre à un psychologue, au cas où j'en aie besoin.

Le sénateur Trenholme Counsell : Madame Hutchison, je tiens à vous féliciter de votre exposé fort positif et agréable. Je ne ressens aucune amertume. Je peux comprendre. Vous avez une nature optimiste que vous pouvez toujours garder et transmettre à autrui, car tout le monde a besoin de cela. Cela procure en soi de l'espoir. Merci beaucoup de qui vous êtes, de la façon dont vous vous présentez et du message d'espoir et d'action positive que vous livrez.

Mme Hutchison : Merci.

Le sénateur Trenholme Counsell : Vous avez dit ne pas avoir été intégrée au plan de l'Alberta. Était-ce un plan financé?

Mme Hutchison : L'Alberta Mental Health Plan ou le Provincial Mental Health Planning Project était un énorme projet de planification à volets multiples. Il englobait recherche, santé mentale des personnes du troisième âge, santé mentale des enfants, santé des Autochtones et autres. Ils se sont réunis sur une période de six mois, sans doute toutes les deux semaines, et il y avait beaucoup de participation de la part de parties prenantes, mais au bout du compte il n'y a pas eu grands mécanismes de financement pour les initiatives amenées par les consommateurs. C'était dû au fait qu'il n'y avait pas d'intention constante d'un bout à l'autre. Les gens écoutaient ce que nous avions à dire et cela leur plaisait, mais dès qu'ils ont commencé leur travail de rédaction, certaines choses n'ont tout simplement pas abouti dans le plan. Nous nous sommes retrouvés en fin de parcours aux comités de mise en œuvre, avec très peu de représentation. Nous avons une personne qui est membre remplaçant du comité de recherche, et c'est tout. Nous estimons que c'est là une chose au sujet de laquelle il nous faut des améliorations, en tout cas certainement en Alberta.

S'il est une chose qui m'impressionne au sujet duNouveau-Brunswick, et que j'adorerais voir ici — et nous avons cela chez certaines de nos personnalités politiques, mais pas chez toutes — c'est que du fait que le Nouveau-Brunswick soit si petit, tout le monde connaît son député provincial. Lorsque je m'y suis rendue pour la cérémonie de remise des diplômes du programme BUILT, j'ai vu les gens parler avec leur député comme si c'était le propriétaire du dépanneur du coin ou le maître de poste local.

Il y a un fort engagement à l'égard de la santé mentale au Nouveau-Brunswick et je sais qu'ils y ont vécu descompressions récemment. Mais les centres d'activité sont certainement une force positive dans la vie de nombreux résidents du Nouveau-Brunswick que j'ai eu l'occasion de rencontrer l'automne dernier à notre assemblée générale annuelle et lors de la grande cérémonie d'ouverture du site BUILT Network.

Le sénateur Trenholme Counsell : La semaine dernière l'on a annoncé une importante augmentation de fonds et un certain nombre de choses très proactives. Il y a en fait eu plusieurs premières nationales, y compris des unités de crise mobiles qui iront chez la personne.

C'est en quelle année environ que le réseau a vu le jour à Moncton? J'ai été députée provinciale pendant dix ans, alors je suis heureuse de savoir que tout le monde peut parler avec son député.

Mme Hutchison : Le site BUILT Network à Moncton a été ouvert l'an dernier à l'AGA. Ils y offrent sans doute aujourd'hui un ou deux cours. Le Réseau national pour la santé mentale a toujours eu une présence au Nouveau- Brunswick. M. Leblanc, bien sûr, est depuis de nombreuses années très actif au sein de notre conseil. Il est en quelque sorte à la retraite et il se concentre aujourd'hui bien sûr sur son bulletin de nouvelles intitulé Our Voice.

Le sénateur Trenholme Counsell : La division duNouveau-Brunswick m'a en fait donné une carte de membre à vie. Je suis très au courant du groupe de Moncton.

La technologie m'inquiète un petit peu. Est-ce le coût, mois par mois, de ces dispositifs technologiques, ou bien est- ce les instruments eux-mêmes? C'est les deux, je suppose.

Mme Hutchison : En effet.

Le sénateur Trenholme Counsell : Avez-vous abordé l'une quelconque des boîtes d'informatique pour lui demander d'être partenaire avec vous? Avez-vous essayé d'accéder à cette technologie par le biais de dons, de dons en nature?

Mme Hutchison : Nous avons été extrêmement faibles côté capacité de lever des fonds, nos ressources étant si limitées. C'est pourquoi la cueillette de fonds est tout en haut de la liste ici, car c'est sur ce plan qu'il nous faut faire plus.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je ne songeais pas à la cueillette de fonds à proprement parler — eh bien, je suppose que c'est de la levée de fonds.

Mme Hutchison : C'est de la levée de fonds.

Le sénateur Trenholme Counsell : Sortir et aller demander ce dont vous avez besoin.

Mme Hutchison : Dans le cas de l'un quelconque de ces partenariats, nous sommes si pressés par le temps et par les ressources nécessaires pour organiser des cueillettes de fonds, car il faut des ressources derrière vous pour faire ne serait-ce que cela. Cela a été un défi énorme pour nous tous et il nous faut sur ce plan nous améliorer en tant que mouvement.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je pense qu'il vous faudrait pour ce faire chercher d'autres sources.

Vous avez dit que vous n'aviez pas accès à des soins de santé ou des traitements payés par le gouvernement, est-ce bien cela?

Mme Hutchison : Oui, c'est exact.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je pense que vous avezdit traitements. En tant que farouche défenderesse del'assurance-maladie, il me faut vous demander si vous parliez du genre de thérapeute dont vous avez besoin. Il vous faut un genre de thérapeute bien particulier — que voulez-vous dire par là?

Mme Hutchison : En gros, il s'agit d'un type bien particulier de thérapeute, mais un psychiatre — la plupart des psychiatres — il devrait y en avoir qui puissent faire ce travail. Il devrait y en avoir. Le problème est qu'à cause de la sévérité de la maladie, ils ne peuvent prendre que deux ou trois clients comme nousà la fois. Du fait d'avoir travaillé dans le domaine de la santé mentale, j'ai eu l'occasion de rencontrer certains psychiatres qui pouvaient faire ce travail. Cela a rétréci encore davantage mon champ car je travaillais à leurs côtés dans les services. Il ne serait donc pas approprié pour moi d'avoir avec eux une relation thérapeute-patiente.

Cela étant dit, il n'y a pas beaucoup de ressources et les gens sont nombreux à devoir payer de leur poche ou alors se passer du service. Une femme à Medicine Hat a eu le malheur d'avoir, en plus de trouble de personnalité multiple, un problème d'abus de substances. Du fait des compétences limitées des personnes qui s'occupaient d'elle et qui ne savaient pas s'y prendre, elle-même et un membre du personnel ont fini par avoir un accrochage. On l'a placée dans une salle de recueillement pour cinq jours, lui refusant l'accès à la Bible, l'accès à un avocat et l'accès à sa famille. On ne lui a pas dit qu'elle avait été internée. On ne l'a pas avisée de ses droits d'être entendue devant un comité d'examen et on l'a laissée dans cette pièce pendant cinq jours, complètement terrorisée. Par la suite, ce qui n'est guère étonnant, il a été encore plus difficile de venir en aide de façon productive à cette femme, car elle ne faisait plus confiance à personne.

Le sénateur Trenholme Counsell : Avez-vous en Alberta des cliniques de santé mentale subventionnées?

Mme Hutchison : Nous en avons, mais du fait d'y avoir travaillé, je n'y ai pas accès.

Le sénateur Trenholme Counsell : Quels services sont financés et fournis par les pouvoirs publics?

Mme Hutchison : Les services sont en règle générale multidisciplinaires, et selon la clinique, il s'y trouvera en général un psychiatre consultant. Le psychiatre aura normalement une liste limitée de patients, selon son domaine d'intérêt clinique, et il y aura l'assortiment habituel de soins psychologiques, de soins infirmiers, d'ergothérapie et de travail social.

Le sénateur Trenholme Counsell : Quel serait d'après vous le délai d'attente pour un renvoi à une clinique de santé mentale publique en Alberta?

Mme Hutchison : Lorsque je pratiquais, j'avais des gens qui étaient sur la liste d'attente pendant un an. J'avais une charge professionnelle de 60 cas et une liste d'attente de 100. Je ne pense pas que la demande ait diminué.

Le sénateur Callbeck : En ce qui concerne les cliniques de santé mentale, avec-vous bien dit que parce que vous travailliez avec elles vous ne pouvez pas accéder à leurs services?

Mme Hutchison : C'est exact. C'est la politique. Encore une fois, c'est une question de lignes de démarcation. Les infirmières qui travaillent dans un hôpital ne peuvent pas être patientes de cet hôpital. Elles iront à un autre hôpital de la ville ou d'une ville voisine. L'idée est de protéger votre vie privée. Cela est très dur pour les personnes avec lesquelles vous travaillez, mais même là, il n'y a pas beaucoup de capacité du côté des services de santé mentale pour accepter ces cas, car, encore une fois, le personnel a une lourde charge de travail et pas beaucoup de temps. En fait, toutes nos cliniques de santé mentale ont depuis été transférées aux administrations régionales en matière de santé, et relèvent donc des régies régionales de santé.

J'ai ici un document. J'ignore si cela intéresserait le comité d'en avoir copie. Cela est en fait joint à ma directive personnelle et je l'ai obtenu du ministre Halvar Jonson. Cela vous donne une idée de l'âge qu'a cette lettre, étant donné que c'est lui qui l'a écrite. La communauté psychiatrique avait écrit au chef de la région à l'époque, le Dr John Tuttle. Il était mon psychiatre, et il n'a pas pu continuer. D'autres psychiatres communautaires ont également écrit des lettres expliquant ma situation.

Le sénateur Tardif : Vous avez dit que le Calgary Regional Health Authority Plan met l'accent sur le continuum de soins plutôt que de cibler des populations spéciales.

Mme Hutchison : C'est exact.

Le sénateur Tardif : Pourquoi cela est-il considéré comme quelque chose de positif et quelles sont les conséquences de cette orientation?

Mme Hutchison : L'on pense que l'incidence de l'orientation sera telle qu'elle améliorera toute cette phase : vous entrez en traitement; vous êtes reçu; vous avez la phase de diagnostic précoce; vous avez votre phase de traitement actif, puis vous avez soutien et stabilisation. Tous les éléments de leur continuum sont là. L'idée derrière cela est qu'ils s'occuperont de tout le monde, de telle sorte que personne ne sera exclu. C'est là l'espoir quisous-tend le tout. Si l'argent était destiné aux seules personnes du troisième âge ou aux seuls enfants, alors qu'arriverait-il à tous les adultes, qu'arriverait-il aux parents, qu'arriverait-il aux personnes âgées si vous ne vous occupez que des enfants?

J'ai travaillé en psychologie des adolescents, et je sais que c'est là encore un domaine qui a besoin d'aide et d'appui. Je pense qu'ils s'occuperont de ce groupe dans le cadre de ces continuums, mais toute l'idée est qu'ils veulent couvrir toutes les phases d'une vie. En d'autres termes, ils visent l'étape dans la vie et le traitement pour tous les groupes d'intérêt spécialisé. C'est plus inclusif.

Le sénateur Tardif : Y a-t-il eu un financement pour amener cela?

Mme Hutchison : Malheureusement, je n'ai pas de chiffres ici avec moi, mais, en gros, la régie régionale de santé est elle-même venue avec le financement qu'elle engageait dans le processus, et elle a investi cet argent avant que le ministère de la Santé ne lui dise ce qu'elle allait recevoir.

Le sénateur Tardif : S'agit-il de quelque chose que vous recommanderiez pour l'ensemble de la province?

Mme Hutchison : C'est quelque chose que j'aimerais voir pour l'ensemble du pays.

Le sénateur Cordy : J'aimerais revenir sur la question du financement car, en bout de ligne, c'est toujours une histoire d'argent, n'est-ce pas?

Mme Hutchison : Absolument.

Le sénateur Cordy : Lorsque nous avons parcouru le pays, ce que j'ai constaté c'est que les plans et les organisations élaborées par des consommateurs, c'est-à-dire des usagers à l'intérieur du système, semblent être ce qui fonctionne le mieux. Or, il semble qu'il soit très difficile d'obtenir un financement pour ces programmes de type soutien par des pairs. Est-ce bien le cas?

Mme Hutchison : Tout à fait.

Le sénateur Cordy : Ce que je me dis c'est que même au sein du gouvernement l'on ne peut pas parler de santé mentale isolément — et vous avez fait état de cela dans votre déclaration — car il faut regarder la totalité de la personne. Il nous faut nous pencher sur le logement, qui est un gros dossier, ainsi que sur l'alimentation. Vous avez parlé de l'aspect éducation, de l'emploi, et d'autres choses. Cela englobe tout le spectre, au niveau fédéral, avec différents ministères, ainsi qu'au niveau municipal et provincial.

Dans quelle mesure est-ce difficile pour une organisation comme la vôtre ou pour toute organisation œuvrant dans le domaine d'accéder à des fonds? Il me semble que vous devez consacrer énormément de temps à la simple obtention de financement gouvernemental.

Mme Hutchison : C'est du temps que nous n'avons pas, et c'est un processus épuisant. La saison des subventions accapare probablement notre personnel — de janvier à mars, ils consacrent en gros tout leur temps à rédiger des demandes de subvention. Certaines des restrictions dans certaines des structures de financement sont à un tel niveau micro que cela accapare vraiment le temps du personnel. En d'autres termes, il y a eu une hausse marquée du travail de reddition de comptes. Il y a eu des cas où, par exemple, des membres du personnel ont visité le site de North Bay. Disons que s'il y avait 5 $ — et je choisis des chiffres au hasard car je ne les connais pas par cœur.J'ai eu un traumatisme à la tête et les chiffres ne sontpas mon point fort, alors je vais parler de 5 $ et de 10 $ pour simplifier les choses. Disons que si on vous autorisait 5 $ pour le petit-déjeuner, 10 $ pour le déjeuner et 20 $ pour le repasdu soir, et que vous ne preniez pas de petit-déjeuner mais déjeuniez à la place pour 15 $, alors cette dépense ne passerait pas. Même si le montant est le même, il vous faut dépenserles 5 $ au petit-déjeuner. C'est un véritable cauchemar pour les commis à la tenue des livres, car il leur faut justifier chaque montant et les demandes de remboursement sont sans cesse renvoyées, certaines dépenses y ayant été refusées. C'est très difficile.

À l'Alberta Network, nous avons le bonheur de pouvoir payer par allocation. Lorsque nous payons par allocation, nous disons, « D'accord, un tel va à une réunion pour trois jours. Les repas vont coûter tant. Il y a tant pour le petit- déjeuner, tant pour le déjeuner et tant pour le repas du soir. Le transport coûte tant, il y a le per diem et les frais divers pendant le séjour sont de temps ». On vous verse alors ce montant et si vous dépensez plus, alors il vous faut fournir des reçus. Mettons, par exemple, que je dépense 20 $ pour faire photocopier quelque chose. Il me faudrait fournir un justificatif. Cependant, je n'ai pas à fournir des reçus pour tout, ce qui est formidable car j'ai tendance, à cause une fois encore de mon traumatisme à la tête, à perdre ces bouts de papier ou alors j'oublie de demander un reçu au départ. Sur le plan adaptation à nos difficultés, ce sont là certaines choses qui nous facilitent un peu la vie.

Par ailleurs, je pense qu'étant donné le stigmate et l'attitude que nous rencontrons du fait de souffrir de maladie mentale, il est parfois difficile pour nous de partir à la recherche de fonds car nous avons tendance à être timides et à ne pas nous affirmer.

Je peux venir ici et m'entretenir avec vous sans problème, mais s'il me fallait faire du porte-à-porte au hasard pour recueillir des fonds — et il me le faut par moments. C'est quelque chose qui me terrorise. Cela aussi fait partie du problème.

Je dirais que le financement de base est définitivement la clé. Aucune organisation ne veut fournir ce financement de base. Elles veulent toutes financer des projets. Cependant, sans financement de base, nous n'aurions aucun endroit à partir duquel gérer un projet.

L'autre aspect en matière de financement est à mon sens la capacité du public de considérer la santé mentale comme une cause qu'il vaut la peine de cibler, car beaucoup des dons de charité qui se font à l'heure actuelle sont ciblés. L'on va cibler les enfants, ou les aveugles, ou le cancer. Et bien qu'une société soit peut-être prête à assumer la responsabilité d'une œuvre de bienfaisance, elles ne sont pas nombreuses à vouloir embrasser la cause de la santé mentale. Il s'agit là d'un autre de nos problèmes en ce qui concerne nos propres efforts de levée de fonds. Ce n'est pas une cause qui attire ou qui inspire beaucoup la sympathie des gens.

À certains égards, je pense qu'il nous faut une protection spéciale en matière de financement de base gouvernemental, car c'est là quelque chose qui nous appuierait en attendant que nous établissions pour nous-mêmes un plus grand profil, que nous devenions plus forts et que davantage de travail de sensibilisation ait été fait. Je pense que les fonds que nous venons de recevoir sont simplement dus au fait que ces audiences sont en cours et qu'une loi a été adoptée. J'ose espérer que nous finirons un jour par assumer notre place au sein de la communauté et que nous ferons partie de la communauté des personnes présentant des déficiences.

Et même là, nous ne savons pas vraiment à quoi nous attendre lorsque nous nous rendons à des réunions comme celles du Canadian Council on Citizens with Disabilities. L'an dernier, j'y suis allée en tant qu'invitée et ils avaient une présentation PowerPoint sur les déficiences. Il n'a pas été dit un seul mot dans toute la présentation au sujet de la santé mentale. J'ai levé la main et ai demandé, « Excusez-moi, mais savez-vous que la maladie mentale sera la première cause d'incapacité d'ici l'an 2020? » Et on m'a répondu, « Il y a dans le monde des déficiences une hiérarchie, Carmela ». Ce que cela sous-entendait c'était que la maladie mentale n'y figure pas. Du fait que j'étais une invitée, je ne pouvais pas intervenir de l'autre côté de la table, mais cette année, j'y vais en tant que membre du conseil.

Le sénateur Cordy : Vous n'aurez pas à rester assise et à garder le silence.

Mme Hutchison : C'est exact, je n'aurai pas à rester assise et à garder le silence cette fois-ci. Voilà à quoi nous sommes confrontés, même au sein de la communauté des personnes ayant une déficience. Les problèmes sont énormes pour nous.

Le sénateur Cordy : Lorsqu'on regarde le stigmate ou la discrimination, une personne sur cinq devant, à un moment de sa vie, être touchée par une maladie mentale, et lorsque vous songez à l'effet domino sur les familles touchées, l'on aurait tendance à penser que les attitudes seraient en train de changer, mais il ne semble pas que cette corrélation soit en train de se faire.

Mme Hutchison : En effet, et je n'arrive pas à m'expliquer cela. Je pense qu'il existe des petits foyers où les choses s'améliorent. Les gens sont un petit peu plus prêts à en parler.

Mon mari, pour la première fois de sa vie, a dit à un de ses employeurs qu'il souffrait d'hyperactivité avec déficit de l'attention, parce qu'on lui demandait pourquoi il prenait une pilule tous les jours à 17 h. S'il ne prenait pas cette pilule, il ne pourrait pas être cuisinier-minute. Il y a beaucoup d'objets chauds et pointus dans une cuisine. Lorsqu'ils ont appris qu'il prenait des médicaments, deux ou trois autres employés ont dit avoir été soignés pour dépression ou hospitalisés, et ils ont parlé un petit peu. Très souvent, c'est un tournant pour nous de dire « Je suis consommateur de services de santé mentale et voici ce qui m'est arrivé ». Cela ne m'est arrivé qu'une ou deux fois que des gens repartent en criant dans la nuit lorsque je leur en ai parlé. C'est très difficile pour les gens d'en parler. Il y a un tel manque de compréhension. Bien des fois, on me dit, « Il suffit que tu t'en remettes. Il suffit que tu fasses ceci ou cela ». Les gens ont peur, s'ils ont un permis professionnel, que cela les mette en difficulté. Non. Mais voilà les genres de choses qui arrivent.

Il nous faut faire de tout cela un dossier énorme. Lorsque vous regardez les statistiques, nous avons 32 000 personnes qui bénéficient de l'AISH. Je ne connais pas le nombre exact de personnes qui bénéficient d'Alberta Works, qui est davantage un programme de bien-être social, mais doublons le nombre que je viens de citer; mettons que le nombre est de 64 000. Dans cette hypothèse, les autres 586 000 personnes travaillent quelque part. Celles qui n'ont pas d'enfant. Elles travaillent toutes, alors où sont-elles soignées et comment vivent-elles, et vivent-elles dans une peur permanente, et quel effet cela a-t-il sur elles?

Le sénateur Cordy : L'autre question dont je voulais parler avec vous concerne un de ces défis que vous avez mentionnés. Vous avez dit que si une personne subit une opération au cœur et quitte l'hôpital on lui remet un petit coussin avec une liste du genre « Vous devez revenir voir le médecin dans trois semaines » ou autre et tout un calendrier. C'est la même chose si vous avez un cancer et vous rendez chez un spécialiste. Mais ce n'est pas ce qui se passe si l'on vous fait un diagnostic de maladie mentale. Lorsqu'un tel patient quitte le bureau, il ou elle est plus mois livré à lui-même, n'est-ce pas?

Mme Hutchison : Tout à fait. J'étais avec des gens — une femme s'était infligée des brûlures au troisième degré à la main, et elle souffrait de trouble de personnalité multiple. Nous en avions plusieurs à l'époque à Calgary. Nous échangions tous entre nous des fiches de recette avec une description de notre apparence physique et nos plaques d'immatriculation de telle sorte que si l'un quelconque d'entre nous aboutissait dans un hôpital sous un autre nom, il y avait quelqu'un à appeler. Cette femme avait ma fiche de recette dans son sac à main et elle m'a dit, « Je ne sais pas qui vous êtes, mais j'ai cette fiche dans mon sac. Vous devez être quelqu'un de bien ». Pendant une de ses phases de conscience altérée, elle avait voulu se blesser. Elle s'était infligée des brûlures au troisième degré à la main. Moi-même et mon mari, lorsqu'il avait fini son quart de travail, sommes allés la chercher et on l'a libérait déjà. J'ai dit, « Savez- vous qu'elle s'est délibérément infligée ces brûlures? » Et ils ont répondu, « Oui. Est-ce un problème pour vous? » Et j'ai répondu « Eh bien, ne pensez-vous pas que ce serait une bonne idée de la renvoyer chez quelqu'un? »

Cette femme n'a elle non plus pas accès à un traitement financé par les deniers publics, et dans cette province il serait illégal pour l'un quelconque d'entre nous — nous pourrions tous nous lancer demain et devenir thérapeute. Nous pourrions accrocher une enseigne, demander 100 $ de l'heure et donner des conseils à quiconque serait intéressé. Cette femme consultait un thérapeute non accrédité qui s'assoyait dans ma cuisine et disait, « Vous ne pouvez pas dire à cette femme qu'elle ne peut pas se tuer ni se blesser car vous lui enlevez alors ses choix ». C'était difficile. J'étais amère et malheureuse ce jour-là, je peux vous le dire. Je sors de ma profession parce que je veux que les gens bénéficient des services d'une personne qui est bien, et voilà ce que je vois et que les gens appellent thérapie. C'est épouvantable.

Cette femme n'a eu aucun rendez-vous de suivi et elle s'est rebrûlée plus tard. Mon mari et moi-même disions que notre logement avait l'air un petit peu délabré parce que nous sommes pauvres. Nous nous sommes dit que si nous déplacions un peu les meubles, cela nous changerait notre décor. Lorsque nous sommes allés chez elle, c'était l'hiver et il y avait des mouches plein la maison, et je marchais dans des déchets jusqu'à la cheville. Elle avait beaucoup trop d'animaux domestiques vu l'espace. C'était atroce.

J'ai travaillé pendant deux semaines avec une de mes anciennes patronnes pour essayer d'obtenir qu'elle soit admise dans un hôpital. J'avais envie d'aller signer un mandat. J'appelais la Cour familiale pour lui demander d'intervenir. Et la Cour m'a dit, « Si elle a été traitée et renvoyée des urgences, s'il vous plaît ne venez pas ici, car ils ont jugé qu'elle n'avait pas besoin d'autres traitements ». Ils ne voulaient même pas me laisser m'y rendre pour demander un mandat. Au bout de deux semaines — car si nous avions exigé l'intervention du ministère de la Santé, elle aurait perdu sa maison. Il nous fallait la laisser dans cette situation. Cela m'avait fendu le cœur et compte parmi les choses les plus difficiles que j'aie jamais eu à faire. À la fin de cette soirée, mon mari et moi-même nous sommes dit que plus jamais nous ne nous plaindrions de ce que nous avions.

Cette femme s'est le soir même arraché ses pansements. J'ai passé la nuit à son chevet. Elle avait un couteau avec elle. Elle a entendu des gens qui rentraient chez eux du bar à 2 h du matin, et ils ne faisaient que marcher et parler, tranquillement, comme nous parlons maintenant. Personne ne criait. Si je n'avais pas été là, elle serait sortie se battre avec eux. Elle était tellement agitée qu'il aurait fallu l'hospitaliser. Au lieu de cela, elle est dans notre maison, et je suis cette petite femme stable qui essaie de m'occuper d'elle. Voilà encore une chose que certains d'entre nous faisons. Nous accueillons des gens chez nous, des gens qui devraient sans doute être hospitalisés. Mais où vont-ils aboutir?

Le sénateur Cordy : Vous êtes en train de nous dire qu'il est extrêmement difficile de faire admettre une personne à l'hôpital pour des soins.

Mme Hutchison : Absolument. Je pense que je comparerais cela à la situation au tout début avec le sida, lorsqu'il était difficile de trouver un médecin qui était prêt à soigner des patients atteints du sida, lorsqu'il était difficile de trouver un logement pour les sidéens ou de les faire enterrer. Le niveau de chagrin, le niveau de douleur, le niveau de détresse sont pour moi les mêmes, et j'ai vu ces deux situations dans la communauté. Ce n'est pas différent.

Le sénateur Cordy : Comment pourrions-nous changer cela?

Mme Hutchison : Il nous faut apporter des changements très rapides. Il nous faut engager tous les citoyens. Tous les citoyens du pays devraient crier au scandale, car ce n'est pas acceptable que cela arrive, et cela va continuer d'arriver.

Chacun d'entre nous, chacun dans cette salle devrait dire ce soir à toutes les personnes que nous verrons : il n'est pas acceptable que 3 800 sans-abri habitent le centre d'hébergement et de dépannage du centre-ville de Calgary. Ce n'est pas acceptable. Je suis si reconnaissante au sénateur Kirby car je peux maintenant dire ceci : La maison de fous est maintenant dans la rue.

Le sénateur Cordy : Et dans les prisons.

Mme Hutchison : Et dans les prisons, et il n'y a pas de traitement.

Dorothy Joudrie est une femme qui a tiré sur son mari pendant leur divorce. Elle avait déraillé et on lui a diagnostiqué une trouble dissociatif, à ne pas confondre avec ce que j'ai, et elle a vécu un épisode où elle a tout simplement disjoncté. Elle a tiré sur son mari et lorsqu'elle a été admise à la Alberta Hospital elle a en gros dit qu'ils ne lui avaient pas une seule fois parlé de son crime, et elle n'a pas cherché à cacher que c'était son argent et son avocat qui l'en avaient sortie, et elle s'inquiétait pour toutes les personnes pauvres qui n'avaient pas accès à ces ressources et qui s'étaient trouvées là en même temps qu'elle.

Que se passe-t-il lorsqu'une personne qui a commis une infraction souhaite en discuter? Nous n'avons même pas de dialogue là-dessus. Cela est important, vous savez, et il nous faut faire ces choses.

Encore une fois, l'aspect judiciaire est important. Lorsque je travaillais dans les cliniques à Hanna, notre travailleur social avait ramassé un homme qui faisait du pouce et nous l'avait amené. Pendant qu'ils discutaient ensemble, le travailleur social se disait que la situation était un petit peu étrange. Il s'est avéré que l'homme avait pris un autobus après s'être échappé de son hôpital, et son hôpital était à Saskatoon. Cependant, lorsque nous avons appelé le Calgary General Hospital, son médecin de Saskatoon était au Général parce qu'il n'y avait pas suffisamment de psychiatres pour tout couvrir. C'était il y a dix ans, avant toutes ces augmentations. Je n'ose même pas m'imaginer comment sont les choses maintenant.

Le sénateur Callbeck : Vous avez parlé des problèmes du financement de projet. L'exemple que vous nous avez donné concernait les repas. Est-ce provincial ou fédéral ou les deux?

Mme Hutchison : Excusez-moi, mais je ne vous ai pas entendu.

Le sénateur Callbeck : Vous avez parlé des problèmes du financement de projets et du temps qu'il faut pour cela, et vous avez expliqué que même une fois que vous avez obtenu le financement, cela vous demande beaucoup de temps de faire toutes les vérifications quant à la façon dont l'argent a été dépensé. Vous avez donné l'exemple des repas.

Mme Hutchison : Oui.

Le sénateur Callbeck : Est-ce provincial ou fédéral?

Mme Hutchison : C'est fédéral.

Le sénateur Callbeck : C'est la même chose dans les deux cas?

Mme Hutchison : C'est fédéral.

Le sénateur Callbeck : Vraiment?

Mme Hutchison : Oui. Ce n'est pas la même chose au provincial.

Le sénateur Callbeck : Cela demande beaucoup de temps.

Mme Hutchison : Je suis heureuse de dire que du côté provincial, ce n'est pas du tout comme cela. Nous avons toujours la capacité de financer par allocation.

J'ignore ce qui a amené cela. Je ne pense pas que c'était le fait de quoi que ce soit contre l'organisation. Il semble que quelque chose soit en train de se passer dans toutes les agences subventionnées, que ce soit dans le domaine de la santé mentale ou autre, mais c'est quelque chose qui crée un énorme problème de gestion.

Il y a encore une autre chose que j'aimerais recommander en matière de soutien du revenu. Dans tout le processus du soutien du revenu, il serait utile qu'il y ait moyen d'empêcher que le revenu d'origine fédérale ne soit repris par les autres paliers. Lorsque nous avons des personnes qui bénéficient de l'AISH ici en Alberta, c'est-à-dire de l'Assured Income for the Severely Handicapped, s'ils touchent également une pension d'invalidité au titre du RPC, y aurait-il moyen de faire en sorte que les deux se complètent au lieu qu'on déduise un versement de l'autre?

Dans mon cas, je touche une prestation d'invalidité à long terme de mon employeur et j'ai également l'assurance- invalidité du RPC, mais une partie de cet argent est reprise. Si cette chose était changée, cela ferait toute la différence pour moi entre avoir les moyens de payer ma thérapie et ne pas en avoir les moyens.

Le président suppléant : Merci, madame Hutchison, pour votre présentation très concise et convaincante. Vous avez fait état d'un document lorsque vous répondiez aux questions du sénateur Callbeck, et si vous pouviez remettre cela à Louise au fond de la salle, nous rapporterons cela avec nous et aurons encore un autre document à lire.

Sénateurs, notre groupe de témoins suivant représente l'Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission et l'Alberta Mental Health Board.

Monsieur Rodney, allez-y, je vous prie.

M. Dave Rodney, président, Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission : Bienvenue, honorables sénateurs, dans notre province de l'Alberta ensoleillée. Je suis député deCalgary-Lougheed à l'Assemblée législative de l'Alberta et président de l'Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission, ou AADAC. Je vais faire mon exposé, après quoi Mme Sharon Steinhauer vous fera une déclaration au nom de l'Alberta Mental Health Board.

Merci de cette occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Je vais vous fournir quelques renseignements au sujet de l'AADAC et de l'important travail qui est déjà en cours ici dans cette province face aux problèmes d'accoutumance et de santé mentale.

Je pense que ce qui est en train d'être fait pour améliorer le système de services de toxicomanie et de santé mentale en Alberta pourrait informer le travail du comité et faire une différence dans la vie des personnes qui sont aux prises avec des problèmes d'abus de substances, de jeu compulsif et(ou) de santé mentale.

L'AADAC existe depuis plus de 50 ans, et pendant ce temps elle a fourni aux Albertains des renseignements crédibles et à jour sur l'accoutumance, dans le cadre de son travail pour prévenir les problèmes d'abus d'alcool et de drogues et de jeu compulsif, et elle a également aidé ceux qui vivent des problèmes dans leur rétablissement.

Les programmes et services de l'AADAC sont déjà implantés dans 48 communautés albertaines et le fil conducteur de la commission est provincial, avec des programmes livrés localement. Bien sûr, ce ne sont pas toutes les personnes ayant des problèmes d'accoutumance qui ont des problèmes de santé mentale et ce ne sont pas non plus tous les clients qui font appel aux services de l'AADAC qui ont des problèmes d'ordre mental. Mais lorsque coexistent problèmes d'accoutumance et problèmes de santé mentale, les deux doivent être considérés comme des états pathologiques primaires et être traités en conséquence.

Je pense qu'il est important de souligner qu'enjuin 2004, l'AADAC a été identifiée dans le cadre du plan de santé mentale pour l'Alberta comme ayant un rôle de leader à jouer en œuvrant aux côtés des régies régionales de santé à l'élaboration d'une stratégie provinciale visant à améliorer la prestation de services aux clients présentant des troubles concomitants et, à ce jour, l'AADAC a consulté les régies de santé, le Mental Health Board, les médecins de l'Alberta et d'autres parties prenantes de la communauté pour identifier les options en vue d'une approche de collaboration coordonnée.

L'AADAC a également interviewé des clients en vue de recueillir des renseignements au sujet de leurs expérience et perspectives et consulter des experts nationaux et internationaux pour informer le cadre de prestation de services pour l'Alberta.

Je vais me reporter à un document intitulé : Building Capacity — A Framework for Serving Albertans Affected by Addiction and Mental Health Issues. Veuillez noter qu'une copie de ce document vous sera fournie ultérieurement. Je tiens à souligner les points que voici.

Numéro 1. Information, prévention et intervention précoce sont essentielles pour les personnes présentant des états qui ne sont pas suffisamment graves pour qu'ils soient portés à l'attention des systèmes de traitement des problèmes d'accoutumance ou de santé mentale. Ce groupe est particulièrement préoccupant car c'est auprès de ces personnes que les prestateurs de services pourraient peut-être avoir la plus forte incidence sur les plans réduction des préjudices et amélioration de la qualité de vie d'ensemble.

Numéro 2. Il faudrait prévoir des services enveloppants pour les personnes dont les besoins sont plus prononcés. Les services communautaires devraient s'intégrer d'une façon qui vienne compléter les forces de l'individu ou de son système de soutien informel au lieu d'intervenir d'une façon intrusive susceptible d'affaiblir le système de soutien existant du client. Un gestionnaire de cas primaire ou point de contact unique est un élément essentiel pour certains clients.

Numéro 3. La facilité d'accès et la réduction des barrières au traitement et au soutien sont essentielles. Les personnes présentant des troubles concomitants devraient pouvoir être admises ou dans un service de traitement de toxicomanie ou dans un service de soins de santé mentale et s'y voir offrir directement, ou par le biais d'un réseau, la combinaison particulière de services dont elles ont besoin. Le traitement et le soutien que requièrent les personnes présentant des troubles concomitants exigent le sur mesure.

Numéro 4. La contribution importante des fournisseurs de services formels tels soins de santé primaires, services à l'enfance et familiaux, services juridiques et éducation, est reconnue, tout comme l'est la contribution tout aussi importante du réseau de soutien informel assuré par la famille, des membres du clergé, des groupes d'auto-assistance et d'autres.

Numéro 5. Les rôles et les perspectives à l'intérieur du système de santé mentale et à l'intérieur du système de traitement de toxicomanie sont en train d'évoluer. Par exemple, les services de santé mentale ont traditionnellement été axés sur le diagnostic tandis que les services de traitement de toxicomanie se sont concentrés sur le comportement. Il faudra parfois que les agences fonctionnent à l'extérieur de leur mandat traditionnel en réaction aux besoins du client.

Numéro 6. Il importe d'améliorer la sensibilisation et de multiplier les possibilités de formation et de perfectionnement professionnel pour appuyer une approche d'équipe lorsque se présentent des troubles concomitants. Des professionnels et des non-professionnels disposant des connaissances et des compétences requises seront plus à l'aise pour demander à consulter et faire les renvois appropriés.

Enfin, voyons le numéro 7. Il importe qu'il y ait entre les différents systèmes échange d'informations cliniques pertinentes, car c'est là la pierre angulaire de l'offre d'un service sans couture à cette population. L'Alberta est en train de finaliser un protocole pour assurer le respect du caractère confidentiel des renseignements personnels et veiller à l'obtention du consentement éclairé des clients. Ce protocole protégera le droit de respect de la vie privée du client tout en appuyant les besoins des fournisseurs de services quant au partage d'informations requises aux fins de prise de décisions cliniques éclairées. Cette initiative a le potentiel d'éliminer les procédures de cueillette d'information multiples, ce qui est frustrant pour les clients et, je pense, frustrant et inefficace pour le personnel.

L'application pratique du cadre suppose la détermination du domaine dans lequel les besoins de l'individu seront le mieux satisfaits. Selon la situation, une agence prendra le dossier en mains avec l'appui d'un autre service, et parfois le rôle primaire sera transféré ou partagé. Il y aura cependant toujours responsabilité conjointe en vue d'aider le client à réaliser ses objectifs.

Le cadre de l'Alberta suit les domaines de soins esquissés dans le modèle de New York, ainsi que le modèle mixte/de collaboration proposé par le British National Health Service. En vue de la mise en œuvre complète du cadre de l'Alberta, certains programmes devront être améliorés pour mieux servir les besoins des clients souffrant de troubles concomitants. D'autres demeureront dans des programmes de toxicomanie dotés d'une capacité en santé mentale ou dans des programmes de santé mentale assortis d'une capacité de traitement de toxicomanie.

En bref, l'Alberta va adopter une approche systémique grâce à laquelle les besoins individuels des clients seront abordés de manière coordonnée dans le cadre d'une approche de collaboration. Il devient de plus en plus évident qu'aucun système de soins unique ne sera doté de suffisamment de ressources et de capacité de formation et de services pour pouvoir assurer tout l'éventail de services requis par les personnes présentant à la fois des problèmes de toxicomanie et des problèmes de santé mentale. Des régimes de soins bien organisés et interreliés élargiront le rayonnement des options existantes de traitement et de services de soutien.

En conclusion, les Albertains auront dans un proche avenir accès à un système amélioré de soins bâti sur la force de l'actuel système mais davantage centré sur le client et plus exhaustif quant à son éventail de services de traitement de problèmes d'accoutumance et de santé mentale, allant de la promotion de la santé à la prévention et à l'identification précoce, en passant par la réduction des préjudices et le traitement, la réadaptation à long terme, la prévention des rechutes, les soins de suivi et la réintégration communautaire. L'éventail est énorme.

L'AADAC tient à souligner le travail du Comité sénatorial permanent ici présent dans ce très important dossier. Grâce à vos efforts, les besoins et les préoccupations des personnes ayant des problèmes d'accoutumance et de santé mentale bénéficient d'une attention nationale renouvelée, ce qui est fabuleux.

Le fait de rechercher la participation d'une vaste gamme de parties prenantes permettra d'intégrer aux mesures prises toute une diversité de vues et d'améliorer ainsi les programmes et services offerts aux Canadiens atteints de troubles multiples. Pour cela, nous vous remercions.

Nous nous ferons maintenant un plaisir d'accueillir vos questions et commentaires. Lorsque je dis « nous », j'entends bien sûr par là Bill Bell, directeur des services résidentiels et responsable de la stratégie visant les troubles concomitants, et Murray Finnerty, notre PDG.

Le président suppléant : Merci.

Nous allons maintenant entendre Sharon Steinhauer.

Mme Sharon Steinhauer, membre du conseil d'administration, Alberta Mental Health Board : Merci de l'occasion qui m'est ici donnée de comparaître devant vous ce matin. Je représente ici aujourd'hui l'Alberta Mental Health Board et je vais vous entretenir des problèmes d'accoutumance et je vais à l'occasion reprendre ou renforcer certains aspects dont M. Rodney vient de traiter.

Je vais commencer par vous donner des renseignements au sujet du Mental Health Board. Cela fait quelques années que nous nous occupons intensivement du transfert de services, de services directs aux régions de santé et à l'élaboration d'un plan de santé mentale intégré qui a été un effort de collaboration de la part de toutes les parties prenantes et qui guide maintenant notre travail pour l'avenir.

Il se passe dans cette province de nombreuses choses dans le domaine du leadership et qu'il vaudrait la peine de parcourir, car nous avons nous-mêmes appris beaucoup de choses en venant à la table échanger des informations qui sont si essentielles en vue de la prestation de bons services. L'un des aspects de l'échange d'informations, comme l'a souligné M. Rodney, est que nous n'avons en la matière pas suffisamment d'éléments interdisciplinaires de telle sorte que même au début de la chaîne de prestation de services, les toxicomanes obtiennent un bon soutien sur le plan santé mentale et les personnes présentant des troubles mentaux obtiennent un bon soutien sur le plan toxicomanie. Côté recherche, il ne se fait pas suffisamment de travail pour que nous puissions comprendre l'envergure, voire même la prévalence, des doubles troubles. Il commence à ressortir certains éléments d'information au sujet du taux de prévalence des troubles doubles, notamment problèmes de santé mentale et problèmes d'accoutumance, mais nous ne disposons pas vraiment de bonnes preuves scientifiques solides et il nous faut donc continuer d'œuvrer dans ce domaine.

Je vous ai fourni un rapport écrit, mais j'aimerais vous entretenir de certains éléments qui se détachent vraiment du reste pour nous : toute la question de la prévention et de la promotion et l'idée de bâtir une santé mentale positive au lieu de simplement se concentrer sur la prévention de la maladie mentale; le continuum de soins et le continuum de soutien qu'il nous faut assurer, car nous mettons souvent l'accent sur les réactions extrêmes au traitement et oublions qu'il nous faut investir de l'énergie et des ressources en vue de l'objectif de l'établissement de santé mentale positive et de prévention des maladies mentales telles la dépression et le suicide. En ce moment même nous menons ici en Alberta une consultation provinciale sur la prévention du suicide.

Une chose à laquelle nous sommes sans cesse confrontés est que nous avons encore beaucoup à apprendre au sujet de ce qui constitue une bonne santé mentale et de la façon de mettre ces renseignements aux mains des différentes parties prenantes.

En tentant de répondre aux différentes questions étayées dans le document écrit que vous avez devant vous, et qui renferme certaines des questions et des options proposées, nous aimerions porter tout particulièrement à votre attention l'importance de l'établissement d'une stratégie nationale qui s'attaque au stigmate et d'une stratégie nationale qui aide les parties prenantes, qui aide toutes les parties prenantes à comprendre de façon très pratique comment optimiser la santé mentale pour les enfants, de telle sorte que nous puissions assurer une bonne santé mentale tout au long de la vie des gens. Certains travaux de recherche troublants font ressortir l'influence destructrice de la violence et des problèmes d'accoutumance sur le développement des enfants, le développement du cerveau et le développement de la personnalité. Le Dr Bruce Perry est bien connu pour ses travaux de recherche sur ces situations prédisposantes qui mènent à des vulnérabilités sur les plans accoutumance et troubles mentaux à l'âge adulte. Il dit en fait que plus l'exposition est prolongée et continue, plus les dommages infligés seront graves et irréversibles.

Le Dr Fraser Mustard est un autre Canadien bien connu qui parle de l'influence tout au long de la vie d'événements néfastes multiples vécus dans l'enfance. Selon lui, nous ne comprenons pas encore très bien les traumatismes vécus par les enfants. Ce n'est que tout récemment qu'il est ressorti des preuves claires que si l'on ne s'occupe pas comme il se doit de ce qui se passe chez les enfants, alors ils en paieront les conséquences et il nous faudra alors nous occuper d'eux lorsque leurs problèmes seront devenus plus chroniques et enracinés dans leur mode de vie.

Un autre élément qui est méconnu est toute la question du trauma; l'incidence du trauma et du syndrome de stresspost-traumatique, résultant en des altérations qui ont une incidence sur la régulation : dépression durable, colère et rage chroniques, altération des états de conscience, par exemple amnésie ou épisodes de dissociation et altération dans les relations avec autrui, par exemple isolement, repli sur soi-même et angoisse persistante. Les retombées de ces problèmes grèvent nos efforts de recherche, qui n'en sont qu'à leurs débuts, et il nous faut faire beaucoup plus. Les conséquences sont énormes pour les groupes marginalisés et désenchantés, et posent des problèmes tout particuliers et ont une grave incidence sur les peuples autochtones.

J'habite une communauté des Premières nations. C'est là que je m'efforce de m'occuper du bien-être des enfants et des familles avec lesquels je travaille. Nous savons que les questions de trauma non résolues et intergénérationnelles se présentent dans les communautés sous forme de graves problèmes de toxicomanie, de graves problèmes de santé mentale, de violence familiale et de problèmes sociaux croissants. Ce n'est pas en nous occupant des symptômes de cet héritage que nous réglerons les causes profondes, soit les traumatismes et les problèmes non réglés qui continueront de contribuer à une augmentation des nombres d'enfants et d'adultes qui glisseront dans des accoutumances ou qui connaîtront des problèmes de santé mentale. Ceci est pour nous un gros morceau du problème.

Je pense qu'un autre des morceaux dont j'aimerais vous parler est toute la question de la recherche et de la formation. En Alberta, nous sommes en train d'élaborer un plan en vue d'un programme de recherche en santé mentale. Compte parmi les éléments clés du programme l'amélioration de la capacité et en milieu de soins et du côté universitaire. D'autre part, la création d'un centre de recherche virtuel, l'Alberta Research Centre for the Advancement of Mental Health, servira la fin expresse de renforcer les liens et d'assurer des ressources aux deux groupes ainsi qu'aux consommateurs, aux agences communautaires et aux décideurs.

Les fonctions clés du programme faciliteront le transfert de connaissances. Nous n'avons pas beaucoup d'expérience s'agissant de transférer les fruits de la recherche faite par les chercheurs aux mains des fournisseurs de services. Quelle incidence cela a-t-il sur la façon dont nous travaillons? Quelle incidence cela a-t-il sur la façon dont nous organisons nos services? Le transfert des connaissances joue en la matière un rôle très important.

Fourniture de services de consultation d'experts en santé mentale; parrainage et lancement de recherche appliquée; gestion d'initiatives de financement de recherche; exploitation, gestion financière et reddition de comptes; soutien en technologie de l'information, et ainsi de suite. Nous pensons qu'une fois établi, ce programme pourrait servir de modèle pour d'autres organismes en vue de l'avancement de la recherche en santé mentale et en toxicomanie.

Une autre question est celle de la distribution des ressources humaines. Des données objectives nous permettraient de déterminer qui est requis à quelle fin et où. Les plans élaborés doivent intégrer les différentes philosophies de traitement de la toxicomanie versus la santé mentale. Comme l'a soulignéM. Rodney, nous avons parfois emprunté des chemins divergents et il nous faut vraiment travailler en vue de bâtir la capacité requise pour que les spécialistes des problèmes d'accoutumance puissent réagir aux problèmes de santé mentale ou inversement, étant donné que le gros de la recherche indique aujourd'hui que les troubles de comportement ont peut-être leur source dans les mêmes fonctions cérébrales ou dans des fonctions cérébrales chevauchantes.

Encore une fois, la vulnérabilité à toutes les accoutumances et à tous les attachements, qu'il s'agisse de substances ou de comportement, peut être classée de différentes façons. L'important est que le client comprenne ce qui se passe dans sa vie et de déterminer quels genres de réaction, de soutien et de traitement le serviront le mieux. Des interprétations ou des philosophies différentes ne devraient pas empêcher le patient d'obtenir les meilleurs soins possibles.

Comme l'a dit M. Rodney, et je tiens à insister là-dessus, aucun service, aucun organisme ne saurait seul assurer tout l'éventail de soutien qui doit être en place pour ces personnes. Il nous faut tirer le meilleur de ce que chacun d'entre nous peut offrir et bâtir la capacité requise pour offrir une solution exhaustive aux problèmes.

Cela fait 17 ans que je travaille dans le domaine des problèmes d'accoutumance, et ce dans toute une variété de contextes, et il me faut vous dire que les clients entrent dans le système par quantité de portes différentes. Ils peuvent avoir des problèmes de toxicomanie, de santé mentale ou autres, mais ils se sentent à l'aise lorsqu'ils nous viennent par la porte de leur choix, mais cela ne veut pas dire qu'il nous faut avoir une pensée étroite quant à la façon dont nous réagissons à eux. Nous devrions leur offrir un bon accès par toute une variété de portes différentes, l'important étant de leur assurer une gamme exhaustive de services et de soutien afin de leur livrer le plus tôt possible les meilleurs soins possibles. Plus le dépistage est précoce, meilleurs sont les résultats.

Il nous faut travailler de façon multidisciplinaire et mettre en place des instruments de dépistage qui aideront les gens à comprendre ce à quoi ils sont confrontés lorsqu'ils travaillent avec un client. Il y a eu des exemples de cela dans la région d'Aspen. Par exemple, le Mental Health Board vient tout récemment de former tous les prestataires de services, qu'ils travaillent en centre de crise ou en milieu scolaire, dans l'utilisation d'un instrument de triage et de dépistage en santé mentale qui a vraiment aidé les gens à comprendre et à savoir ce qu'est un renvoi approprié. C'est ainsi que le Mental Health Board assure aujourd'hui des renvois plus appropriés. Le personnel sur les premières lignes se sent mieux en mesure de gérer certains des comportements auxquels il est appelé à réagir, quelle que soit la porte d'entrée dans le système empruntée par le client.

Il existe quantité de possibilités de partage d'idées, de leçons, de recherche, les différents services s'appuyant les uns les autres afin de faire de leur mieux, de bâtir le meilleur système possible pour la santé mentale, les problèmes d'accoutumance et tout particulièrement les patients à troubles doubles dont les besoins sont très complexes et qui ont besoin d'être appuyés du mieux possible en utilisant toutes les voies à notre disposition.

Le sénateur Tardif : Je suis très au courant du bon travail accompli et par l'AADAC et par le Mental Health Board ici en Alberta. Merci d'être des nôtres ici aujourd'hui et merci de vos excellentes présentations.

Je ne saurais être davantage d'accord avec vous lorsque vous dites que l'objectif d'une approche coordonnée et de collaboration est absolument essentiel. Vous avez également mentionné que l'établissement d'un point de contact unique en la personne du gestionnaire de cas primaire est peut-être le meilleur moyen de relever certains de ces défis.

Cependant, comme c'est le cas de tout objectif, c'est la réalisation qui est souvent difficile et, bien que tous ces objectifs soient très louables, je me demande quels sont les défis particuliers que vous entrevoyez s'agissant d'atteindre les objectifs que vous avez mentionnés, qui sont, je pense, absolument essentiels dans le contexte de ce dont vous nous avez entretenus aujourd'hui.

M. Rodney : Je devrais peut-être céder ici la parole à Bill Bell, qui travaille dans ce domaine depuis beaucoup plus longtemps que moi, bien sûr, en sa qualité de dirigeant de la stratégie visant les troubles concomitants et directeur des services résidentiels.

M. Bill Bell, directeur des services résidentiels, Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission : Mme Steinhauer a mentionné que nous avons beaucoup à apprendre. L'un de ces défis est d'établir compétence et confiance chez tous nos employés, car nos employés traitent en fait des besoins de ce groupe de clients mais ne le reconnaissent pas souvent. Certaines des étapes ou certains des défis sont justement d'établir ce niveau de confiance. Nous faisons des choses, comme par exemple établir différents niveaux de formation du personnel.

Mme Steinhauer a également parlé de dépistage. Nous savons que la documentation nous dit qu'il nous faut faire l'analyse du groupe de clients qui entrent par la porte de la santé mentale pour déterminer si ces personnes présentent des toxicomanies, et qu'il nous faut contrôler les personnes qui entrent par la porte du traitement de toxicomanie pour voir si elles ne présentent pas des troubles mentaux. À l'AADAC, nous avons par exemple lancé le contrôle universel des clients qui passent par la porte du traitement de toxicomanie pour déterminer s'ils ne présentent pas des problèmes de santé mentale.

Je pense que le défi est de commencer à reconnaître nos propres forces et le fait que nous possédions à l'intérieur de notre système une vaste sagesse collective, et je crois qu'il nous faut réunir cette sagesse collective d'une façon qui bénéficie à tous. Je pense que c'est là l'un des défis que j'ai identifiés.

Le sénateur Tardif : Y a-t-il des obstacles structurels qui expliquent cela, ou bien est-ce simplement une question de bonne volonté?

M. Bell : En Alberta, lorsque nous avons fait nos consultations au sujet de ce groupe de clients avec les régions de santé et l'Alberta Mental Health Board, ce que nous avons constaté c'est qu'il y avait au sein de nos communautés un très vif désir de travailler ensemble. Lorsque nous avons entamé nos consultations, l'AADAC était chargée de diriger l'élaboration d'une stratégie provinciale. Nous nous y sommes lancés avec cela en tête, et les régions de santé, les médecins et les autres ont très vite dit « Parlons de la façon dont nous pourrions bâtir à partir de notre force actuelle. Parlons de la façon dont nous pourrions régler certains de nos défis aujourd'hui ». Nombre des barrières organisationnelles ont à voir avec le désir ou le manque de désir de collaborer. En Alberta, il semble que nous vivions un désir incroyable de venir à la table et de travailler ensemble.

Mme Steinhauer : Je pense que ce dont parle M. Bell c'est du fait qu'il s'agit d'une situation dans laquelle parfois vous dirigez et parfois vous appuyez. Peu importe la porte par laquelle entre le client. S'ils ont décidé que la personne de soutien prioritaire pour le client est un centre de traitement de toxicomanie, alors cette personne assume le rôle de gestionnaire primaire du dossier, et les autres parties prenantes appuient ce processus.

Le sénateur Trenholme Counsell : J'ai beaucoup apprécié les deux présentations. Il me faut dire, madame Steinhauer, que vous avez parlé à mon cœur car cela fait un bon moment que je me penche sur le développement de la petite enfance, et je connais très bien le Dr Fraser Mustard.

J'aimerais vous poser des questions au sujet des jeunes et de la drogue, mais j'aimerais d'abord vous demander, s'agissant de priorités, s'il vous fallait faire un choix, pensez-vous que l'aspect prime enfance soit la priorité sur le plan prévention?Que pensez-vous de ce qui se passe à l'heure actuelle? Quelle est votre évaluation? Quelle est votre opinion quant aux plus récents développements?

Mme Steinhauer : Je considère en effet le morceau de la petite enfance comme étant essentiel. Il nous faut bâtir à partir de ces visions ambitieuses en matière de développement de la petite enfance et aider les gens à comprendre les facteurs qui prédisposent à une mauvaise santé mentale. Nous sommes tous responsables de la santé mentale des enfants; cela revient à cette notion qu'il faut toute une communauté pour bâtir un enfant. Au fur et à mesure du développement de la santé mentale, une santé mentale positive se développe dans les environnements dans lesquels vous êtes engagé. Et s'agit-il d'environnements qui protègent un enfant ou d'environnements qui créent des risques pour un enfant? Je considère tout l'aspect développement du jeune enfant, ou DJE, comme étant absolument essentiel pour prévenir ces mauvaises issues pour les enfants.

Le sénateur Trenholme Counsell : J'aimerais également connaître vos idées au sujet du diagnostic très précoce de troubles du cerveau, qu'il s'agisse de schizophrénie, de trouble bipolaire ou, bien sûr, de syndrome d'alcoolisme fœtal, qui apparaît très tôt. Pensez-vous qu'il nous faille faire face à ces questions et avoir le courage de faire le diagnostic à un stade très précoce? Qu'en pensez-vous?

Mme Steinhauer : Je pense qu'il nous faire cela. En Alberta, nous marquons des progrès en ce sens. Nous avons eu de la chance; nous avons eu il y a plusieurs années un médecin qui a fait une critique de la santé mentale des enfants ici dans la province, et cela a réuni différents intervenants ensemble en vue d'élaborer de nouveaux programmes pour enfants; des programmes plus intégrés et très spécialisés. Bien que nous ne puissions pas encore tout offrir en temps opportun aux enfants, je pense que nous sommes en train d'apprendre et de faire des progrès.

Le sénateur Trenholme Counsell : Êtes-vous optimiste? Les choses s'améliorent-elles?

Mme Steinhauer : Absolument. En l'absence d'espoir et d'optimisme, nous pourrions très facilement nous décourager car les problèmes semblent être à la hausse. Il existe des problèmes énormes. Lorsque je discute avec des gens dans le système scolaire il me semble qu'ils sont très stressés par les genres de comportements et d'états émotifs que présentent les enfants qui passent le seuil de leur porte, et ils se sentent tout à fait dépassés. Nous tentons de mettre en place davantage de systèmes face à cette situation.

Cependant, encore une fois, j'ai parfois l'impression que notre attitude est que le fait d'ajouter davantage de ressources côté traitement nous donnera ce que nous visons. Mais si nous n'investissons pas des ressources côté prévention, alors nous nous retrouverons avec de plus en plus d'enfants qui auront besoin d'aide. Côté traitement, bien sûr, c'est très coûteux. Il est bien sûr préférable de bâtir des enfants plutôt que de réparer des adultes. Je pense que nous avons entendu cela ailleurs. Il nous faut donc à mon avis investir davantage pour bâtir des enfants sains.

Le sénateur Trenholme Counsell : Monsieur Rodney, nous avons au Nouveau-Brunswick un programme appelé Portage auquel sont versés des jeunes gens pour 6 à 12 mois — je ne suis pas certaine du nombre exact de mois, mais ces jeunes sont envoyés dans un centre résidentiel. Ce sont des jeunes qui ont des problèmes de toxicomanie. C'est une communauté au sein de laquelle ils passent la période de temps voulue, puis ils réintègrent l'école, leur famille, et cetera Avez-vous des installations du genre? Comment décririez-vous ce que vous avez ici en Alberta?

M. Rodney : Il nous faut nous préoccuper des gens de toutes les catégories d'âge, bien sûr, mais vous avez mentionné tout particulièrement les jeunes et le diagnostic précoce. Je pense qu'il serait juste de dire que l'AADAC est reconnue mondialement pour ce qu'elle a fait en matière de programmes pour jeunes, de programmes scolaires. J'ai vu qu'on en parlait dans de la correspondance et des brochures des Nations Unies, et je vais peut-être inviter Murray Finnerty à vous parler un petit peu plus du programme Bridges et de quelques autres.

Je mentionnerai simplement que nous avons deux tout nouveaux centres d'évaluation et de désintoxication pour jeunes qui vont bientôt ouvrir leurs portes. D'autre part, d'ici un an très exactement entrera en vigueur une toute nouvelle loi en matière de désintoxication et d'évaluation obligaoires.

Pour ce qui est de diagnostics précoces, vous avez tout à fait raison, madame Steinhauer, lorsque vous dites qu'il est beaucoup plus facile de s'occuper des enfants lorsqu'ils sont encore tout jeunes. Le diagnostic précoce dans nos deux domaines peut-être, mais en tout cas, j'en suis certaine, dans celui de la toxicomanie, peut définitivement sauver une vie et un chagrin de toute une vie, non seulement pour le jeune concerné mais pour beaucoup d'autres.

M. Murray Finnerty, president-directeur général, Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission : Nous avons un éventail complet de centres de traitement en Alberta mais nous mettons tout particulièrement l'accent — nous avons 28 bureaux de région qui offrent des services de counselling pour jeunes patients externes, et je ne voudrais pas reprendre les commentaires faits par Mme Steinhauer, mais nous mettons très clairement l'accent sur les jeunes enfants et les familles, les écoles en particulier, et l'établissement d'une capacité communautaire.

Nous avons également deux centres de traitement de jour intensif et, comme l'a indiqué notre président, deux tout nouveaux centres spécialisés dans la désintoxication des jeunes ainsi que des programmes de traitement résidentiels à long terme, qui sont venus principalement en réaction au phénomène du crystal meth, qui nous envahit tous en ce moment. Nous avions jusqu'ici pu traiter des terribles conséquences de la toxicomanie chez les jeunes grâce à nos services pour patients ambulatoires et traitements intensifs de jour. Cependant, cette drogue amène avec elle ici en Alberta des circonstances très particulières telles que nous avons décidé qu'il nous fallait des centres de traitement résidentiel spécial à plus long terme.

Nous connaissons le programme Portage que vous avez mentionné. En Alberta, nous finançons également 37 agences, dont plusieurs qui s'occupent de jeunes, et nous avons à Calgary le seul centre de traitement pour femmes de tout l'Ouest du Canada, et celui-ci met l'accent sur les familles et les jeunes gens également.

Le sénateur Trenholme Counsell : Pourriez-vous nous expliquer davantage le problème du crystal meth pour nos jeunes gens? Je pense que c'est là l'un des nouveaux phénomènes à surgir. J'aimerais en savoir un peu plus.

M. Finnerty : C'est sans doute la « super tempête » d'abus de drogue à déferler sur nous. Cette drogue est hautement accoutumante, extrêmement néfaste, ne coûte pas cher à produire et intéresse d'énormes éléments criminels, avec des laboratoires dangereux. Ce que nous voyons ce n'est pas la nécessité de stratégies et de réponses individualisées pour le crystal meth. Plusieurs d'entre nous, particulièrement en Alberta, avons réagi avec ce que nous appelons l'Alberta drug strategy. Celle-ci a simplement pour objet de nous informer des substances qui entraînent une toxicomanie. Cependant, le crystal meth présente un certain nombre de caractéristiques différentes. Cette drogue est extrêmement dommageable physiquement et a un effet immédiat sur le cerveau. Les jeunes qui en consomment et qui viennent nous voir manifestent de la paranoïa, de la violence et différents états psychotiques.

Sur le plan traitement, nous avons constaté qu'il nousfaut intervenir de la même façon que dans le cas de laplupart des drogues sur les plans désintoxication et thérapie bio-psycho-sociale. Nous avons cependant relevé un certain nombre de différences. Les patients doivent rester plus longtemps en désintoxication. Leur durée d'attention est très courte et il vous faut donc modifier votre régime de traitement par à-coups. Le traitement doit être plus long. Il vous faut également assumer un plus long suivi lors de leur réinsertion dans leur milieu car les rechutes viennent rapidement. Nous insistons beaucoup sur le counselling pour patients externes lorsque ces jeunes rentrent chez eux.

Le crystal meth est une drogue horrible et très dévastatrice. Cependant, nous espérons et comptons que cela aussi passera, mais il faudra quelques années avant que les jeunes ne comprennent eux-mêmes le message que cette drogue est horrible et qu'il vaut mieux ne pas y toucher. Il y aura toujours 5 p. 100 des jeunes qui expérimenteront. Nous, nous l'avons fait; tout le monde le fait. Nous voulons simplement éviter à ces jeunes de devenir dépendants à l'égard de cette drogue.

Il y a des preuves anecdotiques selon lesquelles ils commencent à entendre le message. C'est ici que la prévention et l'éducation dont Mme Steinhauer a parlé sont si importantes. Nous ne voulons pas avoir à nous occuper de ces jeunes dans les centres de traitement.

M. Rodney : En fait, monsieur Finnerty, si vous permettez que j'intervienne très rapidement ici, si les gens connaissaient les effets de cette drogue non seulement sur leur corps et leur cerveau mais également sur leurs familles et leurs communautés, ils n'y toucheraient jamais. Sans vouloir vous faire tout le baratin, parce que c'est très facile à faire dans le cas du crystal meth, comptent parmi les produits chimiques précurseurs entrant dans sa composition des choses comme les additifs que nous versons dans nos véhicules. C'est très étrange.

M. Finnerty a mentionné qu'il y aura toujours ce groupe qui fera ce qui est tabou, quoi que ce soit, et c'est la triste réalité.

Je ne voudrais pas minimiser la gravité de cette drogue, mais lorsqu'on songe au nombre de personnes qui ont des problèmes de consommation d'alcool, de marijuana et d'autres drogues, c'est un très petit pourcentage. C'est une drogue designer; elle est au goût du jour. Si nous établissions par exemple des centres pour le crystal meth, je pense qu'il nous faudrait très vite changer le nom. C'est en vérité la troisième fois que ce type de drogue fait le tour. À certains égards, c'est presque générationnel.

Vous savez peut-être, mais peut-être pas, qu'il y a peu de temps les premiers ministres des provinces de l'Ouest ont convoqué une réunion spéciale à laquelle ont participé, je pense, non seulement les provinces de l'Ouest mais également certains États américains. Demain, M. Finnerty et moi-même allons rencontrer ces autres experts et échanger ce que nous savons au sujet d'une drogue qui est très mal comprise, sur les plans non seulement de ses effets mais également de la façon de traiter les gens qui la prennent. Cependant, nous sommes bien lancés, et nous avons des anges si incroyables à l'AADAC et ailleurs que j'envisage avec plaisir de faire ce que nous pouvons pour enrayer cette mode ridicule.

Le sénateur Cordy : Pour ce qui est des problèmes d'accoutumance, j'aimerais revenir encore aux aspects prévention et intervention précoce. Pour commencer avec la prévention, les choses sont beaucoup plus faciles si l'on maintient un bon état de santé mentale que s'il faut intervenir pour soigner. Comment faire en matière de prévention? L'éducation serait certainement l'un des gros facteurs. Que pourrions-nous faire d'autre?

Mme Steinhauer : Nous savons que les facteurs de risque proviennent des genres de milieu familial et communautaire dans lesquels vivent ces enfants, alors nous pourrions peut-être bâtir une plus vaste gamme de mécanismes de soutien pour les enfants. La documentation nous dit qu'il y a trois choses qui peuvent faire la différence s'agissant de contrecarrer une mauvaise expérience familiale : soutien de la part d'adultes, attentes élevées et participation positive dans sa propre vie. La question est la suivante : Disposons-nous de mécanismes d'identification des enfants qui sont à risque et disposons-nous de moyens de les intégrer au réseau de soutien de façon à pouvoir, en définitive, atténuer certains des risques qui font que leur famille est vulnérable? Les enfants sont élevés d'abord par la famille, et deuxièmement à l'école. Ainsi, ces premières années, que visent les stratégies du jeune enfant, correspondent à la période préscolaire. Nous recourons au programme Bon départ et à d'autres mécanismes pour tenter d'identifier les enfants ayant peut-être besoin de plus de soutien que ce qui leur est naturellement fourni.

Comptent parmi les facteurs de risque toutes les grappes de pairs dont s'entourent les jeunes gens, alors certaines des notions s'appuient sur des modèles de thérapie de groupe, afin que vous ne traitiez pas avec les jeunes individuellement mais plutôt avec un groupe de jeunes qui consomment alcool et drogues. Vous pouvez alors viser le groupe tout entier et faire des choses avec lui.

La multiplication des initiatives communautaires, surtout dans les localités où il n'a pas suffisamment de facteurs de protection présents dans le milieu — et ces facteurs de protection sont le soutien adulte — constitue un engagement à l'égard de la communauté et nourrit l'estime de soi.

Il y a des facteurs communs qui recoupent problèmes d'accoutumance et santé mentale. Je sais que lorsque nous effectuons des évaluations de dépistage pour l'une ou l'autre catégorie de problèmes, nous cherchons à déterminer ce qui a précédé quoi. Parfois les problèmes de santé mentale ont précédé la toxicomanie, et c'est parfois un problème de toxicomanie qui a précédé les problèmes de santé mentale. Ce n'est pas une question de séparation des deux. Ce sont des facteurs intégrés. Il nous faut être clairs s'agissant de ce qui déclenche quoi, mais ce sont des éléments interreliés. Si vous parvenez à instaurer des facteurs de protection pour donner tout un éventail de soutien aux jeunes, alors vous pourrez changer les choses. La recherche nous le montre.

M. Rodney : L'AADAC met l'accent sur la prévention, l'éducation et le traitement. Bien sûr, si la prévention et l'éducation étaient absolument parfaits, nous n'aurions pas besoin de traitement, et ce serait merveilleux. Cependant, je pense qu'il est juste de reconnaître que la nature humaine est telle que tant et aussi longtemps que ces substances ou attachements sont disponibles, les gens les essaieront et(ou) tenteront d'en tirer profit.

Murray Finnerty a mentionné certains des programmes qui sont en place à l'heure actuelle pour les jeunes, le milieu scolaire et les familles en matière de prévention et d'éducation. Sénatrice, vouliez-vous que Murray entre dans le détail de ces choses?

Le sénateur Cordy : Il est en train de dire non de la tête.

M. Rodney : C'est bien.

Le sénateur Cordy : Lorsqu'on se penche sur les facteurs de vulnérabilité et que l'on regarde les enfants qui ont été traumatisés, l'on reconnaît clairement que ce sont les enfants qui sont le plus à risque. Cela fait plusieurs années maintenant que les militaires, en tout cas, reconnaissent que le SSPT ou syndrome de stress post-traumatique, est un participant aux problèmes que peut vivre une personne.

Reconnaît-on dans la société au sens large, et pas seulement chez ceux qui travaillent dans le domaine, car ils reconnaissent cela plus tôt, que le trauma ou le SSPT peut causer des problèmes chez les jeunes enfants?

Mme Steinhauer : Vous voulez savoir si le phénomène est généralement compris par la population au sens large?

Le sénateur Cordy : Est-ce généralement compris, autrement que par ceux qui œuvrent dans le domaine?

Mme Steinhauer : Je ne le pense pas. Ce serait peut-être là une initiative importante à lancer, soit une campagne nationale visant à aider les gens à comprendre ce qu'il faut pour bâtir un enfant solide ou une bonne santé mentale : Quels sont les facteurs de risque? Sous quelle forme les traumatismes peuvent-ils se présenter?

Le gouvernement provincial que nous avons ici a à mon sens joué un vrai rôle de leader, s'appuyant également sur le travail du Dr Bruce Perry, pour reconnaître que la violence familiale et les familles marquées par des problèmes d'accoutumance présentent des facteurs de risque pour le bien-être émotionnel et mental des enfants. Le gouvernement a assumé un rôle de leader relativement au SAF, ou syndrome d'alcoolisation fœtale et aux problèmes de violence familiale. Bien sûr, il s'agit d'une initiative interministérielle lancée ici dans la province, mais elle est venue grâce à cette sensibilisation. Pour répondre à votre question, des petits foyers de la population comprennent, mais je ne pense pas que ce soit bien compris par l'ensemble de la population. Tout comme c'est le cas des problèmes des Autochtones que j'ai évoqués plus tôt, leur histoire n'est pas comprise comme étant celle de traumatismes non résolus, et c'est le Dr Perry qui m'a aidée à comprendre qu'il s'agit d'un trouble de stresspost-traumatique intergénérationnel ancien qui n'a jamais été compris, reconnu ou traité.

Que cela signifie-t-il pour les genres de programmes, services et soutiens qu'il nous faut mettre en place? Comment faire pour mieux éduquer les gens en la matière d'un bout à l'autre du pays? Il y a un fossé énorme.

M. Rodney : Dans un esprit de solidarité par rapport à ma collègue ici, ce n'est pas que je ne suis pas d'accord, mais je sais qu'en ce qui concerne le SSPT, aussi étrange que cela puisse paraître, je pense qu'il nous faut remercier les soldats qui sont revenus de la guerre avec le SSPT d'avoir sensibilisé au problème les gens qui se sont trouvés dans des situations du genre. Cependant, dans le cas de situations comme celles que vient d'évoquer Sharon, surtout lorsqu'il est question de jeunes, je dirais que non, nous n'y sommes pas encore du tout. Peut-être que c'est une progression.

Le sénateur Cordy : Il a en effet fallu longtemps pour que le phénomène soit reconnu, même chez les militaires, suivant l'intervention de gens comme le sénateur Dallaire.

M. Rodney : Absolument.

Le sénateur Cordy : Il y a donc de l'espoir?

M. Rodney : Il y a de l'espoir.

Le sénateur Cordy : L'une des choses que vous avez mentionnées, madame Steinhauer, est que les écoles doivent reconnaître — et pas seulement les écoles, mais également les voisins, parents, amis — ce qui constitue un renvoi approprié. J'ai été frappée par cela car j'ai été institutrice pendant 30 ans et je me souviens d'avoir moi-même fait des appels téléphoniques et m'être fait dire : « Dommage, mais il nous faut plus de renseignementslà-dessus ». La situation a-t-elle changé? J'ai arrêté d'enseigner il y a cinq ans. La situation a-t-elle changé? Les écoles sont-elles incluses dans la boucle pour que l'on tienne compte de tous les aspects de la vie de l'enfant et pas seulement le côté réussite scolaire?

Mme Steinhauer : Je pense que oui. Je ne peux pas me prononcer sur le Canada tout entier, mais je peux vous dire qu'en Alberta il s'est fait du travail conjoint — je sais que l'AADAC a toujours été un partenaire dans le milieu de l'éducation et que l'AMHB a œuvré à l'élaboration de ressources pour enseignants afin de les aider à comprendre ce qu'ils constatent en salle de classe. Comment reconnaître la dépression? Qu'est-ce que le syndrome d'alcoolisme fœtal?Qu'est-ce qu'un trouble de l'alimentation? Commentverriez-vous cela exprimé en milieu scolaire? Un certain nombre de choses ont été identifiées et livrées au milieu scolaire en tant que ressources pour les enseignants. Le défi, cependant, est que les enseignants sont libres de recourir ou non à ces ressources. Elles ne font pas partie du programme scolaire de base et c'est ainsi qu'il incombe à l'individu de prendre l'initiative et de tenter de s'attaquer aux problèmes qu'il constate dans sa salle de classe. Cela me pose quelque problème.

M. Rodney : Sénateur, tout comme vous, j'ai passé du temps à enseigner : 13 années dans trois pays, en fait, à tous les niveaux scolaires, mais surtout à l'école secondaire. J'y ai vu beaucoup de possibilités de perfectionnement professionnel pour les personnes décidées à faire quelque chose. Je ne peux pas parler au nom de l'Alberta Teachers' Association. Je ne sais trop si elle apprécierait cela, vu le poste que j'occupe à l'heure actuelle, mais il n'y a aucun doute qu'à moins que cela ne soit intégré au programme scolaire, cela ne filtrera jamais jusqu'à la base, tout comme ce qui a été dit en réponse à votre question antérieure au sujet de la sensibilisation, de la compréhension et de la prise de mesures pour obtenir plus de renseignements et de traitements. Il est formidable que nous ayons des conseillers d'orientation à différents niveaux, mais à moins qu'ils aient été formés et qu'ils intègrent cela à leurs pratiques de travail normales, cela ne prendra pas. En règle générale, des mesures sont prises après coup, et il s'agit davantage d'une réaction; ce n'est pas positif.

Nous entendons toujours la même rengaine : nous voulons plus de personnel à AADAC dans les écoles; nous voulons plus de gendarmes, d'agents de ressource; nous voulons plus de conseillers d'orientation qui puissent précisément faire ce genre de travail, c'est-à-dire pas simplement éduquer et soigner, mais prévenir.

Le sénateur Cordy : Monsieur Rodney, vous avez parlé d'un service sans couture, ce qui est selon nous essentiel. Vous avez parlé du protocole pour protéger la vie privée du client tout en pouvant transmettre des renseignements sur le client. Nous avons entendu parler d'histoires de clients ou de consommateurs qui vont dans un hôpital ou discutent avec un professionnel des soins de santé et qui doivent sans cesse répéter leur histoire, et cela peut déjà en soi être traumatisant. Je m'interroge quant à la réaction du public à la mise en œuvre de ce protocole. Est-elle positive, ou bien son application crée-t-elle pour vous des problèmes?

M. Rodney : Il s'agit là d'une question que je devrais renvoyer à M. Bell, car il a plus étudié cet aspect-là que moi.

M. Bell : Quant à la question de savoir où nous en sommes avec le protocole élaboré par le ministère de la Justice de l'Alberta, en Alberta, lorsqu'on parle échange d'informations entre régions de santé et l'AADAC, nous avons trois projets de loi qui sont la Health Information Act (loi sur l'information en matière de santé), la Freedom of Information Act (loi sur l'accès à l'information) et l'Alberta Alcohol and Drug Act (loi sur l'alcool et les drogues de l'Alberta). Ce que nous avons fait c'est que nous avons élaboré des feuilles de consentement très ciblées, car le caractère confidentiel des renseignements est historiquement une grosse préoccupation dans le domaine de la toxicomanie et de l'AADAC. La transmission d'informations sera très spécifique entre une région de santé et un médecin ou une agence d'intervention, qu'il s'agisse de l'AADAC ou d'une des agences que nous subventionnons. Ces formulaires de consentement sont très spécifiques et adhèrent au principe de la protection du caractère confidentiel des renseignements personnels. Le client doit être d'accord et il lui faut donc comprendre que les renseignements seront utiles à quelqu'un d'autre et donner son consentement pour la transmission d'éléments précis, et non pas son dossier tout entier — ne seront transmis que les éléments d'information pour lesquels le client a donné son consentement. Cependant, cela n'est pas encore opérationnel en Alberta. Nous discutons toujours avec certaines régies de santé régionales de l'idée de faire un essai.

Lorsque nous avons effectué nos entrevues de clients, ceux-ci nous ont parlé de l'importance de protéger leurs renseignements personnels, bien sûr, mais également de la nécessité de reconnaître pleinement que certains renseignements doivent être transmis afin qu'ils n'aient pas eux-mêmes à les fournir plusieurs fois.

Le sénateur Callbeck : Monsieur Rodney, vous avez parlé de crystal meth. Vous avez dit que c'était la troisième fois que cette drogue faisait le tour. Que vouliez-vous dire par cela?

M. Rodney : Simplement que différentes formes de cette drogue ont été disponibles par le passé. Cela a commencé dans les années 60 avec un précurseur du LSD et d'autres choses du genre. Cette drogue a donc déjà existé sous différentes formes et il ne s'agit pas d'un phénomène complètement nouveau. Ce que j'ai voulu dire c'est que ou ces produits reviennent sous une forme différente ou alors il y a une nouvelle drogue. Pendant un temps, c'est l'ecstasy qui était à la mode. Ces choses ont tendance à aller et venir et j'imagine que les différentes générations éprouvent le besoin de réexplorer ces choses.

Le sénateur Callbeck : Qu'avons-nous appris quant à la meilleure façon de communiquer ce message aux jeunes?

M. Rodney : Monsieur Finnerty, vous travaillez depuis quelque temps à l'AADAC. Pourriez-vous nous parler un petit peu de la façon dont le trafic de drogues a évolué au cours des 50 dernières années? Cela a commencé avec les boissons alcoolisées, mais il y a bien d'autres substances qui sont disponibles aujourd'hui, dont le crystal meth.

M. Finnerty : Oui, nous avons accumulé beaucoup d'expérience dans ce domaine et je pense que nous avons discuté d'un certain nombre de choses que nous avons utilisées en Alberta pour la prévention et l'éducation, et je ne vais pas tout répéter, mais il est certain que le fait de se concentrer sur les jeunes enfants et le milieu dans lequel ils sont élevés constitue une étape importante. Nous avons également eu énormément de succès dans nos interventions en milieu scolaire. De nos jours, les enfants apprennent tout à l'école. Je sais que l'on en demande énormément au système d'éducation, mais voyez le changement de perspective en matière d'écologie qui en est ressorti, ce qui est si différent de ce dont je me souviens de mes années au secondaire.

Les enfants sont intelligents; ils savent ce qui se passe. Vous ne pouvez pas les tromper. Il vous faut notamment être extrêmement honnêtes avec eux. Vous ne pouvez pas leur tenir des propos qui ne s'appuient pas sur de solides preuves et de la bonne recherche. Par exemple, les gens sont nombreux à dire que le crystal meth crée une accoutumance dès la première fois que vous en prenez. Ce n'est pas vrai. Si vous dites cela aux jeunes, ils vous répondent, « Vous ne savez pas de quoi vous parlez », et la questionsous-entendue est la suivante : et qu'est-ce qu'on nous a servi d'autre qui est faux? Il vous faut être extrêmement prudent dans ce que vous faites.

Nous avons consacré beaucoup de temps au programme scolaire. Nous en savons parlé. Nous avons du matériel pleinement intégré et nous le rajustons en fonction des enseignants. Nous avons depuis un an ou deux ajouté au programme le crystal meth.

Nous considérons qu'il est extrêmement important d'être sur place dans les écoles, et le problème des ressources est énorme. Bien que nous ayons 600 employés en Alberta et que ce soit là pour nous une chance énorme, ce n'est pas rien d'assurer une présence dans chacune des 400 ou autre écoles. Cependant, le fait que nos conseillers soient sur place a des conséquences concrètes car les enfants s'approcheront de vous et vous aborderont et ils vous diront exactement ce qui se passe.

Je pense qu'une des vraies leçons que nous avons apprises est qu'il nous faut mettre l'accent sur les familles, mettre l'accent sur les écoles et mettre l'accent sur le fait que c'est le problème de tout le monde; c'est un problème communautaire. Ce n'est pas le problème de l'AADAC, ni celui du Mental Health Board, ni de quiconque d'autre. Chacun doit faire sa part.

Pour conclure là-dessus, l'autre élément qui a selon nous très bien réussi est notre appui à quelque 39 groupes de travail communautaire de lutte contre la drogue à l'échelle de la province, initiative dans le cadre de laquelle se retrouvaient responsables des services de santé, écoles, forces de police, individus et familles pour discuter du problème. C'est un outil très puissant pour engager les jeunes, car il faut briser la structure d'influence exercée par les pairs qui entoure la consommation de drogues.

M. Rodney : L'AADAC a un site Web très exhaustif qu'utilisent extrêmement bien et les étudiants et les enseignants.

L'autre catégorie que j'évoquerais est celle des annonces d'intérêt public, les annonces qui passent à la télévision. Prenez par exemple le tabagisme. J'étais autrefois ce type qui a gravi deux fois le Mont Everest, et c'est vrai, mais il s'agit ici d'un tout autre Everest, et les gens disent, « Cette annonce au sujet du gamin qui... » ou « Cette annonce au sujet des parents qui... » Nous faisons des efforts pour cibler où que soient les gens, que ce soit à l'école, au travail, ou simplement devant leur poste de télévision.

Le sénateur Callbeck : Lorsque vous dites que vous avez des conseillers sur place dans les écoles, entendez-vous par là qu'il y a quelqu'un en permanence?

M. Finnerty : Nous n'avons pas le personnel pour cela. Cependant nous rendons visite annuellement à chaque école dans l'aire de rayonnement de nos bureaux. Dans certaines des plus grosses écoles secondaires nous avons pu réunir des ressources telles qu'il y a des visites sur place à l'école le lundi après-midi, le vendredi matin, ou autre, et les élèves finissent par savoir quand vous êtes en disponibilité et quand vous êtes sur place.

Le sénateur Callbeck : Monsieur Rodney, je pense vous avoir entendu dire que d'ici un an vous aurez ici dans la province un système de diagnostic et de désintoxication obligatoire. Est-ce bien cela?

M. Rodney : Je parlais du projet de loi 202, l'un de deux projets de loi d'initiative parlementaire seulement qui ont été adoptés pendant la session du printemps. Ils sont en train de travailler sur le détail, alors ce n'est pas encore la version finale. Tout est toujours dans les détails.

Ce qu'il prévoit est que si un parent désire vraiment que son enfant suive un traitement — car l'objet original était de couvrir non seulement la désintoxication et l'évaluation, mais également le traitement. Bien sûr, cela pourrait déclencher toutes sortes de contestations fondées sur la Charte à cause de lois semblables dans d'autres domaines, et cela devient très compliqué. De toute façon, il semble que l'on pourra faire en sorte qu'un parent amène son enfant pour évaluation et désintoxication dans un délai de cinq jours. L'espoir est qu'une fois le jeune sevré et une fois qu'on lui aura offert des options, il cherchera à suivre un traitement par le biais de tous les programmes que nous avons déjà en place.

Mon espoir est qu'avec les programmes de jour que nous avons déjà et les deux nouveaux centres de désintoxication et d'évaluation qui sont complètement volontaires, il ne nous sera même pas nécessaire de recourir à cette loi, ou en tout cas moins que cela n'aurait pu être le cas, et que les jeunes verront que ces endroits existent et qu'il leur faut y aller. J'ai un ami qui a vécu cela et il vaudrait mieux que je me reprenne un petit peu en mains sans quoi je vais je retrouver comme l'autre copain qui n'a jamais rien fait et qui est mort.

Le sénateur Callbeck : A-t-on tenté ailleurs le diagnostic et la désintoxication obligatoires?

M. Rodney : Je pense qu'il a été question dans différents endroits d'adopter des lois. Monsieur Finnerty, connaissez- vous un quelconque endroit en Amérique du Nord qui soit aujourd'hui doté d'une loi du genre?

M. Finnerty : Il y a quelques États américains qui ont en place ce genre de loi. Les résultats ont été variables. Cependant, j'imagine que la position que nous adopterons à l'AADAC est que tout outil qui nous permet d'engager avec les jeunes nous donne une chance.

Comme l'a indiqué M. Rodney, il y a ici de nombreuses ramifications administratives et juridiques qu'il me faut examiner. Cependant, c'est encore une autre avenue qui permet aux parents de placer leurs enfants en traitement. Pour répondre à votre question, il y a toujours deux côtés à chaque médaille. Il y a quelques endroits qui ont tenté cela.

Nous imposons un traitement obligatoire si le jeune est dans le système judiciaire. Les services de justice pour les jeunes nous renvoient souvent des jeunes pour traitement. Cependant, il faut que le jeune ait commis un crime et qu'il soit déjà entre les mains des autorités. Nous ne voulons certainement pas criminaliser ceci.

M. Rodney : La recherche indique, bien sûr, que les résultats sont variables dès lors que des enfants passent par un programme obligatoire. J'ai discuté avec un certain nombre d'étudiants d'un peu partout en Alberta et qui font partie de notre comité consultatif de jeunes. Ces jeunes ont expérimenté avec — quantité de drogues, d'activités criminelles, qu'il s'agisse de prostitution, de vente de drogue, ou autres — et ils ont plongé assez bas mais ils s'en sont sortis. Un conseil qu'ils nous ont donné, et qui est appuyé par la recherche est le suivant : ne légiférez pas en matière de traitement. Sevrez-les, faites des évaluations mais il faut que ce soit volontaire. C'est triste à dire, mais dans le cas de nombreux jeunes gens il leur faut toucher le fond avant de reconnaître qu'ils ont un problème et de commencer à y travailler.

Je compte beaucoup qu'avec les centres volontaires que nous allons lancer ce sera là l'ouverture dont les gens ont besoin et qu'il ne sera pas nécessaire de les obliger, car personne n'a envie de faire quelque chose s'il y est forcé.

Le sénateur Callbeck : Madame Steinhauer, cela fait combien de temps que vous avez des comités régionaux dans cette province?

Mme Steinhauer : Peut-être que M. Rodney saura mieux répondre à cette question que moi. Je dirais que cela doit faire au moins dix ans.

Le sénateur Callbeck : Vous versez simplement les programmes de santé mentale aux commissions régionales?

Mme Steinhauer : Nous avons bel et bien régi le système tout entier jusqu'à il y a environ deux ans. Les services directs ont été transférés aux neuf régions de santé, et la Mental Health Board demeure responsable des services d'intervention, de contrôle, de surveillance et judiciaires, que nous sous-traitons à certaines des régions. En d'autres termes, il y a des éléments dont nous continuons d'assurer la gouvernance.

Cependant, le gros morceau est l'élaboration et la mise en œuvre continues de ce plan provincial de collaboration visant la santé mentale. Lorsque je suis arrivée à la commission il y a de cela six ans, nous avions 17 régions de santé et 17 définitions différentes de services d'extension communautaires. Nous sommes maintenant en train d'intégrer au système des connaissances communes, un langage commun, des pratiques normalisées et des pratiques exemplaires.

Comment intégrons-nous la recherche dans le système? Il y a un groupe de travail permanent qui examine l'aspect mise en œuvre dans toutes les régions de santé afin que nous ne nous retrouvions pas avec neuf formes différentes de services de santé mentale.

La question est de savoir comment faire pour bâtir le réseau le plus exhaustif possible afin que les gens puissent passer d'un système à un autre et avoir le sentiment de bénéficier du même niveau de soins.

Le président suppléant : J'entends les mots « exécutoire » et « obligatoire ». Lorsque vous utilisez le terme « obligatoire », dans le contexte d'un enfant, qui décide? Est-ce le parent? Est-ce l'État? Qu'entendez-vous par obligatoire? Puis l'on passe au système carcéral pour les jeunes contrevenants, et qu'entendez-vous alors par exécutoire? J'ai le sentiment que ce choix n'est plus une option; c'est obligatoire et c'est exécutoire. Pourriez-vous m'aider à comprendre cela?

M. Rodney : Je sais que les responsables à l'AADAC ont été consultés dans le cadre de ce processus. Monsieur Finnerty, vous voudrez peut-être nous entretenir de cela. D'après ce que je comprends, si vous êtes le parent d'un enfant dont vous savez qu'il a un problème — encore une fois, ils y travaillent. À l'heure actuelle, c'est un juge, et comment décide-t-on où le jeune doit être envoyé? Non, ils n'auraient pas le choix. Ce sont des mineurs et ils seraient envoyés pour désintoxication et évaluation.

Le président suppléant : Ma question est la suivante: est-ce le parent ou l'État qui décide?

M. Rodney : D'après ce que je comprends, ce n'est pas l'État. L'État intervient. À un moment donné, nous nous sommes penchés sur toutes les possibilités : devrait-il s'agir d'un enseignant, d'un policier, et cetera, et je pense qu'on a dit qu'il faudrait que cela vienne du parent, non?

M. Finnerty : Je ne pense pas que nous voulions insister trop lourdement sur cet aspect exécutoire. Le gros des traitements offerts en Amérique du Nord sont volontaires, et nous avons très bien réussi avec cela et les gens sont nombreux à dire que c'est ainsi qu'il faudrait que cela demeure. Comme le veut le bon vieux dicton, on ne saurait faire boire un âne qui n'a pas soif. C'est lui qui doit décider.

Ce qui s'est passé en Alberta c'est que l'on a adopté un projet de loi d'initiative parlementaire qui permettra au parent d'obtenir une ordonnance de la cour pour faire ramasser un enfant — un enfant âgé de moins de 18 ans — et le faire amener à un centre de désintoxication pour évaluation. Comme vous pouvez le comprendre, cela soulève d'énormes problèmes administratifs et(ou) juridiques. Par exemple, les tribunaux ont tendance à traiter les jeunes âgés de 15, 16 et 17 ans comme des adultes, alors il leur faudrait donner leur consentement. Nous savons que c'est ce qui va se passer. Nous parlons ici de jeunes âgés de 12 à 14 ans et Dieu sait qu'il ne faudrait pas qu'ils aient leur mot à dire.

Il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire qui n'a pas encore été promulgué. Je ne voudrais cependant pas trop insister là-dessus car la majorité des traitements sont volontaires, sont en place; c'est un bon système et nous pensons que ces nouveaux centres viendront combler les lacunes.

Notre souci concernait les parents qui ont des enfants qui se sont enfuis de la maison, qui sont dans la rue. Les parents savent, par exemple, qu'ils sont accros au crystal meth et ils ne savent pas quoi faire. Ils ne savent pas vers qui se tourner. Nous comprenons certainement cette frustration et c'est de là qu'est né le projet de loi. Il ne s'agit pas d'un phénomène prévalent. Nous sommes sans doute les premiers — nous sommes la première province à se doter d'une loi de ce genre. Cependant, comme je l'ai dit, elle n'a pas encore été promulguée. C'est un projet de loi d'initiative parlementaire.

Le président suppléant : Je ne sais pas si certains d'entre vous avez vu The National d'hier soir ou une partie de The Journal, parce que c'était une rediffusion. L'on y montrait le parcours d'un parent et d'une adolescente droguée, et c'était un voyage incroyable. Le reportage a donc été rediffusé hier soir.

Je me demande simplement où réside la responsabilité à l'égard des enfants, entre le parent et l'État. Où doit-on tirer la ligne de démarcation? J'imagine que c'est une question de jugement, et selon la province dans laquelle vous vivez, ce sera fonction de l'âge de l'enfant.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez, madame Steinhauer. Lorsque nous parlons d'enfants, d'évaluation et d'intervention précoce, nous utilisons le terme « école ». Dans ma tête, cela m'amène aux années formatrices que les enfants dans la société d'aujourd'hui passent dans des garderies. Je me demande si nous nous sommes penchés sur ce phénomène et si nous devrions l'examiner, dans le contexte du problème de la déficience de l'attention, par exemple. De nos jours, les enfants passent jusqu'à trois années en garderie. Lorsqu'on parle d'intervention précoce, qu'est-ce qu'on examine? Je pense qu'il nous faut ici chercher à l'extérieur de la boîte. Après tout, lorsque les enfants sont récupérés à la garderie, c'est l'heure du souper. La journée en garderie correspond à la journée d'école pour les plus grands. Cela ne laisse plus beaucoup de temps pour les familles. Je pense qu'il nous faut être réalistes et déterminer là où ils passent le gros de leur temps.

J'aimerais simplement vous inviter à vous prononcer là-dessus, si c'est quelque chose que vous avez examiné.

Mme Steinhauer : Je pense que vous avez raison. Je pense que les garderies comptent parmi les endroits que nous devrions examiner. Nous devrions par ailleurs, par le biais des programmes de santé, bâtir un morceau santé mentale, pour aider les gens à bâtir la capacité requise pour reconnaître et réagir.

Chaque fois qu'il vous est possible d'avoir un concept de soins partagés cela vous livrera des réactions différentes et meilleures aux problèmes émergents — et, il faut l'espérer, plus rapidement. Encore une fois, il faut espérer que nous apprendrons à réagir mieux, que nous ferons du meilleurs travail d'extension auprès des parents. À l'heure actuelle, à moins qu'un parent ne vienne nous voir avec son enfant, nous n'avons pas beaucoup de moyens de l'identifier. Comment pénétrer dans leur maison sans être trop intrusif? Ce sont là de grosses préoccupations.

De nos jours, les parents sont stressés. Il existe de nombreuses familles monoparentales. Je pense qu'elles font de leur mieux avec l'énergie et les ressources dont elles disposent. Nous savons que la grosse période de risque pour les enfants, celle au cours delaquelle ils risquent le plus de s'attirer des ennuis et au cours de laquelle ils ont besoin de soutien supplémentaire c'est la plage de 16 h à 18 h chaque jour. Ce n'est pas le vendredi soir, c'estde 16 h à 18 h chaque jour.

Avons-nous en place des options pour les parents? Comment gérons-nous cet élément-là? Comment assurer un soutien élargi aux parents afin que les jeunes bénéficient du genre de surveillance parentale et de soutien dont ils ont besoin pour être sains? Je pense qu'il importe, dans tous les endroits que fréquentent les enfants et les jeunes, de comprendre quels sont leurs problèmes sans pour autant devoir tous être des experts en éducation des jeunes enfants.

Le président suppléant : Ce qui m'a poussée à poser cette question c'est qu'il y a deux semaines je me suis trouvée chez ma fille et elle m'a demandé, « Pourrais-tu t'occuper du bébé la semaine prochaine pendant que j'emmène John pour une évaluation? » Je lui ai demandé, « Pourquoi faire? Il a trois ans. Pourquoi l'emmènes-tu pour une évaluation? » Et elle m'a dit, « Il lui faut en avoir une avant d'aller à la garderie ».

Mme Steinhauer : Quoi?

Le président suppléant : « Il lui faut en avoir une avant d'aller à la garderie ». Il va aller dans une prématernelle, ou une garderie, je ne sais trop comment appeler cela, en septembre. Dans ma province, il lui faut se faire évaluer par le médecin de famille.Est-ce le cas dans d'autres provinces? Est-ce une chose qu'il faudrait faire?

Mme Steinhauer : Je sais que les infirmières hygiénistes vérifient ces jalons de développement. Elles le font très consciencieusement. Encore une fois, c'est volontaire. Cependant, si un enfant n'apparaît pas sur l'écran radar, je ne sais pas dans quelle mesure une infirmière hygiéniste va aller faire des visites à la maison en disant, « Nous aimerions vraiment voir où vous en êtes avec vos capacités parentales ». Je veux dire, je ne sais trop comment j'aurais réagi à ce genre de chose si quelqu'un était venu frapper à ma porte.

Je pense que c'est là un élément important. Les infirmières hygiénistes surveillent les jalons de développement et nous nous efforçons de repérer les aspects pour lesquels nous pouvons intervenir rapidement.

Le président suppléant : Dans ce cas-ci, c'était une initiative de la garderie. La garderie exige une évaluation faite par le médecin de famille.

Mme Steinhauer : Ce n'est pas une exigence ici. Je travaille avec une garderie. Mais c'est un concept intéressant —

Le président suppléant : En effet. C'est ce que j'ai pensé. À partir de quel moment appelle-t-on cela « intervention précoce »? À l'âge de six ans ou à l'âge de quatre ans? À partir de quel moment? Le même petit bonhomme est revenu de l'hôpital à l'âge de deux jours avec un sac contenant un livre intitulé A Literacy Program. C'était en Nouvelle- Écosse.

Mme Steinhauer : Formidable.

Le président suppléant : L'accent était mis sur la nécessité d'apprendre à lire. Je suppose que nous sommes aussi divers dans ce pays sur le plan de nos programmes que sur celui de nos gens.

Le sénateur Tardif : Étant donné mes antécédents universitaires, j'ai été très intéressée, madame Steinhauer, par vos commentaires au sujet de la recherche et de l'importance de la dissémination des résultats de travaux de recherche et du transfert de connaissances. Dans quelle mesure travaillez-vous avec des universités ou des instituts de recherche? Vous avez mentionné dans votre mémoire qu'il y a des désincitatifs qui découragent les chercheurs de se lancer dans le domaine de l'étude de la santé mentale. Vous pourriez peut-être réagir à ces deux questions, soit les relations avec les universités et les programmes de recherche de façon à veiller à ce que soient distribués les importants résultats de recherche, ainsi que les désincitations, les facteurs qui découragent les chercheurs à se lancer dans tout le domaine de la santé mentale.

Mme Steinhauer : À une époque, il y avait des dollars disponibles pour la recherche en santé mentale dans la province, mais ces fonds ont été grugés au fil du temps. En fait, il n'y a rien eu depuis quelque temps, alors la santé mentale est ainsi depuis plusieurs années en quelque sorte le parent pauvre dans tout le domaine de la recherche, ce qui décourage, je pense, les gens de s'y lancer. Fort heureusement, nous avons déposé un plan de recherche exhaustif qui a été élaboré en fait en collaboration avec les universités et les différents programmes de recherche dans la province. Il est bien intégré et vient se greffer sur les réussites passées, et cela viendra accorder à la recherche en santé mentale des ressources qui n'étaient pas là depuis quelque temps.

Le sénateur Tardif : Cela commence donc tout juste, n'est-ce pas?

Mme Steinhauer : Oui. Le document est là pour consultation, mais il n'a pas encore été actualisé. Nous n'avons pas encore mis en œuvre le plan.

Le sénateur Tardif : C'est une bonne nouvelle.

Mme Steinhauer : C'est en effet une bonne nouvelle.

Le sénateur Trenholme Counsell : J'aimerais que l'on parle un peu intervention précoce. Je pense que les exigences en matière d'immunisation sont telles que les enfants doivent être vus aux environs de l'âge de trois ans, et c'est la même chose à l'échelle du pays à cause du programme d'immunisation ou des piqûres de rappel.

Bien souvent, dans le cadre de ces audiences, nous entendons dire que le problème augmente énormément ou rapidement, et ainsi de suite. J'aimerais connaître vos opinions : Les gens se consacrent-ils vraiment à cette cause? Est- ce vraiment cela, ouest-ce le diagnostic? Nous avons entendu un jeune homme très bien qui nous a parlé des gens à Vancouver qui commencent à parler de leurs problèmes de santé mentale.

J'aimerais retrancher du tableau le facteur consommation de drogues, parce que je considère que c'est un facteur en soi. Cela fait certainement partie de la maladie mentale et peut en causer, mais j'aimerais mettre cela à part, bien que ce ne soit pas un problème distinct. Qu'en pensez-vous : la maladie mentale augmente-t-elle autant que certains le prétendent?

M. Rodney : Je pourrais peut-être remplir les blancs et y ajouter la maltraitance des enfants et d'autres phénomènes que nous vivons. Est-ce que cela est aujourd'hui plus courant? C'est vraiment là votre question : cela est-il à la hausse?

Le sénateur Trenholme Counsell : Je voulais parler de la maladie mentale. J'entends par là tout l'éventail, allant de la dépression réactionnelle à la schizophrénie, et cetera Est-ce qu'il y en a plus?

M. Rodney : Puisque le sénateur pose une question qui s'inscrit davantage dans votre domaine, madame Steinhauer, je vous cède la parole. Je pourrais donner une réponse côté drogues, mais ce domaine-ci est le vôtre.

Mme Steinhauer : Ce me semble être une question de prévalence, et nous ne disposons pas de bons moyens pour compiler ces données. Nous avons des exemples qui en quelque sorte illustrent pour nous une source d'inquiétude, et je pourrais vous citer une chose qu'examine à l'heure actuelle le Mental Health Board, et c'est toute la question du Ritalin et du nombre d'enfants à qui l'on prescrit ce médicament. Il y a des parents et des enseignants qui viennent nous voir car les enfants font la queue dans les couloirs pour qu'on leur distribue leurs médicaments, ce qui est intenable pour beaucoup de gens. Nous sommes en train d'examiner cela pour voir de quoi il retourne exactement.

Le sénateur Trenholme Counsell : Quel pourcentage des écoliers albertains prennent du Ritalin?

Mme Steinhauer : Je ne connais pas la réponse à cette question. Je suis certaine que nous pourrions obtenir ce renseignement.

Le sénateur Trenholme Counsell : Cinq pour cent, 2 p. 100,10 p. 100?

Mme Steinhauer : Je ne sais pas, mais il a une croyance persistante qu'il se pratique de la surmédication. Ce médicament est-il la bonne réponse pour les bonnes raisons? Les questions sont là, car les nombres augmentent. Ils sont suffisamment importants pour que cela nous inquiète. Ce ne sont pas des cas isolés, mais des groupes d'enfants.

Une autre préoccupation est le syndrome d'alcoolisme fœtal. Dans certaines régions, l'on a tendance à présumer que tous les troubles de comportement sont dus au syndrome d'alcoolisme fœtal, selon l'endroit où vous êtes, l'histoire de l'endroit, le climat social et émotionnel et les relations entre les gens. Les gens se raccrochent à cela comme explication de ce qui se passe, et dans d'autres endroits, ça va être l'hyperactivité avec déficit de l'attention.

Cela ne veut pas dire qu'il ne se fait pas du bon travail diagnostic; c'est simplement que les gens sont très prompts à renvoyer les enfants qui présentent un comportement de mise en acte, du fait de mauvaises pratiques parentales, exprimé comme hyperactivité avec déficit de l'attention en salle de classe, en pensant qu'il s'agit d'autre chose. La question est de savoir s'il s'agit d'un problème médical ou d'un problème familial? Je ne pense pas que nous soyons bien renseignés en la matière.

Le président suppléant : J'aimerais moi aussi vous féliciter de votre vision présentée dans votre rapport tourné vers l'avenir dans votre domaine. Ces 50 années d'expérience devraient compter pour quelque chose. J'ai personnellement très hâte de livre votre document intitulé Building Capacity — A Framework for Serving Albertans, et cetera.

Il est un terme dont nous n'avons pas parlé ce matin — stigmate. Comment traiter de la question du stigmate? L'autre question brûlante pour moi est la suivante : En avez-vous traité dans votre rapport sur les perspectives futures?

La deuxième chose que j'aimerais vous demander de m'aider à comprendre est le point d'entrée. Vous dites que les services communautaires devraient s'organiser et qu'il devrait y avoir un gestionnaire de cas primaire ou point de contact unique. Si une personne ne se sent pas bien et est à la recherche d'un diagnostic, est-ce que le médecin de famille ne serait pas le premier point de contact pour que cette personne ait accès au système, le gestionnaire de cas primaire se chargeant ensuite du cheminement? Je n'ai vu aucune mention de gardien, si vous voulez. On nous raconte d'un bout à l'autre du pays que le gardien de la porte est le médecin de famille, mais malheureusement, certaines personnes n'ont pas de médecin de famille. J'aimerais bien entendre vos commentaires là-dessus.

M. Rodney : Par « stigmate » voulez-vous parler du fait que les gens sont si nombreux à ne pas vouloir reconnaître qu'ils ont un problème de drogue et autre, et un problème de santé mentale?

Le président suppléant : L'un ou l'autre.

M. Rodney : Il y a d'autres éléments que nous pourrions faire intervenir ici également. Je vais répondre depuis ma perspective, et je suis certain que vous aimeriez également entendre la perspective de Mme Steinhauer.

Je pense que la société est en train d'aider s'agissant de stigmate et de questions de consommation de drogues. Cela ne me fait pas plaisir de le dire, mais cela est presque devenu cool d'avoir un problème de toxicomanie du fait des stars de Hollywood qui vivent cela. Il vous suffit d'ouvrir la revue In Style ou autre et vous y verrez qu'il y a quelqu'un qui part en cure ou en désintoxication ou autre. C'est peut-être le fait que l'on démystifie un peu les choses ou que cela injecte une pression positive de la part des pairs. Je ne sais pas. Quel que soit le cas, je pense que les gens reconnaissent plus rapidement qu'il y a un problème et recherchent plus vite de l'aide, et c'est la même chose autour d'eux. C'est un peu la même chose qu'avec la maltraitance d'enfants et d'autres problèmes que tolère moins la société. J'ignore s'il y en a plus ou moins que par le passé, mais les gens sont plus prompts à constater qu'il y a un problème dont ils doivent s'occuper.

En ce qui concerne le gestionnaire de cas primaire et le médecin de famille, dans cette province et à l'échelle du pays, nous savons en effet tous qu'il y a une grave pénurie de médecins de famille. Nous avons mentionné plus tôt les éducateurs. Les médecins de famille sont dans le même bateau. Il me semble qu'ils sont tout simplement débordés en ce moment.

Je n'ai pas rédigé le rapport. Peut-être que M. Bell ouM. Finnerty pourraient vous fournir une réponse plus détaillée à cette question.

M. Bell : Certainement. Notre cadre s'appuie sur le modèle de la Colombie-Britannique selon lequel chaque porte est la bonne porte. Le cabinet du médecin est l'une de ces portes : ce n'est qu'une porte, mais c'en est une, et c'est une porte importante.

Oui, les gens sont nombreux à atterrir en traitement de toxicomanie ou en services de traitement de santé mentale après être passés par le bureau de leur médecin. En Alberta, beaucoup se présentent directement à un bureau de l'AADAC, si leur problème est de cette nature-là, ou à une clinique de santé mentale, si leur problème s'inscrit dans ce registre-là.

L'une des choses que nous reconnaissons pleinement c'est l'énorme système de soutien informel qui existe : les services de santé mentale et les services de toxicomanie informels qui sont offerts par des enseignants, des membres du clergé, par tout un pot-pourri de gens. Par ailleurs, nos groupes d'auto-assistance pour lutter contre la toxicomanie sont une autre grande porte par laquelle les gens peuvent accéder à des services.

Ce que nous disons, c'est que tout service peut être une porte potentielle, et cela peut commencer avec la santé, car il nous faut commencer quelque part, alors autant commencer par les agences de santé. Cela englobe également la justice et l'éducation et tous ces autres services peuvent eux aussi être la bonne porte par laquelle une personne accède au service dont elle a besoin. Cela ne veut pas dire qu'elle y reçoit forcément les services dont elle a besoin, mais le simple fait de franchir le seuil de la porte l'amène à être renvoyée au bon endroit.

Le président suppléant : Je comprends ce que vous dites, mais pour la personne qui ne se sent pas bien, pour accéder à l'une ou l'autre ou à toutes ces portes, cela peut — Oh, je ne vais pas m'en donner la peine, c'est trop intimidant. L'approche de collaboration doit l'emporter, afin que l'intéressé — vous, moi, n'importe qui — qui est en train de faire ce parcours obtienne les meilleures services possibles. Pour moi la clé est de savoir qui est la première porte par laquelle le citoyen ordinaire aurait accès?

M. Bell : Je pense que l'autre élément essentiel est ce que j'appellerais un transfert chaleureux. En d'autres termes, en tant que prestataire de services, si nous renvoyons quelqu'un en disant simplement, « Mardi prochain en après-midi vous devez vous présenter à tel endroit pour rencontrer un autre étranger », c'est là une approche. Une autre approche est de faire un renvoi chaleureux en accompagnant en fait la personne à l'autre endroit et en lui disant, « Voici Sally, et elle va vous rencontrer mardi prochain et voici certaines choses auxquelles elle va travailler avec vous ».

Notre modèle traite aussi de l'importance de la gestion de dossiers, avec au sein du système une personne — présumément ou en tout cas habituellement la première porte — qui deviendra mon défenseur; cette personne va en fait m'accompagner pour tous les services dont j'ai besoin, selon mes besoins.

Le président suppléant : Si nous allons livrer un continuum de services aux personnes qui en ont le plus besoin, dans ce cas-ci les consommateurs de services de santé mentale, alors il faut qu'il y ait une prestation de services sans couture. Ce n'est pas comme lorsque vous avez mal au bras ou mal à une jambe, auquel cas c'est physique; c'est dans la tête. La maladie mentale, ce n'est pas facile à voir. Nous avons envisagé différents modèles et en avons discuté. Celui que j'aime, j'appelle cela le « guichet unique ». En d'autres termes, c'est un endroit où , dans un cadre communautaire, il y a, réunies ensemble, les différentes personnes pouvant s'occuper holistiquement d'un patient pour l'accompagner tout au long du continuum jusqu'au rétablissement, si vous voulez.

Avez-vous une expérience ou avez-vous regardé ces genres de modèles communautaires : un médecin, une infirmière, un psychiatre, un psychologue, et tout autre intervenant qui serait requis dans ce cadre? Il n'est pas nécessaire que ces gens-là soient sur place, vous savez, de 8 h à 4 h ou autre. Ils peuvent aller et venir dans les cliniques en fonction des besoins, surtout en milieu rural.

Mme Steinhauer : Oui.

Le président suppléant : Nos populations urbaines ont des besoins différents de ceux de nos populations rurales. Je comprends les besoins ruraux. Je viens de ce que j'appellerais une région rurale. Ma ville compte 175 000 personnes, et après cela, ce ne sont que de petites localités. J'aimerais savoir comment nous pourrions livrer ces merveilleux services, idées et pratiques, de façon pratique, dans les régions isolées de notre pays.Pourriez-vous m'aider là-dessus?

Mme Steinhauer : Vous parlez là de certaines choses qui me touchent, car je viens moi aussi d'une région rurale. Toute la question du stigmate, pour commencer, est bien présente, et pour les problèmes de toxicomanie et pour les questions de santé mentale, et nous avons certaines initiatives provinciales en cours. Cependant, c'est un domaine dans lequel il nous faut, je pense, une campagne nationale.

Je pense qu'au fur et à mesure que nous tendons plus vers des modèles de soins partagés, nous comprenons que les médecins, les médecins de famille, sont le point d'entrée principal pour les personnes souffrant de maladie mentale, de troubles de santé mentale. La question suivante est celle-ci : que faisons-nous pour bâtir leur capacité de répondre? C'est plus facile dans les centres urbains où vous êtes peut-être voisin d'un psychiatre, d'une unité de psychiatrie ou d'une autre ressource du genre. Dans de telles situations, le renvoi, le transfert de dossier et le suivi peuvent se faire très rapidement. Cependant, en région rurale, lorsque vous avez des ressources éparses, c'est un tout autre tableau; vous n'avez pas ces soutiens spécialisés. C'est pourquoi nous nous sommes attachés à bâtir cette capacité.

Nous avons également dans la province la télésanté et la télésanté mentale, et cela a été d'une aide précieuse aux médecins de famille qui peuvent ainsi non seulement accéder immédiatement à un psychiatre et à des services psychiatriques de soutien ou autre, mais à une formation permanente dans ces domaines par le biais de sessions de télésanté mentale.

Toute la question des troubles doubles, et celle de savoir si les gens comprennent en région ce que sont les troubles de l'alimentation ou autres... Dans tous ces cas les médecins disent, « Il nous faut en savoir plus là-dessus ». Nous pouvons leur offrir des sessions de formation de télésanté par vidéoconférence, et nous pouvons offrir des programmes dans d'autres disciplines, et pas simplement médicales.

Nous nous efforçons de monter des équipes de soignants dans ces collectivités où le médecin est la principe porte d'entrée, et la question côté ressources de soutien est alors celle de savoir comment utiliser ces technologies dont nous disposons pour améliorer leur capacité de répondre aux besoins. Des gains sont en train d'être faits, mais ce n'est pas une question que nous réglerons rapidement, surtout en région isolée.

Maintenant que nous tendons vers des modèles de soins partagés, je suis heureuse qu'il y ait de plus en plus de gens et que nous parvenions véritablement à démystifier la santé mentale, ce qui est, je pense, une bonne chose. Il nous faut la démystifier. Il nous faut mettre plus d'éléments aux mains des parties prenantes, car les intervenants ne se résument pas aux seuls médecins. Il pourrait en fait s'agir d'un soutien de famille. Il pourrait s'agir d'un propriétaire d'entreprise. Au fur et à mesure que nous démystifierons la question et que nous mettrons davantage de connaissances pratiques et d'outils pratiques aux mains des travailleurs des premières lignes, je pense que nous créerons ce concept de soins partagés.

Le président suppléant : Merci. Nous parviendrons à changer les choses en travaillant ensemble. J'envisage avec plaisir de lire votre document et je vous remercie de cet échange que nous avons pu avoir ici ce matin.

La séance est levée.


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